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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 9 - Témoignages du 1er février 2012


OTTAWA, le mercredi 1er février 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 19 pour l'examen du projet de Loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.

Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues sénateurs, aux invités et aux membres du grand public qui assistent à la séance d'aujourd'hui sur le réseau de la CPAC. Je m'appelle John Wallace, sénateur du Nouveau- Brunswick et président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Honorables collègues, nous commençons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois. Cette mesure législative englobe neuf projets de loi, qui ont été examinés séparément au cours de la troisième session de la 41e législature.

Le projet de loi a initialement été déposé à la Chambre des communes le 20 septembre 2011 par le ministre de la Justice, l'honorable Rob Nicholson. La Chambre l'a examiné pendant plusieurs semaines avant de le renvoyer au Sénat le 6 décembre 2011. Conformément au processus législatif, le Sénat confie l'étude de la plupart des projets de loi à divers comités afin de réaliser un examen plus détaillé et exhaustif. Les comités sénatoriaux invitent souvent des particuliers, des spécialistes, des groupes intéressés, des fonctionnaires et des ministres de l'État à comparaître devant eux afin de recueillir des renseignements concernant le projet de loi dont ils sont saisis. Le Sénat a renvoyé le projet de loi C-10 au comité le 6 décembre 2011 pour qu'il le scrute à la loupe.

Pour réaliser son examen, le comité entend tenir des audiences prolongées et supplémentaires. Il a donc prévu 11 jours d'audiences publiques, au cours desquelles il tiendra notamment des séances durant toute la journée au cours de la semaine du 20 au 24 février 2012. Ces séances seront ouvertes au public et diffusées en direct sur le web sur le site parl.gc.ca.

Outre les ministres et fonctionnaires ici présents aujourd'hui, nous entendrons le témoignage de victimes et de leurs famille, d'universitaires, d'experts des questions juridiques, de spécialistes de l'application de la loi et de défenseurs des droits de la jeunesse, ainsi que celui de représentants de diverses associations, d'intervenants et d'autres témoins œuvrant dans le domaine de la justice pénale. En tout, le comité a invité quelque 110 témoins. Pour obtenir plus d'information à ce sujet, consultez le site web parl.gc.ca sous la rubrique « Comités sénatoriaux ».

Avant de présenter les éminents invités qui comparaissent aujourd'hui, je demanderais d'abord à chaque membre du comité sénatorial de se présenter et d'indiquer la région qu'il représente.

Le sénateur Baker : Je m'appelle George Baker et je représente Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Joyal : Serge Joyal, du Québec.

Le sénateur Cowan : Jim Cowan, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Fraser : Joan Fraser, représentante du Québec et vice-présidente du comité.

Le sénateur Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Lang : Je suis le sénateur Dan Lang.

Le sénateur Angus : Je suis le sénateur David Angus, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Linda Frum, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Nolin : Pierre Claude Nolin, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : Bob Runciman, de l'Ontario, Mille-Îles et lacs Rideau.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.

[Traduction]

Le président : Merci, honorables collègues. J'aimerais faire remarquer que les sénateurs Nolin et Cowan, qui nous font grâce de leur présence aujourd'hui, ne sont pas membres du comité. Cependant, à titre de sénateurs, ils ont...

Le sénateur Cowan est membre d'office? Vous m'en voyez désolé, sénateur Cowan. Nous ne vous voyons pas assez souvent.

Le sénateur Cowan : Vous pourriez me voir plus souvent.

Le président : En effet.

Le sénateur Nolin n'est pas membre du comité, mais, à l'instar des sénateurs qui voudraient se prévaloir de ce droit, il peut assister à la séance d'aujourd'hui, puisqu'il s'intéresse au sujet qui nous occupe. Bienvenue, sénateur.

Nous comptons également parmi nous notre greffière, Shaila Anwar, et notre analyste de la recherche, Robin McKay, qui accomplissent des merveilles pour nous.

Pour commencer la séance publique d'aujourd'hui, j'accueille avec grand plaisir notre premier groupe de témoins, à commencer par l'honorable Robert Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et l'honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique. Le ministre Nicholson est accompagné de Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice. Le ministre Toews est pour sa part accompagné de Mary Campbell, directrice générale, Direction générale des affaires correctionnelles et de la justice pénale, et de Larisa Galadza, directrice principale, Politiques sur la sécurité nationale, ministère de la Sécurité publique.

Ministre Nicholson, je crois comprendre que vous souhaitez faire un exposé, après quoi nous entendrons le ministre Toews. Je vous laisse donc la parole.

L'honorable Robert Nicholson, P.C., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci beaucoup.

J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue au sénateur Dagenais, qui ne manquera pas de faire profiter le comité de sa présence. Je le connais depuis quelques années et je sais qu'il s'intéresse à la question. Comme vous tous, je lui souhaite la meilleure des chances.

Je suis heureux de comparaître devant le comité alors qu'il entame son analyse dans le cadre des séances portant sur le projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés.

[Français]

Je suis heureux de m'adresser aux membres du comité au début de son examen du projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés.

[Traduction]

L'une des plus importantes responsabilités du gouvernement consiste évidemment à protéger la population canadienne et à veiller à ce que ceux qui commettent des crimes soient tenus responsables de leurs actes. Les Canadiens méritent de se sentir en sécurité dans leurs foyers; il ne faut donc pas que des criminels violents hantent nos rues. En redéposant sans tarder la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, le gouvernement honore sa promesse de tenir les criminels entièrement responsables de leurs actes, de protéger les familles et de défendre les victimes.

La semaine dernière, j'ai rencontré mes homologues provinciaux au cours de la réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice et de la Sécurité publique. Les échanges que j'ai eus avec eux ont confirmé le large soutien que récolte cette mesure législative. Mon homologue de la Saskatchewan, le ministre Don Morgan, est celui qui a le mieux exprimé ce soutien en indiquant ce qui suit :

J'aimerais faire remarquer à tous que ce sont là des mesures que la plupart des provinces ont réclamées lors des réunions des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux précédentes. Quand nous avons débattu de la question, personne n'a demandé de n'agir que si on est disposé à assumer les coûts. Tous ont convenu que ces mesures sont nécessaires pour assurer la sécurité de nos communautés.

Depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons augmenté de 30 p. 100, ou de 12,7 milliards de dollars, le soutien financier offert aux provinces et territoires. Dans le budget de 2010-2011, nous avons annoncé des paiements de transfert de 54 milliards de dollars à l'intention des provinces et territoires, une augmentation de plus de 2,4 milliards de dollars par rapport à l'année précédente.

Le fait est que la criminalité coûte bien plus cher à la société que la lutte contre ce fléau. Le ministère de la Justice estime le coût de la criminalité à près de 100 milliards de dollars. La Loi sur la sécurité des rues et des communautés est une mesure législative ciblée avec précision. Notre expérience démontre que le renforcement des peines n'engendre pas de nouveaux criminels, mais fait plutôt en sorte que les criminels existants restent en prison pour une durée plus appropriée. La loi vise en grande partie à lutter contre la source du trafic de stupéfiants : les narcotrafiquants. Je suis convaincu que si on leur posait la question, tous les parents répondraient que la dernière chose qu'ils veulent, c'est que leurs enfants deviennent toxicomanes. C'est malheureusement quelque chose qui se produit trop souvent.

Chuck Doucette, un agent de la GRC à la retraite expert des guerres entre gangs de rue, attribue ce problème en partie à l'adoucissement des peines. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a de nouveau déposé ce projet de loi. Contrairement à ce que certains opposants affirment, nous ne visons pas les victimes de la toxicomanie ou les adolescents à l'affût de nouvelles expériences. Nous ne modifions en rien les lois portant sur la possession simple. En fait, le projet de loi que nous avons présenté comprend une exemption qui permet justement le recours aux tribunaux de traitement de la toxicomanie pour que les malheureux toxicomanes puissent obtenir de l'aide.

Une autre partie importante de la loi vise les prédateurs d'enfants. Aucun parent ne souhaite que leurs enfants soient victimes d'un pédophile. En fait, l'enlèvement et l'exploitation sexuelle figurent parmi les trois plus grandes craintes des parents en ce qui concerne leurs enfants.

La Loi sur la sécurité des rues et des communautés prévoit deux nouvelles modifications au Code criminel. L'une vise à corriger une lacune en criminalisant le fait, pour deux adultes, de conspirer en vue d'exploiter un enfant, alors que l'autre érige en crime la communication de matériel sexuellement explicite à un enfant à des fins d'exploitation sexuelle. Les affaires de pornographie infantile, qu'elles mettent en cause le pédophile qui a commis le crime ou celui qui visionne le matériel en ligne, nous choquent tous. Voilà pourquoi nous prenons des mesures pour mieux protéger les enfants.

Le projet de loi vise également les criminels qui peuvent parfois purger leur peine dans le confort de leur foyer. Le projet de loi modifiera le Code criminel afin de restreindre davantage le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis, qu'on appelle aussi souvent la détention à domicile. Les criminels reconnus coupables de crimes graves et violents, comme les agressions sexuelles, l'enlèvement et le trafic de personnes, doivent purger des peines proportionnelles à la gravité de l'acte commis.

Enfin, la loi permettra de mieux protéger les Canadiens des jeunes délinquants violents et récidivistes. Nous proposons des mesures équitables et appropriées pour mieux traiter ces crimes, des mesures qui sont équilibrées, efficaces et responsables. Notre approche respecte les droits de l'accusé, sans toutefois les laisser primer sur les autres intérêts, comme la sécurité de la communauté.

Le Parlement a examiné toutes ces mesures et en a débattu au cours des quatre dernières années. Le Comité de la justice s'est penché sur les dispositions du présent projet de loi pendant 67 jours, ce qui représente 139 heures de discussion, 95 heures de débat, 261 discours et 363 témoignages.

J'encourage tous les sénateurs à collaborer pour adopter rapidement ce projet de loi. En agissant ainsi, vous protégez mieux les familles et tenez les criminels responsables des gestes commis contre les Canadiens respectueux de la loi.

Je vous remercie beaucoup. Je crois que mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, doit vous dire quelques mots.

L'honorable Vic Toews, C.P., député, ministre de la Sécurité publique : Merci, ministre Nicholson. Je remercie également les honorables sénateurs de me donner l'occasion de comparaître en compagnie de mon collègue et de faciliter vos délibérations sur le projet de loi relatif à la sécurité des rues et des communautés.

Le projet de loi présenté aujourd'hui comprend un certain nombre de dispositions qui concernent mon portefeuille, notamment des mesures pour s'assurer que le système correctionnel du Canada corrige effectivement les comportements criminels, donner aux victimes la possibilité de mieux se faire entendre au sein du système de justice et faire en sorte que les délinquants soient tenus pleinement responsables de leurs actes. Des responsables de l'application de la loi, des défenseurs des droits des victimes, les gouvernements provinciaux et de nombreux autres intervenants réclament depuis de nombreuses années les modifications que prévoit le projet de loi, et notre gouvernement répond à leur demande.

Les conservateurs considèrent que les mesures visant à assurer la sécurité des Canadiens constituent un bon investissement. Les Canadiens nous ont confié le mandat ferme de poursuivre le très bon travail que nous avons entrepris. Je tiens à remercier le Sénat d'avoir aidé la Chambre à accomplir ce travail.

Le projet de loi nous permettra de poursuivre sur notre lancée de plusieurs manières. Premièrement, la mesure législative présentée aujourd'hui propose des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui permettront d'intégrer la participation des victimes aux audiences de mise en liberté sous condition et de les tenir mieux informées du comportement et du traitement des délinquants; d'accroître la responsabilisation de ces derniers en modernisant les sanctions disciplinaires et en ajoutant l'obligation devant la loi de dresser un plan correctionnel pour chacun d'eux; d'autoriser la police à arrêter sans mandat les délinquants qui semblent enfreindre les conditions de leur mise en liberté; et d'insister sur l'importance de tenir compte de la gravité des infractions dans les décisions relatives aux libérations conditionnelles.

Deuxièmement, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés propose de remplacer le terme « pardon » par l'expression plus appropriée « suspension de casier » dans le Code criminel; d'exiger que la Commission des libérations conditionnelles du Canada présente un rapport annuel au Parlement comprenant des statistiques sur le nombre de demandes de suspension de casier présentées et le nombre de suspensions ordonnées; et de faire passer la période d'inadmissibilité des demandes de suspension de casier de trois à cinq ans pour toutes les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité et de cinq à dix ans pour tous les actes criminels. On s'assurera ainsi que les personnes reconnues coupables d'une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant n'obtiennent jamais de suspension de casier et que ceux qui ont clairement bafoué la loi en commettant sans cesse des infractions graves ne soient pas admissibles à une telle suspension.

Troisièmement, le projet de loi permettra de modifier la Loi sur le transfèrement international des délinquants afin de reconnaître que la sécurité des Canadiens passe avant tout. Ce projet de loi aidera à protéger les victimes en permettant au ministre de refuser un transfèrement quand cette démarche peut compromettre la sécurité d'une victime. Il permettra également de protéger les membres de la famille et les enfants en autorisant le ministre à refuser le transfèrement d'un délinquant si ce dernier pourrait constituer une menace pour les enfants. En outre, le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui permet de tenir compte d'autres facteurs, comme le fait que le délinquant ait participé à des programmes de réhabilitation, lors de l'examen des demandes de transfèrement au Canada. Dans l'ensemble, la mesure législative permettra d'assurer le traitement équitable et juste des délinquants canadiens qui demandent un transfèrement et l'établissement d'un cadre approprié pour la prise de décisions à cet égard.

Le projet de loi C-10 prévoit de nombreux moyens d'honorer l'engagement constant de notre gouvernement de rendre les rues et les collectivités plus sécuritaires pour tous les Canadiens. Il prévoit également de nombreux moyens de respecter son engagement de défendre les victimes, y compris les victimes de terrorisme. Il permettra d'établir une cause d'action permettant à ces dernières de poursuivre en justice ceux qui commettent ou appuient des actes terroristes pour les pertes ou les dommages causés par le terrorisme, et ce, dans toutes les régions du monde depuis le 1er janvier 1985.

Les modifications qui ont été adoptées par l'autre endroit permettront de renforcer ces importantes dispositions de deux façons. En premier lieu, elles permettront d'alléger le fardeau de la preuve qui incombe aux victimes du terrorisme grâce à l'établissement d'une présomption de préjudice. Elles permettront également d'établir qu'il suffit à un demandeur d'être citoyen canadien ou résident permanent au Canada pour être entendu par un tribunal. Ce serait le cas même dans les causes où il n'y a pas d'autre lien réel et significatif entre l'acte et le Canada.

Notre gouvernement s'engage à faire en sorte que toutes les dispositions du projet de loi C-10 soient aussi rigides que possible, y compris celles qui concernent les victimes du terrorisme.

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, messieurs les ministres. Nous passons maintenant aux questions. Je crois comprendre que vous pouvez nous accorder une heure.

Je rappelle aux sénateurs l'importance de poser des questions aussi brèves que possible. Nous avons beaucoup de matière à couvrir et nous tenons à ce que tous aient la possibilité de poser des questions.

Le sénateur Fraser : Messieurs les ministres, je vous souhaite de nouveau la bienvenue au Sénat. Nos rencontres sont toujours des plus instructives. Ma première question s'adresse au ministre de la Justice, M. Nicholson.

Monsieur le ministre, le présent projet de loi comprend un certain nombre de peines minimales nouvelles ou plus sévères, une tendance que l'on remarque d'ailleurs dans plusieurs des mesures législatives que vous nous avez soumises. J'essaie de saisir le lien, si lien il y a, entre les diverses peines minimales obligatoires. Par exemple, je m'étonne du fait qu'un quidam qui cultive six plants de cannabis aux fins de trafic, et qui les destine peut-être à son voisin d'en arrière, puisse écoper d'une peine minimale d'emprisonnement obligatoire de six mois, alors qu'un délinquant sexuel peut s'en tirer avec une peine d'emprisonnement de seulement 30 jours pour avoir montré du matériel sexuellement explicite à un enfant. Comment s'établissent ces peines minimales obligatoires? Sur quels principes sous-jacents s'appuie-t-on pour déterminer la durée des peines minimales obligatoires?

M. Nicholson : Ici encore, en ce qui concerne les infractions sexuelles contre les enfants, nous avons très clairement indiqué que la mesure aurait une large portée et ferait en sorte que toute infraction commise à l'endroit d'un enfant serait passible d'une peine d'emprisonnement. Vous remarquerez toutefois que les possibilités sont très variées, selon la gravité du crime. Ce sont toutes de lourdes peines, qui peuvent aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité.

Le sénateur Fraser : Je parlais cependant des sentences minimales.

M. Nicholson : Il y a en effet des sentences minimales, comme vous le faites remarquer, et maximales. Sachez que les tribunaux disposent de larges pouvoirs discrétionnaires pour juger de la gravité de chaque infraction. Tous ces crimes sont odieux, mais nous avons prévu tous les cas de figure pour que les coupables aillent en prison, peu importe la disposition du Code criminel portant sur l'abus d'enfants qui s'applique. Nous donnons des indications sur le temps de détention précis. Dans certains cas, il s'agit d'emprisonnement à perpétuité, alors que dans d'autres, c'est une sentence de 14 ans de prison. C'est, je crois, approprié.

Je fais remarquer que deux nouvelles infractions ont été ajoutées : ce sont celles que j'ai mentionnées concernant le fait de donner du matériel sexuellement explicite à un enfant et la conspiration entre deux adultes. On corrige ainsi une lacune dans le Code criminel.

Ce sont là des mesures que je considère appropriées, et j'espère que vous les adopterez rapidement.

M. Toews : Je crois que le ministre a tout à fait raison. Ces sentences minimales obligatoires sont prévues pour que les coupables ne puissent bénéficier d'une détention à domicile pour les crimes de ce genre. Que la peine soit d'une durée d'un ou de trente jours, il n'est plus question d'accorder un emprisonnement avec sursis ou une détention à domicile.

C'était très important quand j'étais ministre de la Justice, en 2006, alors que nous ne pouvions imposer des peines minimales obligatoires plus longues. Mais tant que ces sentences minimales existent, ceux qui agressent sexuellement des enfants ne peuvent bénéficier de la détention à domicile. On élimine ainsi l'emprisonnement avec sursis et accorde aux tribunaux toute la discrétion nécessaire pour déterminer la sentence qui convient, que soit une peine de 30 jours ou à perpétuité.

Le sénateur Fraser : Oui, je comprends, ou du moins je le crois. Mais ce que je cherche à savoir, c'est s'il existe une formule, un barème ou un ensemble de directives pour établir des sentences minimales obligatoires appropriées aux diverses situations. Il me semble qu'une agression sexuelle à l'endroit d'un enfant constitue un acte plus grave que la culture de six plants de cannabis.

M. Nicholson : À ce que je vois, la plupart de nos critiques parlent des « six plants de cannabis ». Mais il est question d'individus qui s'adonnent au trafic, qui abusent et profitent des gens et qui constituent une menace pour autrui. Ils font souvent partie du crime organisé.

Nous accordons aux tribunaux de larges pouvoirs discrétionnaires à cet égard, mais, je le dis et je le répète — à deux reprises —, nous ne modifions pas les lois en ce qui concerne la possession. Nous visons ceux qui font du trafic, qui importent des stupéfiants et qui détruisent la vie des autres. Je considère que nous indiquons très clairement que ces comportements ne seront plus tolérés et entraîneront des conséquences sérieuses.

Je suis d'avis que toute forme de violence faite aux enfants mérite une peine d'emprisonnement, et le projet de loi va en ce sens. Nous avons examiné toutes les sentences minimales obligatoires figurant déjà dans le Code criminel à cet égard. Comme vous pouvez le constater, nous les avons augmentées et, dans certains cas, avons ajouté de toutes nouvelles infractions.

Le sénateur Frum : Messieurs les ministres, je vous remercie beaucoup de témoigner aujourd'hui.

Je veux mettre l'accent sur la section qui porte sur les prédateurs d'enfants. On dit souvent que le taux de criminalité diminue au Canada. Pourriez-vous nous dire si c'est le cas pour les crimes commis contre les enfants?

M. Nicholson : Eh bien, non, sénateur. Fait intéressant, quant j'ai déposé le projet de loi, les gens ont fait remarquer que la criminalité diminue au pays. J'ai répondu que c'était effectivement le cas, mais qu'elle augmentait en ce qui concerne les drogues et l'exploitation des enfants. Oui, il y a plus de cas de pornographie infantile et d'agressions sexuelles contre les enfants. Les crimes liés à la drogue sont aussi en hausse.

Partout où je vais discuter de la question avec les responsables de l'application de la loi, on déplore le fait que les problèmes endémiques de la pornographie infantile et de la situation aux frontières sont en quelque sorte ignorés. Cette information fait le tour du monde.

Je dois toutefois féliciter les organismes d'application de la loi d'avoir amélioré leur collaboration. Les contrevenants ont ainsi moins de chance de s'en tirer. On peut le voir lors de ces opérations de lutte contre la pornographie infantile qui mènent à des arrestations aux quatre coins du monde, que ce soit 15 personnes au Canada ou au Royaume-Uni ou 30 personnes aux États-Unis. Ces résultats sont directement attribuables à la collaboration entre les organismes d'application de la loi. C'est exactement ce qu'il faut faire.

Vous avez parfaitement raison de dire que le Canada est malheureusement le théâtre de ce genre de crimes, particulièrement en ce qui a trait à la pornographie infantile et aux agressions sexuelles. Mais ici encore, le projet de loi traite directement de la question.

Le sénateur Frum : Je suppose que ce projet de loi vise entre autres à rétablir la confiance des Canadiens à l'égard du système de justice de leur pays.

En fait, en examinant les peines minimales obligatoires qu'on propose d'infliger aux prédateurs d'enfants, on ne peut que se demander à quelles peines ils s'exposaient jusqu'à présent. Si on envisage d'imposer des peines minimales obligatoires de six mois aux auteurs de pornographie infantile, quelle sentence recevaient-ils jusqu'à maintenant?

M. Nicholson : Le Code criminel prévoit actuellement un certain nombre de peines minimales obligatoires. Nous voulions toutefois nous assurer que personne ne puisse plaider coupable à une autre accusation pour éviter la prison, une pratique que nous jugeons inacceptable.

C'est pourquoi vous constaterez, en analysant la mesure législative, comme vous l'avez certainement fait, qu'elle est exhaustive et couvre toutes les formes de violence faite aux enfants.

Cette démarche s'inscrit dans nos responsabilités de législateurs. Nous instaurons des sentences maximales et, au fil des ans, les divers gouvernements fixent des peines minimales pour donner des lignes directrices aux tribunaux. C'est exactement ce que nous faisons : nous donnons des directrices aux tribunaux.

Comme l'a souligné mon collègue, la détention à domicile ne figurera pas parmi les peines imposables. La mesure législative ne permettra pas à ceux qui s'en prennent aux enfants de purger leur peine à domicile. Je crois que nous donnons aux tribunaux des directives adéquates.

M. Toews : Si vous me le permettez, j'ajouterais que je suis d'accord avec mon collègue.

Il est évident que certains prédateurs d'enfants ont reçu une peine de détention à domicile. C'est tout simplement inacceptable. Selon nous, s'il incombe généralement aux tribunaux de déterminer la peine qui convient, en aucun cas ils ne devraient accorder une détention à domicile.

Je profite du fait que nous discutions des peines minimales obligatoires pour apporter un éclaircissement concernant l'allégation selon laquelle les Américains abandonnent ce type de sentences. Au risque de comparer des pommes avec des oranges, je préciserais tout d'abord que chaque État américain ayant juridiction criminelle peut imposer des peines de prison minimales obligatoires, y compris la peine de mort dans certains cas. L'ennui, c'est que le taux d'incarcération aux États-Unis est probablement quatre à six fois supérieur à celui du Canada. Ainsi, même s'ils peuvent infliger des peines minimales obligatoires, de nombreux États s'en remettent à des directives en matière de détermination de la peine. Dans un grand nombre de jugements rendus aux États-Unis, on constate que le juge indique que la peine recommandée en l'espèce est de cinq ans, puis analyse les faits et impose une peine plus longue ou plus courte. C'est un régime de directives très strict que les tribunaux américains suivent presque à la lettre. En fait, aux peines minimales obligatoires s'ajoute un régime rigide de directives obligatoires, que les tribunaux suivent religieusement presque sans exception.

Il n'existe pas de tel régime au Canada. Vous verrez, je crois, que notre projet de loi met l'accent sur les peines minimales obligatoires. Les tribunaux canadiens ont la possibilité d'imposer des peines bien plus variées. Ce qui se passe souvent, c'est qu'on accepte des peines de plus en plus légères jusqu'à ce qu'à ce que les sentences ne finissent plus de diminuer. En fixant des peines minimales obligatoires, on signifie aux intéressés que si l'on peut réduire les peines, on ne peut le faire au-delà d'une certaine limite, ce qui a pour effet d'éliminer la possibilité d'accorder une peine de détention à domicile.

Le sénateur Jaffer : Je vous remercie, messieurs les ministres, de témoigner. On parle beaucoup de la protection des enfants, et je vous félicite évidemment des efforts que vous déployez à cet égard.

Je voulais poser une question au ministre Nicholson concernant l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, que je vais vous lire :

Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

Selon moi, cela signifie que tous les projets de loi doivent être élaborés conformément à ce principe.

Monsieur le ministre Nicholson, lorsque vous avez comparu devant le Comité des droits de la personne, le 9 décembre 2009, vous avez fait la déclaration suivante :

Comme pour les autres traités internationaux relatifs aux droits de la personne, avant de ratifier la Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux protocoles facultatifs, les lois, les politiques et les pratiques fédérales, provinciales et territoriales ont été évaluées pour déterminer si elles étaient conformes à la convention et aux protocoles.

J'aimerais savoir si vous considérez que le projet de loi C-10 contrevient à la Convention relative aux droits des enfants des Nations Unies et, le cas échéant, de quelle manière?

M. Nicholson : Non, et le projet de loi permettra de mieux protéger les enfants. Comme je l'ai indiqué, nous avons détecté des lacunes dans la loi, qui permettent notamment à deux adultes de conspirer en ligne afin d'exploiter sexuellement un enfant, une activité qui n'est pour ainsi dire pas couverte par la loi. C'est avec grand plaisir que je me suis assuré d'inclure cette activité dans la loi.

De plus, il importait également d'ajouter à la loi une disposition sur le fait de donner du matériel sexuellement explicite à un enfant afin de le convaincre qu'il s'agit de pratiques acceptables.

Ces démarchent s'inscrivent dans notre approche globale. L'un de nos projets de loi visait à mieux protéger les jeunes de 14 ou 15 ans des prédateurs sexuels adultes. J'ai appris qu'à Toronto, un quarantenaire du Texas a exploité sexuellement une adolescente de 14 ans après l'avoir connue en ligne. Personne, pas plus les parents que la police, n'a pu faire quoi que ce soit. Je me souviens que je leur ai promis, il y a quatre ans et demi environ, que nous allions modifier la loi pour mieux protéger les jeunes de 14 ou 15 ans de ces prédateurs sexuels adultes.

Oui, le projet de loi est très exhaustif et a une large portée. Je suis toutefois absolument convaincu, tout comme vous, probablement, que les enfants seront mieux protégés des prédateurs sexuels grâce aux dispositions qu'il comprend. Je vous sais gré de m'avoir posé la question.

Le sénateur Jaffer : Je suis satisfaite de votre réponse, monsieur le ministre. J'aimerais cependant savoir si on a analysé le projet de loi C-10 à la lumière de la Convention relative aux droits de l'enfant. Si c'est le cas, pourrions-nous obtenir un exemplaire de cette analyse?

M. Nicholson : Je n'en ai pas. Je sais que quand le ministère de la Justice élabore des projets de loi, les rédacteurs notent ces aspects et procèdent à des analyses pour garantir la conformité des mesures législatives aux divers documents et traités, comme la Déclaration canadienne des droits. Cela fait partie de leurs tâches. Ils font très attention lorsqu'ils rédigent les projets de loi, car ils doivent parfois composer avec d'autres documents constitutionnels. J'ai pleinement confiance en ceux qui nous aident à rédiger les lois, selon nos instructions.

Le sénateur Jaffer : Si je comprends bien, c'est quelque chose qui se fait de façon générale. Mais l'a-t-on fait dans le cas présent?

M. Nicholson : Je le répète, ce projet de loi a, comme c'est toujours le cas, été élaboré en conformité avec tous les autres documents constitutionnels et traités internationaux dont notre pays est signataire.

Le sénateur Runciman : Merci, messieurs les ministres. J'ai une question à poser au ministre Toews.

À titre d'ancien ministre des Services correctionnels de l'Ontario, j'ai été interloqué récemment par un communiqué publié par celle qui occupe actuellement ce poste, dans lequel elle laisse entendre que le présent projet de loi entraînerait l'arrivée de 1 500 nouveaux détenus dans les prisons provinciales, ce qui coûterait fort cher aux contribuables ontariens. Je sais que vous avez tenu des réunions fédérales-provinciales-territoriales dernièrement. La ministre a-t-elle expliqué d'où venaient ces chiffres et, essentiellement, dit s'ils tenaient la route?

M. Toews : Il est toujours très difficile de prévoir les répercussions futures d'un projet de loi. Nous nous fions à l'expertise de nos fonctionnaires pour nous donner quelques indications. Nous entendons constamment toutes sortes d'affirmations, que nous rejetons d'emblée du revers de la main. Dans le cas du projet de loi C-10 et d'autres projets de loi semblables, comme la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, nous considérons que rien ne justifie toute la polémique qui les entoure.

Pour ce qui est de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, qui est entrée en vigueur en mars 2010, il me semble, mon personnel a prévu que la population carcérale des prisons fédérales passerait de 14 000 à 17 800 détenus. En fait, ce chiffre, qui est d'environ 14 800 détenus actuellement, est stable depuis trois ou quatre mois et a même diminué de 63 au cours du mois dernier.

Comme se fait-il, alors, que l'on ait tant surestimé le nombre de prisonniers? Je crois qu'il s'agit en fait d'une justification de la philosophie que nous défendons, selon laquelle nous ne créons pas de nouveaux criminels, mais nous contentons de garder en prison ceux qui se retrouvent constamment dans la rue et exigent ainsi l'attention du système, de la police, des tribunaux, des shérifs et des centres de détention provisoire. Comme ces individus restent en prison, nous verrons les retombées que cela aura dans la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime.

Nous avons également adopté, dans ce même projet de loi, l'élimination du crédit double pour la détermination d'une peine. Au Manitoba, par exemple, 70 p. 100 des prisonniers de la province ne sont pas condamnés. Ils restent en détention provisoire et se prévalent tous du crédit double ou triple pour la détermination de la peine, qui a maintenant disparu.

En fait, nous pensons que ces dispositions ont pour effet de faire passer quantité de détenus du régime provincial au système fédéral. Or, ce dernier n'a toujours pas assisté à l'afflux de dizaines de milliers de prisonniers annoncé par l'opposition. Il s'en est ajouté peut-être 800, qui, je me permettrais de faire remarquer, font techniquement partie de la population observée en janvier 2010, qui s'élevait à 15 000 détenus. J'ai autorisé la construction de 2 500 nouvelles unités, mais c'était pour deux raisons : s'il y a effectivement eu une certaine augmentation, certaines ailes très délabrées devaient être remplacées et il fallait se doter d'une plus grande marge de manœuvre pour isoler les membres des gangs de rue.

Je n'ai pas vu l'analyse de la ministre de l'Ontario, mais je me demande d'où elle tire le chiffre de 1 500 détenus pour l'Ontario seulement. Je trouve curieux qu'elle invoque l'arrivée de ces 1 500 nouveaux détenus pour demander la construction d'une nouvelle prison de 900 millions de dollars, au moment même où elle ferme trois prisons provinciales et une aile de 200 lits dans un autre établissement carcéral provincial.

Sans avoir de raison particulière, mais en me fiant aux apparences, je suspecte la province de vouloir fermer de vieux établissements provinciaux, puis construire une nouvelle installation en faisant porter le blâme aux effets du projet de loi C-10. Je n'ai vu aucune statistique à ce sujet. Le chiffre de 1 500 me laisse sceptique, compte tenu de l'analyse réalisée par mon personnel. Je ne mets aucun élément de cette analyse en doute. Il est difficile de faire des prévisions, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Le sénateur Runciman : Je partage votre opinion.

J'ai une question à poser au ministre Nicholson concernant les pouvoirs judiciaires discrétionnaires. Il a beaucoup été question de leur élimination. J'aimerais que vous nous parliez, si vous le pouvez, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. D'après ce que je peux voir, on élargit ces pouvoirs et les rend aux juges. Je me demande si les juges craignent que les limites qui leur sont imposées aient pour effet de libérer de jeunes délinquants dangereux dans la communauté et quels sont les nouveaux pouvoirs discrétionnaires que le présent projet de loi leur accordera.

M. Nicholson : Le sénateur, vous vous souviendrez que la Nouvelle-Écosse a déposé un rapport déterminant : le rapport Nunn. On y parle d'un petit groupe de jeunes sans aucune discipline, qui représentaient un danger pour eux- mêmes et pour la société. Le rapport souligne les limites de la loi en ce qui a trait à la détention de tels individus.

Si vous examinez les modifications que nous avons apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents — je sais que vous l'avez fait et que vous le ferez —, vous constaterez qu'elles sont très précises et qu'elles n'enlèvent rien aux programmes provinciaux ni à la capacité d'aider les jeunes au niveau provincial — je l'ai déjà dit. Nous voulons tous aider les jeunes. Nous leur souhaitons tous une vie productive au sein de la société. Toutefois, le rapport Nunn a démontré la nécessité d'apporter certaines mises au point à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. C'est de là que proviennent un certain nombre des modifications que nous y avons apportées. J'espère que vous continuerez à les appuyer, car, comme je l'ai dit, elles sont vraiment ciblées, précises et indispensables.

Le sénateur Runciman : Monsieur Toews, pourriez-vous nous parler des nouveaux pouvoirs accordés à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en ce qui a trait à la prolongation de la peine d'un individu après sa date de libération d'office si elle le juge dangereux?

M. Toews : En fait, la série de modifications renforce le pouvoir discrétionnaire de la commission, qui pourra désormais tenir compte de nouveaux éléments lui permettant de dresser un meilleur portrait du délinquant en question, comme la nature de l'infraction. Ainsi, elle ne sera plus tenue d'appliquer une décision unique à toutes les infractions de même nature.

Nous avons apporté des modifications semblables à la Loi sur le transfèrement international des délinquants afin que le ministre responsable puisse évaluer l'ensemble de la situation lors du rapatriement de criminels au Canada — tout le monde veut revenir ici; c'est indéniable. Très peu de détenus désirent quitter les prisons canadiennes. Je trouve incroyable de recevoir chaque année deux ou trois demandes de détenus, généralement des Américains, qui veulent purger le reste de leur peine chez nous. À vrai dire, très peu de détenus étrangers souhaitent être incarcérés chez eux. Or, les détenus canadiens veulent tous rentrer au pays, et il y a des raisons à cela. Plus particulièrement, des membres de longue date du crime organisé qui purgeaient des peines sévères aux États-Unis savaient qu'on leur accorderait très rapidement la semi-liberté dès qu'ils mettraient les pieds au Canada.

À titre de ministre responsable de la loi, je peux y apporter des modifications visant à renforcer la sécurité publique, mais j'ai aussi besoin de souplesse pour que la sécurité publique devienne le critère prépondérant dans la décision de rapatrier les individus qui ont légalement été reconnus coupables à l'étranger.

Le sénateur Baker : J'aimerais féliciter les deux ministres pour l'élaboration, la présentation et la mise en œuvre de cette politique gouvernementale annoncée à la dernière élection fédérale par le gouvernement et eux-mêmes.

M. Nicholson : Merci beaucoup.

Le sénateur Angus : Méfiez-vous des cadeaux empoisonnés du sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Monsieur le ministre, je remarque que vous êtes enrhumé. Si je vous offrais un comprimé d'Atasol 30 qu'on m'a prescrit, ou encore un comprimé de Tylenol 3 ou 4, il s'agirait de trafic en vertu du projet de loi, car ces cachets contiennent de la codéine; selon la jurisprudence, une situation semblable a déjà donné lieu à des poursuites. Si je commettais à nouveau l'infraction ici même, je m'exposerais à une peine minimale obligatoire d'un an d'emprisonnement, alors que ce serait deux ans si je me trouvais sur le campus de l'Université d'Ottawa au moment de la récidive.

Le problème, naturellement, c'est que les peines minimales obligatoires fonctionnent lorsque l'infraction comporte divers degrés de gravité. Par exemple, il existe différentes catégories de voies de fait, comme les agressions armées et les voies de fait causant des lésions corporelles; on établit aussi une distinction entre la conduite dangereuse, la conduite dangereuse causant des lésions corporelles et celle causant la mort, et aussi entre les meurtres du premier et du deuxième degré. Ces infractions présentent différents niveaux, mais pas le trafic.

Par conséquent, si les peines minimales obligatoires entrent en vigueur, ce dont je ne doute pas, à quel mécanisme de sécurité aurons-nous recours? Dans une affaire de trafic relativement mineur, allons-nous compter sur la police pour ne pas traduire l'individu en justice? Du trafic reste du trafic, et une telle infraction est passible d'emprisonnement à perpétuité, dans le pire scénario. Devrons-nous espérer que les procureurs fassent abstraction de la première condamnation d'un individu afin de lui éviter une peine d'emprisonnement obligatoire? Que prévoient les mesures législatives pour éviter que ceux qui commettent des infractions relativement mineures, comme offrir un Atasol 30, n'écopent pas de deux ans de prison?

M. Nicholson : Tout d'abord, sénateur, il faut examiner les faits dans chaque affaire de trafic. Vous donnez un exemple intéressant de trafic ou de simple distribution de comprimés qui contiennent de la codéine. En fait, je ne connais pas bien les médicaments dont vous parlez. En ce qui a trait aux écoles, vous remarquerez qu'une quantité importante de substance doit être impliquée en vertu du Code criminel. La plupart du temps, on parle de jeunes qui partagent un joint. Or, le Code criminel précise qu'il faut environ trois kilogrammes pour parler de trafic.

Le sénateur Baker : Dans le cas de la marijuana.

M. Nicholson : C'est exact.

Le sénateur Baker : Il n'y a rien au sujet de la codéine.

M. Nicholson : Ce que je vous dis, monsieur le sénateur, c'est que la loi porte sur la possession. Elle s'applique au trafic, à la vente, à l'importation, à l'exportation et à la culture de marijuana dans le but d'en faire le trafic, ou encore à la fabrication de substances illicites. Je vous conseille de faire bien attention à ce que vous faites avec vos comprimés de codéines, si vous en possédez.

Le sénateur Baker : Nous poursuivrons auprès de vos collaborateurs.

En deuxième lieu, j'aimerais vous poser une question faisant suite à ce qu'on vous a demandé à propos de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Vous voulez abroger l'article qui s'intitule « Détention interdite », et qui présume qu'un jeune qui n'a pas 18 ans et un jour au moment de l'infraction ne peut être incarcéré avant d'avoir été trouvé coupable.

Or, les adultes y ont droit. En vertu du paragraphe 515(1) du Code criminel, le juge doit mettre le prévenu en liberté, à moins que le procureur de la Couronne fasse valoir des motifs justifiant de ne pas le faire. Le paragraphe qui suit stipule que l'individu doit être mis en liberté sous condition, sauf si le procureur de la Couronne invoque des raisons de ne pas agir ainsi. J'aimerais connaître le raisonnement expliquant qu'une telle disposition soit abrogée chez les jeunes, mais pas chez les adultes.

M. Nicholson : À vrai dire, nous avons déjà apporté des modifications au cautionnement. Il y a quelques années, vous vous souviendrez que je suis venu comparaître au sujet de l'inversion du fardeau de la preuve lors d'enquêtes sur le cautionnement d'adultes qui ont été accusés ou trouvés coupables d'infractions liées à l'usage d'armes à feu, entre autres. Il y a des variations.

Nous apportons des modifications à la loi à la lumière d'exemples bien précis tirés du rapport Nunn, dont j'ai parlé au sénateur Runciman. En Nouvelle-Écosse, on ne savait plus que faire d'un jeune qui était sans cesse remis en liberté et qui continuait à voler des voitures, jusqu'au jour où il a tué quelqu'un, malheureusement. C'est ce que nous changeons.

Si vous désirez présenter un projet de loi d'initiative parlementaire sur d'autres aspects du cautionnement chez les adultes, je serai très heureux de l'examiner, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse aujourd'hui. Comme vous le savez, je suis venu il y a plusieurs années afin de modifier le cautionnement chez les adultes. Or, ce projet de loi-ci porte particulièrement sur les problèmes identifiés dans le rapport Nunn, dont j'ai discuté avec mes homologues provinciaux.

M. Toews : En ce qui a trait à la loi, je pense qu'il faut tenir compte des difficultés qui se présentent lorsqu'il s'agit de jeunes. Essentiellement, plusieurs précédents obligent les juges à agir d'une certaine façon en matière de cautionnement.

À vrai dire, l'adoption de mesures législatives est la seule façon de remédier aux problèmes qui surgissent en présence d'une telle jurisprudence, et je pense que c'est justement ce dont il est question dans le rapport. Au Manitoba, il est fréquent d'entendre des juges dire qu'un individu n'est pas véritablement considéré comme étant dangereux même s'il a volé une voiture. Ces individus seront donc remis en liberté encore et encore, jusqu'au jour où ils tueront quelqu'un, comme c'est arrivé en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Baker : Je poursuivrai auprès de vos collaborateurs.

Le sénateur Lang : Je souhaite la bienvenue aux témoins, et je tiens à dire que les citoyens canadiens appuient largement votre projet de loi. Ces 20 dernières années, environ, un nombre grandissant de Canadiens se sont rendu compte que les délinquants ont très peu de respect pour le système de justice et qu'ils n'en craignent pas vraiment les conséquences. C'est selon moi pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui.

Selon un rapport du Centre canadien de la statistique juridique, qui présente les statistiques des crimes que la police canadienne a déclarés en 2010, la criminalité serait légèrement en baisse partout au pays. Ce rapport, dont on n'a pas parlé, mais sur lequel les deux ministres devraient peut-être nous donner leur avis, signale notamment que le nombre d'infractions en matière de pornographie juvénile a augmenté de 123 p. 100; les accusations liées aux armes à feu, de 11 p. 100; les infractions en matière de drogue, de 10 p. 100; le harcèlement criminel, de 5 p. 100; et les agressions sexuelles, de 5 p. 100. Le rapport indique également que la criminalité est en hausse à divers endroits au pays, comme à Terre- Neuve-et-Labrador, la province du sénateur Baker, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et en Saskatchewan, où l'augmentation est considérable.

J'aimerais savoir comment les dispositions législatives du projet de loi reflètent ces statistiques, qui n'ont pas été divulguées, mais qui auraient dû l'être, selon moi.

M. Nicholson : Merci, sénateur Lang.

Nous présentons ce projet de loi parce qu'il est sensé. D'habitude, je ne discute pas lorsqu'on me dit que le nombre de crimes commis au moyen d'une arme à feu a augmenté de 3, de 5 ou de 10 p. 100. C'est en discutant avec les citoyens d'un bout à l'autre du pays que nous cernons les problèmes. À quatre reprises, nous avons très clairement dit aux Canadiens que nous allions dans cette voie dans le but de mieux les protéger et de mieux défendre les victimes au pays. À l'instar de mes collègues, je suis très reconnaissant envers les citoyens, qui ont chaque fois été plus nombreux à répondre à l'appel. L'adoption de ces mesures fait partie de ce que nous avons promis à la population.

Vous avez mentionné un aspect qui m'a été signalé. Lorsque je discute avec les agents d'application de la loi d'un bout à l'autre du pays et avec ceux dont le travail consiste à essayer de protéger les enfants, de même qu'avec mes homologues américains, britanniques, australiens et néo-zélandais à l'occasion de rencontres internationales, on me dit la même chose : il y a une prolifération de pornographie juvénile et d'exploitation sexuelle des enfants. Tout le monde me le dit. J'ai déjà avisé le sénateur Dagenais qu'une collaboration à grande échelle est indispensable et que les lois canadiennes devront soutenir le rythme. Il y a 25 ans, on nous disait qu'il n'était pas nécessaire de criminaliser le téléchargement de pornographie juvénile ni d'adopter une loi en ce sens. En réalité, nous aurions dû aller de l'avant et criminaliser ce geste il y a près de 20 ans. Nous devons moderniser nos lois pour qu'elles reflètent la réalité.

Certains m'ont dit que ceux qui font entrer la drogue au pays n'en deviennent pas les malheureux dépendants. Ce ne sont pas eux qui l'essaient lors d'une fête. C'est plutôt le crime organisé qui coordonne ces activités perfectionnées. Grâce à notre projet de loi, ceux qui s'adonnent à ce type d'activités connaîtront les conséquences sévères auxquelles ils s'exposent. De même, ceux qui exploitent sexuellement des enfants sauront que nous sommes à l'affût puisque nous modernisons nos lois à cet égard. Les individus qui agressent sexuellement un enfant ou qui s'adonnent au trafic de pornographie juvénile connaîtront également les lourdes conséquences auxquelles ils s'exposent.

Je vous rappelle que nous joignons nos efforts à ceux d'autres pays afin de trouver une solution à ces problèmes. Je suis très heureux que le Parlement soit saisi du projet de loi. Comme je l'ai dit dans mon exposé, j'espère qu'il sera adopté sans tarder.

M. Toews : Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue au sujet de l'augmentation de certains types d'infractions dans certaines régions du pays. Toutefois, le Code criminel doit s'appliquer partout. Pour ma part, je ne me fie pas trop aux statistiques non plus. Je m'intéresse plutôt aux véritables dangers. Si un individu représente une menace pour de simples citoyens, il ne devrait pas circuler librement et devrait être pris en charge. Peu m'importe si les statistiques révèlent que la criminalité a diminué de 5, de 3 ou de 1 p. 100, ou qu'elle a augmenté de 10 p. 100; c'est le danger qui m'intéresse, et c'est ce que reflète le projet de loi.

La prudence est de mise lorsqu'on parle de statistiques. Au Canada, elles recensent les crimes déclarés par la police. À mes débuts en tant que procureur, il y a bien des années, les accusations de chèques sans provision étaient monnaie courante. Aujourd'hui, il n'y a plus de poursuites à ce sujet, à ma connaissance. Le nombre d'infractions contre les biens a soudainement chuté, mais qui croit sérieusement que les activités commerciales frauduleuses n'existent plus? Comme mon collègue l'a dit, il faut être de son temps. De manière générale, nous utilisons désormais les cartes de crédit plutôt que les chèques.

Par ailleurs, Statistique Canada présente des statistiques importantes au sujet de la victimisation tous les cinq ans. Certains disent qu'elles ne reflètent que le point de vue des victimes, mais c'est faux : ces statistiques sont très précises. Aux États-Unis, la criminalité est évaluée au moyen d'enquêtes sur la victimisation plutôt que des crimes déclarés par la police. Ainsi, comparer les statistiques canadiennes à celles des États-Unis revient à comparer des pommes et des oranges, et nous sommes alors portés à croire que la situation est bien pire chez nos voisins du sud. En réalité, ce sont des données tout à fait différentes — les crimes déclarés par la police n'ont rien à voir avec les enquêtes sur la victimisation.

Lorsqu'on compare des pommes et des pommes, comme l'a fait le Vancouver Board of Trade dans le cadre d'une étude des plus intéressantes, on remarque que c'est Vancouver qui affiche le taux le plus élevé d'infractions contre les biens aux États-Unis et au Canada; il y a deux ou trois ans, c'est Winnipeg qui occupait le deuxième rang.

Si on compare des pommes et des pommes, le portrait est soudainement tout à fait différent. C'est pourquoi nous ne devrions pas nous attarder aux statistiques, mais plutôt au danger. Je veux que les citoyens soient en sécurité dans les rues le jour et la nuit. S'ils sont menacés, nous devons contrer la menace. Et c'est ce que fait le projet de loi.

Le sénateur Lang : J'aimerais aborder la question sur le trafic que le sénateur Baker a soulevée, à savoir si une personne peut donner un comprimé de codéine à quelqu'un d'autre sans se faire accuser de trafic. Rassurez-moi et dites-moi qu'une telle situation ne se produira pas. Je ne crois pas que ce soit possible puisque ce n'est pas du trafic. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ensuite, pour le compte rendu, j'aimerais que vous parliez de la limite de six plantes de marijuana. Si j'ai bien compris, ce nombre peut équivaloir à 20 000 $ de la substance dans la rue. Est-ce ce montant qui explique le choix de cette limite? Nous aimerions des explications.

M. Nicholson : Dans chaque cas particulier, on se base sur les faits. En ce qui concerne les six plantes, la plupart des détracteurs du projet de loi prétendent que nous essayons d'emprisonner le pauvre type qui cultive six plantes dans sa cuisine, mais ils omettent de mentionner que l'individu doit faire le trafic de la substance. Quand les policiers en ont parlé, l'individu en avait peut-être écoulé cent, la veille, et il ne lui en restait plus que six. Est-ce que ça change la nature de l'infraction ou sa gravité?

Encore une fois, nous avons été très précis à ce sujet, et, dans chaque cas, nous nous en remettons aux faits. Le projet de loi vise les cultivateurs-trafiquants, à juste titre d'après moi. Comme je l'ai entendu dire par des policiers, la marijuana sert très souvent de monnaie d'échange dans l'importation de drogues plus dures au pays. C'est un objet de troc, et nous faisons donc savoir, à bon droit, que ces cultivateurs menacent gravement la sécurité et la santé. Je le répète, le projet de loi vise ce genre d'individus.

Le président : Monsieur le ministre Toews, il est clair, d'après ce que vous dites, que vous cherchez à rendre la rue sans danger et que, visiblement, l'idée est de mieux protéger le public. Il est également évident qu'il faut faire tout son possible pour prévenir la récidive, ce qui pose la question des services et des programmes de réadaptation. Que pouvez- vous nous dire sur l'importance de ces services et programmes et comment, le cas échéant, cela entre en ligne de compte dans les initiatives de votre ministère connexes au projet de loi C-10?

M. Toews : D'après moi, les services de réadaptation, de formation et de santé mentale sont indispensables au système de justice criminelle pris au sens large. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Corrections Canada (CORCAN) pour relever le niveau de la formation, conclure de nouvelles ententes avec les établissements de formation et les formateurs et assurer l'éducation. On ne vaincra la criminalité qu'en éduquant les détenus. J'aimerais qu'on les éduque avant. Je suis donc très heureux du travail de M. Lloyd Axworthy, à l'Université de Winnipeg, qui, en quelque sorte, met en rapport les jeunes Autochtones du centre-ville et l'université en supprimant les barrières dans son établissement. C'est extrêmement important. Cependant, j'ajoute que nous tenons à ne pas perdre de temps lorsque cette clientèle se retrouve dans nos prisons. J'ai sans cesse répété au commissaire Head qu'il fallait étoffer notre formation, renforcer CORCAN. De l'avis de tous, des règlements et la bureaucratie empêchent la formation et le progrès. Nous avons commencé à y voir, et je pense que c'est absolument essentiel à la réadaptation globale des individus.

L'autre volet, c'est la santé mentale. Nous avons essentiellement assisté, sous diverses formes, à la décadence des soins de santé mentale à l'échelon provincial, du fait qu'on a vidé les établissements et jeté leurs pensionnaires à la rue. Sur papier, l'idée était bonne : soutenons ces individus, ils n'auront pas besoin d'être à l'asile. J'utilise ce mot dans son sens premier, son sens le plus noble.

Le problème, c'est que, de fait, beaucoup de ces personnes ont sans cesse besoin de soins, que des soins intermittents ne suffisent pas. Nous devons vraiment réexaminer toute la question pour nous demander si nous n'avons pas commis d'erreur. S'il faut accueillir les malades mentaux dans un établissement, collaborons avec les provinces pour que l'établissement privilégie leur santé plutôt que les conséquences pénales. Je pense que notre tâche est énorme. Je suis fier du travail de notre gouvernement et de notre générosité pour les établissements fédéraux à cet égard. Je ne tiens pas à dire que lorsque nous nous présentons ici, nous ne parlons que de jeter les mauvais garçons en prison. Bien sûr que c'est ma principale obligation, mais, en ce qui concerne la réadaptation, nous ne devons pas laisser passer les occasions, quand ces jeunes hommes — ils sont le plus grand nombre — sont emprisonnés pendant un certain temps.

[Français]

Le sénateur Joyal : Ma question s'adresse aux deux ministres que nous avons le privilège d'entendre cet après-midi.

Le ministre Nicholson a fait référence dans sa déclaration d'ouverture à la réunion des ministres provinciaux de la Justice qui a eu lieu la semaine dernière et, en particulier, à la coopération essentielle entre les deux niveaux de gouvernement pour assurer l'administration cohérente de la justice.

Le ministre Toews a fait mention plus tôt que son ministère, le ministère de la Sécurité publique, avait eu tendance à surévaluer le nombre de détenus qui se retrouvaient en prison suite à l'adoption d'un certain nombre de projets de loi.

[Traduction]

D'après vos statistiques, le nombre de détenus est de 14 800 plutôt que de 15 000 ou 16 000.

M. Toews : Plutôt que de 17 800.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, je pense que l'on pourrait dire que vous et les ministres des provinces prévoyez une augmentation du nombre de détenus, du fait de toutes les lois — celles que le Parlement a adoptées ces dernières années, le projet de loi que nous étudions et d'autres, peut-être, que le gouvernement pourrait envisager.

Pensez-vous que ces lois auront un effet global grave pour le budget de l'administration de la justice des provinces et, bien sûr, l'entretien des prisons? On peut disputer s'il s'agit de 1 million ou de 1 milliard de dollars, de 900 ou de 500 millions. Le ministre du Québec a mentionné 500 millions. Celle de la Justice de l'Ontario, près de 900 millions. Je sais que certains ministres des Maritimes sont préoccupés. Seriez-vous disposé à instituer un comité mixte avec les provinces pour surveiller l'augmentation du nombre de détenus et les répercussions du phénomène sur les budgets des provinces et, aussi, à un certain moment, à rouvrir les discussions en vue d'un projet de loi conjoint, pour obtenir cette coopération que vous vous attendez à maintenir avec les provinces? Vous avez parlé de réadaptation et d'établissements psychiatriques. Cela relève des provinces. Est-ce que vous accueilleriez une telle idée, qui est pratique et qui rassurerait vos homologues des provinces relativement aux coûts élevés de toutes les lois, non seulement du projet de loi C-10, mais de toutes les lois adoptées par le passé? Est-ce que vous allez leur communiquer les statistiques, pour instaurer une collaboration cohérente entre les deux gouvernements plutôt que de faire des déclarations politiques dans lesquelles vous vous contrediriez mutuellement et diriez que vos homologues ont suffisamment d'argent et cetera? Ce sont des sujets dont nous pourrions débattre, mais, en réalité, c'est toujours le contribuable qui écope. Est-ce que cette idée vous sourit ou préférez-vous, pour le moment, ne pas l'accepter?

M. Toews : En fait, je la trouve très intéressante. Nous pourrions disputer sur la structure, mais ce genre de comité existe déjà, pour l'échange de renseignements entre les provinces et le gouvernement fédéral, parce que nous reconnaissons qu'il s'agit d'une responsabilité commune. Comme le ministre de la Justice l'a fait remarquer au début de ses observations, beaucoup de modifications législatives ont été faites à la demande des provinces. Elles reconnaissent que les coûts font problème. Nous supportons une partie de ces coûts, du fait du partage constitutionnel des responsabilités. Voilà où en sont actuellement les choses.

Je dois signaler que depuis notre accession au pouvoir, les paiements de transfert ont augmenté d'environ 12,9 milliards de dollars. Nous estimons avoir fait preuve de générosité, de souplesse également, pour ce type de transferts, tout comme nous l'avons fait pour les soins de santé et pour les transferts sociaux.

Si une province s'adresse à moi pour déplorer une augmentation du nombre de détenus, à cause de la loi, pouvons- nous, à notre tour, lui réclamer de l'argent, parce que, dans les pénitenciers fédéraux, le nombre de cas de santé mentale a augmenté et qu'il a fallu, à cause des politiques de la province, leur ajouter des ailes?

Il est difficile de démêler les responsabilités. Je pense que nous nous sommes montrés justes à l'égard des provinces, mais je suis certainement d'accord avec votre proposition selon laquelle nous devons collaborer et discuter. Il faudra toujours le faire, et j'encourage les fonctionnaires de mon ministère à entretenir des liens analogues avec les provinces, afin d'être au courant des augmentations ou des changements nécessaires.

Chaque année, aux réunions des ministres fédéraux avec leurs homologues des provinces et des territoires, nous discutons de ce type de questions. C'est à cette occasion que la ministre de l'Ontario a avoué avoir besoin d'argent. Nous n'avons pas fait valoir, pour notre part, que nous avions besoin de beaucoup d'argent pour des patients qui relevaient, au fond, de la province, mais la défaillance de son système de santé a fait en sorte que les individus en question étaient dans notre système.

À mon avis, la meilleure solution consiste à chercher une manière de nous occuper du problème de santé mentale. À lui seul, l'État fédéral ne pourra pas le résoudre dans un pénitencier. Je crois que nous avons besoin d'une stratégie beaucoup plus complète contre la maladie mentale.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre. On m'avertit que l'on réclame la présence des ministres à la Chambre immédiatement. Cela met donc fin à la période des questions que nous pouvions poser aux ministres.

Par contre, leurs collaborateurs restent, certains sont déjà attablés, tandis que les autres sont présents. Ils sont prêts à rester assez longtemps. Nous poursuivrons.

Le sénateur Nolin : Est-ce exact que les fonctionnaires ne peuvent pas répondre aux questions posées sur les orientations du gouvernement?

M. Toews : C'est exact.

Le sénateur Nolin : J'ai ce genre de questions pour les ministres.

M. Toews : Nous devons remettre cela à plus tard. Nous devons aller voter. Je suis désolé.

Le sénateur Nolin : Avez-vous peur de quelque chose?

Le président : À mon retour, dans un moment, je m'occuperai de cela, sénateur Nolin.

Nous allons nous interrompre, le temps de permettre aux ministres de nous quitter pour retourner à la Chambre. En votre nom, je tiens remercier les ministres. Vos propos ont été très instructifs et très utiles.

Chers collègues, comme je l'ai dit d'abord, les ministres ont été obligés de nous quitter, mais nous pouvons compter sur la présence de nombreux fonctionnaires des ministères de la Justice et de la Sécurité publique. Un groupe assez nombreux se trouve au bout de la table et j'espère n'oublier personne dans ma présentation.

Catherine Kane, que j'ai déjà présentée, est encore ici. Se joignent à elle Carole Morency, directrice et avocate générale, de la Section de la politique en matière de droit pénal, Paul Saint-Denis, avocat-conseil, de la même section — heureux de vous revoir, monsieur Saint-Denis — et Paula Kingston, avocate-conseil, de la Section de la justice applicable aux jeunes et des initiatives stratégiques, tous du ministère de la Justice.

Accueillons aussi Mary Campbell, que j'ai présentée plus tôt, Larisa Galadza, directrice principale de la Politique de la sécurité nationale, qui reste avec nous, et M. Daryl Churney, directeur de la Division des politiques correctionnelles, tous du ministère de la Sécurité publique.

Vu les nombreux sujets que couvre le projet de loi C-10, les sénateurs s'y étaient grandement intéressés et ils souhaitaient pouvoir parler aux ministres et les questionner. Malheureusement, faute de temps uniquement, ça été impossible. Dans le premier tour de questions, les sénateurs Angus, Chaput et Boisvenu n'ont malheureusement pas été en mesure de questionner les ministres. Nous avions également un invité, le sénateur Nolin.

Sans plus de cérémonie...

Le sénateur Nolin : Je ne suis pas un invité. Je suis sénateur. J'ai parfaitement le droit d'être ici. Je ne suis pas un invité. Je suis sénateur.

Le président : D'accord. C'est mon erreur. J'en suis désolé.

Le sénateur Nolin : Vous avez peut-être l'impression que je suis un invité, mais j'ai parfaitement le droit d'être ici et de poser des questions ainsi que de participer aux délibérations du comité, ce que j'entends bien faire.

Le président : Oui, c'est certainement votre droit. Les membres du comité se sont longuement et sérieusement préparés, et je suis convaincu que cela paraîtra dans leurs questions aux témoins.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le président, est-ce que je peux poser une question?

Le président : Oui.

Le sénateur Jaffer : Pour l'étude d'un projet de loi si important, pour laquelle nous avons invité deux ministres poids lourd qui ont fait des déclarations préliminaires et que vous avez longuement laissés répondre à nos questions, je crains qu'on nous ait accordé peu de temps pour les questions. La présence, moins d'une heure, de deux ministres a réduit le nombre de questions que nous voulions poser. Est-ce que les ministres vont revenir?

Le président : La question est évidemment complexe, puisque le projet de loi C-10 englobe neuf projets de loi antérieurs.

Le sénateur Jaffer : Précisément. C'était ce que je voulais dire.

Le président : Un ministre ne peut pas nécessairement répondre avec concision à une question en apparence simple.

Le sénateur Jaffer : C'est également ce que je voulais dire.

Le président : Si vous me permettez de terminer... C'est pourquoi je n'ai pas brusqué les ministres, pour qu'ils se sentent à l'aise. Je crois que nous leur devons bien cela. Si nous avions disposé de plus de temps, s'ils avaient pu rester, nous aurions pu poursuivre. Nous avons des contraintes à respecter. Celle-là n'est pas apparue aujourd'hui. Nous savions que les ministres nous accorderaient une heure. Tous les membres ont été avertis. Il faut s'y faire.

Le sénateur Jaffer : Pourquoi deux ministres en même temps? Voilà ma question.

Le président : Nous avons deux sujets, qui concernent les deux ministères. Mentionnons également le ministre Kenney, de Citoyenneté et Immigration. Certaines de nos questions concernent son portefeuille. Il aurait pu être ici aujourd'hui, mais il avait un empêchement et il comparaîtra à une date ultérieure.

C'est la solution qui a été trouvée. La question a été réglée par les trois membres du comité de direction, et nous avons reconnu que c'était dans ces conditions que se dérouleraient les comparutions.

Le sénateur Fraser : Je ne pense pas violer le secret du confessionnal en disant que, dans le comité de direction, nous savions qu'une heure serait très vite passée. Nous avons essayé d'obtenir davantage. Je pense que tous les membres du comité sont vraiment déçus, comme c'est souvent le cas quand les ministres doivent filer pour aller voter. Dans ce cas, je crois que personne ici n'est responsable de cette situation.

Le président : Bien franchement, madame, personne, à mon avis, ne mérite de reproches. En fait, les ministres disposaient d'un certain temps. Nous le savions, et ils avaient beaucoup de chats à fouetter, des questions qui les ont obligés à retourner en Chambre.

Je pense que nous en avons suffisamment parlé. J'aurais aimé disposer de plus de temps, mais nous avons fait ce que nous avons pu. Nous nous acquitterons méticuleusement de notre tâche.

Cela dit, les fonctionnaires des deux ministères sont à notre service. Nous devrions en profiter pour les questionner, ce que vous ne manquerez pas de faire, j'en suis convaincu. Sans plus de cérémonie, commençons par le sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur le président, et bienvenue à vous tous, mesdames et messieurs les témoins. Je pense que la plupart, sinon la totalité d'entre vous, ont déjà témoigné devant le comité.

Comme il a été dit, le projet de loi C-10 comprend neuf projets de loi portant divers aspects de la criminalité et de sa répression, que nous devons étudier. Je pense qu'il est juste de préciser, également, que les deux ministres ont déjà comparu devant nous, et que nous avons eu l'occasion de les questionner sur les mêmes dispositions du projet de loi.

Pour commencer, est-il vrai que le projet de loi comprend neuf projets de loi que nous avons tous déjà examinés?

Le sénateur Fraser : Non.

Le sénateur Angus : Sauf une mesure?

Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, Ministère de la Justice Canada : Je crois que vous avez déjà examiné les changements liés aux drogues. Vous deviez étudier la réforme sur les crimes sexuels contre les enfants à cette période l'an dernier, mais n'en avez pas eu l'occasion. Seule la Chambre a examiné les changements sur le système de justice pour les jeunes. Je crois que vous connaissez bien la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme.

Le sénateur Fraser : Nous avons déjà examiné ce projet de loi, sous une forme ou une autre.

Le sénateur Angus : C'est ce que je pensais. D'une manière ou d'une autre, nous sommes en terrain connu. Je me souviens d'avoir posé des questions là-dessus et d'avoir entendu les mêmes arguments sur les peines minimales, et cetera. Tout ça est très intéressant.

Permettez-moi de demander pourquoi vous avez choisi de réunir tous ces projets de loi dans un seul projet de grande ampleur. Sans exagérer, il était volumineux. J'ai demandé ce que c'était, quand on a apporté cet énorme document à mon bureau. On m'a dit qu'il s'agissait des dispositions du projet de loi C-10, des neuf projets de loi réunis, en fait.

Mme Kane : Vous avez raison, sénateur.

Le sénateur Angus : Je pense qu'on parle d'un projet omnibus, n'est-ce pas?

Mme Kane : Nous n'employons pas le terme « omnibus ». Ce projet de loi a une grande portée et il rassemble les neuf projets de loi dont vous avez parlé. C'est pourquoi le cahier d'information article par article est si volumineux. Il contient essentiellement les cahiers d'information sur les neuf projets de loi, qui ont été réorganisés dans une certaine mesure. Le projet de loi C-10 rassemble ces anciens projets de loi et il reflète la volonté du gouvernement de les soumettre de nouveau de manière globale. C'est pourquoi ce projet de loi est présenté sous sa forme actuelle. Les projets de loi réunis ont des points en commun concernant la lutte contre la criminalité et une meilleure protection pour les victimes.

En général, nous employons le terme « omnibus » pour parler de dispositions diverses réunies au fil du temps si on ne peut pas les présenter dans d'autres projets de loi. Donc, ce n'est pas un projet omnibus; c'est un projet de loi global.

Le sénateur Angus : Je comprends. Je ne veux pas paraître impoli, mais je suis vraiment intrigué. J'ai fait l'effort de consulter le document. Il a fallu une grue pour le monter à mon bureau, au neuvième étage. En examinant le cahier, je me suis dit que nous avions déjà étudié ces dispositions. J'ai examiné ce cahier sous trois angles jusque dimanche. Des psychiatres et les représentants de toutes les Sociétés John Howard et Elizabeth Fry du Canada m'ont demandé pourquoi nous ne pouvions pas au moins conserver et examiner les projets de loi de manière séparée. Nous étions sur le point de les adopter.

Je suis sénateur depuis près de 20 ans. Je trouve très difficile de structurer toutes ces dispositions dans un grand ensemble.

Mme Kane : Tous mes collègues et moi pouvons vous aider à y voir clair et répondre à vos questions. C'est pourquoi nous sommes si nombreux. Tous les experts de ces anciens projets de loi sont ici présents.

Le sénateur Angus : C'est bien que vous soyez tous venus, mais comme le sénateur Jaffer l'a souligné, il aurait été plus simple de discuter d'une chose à la fois avec un seul ministre, mais c'était impossible et nous l'acceptons. Je soutiens le gouvernement sans réserve, mais d'un point de vue pratique, je cherche à comprendre pourquoi nous sommes placés dans une telle situation.

Étant donné que ma question ne porte pas sur la politique, j'estime qu'elle est recevable. Si j'ai bien compris, les neuf projets de loi ou une partie ont été demandés par les provinces et les territoires et ont reçu leur appui, n'est-ce pas?

Mme Kane : Oui, c'est exact. Bien des changements proposés dans les projets de loi précédents et dans la mesure actuelle ont été négociés durant plusieurs années par le fédéral, les provinces et les territoires. Par exemple, les changements sur les peines avec sursis négociés avec les provinces ont été proposés il y a environ six ans et demi. Des mesures sur l'ordonnance de sursis ont déjà été présentées. Les nouvelles mesures se fondent sur les précédentes, même si ce n'est pas exactement ce que les provinces et les territoires avaient négocié ou recommandé. Comme le ministre l'a indiqué, les modifications sur le système de justice pénale pour les jeunes sont axées sur les vastes consultations tenues non seulement avec les provinces et les territoires, mais aussi avec les intéressés en général. Elles tiennent compte de nombreuses recommandations de la commission Nunn.

Comme M. Saint-Denis vous le dira en réponse aux éventuelles questions liées aux drogues, les comités fédéraux- provinciaux s'entretiennent de bon nombre de ces questions. L'opinion de nos confrères des provinces et des territoires oriente nos travaux. Un certain nombre de comités tiennent des réunions régulières concernant diverses questions. Les gouvernements provinciaux et territoriaux nous donnent leur avis sur les questions et les problèmes d'actualité pour ce qui est de l'application du projet de loi actuel, et cetera. Ces mêmes questions sont étudiées dans les réunions des sous- ministres et des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux, durant lesquelles les provinces demandent d'autres changements, en plus des nombreuses modifications déjà proposées ou adoptées.

Le sénateur Angus : Je viens de commencer à examiner ce projet de loi et je veux clarifier les choses. À tort ou à raison, je comprends que les provinces et les territoires appuient l'esprit de tous les aspects du projet de loi C-10. Est-ce exact?

Mme Kane : Si je ne m'abuse, vous allez entendre des représentants provinciaux. Il vaut peut-être mieux s'adresser à eux. Comme le ministre Nicholson l'a indiqué la semaine dernière à la réunion des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux, il a beaucoup été question de ce projet de loi. En général, les ministres soutenaient la grande majorité des dispositions. Certains ministres provinciaux sont surtout préoccupés par la façon de les mettre en œuvre à court terme. Ils ont demandé la collaboration du fédéral pour que la mise en œuvre soit progressive, et cetera. Le communiqué émis à la suite de la réunion des ministres contient la plupart de ces informations. Toutefois, je ne peux pas affirmer que toutes les provinces et tous les territoires veulent l'adoption de toutes les dispositions, parce que ce n'est pas ce que j'ai entendu après la réunion. En général, les ministres soutiennent ce projet de loi sur la criminalité, la sécurité publique et la protection des victimes. Toutes les provinces sont d'accord pour dire qu'il faut consacrer des efforts à cet égard.

Le sénateur Angus : Je répète que j'ai commencé l'examen de ce projet de loi en comprenant qu'on appuyait son esprit en général, mais pas les coûts de sa mise en œuvre, notamment. J'ai lu assidûment tous les quotidiens et j'ai constaté que certaines provinces et certains territoires s'opposaient assez farouchement à ce projet. Quels aspects du projet de loi C-10 sont inacceptables pour les provinces et les territoires, à votre avis?

Mme Kane : On peut dire sans se tromper que les points acceptables et les points inacceptables ne font pas l'unanimité. Certaines provinces appuient fermement certaines dispositions. Par exemple, le ministre québécois de la Justice a soulevé des questions sur deux dispositions relatives à la justice pour les jeunes, le retrait des interdictions de publier et le bien-fondé du principe de la protection de la société dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Le ministre a dit clairement que c'était ses grandes préoccupations. Il ne pouvait pas donner son appui sans réserve à cause de ces deux aspects.

D'autres gouvernements provinciaux ont indiqué qu'ils devaient prendre en compte les conséquences de la mise en œuvre du projet de loi pour l'administration du système de justice, qui est de responsabilité provinciale. Ils ont mis en lumière certaines dispositions et, sans dire qu'ils étaient contre, ils ont précisé que la mise en œuvre à court terme pourrait présenter des difficultés.

Le sénateur Angus : C'est pertinent dans la mesure où les difficultés qui nous attendent sont mises de l'avant, monsieur le président. Je représente le Québec avec les sénateurs Dagenais et Nolin, ainsi que certains sénateurs de l'autre côté de la table. Je m'oppose à la longue tradition qui amène les ministres du Québec à refuser de témoigner devant les comités fédéraux comme le nôtre. Mais comme vous venez de l'expliquer, le gouvernement québécois est tellement préoccupé par ces deux questions que son ministre de la Justice, l'honorable Jean-Marc Fournier, est venu nous exprimer son mécontentement quant aux mesures proposées. Il ne faut pas se bercer d'illusions : tout le monde n'est pas emballé par le projet de loi C-10.

Le président : Je rappelle à mes collègues que les questions doivent être les plus brèves possible. Nous voulons présenter le plus d'idées et poser le plus de questions possible.

[Français]

Le sénateur Chaput : Merci, monsieur le président.

Essentiellement, trois points principaux me préoccupent dans ce projet de loi C-10. Il y en a d'autres mais j'aimerais que vous puissiez m'expliquer comment le projet de loi C-10 répond à ces trois préoccupations : la première, c'est la question des victimes. Si je comprends bien, le ministre Toews a conseillé d'assurer que les victimes soient mieux informées.

C'est ce que j'ai compris. Je me demande si on ne ferait pas mieux d'augmenter les ressources disponibles aux victimes. Est-ce que le projet de loi C-10 répond à cette question par rapport aux victimes? Si les ressources étaient augmentées, cela les encouragerait à s'adresser à la police. Ce serait un système qui répondrait davantage à leur besoin.

Ma deuxième préoccupation est l'absence de considération aux circonstances particulières des jeunes contrevenants. Plusieurs experts disent que le durcissement des peines n'a aucun effet de dissuasion sur les jeunes. Durcir les peines ne change pas les choses, c'est l'inverse. Cela durcit le comportement de ces jeunes. Je voudrais que vous m'expliquiez comment le projet de loi répond à cette question.

Troisièmement, je suis d'accord qu'il faille emprisonner les criminels et qu'ils doivent être punis. Je vois un système axé sur l'emprisonnement au lieu de la réhabilitation. J'ai entendu le ministre Toews dire de très belles choses au sujet de la réhabilitation et de l'éducation. Est-ce que le projet de loi répond vraiment à ces trois préoccupations et si oui, comment?

[Traduction]

Mme Kane : Votre question porte sur trois aspects, donc trois personnes vont y répondre. Mme Campbell va commencer par les dispositions sur les victimes et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Mary Campbell, directrice générale, Direction générale des affaires correctionnelles et de la justice pénale Sécurité publique Canada : Merci de la question sur les victimes. Tout le monde à cette table sait que les besoins des victimes sont multiples et qu'ils diffèrent d'une victime à l'autre. Les victimes disent constamment qu'elles ont besoin d'un accès accru à l'information sur l'évolution de leur dossier ou de celui du délinquant qui leur a causé du tort. Le ministre Toews s'occupe de la question des victimes et des délinquants dans le système pénitentiaire fédéral. Nous n'avons aucun contrôle sur ce qui arrive aux victimes dans les systèmes provinciaux, qui ne relèvent pas de nous. Le projet de loi C-10 comporte plusieurs mesures permettant de fournir davantage d'informations aux victimes.

Une mesure porte sur le pénitencier où le délinquant purge sa peine. Certaines victimes sont préoccupées par le transfert du délinquant vers un pénitencier situé plus près de chez elles. Si possible, elles veulent savoir d'avance que le transfert aura lieu, car les délinquants sont transférés pour toutes sortes de raisons. Le projet de loi C-10 permet de communiquer aux victimes le pénitencier où le délinquant est transféré.

Les audiences de libération conditionnelle constituent une autre préoccupation des victimes et des groupes de défense. Parfois, une victime assiste à l'audience du délinquant qui a commis un crime contre elle bien des années auparavant. Elle n'a aucune idée de ce qui s'est passé entretemps, si le délinquant a suivi un programme de réadaptation et s'il a fait des efforts pour changer.

Les victimes obtiennent ces informations à l'audience de libération conditionnelle, mais elles jugent qu'il est préférable de les connaître plus tôt. C'est pourquoi des dispositions concernent la communication des informations à la victime pendant que le délinquant purge sa peine, tout en tenant compte de la protection des renseignements personnels ou de la sécurité du délinquant.

En ce qui a trait à la communication de plus amples informations, il y a plusieurs façons de répondre au besoin de ressources accrues. Puisque les provinces offrent bon nombre de services aux victimes, le système fédéral fournit certaines ressources. Ma direction s'occupe du Bureau national pour les victimes d'actes criminels. Dans le contexte actuel, si nous ne recevons pas d'autres ressources, nous sommes heureux de conserver celles que nous avons. C'est extrêmement important.

Concernant votre troisième point à propos de l'accent qui semble être mis sur la sanction plutôt que sur la réadaptation, c'est peut-être simplement en raison des enjeux visés dans le projet de loi par rapport aux questions relatives au système. Comme l'a dit le ministre, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition stipule très clairement l'importance des programmes, de la réadaptation, des traitements et du placement à l'extérieur. Il s'agit d'une grande préoccupation pour les responsables. Je ne considère pas que l'absence de ces aspects dans le projet de loi C-10 diminue leur importance.

Ces deux derniers jours, je me suis réuni avec des responsables du système correctionnel pour examiner un programme de placement à l'extérieur qui permettrait aux délinquants d'acquérir des compétences dans un métier et de travailler à titre de bénévoles. Nous envisageons de modifier considérablement la formation dans les métiers pour les hommes et les femmes coupables d'un crime. Nous planchons sur un certain nombre de projets.

Je souhaiterais que nous disposions de toutes les ressources imaginables pour répondre aux besoins. Le ministre a parlé des besoins en santé mentale. Les gens du Service correctionnel font de leur mieux. Je vous assure que nous examinons les programmes très sérieusement et qu'ils ne sont pas réduits.

Paula Kingston, avocate-conseil, Section de la justice applicable aux jeunes et des initiatives stratégiques, ministère de la Justice Canada : Concernant votre question sur le système de justice pour les jeunes, c'est essentiel d'examiner les changements proposés, qui portent sur les récidivistes violents. Ces changements concernent surtout un petit groupe de délinquants, mais il importe de constater que le projet de loi maintient les principes d'un système de justice distinct pour les jeunes, fondé sur la réadaptation et la réinsertion sociale, plutôt que sur une approche plus punitive.

Durant les réunions de comité sur ce projet de loi, on s'est dit très préoccupé par l'orientation plus punitive que prendrait le système, mais je pense que c'est important d'étudier les dispositions en contexte. Par exemple, cette mesure souligne le principe de la protection du public. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents fait déjà état de ce principe et elle mentionne un certain nombre de facteurs qui favorisent la protection de la population. Au lieu d'indiquer que ces facteurs permettent à long terme de protéger la population, elle précise qu'ils favorisent la protection durable du public.

En fait, la modification mentionne que le système de justice pénale pour les adolescents sert à protéger la population : en obligeant les adolescents à répondre de leurs actes au moyen de mesures proportionnées à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité; en favorisant la réadaptation et la réinsertion sociale des adolescents; en contribuant à la prévention du crime par le renvoi des adolescents à des programmes ou à des organismes communautaires en vue de supprimer les causes sous-jacentes à la criminalité chez ces adolescents. C'est la modification qui concerne la protection du public. Elle conserve les principes qui distinguent le système de justice pénale pour les jeunes.

C'est clair que la réadaptation et la réinsertion sociale sont essentielles. Les principes énoncés à l'article 3 s'appliquent à toutes les dispositions concernées dans la mesure. Dans toutes les parties du projet de loi, dont celle sur la détermination de la peine, les différents principes ne changent pas le fait que l'accent est mis sur la réinsertion sociale et la réadaptation.

Je tiens à dire que les principes de l'article 3 mettent l'accent sur la réadaptation et la réinsertion sociale dans un système de justice distinct pour les jeunes. C'est le fondement du système et il ne change pas. En fait, ce projet de loi le renforce.

En 2008, la Cour suprême du Canada a indiqué dans l'affaire R. c. D.B. que le système de justice distinct pour les adolescents était justifié par la culpabilité morale réduite des jeunes, le fait qu'ils peuvent encore prendre de la maturité, qu'ils n'ont pas toute la maturité des adultes et que leur réadaptation et leur réinsertion sociale présentent de meilleures chances de réussite. C'est même un principe de justice fondamentale maintenant reconnu à l'article 7 de la Charte.

C'est extrêmement important, les dispositions sont rédigées en conséquence dans le projet de loi. La référence précise est désormais indiquée. En plus des principes de réinsertion sociale et de réadaptation, d'autres principes indiquent que la culpabilité morale des jeunes est réduite.

Les principes de la détermination de la peine contiennent un changement sur la dénonciation et la dissuasion comme objectifs potentiels. Les autres principes de détermination de la peine sont obligatoires, comme la mesure la moins restrictive et la mieux proportionnée possible, et cetera, mais le juge pourra ajouter un effet dissuasif à la peine, s'il estime que c'est approprié et pourvu que les autres principes soient respectés. Je ne parle pas de dissuasion en général, qui s'applique à tous les adolescents, mais d'un effet dissuasif précis pour le jeune en question. Par exemple, le juge pourrait tenir compte d'une telle option en cas de récidive.

Par ailleurs, aucune modification ne porte sur les peines actuelles prévues dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Les peines stipulées ne changent pas.

Le président : Je vais accorder une question brève. Je rappelle aux honorables sénateurs que nous sommes présentement dans la prolongation de la première série de questions. Nous passerons ensuite aux sénateurs Nolin, Cowan et Dagenais. Soyez très brefs, je vous prie.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je ne poserai pas de questions, mais j'aimerais simplement faire une observation. D'après tout ce que j'ai entendu, si la réhabilitation est si importante, j'ose croire que vous affecterez plus de personnel à la réhabilitation. J'ose croire que ce sera une priorité, étant donné l'importance accordée à cette mesure.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Madame Kane, c'est M. Saint-Denis qui va répondre aux questions liées aux drogues, si je comprends bien.

Nous nous connaissons depuis de nombreuses années. Monsieur Saint-Denis, je comprends tout à fait que vous ne pouvez malheureusement pas répondre aux questions d'orientation stratégique.

[Français]

Monsieur Saint-Denis, j'aimerais vous poser des questions uniquement sur les articles qui touchent aux amendements à la loi réglementant certaines drogues et autres substances.

[Traduction]

Monsieur le président, je veux poser des questions sur un document public et de portée internationale. J'aimerais savoir si je peux remettre le document aux membres du comité et, bien sûr, au témoin.

Le président : Ce document concerne-t-il notre étude?

Le sénateur Nolin : Bien sûr.

Le président : Avez-vous des copies pour tout le monde?

Le sénateur Nolin : Oui.

Le président : Oui, vous pouvez remettre les copies. Lorsque ce sera fait, pourrez-vous indiquer de quel document il s'agit?

Le sénateur Nolin : Oui.

Pendant que nous remettons les copies, je précise que le dossier contient trois documents, dont le rapport en anglais et en français de la Commission mondiale sur les politiques en matière de drogue. Ce rapport renvoie à deux études évaluées par des pairs qui se trouvent aussi dans le dossier, mais elles sont seulement en anglais. Je vais parler de ces trois documents dans mes questions à M. Saint-Denis.

Avant que je pose ma question à M. Saint-Denis, pouvez-vous tous consulter la première page du rapport, qui présente les commissaires? Vous pourrez constater qu'on ne parle pas de représentants internationaux de deuxième classe, mais d'anciens chefs de gouvernement : Kofi Annan, Paul Volker, ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis, Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Suisse, et cetera. Il s'agit de 19 autorités qui ont décidé de s'occuper d'une question sérieuse.

J'arrive à vous, monsieur Saint-Denis. Je vous donne le temps de parcourir le document si vous ne l'avez jamais vu et de vous rafraîchir la mémoire si vous l'avez déjà consulté.

Le président : Veuillez m'excuser, monsieur le sénateur, vous pouvez poser vos questions, mais M. Saint-Denis n'a pas à répondre s'il ne connaît pas le rapport...

Le sénateur Nolin : Posons-lui la question.

Le président : Nous ne pouvons pas lui laisser consulter le document. Il faut tout d'abord lui demander s'il l'a déjà étudié.

Monsieur Saint-Denis, connaissez-vous bien le rapport ou l'avez-vous déjà parcouru?

Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je n'ai pas consulté le rapport dans le détail. Je savais qu'il existait, mais je n'ai pas eu la chance de le lire.

Le président : Dans ce cas, vous pouvez poser vos questions, monsieur le sénateur Nolin. Je répète que notre temps est limité. Vous pouvez poser des questions sur le rapport à M. Saint-Denis, mais vous devez garder en tête qu'il ne le connaît pas bien. Posez les questions que vous voulez, mais venez-en au fait et soyez conscient du temps dont nous disposons.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur Saint-Denis, je vais le lire le texte en anglais puisque la majorité de mes collègues sont de langue anglaise. À la page 5, au sujet du principe no 1, on peut lire ce qui suit. Je vais citer en anglais, après quoi je vous poserai une question basée sur cette affirmation.

[Traduction]

Je veux parler du principe no 1, à la page 5. Mes questions à M. Saint-Denis se fondent seulement sur ce principe et sa relation avec le projet de loi C-10. Voici ce que dit le principe :

Les politiques en matière de stupéfiants doivent être fondées sur des preuves empiriques et scientifiques incontestables. Le succès devrait principalement être mesuré en termes de réduction des risques pour la santé, de sécurité, de bien-être des personnes et de la société.

[Français]

Monsieur Saint-Denis, vous avez été au cœur de la rédaction du projet de loi C-10 ou, à tout le moins, des articles 39 et suivants qui touchent à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Pouvez-vous affirmer aujourd'hui que le premier principe, sur lequel la Global Commission on Drug Policy s'est basée pour la rédaction de son rapport, a été respecté lors de la rédaction du projet de loi C-10 en ce qui touche le contrôle des drogues?

M. Saint-Denis : Ce principe a été élaboré par la Global Commission on Drug Policy. Il faut dire que les Nations Unies ont élaboré d'autres principes qui non seulement ont en tête le principe de vouloir se servir de statistiques et de données empiriques pour élaborer certaines politiques, mais aussi certaines préoccupations concernant la réduction des effets nocifs.

Le principe élaboré dans ce document ne fonctionne pas nécessairement tout à fait en conjonction avec d'autres principes élaborés par d'autre corps internationaux. Ceci dit, on nous a proposé certaines politiques qui provenaient du gouvernement et que nous avons mis en œuvre. Nous avons trouvé une façon de mettre en œuvre certaines directives mais malheureusement, je ne suis pas au courant des facteurs qu'a pris en considération le Cabinet pour nous fournir des directives en ce qui concerne la façon dont nous devions aborder la question des peines minimales.

Le sénateur Nolin : Toujours dans le rapport de la Global Commission on Drug Policy, à la page 15 en anglais, il y a un volet intitulé Law Enforcement and the Escalation of Violence. Les deux ministres ont longuement parlé de la protection de la société et de la sécurisation des populations. Je ne vais pas lire tout le texte parce que le président m'interromprait, et avec raison d'ailleurs.

Cette partie du texte fait référence à trois études, dont deux qui sont dans la liasse de documents que vous avez devant vous. Êtes-vous familier avec ces études qui examinent les conséquences sur l'intensité de la violence dans les zones urbaines de la mise en œuvre d'actions prohibitives face au contrôle et trafic des substances? Est-ce que vous êtes familier avec ces études canadiennes?

M. Saint-Denis : Non. Malheureusement, je dois avouer que je ne suis pas au courant de ces études.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : M. Saint-Denis est bien sûr le spécialiste du gouvernement du Canada en matière de drogues, et j'accepte ses réponses sans hésitation. Si le comité de direction le juge pertinent, il convient peut-être d'établir pourquoi ces principes sont si importants. Fait intéressant, une ancienne juge de la Cour suprême du Canada, Louise Arbour, fait partie de la commission mondiale. Je suis sûr qu'elle serait ravie d'accepter votre invitation. Un des auteurs de ces deux études — réalisées au Canada — pourra sans doute témoigner devant le comité pour vous dire pourquoi une prohibition et des sanctions renforcées ne constituent pas de bonnes façons de protéger la population.

Le président : Sénateur, j'ai pris bonne note de votre commentaire. Je crois que les sénateurs et les deux groupes savaient que nous aurions l'occasion de proposer des témoins au comité de direction. Nous avons reçu un certain nombre de propositions qui nous ont permis d'établir quels témoins nous allions accueillir. Je ne me rappelle pas qu'il ait déjà été question de ce rapport, mais je vais tenir compte de votre argument. Je veux être le plus juste et équitable possible avec vous, qui avez consacré beaucoup de temps et d'efforts à la question. Mais la réunion concerne le projet de loi C-10. Des représentants du ministère sont avec nous aujourd'hui. Nous allons nous en tenir aux questions des sénateurs qui portent sur le projet de loi C-10.

En outre, nous n'avons pas reçu le rapport avant aujourd'hui, et je pense que c'est un peu injuste de demander aux témoins de répondre aux questions à ce sujet. Vous pouvez tout de même poser la question que vous souhaitez. Je ne vous en empêche pas, mais il faut respecter le temps qui nous est imparti.

Les témoins resteront avec nous environ une heure. Il faut s'en tenir à l'objet de la réunion de ce soir, pour lequel les témoins se sont préparés.

Les sénateurs Cowan et Dagenais vont terminer la première série de questions, puis la deuxième série comptera quatre autres sénateurs.

Le sénateur Nolin : J'ai terminé.

Le président : Merci.

Le sénateur Cowan : J'ai deux questions brèves. Les ministres ont parlé de ma province, la Nouvelle-Écosse, et du rapport du juge Nunn. Avez-vous consulté le juge Nunn pour élaborer les dispositions sur la justice pénale pour les adolescents dans le projet de loi?

Mme Kingston : Non, il n'a pas été consulté, mais un certain nombre de modifications sont axées sur les recommandations de son rapport. Toutefois, le juge Nunn a comparu devant le Comité de la justice.

Le sénateur Cowan : Je pense que nous allons le recevoir, monsieur le président.

Le président : Oui.

Le sénateur Cowan : Les ministres ont aussi parlé d'amendements. Si vous vous souvenez bien, le comité a rejeté des modifications proposées en Chambre. Le gouvernement a tenté de les présenter à la troisième lecture. Certaines règles de la Chambre l'empêchaient, et le Président a jugé ces amendements irrecevables. Ces modifications seront-elles présentées au Sénat et, si c'est le cas, à quel moment?

Mme Kane : Monsieur le sénateur, il s'agit de modifications proposées par le gouvernement concernant deux ou trois dispositions. Certains amendements visaient à coordonner les dispositions sur les drogues et un projet de loi d'initiative parlementaire adopté plus tôt, tandis que d'autres amendements concernaient d'autres parties du projet de loi. Pour l'heure, je ne peux pas vous dire si ces modifications seront présentées ou non. Je pense que les témoignages entendus par le comité auront une influence.

Le sénateur Cowan : Les ministres n'ont-ils pas affirmé que des modifications seraient proposées?

Mme Kane : Je ne les ai pas entendus dire ça dans leur témoignage d'aujourd'hui. Mes collègues veulent peut-être ajouter quelque chose.

Mme Campbell : Je pense que le ministre Toews a parlé de modifications, mais je crois qu'il s'agit de celles que contient déjà cette mesure. Concernant des changements supplémentaires au projet de loi C-10, je dirais comme Mme Kane que le ministre Toews s'intéresse beaucoup aux délibérations du comité et qu'il va attendre les résultats.

Le sénateur Cowan : Vous ne pouvez pas nous dire aujourd'hui si d'autres changements seront apportés au projet de loi que nous étudions?

Mme Campbell : Le ministre attendra de connaître les résultats des délibérations. Les modifications sont en général présentées durant l'étude article par article du comité.

Le sénateur Cowan : Sauf votre respect, le président a dit clairement au début que le gouvernement exerçait une pression considérable. Les ministres ont indiqué à plusieurs reprises qu'ils voulaient un processus rapide. Cependant, nous devons savoir de quoi il en retourne. Si nous posons des questions et tenons des discussions brèves sur ce projet de loi qui sera ensuite amendé et qu'il faut faire vite, nous perdons peut-être notre temps concernant les dispositions qui seront modifiées. Pourrez-vous nous informer dans un ou deux jours des amendements qui seraient soumis et nous les remettre?

Le président : Si vous le permettez, comme l'a dit Mme Kane et comme vous le savez par expérience, sénateur, les amendements sont examinés durant l'étude article par article. Si j'ai bien compris, Mme Kane a dit que les audiences seraient suivies de près par tout le monde, dont les ministres. Je pense qu'il est très anormal et inapproprié de poser une telle question aux témoins. Comme vous le savez, nous examinons les amendements durant l'étude article par article.

Le sénateur Cowan : Sauf votre respect, monsieur le président, les témoins pourront nous dire ce qu'ils savent. Dans le cas contraire, ils vont nous le faire savoir.

Le président : Je pense que les témoins ont répondu. Ils ont dit qu'ils n'étaient pas au courant.

Le sénateur Cowan : Très bien.

Le sénateur Angus : Si vous voulez proposer des amendements, veuillez m'en envoyer une copie, s'il vous plaît.

Le sénateur Cowan : Ce serait bienvenu.

Mme Campbell : Nous pourrons transmettre votre demande aux ministres.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : C'est la première fois que je siège au comité à titre de sénateur. J'ai porté un képi de policier pendant plus de 39 ans, mais je vais essayer de faire la distinction ce soir.

J'ai écouté plusieurs intervenants et les deux ministres. On a parlé du projet de loi. On dit qu'on va respecter les droits des jeunes. Évidemment, on veut mieux protéger les familles. On a parlé de programmes de réhabilitation également et je comprends que, même si le projet de loi prévoit des peines plus sévères, on prévoit aussi des instruments de réhabilitation.

Dois-je comprendre que, dans le cadre de ce projet de loi, ce ne sont pas tous les jeunes qui se retrouveront en prison et que des programmes de réhabilitation et de réadaptation sont déjà prévus?

On entend beaucoup de choses et je pense que c'est la bonne tribune pour poser cette question fort simple et pour apporter des précisions concernant le projet de loi.

[Traduction]

Mme Kingston : Concernant la loi, aucun changement n'est apporté aux principes de réadaptation et de réinsertion sociale du système de justice pénale distinct pour les adolescents. En fait, ces principes sont renforcés, car la Cour suprême a érigé en principe de justice fondamentale la culpabilité morale réduite des jeunes, en partie parce qu'ils peuvent encore gagner en maturité. Certains croient que les jeunes sont plus aptes à la réadaptation et à la réinsertion sociale. C'est pourquoi il s'agit d'un fondement de notre système. Certaines modifications dans le projet de loi concernent les jeunes récidivistes, mais les dispositions sur la réadaptation et la réinsertion sociale restent inchangées. En fait, ces dispositions sont consolidées et elles visent tous les adolescents.

Le sénateur Fraser : J'aurais une foule de questions à poser, mais je vais tenter de me limiter à deux. Elles auront peut- être besoin d'une longue introduction, mais le président risque de perdre patience si nous nous éternisons, alors peut-être que des questions plus longues nous permettront d'obtenir des réponses plus courtes.

Le sénateur Angus : Le président est un homme très patient.

Le sénateur Fraser : Oui, Dieu merci.

Le président : Quelle est votre question?

Le sénateur Fraser : Ma première question porte sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. C'est vrai qu'elle fait maintenant référence à la notion de culpabilité morale, un ajout qui a ravi tout le monde, je crois. J'essaie de voir comment cela peut fonctionner avec les nouvelles dispositions sur les ordonnances de non-publication. Selon ce projet de loi, une personne jugée comme un adolescent — quelqu'un qui est considéré comme une jeune personne, pas seulement en fonction de son âge chronologique, mais aussi de son âge mental — pourrait se voir refuser la protection d'une ordonnance de non-publication. Je me demande s'il existe des études ou si des recherches ont été faites pour évaluer l'interaction de ces deux éléments.

Mme Kingston : C'est une très bonne question. En fait, selon la formulation actuelle de la disposition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permet très difficilement en ce moment de lever une ordonnance de non- publication, et c'est ce qu'on est en train de préciser. Pour l'instant, cette possibilité s'applique essentiellement aux adolescents qui reçoivent une peine applicable aux adultes ou qui sont jugés comme des adultes, mais qui reçoivent une peine applicable aux jeunes délinquants.

L'amendement prévoit que lorsqu'un jeune est trouvé coupable d'un crime violent et qu'il reçoit une peine applicable aux adolescents, le juge doit déterminer s'il convient de lever l'ordonnance de non-publication, mais les critères à suivre sont très stricts. Le juge doit être convaincu que le jeune va commettre un autre crime violent grave, et qu'il est nécessaire de publier le nom de cette personne pour protéger le public. Pour répondre à votre question, le juge doit spécifiquement prendre en compte les principes énoncés aux articles 3 et 38, c'est-à-dire les grands principes du système de justice pénale pour les adolescents : la réadaptation, la réinsertion sociale et la présomption de culpabilité morale moins élevée. Le juge doit également tenir compte des dispositions sur l'établissement des peines. Le but principal de l'imposition d'une peine est la réadaptation et la réinsertion sociale. Le juge a la tâche délicate de trouver le juste équilibre, mais les critères établis sont très rigoureux.

Il existe effectivement une disposition le permettant, mais je pense que cela n'arrivera que dans des cas exceptionnels, si le juge en décide ainsi après avoir examiné tous ces facteurs.

Le sénateur Fraser : Ma deuxième question s'adresse à M. Saint-Denis. Je suis très heureuse de vous revoir, monsieur. J'imagine que vous ne pensiez pas devoir revenir ici un jour.

M. Saint-Denis : L'idée m'a effectivement traversé l'esprit.

Le sénateur Fraser : Ma question porte sur la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Dans l'exposé qu'il nous a présenté et les commentaires qu'il a formulés cet après-midi, le ministre Nicholson a répété plusieurs fois que la portion du projet de loi C-10 modifiant la loi réglementant certaines drogues visait à punir les trafiquants. Pour une profane comme moi, le terme me paraît gros. J'ai été prise de court, car si ma mémoire est exacte, la définition juridique du trafic de drogues dans le Code criminel inclut aussi le fait de donner ou même d'offrir une substance contrôlée. Pour les non-initiés, le terme « trafiquant » semble faire référence à de grands volumes. Toutefois, j'examinais une étude l'autre jour préparée pour le ministère de la Justice sur les poursuites pour culture de marijuana. Je ne l'ai pas avec moi, mais de mémoire, l'étude indiquait que près de 10 p. 100 de ces poursuites visaient une culture de moins de dix plants. Même qu'une visait une culture de deux plants seulement, ce qui ne constitue pas un trafic bien important à mon avis.

Y a-t-il quelque chose que je n'ai pas vu dans cette nouvelle version du projet de loi, que nous avons étudié tellement de fois, qui diffère des dispositions actuelles du Code criminel et qui orienterait les poursuites uniquement vers ceux à qui pensent les gens ordinaires quand on parle de « trafic » et de « trafiquant »? Est-ce que quelque chose de nouveau m'a échappé?

M. Saint-Denis : Non, rien ne vous a échappé. Les dispositions de ce projet de loi modifiant la loi en question sont pratiquement identiques à celles qui ont été présentées dans le projet de loi S-10, sauf une exception. Cette modification a été proposée à la Chambre des communes récemment, soit que la production de un à cinq plants inclusivement ne donne pas lieu à l'imposition d'une peine minimale en présence de facteurs aggravants. Les dispositions de ce projet de loi semblent être axées principalement sur les infractions liées aux drogues, comme vous et le ministre l'avez dit, mais pas exclusivement. Le ministre met l'accent sur cet aspect, mais la portée du projet de loi ne se limite pas à cela.

Le sénateur Fraser : Je suis certaine que l'intention du ministre était claire dès que le projet de loi a été déposé, c'est-à- dire qu'il veut s'attaquer aux trafiquants, mais le libellé actuel fait en sorte qu'il n'y a pas que les trafiquants d'envergure qui seront visés. On pourrait aussi s'en prendre à des contrevenants de très petite envergure.

M. Saint-Denis : C'est possible, oui.

Le sénateur Fraser : Ai-je été assez brève, monsieur le président?

Le président : Oui, c'était excellent. J'aime votre concision.

Le sénateur Jaffer : Le ministre a indiqué qu'une évaluation était généralement effectuée en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'aimerais savoir si une évaluation a été faite expressément pour ce projet de loi. Si oui, est-ce que le comité peut la consulter?

Mme Kane : Parlez-vous d'une section précise du projet de loi C-10? Il réunit neuf projets de loi. Faites-vous référence aux dispositions sur le système de justice pour les adolescents?

Le sénateur Jaffer : Oui.

Mme Kingston : Oui, lorsque nous préparons un projet de loi qui sera soumis au cabinet, nous devons procéder à différentes évaluations, de façon à nous assurer que le projet de loi est conforme à la Charte, à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. C'est ce que nous avons fait dans ce cas-ci. L'évaluation était incluse dans les documents du cabinet, et nous avons conclu que le projet de loi était conforme à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Le sénateur Jaffer : Pourrions-nous en avoir un exemplaire?

Mme Kingston : Je peux vérifier, mais je crois qu'il s'agit d'un document confidentiel.

Le sénateur Jaffer : Mes autres questions portent sur les peines minimales obligatoires. Est-ce que des études ont permis d'évaluer l'efficacité des peines obligatoires?

Mme Kane : Différents rapports ont été produits sur les peines minimales obligatoires, mais aucune de ces recherches n'a été totalement concluante. Tout dépend des questions posées et du type d'infractions examinées. Il est possible de consulter certains rapports sur le site web du ministère de la Justice. Par exemple, une étude a été menée sur l'incidence des peines minimales obligatoires dans le cas d'infractions impliquant des armes à feu, et on a conclu qu'elles avaient un impact sur ce type de comportement.

L'autre étude dont dispose le ministère de la Justice ne permet pas de conclure clairement à l'efficacité des peines obligatoires. Cependant, cela dépend des résultats attendus. Le gouvernement a indiqué très précisément, comme l'a mentionné le ministre aujourd'hui, que les peines minimales obligatoires servent de lignes directrices aux tribunaux et établissent un point de départ pour l'imposition des peines dans le cas d'infractions graves.

Pour ce qui est du projet de loi C-10, c'est en vue d'imposer des peines plus conséquentes pour toutes les infractions de cette nature qu'il introduit de nouvelles peines minimales obligatoires pour certaines infractions d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant. C'est une façon d'établir un point de départ. Des gestes semblables devraient mériter des peines semblables dans l'échelle des peines minimales et maximales obligatoires. Les peines minimales obligatoires prévues par les dispositions relatives aux drogues s'appliquent en présence de facteurs aggravants.

Pour revenir à la question du sénateur Fraser sur les trafiquants, je précise que la loi elle-même n'a pas changé à l'égard des infractions liées au trafic, à l'importation, à l'exportation ou à la production de drogues, notamment. Ce sont les peines qui ont changé et les peines minimales s'appliquent lorsqu'il y a des facteurs aggravants. Il n'y aura pas de peines obligatoires pour toutes les infractions, mais seulement pour celles qui comportent des facteurs aggravants. Comme le ministre l'a indiqué plus tôt, l'intention est de fournir plus de lignes directrices et des paramètres plus rigoureux à l'égard de ce que devrait être le point de départ pour l'imposition des peines, et ce, pour différentes raisons, y compris pour dissuader le contrevenant de répéter la même infraction.

Le sénateur Jaffer : J'aimerais qu'on clarifie quelque chose. Pour moi, quand on parle de lignes directrices, on parle d'orientation générale, mais, dans le cas de peines obligatoires, il ne s'agit pas de lignes directrices. Si un contrevenant est trouvé coupable d'une telle infraction, il écopera obligatoirement d'une peine minimale de deux ans. Il n'est pas question de lignes directrices. Je pense qu'on confond les choses.

Mme Kane : Oui, sénateur, c'est un excellent point. Ce ne sont pas des lignes directrices optionnelles. C'est un point de départ, et je répète que la peine minimale obligatoire ne devrait pas devenir la peine imposée à tous les contrevenants, peu importe l'infraction. C'est le seuil minimum à respecter. Le Code criminel énonce l'objet et les principes de la détermination de la peine, quand il convient d'alourdir la peine, et ainsi de suite. On peut jouer entre les peines minimales et maximales, et certaines de ces infractions sont assujetties à des peines maximales très sévères, car il s'agit de crimes très graves. C'est ce que j'ai voulu dire en parlant des paramètres ou des lignes directrices pour établir la peine entre le minimum et le maximum prévus. La décision revient aux tribunaux.

Le sénateur Jaffer : Pour être bien clair, le terme « obligatoire » signifie que la peine minimale va être imposée. Il n'y a pas de lignes directrices à cet égard.

Mme Kane : Il s'agit du seuil obligatoire.

Le sénateur Jaffer : Qu'adviendra-t-il de la négociation de plaidoyers si des peines minimales obligatoires sont établies pour toutes ces infractions?

Mme Kane : Ma collègue peut peut-être répondre à cette question en ce qui concerne les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant.

Carole Morency, directrice et avocate générale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : En ce qui concerne les amendements proposés par le projet de loi C-10 pour les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant, à l'heure actuelle, il y a 12 infractions de cette nature qui sont assujetties à des peines minimales obligatoires. Les infractions de cette nature les plus fréquentes sont punies au titre des dispositions générales d'agression sexuelle, par exemple l'article 271. En 2008, 80 p. 100 des incidents signalés à la police ont été traités comme des infractions punissables au titre de l'article 271. Il n'y a pas de peines minimales obligatoires prévues pour ces infractions, mais si ces affaires avaient été traitées comme des infractions visant précisément des enfants, il y en aurait eu.

En établissant des peines minimales obligatoires pour toutes les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant, peu importe les accusations, on fait en sorte que toutes les infractions seront traitées de façon uniforme et que cela laissera moins de place à la négociation de plaidoyers dans le but d'éviter une sanction minimale obligatoire.

Le sénateur Jaffer : Avez-vous procédé à des évaluations ou à des études pour déterminer si les peines minimales obligatoires permettaient de réduire le taux de criminalité?

Mme Campbell : Je pense que des recherches exhaustives ont été menées à ce sujet aux États-Unis. Le comité a d'ailleurs déjà entendu les témoignages d'experts américains à ce propos. Je laisse au comité le soin de le vérifier.

Le sénateur Jaffer : Y a-t-il eu des études canadiennes là-dessus?

Mme Kane : Je vous répondrai encore une fois que des recherches ont été effectuées à ce sujet. Le ministère de la Justice en a consulté quelques-unes et en a mené lui-même plusieurs. Elles ne nous permettent toutefois pas de tirer de conclusions claires. Tout dépend des questions examinées en ce qui concerne l'objectif des peines imposées. Selon l'angle adopté et l'objectif attendu, les résultats peuvent différer.

Il semble assez évident dans ce projet de loi que les peines minimales obligatoires ont plus d'un objectif, dont celui d'uniformiser les peines imposées dans le cas d'infractions graves et d'établir un point de départ pour guider l'établissement des sentences. Le ministère suivra certainement le dossier au cours des prochaines années pour déterminer l'incidence des peines minimales obligatoires.

Le sénateur Jaffer : Je vous ai posé plusieurs questions sur les études effectuées. Avez-vous examiné l'incidence des peines minimales obligatoires pour les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant, des peines que vous voulez maintenant rendre plus sévères?

Mme Morency : Comme je l'ai mentionné, 12 infractions commises à l'égard d'un enfant sont assujetties à des peines minimales obligatoires en ce moment, et 11 d'entre elles ont été imposées par le Parlement en 2005. Lorsque nous avons préparé les propositions présentées dans le projet de loi C-10, nous avons examiné comment les affaires étaient traitées depuis cette date, tout en tenant compte du fait qu'il s'agissait d'une période relativement courte pour suivre l'évolution des affaires portées devant les tribunaux. Le Centre canadien de la statistique juridique a tout de même produit des données statistiques à l'intention du comité, qui vous ont été soumises à la dernière session, si je ne me trompe pas. Ces données montrent les changements observés dans l'imposition de peines. Évidemment, les premiers changements observés concernent les infractions assujetties à des peines minimales obligatoires — fini les condamnations à l'emprisonnement avec sursis pour ces infractions.

On a pu constater dans les débuts une hausse des peines carcérales, car il n'est plus possible d'imposer une détention à domicile ni un emprisonnement avec sursis. Quand on examine la jurisprudence publiée, considérant encore là qu'il faut du temps pour que les choses fassent leur chemin, on constate que l'imposition de peines minimales obligatoires a eu pour effet de modifier l'analyse des tribunaux en ce qui a trait au seuil minimum. Ce changement est évidemment nécessaire, mais constatant qu'une infraction autrefois jugée avec un tel degré de sévérité doit aujourd'hui être jugée plus sévèrement, les tribunaux se voient également dans l'obligation de revoir leur analyse à la hausse.

Certaines affaires ont été portées en appel, ce qui a aussi donné des directives très utiles aux tribunaux. Depuis 2005, il y a eu la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire L.M., au Québec, en 2008. Il s'agissait d'un cas très grave d'agression sexuelle d'un père sur son enfant et l'ami de son enfant, des agressions qu'il diffusait sur Internet pour de l'argent. La Cour a tranché très clairement que la peine maximale ne devait pas être réservée au pire crime commis dans les pires circonstances d'un scénario fictif. Il faut plutôt prendre en compte tous les facteurs pertinents et infliger la peine maximale si les circonstances le justifient.

Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte, notamment la détermination de la peine par des tribunaux de plus haute instance depuis 2005. Les affaires sont aussi traitées différemment par le système judiciaire et les tribunaux disposent d'une plus grande marge de manœuvre à cet égard.

Je note également que le Code criminel a été modifié en 2005 pour que les principaux facteurs à considérer dans la détermination de la peine soit l'exemplarité et la dissuasion pour toutes les infractions violentes commises contre des enfants. On le remarque d'ailleurs régulièrement dans les affaires de ce genre, ce qui nous porte à croire que tout le monde a reconnu l'impact possible dans des cas semblables.

Le président : J'ai une autre question à vous poser sur les peines minimales obligatoires, pour faire suite aux commentaires du sénateur Jaffer. Si je ne m'abuse, le Code criminel prévoit des peines minimales obligatoires pour de nombreuses infractions. Elles font partie du Code criminel depuis 30 ou 40 ans, puisqu'elles ont été introduites au début des années 1970, je crois. Est-ce exact? Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de peines minimales obligatoires prévues par le Code criminel à l'heure actuelle?

Mme Kane : En ce moment, le Code criminel prévoit 45 peines minimales obligatoires. Certaines se sont rajoutées au fil des ans. Évidemment, les infractions de meurtre sont elles aussi assujetties à des peines minimales obligatoires. Certaines ont été introduites en 1976, notamment pour la participation à des paris et la prise de paris clandestins. Certaines peines minimales obligatoires ne sont pas extrêmement sévères. Des peines minimales obligatoires sont aussi imposées pour la conduite avec facultés affaiblies depuis de nombreuses années. Comme Mme Morency l'a indiqué, plusieurs autres ont été ajoutées en 2005 relativement aux infractions à caractère sexuel à l'égard des enfants. D'autres ont aussi été introduites en 2008 pour ce qui est du trafic d'armes. En 1995, des amendements ont été faits notamment pour imposer des peines minimales obligatoires pour les infractions commises à l'aide d'une arme à feu. Beaucoup de ces peines sont imposées dans le cas d'infractions que l'on peut considérer comme très graves. Lorsque le projet de loi C-10 aura été adopté, il y en aura d'autres, mais des peines minimales obligatoires sont déjà en vigueur à l'heure actuelle.

Le président : Trois autres sénateurs ont des questions supplémentaires à poser sur le sujet : les sénateurs Cowan, Nolin et Fraser.

Au deuxième tour, nous entendrons les sénateurs Runciman, Baker et Lang. Il reste environ trente minutes du temps alloué pour ce groupe de témoins. Je vous prierais donc d'en tenir compte.

Le sénateur Cowan : Ma question ne porte pas sur les peines minimales obligatoires.

Le président : Je croyais que c'était une question supplémentaire.

Le sénateur Cowan : C'en est une, mais sur la détermination de la peine et les statistiques. Ce sera bref.

Existe-t-il à l'heure actuelle un organisme central qui recueille des données sur les prononcés de sentence à l'échelle du pays, de façon à ce que nous puissions en dégager certaines tendances?

Mme Kane : Oui. Le Centre canadien de la statistique juridique recueille une gamme de données auprès des provinces et des territoires qui prennent part à ses enquêtes. Je ne sais pas si votre comité entendra des représentants du CCSJ, mais ils sont souvent appelés à témoigner. Ils pourraient vous indiquer quels sont les différents rapports produits sur les peines imposées.

Les données sont généralement recueillies en fonction de certains critères. Il s'agit de la peine la plus sévère imposée pour l'infraction en question, généralement à l'échelle de neuf secteurs de compétence. Ce ne sont pas tous les secteurs de compétence qui prennent part à l'enquête, et certains échelons seulement du système judiciaire sont visés. Cela nous permet d'avoir une bonne idée d'ensemble, mais on n'y recense pas toutes les peines imposées dans toutes les affaires entendues au Canada. Aussi, le rapport ne fait pas état des autres facteurs qui ont joué dans l'imposition de la peine. Ce sont des données sur l'infraction commise, la peine imposée et des renseignements du genre, mais on ne sait rien de la relation qui existait entre la victime et l'accusé ni des autres facteurs dont le tribunal a tenu compte dans la détermination de la peine.

Le sénateur Cowan : On y retrouve les données des provinces qui acceptent de prendre part à l'enquête, c'est bien cela?

Mme Kane : Essentiellement, les mêmes provinces participent toujours aux différentes enquêtes menées par le CCSJ.

[Français]

Le sénateur Nolin : Madame Morency, dans l'énumération du nombre de causes que vous suivez, j'avais cru comprendre qu'un juge d'un tribunal québécois avait questionné la constitutionnalité des peines minimales.

Est-ce que je fais erreur ou il y a effectivement un dossier qui chemine? Est-ce que cela vous rappelle quelque chose? Je n'ai pas la référence, malheureusement.

[Traduction]

Mme Morency : Je ne suis pas au courant qu'une contestation fondée sur la Charte est à l'étude au Québec en ce moment concernant une des peines minimales obligatoires établies pour les infractions commises contre des enfants.

Le sénateur Nolin : Je ne parle pas seulement des infractions commises contre des enfants.

Mme Morency : Je ne suis pas au courant d'une telle affaire, mais c'est possible.

Mme Kingston : Je sais qu'on cherche actuellement à déterminer si les peines minimales obligatoires s'appliquent aux jeunes qui reçoivent une sentence applicable aux adultes. L'affaire en est encore aux premières étapes. Je ne sais pas si c'est de cela dont vous vouliez parler.

Le sénateur Nolin : Est-ce que cela se passe au Québec?

Mme Kingston : Je n'en suis pas certaine.

Le président : Madame Kingston, si vous pouviez trouver cette référence et nous la faire parvenir, nous vous en serions reconnaissants.

Merci, sénateur Nolin.

Le sénateur Fraser : Pour revenir à la question que j'ai posée aux ministres, sur quoi se base-t-on pour établir de nouvelles peines minimales obligatoires ou alourdir celles qui sont déjà en place avec un projet de loi? Qui prend cette décision et sur quoi s'appuie-t-on pour le faire? J'ai tenté de savoir s'il existait des lignes directrices, des principes de base ou une grille quelconque qui indiquaient que telle ou telle infraction méritait une telle peine minimale obligatoire. Est-ce que ces décisions se prennent de façon isolée? À en juger par le projet de loi qui nous occupe, on dirait que les décisions se prennent davantage de façon isolée.

Mme Kane : Dans le projet de loi à l'étude, les seules peines minimales obligatoires proposées se rapportent aux infractions à caractère sexuel contre des enfants et aux infractions relatives aux drogues. Il est difficile de faire des comparaisons, car comme nous l'avons indiqué, pour les infractions relatives aux drogues, les peines minimales obligatoires ne sont applicables qu'en présence de facteurs aggravants. Pour ce qui est des infractions à caractère sexuel contre des enfants, elles sont toutes assujetties à des peines minimales obligatoires. Une peine minimale obligatoire est prévue pour toutes les infractions de cette nature. Les dispositions sont conséquentes à cet égard. Mme Morency pourra nous en parler dans un moment.

Le sénateur Fraser : Je comprends que les peines sont conséquentes pour les infractions d'ordre sexuel contre des enfants. Je veux savoir comment, en général, les peines minimales obligatoires sont établies.

Mme Kane : Différentes options sont présentées aux ministres lorsque des modifications législatives sont entreprises. Nous examinons les peines minimales obligatoires déjà prévues par le Code criminel. Nous examinons aussi les peines maximales, et le Code criminel en prévoit plusieurs. Il y a l'emprisonnement à perpétuité, ainsi que des peines de 14, 10, cinq et deux ans, et les peines sont moindres pour les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité. Nous tenons compte des peines maximales et déterminons quel seuil pourrait être adéquat pour une peine minimale. Encore une fois, pour ce qui est des infractions à caractère sexuel contre des enfants, il y a parité en fonction des peines minimales et maximales.

Mme Morency : L'autre facteur qui peut aussi entrer en ligne de compte, selon le domaine, parce qu'on tente de généraliser ici, ce sont les peines qu'imposent actuellement les tribunaux. Nous tâchons de voir comment tranchent les tribunaux infligeant les sentences, et il est habituellement possible de dégager une certaine tendance en ce qui a trait aux peines minimales imposées.

Pour ce qui est des infractions commises à l'égard d'un enfant, à caractère sexuel ou autre, vous verrez que les peines proposées par le projet de loi C-10 sont établies en fonction de la peine maximale, comme l'a dit le ministre. Si la peine maximale est l'emprisonnement à perpétuité, comme dans le cas d'une agression sexuelle grave sur un enfant de moins de 16 ans, la peine minimale obligatoire serait de cinq ans. Si la peine maximale est de 14 ans, la peine minimale serait également de cinq ans. Pour une peine maximale de 10 ans, le maximum sur mise en accusation serait d'une année. Pour cinq ans, la peine minimale serait de six mois, et pour deux ans, sur mise en accusation, la peine minimale obligatoire serait de 90 jours. C'est l'approche qui a été adoptée. Pour les déclarations de culpabilité par procédure sommaire, on retrouverait la même cohérence entre les peines minimales et maximales.

Si on compare cela à ce qui se trouve dans le Code criminel actuellement, on se rend compte que la marge est énorme, à partir de 14 jours, alors l'intention était de clarifier et d'uniformiser les choses. L'objectif était aussi d'être conséquent par rapport aux autres infractions au Code criminel qui sont assujetties à des peines minimales obligatoires.

Le sénateur Fraser : Je suis certaine que c'est tout ce que je vais réussir à comprendre.

Le sénateur Nolin : C'est une étude intéressante que nous voulons entreprendre depuis des années.

Le sénateur Fraser : Nous pensions pouvoir le faire, mais le temps manquait toujours.

Le sénateur Runciman : J'ai quelques petites questions pour Mme Campbell sur les amendements concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Pour ce qui est des amendements proposant d'accroître la responsabilisation des délinquants et de dresser des plans correctionnels, pourriez-vous nous dire quel est le lien entre la responsabilisation des délinquants et la réadaptation? Quelle est la position du ministère et du gouvernement à cet égard? Comment une telle approche peut-elle favoriser la réadaptation?

Mme Campbell : Il y a un lien direct entre les deux. Une façon pour quelqu'un de prendre ses responsabilités est de reconnaître les torts qu'il a causés, pourquoi il a agi de la sorte, ce qui a causé tout cela et ce qu'il doit faire pour veiller à ce que cela ne se reproduise plus. C'est un aspect important de la responsabilisation des délinquants, et c'est réellement le plan correctionnel qui dicte comment va se dérouler le temps passé en détention fédérale.

Je suis sûre que d'autres témoins vous l'ont dit avant moi, mais à leur entrée dans le système carcéral fédéral, tous les détenus sont évalués. On détermine les risques qu'ils posent, leurs besoins et le placement carcéral approprié, et un plan correctionnel est élaboré avec eux. Ce plan trace essentiellement le parcours qu'ils devront suivre pendant leurs quatre années de détention, ce qu'ils aimeraient faire et ce qu'ils doivent faire durant cette période. On y indique également les programmes de traitement à suivre, et les progrès sont évalués en fonction de ce plan. Généralement, les détenus rencontrent leur surveillant correctionnel une fois par an pour voir le chemin parcouru, et c'est aussi là-dessus que se fonde entre autres le processus décisionnel de la commission des libérations conditionnelles.

Le plan demeure en place même lorsque les détenus sont en libération conditionnelle. Ils doivent répondre à certaines attentes dans la collectivité. On ne fait pas que ce qu'on veut en libération conditionnelle. On s'attend à ce que les détenus aillent à l'école ou occupent un emploi quelconque.

Je crois que l'un ne va pas sans l'autre, et le projet de loi C-10 propose différentes mesures qui permettront de mettre l'accent là-dessus. La responsabilisation des délinquants est grandement axée sur le respect d'un plan, et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition fera maintenant précisément référence au plan correctionnel et à son élaboration. Un article complet y sera désormais consacré, alors que maintenant on n'en fait que vaguement mention.

Le sénateur Runciman : J'aurais une autre question à propos de cette loi. Je veux parler des principes liés au fonctionnement d'un établissement carcéral. Je m'intéresse particulièrement à cette question, et le ministre en a aussi parlé, c'est-à-dire la santé mentale. Il existe un principe selon lequel les politiques, les programmes et les pratiques correctionnels doivent respecter les besoins d'une personne nécessitant des soins de santé mentale. Quelles sont les implications pratiques de ce principe? Comment est-ce que cela fonctionne dans un établissement carcéral? Comment appliquez-vous ce principe?

Mme Campbell : Vous parlez des principes qui guident les activités du Service correctionnel du Canada. Ces principes, établis en 1992, renvoyaient au départ aux besoins particuliers des femmes et des personnes autochtones en détention. Les problèmes de santé mentale étaient devenus si omniprésents et si graves que le gouvernement a senti le besoin d'inclure cet aspect aux principes.

Aujourd'hui, ces principes servent de lignes directrices, comme les avocats s'empresseront de vous le dire, mais ils envoient un message très important aux représentants du Service correctionnel, aux détenus, de même qu'au public, selon moi. Les implications pratiques consistent essentiellement à faire en sorte d'accorder de l'importance à ce problème.

Quand il est question de santé mentale, le spectre est évidemment tout aussi vaste en milieu carcéral que dans le reste de la société. On peut autant avoir affaire à des déficiences relativement légères qu'à des troubles graves de santé mentale. C'est un principe un peu fourre-tout qui englobe aussi les troubles causés par l'alcoolisation fœtale, un problème très répandu en milieu carcéral. Ce n'est probablement que la pointe de l'iceberg, d'ailleurs.

À savoir en quoi consistent ces principes, il s'agit en fait d'un énoncé public sur les priorités du système et son fonctionnement. Accorder une place de choix à la santé mentale permet d'orienter les ressources et les activités du système en ce sens, et on envoie au public le message que ce sont des personnes qui ont besoin de traitements et de soins particuliers.

Le sénateur Runciman : Madame Kingston, il y a une chose que je n'ai pas très bien comprise, et j'espère que vous pourrez m'éclairer à ce sujet. Une des provinces a exprimé des réserves à l'égard de l'expression « protection durable du public ». Elle est tirée des recommandations du commissaire Nunn, si je ne m'abuse. Pouvez-nous en dire plus là- dessus? Pourquoi le commissaire Nunn jugeait-il cette modification nécessaire, et comment permettrait-elle d'accroître la protection du public?

Mme Kingston : Je pense que le juge Nunn faisait référence, comme le ministre l'a mentionné, à un jeune sur qui plus rien n'a prise, commettant des infractions à répétition, qui, sans être violentes, sont de plus en plus graves. Le but premier était de stopper les récidives violentes avant que la situation ne devienne encore plus grave. Pour lui, outre l'énoncé de l'objet et des principes de la loi, cette modification permettait d'expliciter les éléments qui mènent à la protection durable de la société. Il était important selon lui de faire de la protection du public un des principes directeurs. C'est pour cette raison que la disposition a été reformulée.

À l'heure actuelle, la LSJPA parle de la responsabilisation des jeunes, de la prévention des crimes, de la réadaptation et de la réinsertion sociale, des éléments menant à la protection de la société à long terme. Il n'a jamais été question d'exclure la protection à court terme, mais je crois qu'en supprimant l'expression « protection à long terme », on vise à englober les deux notions de protection à court terme et de protection à long terme. La province qui a exprimé des réserves à cet égard compte beaucoup sur la réadaptation et la réinsertion sociale. On craint que les modifications apportées aux dispositions concernées ne nuisent au travail fait en ce sens, mais ce n'est pas l'intention. Comme je l'ai dit plus tôt, ces principes font partie du même énoncé et sont toujours présents dans la loi. En fait, les modifications viennent les renforcer.

Le sénateur Runciman : Il serait mal venu de tenter d'expliquer la position de la province concernée et de mieux comprendre les réserves qui ont été exprimées à ce sujet, mais j'espère que nous pourrons entendre un de ses représentants pour nous l'expliquer, car j'ai moi-même du mal à comprendre.

Le sénateur Baker : Chers témoins, vous faites de l'excellent travail avec nous aujourd'hui. Il est très difficile de répondre aux questions lorsque c'est un projet de loi aussi controversé que celui-là qui est présenté au Sénat.

Le dernier témoin a mentionné il y a quelques instants, lorsque le sénateur Runciman, ex-solliciteur général de l'Ontario, l'a interrogé sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et les modifications connexes, que cela ne s'applique qu'aux récidivistes ou que l'un des points examinés par la commission Nunn était les récidivistes. Je vous demanderais cependant de regarder ce qui est présenté dans le projet de loi qui nous occupe. Nous n'avons pas examiné ces changements encore. Je viens de les regarder. Selon moi, les modifications contrastent vivement avec ce qui était là auparavant. Dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la section est intitulée « Détention avant le prononcé de la peine ». On parle ici de personnes qui sont détenues, mais qui n'ont pas été reconnues coupables. Si on jette un coup d'œil aux dispositions s'appliquant aux adultes sur la mise en liberté provisoire, à l'article 515 du Code criminel, on constate qu'il y a présomption d'innocence. Même qu'on emploie le verbe « doit ». Le juge doit ordonner la mise en liberté de l'accusé à moins qu'on ne fasse valoir des motifs justifiant sa détention. Si c'est le cas, le juge doit même ordonner la mise en liberté du détenu pourvu que des conditions lui soient imposées.

Lorsque vous regardez les modifications apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, que voyez-vous? Voici les premiers mots que vous lisez :

Le juge du tribunal pour adolescents ou le juge de paix ne peut ordonner la détention sous garde que si les conditions suivantes sont réunies :

a) l'adolescent est accusé d'une infraction grave ou, si plusieurs accusations pèsent toujours contre lui ou qu'il a fait l'objet de plusieurs déclarations de culpabilité, d'une infraction autre qu'une infraction grave.

Vous trouvez précédemment la définition d'une infraction grave :

« infraction grave » Tout acte criminel prévu par une loi fédérale et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus.

Une peine maximale de 10 ans est prévue pour un méfait, comme la modification de données.

Est-ce que j'ai mal lu? La première chose que fait un juge maintenant, c'est de regarder un adolescent qui est accusé. Il n'y a pas de récidive; ce n'est pas un récidiviste; cette personne n'a aucun antécédent judiciaire. Toutefois, si la personne a été accusée d'une infraction grave... Je prends le cas de « méfait » au hasard, mais il y a de nombreux autres exemples.

On continue et on répète essentiellement les mêmes normes que celles que l'on trouve aux alinéas 515(10)a), b), et c) du Code criminel, les premier, deuxième et troisième motifs.

L'impression que j'ai, c'est qu'un jeune de 18 ans ou moins, si c'est le jour suivant sa date de naissance, est un adulte en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et n'est pas traité de la même façon qu'un adulte, ce qui est contraire à notre Charte, contraire à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Vous ne pouvez faire de discrimination en fonction de l'âge.

Cet aspect a-t-il été examiné, ou pouvez-vous répondre à cette question? Vous n'avez pas à répondre à cette question si vous ne le voulez pas. Elle est adressée au ministre. Aimeriez-vous faire un commentaire à ce sujet?

Mme Kingston : Vous avez fait un certain nombre de commentaires et je ne suis pas tout à fait certaine de la question, mais je pourrais faire des commentaires sur les dispositions.

Le sénateur Baker : Je comprends cela.

Mme Kingston : Encore une fois, la modification vise une partie des dispositions sur le maintien sous garde avant le procès de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Le sénateur Baker : Je l'ai remarqué.

Mme Kingston : La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents offre des protections supplémentaires aux adolescents pour ce qui est du maintien sous garde avant le procès. Par exemple, elle prévoit que la détention sous garde avant le prononcé de la peine ne doit pas se substituer à des services de protection de la jeunesse ou de santé mentale, ou à d'autres mesures semblables, parce qu'il y a un problème en pratique; si les jeunes n'ont aucun endroit où aller, ils sont placés en détention avant la tenue de leur procès. Cette pratique est précisément interdite à l'endroit des adolescents.

Concernant le critère à appliquer pour le maintien sous garde avant le procès, le changement apporté fait suite à la recommandation de la commission Nunn. On ne parle pas d'un seul méfait ici. Si le jeune échappe à tout contrôle, qu'il commet une série d'infractions moins graves... C'est pour cette raison que nous disons : « si plusieurs accusations pèsent toujours contre lui ou qu'il a fait l'objet de plusieurs déclarations de culpabilité ».

Le sénateur Baker : Je comprends cela.

Mme Kingston : Ce n'est pas une mesure aussi draconienne que ce que vous avez peut-être suggéré.

Le sénateur Baker : Permettez-moi de vous rappeler le libellé exact :

a) l'adolescent est accusé d'une infraction grave ou...

ou d'une infraction qui s'inscrit dans une série de récidives. C'est l'une ou l'autre, voyez-vous.

Mme Kingston : Oui. Si je peux ajouter une chose, cet amendement vient d'être apporté au projet de loi. Des représentants provinciaux qui ont comparu devant le comité ont fait valoir que, sans cet amendement, c'était trop restrictif; ce changement a donc été apporté. C'est l'une des trois modifications qui ont été faites entre le projet de loi C- 4 et le projet de loi C-10. C'est la raison pour laquelle elle se trouve là. On considérait que c'était trop restrictif sans cet amendement.

Le sénateur Baker : Oui. C'est dommage que les gens qui ont recommandé cette modification n'aient pas cherché à savoir ce qui arrive lorsque vous avez plus de 18 ans.

Mme Kingston : Les dispositions du Code criminel, qui visent les adultes, s'appliquent et le nouveau critère comprend les motifs prévus dans le Code criminel, mais ils doivent être lus à la lumière des principes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Le sénateur Baker : C'est exact. En vertu de cette modification, un juge doit se demander si quelqu'un a commis une infraction grave. Qu'est-ce qu'une infraction grave? En voici une liste. Ou s'agit-il d'un récidiviste? Voilà le point de départ. Vous êtes devant une personne adulte, et vous commencez avec « est mise en liberté ».

Mme Kane : Monsieur le sénateur, comme vous l'avez mentionné, ce n'est que le point de départ.

Le sénateur Baker : Le point de départ est très important.

Mme Kane : Le point de départ, c'est la nature de l'infraction qui a été commise, et le juge peut ordonner la détention de l'adolescent. Il n'est pas obligé de le faire.

J'ai cru que vous disiez tout à l'heure que nous avions peut-être inversé les choses et qu'il y avait un régime différent pour les adultes et les adolescents.

Le sénateur Baker : Non.

Mme Kane : La formulation est différente. Le juge a le pouvoir discrétionnaire de mettre un adolescent en détention, mais seulement lorsque tous ces critères sont satisfaits. Si vous lisez l'alinéa b), vous verrez qu'il y a un ensemble de critères très stricts à respecter lorsque vous devez mettre une personne sous garde, en attendant son procès, lorsqu'elle ne peut être prise en charge dans la communauté.

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Kane : Je voulais simplement que ce soit clair.

Le sénateur Baker : Je l'ai lu, mais je vous fais remarquer qu'on utilise ici le verbe « peut », tandis qu'à l'article 515, qui s'applique aux adultes, on dit « ordonne que le détenu soit mis en liberté ».

Mme Kane : « Ordonne, à moins que », tandis qu'ici, on dit « ne peut ordonner la détention sous garde que si ». Ce n'est qu'une question de sémantique.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas exactement la même chose.

Concernant les dispositions relatives à la suspension du casier, a-t-on songé à appliquer ces dispositions aux tribunaux, aux institutions provinciales et aux forces policières?

Je remarque que le projet de loi prévoit ceci au paragraphe 6(2) de la Loi sur le casier judiciaire :

Tout dossier ou relevé de la condamnation visée par la suspension du casier que garde le commissaire —

— il s'agit du commissaire de la GRC —

— ou un ministère ou organisme fédéral doit être classé à part des autres dossiers...

L'enregistrement prévu par la Loi sur le casier judiciaire ne s'applique pas aux dossiers des cours provinciales et à ceux des ministères provinciaux.

Daryl Churney, directeur, Politiques correctionnelles, Sécurité publique Canada : Vous avez raison, monsieur le sénateur. La Loi sur le casier judiciaire ne s'applique qu'aux ministères et organismes fédéraux.

Le sénateur Baker : Je suppose que vous direz à la personne qui demande une réhabilitation par écrit que cette mesure ne s'applique qu'aux casiers que détient la GRC ou un organisme fédéral.

M. Churney : C'est exact.

Le sénateur Baker : Lorsqu'une personne obtient une réhabilitation ou la suspension de son casier, elle croit que son dossier a disparu. Ce n'est pas le cas. Il peut se retrouver dans divers bureaux provinciaux, entre les mains des corps policiers provinciaux. Il peut être n'importe où. Savez-vous si l'on a songé à donner le pouvoir ici de supprimer tous les dossiers qui se trouvent un peu partout?

M. Churney : Je ne sais pas si la chose a été envisagée, mais je dirais que les gens qui demandent une réhabilitation, ou éventuellement la suspension de leur casier, sont mis au courant que leur dossier n'est scellé qu'au niveau fédéral et qu'il peut toujours être communiqué sous l'ordre du ministre fédéral de la Sécurité publique, dans certaines circonstances. On l'informe que le dossier est scellé et gardé séparément, mais on lui dit aussi qu'il ne disparaît pas entièrement.

Le sénateur Baker : Je pose cette question, monsieur le président, parce que les policiers de notre pays sont maintenant assujettis à de nouvelles règles concernant la communication de toutes les déclarations de culpabilité antérieures pour lesquelles il y a eu absolution ou réhabilitation — ce que couvre maintenant votre disposition sur le pardon. C'est vraiment problématique pour nos forces policières qui doivent tout communiquer, y compris les cas où un pardon a été accordé au niveau fédéral, sauf tous les dossiers qui existent à la cour provinciale.

Mme Campbell : C'est une question de compétence, monsieur le sénateur, et une question pratique. Si un cas a été rapporté dans les médias, ce serait extrêmement difficile de contenir cette information par la suite.

De façon générale, les dossiers des tribunaux sont des documents publics. D'autres protections sont prévues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, je crois, pour les personnes qui ont obtenu une réhabilitation à l'égard de leur casier judiciaire. C'est à la fois une question de compétence du gouvernement fédéral et une question simplement pratique. Je crois que la commission des libérations conditionnelles et le ministère de la Sécurité publique essaient d'expliquer clairement aux gens ce qu'une réhabilitation ou la suspension d'un casier signifie et ne signifie pas, en particulier pour leur éviter de mauvaises surprises.

Le sénateur Baker : Je vous remercie de vos réponses.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, j'aimerais m'étendre un peu sur la question que le sénateur Baker a soulevée. Je crois qu'il y a un malentendu chez les gens qui avaient un casier judiciaire et qui ont demandé et obtenu une réhabilitation. Lorsqu'ils se présentent à la frontière canado-américaine, ils apprennent tout à coup que leur entrée aux États-Unis est interdite parce qu'ils avaient commis un acte délictueux grave, ce dont ils n'avaient pas été informés.

Si je comprends bien l'aspect théorique de tout cela — j'essaie de me rappeler la conversation que j'ai eue avec une personne en particulier —, les gens doivent présenter une demande tous les cinq ans. Je ne demande pas de réponse, mais je crois que le gouvernement et les personnes responsables devraient se pencher sur cette question pour voir ce qu'ils peuvent faire, à l'ère de l'informatique et des communications, pour faciliter les choses et éviter aux gens de telles surprises. C'est facile pour nous d'en parler ici parce que nous n'avons pas vécu une telle expérience. Toutefois, ceux qui ont eu cette surprise vous diront qu'elle peut être très troublante sur le plan personnel et émotionnel.

J'ai eu à me pencher sur le cas d'une personne qui ne pouvait pas entrer aux États-Unis alors qu'elle devait s'y rendre pour une affaire familiale très grave. Je demanderais simplement aux témoins et aux ministères concernés, quels qu'ils soient, d'examiner sérieusement cette question, puisque ce problème affecte beaucoup de monde.

J'aimerais passer à un autre sujet important et sur lequel il convient de s'attarder. Le ministre de la Sécurité publique a parlé de réadaptation. Malheureusement, ce projet de loi, à de nombreux égards, n'attire pas l'attention voulue sur cette question; il semble en effet que l'on préfère parler de drogues et d'autres sujets, mais pas de réadaptation dans une tribune publique. La plupart d'entre nous ici, sinon tous, souhaitent que les personnes incarcérées aient la possibilité de réintégrer la vie civile, de devenir des citoyens productifs et d'avoir un avenir heureux.

Des commentaires ont été faits tout à l'heure sur le système pénitentiaire fédéral. Vous voulez favoriser la réadaptation par la formation et vous examinez ce qui peut être offert aux détenus pendant leur incarcération pour qu'ils acquièrent des compétences dont ils pourront se servir lorsqu'ils deviendront de simples citoyens. J'aimerais demander à Mme Campbell de dire exactement ce que nous faisons et d'expliquer les plans qui sont élaborés à cet égard.

L'autre sujet sur lequel j'aimerais que vous parliez un peu, parce que le temps file, ce sont les centres de désintoxication. Il s'agit aussi d'une forme de réadaptation. Je crois comprendre que six centres existent présentement au pays. Je ne sais pas si l'un des témoins peut en parler, mais j'aimerais savoir si ces programmes donnent des résultats positifs, c'est-à-dire s'il y a des personnes qui y ont participé et que l'on ne revoie pas dans le système judiciaire.

Deuxièmement, ces programmes existent seulement dans les grands centres du pays. Je suis originaire du Yukon. Des efforts sont-ils déployés ailleurs, dans le nord des provinces, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Yukon? Travaille-t-on avec les gouvernements territoriaux et provinciaux pour voir si des centres peuvent être établis un peu plus près? Ces gens auraient alors les mêmes possibilités que ceux qui se trouvent à Vancouver ou à Ottawa.

Mme Campbell : Concernant la réadaptation, le ministre Toews, en particulier, tient à ce que les gens qui sortent de prison aient de meilleures dispositions qu'au moment de leur incarcération, ce qui implique notamment qu'ils soient en mesure de gagner leur vie. Il a beaucoup insisté auprès des fonctionnaires pour que l'on mette l'accent sur les programmes de formation.

Certaines personnes qui purgent leur peine ont déjà des compétences professionnelles. Lorsqu'ils sortiront de prison, ces gens vont travailler dans leur domaine et ils n'ont pas vraiment besoin d'aide, sauf peut-être pour régler quelques problèmes personnels. Toutefois, d'autres détenus ont des besoins multiples, et ce sont eux qui posent les plus grands défis. Il arrive qu'ils n'aient aucune compétence, ni même aucune expérience de travail. De plus, ils peuvent être aux prises avec des problèmes de toxicomanie, des troubles de santé mentale et une situation familiale chaotique. Le Service correctionnel a alors un travail énorme à effectuer. Bien des gens s'attendent à ce qu'on aide ces détenus à régler tous ces problèmes, pour qu'ils puissent bien fonctionner lorsqu'ils seront libérés. C'est une tâche énorme. On s'y attelle tous les jours, avec les ressources dont on dispose.

Nous nous sommes penchés, avec des collègues et des représentants d'autres ministères, sur les analyses actuelles du marché du travail. Nous ne voulons pas former des plombiers s'il y en a déjà trop au pays, et ce sont là des détails dont nous tenons compte. Où sont les emplois au Canada? Quelles sont les compétences qui sont en demande maintenant et qui le seront dans l'avenir? Comment garantir non seulement que la personne possède les compétences voulues, mais aussi qu'elle ne va pas se bagarrer à sa première journée de travail, ou constater qu'elle ne peut pas travailler cinq jours d'affilée à cause d'un problème de toxicomanie? Toutes ces questions doivent être prises en compte en même temps que la formation professionnelle.

C'est ce qu'implique le plan correctionnel dont il est question dans le projet de loi C-10. M. Churney et moi passons beaucoup de temps à examiner de nouveaux programmes, et on s'attarde à des choses très simples, comme veiller à ce que la personne qui se retrouve dans la rue ait une carte-photo d'identité dans sa poche. C'est très difficile pour une personne de réintégrer la société si elle n'a même pas une carte-photo d'identité. Les gens ne pensent pas à ces petites choses-là, qui peuvent être problématiques pour le système.

Pour ce qui est des programmes de traitement, nous avons beaucoup de difficulté à attirer des professionnels dans les pénitenciers, et il y a bien des raisons à cela. Le service a déployé d'importants efforts de recrutement — pour essayer d'attirer des professionnels et les garder en poste —, mais c'est un gros problème. Même si nous avions tout l'argent du monde, il nous faut des infirmières, des médecins, des psychologues et d'autres professionnels qui sont intéressés à travailler dans un environnement où les défis ne manquent pas. Je le dis à titre d'indication. Ce n'est pas simplement une question de ressources.

M. Saint-Denis : Concernant les programmes judiciaires de traitement des toxicomanies, les programmes de Toronto et de Vancouver ont été évalués, je crois, et ils auraient donné de bons résultats. Il y a, bien sûr, des toxicomanes qui ont terminé avec succès les programmes de traitement à ces endroits. Que je sache, il n'est pas question pour l'instant d'augmenter le niveau ou le nombre de programmes judiciaires, mais il faut savoir que le programme judiciaire de traitement des toxicomanies a commencé par un projet pilote à Toronto. Il a été élargi à Vancouver, puis on a lancé un appel aux provinces et aux municipalités pour voir si elles étaient intéressées à établir des programmes semblables. Quelques municipalités seulement ont manifesté un intérêt, et on a établi des programmes dans ces municipalités-là. Depuis, je crois comprendre que d'autres se sont montrées intéressées, mais on n'a pas cherché à augmenter le nombre de programmes judiciaires. On le fera peut-être plus tard, mais, pour l'instant, ce n'est pas une chose qu'on envisage.

Le sénateur Lang : Si votre ministère reçoit une demande, auriez-vous à en considérer tous les mérites et à envisager une augmentation du nombre de centres de traitement des toxicomanies, compte tenu de la loi?

M. Saint-Denis : Une municipalité pourrait présenter une demande, mais je crois comprendre qu'à l'heure actuelle, nous ne prévoyons pas vraiment augmenter le nombre de programmes judiciaires. Les choses pourraient changer, mais je crois comprendre que nous ne sommes pas dans une telle situation pour l'instant.

Le président : Monsieur Saint-Denis, pourriez-vous expliquer brièvement l'importance des programmes judiciaires de traitement des toxicomanies et des centres provinciaux approuvés qui s'occupent du traitement des toxicomanies? Pourquoi sont-ils importants et quel est leur rapport avec les peines minimales obligatoires qui peuvent être prononcées en vertu des dispositions sur les drogues que comporte le projet de loi C-10? Pourquoi cette question est-elle importante?

M. Saint-Denis : À la lumière de ce projet de loi, c'est important parce qu'un juge peut ainsi imposer une peine autre qu'une peine minimale si le délinquant — qui est reconnu pour avoir commis l'infraction, qui a plaidé coupable — termine avec succès le programme de traitement. Dans le cadre de ce projet de loi, c'est très important.

Quant à la différence entre les programmes judiciaires de traitement des toxicomanies et les programmes de traitement plus généraux, il faut savoir qu'il y a peu de programmes judiciaires. On n'en compte que six. Les programmes de traitement couvrent tout, pas seulement les drogues. On peut y avoir recours pour traiter des problèmes de santé mentale et d'autres, et ces programmes sont beaucoup plus accessibles. On en trouve partout au pays, dans de nombreuses municipalités, si bien que la personne condamnée a plus de chance d'être orientée vers l'un de ces programmes de traitement. Dans le cas des programmes judiciaires, les possibilités sont beaucoup plus limitées.

Le président : Comme vous l'avez dit, si le délinquant choisit de recevoir ce service de réadaptation, il pourrait éviter la peine minimale obligatoire qui s'appliquerait autrement.

M. Saint-Denis : Oui, pourvu qu'il termine le traitement avec succès.

Le président : Très bien.

Chers collègues, voilà qui met fin à nos questions. Je tiens à remercier tous les témoins qui ont été très patients envers nous et qui nous ont beaucoup aidés aujourd'hui. Nous avons abordé beaucoup de sujets et avons posé beaucoup de questions, mais vous y avez très bien répondu. Je vous en remercie sincèrement.

Chers collègues, nous nous réunissons à nouveau demain matin, à 10 h 30, ici même.

(La séance est levée.)


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