Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 5 - Témoignages du 17 novembre 2011
OTTAWA, le jeudi 17 novembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 12 h 3 afin d'examiner, pour en faire rapport, les dispositions et l'application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel), L.C. 1997, ch. 30.
Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.
Le président : Chers collègues, notre réunion commence. Bonjour et bienvenue à chacun d'entre vous et à notre invité, que je vais vous présenter dans un petit moment, qui témoignera aujourd'hui par vidéoconférence. Je suis le sénateur Wallace du Nouveau-Brunswick et je préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Comme vous le savez, nous sommes ici aujourd'hui pour notre troisième réunion de la présente session parlementaire afin d'examiner, pour en faire rapport, les dispositions et l'application du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel relative à la communication des dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel.
En 1997, en réponse à la décision de la Cour suprême du Canada (CSC) dans R. c. O'Connor, le Parlement a adopté le projet de loi C-46, créant ainsi le cadre législatif actuel, énoncé aux articles 278.1 à 278.91 du Code criminel.
Le projet de loi C-46 visait à renforcer la protection de la vie privée et à garantir les droits à l'égalité des plaignants dans des causes relatives à des infractions d'ordre sexuel en limitant la communication à l'accusé des dossiers privés détenus par des tiers. Le projet de loi a inscrit dans le Code criminel la liste des motifs jugés insuffisants pour obtenir l'accès à des dossiers personnels ou thérapeutiques, ainsi que les facteurs que le juge doit considérer pour déterminer si les dossiers doivent être communiqués ou pas, notamment les droits à la vie privée et à l'égalité du plaignant et les droits de l'accusé à une défense pleine et entière.
Dans le préambule du projet de loi, on insistait sur les préoccupations du Parlement au sujet de la violence sexuelle contre les femmes et les enfants et sur la nécessité d'encourager les victimes à dénoncer les infractions d'ordre sexuel. On y indiquait que les victimes d'agression sexuelle ne dénonçaient pas de tels actes et se privaient des services de traitement de crainte de voir leur vie privée étalée sur la place publique.
Notre comité a reçu un ordre de renvoi du Sénat le 4 octobre 2011 afin d'examiner, pour en faire rapport, les dispositions et l'application de la Loi modifiant le Code criminel. Au cours de la dernière session parlementaire, le comité a organisé deux réunions et a entendu un grand nombre de témoins.
Au cours des quatre dernières semaines, nous avons notamment entendu le témoignage de madame Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée, ainsi que ceux des représentants de quatre autres organismes distincts qui s'occupent de questions relatives à la prévention des agressions sexuelles et à la prestation de services aux victimes d'agression sexuelle. De plus, nous avons également entendu M. Phil Downes, directeur du Conseil canadien des avocats de la défense, et, hier, M. Donald Stuart, professeur à la faculté de droit de l'Université Queen's.
Aujourd'hui, mes chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir à notre comité, par vidéoconférence, l'honorable Andrew Swan, ministre de la Justice et procureur général du Manitoba. Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui, en dépit de votre emploi du temps très chargé.
L'honorable Andrew Swan, M.L.A., ministre de la Justice et procureur général du gouvernement du Manitoba : Bonjour. Je remercie beaucoup les membres du comité de me donner l'occasion, aujourd'hui, de faire une déclaration au sujet d'une question que nous jugeons importante. Je vous parle depuis une salle d'audience du Palais de justice de Winnipeg, qui se trouve en face de notre Assemblée législative provinciale. Je ne peux pas résister à l'envie de vous dire que je suis également à quatre coins de rue du MTS Centre où nos Winnipeg Jets vont jouer ce soir.
Je suis heureux de m'exprimer devant votre comité au sujet des articles du Code criminel relatifs à la communication des dossiers privés détenus par des tiers dans les poursuites pour agression sexuelle. La position du Manitoba est que les modifications apportées au Code criminel et promulguées en 1997 constituent certainement un équilibre juste et raisonnable entre les droits d'un accusé à une défense pleine et entière et les droits du plaignant à ne pas être soumis à une enquête envahissante, voire même à une véritable intrusion dans sa vie personnelle. Le Manitoba prend très au sérieux la prévention des agressions sexuelles et les poursuites en la matière, et s'engage à la fois à soutenir les victimes d'agression sexuelle et à éliminer les obstacles qui pourraient empêcher les victimes de dénoncer les agressions lorsqu'elles surviennent.
Je remercie le comité de m'avoir envoyé des questions très détaillées au sujet du soutien financier que reçoivent les victimes qui font face à une demande de communication de dossiers personnels, que je nommerai simplement « demande en vertu de l'article 278 » pendant toute ma déclaration. Je répondrai à vos questions après avoir donné de l'information de base sur la façon dont ces situations sont gérées au Manitoba.
Notre système au Manitoba est très simple : lorsque l'avocat de la Couronne sait qu'une demande sera présentée en vertu de l'article 278, il transmet l'affaire aux services aux victimes si ces derniers ne s'occupent pas déjà du plaignant.
Le plaignant reçoit alors les services d'un avocat indépendant pour discuter de la demande en vertu de l'article 278. Les honoraires pour ces services sont entièrement défrayés par le ministère de la Justice du Manitoba et non par le programme d'aide juridique qui est distinct. Tout plaignant, quels que soient ses moyens, reçoit cette aide de la province du Manitoba.
Lors d'une discussion, nos procureurs de la Couronne m'ont fait savoir que ces rendez-vous ne présentent généralement aucun problème et occasionnent rarement des retards dans les poursuites. Il y a peu d'avocats en pratique privée au Manitoba qui ont développé une expertise dans ce domaine et ce sont donc les mêmes qui finissent par gérer la plupart de ces dossiers au nom des plaignants. On me dit que, depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, il y a eu à ce jour 128 demandes présentées en vertu de l'article 278 qui ont été traitées de cette façon au Manitoba.
Voilà pour l'information de base. Je voudrais maintenant répondre à quelques-unes des questions très précises envoyées par le comité.
Étant donné que ce sont les procureurs de la Couronne qui transmettent l'affaire aux services aux victimes au Manitoba, les juges ne jouent pas un rôle actif pour transmettre le dossier à l'avocat. Votre comité a demandé à quel moment pendant les poursuites commence la représentation juridique. D'après ce que je comprends de l'article 278.3 du Code criminel, une demande relative à la communication des dossiers ne peut être présentée qu'au juge du procès. Les procureurs de la Couronne transmettent le dossier dès qu'ils savent que la communication des dossiers sera un problème, mais les avocats indépendants n'interviennent généralement que lors de la requête instruite par le juge du procès.
Votre comité a demandé de plus amples renseignements sur la façon dont l'avocat indépendant fournit son aide. Le Manitoba, en dépit de la croissance de sa population, a un barreau relativement petit où les avocats sont généralement coopératifs. Par ailleurs, la province compte peu d'avocats en pratique privée disponibles pour ce genre de travail. La Direction du contentieux civil s'occupe du mandat de représentation en justice et elle fait clairement savoir que le plaignant est le client; elle fournit des instructions en conséquence à l'avocat indépendant.
Votre comité a également demandé si un soutien financier était disponible pour couvrir les frais d'avocat pour les tiers détenant des dossiers qui voudraient apparaître ou intervenir dans les affaires d'agression sexuelle au sujet des dossiers qu'ils détiennent. Le Manitoba ne fournit pas normalement de soutien financier à de telles personnes ou à de tels organismes. À ma connaissance, les frais d'avocat n'ont jamais posé de problème à un tiers dans une quelconque affaire au Manitoba jusqu'à ce jour.
Vos autres questions s'appliquent à des provinces ou à des territoires où l'aide est fournie dans le cadre du programme d'aide juridique, je ne ferai pas de commentaires à ce sujet ni sur les pratiques d'autres provinces ou territoires.
En résumé, nous pensons, au Manitoba, que les articles 278.1 à 278.9 du Code criminel permettent d'équilibrer de façon raisonnable les droits de la victime et les droits de l'accusé. Au Manitoba, nous avons décidé de rendre nos procureurs de la Couronne responsables du signalement des cas où une demande sera présentée en vertu de l'article 278. Nos professionnels des services aux victimes interviennent ensuite auprès des plaignants et les aident, par l'intermédiaire de la Direction du contentieux civil, à trouver un avocat indépendant.
Nous pensons que c'est une bonne façon de procéder pour protéger les plaignants. Nous pensons que c'est également une bonne façon pour éviter l'effet dissuasif, dont vous avez parlé à l'ouverture de la séance, et amener les plaignants à se sentir suffisamment à l'aise pour dénoncer une agression et porter plainte.
Je serai heureux d'essayer de répondre à toutes vos questions et, au nom des Manitobaines et des Manitobains, je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette réunion ce matin.
Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Swan. Vos commentaires nous seront très utiles.
Nous allons maintenant céder la parole à nos sénateurs, à commencer par la vice-présidente, le sénateur Fraser.
Le sénateur Fraser : Votre exposé a été extrêmement intéressant. Vous avez un système remarquable et il était très utile d'en savoir plus à son sujet.
Depuis quand ce système fonctionne-t-il? Est-il relativement nouveau ou a-t-il été mis en place lors de la promulgation de l'article 278?
M. Andrew Swan : Je n'ai pas la réponse à cette question. Tout ce qu'on m'a donné, c'est le nombre total de cas, c'est-à-dire environ 10 cas par an au Manitoba. Je ne sais pas quand cette politique plus officielle a été mise en place.
Le sénateur Fraser : Si les chiffres sont bien de 128 et de 10 par an, avec un petit calcul nous pourrions avoir une réponse approximative.
Avez-vous de l'information à nous donner sur les coûts engagés par vos services aux victimes pour offrir les services d'un avocat?
M. Swan : Non, je n'ai pas le détail des coûts. Encore une fois, le nombre de cas par année est relativement petit. En général, la Direction du contentieux civil retient les avocats spécialisés dans ce domaine dont les honoraires sont raisonnables. De nouveau, étant donné que les avocats n'apparaissent que sur requête devant le juge du procès, le temps passé à représenter le client est relativement court.
Ce n'est pas un gros problème pour la province du Manitoba. Nous pensons que le coût relativement faible engagé est peu de chose pour protéger les plaignants dans les affaires d'agression sexuelle.
Le sénateur Fraser : Si je ne m'abuse, la raison pour laquelle votre politique utilise la Direction du contentieux civil plutôt que le programme d'aide juridique est qu'il n'est pas considéré approprié de faire subir un examen des ressources aux plaignants qui ont besoin de ce service. Vous dites que tout plaignant, quels que soient ses moyens, reçoit cette aide. Il me semble qu'il s'agit d'une politique qui considère que c'est quelque chose que l'on doit tout simplement offrir.
M. Swan : Au Manitoba, nous considérons qu'il s'agit plus d'un rôle propre aux services aux victimes qu'au programme d'aide juridique.
Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné que ce service était distinct du programme d'aide juridique. Pour quelle raison? Pourquoi ça ne fait pas partie du programme d'aide juridique?
M. Swan : Je pense que ma réponse à la question du sénateur Fraser pourrait répondre à votre question. Au Manitoba, les services aux victimes sont fournis à des victimes de crimes; nous ne procédons pas à un examen des ressources. Nous considérons que c'est aux services aux victimes d'offrir ce type de protection aux victimes dans des cas d'agression sexuelle. Au Manitoba, nous ne pensons pas qu'il soit approprié qu'une personne doive demander de l'aide juridique dans un tel cas et que ses moyens financiers l'empêchent d'être représentée par un avocat.
Le sénateur Runciman : Les critères sont différents dans ce cas pour ce qui est de l'admissibilité à l'aide.
Est-ce que vous assignez un avocat en pratique privée dans un cas d'agression sexuelle ou le plaignant a-t-il un rôle à jouer en ce qui concerne le choix de l'avocat qui le représentera?
M. Swan : On m'a informé que seul un petit groupe d'avocats a développé de l'expertise dans ce domaine au Manitoba. Étant donné le nombre de cas, il n'y a pas des milliers d'avocats pour faire ce genre de travail. C'est un groupe d'avocats suffisamment petit pour que la Direction du contentieux civil se sente à l'aise avec les avocats qui s'y trouvent.
Je ne sais pas si la Direction du contentieux civil discute en fait du choix d'un avocat particulier avec le plaignant, mais je sais que les personnes qu'elle retiendrait et rémunèrerait pour ce service auraient toute notre confiance pour faire le travail pour les plaignants de façon adéquate et efficace.
Le sénateur Runciman : C'est le taux du programme d'aide juridique qui s'appliquerait ou avez-vous un processus de facturation distinct? Avez-vous un plafond pour les honoraires que peuvent facturer ces avocats? Comment traitez-vous cet aspect?
M. Swan : La Direction du contentieux civil applique un tarif pour les avocats indépendants. Il n'est pas lié au taux du programme d'aide juridique.
Le sénateur Runciman : Est-il inférieur ou supérieur au taux du programme d'aide juridique?
M. Swan : Il est supérieur à celui du programme d'aide juridique.
Le sénateur Runciman : Comme nous le disions hier, l'un des premiers objectifs des dispositions législatives était d'encourager la déclaration d'incidents de cette nature. Vous parlez de 10 cas par an au Manitoba. Quelles conséquences pensez-vous que ces dispositions ont eues à cet égard, le cas échéant? Quel est votre point de vue à ce sujet?
M. Swan : Je pense qu'elles ont augmenté les chances que les victimes signalent ces agressions. Je pense qu'elles avaient pour but de prévenir la crainte chez les victimes de voir déballer leurs dossiers personnels et thérapeutiques devant un tribunal. Franchement, je crois que cela empêche une personne victime d'une agression sexuelle de penser qu'elle va être de nouveau victimisée lorsqu'elle témoignera en cour et pendant toute la durée du procès. Je pense que c'est une bonne chose pour que les gens viennent dénoncer les agressions et déposent plainte.
Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné les services aux victimes, mais utilisez-vous une approche plus globale pour sensibiliser davantage le public à l'offre de services de représentation juridique dans des situations similaires? Un certain nombre de nos témoins ont parlé de sensibilisation et du manque d'information sur les services disponibles pour ce type de problèmes. Est-ce que votre gouvernement fait quelque chose pour sensibiliser davantage le public à l'existence de cette aide?
M. Swan : Bien entendu. Au Manitoba, les procureurs de la Couronne jouent véritablement le rôle de protecteurs du public. Dans une situation pareille, les poursuites pourraient être bien avancées avant qu'on se rende compte qu'une demande sera présentée en vertu de l'article 278. Le procureur de la Couronne, qui est en contact avec la victime dans la plupart des cas, prendrait alors les mesures nécessaires pour s'assurer que les services aux victimes sont informés et qu'ils font leur travail.
Comme je l'ai déjà dit, la personne pourrait déjà recevoir l'aide d'un professionnel des services aux victimes. Si le plaignant a moins de 18 ans, il reçoit automatiquement l'aide des services aux victimes. S'il s'agit d'une agression sexuelle très grave, les victimes pourraient également déjà bénéficier des services d'un professionnel des services aux victimes.
Notre façon de faire semble bien fonctionner pendant les poursuites dans la province du Manitoba.
Le sénateur Runciman : Vous ne diffusez pas l'information de façon plus large, aux églises, aux cliniques médicales, aux médecins et à d'autres personnes ou organismes avec qui les victimes pourraient communiquer en premier lieu au lieu de se rendre dans un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle par exemple? Il n'y a rien de la sorte qui est fait?
M. Swan : Pas vraiment en ce qui concerne le ministère de la Justice, mais j'imagine qu'il existe d'autres sources d'information disponibles. Bien sûr, nous prenons la question des agressions sexuelles très au sérieux et de l'information est diffusée dans les centres de crise et dans les hôpitaux. Je dois admettre, cependant, que je ne sais pas si cela relèverait d'une possible demande de communication en vertu de l'article 278 dans le futur.
Le sénateur Runciman : Je ne suis pas expert en la matière, mais peut-être que quelqu'un d'autre pourrait mieux développer cet aspect que moi. Notre témoin d'hier, qui est professeur de droit à l'Université Queen's, a parlé de son inquiétude de voir le crime de viol assimilé à toutes sortes de crimes qui entrent dans la catégorie des agressions sexuelles. Il pensait qu'en raison de la gravité de ce crime particulier, nous devrions faire des distinctions pour traiter cette question. Je me demandais si vous aviez songé à cela.
M. Swan : Non, je suis ici aujourd'hui pour parler des articles 278(1) à 278(91) et faire savoir que nous désirons qu'ils continuent d'être appliqués à l'avenir.
Le sénateur Baker : Bienvenue à notre comité, monsieur Swan. Êtes-vous vous-même avocat?
M. Swan : Oui, j'ai exercé la profession d'avocat pendant 14 ans avant d'être élu.
Le sénateur Baker : Dans quelle branche du droit exerciez-vous?
M. Swan : Le droit de la famille.
Le sénateur Baker : Dans le droit de la famille, si des tiers détiennent les dossiers demandés et que le tribunal pense qu'une représentation juridique est justifiée pour ces personnes détenant les dossiers, le juge peut trancher la question et ordonner une représentation juridique aux taux du procureur général.
Comme on nous l'a expliqué hier, 95 p. 100 des affaires sont traitées devant un tribunal provincial. La Couronne, dans ces cas particuliers, choisit normalement toujours la procédure sommaire. Un accusé ne pourrait donc pas comparaître devant une cour supérieure pour le procès.
Avez-vous des idées pour corriger ce déséquilibre? En d'autres termes, si vous étiez devant une cour supérieure — en tant que détenteur des dossiers — vous pourriez obtenir le paiement des frais d'avocat. Si vous étiez devant un tribunal provincial, vous ne le pourriez pas. Si vous vouliez que les frais d'avocat soient payés par l'État, vous devriez faire une demande au programme d'aide juridique existant.
Avez-vous des objections à soulever ou des idées à nous donner au sujet d'une recommandation faite à notre comité de faire payer les frais d'avocat pour les tiers détenant des dossiers demandés en vertu de l'article 278?
M. Swan : D'après les recherches que j'ai effectuées pour préparer ma déclaration d'aujourd'hui, tout ce que je peux vous dire, c'est que je ne suis pas au fait de cas où les frais d'avocat pour un tiers ont présenté un problème au Manitoba. Vous avez parlé un peu de droit de la famille et de droit criminel. Dans le cas du droit de la famille, vous avez deux parties, chacune ayant ses propres intérêts et moyens. Le système criminel est un peu différent : en général, nous nous attendons à ce que l'État se charge des poursuites dans une affaire et, dans le même temps, le plaignant peut recevoir des services aux victimes. Je ne peux pas dire à quoi le Parlement pensait exactement en 1997, mais je pense qu'il est intervenu pour essayer d'égaliser un peu le terrain lorsqu'un accusé passait à l'attaque et demandait toute une série de dossiers, dans ce qui pouvait être simplement une recherche d'information à l'aveuglette destinée à nuire à la victime.
Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question, mais le point que vous avez soulevé n'a vraiment pas attiré mon attention ou celle des procureurs de la Couronne du Manitoba habitués à traiter ces cas depuis la promulgation de la loi.
Le sénateur Baker : Je voulais juste souligner que, dans le cadre du droit de la famille, vous avez raison : il y a deux parties. Cela étant dit, il y a souvent trois parties concernées — les enfants. Comme vous le savez, cette situation oblige parfois le tribunal à décider, selon l'âge des enfants, s'ils ont besoin d'une représentation juridique. Si cela survient au tribunal de la famille, le juge doit nommer un avocat. Je vois que vous faites un signe de tête affirmatif et que vous comprenez donc ce que je dis.
M. Swan : Oui.
Le sénateur Baker : C'est très différent. Vous dites qu'à votre avis, la province ne doit pas avoir la responsabilité de nommer un avocat pour les détenteurs des dossiers demandés. Vous dites plus ou moins que vous n'avez pas de preuves qu'un tel besoin existe pour mettre en place un mécanisme de ce type. C'est votre opinion, mais n'est-ce pas le rôle de la province? Que les services de représentation juridique soient offerts par le service du procureur général du Manitoba ou le programme d'aide juridique, l'argent sort du même budget, n'est-ce pas?
M. Swan : Dans les deux cas, ce sont les contribuables du Manitoba qui paient.
Peut-être que ça pourrait m'aider si vous me donniez un exemple précis d'un détenteur de dossiers tiers qui aurait son mot à dire d'une façon ou d'une autre en ce qui concerne la communication des dossiers. La raison pour laquelle nous finançons généralement cette couverture est de protéger le plaignant dans une affaire d'agression sexuelle. Vous pourriez peut-être me donner quelques exemples précis.
Le sénateur Baker : Nous avons eu des témoignages d'organismes œuvrant dans ce domaine. Ils nous ont laissé entendre qu'ils n'ont pas les moyens d'engager des avocats pour protéger les dossiers qu'ils détiennent. Ils veulent avoir leur mot à dire pendant l'action en justice. Parfois, dans la jurisprudence, on peut voir jusqu'à quatre avocats concernés par l'article 278 : un pour la Couronne, un pour la défense, un pour la victime et un pour l'organisme qui détient les dossiers demandés. Je pense que c'était ce qu'ils voulaient dire.
Pour en revenir à votre déclaration, les taux sont ceux du procureur général, qui sont plus élevés que ceux du programme d'aide juridique, comme vous l'a fait préciser l'ancien solliciteur général de l'Ontario, le sénateur Runciman. La personne ou victime concernée ne peut pas choisir son avocat. Est-ce que c'est bien là votre politique?
M. Swan : Je ne le formulerais pas ainsi. C'est un barreau plutôt collégial au Manitoba. La Direction du contentieux civil regroupe les avocats du gouvernement et s'occupe du mandat de représentation. Seul un tout petit nombre d'avocats font ce genre de travail et, de toute évidence, en cas de conflit ou de problème signalé par un plaignant ou une inquiétude, ils feraient de leur mieux pour trouver une autre personne. L'avocat serait sélectionné dans un petit groupe d'avocats.
Le sénateur Meredith : Ma question va dans le sens de celle du sénateur Runciman relative aux droits de l'accusé et de la victime. Je suis très intéressé à connaître ce que fait le gouvernement pour s'assurer que les victimes savent qu'elles ont droit à un avocat. Est-ce qu'on en informe le grand public ou les services aux victimes? Existe-t-il un mécanisme pour leur communiquer cela?
M. Swan : Il y a un certain service de base fourni à toute victime d'agression sexuelle. Ce service est offert lorsque la personne se présente dans un hôpital ou dans une clinique. Les services de police de Winnipeg — la GRC ou la force de police municipale — ont généralement quelqu'un qui travaille avec la victime dès le départ pour lui donner toute l'information nécessaire.
La demande en vertu de l'article 278 est technique, mais elle surviendrait bien plus tard pendant l'action en justice.
En général, l'information doit être fournie aussitôt que possible aux plaignants après leur déclaration. Je pense que de l'information plus précise serait seulement donnée au moment où on sentirait la menace d'une demande de communication.
Le sénateur Meredith : Ma question suivante porte sur l'encouragement des victimes à se présenter. Nous avons entendu M. Stuart hier dire que certaines victimes étaient toujours réticentes à le faire. Ces services sont en place, mais il faudrait encore que les gens les utilisent.
Quelles recommandations pourriez-vous faire à notre comité que nous pourrions mettre dans nos rapports et dire aux provinces : « C'est ce qui, selon nous, devrait être mis en œuvre afin d'encourager les victimes à se présenter. » La situation est encore problématique et nous essayons de la comprendre. Que recommanderiez-vous à notre comité de mettre dans le prochain rapport?
M. Swan : Je pense que nous devons être réalistes concernant ce que nous pouvons effectuer au moyen du Code criminel. Je pense que cet article a été mis en vigueur pour régler un problème particulier : des avocats de la défense partaient à la recherche d'informations à l'aveuglette, ce qui décourageait les victimes de porter plainte. Selon moi, ces dispositions permettent d'obtenir un équilibre approprié, car elles limitent la capacité des avocats de la défense de faire intrusion dans la vie personnelle d'une victime. Elles protègent les plaignants tout en garantissant à l'accusé une défense pleine et entière. Je ne sais pas si nous devrions recommander autre chose en particulier, à part de veiller à ce que ces dispositions soient respectées.
Le sénateur Meredith : Les articles se rapportant au projet de loi vous satisfont tels qu'ils sont. Vous pensez que davantage de victimes se présentent du moment que ces articles sont mis en œuvre?
M. Swan : De nouveau, je ne voudrais pas avoir trop l'air d'un avocat. Je vais le dire autrement.
Le sénateur Meredith : N'en êtes-vous pas un?
M. Swan : Si ces dispositions venaient à disparaître du Code criminel, j'ai peur que cela ait un effet dissuasif. À l'heure actuelle, nous savons que les agressions sexuelles ne sont pas toutes déclarées et nous voulons que toutes les personnes agressées puissent rapporter sans crainte le crime dont elles ont été victimes. Avec l'accord de tous les partis de notre législature, le Manitoba a récemment adopté la Loi sur le Mois de la sensibilisation aux agressions sexuelles. Nous offrons des services supplémentaires pour aider les Manitobains par l'intermédiaire du ministère des Services à la famille. Nous offrons beaucoup plus de renseignements aux jeunes gens pour les sensibiliser au viol commis par une connaissance et sur ce qui constitue une relation saine. Beaucoup d'autres choses sont faites par d'autres ministères.
Pour ce qui est du Code criminel, je pense que les dispositions qui existent maintenant assurent un bon équilibre. Nous ne voudrions pas voir ces dispositions disparaître du Code criminel.
Le sénateur Frum : Nous avons essayé de comprendre l'efficacité des dispositions, mais nous avons manqué de statistiques. Il est intéressant que vous nous ayez donné l'une des premières statistiques entendues jusqu'à ce jour, à savoir le nombre de demandes présentées en vertu de l'article 278.
Je voudrais vous interroger sur quelque chose que vous avez dit au sénateur Fraser. Vous avez mentionné que ces demandes étaient en moyenne d'environ 10 par an. Si nous pensons que ces dispositions donnent des résultats et sont efficaces, les demandes ne devraient-elle pas diminuer d'une année à l'autre? Si nous avons le même nombre de demandes chaque année, est-ce que cela signifie que les dispositions sont efficaces?
M. Swan : Je ne peux pas vous en dire plus. Le total est de 128. Je n'ai pas le nombre de demandes par année, aussi je ne peux pas savoir si les demandes augmentent ou diminuent. Je ne peux pas répondre à cette question.
Le sénateur Frum : Est-ce que mon hypothèse est correcte? Si le nombre de demandes est resté stable, cela veut dire que l'article 278 n'a pas d'effet dissuasif?
M. Swan : Il faudrait prendre d'autres facteurs en considération. Je vais vous donner un exemple : chaque année le Centre canadien de la statistique juridique fournit des statistiques sur le nombre de plaintes déposées auprès de la police. Si le nombre d'agressions sexuelles signalées à la police dans une province ou un territoire augmente pendant une année donnée, cela peut signifier beaucoup de choses : que le nombre d'agressions sexuelles augmente, par exemple, ou que les Canadiens, notamment les femmes, sont plus enclines à se présenter et à porter plainte. Je serais prudent. Même si nous pouvions démontrer qu'il y a eu une diminution des demandes ou qu'il n'y en a pas eu, je ne m'aventurerais pas à tirer des conclusions hâtives sur l'efficacité de la loi.
Le sénateur Chaput : Au sujet des 128 cas signalés par le procureur de la Couronne, pourriez-vous nous dire quel pourcentage du total cela représente? Avez-vous des statistiques à ce sujet?
M. Swan : Non, j'ai peur de ne pouvoir répondre à cette question.
Le sénateur Chaput : Vous ne les avez pas. Vous avez dit qu'une fois les cas signalés, des professionnels des services aux victimes aident les victimes. Qui communique avec les professionnels des services aux victimes? Est-ce qu'il y a une quelconque coordination entre les services? Qui communique avec eux?
M. Swan : Au Manitoba, les services aux victimes sont connectés au système informatique utilisé par les procureurs de la Couronne. Lorsque les procureurs de la Couronne savent qu'une demande de ce type sera faite, ils peuvent faire immédiatement appel aux services aux victimes. Un professionnel des services aux victimes rencontre ensuite le plaignant et lui fait savoir de quoi il retourne. Une fois qu'il a rencontré le plaignant, le professionnel va à la Direction du contentieux civil et fait le nécessaire pour retenir les services d'un avocat.
Le sénateur Chaput : Lorsque cette communication a lieu entre le procureur de la Couronne, les professionnels des services aux victimes et la Direction du contentieux civil, tient-on des statistiques sur le genre d'agressions sexuelles, sur les victimes (s'agit-il de femmes, d'enfants, de personnes âgées?) Est-ce qu'on examine tout cela?
M. Swan : Je n'ai pas d'information à ce sujet pour votre comité aujourd'hui. Je ne sais pas quel genre de détails ou de statistiques ils pourraient avoir. Je ne peux pas vous répondre à ce sujet ce matin.
Le sénateur Chaput : Une fois les cas signalés, les professionnels des services aux victimes font intervenir les coordonnateurs de l'aide et la Direction du contentieux civil. Comment ça s'est passé pour les 128 cas? Est-ce que tout s'est bien passé d'après ce que vous savez?
M. Swan : Je peux vous donner les rapports isolés que les procureurs de la Couronne me remettent. Lorsque les avocats représentent leurs clients, ils sont efficaces. Les juges agissent alors avec prudence. La difficulté est d'assurer à la fois le respect des droits de l'accusé à une défense pleine et entière et celui des droits du plaignant. D'après ce que je sais, il n'est pas rare que l'avocat du plaignant réussisse à interdire la communication de ces dossiers.
Le sénateur Chaput : J'imagine que nous n'avons pas la rétroaction des victimes, n'est-ce pas? Vous ne savez pas si les victimes sont satisfaites ou pas?
M. Swan : Non, mais étant donné que j'occupe un poste politique, je suis tout à fait certain que si une victime était mécontente de la façon dont le procès s'est déroulé ou du travail d'un avocat, je serai mis au courant d'une façon ou d'une autre. Il en aurait été de même pour mes prédécesseurs.
Tout comme les procureurs de la Couronne du pays tout entier, les procureurs de la Couronne du Manitoba prennent cette question au sérieux. Je suis certain que si un procureur de la Couronne n'était pas satisfait de la façon dont nous traitons ces demandes au Manitoba, mon bureau en serait avisé.
Le sénateur Lang : Je voudrais vous interroger davantage au sujet des demandes qui ont été faites. Il y en a eu 128. Avez-vous une idée du nombre de demandes acceptées?
M. Swan : J'ai peur de ne pouvoir vous dire cela.
Le sénateur Lang : J'en viens à ma seconde question. Nous avons écouté un bon témoignage hier, celui de M. Stuart, professeur à l'Université Queen's, qui a dit sentir qu'on devrait peut-être apporter quelques petits changements pour garantir une plus grande prise en compte des droits de l'accusé lors des demandes de communication des dossiers. Si je me souviens bien de son témoignage, il recommandait que la question de la communication des dossiers, le cas échéant, devrait se poser au début du procès et que le juge devrait déterminer, en privé, s'il estime pertinent de demander la communication des documents en question.
Cela me semble être une bonne façon de procéder, parce que c'est au début du procès que toutes les preuves et autres éléments sont examinés et non à mi-procès si quelqu'un décide de partir à la recherche d'informations à l'aveuglette.
Avez-vous des commentaires à ce sujet? Il s'inquiétait des erreurs judiciaires pouvant être commises dans certaines situations. La loi est censée garantir les droits du plaignant, que nous voulons protéger, et de l'accusé également. Avez- vous des commentaires à ce sujet? Je pense que j'ai décrit le problème de façon correcte.
M. Swan : J'aurai besoin de davantage d'informations. Lorsque votre témoin a parlé, hier, d'une demande au début du procès, voulait-il dire au tout début du procès criminel ou aussitôt que possible pendant le procès?
Le sénateur Lang : Je dirais aussitôt que possible. C'est ce que j'ai compris de son témoignage. Il voulait que toutes les preuves pertinentes devant être utilisées pendant le procès soient là au début et que ce soit, comme je l'ai dit plus tôt, le juge qui décide de la pertinence des demandes avant le procès et en privé. Ainsi, la communication des dossiers ne serait pas réellement un problème plus tard au cours du procès, ce qui protège à la fois le plaignant et l'accusé.
Le sénateur Swan : Tout ce que je peux répondre à cela, de nouveau, c'est que les procureurs de la Couronne au Manitoba, qui traitent un nombre relativement petit de ces cas chaque année, n'ont pas soulevé d'inquiétudes, pour autant que je sache, concernant le moment où les demandes de communication sont effectuées. Nous ne voudrions certainement pas qu'une demande de communication et la réponse à cette demande retardent un procès prévu pour une certaine semaine, parce qu'au Manitoba, comme dans la plupart des autres provinces, nous n'avons pas de salles d'audience supplémentaires et pas de juges supplémentaires non plus.
Les procureurs de la Couronne ou les avocats de la défense du Manitoba ne m'ont rien dit à ce sujet qui me ferait penser que quelque chose d'important doit être changé dans les dispositions de l'article 278.
Le sénateur Fraser : Le sénateur Lang m'a devancée dans un sens, mais je vais retourner au témoignage de M. Stuart d'hier soir.
Je pense que son inquiétude principale était liée au fait que l'article 278 prévoit un processus en deux étapes. La première étape consiste à déterminer la pertinence probable des documents en question et le juge doit prendre sa décision sur la base des arguments avancés; il ne prend pas en fait connaissance des documents avant d'avoir décidé à cette première étape s'ils sont, oui ou non, pertinents. Monsieur Stuart disait que, selon lui, il serait préférable que le juge voit les documents — et personne d'autre, que le juge — à ce stade. Je n'arrive pas encore à m'imaginer comment ce système fonctionnerait exactement.
En tant qu'avocat — le droit de la famille vous aide probablement à comprendre le sujet qui nous préoccupe; ce n'est pas du droit criminel, mais vous avez certainement déjà eu affaire à des clients très émotifs, j'imagine — vous semblerait-il raisonnable, si nous pouvions en concevoir tous les détails pratiques, de recommander que le juge voie les documents à la première étape ou pensez-vous que cela ne ferait que produire davantage de stress et serait contre- productif?
M. Swan : Ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre. Dans les affaires criminelles, il n'est pas rare qu'un différend survienne sur l'admissibilité d'un élément de preuve donné et il n'est pas rare non plus que le procès soit interrompu par un voir-dire, lequel constitue un véritable procès à l'intérieur du procès. S'il s'agit d'un procès avec jury, on demande au jury de se retirer et les avocats présentent alors leurs arguments au juge. Puis, le juge décide si l'élément de preuve est admissible.
Il s'agit-là d'un voir-dire d'une nature particulière, je suppose, à cause du type de renseignements qui est recherché.
Je ne formulerai pas beaucoup de commentaires sauf pour dire que je ne suis pas sûr de bien voir comment la façon dont cela se fait aujourd'hui nuit au droit de l'accusé à un procès équitable. Si l'accusé veut produire en preuve des documents, l'avocat de l'accusé doit expliquer pourquoi il s'agit d'un élément de preuve important que le juge doit considérer, même si ce document contient quelque chose qui pourrait être préjudiciable au plaignant, et montrer réellement en quoi le document est utile. De nouveau, à en juger à partir des recherches que j'ai faites et des questions que j'ai posées, personne au Manitoba, à ma connaissance, n'a dit qu'il faut absolument changer la façon dont les choses fonctionnent.
Le sénateur Baker : Merci, monsieur Swan, pour cette information. Il s'agit vraiment d'une information utile qui va au cœur du sujet que nous devons considérer, soit présenter des recommandations au sujet de cette loi particulière qui est en vigueur depuis la fin des années 1990.
Si je vous comprends bien, afin que nous soyons bien sûrs de ne pas faire d'erreur là-dessus, les services aux victimes constituent une partie du ministère de la Justice. Est-ce bien vrai?
M. Swan : Il en est bien ainsi, monsieur.
Le sénateur Baker : Si les services aux victimes font partie du ministère de la Justice, comme vous le dites, après avoir entendu une plainte initiale, la police peut diriger la victime vers les services aux victimes où on lui donnera de l'information. C'est bien cela?
M. Swan : C'est presque cela, mais pour ajouter un peu à la confusion, je dois vous dire que le service de police de Winnipeg et la GRC ont aussi leurs propres services aux victimes. Chaque fois que quelqu'un dépose une plainte pour agression sexuelle, avant même qu'un juge du Manitoba n'accorde un service quelconque, un officier de police ayant des connaissances spécialisées dans le domaine rencontre généralement le plaignant et lui donne des renseignements. Du moins, à Winnipeg, je sais que la police dispense des services de conseils et d'assistance en plus des services que la province offre.
Le sénateur Baker : Nous devons prendre garde de faire la distinction entre les services aux victimes dispensés par les forces policières et ceux dispensés par le ministère de la Justice.
Permettez-moi de vous poser une question qui me vient maintenant à l'esprit. Je suppose que d'autres provinces ont mis sur pied un système similaire à celui qui fonctionne dans votre province. Lorsqu'une plainte est déposée et que des accusations sont portées, la défense peut obtenir les dossiers détenus par la police, dans le cadre des procédures normales de communication de l'information. Cependant, les dossiers de vos services aux victimes du ministère de la Justice peuvent être visés par des privilèges et pourraient faire l'objet d'une demande de communication en vertu de l'article 278.
Vous me comprenez. Si la personne est dirigée vers des services aux victimes du ministère de la Justice et que ces services, en plus de la conseiller, d'entendre sa plainte et de l'orienter aux intervenants compétents, lui dispensent des services juridiques, savez-vous si les renseignements ainsi versés au dossier peuvent être communiqués à la défense dans le cadre d'une procédure normale de communication, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'article 278?
M. Swan : Non, je ne le sais pas. Les services aux victimes les aident à prendre un rendez-vous chez un thérapeute ou un psychologue ou encore autre chose. Cependant, en ce qui concerne les services réellement dispensés par un professionnel des services aux victimes à un plaignant, je ne me suis vraiment pas penché sur cette question. Comme les professionnels des services aux victimes ne sont pas des avocats, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'un tel privilège existe au sens où les avocats entendent ce terme. Je ne sais pas si cette question a été soulevée au Manitoba. De nouveau, je pense bien que si les services aux victimes croyaient qu'une demande de la défense pourrait entraver leur travail, étant donné la façon dont nous faisons les choses au Manitoba, le procureur général en serait informé longtemps auparavant.
Le sénateur Baker : Comme vous nous l'avez expliqué, votre ministère de la Justice remplit les mêmes fonctions que certaines des organisations qui ont comparu devant le comité : il vient en aide aux personnes qui sont ainsi touchées, les victimes. Par conséquent, vos dossiers tomberaient dans la même catégorie que ceux des organisations qui ont comparu devant notre comité. Nous devons faire des recommandations à ce sujet. Si le fait que les dossiers pourraient être obtenus à la suite d'une demande présentée en vertu de l'article 278 (comme vous y avez fait référence) pose un problème, pourriez-vous en aviser le comité? Vous comprenez ce que je demande?
M. Swan : Oui, je comprends. Monsieur le sénateur, s'il m'est permis de communiquer des renseignements après ma comparution, je vais essayer d'en fournir non seulement pour répondre à votre question, mais aussi aux autres questions intéressantes qui ont été posées. S'il se trouve que nous avions d'autres données statistiques susceptibles d'être utiles au comité, je verrai ce que nous pouvons faire pour vous les fournir. Il semble que nous disposons de beaucoup d'informations, mais pas de beaucoup de chiffres précis sur le nombre d'affaires et les résultats. Je ferai de mon mieux pour aider le comité dans ce travail.
Le président : Merci, monsieur Swan. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le sénateur Baker : Merci.
Le président : Chers collègues, cela conclut nos questions au ministre. Monsieur le ministre Swan, nous vous remercions de nous avoir consacré ce temps aujourd'hui. Il semble que chaque nouveau témoin que nous entendons nous apporte un éclairage nouveau et ce fut certainement le cas aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants et nous serons heureux de vous revoir parmi nous.
M. Swan : Merci beaucoup.
Le président : Cela met fin à la réunion d'aujourd'hui.
(La séance est levée.)