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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 14 - Témoignages du 24 février 2012


OTTAWA, le vendredi 24 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois, s'est réuni aujourd'hui, à 8 h 5, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues et invités. Je m'appelle John Wallace, et je suis un sénateur du Nouveau- Brunswick; je préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Au cours des trois dernières semaines et pendant toute cette semaine, nous avons poursuivi notre étude du projet de loi C-10, intitulé Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Plus précisément, hier et aujourd'hui aussi, notre examen a porté sur les parties 2 et 3 du projet de loi C-10 qui concernent les peines d'emprisonnement avec sursis, la libération conditionnelle et la réhabilitation.

Avant de présenter nos invités d'aujourd'hui, je vais vous donner un bref aperçu de ce dont traitent les parties 2 et 3. Les parties 2 et 3 du projet de loi C-10 proposent diverses modifications concernant la détermination de la peine et les mesures suivant la détermination de la peine. La partie 2 propose de modifier le Code criminel pour supprimer l'emprisonnement avec sursis à l'égard de certaines infractions. Cette modification aurait pour effet de supprimer la référence aux infractions constituant des sévices graves à la personne qui se trouve dans la partie du Code criminel qui traite de l'emprisonnement avec sursis. Elle empêcherait également les tribunaux d'imposer l'emprisonnement avec sursis pour toutes les infractions passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de 14 ans ou d'emprisonnement à perpétuité ainsi que pour certaines infractions passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de 10 ans et poursuivie par mise en accusation.

La partie 3 du projet de loi C-10 introduit des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dans le but de renforcer la responsabilisation du délinquant et de resserrer les règles régissant la mise en liberté sous condition, tout en favorisant les droits et le rôle des victimes dans le processus correctionnel. La partie 3 du projet de loi C-10 propose également de modifier la Loi sur le casier judiciaire afin de remplacer le terme « réhabilitation » par « suspension de casier ». Les modifications proposées ont pour effet d'allonger la période d'inadmissibilité pour la présentation d'une demande de suspension du casier, qui passe à cinq ans pour toutes les infractions sommaires et à 10 ans pour tous les actes criminels. Elles entraîneraient également l'inadmissibilité à la suspension du casier des délinquants déclarés coupables d'infractions sexuelles à l'égard de mineurs, avec certaines exceptions, et pour ceux qui ont été déclarés coupables de plus de trois actes criminels, avec une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus.

J'ai le plaisir d'accueillir notre premier groupe de témoins aujourd'hui. Rob Sampson est l'ancien ministre des Services correctionnels du gouvernement de l'Ontario et l'ancien président du Comité d'examen du Service correctionnel du Canada.

M. Sampson et d'autres membres de ce comité ont rédigé un rapport intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue. Ce rapport a été préparé en réponse à la mission que lui a confiée le gouvernement fédéral le 20 avril 2007, à savoir examiner les opérations du Service correctionnel du Canada et la plupart des recommandations contenues dans ce rapport sont reprises dans le projet de loi C-10 ou sous-tendent ses dispositions.

Nous sommes également très heureux, et je dirais même honorés encore une fois, d'accueillir Mme Sharon Rosenfeldt. Elle a déjà comparu devant nous à plusieurs reprises et son témoignage a été extrêmement utile pour les travaux que nous effectuons. Mme Rosenfeldt était également membre du Comité d'examen du Service correctionnel du Canada avec M. Sampson. Comme les membres du comité le savent fort bien, Mme Rosenfeldt est la présidente du Victims of Violence Canadian Centre for Missing Children.

Bienvenue à tous les deux; nous sommes heureux de vous accueillir. Nous allons commencer avec les déclarations d'ouverture. Madame Rosenfeldt, vous pouvez débuter.

Sharon Rosenfeldt, présidente, Victims of Violence Canadian Centre for Missing Children : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de m'avoir invitée au nom des Victims of Violence à présenter notre point de vue sur le projet de loi C-10, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. En bref, nous appuyons les neuf composantes du projet de loi C-10, parce que toutes les composantes du projet de loi concernent directement les victimes du crime, sous une forme ou sous une autre.

En fait, il y a une bonne partie de la population qui estime que le système de justice pénale n'appuie pas les victimes et leurs familles et que nos lois ne tiennent plus compte de la réalité que constituent les crimes graves, y compris le terrorisme, le crime organisé relié aux drogues, les crimes sexuels, le trafic de personnes et les prédateurs pédophiles. Ce n'est pas uniquement une opinion, mais dans bien des cas, c'est la réalité.

Victims of Violence estime que les réformes que propose le projet de loi C-10 ne s'expliquent pas par l'apparition d'une vague de crimes — même s'il est admis que certaines infractions graves, comme les crimes reliés aux drogues et les infractions reliées à l'exploitation sexuelle des enfants, connaissent effectivement une recrudescence — mais plutôt par le souci de rééquilibrer le droit pénal de façon à renforcer la responsabilisation des délinquants à l'égard des crimes graves et violents dont souffrent les victimes. Ces réformes sont attendues depuis trop longtemps; elles sont également importantes et conformes aux attentes de nombreux Canadiens, à savoir que les personnes qui commettent des crimes graves ne devraient non seulement être incarcérées pour les crimes qu'elles ont commis, mais également bénéficier d'une aide à la réinsertion sociale pour les dissuader de récidiver.

Le projet de loi soulève de nombreuses questions importantes qui touchent, notamment, le contenu du projet de loi, le recours aux peines minimales obligatoires, et le fait que ce type de peine va augmenter le nombre de procès, parce que les accusés refuseront de plaider coupables à l'égard d'une infraction punissable par une peine minimale obligatoire. Certains craignent que les provinces n'aient pas les moyens d'assumer les coûts qu'entraînera l'augmentation du nombre des procès et, cela dit, certains craignent également que celles-ci ne soient pas disposées à investir dans les services aux victimes, si les accusations sont rejetées à cause des retards. Ces arguments appellent quelques commentaires.

Premièrement, l'arriéré qu'entraînerait l'augmentation du nombre des procès est nécessaire si l'on veut que les délinquants soient jugés pour les crimes qu'ils ont commis et non pas déclarés coupables d'une infraction moindre qui ne reflète pas vraiment le crime qu'ils auraient commis. Cela renforcerait beaucoup la confiance des victimes dans le système de justice pénale.

Deuxièmement, à titre d'exemple, il y aura au total 16 infractions supplémentaires, toutes reliées à l'exploitation sexuelle des enfants, auxquelles s'appliqueront des peines minimales obligatoires. Il sera ainsi beaucoup plus rare que les délinquants plaident coupables à une infraction qui n'entraîne pas une peine minimale obligatoire. Je ne vois pas comment l'on peut s'opposer à l'adoption de peines minimales obligatoires dans le cas des crimes sexuels à l'égard des enfants. Il suffit de penser au cas de cet homme qui a été déclaré coupable d'avoir sodomisé et agressé sa belle-fille pendant plus de deux ans et qui n'a reçu qu'une peine de 23 mois d'emprisonnement parce que la juge a tenu compte du fait qu'il avait épargné sa virginité. Est-ce cela la justice?

En théorie, le nombre total des infractions auxquelles s'appliqueront les nouvelles peines n'est pas très élevé, étant donné que celles-ci s'appliquent uniquement aux infractions graves et avec violence commises à l'égard d'enfants, aux activités de crime organisé et aux actes violents commis par des jeunes — des crimes qui ne représentent qu'un faible pourcentage de tous les crimes commis. Par exemple, parmi les crimes rapportés à la police, un crime sur cinq est considéré comme un crime avec violence et dans trois cas sur 10, il y a eu victimisation violente comme le rapporte l'enquête sociale générale de 2009. Ces infractions ne représentent qu'un faible pourcentage de tous les crimes, mais elles constituent les infractions avec violence les pus graves et devraient donc être passibles de peines appropriées.

Les autres éléments du projet de loi auront également peu ou pas d'impact sur l'arriéré ou sur les coûts du système judiciaire. Le fait de restreindre la détention à domicile est une question touchant les peines et n'aura pas d'effet sur la charge de travail des procureurs de la Couronne, bien qu'elle aura un effet sur les populations carcérales, aspect que le gouvernement vise à résoudre en agrandissant les établissements correctionnels.

Renforcer la responsabilisation des délinquants n'infligera pas un fardeau aux tribunaux, étant donné que ces dispositions s'appliqueront à des mesures prises après que le délinquant a déjà été déclaré coupable et condamné. En fait, les éléments de cette partie du projet de loi sont, d'après l'expérience de notre organisation, des aspects qui importent vraiment aux victimes, comme le droit de participer aux audiences des commissions, l'amélioration de l'information transmise aux victimes au sujet du comportement et du traitement des délinquants, la modernisation des sanctions disciplinaires et l'obligation faite aux délinquants de suivre et de terminer leur plan correctionnel.

La partie du projet de loi qui traite de la réhabilitation, qui prolonge les périodes d'inadmissibilité ou interdit cette mesure à certains contrevenants, ceux condamnés pour crimes sexuels contre des enfants ou pour les récidivistes graves, et qui remplace le mot « réhabilitation » par l'expression « suspension du casier », n'aura également aucun effet sur l'arriéré des dossiers judiciaires ou le surpeuplement des prisons puisque son effet ne se fera sentir que 5 ou 10 ans après que le délinquant en question aura purgé sa peine.

D'autres parties du projet de loi, comme celles qui traitent du transfèrement des délinquants et de la protection des personnes vulnérables contre le trafic de personnes, pourraient en réalité réduire l'arriéré des dossiers judiciaires, étant donné que ces dispositions ont pour but de faire en sorte que ces délinquants restent à l'étranger et d'empêcher que des crimes soient commis dans notre pays. Par conséquent, la surcharge de travail éventuelle qui pourrait être imposée aux tribunaux et aux poursuivants de la Couronne découlera des dossiers les plus graves ou les plus violents, ce qui, à mon humble opinion, est tout à fait justifié.

Je sais que le projet de loi aura pour effet d'envoyer davantage de gens en prison pour des périodes plus longues et qu'il faudra donc investir pour augmenter notre capacité carcérale des fonds, qui, d'après certains, serait mieux dépensé autrement. La protection de la société et la détention des délinquants endurcis, graves ou récidivistes entraînent un coût qui paraît nécessaire.

Il est inquiétant de constater que tant de gens pensent principalement au coût de la criminalité, en particulier aux coûts qui touchent les délinquants et les prisons sans tenir compte des coûts que le crime impose aux victimes. Le coût des crimes graves avec violence ne s'apprécie pas seulement en dollars des contribuables, mais aussi en pertes de vie, en pertes de membres de la famille, en atteintes à l'ordre public et entraîne une perte de confiance dans le système de justice pénale.

Le ministère de la Justice Canada a publié en 2008 un rapport qui évaluait le coût de la criminalité. Selon ce rapport, les coûts tangibles, y compris les coûts associés aux services de police, aux tribunaux, aux services correctionnels, aux soins de santé et aux victimes ainsi que le coût des crimes était d'environ 31,4 milliards de dollars, tandis que les coûts liés aux souffrances et aux pertes de vie étaient plus du double de ce montant, soit 68,2 milliards de dollars.

Lorsque j'entends des gens s'opposer au coût des mesures législatives pénales prises par le gouvernement, je réagis très vivement. Mon enfant a été assassiné et c'est une question qui me touche directement. Si le système de justice pénale avait été plus sévère à l'époque, ce que tente de faire le gouvernement fédéral à l'heure actuelle avec le projet de loi C-10, mon fils Daryn n'aurait probablement pas été tué. J'estime qu'il y a lieu de renforcer notre système de justice, de responsabiliser davantage les délinquants et de ne pas nous inquiéter des coûts. Comment peut-on mettre un prix sur la douleur que nous ressentons en tant que victimes ou sur la vie de nos enfants?

J'ai d'autres choses à dire. Elles consistent pour la plupart à répéter que nous appuyons sans réserve chacune des dispositions du projet de loi C-10. Il y a certaines choses que j'aimerais mentionner, et que je pourrais peut-être ajouter au moment des questions. Une est que j'aimerais parler des Autochtones qui sont victimes de crime et dans une certaine mesure, des cercles de détermination de la peine, la théorie de la justice réparatrice, et comment ces éléments peuvent maintenant se relier aux peines minimales obligatoires d'un an. C'est un sujet d'une ampleur considérable, il est complexe et je n'ai certainement pas toutes les réponses, mais j'aimerais parler de ce que notre organisation pense des Autochtones qui sont victimes de crime.

Le président : Madame Rosenfeldt, si vous voulez en parler maintenant, faites-le. C'est une question extrêmement importante.

Mme Rosenfeldt : Merci. Je n'ai rien préparé par écrit à ce sujet, mais je dirais que notre organisation existe depuis maintenant 28 ans. Au cours des années, nous avons eu de nombreuses occasions de travailler avec diverses victimes du crime dont un certain nombre était des Autochtones. À un niveau personnel, j'ai une certaine compréhension des problèmes auxquels font face les Autochtones qui sont victimes de crime. Je suis moi-même Autochtone. Ma grand- mère était membre d'une Première nation, et venait d'une réserve située en Saskatchewan. Dans ma jeunesse, j'y allais fréquemment. Nous aimions beaucoup notre réserve, même si j'ai été élevée dans une ville, et c'est parce que mes parents souhaitaient nous montrer, comme ils le percevaient, une autre façon de vivre, une autre éducation et le reste.

Avant le meurtre de mon fils, j'étais conseillère en toxicomanie, drogues et alcool. Après l'assassinat de mon fils, je n'ai pas pu reprendre cette profession. La décision a été très simple à prendre; je pouvais à peine me conseiller moi- même, encore moins essayer d'aider d'autres personnes et toute cette question est vraiment importante.

Après sept années, j'ai pu reprendre mon travail et on m'a offert un poste de conseillère en toxicomanie dans un centre de traitement autochtone appelé Poundmaker's Lodge, à Edmonton. C'est une des meilleures décisions que j'ai prises.

J'aimerais que vous puissiez tous voir ce que font ces centres de traitement. Le contexte culturel dans lequel ils fonctionnent, le fait de fumer du foin d'odeur le matin et les cérémonies, tout cela est relié au traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme. De ce point de vue, je pense que l'on pourrait dire qu'un bon nombre des personnes qui travaillaient dans ce centre de traitement à l'époque, je ne sais pas quelles sont les statistiques aujourd'hui, estimaient que de 85 à 90 p. 100 de nos clients souffraient de nombreux autres problèmes. Les agressions sexuelles étaient courantes et il y avait toute cette question de la génération des enfants qui avaient été retirés des réserves et placés dans les pensionnats. Il y avait un certain nombre de délinquants âgés qui en parlaient beaucoup. Nos jeunes clients parlaient davantage de leur incapacité à assumer leur victimisation.

Je sais très bien que l'on a beaucoup parlé des délinquants autochtones. Pour ce qui est de la réponse qu'apporte le Canada aux victimes autochtones, nous pensons que cette réponse a souvent été préparée par des non-Autochtones qui proposent des choses — et qui l'on toujours fait — aux Autochtones, comme les chefs de réserve ou les organisations autochtones. Il y a eu la Commission de réforme du droit, qui a examiné les cercles de détermination de la peine et la justice réparatrice pour ce qui est de leurs rapports avec les victimes du crime.

Je suis venue vous dire ici que cela ne fonctionne toujours pas très bien, mais que l'idée est bonne. Personnellement, je n'ai aucun problème avec la théorie de la justice réparatrice, parce qu'il y a des victimes qui aimeraient rencontrer le délinquant, quelles que soient leurs raisons, qui sont de toute façon valides. Notre organisation n'a jamais critiqué la notion de justice réparatrice. Nous n'avons jamais critiqué les cercles de détermination de la peine, parce que, s'ils donnent de bons résultats, au nom de quoi pourrions-nous y faire obstacle?

Mes préoccupations portent toutefois strictement sur les victimes autochtones. Je ne peux pas parler pour toutes, mais celles dont nous nous sommes occupés sont traumatisées parce qu'elles ont peur de participer à ce cercle. Elles craignent d'être intimidées parce qu'il existe une hiérarchie très forte au sein des réserves. Certains des crimes ont été commis par des dirigeants d'organismes ou des membres de la famille du chef ou de membres de la bande. Il s'exerce de très fortes pressions au nom de la justice réparatrice.

Je ne suis pas en mesure de parler des aspects juridiques des peines proportionnelles, qui est l'article 7.1, je crois. Je laisserai d'autres qui ont plus d'expérience que moi vous en parler.

En outre, il a été mentionné que les peines minimales obligatoires d'un an pourraient avoir des répercussions sur les principes de l'arrêt Gladue. Cependant, avec l'arrêt Gladue, les tribunaux examinaient cette question du point de vue de la situation du délinquant. Je ne dis pas que je ne suis pas satisfaite de l'arrêt Gladue. Je pense toutefois qu'on utilise cette décision de plus en plus comme une excuse pour les délinquants autochtones et pour ne pas tenir compte des victimes autochtones. Je serais très heureuse de vous parler de ce sujet, si vous avez des questions à poser.

Pour terminer, j'aimerais beaucoup vous parler de notre dossier le plus récent. Cela me déchire encore le cœur. J'en ai parlé avec un ancien hier et je lui ai demandé si je pouvais vous parler de ce cas. C'est un cas où le frère d'un chef a agressé sexuellement un certain nombre de garçons vivant dans la réserve. Toutes les parties vivent dans la réserve. Un certain nombre d'années ont passé. Trois de ces garçons étaient amis et voulaient essayer de faire quelque chose à ce sujet, parce qu'ils craignaient que cela arrive également à d'autres enfants. Ces garçons avaient 15, 16 et 17 ans à l'époque. Ils ont parlé à leurs familles et celles-ci ont été bouleversées par tout ce qui s'était passé. Encore une fois, il faut comprendre que dans une réserve, la situation est très différente parce que tous les résidents sont des amis et des membres de la famille. C'est vraiment très différent.

Les familles en ont parlé et ont décidé d'appuyer leurs garçons; elles sont allées rapporter le cas à la police. Il y a eu une enquête, des accusations ont été portées et il y a eu un procès. À cause d'un marchandage de plaidoyer — et très probablement à cause de l'arrêt Gladue — le délinquant a été condamné à une peine d'emprisonnement de neuf mois avec sursis et il a été renvoyé dans la réserve. Cela a causé de nombreux problèmes dans la communauté. Il y a eu de l'ostracisme. L'atmosphère était mauvaise. Cela a été très lourd pour les familles, en particulier, pour les victimes. Elles étaient vraiment troublées. Elles ne pouvaient comprendre la détention à domicile. Elles ont dit : « C'est incompréhensible. Si nous l'avions su, nous n'aurions rien dit. »

Le troisième jour qui a suivi la condamnation, le père d'un des garçons a une crise cardiaque et est décédé. La jeune victime s'est crue responsable de tout ce qui s'était passé. Il a déclaré que cela avait brisé le cœur de son père, ce qui se passait, ce qui s'était passé, et qu'il n'aurait jamais dû en parler. Finalement, il a commencé à boire quelques années plus tard et il est mort dans des circonstances reliées à l'alcoolisme.

C'est une histoire triste. Honnêtement, sénateurs, que fait-on pour les victimes? C'est seulement un dossier. Je pourrais continuer à vous en parler et vous en dire davantage, mais je ne le ferai pas. Je voulais simplement attirer votre attention sur le fait que pour chaque crime, il y a une victime, je voulais vous le dire. Je vous remercie.

Le président : Merci, pour votre témoignage, madame Rosenfeldt.

Mme Rosenfeldt : Je mentionne à ce sujet que nous sommes effectivement favorables aux peines minimales obligatoires d'un an.

Le président : Très bien, et je suis sûr qu'il y aura des questions à ce sujet plus tard. Merci encore.

Monsieur Sampson.

Rob Sampson, ancien président, Comité d'examen du Service correctionnel du Canada, à titre personnel : Je remercie les sénateurs de m'avoir invité ici. Je suis vraiment honoré que Mme Rosenfeldt ait été membre du Comité qui a examiné le Service correctionnel du Canada. Elle avait beaucoup de connaissances à apporter, tout comme les autres membres du comité.

Je suis ici pour parler du rapport du comité, de sorte que c'est le chapeau que je vais porter de temps en temps, mais je le retirerai quelquefois pour parler de certains aspects qui ne figurent pas particulièrement dans le rapport, en me basant sur mes antécédents et mon expérience dans le domaine des services correctionnels.

Je tiens à remercier le gouvernement au nom du comité d'avoir repris dans le projet de loi C-10 un certain nombre des recommandations que nous présentions dans le rapport. Lorsque nous avons déposé le rapport, nous avons déclaré qu'il ne fallait pas le considérer comme un buffet où l'on pouvait se servir dans les plats qui nous plaisaient pour élaborer un plan de mise en œuvre; nous pensions plutôt qu'il fallait l'adopter en bloc. Je dirais que la plupart des recommandations que nous avons faites se retrouvent soit dans le projet de loi, soit dans les politiques du gouvernement ou constituent des composantes des plans de mise en œuvre présentés par le Service correctionnel du Canada.

Nous appuyons le projet de loi C-10, et je suis sûr que le comité est favorable au projet de loi C-10. J'ai parlé à Mme Rosenfeldt. Il se trouve que j'ai également parlé au chef Clarence Louie l'autre jour sur une autre question et que j'ai cherché à savoir ce qu'il en pensait. Nous sommes très satisfaits que le travail qu'a effectué le comité ne se soit pas retrouvé sur une étagère et qu'il ait été examiné très sérieusement.

Je ne vous parle pas en m'aidant de notes, mais j'ai fourni quelques renseignements à la greffière. Je ne sais pas si elle en a fait des copies. Je pense que vous avez mon original, et j'aimerais que vous me le rendiez. Avec l'âge, on perd toujours un peu la mémoire.

J'aimerais parler de deux choses. Premièrement, je dirais que l'essentiel de notre recommandation était de donner au Service correctionnel du Canada les outils dont il a besoin pour essayer d'aider les condamnés à changer leur style de vie. J'ai visité un certain nombre d'établissements. J'ai peut-être visité plus d'établissements en Amérique du Nord et en Europe que la plupart des gens, à l'exception peut-être de Don Head qui administre ces établissements.

Il se trouve que j'ai visité un établissement aux États-Unis, si vous me croyez, qui était chargé de s'occuper de jeunes détenus noirs qui avaient été condamnés à des peines supérieures à deux ans. J'ai demandé au directeur de l'établissement comment il concevait son travail. Il m'a répondu : « Mon travail consiste à donner à ces gars-là la deuxième chance qu'ils n'ont jamais eue. » Je lui ai dit : « Eh bien, que se passe-t-il, s'ils veulent avoir une troisième ou une quatrième chance? » Il a répondu : « Ils peuvent attendre derrière les gars qui n'ont pas encore eu leur deuxième chance, mais mon travail consiste à leur donner la deuxième chance qu'ils n'ont jamais eue, parce que, éventuellement, ils seront libérés. » La majorité des individus envoyés dans des établissements fédéraux au Canada vont à un moment donné quitter le milieu carcéral.

Du point de vue de ce directeur de prison, son travail consistait à préparer les détenus à réintégrer la société, pour qu'ils ne reviennent pas dans son établissement ou dans un autre. Il s'occupait principalement d'aptitudes, de formation professionnelle et d'intégration dans la société. Il fournissait également des services de counselling en toxicomanie et en comportement, mais sa principale préoccupation était de veiller à ce que ces jeunes noirs sachent faire quelque chose lorsqu'ils quitteraient l'établissement. Le taux de récidive pour cet établissement se situait entre 10 et 15 p. 100, de sorte qu'il n'a pas connu une réussite complète et cela l'a frustré. Mais son programme a été un succès. C'est un établissement américain, sénateurs.

Je me suis servi de cette information pour essayer d'en mettre en œuvre certains éléments lorsque j'étais ministre des Services correctionnels en Ontario. C'est le principal thème, si vous examinez notre rapport, l'élément clé de notre rapport : l'employabilité, l'acquisition de compétences, l'éducation et l'aptitude à l'emploi pour les détenus qui quittaient les établissements, qu'ils soient de sexe masculin, féminin, Autochtone ou non-Autochtone.

L'information que je vous ai distribuée comprend des extraits de trois rapports, parmi tous ceux qu'effectue à l'interne le Service correctionnel. Le Service correctionnel du Canada fait de l'excellente recherche à l'interne. La plus grande partie n'est pas publiée, pour des raisons que je n'ai pas très bien comprises, mais ce service effectue de la bonne recherche. Le thème central de cette recherche est une analyse de la population carcérale et une discussion au sujet de l'employabilité et de l'acquisition des compétences.

Le renseignement qui nous a surpris — et c'est encore un renseignement actuel parce que c'est un rapport récent — est que plus de 50 p. 100 des détenus dans nos établissements purgent en moyenne une peine de trois ans, de sorte qu'ils restent au maximum 24 mois dans cet établissement. Quel est le profil des personnes qui arrivent dans ces établissements? De loin, la majorité possède à peine une huitième année de scolarité; la majorité n'a jamais eu d'emploi avant de recevoir leur peine, ce qui les rend inemployables et dépourvus de toute compétence professionnelle.

Ce que nous reprochons donc au Service correctionnel du Canada pour ce qui est de préparer les détenus à retourner dans la société est qu'en 18 mois, il faut prendre ces individus, les préparer à retourner dans la société où les compétences exigées pour obtenir un emploi sont de plus en plus sévères alors que les pratiques au sein de l'établissement sont plutôt laxistes. L'écart entre les deux se creuse. J'estime, sénateurs, que ces personnes ont besoin de passer plus de temps sous la garde du Service correctionnel du Canada pour que ce service leur accorde un soutien de façon à ce que lorsqu'elles sont prêtes à être libérées, elles possèdent les compétences et l'éducation de base nécessaires et qu'elles savent que lorsqu'un travail commence à 8 heures, il faut arriver à 8 heures, pas à 8 h 15 ou à 9 h 15 ni à l'heure où vous avez envie d'arriver; ces personnes doivent être prêtes à travailler.

La discussion que j'ai eue avec le chef Clarence Louie il y a quelques jours portait exactement sur cet aspect. Dans cette bande, il avait obtenu la possibilité de travailler avec la province pour construire un établissement dans cette réserve. C'était une excellente occasion pour lui de collaborer avec la province et d'obtenir ce dont il avait besoin pour que les délinquants autochtones envoyés dans ces établissements soient prêts à être libérés lorsqu'ils le sont et qu'ils ne soient pas libérés avant qu'ils soient prêts à l'être. Je crois que c'est une terrible injustice que de renvoyer les détenus dans la société lorsqu'il existe encore un écart énorme entre ce qu'ils doivent faire pour garder un emploi et ce qu'ils savent faire en réalité.

Pendant en moyenne 18 mois, il faut prendre quelqu'un qui a à peine huit années de scolarité, qui n'a jamais travaillé, n'a jamais gardé un emploi, qui ne sait pas comment garder un emploi, et sait pas comment obtenir un emploi, qui n'a pas de cv, qui peut à peine écrire, qui est dépendant des drogues et qui connaît tous les problèmes mentaux associés avec cela, comme je l'ai dit à Don Head en privé, je ne suis pas surpris que vos taux de récidive soient si faibles. Vous ne gardez pas ces personnes suffisamment longtemps pour pouvoir les aider.

Je dirais donc que l'essentiel du rapport de notre comité est que nous devons centrer nos efforts sur l'acquisition de ces compétences de base. Oui, il faut travailler sur les problèmes de toxicomanie. Oui, il faut travailler sur les problèmes de gestion de la colère. Oui, il faut s'occuper de tous les autres aspects, mais si le gars ne peut pas conserver un emploi, il va reprendre le seul emploi qui, d'après lui, lui permet de gagner de l'argent et c'est le crime. Malheureusement, je crois que les taux de récidive reflètent cette situation.

J'invite vivement les sénateurs à bien réfléchir à cet aspect parce que nous demandons au Service correctionnel du Canada d'aider ces personnes à changer leur façon de vivre, comme me l'a dit ce directeur à propos de sa responsabilité. Nous devons lui donner le temps, les ressources et les outils pour le faire. Une partie de ces outils se trouvent dans le projet de loi C-10, puisque cette mesure permet d'adapter la détention à l'individu, de ne pas prendre la mesure la moins sécuritaire, mais celle qui convient à l'individu, parce que certains ont besoin d'être traités différemment des autres.

Sur ce, sénateurs, je vais m'arrêter parce que je sais que vous voulez poser des questions et que nous n'avons pas beaucoup de temps. Je vous félicite du temps et de l'attention que vous avez consacrés à ce projet de loi particulier. Je ne suis pas très souvent les projets de loi qui sont étudiés par le Sénat. Je suis maintenant rémunéré dans un poste du secteur privé, au moins je l'étais, il y a une heure et demie. J'apprécie toutefois le temps et les efforts que vous avez consacrés à ce projet de loi. Il est, à mon avis, essentiel de donner au dernier échelon de notre système, même si je n'aime pas le désigner ainsi, les outils et les ressources dont il a besoin pour veiller à donner à ces personnes la deuxième chance qu'elles n'ont en fait jamais eue.

Le président : Merci, monsieur Sampson. Voilà deux excellentes déclarations d'ouverture et je suis sûr que mes collègues le pensent également.

Nous allons commencer les questions et je vais donner la parole en premier à la vice-présidente, le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Merci monsieur le président et merci à tous les deux d'être venus aujourd'hui. Il est important que nous entendions ce que vous avez à dire.

Il est rare qu'une commission d'enquête, que l'on parle de comité ou d'autre organisme, soit aussi convaincue que ses recommandations ont été adoptées par le gouvernement. J'ai examiné votre rapport. Il y a des grands passages qui sont repris mot à mot du projet de loi et M. Head nous a confirmé à plusieurs reprises, hier, je crois, que votre feuille de route est aussi la sienne ou à peu près.

Je ne voudrais toutefois pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit. Il ne l'a pas dit. Je parle en ce moment de l'impression que j'ai eue, non seulement au cours des audiences consacrées à l'étude de ce projet de loi, mais également progressivement. Il me semble que le système fédéral — et notre comité n'a aucune expérience des systèmes provinciaux — est en train d'être envahi. Étant donné que la population augmente, on est obligé, en fin de compte, d'entasser les gens. Nous pratiquons la double occupation de cellule. Dans certains endroits, les détenus dorment dans les gymnases. Ils dorment à deux ou trois dans des pièces qui ont été conçues pour une personne. Il y en a qui dorment à même le sol. Il est vrai que les services correctionnels ont bénéficié d'une augmentation importante de leur budget, mais la plus grande partie semble être utilisée pour mieux rémunérer les gardiens de prison plutôt que de procéder aux réformes que votre rapport envisageait.

Je dirais que vous essayez de suivre certainement d'assez près la façon dont se déroulent les choses. J'ai l'impression que quelle que soit la façon dont on peut concevoir la réforme du service correctionnel en ce moment, je crois que les membres de ce service font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas que le système bloque. Est-ce que je me trompe? Avez-vous un point de vue plus optimiste?

M. Sampson : Je suis au départ un optimiste, sénateur, donc oui, c'est ce que je pense.

Je dirais que, comparé aux autres services que j'ai vus, le Service correctionnel du Canada est de loin le meilleur. Je ne pense pas qu'il soit bon de se reposer sur ses lauriers, et dans notre rapport, nous demandons que le service correctionnel soit encore amélioré et cela veut dire modifier la façon dont le système est administré; j'ai également eu cette discussion avec Don Head au sujet de l'emploi des ressources. Dans l'institution dont j'ai parlé au sujet des jeunes Noirs, où étaient logés les jeunes Noirs, les gens qui s'occupaient des programmes étaient également les gardiens. Les détenus n'avaient pas à se rendre dans une autre partie de l'édifice pour rencontrer les spécialistes qui offraient ces programmes. Les gardiens étaient en fait chargés de fournir les programmes, ce qui créait une excellente dynamique parce que les personnes qui étaient chargées de s'occuper de l'établissement connaissaient beaucoup de choses sur ces individus, de sorte que, lorsqu'ils suivaient des programmes professionnels où il faut maintenir la sécurité, c'était la même personne qui donnait l'information que celle qui veillait à ce qu'ils ne battent pas leurs compagnons de cellule lorsqu'ils rentraient dans leur rangée de cellules. C'est une dynamique que le Service correctionnel du Canada devrait essayer d'émuler. Cet aspect n'est pas directement abordé dans le rapport, mais il facilite l'administration du système et je crois que cela aiderait aussi du côté des ressources parce que cela éviterait les duplications dans le système. Il y a à l'heure actuelle des établissements où les détenus qui se trouvent dans une certaine partie d'une rangée de cellules vont suivre des programmes, mais il faut que le personnel correctionnel y demeure, les gardiens, ils sont de service parce qu'il y a peut-être un ou deux gars qui sont malades ou qui ne participent pas à ces programmes. Ce n'est pas une façon très efficace d'utiliser les ressources. Les établissements qui fonctionnent très bien, et je pense à certains d'entre eux que connaît fort bien le sénateur Runciman, sont les établissements de santé mentale où ce sont les gens qui assurent la sécurité qui s'occupent également des programmes.

Deuxièmement, il est possible de faire quelque chose au sujet du surpeuplement si nous réussissons mieux à amender les détenus. En amendant les détenus, il y en a moins qui reviennent une deuxième et une troisième fois. Le taux de réussite en matière d'amendement a pour effet de réduire le nombre des personnes incarcérées parce que celles qui sont amendées ne reviennent pas pour une deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième ou énième fois dans l'établissement.

Dns une grande mesure, si le système se donnait des cibles en matière d'amendement, des cibles en matière de récidive et si le gouvernement obligeait les responsables à réduire ces chiffres, comme cela se fait au Royaume-Uni, je le signale en passant, alors vous pourriez constater les effets d'une telle politique, parce qu'elle réduirait la population carcérale, parce que le gars qui part aujourd'hui ne reviendrait pas demain. Le gars se trouve dans un champ de pétrole où il gagne 100 000 $ par an, comme technicien spécialisé en exploitation pétrolière.

Le sénateur Fraser : Faisons-nous ce genre de choses à l'heure actuelle?

M. Sampson : Pas autant que je voudrais, sénateur, pour de nombreuses raisons. Actuellement, il n'y a pas d'établissement qui a été conçu pour offrir ce genre de programme. Prenez le pénitencier de Kingston. Comment pourrait-on offrir des programmes de formation au pénitencier de Kingston? Je suis né et j'ai grandi à deux coins de rue du pénitencier de Kingston. Je le connais comme le fond de ma poche. J'étais là lorsque les tanks sont arrivés, le jour où il y a eu une émeute. Mon père était procureur de la Couronne à l'époque. Je connais pas mal de choses au sujet du pénitencier de Kingston, des établissements de Joyceville et de Millhaven. Aucun de ces établissements n'est conçu pour pouvoir offrir ce genre de programmes. Ils ont été conçus et construits avant que je sois né, sénateur, et les choses ont changé. Les temps ont changé. La société a changé. Comme je l'ai dit il y a un instant, il faut posséder de plus en plus de compétences pour pouvoir conserver un emploi. L'écart qui existe entre les compétences que possèdent les détenus lorsqu'ils quittent l'établissement, sans parler de celles qu'ils possédaient lorsqu'ils sont arrivés, s'agrandit de plus en plus, de sorte que nous devons faire mieux que nous faisons à l'heure actuelle.

Le sénateur Fraser : Très bien. Merci.

Le président : J'ai une question supplémentaire qui est dans le prolongement des questions qu'a posées le sénateur Fraser. Monsieur Sampson, votre rapport semble basé sur un principe qui vous paraît le bon savoir que fournir une formation professionnelle et une éducation est l'orientation à prendre, c'est la façon de changer la vie des délinquants et de les remettre dans le droit chemin.

Le sénateur Fraser a fait remarquer qu'il y avait un problème de ressources. Votre but est tout à fait louable, mais nous ne disposons pas de ressources suffisantes pour faire tout cela.

Pour l'avenir donc, devons-nous nous contenter des fonds dont nous disposons et offrir des programmes et des orientations qui correspondent à ces fonds ou devrions-nous continuer d'aller de l'avant, de faire ce qu'il faut faire, exercer des pressions sur le système, en nous disant que, si les résultats sont au rendez-vous, les fonds arriveront également? Faut-il adapter nos programmes aux fonds dont nous disposons ou mettre en œuvre les principes qui nous paraissent bons et obliger le système à fournir les fonds nécessaires?

M. Sampson : Je pense que la réalité à laquelle nous faisons tous face, qu'il s'agisse de faire fonctionner le gouvernement ou de nos propres finances personnelles, est qu'il n'y a pas jamais suffisamment d'argent à la fin du mois pour faire ce que nous aimerions faire. Ce problème ne sera jamais résolu et cela devient encore plus frustrant lorsque nous dépensons plus que nous devrions le faire et qu'on nous demande de réduire nos dépenses. Je ne pense pas que nous connaîtrons jamais le jour où le Service correctionnel du Canada aura trop d'argent et ne saura pas quoi en faire. La réponse est, d'après moi, aller de l'avant. Voilà votre budget, voilà les défis, voilà votre feuille de route.

Je ne sais pas si notre rapport est parfait ou non, mais je peux vous dire que je crois qu'il contient quelques erreurs. Je suis perfectionniste et je ne pense pas que le comité et moi ayons réussi à préparer un rapport parfait, mais nous avons fait de notre mieux avec les ressources dont nous disposions. Je pense que maintenant, c'est au Service correctionnel du Canada de faire la même chose. Voici les ressources dont il dispose. S'il faut modifier la façon dont les établissements sont administrés, alors il faut le faire.

Le président : Et le faire bien.

Le sénateur Chaput : Ce plan m'intrigue vraiment. Je le trouve très intéressant. Comment cela se fera-t-il et que pouvons-nous faire à l'heure actuelle? Vous avez déclaré qu'une partie des outils nécessaires se trouvent dans le projet de loi C-10. Quels sont les outils nécessaires qui se trouvent dans le projet de loi que nous avons devant nous, si vous pouvez me donner des exemples?

M. Sampson : J'ai en fait examiné le résumé du projet de loi. J'ai noté les mesures qui me paraissaient bonnes. Il faudrait que je regarde mes notes et que je vérifie que je n'ai rien dit que je n'aurais pas dû dire.

L'article 54 du projet de loi est accompagné de notes au sujet de la prise en compte de la nature et de la gravité de l'infraction ainsi que du degré de responsabilité du délinquant. La notion de plan correctionnel se trouve maintenant dans la loi; elle n'est pas dans le règlement. C'est un énorme progrès. Je comprends la différence étant donné que j'ai déjà été législateur. Cela figure maintenant dans la loi.

Sénateur, l'obligation d'aider les délinquants à changer leur façon de vivre exige que les deux parties s'entendent — le délinquant doit vouloir le faire et la société doit fournir les outils et les ressources. On retrouve dans ce projet de loi, en différents endroits, ces deux éléments dans une loi et non pas dans un règlement ou dans les lignes directrices du Service correctionnel du Canada.

Le sénateur Chaput : Pourriez-vous aller de l'avant avec ce plan si vous n'aviez pas le projet de loi C-10? Pourriez- vous quand même mettre en œuvre ce genre de plan?

M. Sampson : Non, parce que le projet de loi contient des éléments qui donnent au Service correctionnel du Canada les outils pour traiter le détenu conformément à ses besoins en matière d'amendement et de réadaptation.

Il s'agit de gérer le délinquant en se basant non pas sur le principe de la peine la moins restrictive ou sur un aspect de gestion, mais en prenant des mesures adaptées aux besoins du délinquant et à son plan correctionnel. Cela veut dire que, si le gars doit pouvoir se rendre dans un centre de formation professionnelle, il faut qu'il ait le niveau de sécurité qui lui permette de le faire, si c'est ce dont il a besoin.

Le président : Nous avons commencé en retard. Sachez que je ferai tout ce que je peux, compte tenu de notre horaire, pour que vous puissiez poser vos questions. Cela est tellement important.

Le sénateur Runciman : J'invite M. Sampson à fournir des réponses brèves pour que nous puissions lui poser autant de questions que possible.

Vous avez parlé du fait qu'il était difficile, faute de temps, de préparer les prisonniers à devenir des citoyens productifs. Cela fait quelque temps que j'ai examiné votre rapport. Avez-vous recommandé que la libération d'office ne soit pas automatique, qu'elle soit fondée sur ce dont vous venez de parler, la capacité de devenir un citoyen productif? Est-ce que ce genre d'évaluation figure dans les recommandations dont vous parlez ici?

M. Sampson : Vous vouliez que je sois précis. Oui.

Le sénateur Runciman : Très bien. Nous avons entendu un certain nombre de témoins qui n'étaient pas favorables à ce projet de loi. Une de leurs critiques découlait du fait qu'ils continuaient à favoriser les mesures les moins restrictives. Je pense que les témoins qui vont prendre la parole après vous aujourd'hui s'opposent au nouveau principe selon lequel les mesures doivent se limiter à ce qui est nécessaire et proportionnel à la réalisation des objets de la loi. Pourriez-vous nous dire ce que changement veut dire en termes concrets?

M. Sampson : Cela veut dire que le niveau de sécurité appliqué au détenu selon le projet de loi serait le niveau de sécurité correspondant au plan correctionnel qui a été élaboré pour l'aider à s'améliorer, à changer de vie pour qu'il puisse retourner dans la société, prêt à vivre une vie normale. Ce n'est pas un niveau de sécurité déterminé par la loi. C'est le niveau de sécurité qui est adapté à la personne concernée.

Au lieu d'essayer de mettre tout le monde dans la même catégorie, on choisit un niveau de sécurité adapté à la personne concernée. Sénateur, il est possible que votre niveau de sécurité soit différent du mien. C'est la réalité.

Cela ne veut pas nécessairement dire que le niveau approprié n'est pas le niveau minimum, cela pourrait fort bien l'être. Dans certains cas, cela ne le sera pas, parce que ce sera le niveau que l'établissement et les personnes chargées de changer la vie de ces personnes estiment approprié.

Le sénateur Runciman : J'aimerais profiter de l'occasion de parler avec vous de la question de la santé mentale. C'est un sujet qui a été mentionné par toute une série de témoins. Les policiers et un certain nombre de témoins qui ont comparu devant nous ont mentionné que c'était là qu'il y avait un problème, à savoir le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux qui se trouvent dans le système correctionnel du Canada.

Nous avons entendu hier M. Head. J'ai exprimé ma frustration à constater que les progrès réalisés jusqu'ici pour lutter contre ce problème ont été vraiment minimes. L'enquête sur Ashley Smith, que je crois que vous connaissez, va se terminer plus tard cette année; je crois qu'elle va accorder beaucoup d'importance à ce qui se passe dans le système correctionnel fédéral pour ce qui est du traitement approprié.

Je suis bien évidemment intéressé par la notion de prestation de services alternative. Nous avons constaté que cela fonctionnait. Le Dr Bradford nous a parlé hier d'une réduction des taux de récidive se situant entre 40 à 46 p. 100. J'ai parlé des rapports existants dans le système fédéral et dans la section de la santé mentale, 80 p. 100 d'agents correctionnels et 20 p. 100 d'agents de soins de santé, lorsqu'ils arrivent à en embaucher. C'est un problème qui perdure. C'est exactement le contraire de ce qui se passe au Centre correctionnel et de traitement St. Lawrence Valley, où il y a 80 à 85 p. 100 d'agents de soins de santé et un excellent taux de réussite. Que pensez-vous de l'idée de ne pas simplement réfléchir à la possibilité de confier à d'autres la prestation de services dans le système fédéral, mais de s'engager résolument dans cette direction?

M. Sampson : Sénateur, c'est à ceux qui sont le mieux à même d'obtenir les résultats que nous devrions confier cette responsabilité; que ce soit un fournisseur de services privé ou la fonction publique, ou les deux en concurrence ou en compétition; et que l'on confie ces tâches à celui qui obtient les meilleurs résultats. Je connais ce que fait le Dr Bradford parce que c'est un projet qui a débuté pendant que vous étiez le ministre des Services correctionnels de l'Ontario et c'est moi qui ai assumé la lourde responsabilité d'essayer de poursuivre votre initiative. Il a obtenu d'excellents résultats parce qu'il essaie principalement, si vous me permettez d'utiliser des termes non techniques et non cliniques, de stabiliser ces personnes pour les préparer à retourner dans la société. C'est le défi qu'il s'est donné. Son modèle de fonctionnement consiste à avoir moins de personnes avec toutes ces clés à la ceinture et plus de personnes qui s'occupent des programmes parce que ces dernières sont en contact quotidien avec l'individu concerné et ce contact n'est pas rompu lorsque cet individu quitte sa cellule et va dans le secteur des programmes.

Pour répondre à la question que vous m'avez posée plus tôt, je dirais que c'est un bon modèle pour réduire les coûts et consacrer davantage de fonds aux programmes.

Le sénateur Fraser : J'ai une question supplémentaire. Ces gens sont syndiqués. Ne serez-vous pas obligé de renégocier un grand nombre de conventions collectives pour obtenir ce résultat?

M. Sampson : Sénateur, ce n'est pas moi qui gère le système. Il faudra faire ce qu'il faut faire, et si cela veut dire renégocier une convention collective, alors c'est ce qu'il faudra faire. Il faut agir.

Le sénateur Runciman : J'ai une brève question pour Mme Rosenfeldt. Bienvenue encore une fois au comité. Comme vous le savez, le projet de loi C-10 interdira aux délinquants d'annuler leurs audiences relatives à la libération conditionnelle dans les 14 jours de la date d'audience. Pourriez-vous nous parler des avantages qu'offre cette modification?

Mme Rosenfeldt : Merci, sénateur Runciman. Je crois que cela faisait partie de l'exposé que je n'ai pas terminé parce que je voulais vraiment parler des Autochtones.

Le sénateur Runciman : Qu'en pensez-vous, d'après votre propre expérience?

Mme Rosenfeldt : Je peux vous dire, comme n'importe quelle autre victime d'un crime ou organisation d'aide aux victimes vous le dirait, que c'est une expérience très douloureuse. Elle est également très coûteuse. Ces dernières années, il y a eu un progrès; le Service correctionnel du Canada assume maintenant les frais de déplacement des victimes de crime pour qu'elles viennent dans les établissements où se tient l'audience de la Commission des libérations conditionnelles. C'était une bonne initiative. Auparavant, cela posait des problèmes aux victimes parce qu'elles devaient assumer elles-mêmes ces frais; elles apprenaient ensuite parfois que l'audience de la Commission avait été annulée alors qu'elles avaient finalement décidé d'y assister, qu'il s'agisse d'agression sexuelle ou d'homicide, peu importe. Cela est presque aussi traumatisant que d'aller devant le tribunal. Il est toutefois très important que la victime participe toujours à ces audiences, même si cela est très difficile pour elle. J'espère que cela répond à vos questions, à savoir pourquoi les victimes souhaitent-elles assister à ces audiences si cela leur est aussi pénible? C'est le sentiment qu'éprouvent les victimes du crime lorsqu'elles ont été atteintes personnellement. Elles se sentent obligées de participer à cette procédure si un être cher a été assassiné et qu'il ne peut plus se représenter lui-même, et c'est alors la famille qui intervient. C'est très important. C'était une très mauvaise chose que d'annuler ces audiences lorsque la victime était prête à y aller.

Comme vous le savez, sénateurs, et je vais porter une accusation ici, il y a eu des audiences qui ont été annulées. Les détenus savent qu'ils n'obtiendront pas la libération conditionnelle. Ils ont le droit d'assister à cette audience et ils l'annulent ensuite, tout simplement pour compliquer les choses.

Il y a un autre aspect qui soulève également des problèmes, c'est celui de l'interprétation. Il y a des détenus qui veulent que leur audience soit tenue uniquement en français alors que la famille de la victime ne parle pas français. Je ne sais pas pourquoi il y a là un problème, mais cela peut être très gênant.

J'ai pris trop de temps. Excusez-moi.

Le sénateur Cowan : Bienvenue, madame Rosenfeldt et monsieur Sampson. Merci pour le travail que vous faites.

J'ai écouté votre témoignage, monsieur Sampson; il me paraît raisonnable d'essayer de réadapter les délinquants, de leur fournir une formation professionnelle et de les préparer à se trouver un emploi par la suite; il ne s'agit pas ici d'être gentil avec le délinquant. Il s'agit en fait de protéger la société, parce que ces personnes seront libérées. Si elles sont libérées et pensent qu'elles n'ont pas d'autre choix, elles vont récidiver; nous n'aurons alors pas accompli ce que nous espérions faire. Je comprends fort bien votre raisonnement.

Je suis par contre troublé par l'idée que nous pourrions nous contenter de dire : « Nous allons incarcérer ces personnes plus longtemps parce que cela donnera aux autorités correctionnelles le temps de leur donner une deuxième chance pour les aider à changer de vie. » D'après les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, le surpeuplement des prisons et le manque de ressources ont empêché le service correctionnel d'obtenir les résultats espérés même s'il faisait exactement ce que vous souhaitez qu'il fasse.

Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, les établissements ne sont pas conçus pour faire ce genre de choses. Il est évident que nous n'allons pas commencer à détruire les édifices existants comme celui qui est situé près de l'endroit où vous avez grandi pour construire des établissements tout neufs. Cela n'est tout simplement pas possible. Le gouvernement a projeté d'agrandir les établissements existants, de les rénover, mais il est peu probable qu'il fasse de ces établissements des lieux où il sera possible d'atteindre les objectifs que vous souhaiteriez réaliser.

Manquez-vous ou manquons-nous de réalisme, parce que nous espérons que les établissements correctionnels soient en mesure de faire ce que vous proposez? Est-il vraiment réaliste de s'attendre à ce que les établissements correctionnels puissent réaliser les objectifs louables que vous avez décrits?

M. Sampson : Je dirais que nous avons fixé à l'heure actuelle des cibles pour le Service correctionnel du Canada; nous voulons qu'il réduise les taux de récidive; vous savez fort bien quel est le profil des personnes qu'il prend en charge. En 18 mois, il est un peu difficile de faire ce genre de choses, dans la plupart des cas.

Le sénateur Cowan : La solution consiste-t-elle à donner au service plus de temps pour travailler avec les détenus, ou faudrait-il plutôt réaffecter les ressources que nous possédons, non seulement aux établissements correctionnels, au budget correctionnel, mais à d'autres budgets qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, comme la santé, l'éducation et la formation professionnelle? Je me demande si ces établissements représentent vraiment leur meilleur moyen de faire quelque chose qui, j'en suis convaincu comme tous les autres, est dans l'intérêt de tous.

M. Sampson : Je dirais que la réponse est oui aux deux questions. Il est raisonnable de se donner pour objectif de changer ce que font les institutions actuellement, pour qu'elles deviennent un modèle différent, d'une taille différente, et pour qu'elles utilisent les différents outils qui sont mis à leur disposition.

Je dirais en passant que le rapport parlait de continuer à aider les gens à se réadapter dans la collectivité. Lorsque je dis « sous le contrôle du Service correctionnel du Canada », cela veut dire l'intérieur des murs des établissements, mais nous avons parlé dans une grande partie du rapport de ce qui se faisait en dehors de ces murs, je crois que c'est le terme utilisé dans le rapport, mais qui relevait encore du Service correctionnel du Canada. Vous pouvez offrir toute la formation professionnelle que vous voulez dans les murs d'un établissement, mais il faut également être sûr que lorsque le gars est libéré et doit faire son travail de charpentier, de plombier, d'électricien ou autre, il arrive bien à 8 heures ou 9 heures, à l'heure à laquelle il doit arriver. Il faut que cela soit surveillé. Il faut bien sûr dépenser des fonds pour le volet communautaire du service correctionnel. Le rapport est très clair à ce sujet. Ce n'est pas un rapport qui dit : « Mettez-les en prison et jetez la clé »; c'est plutôt un rapport axé sur « Faites ce que vous pouvez pour changer sa vie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des murs ». Bref, pour répondre à votre question, je dirais que oui.

Le sénateur Cowan : Madame Rosenfeldt, j'aimerais que vous m'expliquiez une phrase qui figure dans votre exposé dans laquelle vous répondez à l'accusation selon laquelle ce projet de loi va aggraver les arriérés du système. Vous dites que l'arriéré qui découlerait de l'augmentation du nombre des procès est nécessaire si nous voulons que les délinquants soient jugés pour les crimes qu'ils ont commis et non pas déclarés coupable d'une infraction moindre qui ne reflète pas vraiment le crime qui leur est imputé. Je ne comprends pas cette déclaration.

Mme Rosenfeldt : J'essayais de dire avec cette déclaration que, s'il y a un arriéré, alors le gouvernement ou le gouvernement fédéral doit faire quelque chose. Je dis en réalité qu'il faut envoyer les délinquants là où ils doivent être dans le système judiciaire, il faut les juger pour les crimes qu'ils ont commis plutôt que de leur donner la possibilité de recevoir une peine d'emprisonnement avec sursis ou de participer à des cercles de détermination de la peine ou des choses du genre; si cela a pour effet de créer un arriéré, alors il faudra s'en occuper.

D'après ce que j'ai compris, il y a un certain nombre de choses qui deviendront des dispositions législatives avec ce projet de loi, mais certains aspects ne feront pas l'objet d'une décision définitive tant que nous n'aurons pas consulté davantage les provinces.

Le sénateur Cowan : Où cela se trouve-t-il?

Le président : Sénateur, nous devons aller de l'avant.

Le sénateur Cowan : De quels aspects s'agit-il? Cela me paraît très important et c'est tout à fait nouveau pour moi.

Le président : Oui. Tout est important.

Madame Rosenfeldt, pouvez-vous répondre à ceci très rapidement?

Mme Rosenfeldt : Je crois que cela figure dans le projet de loi. Il y a également le fait que le projet de loi fera l'objet d'un examen approfondi. Le projet de loi C-10 sera examiné dans cinq ans. Une partie de ce projet de loi sera révisée dans cinq ans.

Le sénateur Cowan : Deuxième tour.

Le président : Je ne pense pas que nous soyons ici pour nous lancer dans un débat avec les témoins. Je sais que vous essayez de démontrer quelque chose.

Le sénateur Lang : Je remercie les témoins de s'être levés de bonne heure et d'être venus ici. J'aimerais adresser une question à Mme Rosenfeldt. Je dirais qu'il est agréable de vous revoir ici, et je crois que vous amenez à cette table un message de bon sens au sujet de ce que vous avez vécu personnellement et aussi, au sujet du travail que vous effectuez depuis quelques dizaines d'années.

J'ai été très surpris hier que l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry nous déclarait hier soir, de façon très claire et non ambigüe, qu'elle n'était pas favorable aux peines minimales obligatoires. Lorsque la question précise des peines minimales obligatoires pour les infractions sexuelles, par exemple, un an pour une agression sexuelle, si elle est établie, et nous avons passé en revue la liste des peines minimales, lui a été posée, cette association a répondu qu'elle n'était pas en faveur de ces peines. Il a alors été demandé à son représentant si son organisme comprenait bien le projet de loi, s'ils avaient sondé leurs membres, et il a déclaré qu'ils avaient envoyé des courriels.

Vous avez acquis beaucoup d'expérience avec les victimes ces dernières années. Pensez-vous que si les victimes comprenaient bien le projet de loi, par exemple, lorsqu'il prévoit une peine minimale obligatoire d'un an pour une agression sexuelle, pensez-vous qu'elles penseraient que protéger les victimes et l'ensemble de la société est une mesure positive?

Mme Rosenfeldt : Je ne peux pas, bien sûr, parler au nom des sociétés Elizabeth Fry, mais je vais essayer d'expliquer brièvement ce que souhaitent les victimes. Il y a trois domaines. Le premier est la sévérité des sanctions qu'introduit le projet de loi. Deuxièmement, les victimes veulent participer au processus; c'est une nécessité pour elles, ce qui veut dire qu'elles ont besoin de l'aide des policiers, de l'aide pour les avis de décès, les tribunaux, la détermination de la peine et aussi celle du Service correctionnel du Canada. Les victimes ont toujours pensé qu'il n'était toujours pas accepté qu'elles fassent vraiment partie du processus. Le troisième domaine est celui des services aux victimes. Ces trois domaines sont reliés entre eux.

Lorsque les victimes disent qu'il n'y a pas de justice, elles pensent aux peines. Il est très troublant pour les victimes de ne pas avoir un rôle dans le système de justice pénale et de sentir qu'elles ne sont pas respectées par la police et les procureurs de la Couronne.

Il y en a qui disent que les victimes sont tout simplement en colère et vindicatives, qu'elles ont tout simplement besoin de services de counselling pour qu'elles acceptent la mort de leur être cher et la perte de dignité qu'entraîne le fait d'être une victime. La plupart des victimes veulent voir quelque chose qui ressemble à de la justice pour elles. Je pense que la peine minimale obligatoire d'un an est trop légère, mais c'est un pas dans la bonne direction pour certains crimes. Il y a beaucoup de victimes qui aimeraient une justice plus répressive. Il ne suffit pas de nous dire de rester tranquilles et de demander au gouvernement de nous payer des services de counselling.

Le sénateur Lang : Ma question n'était peut-être pas très claire. À la fin de votre réponse, vous avez parlé des peines minimales obligatoires applicables aux infractions sexuelles, peines qui ne figurent pas à l'heure actuelle dans les dispositions législatives. Ces derniers jours, nous avons entendu des témoignages selon lesquels la norme est aujourd'hui d'imposer un emprisonnement avec sursis pour les infractions sexuelles. Voilà qui est très différent de l'histoire que vous nous avez racontée au sujet de ces trois jeunes garçons et des conséquences que cela a eues dans cette petite communauté.

J'ai été surpris de constater que les organisations d'aide aux victimes n'appuient pas ce genre de mesure législative, étant donné qu'elle a pour effet de retirer ces individus de la collectivité, au moins pendant un certain temps. Est-ce que le fait de retirer ces personnes de la collectivité, au moins pendant un certain temps, rassurerait les victimes que vous avez connues?

Mme Rosenfeldt : Les victimes et les organismes d'aide aux victimes sont bien sûr favorables à une telle mesure. Je ne peux toutefois pas parler au nom des sociétés Elizabeth Fry.

Le système de justice est très complexe et il est composé de nombreux acteurs. Les sociétés Elizabeth Fry ont déclaré qu'il était triste d'en arriver à une situation où il y a nous et les autres, mais c'est la réalité. Pour chaque argument au sujet de la façon d'améliorer le système pour aider les détenus, il y a toujours un argument en sens contraire. Malheureusement, il y a une sorte de situation où il y a nous et les autres, mais nous sommes toutefois d'accord sur un certain nombre de choses. Je dirais toutefois que les peines minimales sont difficiles à accepter pour les organismes de défense des délinquants parce que, pour parler franchement, je pense qu'ils appuient les délinquants.

Cela dit, les laisser dans la collectivité est une forme de justice à rabais pour ceux qui ont fait souffrir leurs victimes, en commettant des agressions sexuelles, en leur faisant subir la violence matrimoniale ou autre chose.

J'en ai vu beaucoup qui demandaient que l'on libère les prisonniers. Que faire avec notre système carcéral? Comme l'a dit M. Sampson, nous avons donné notre point de vue sur la façon d'améliorer le système, mais le système judiciaire, et en particulier le système correctionnel, fonctionne mal depuis des années. De notre point de vue, ces défauts, ce sont les victimes qui en souffrent, et je ne parle pas sur le plan financier. Il faut que quelqu'un paie le prix.

S'il faut de l'argent pour les services de santé mentale, par exemple, alors il faut le trouver. Je serais très heureuse qu'on utilise ainsi mes impôts, parce que je ne veux pas que d'autres souffrent. Nous savons qu'il y aura toujours des crimes et que des gens souffriront, mais quelle est la meilleure façon de traiter les criminels? Ce n'est certainement pas en leur accordant une libération conditionnelle; ce n'est certainement pas en les laissant purger leur peine dans la collectivité lorsqu'ils ont commis un homicide involontaire coupable, une agression sexuelle grave ou 16 chefs de violence matrimoniale contre une personne.

C'est ce à quoi s'opposent les victimes. On dit que nous sommes en colère et que nous voulons nous venger, mais ce n'est pas vrai. Nous serions très heureuses que les délinquants changent pour qu'ils ne fassent jamais plus souffrir personne.

J'ai été un membre du conseil des Cercles de soutien et de responsabilité, qui travaille avec les délinquants sexuels remis en liberté dans la collectivité. Je suis en faveur d'aider les délinquants sexuels pour les empêcher de faire souffrir d'autres personnes. J'ai été membre pendant sept ans du Comité consultatif des citoyens pour le Bureau des libérations conditionnelles d'Ottawa. Je tenais à ce que l'autre côté sache que nous ne sommes pas des gens en colère ou qui veulent se venger, mais qu'il faut protéger la société.

[Français]

Le sénateur Chaput : Ma question s'adresse à Mme Rosenfeldt. Vous représentez les victimes aujourd'hui; vous en êtes une vous-même et j'en suis désolée. J'aimerais vous faire part de mes préoccupations.

Madame Rosenfeldt, j'aimerais aborder brièvement la question des peuples autochtones. Plusieurs témoignages et beaucoup de documentation démontrent que le projet de loi C-10 aura un impact disproportionné sur les peuples autochtones. Je vais tout à l'heure surtout vous parler des femmes autochtones. Les témoins nous ont dit que le projet de loi C-10 ne remédiait pas à leur situation unique. La population canadienne est constituée de 4 p. 100 d'Autochtones et la population carcérale fédérale est constituée de 20 p. 100 d'Autochtones.

La situation des femmes autochtones m'interpelle. J'aurais une question à cet égard. Le nombre de délinquantes autochtones a augmenté de près de 90 p. 100 au cours des 10 dernières années dans les prisons. Dans un établissement à sécurité maximale, 50 p. 100 de la population féminine est constituée de détenues autochtones. J'ai le devoir moral de soulever la question en tant que membre du comité, de parlementaire et d'y répondre.

Madame Rosenfeldt, d'après votre expérience et votre grande sagesse, pourriez-vous nous donner un exemple concret de la façon dont nous pourrions nous attaquer à la question des délinquantes autochtones?

[Traduction]

Mme Rosenfeldt : Cela m'est difficile parce que je ne travaille pas avec les délinquantes autochtones; je sais toutefois que lorsque j'étais conseillère en toxicomanie, nous recevions des délinquantes qui venaient d'établissements carcéraux qui obtenaient des permissions de sortir pour suivre un traitement. Il faut aussi se demander par quoi commencer, parce que nous savons également qu'un certain nombre de ces personnes ont été agressées sexuellement et qu'elles ont été élevées dans des situations très différentes de celles des autres Canadiennes.

Je n'ai en fait pas vraiment de réponses au sujet des délinquantes autochtones, sinon que je sais qu'un certain nombre d'entre elles ont été des victimes et que nous devons consacrer davantage de ressources au service de santé mentale. D'après ce que je sais, de nombreuses délinquantes autochtones souffrent de problèmes de santé mentale. Ce n'est pas une tâche facile et la société Elizabeth Fry serait certainement d'accord avec moi sur ce point, parce que ces femmes ont habituellement de nombreux enfants et que cela est une situation très complexe dans laquelle je ne peux intervenir.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je remercie les témoins de leur présence. Ma question s'adresse à M. Sampson. Je vous félicite pour votre rapport de 2007. J'en ai pris connaissance, je l'ai étudié, épluché et analysé. Par la suite, j'ai fait la tournée des pénitenciers au Québec et votre document m'a servi de référence pour savoir si on avait avancé ou reculé depuis 2007.

J'ai été un peu déçu de voir que les choses avaient peu progressé malgré la volonté du ministre d'apporter des changements. J'ai vu des gymnases et des salles de cours vides, des gens au téléphone assis dans les corridors. Je n'ai pas vu beaucoup de détenus dans des activités dites éducatives ou formatrices. J'ai vu des ateliers où les détenus — qui se présentaient autant à 10 heures qu'à 11 heures — avaient les mêmes avantages que le détenu qui sortait de sa cellule à huit heures pour travailler. Je n'y ai pas vu un milieu très discipliné ni un milieu où la direction du pénitencier avait prise.

J'ai vu un milieu contrôlé par les criminels. Je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'un système qui dépensait plutôt qu'un système qui investissait. Le vrai défi dans le système pénitencier canadien est d'en faire un système d'investissement et non de dépense.

À partir du moment où vous avez fait ce constat très réaliste et très positif, comment le projet de loi C-10, qui n'est pas une panacée — je ne pense pas qu'on fasse des miracles avec le projet de loi C-10, — pourrait-il faire le minimum acceptable pour démarrer une véritable révolution dans le système carcéral canadien surtout à partir du moment où on va responsabiliser les criminels à se prendre en main et à se doter d'un vrai parcours de réadaptation?

[Traduction]

M. Sampson : Sénateur, permettez-moi de vous répondre en anglais; je vous prie de m'excuser parce que mon français n'est pas très bon.

Ce n'est pas mon rapport, c'est le rapport du comité et je transmettrai vos commentaires favorables aux autres membres du comité. Nous apprécions ce genre de commentaires.

Le système est un paquebot et il est difficile de faire faire demi-tour à un paquebot. J'aimerais claquer des doigts et espérer que ce qui se trouve dans le rapport puisse être mis en œuvre demain. Une bonne partie de nos recommandations ne peuvent être mises en œuvre du jour au lendemain à cause des établissements carcéraux, de l'inertie institutionnelle et malheureusement, il y a le fait que tout cela prend du temps.

Le projet de loi C-10 augmentera les outils qui se trouvent dans la boîte à outils. Je dirais ensuite que c'est aux comités et aux sénateurs comme vous et aux députés de continuer à exercer des pressions sur le Service correctionnel du Canada pour qu'il agisse. Une des critiques que je fais à mon ministère est que, lorsque je suis devenu ministre des services correctionnels, mon titre était ministre des Services correctionnels et le premier jour que vous êtes nommé ministre, comme le sénateur Runciman le sait, on vous remet une pile de brochures d'information et on organise une séance d'information. J'ai mis de côté tous ces documents et j'ai demandé à mes collaborateur : « Que faisons-nous pour corriger et réadapter les détenus? » Je n'ai pas pu obtenir de réponse.

S'il n'y a pas d'objectifs de définis ou si les objectifs ne sont pas réalistes, mesurables et si votre succès n'est pas mesuré par rapport à des objectifs définis d'avance, alors vous n'obtiendrez jamais de succès et vous n'arriverez jamais là où vous voulez aller.

Nous devons demander au Service correctionnel du Canada de se fixer des objectifs en matière de récidive, en matière de participation des détenus, de programmes, et pour se rapprocher du rapport, du succès sur le plan de la participation. Il ne sert à rien qu'un gars s'assoie dans une classe, fasse une croix dans la case d'un formulaire et dise que c'était un succès. Le succès se mesure par rapport à ce qu'en a retiré le détenu. S'il n'en a rien retiré, alors c'est qu'il a suivi le mauvais programme ou bien qu'il n'aurait pas dû participer.

Nous devons fixer des objectifs et dans les établissements qui ne font pas beaucoup d'effort dans ce domaine et où l'inertie se fait encore sentir, où les attitudes n'ont pas changé, alors il faut essayer de changer les attitudes. Il faudrait que le Service correctionnel du Canada soit exactement ce dont parle le rapport, sénateur, et ce que vous venez de mentionner. Malheureusement, cela prend du temps.

Il faudrait parler publiquement des buts et des objectifs du domaine correctionnel et de certaines des choses qui se trouvent dans ce rapport; nous devons également être prêts à accepter qu'il nous arrivera de ne pas tout à fait obtenir ce que nous souhaitions. Ce n'est pas un échec; cela veut simplement dire qu'il faut reformuler les objectifs ou redoubler d'effort.

Avec la boîte à outils qu'offre le projet de loi C-10, j'espère que le Service correctionnel du Canada ne se plaindra plus du fait qu'il ne dispose pas des outils dont il a besoin. Ils sont à sa disposition, et il devrait maintenant s'en servir et faire son travail.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Sampson, s'il y avait un outil manquant dans le projet de loi C-10 pour aller plus loin, selon votre perception, quel serait-il?

[Traduction]

M. Sampson : Avec la réponse que je viens de vous donner, ne serait-ce pas une excellente chose que le projet de loi oblige les autorités correctionnelles à se donner des objectifs en matière de rendement? Pouvez-vous imaginer que le projet de loi dise : je m'attends à ce que vous ayez des taux de récidive de X ou qu'il établisse un cadre pour ces taux et qu'un règlement précise ce genre de choses? Par contre, ce document ne parle aucunement du genre de succès que l'on essaie d'obtenir, ni de ce que sera le résultat final. Je suis en train d'essayer d'exploiter une entreprise et tous les jours je dois respecter un objectif de rendement. Mes propriétaires me disent combien je dois gagner. C'est mon objectif de rendement. « Monsieur Sampson, si vous ne l'atteignez pas aujourd'hui, alors vous ne serez pas là demain pour le faire. »

Je crois que nous devons nous fixer des objectifs. Si cela est trop difficile et trop complexe à faire par voie législative, c'est probablement faisable par voie réglementaire, mais il serait peut-être bon que la loi établisse un cadre pour cette opération. Le Royaume-Uni a fixé des objectifs de rendement pour toutes ses prisons, un certain nombre, notamment pour la récidive, et le responsable de chaque établissement doit faire, chaque année, le point par rapport aux objectifs de rendement fixés. Les taux de récidive sont un des objectifs; il y a aussi les agressions contre les détenus, et il y en a d'autres.

Le sénateur Frum : Pour en revenir au témoignage de la société Elizabeth Fry — et c'est une question qui s'adresse à vous deux — nous avons entendu dire que l'augmentation du nombre des peines minimales obligatoires va entraîner une augmentation des incarcérations et que les délinquantes autochtones seront représentées de façon disproportionnée dans la population carcérale. J'aimerais que chacun d'entre vous réponde à cette affirmation, encore une fois en sachant que toutes les peines minimales obligatoires concernent les crimes sexuels commis à l'égard des enfants ou le trafic de drogue.

Mme Rosenfeldt : Excusez-moi. Pouvez-vous répéter?

Le sénateur Frum : Bien sûr. Je voulais que vous répondiez à l'affirmation selon laquelle les femmes autochtones ressentiront, de façon disproportionnée, les répercussions de ce projet de loi, ce seront-elles qui seront incarcérées de façon disproportionnée par rapport à la population carcérale générale en raison des peines minimales obligatoires associées aux crimes sexuels et au trafic de drogue. Pouvez-vous répondre à cela?

M. Sampson : Je ne pense pas que ce soit le nombre disproportionné de femmes autochtones qui explique ce chiffre. Est- ce que les femmes qui ne sont pas autochtones ont accès à des solutions autres que l'incarcération, auxquelles les femmes autochtones n'ont pas accès? Je n'en sais rien. Je ne sais pas ce que dit la recherche dans ce domaine. Lorsqu'on examine un chiffre brut, il faut aller un peu plus loin pour savoir ce qui l'explique.

Il s'agit là d'infractions graves. Ce ne sont pas des infractions mineures et elles indiquent qu'il y a un grave problème de comportement qu'il faut essayer de régler. Le programme qui a été mis sur pied dans la circonscription du sénateur Runciman vise ce genre de problèmes. Je ne pense pas qu'il y ait des détenues dans cet établissement; mais il y a par contre des détenus qui ont commis des agressions sexuelles, et voyez le succès qui a été obtenu grâce à ce genre de programme.

Je dirais qu'il faudrait trouver les éléments qui expliquent ce chiffre. Est-ce que les femmes non autochtones ont accès à des solutions autres que l'emprisonnement et pourquoi? Deuxièmement, ce sont là des infractions graves quelle que soit la personne qui les commet et il faut essayer de modifier le comportement de ces personnes avant qu'elles retournent là où elles étaient. Il se peut fort bien, sénateur, que les ressources existantes dans leur réserve d'origine soient très limitées. Il est possible qu'on ne puisse pas faire grand-chose pour elles lorsqu'elles reviennent dans la collectivité. Les ressources locales qui pourraient les aider à rester dans le droit chemin sont très limitées.

Le sénateur Frum : Se pourrait-il également que le projet de loi C-10 n'aura pas en réalité un effet négatif disproportionné sur les femmes autochtones. C'est également une possibilité.

M. Sampson : Je pense qu'il aura un effet sur les personnes qui commettent des infractions.

Mme Rosenfeldt : Tout à fait, je suis désolée, sénateur Frum, de ne pas avoir bien compris la question, parce que j'avais dans l'idée que le projet de loi n'allait pas vraiment les toucher énormément, à l'exception des crimes reliés aux drogues. Proportionnellement, je ne pense pas; je ne le pense pas que cela soit un problème.

Le sénateur Frum : Madame Rosenfeldt, une des raisons pour laquelle j'ai voulu vous poser la question vient du fait que nous avons entendu de nombreux groupes autochtones critiquer le projet de loi; j'ai trouvé très éclairant d'entendre votre point de vue, en particulier celui des femmes autochtones victimes, à propos desquelles vous avez dit que le projet de loi leur serait utile.

Mme Rosenfeldt : Tout à fait.

Le sénateur Frum : Il me paraît bon de faire savoir qu'il y a là un équilibre et de dire que ce projet de loi pourrait être très utile pour les femmes autochtones.

Mme Rosenfeldt : C'est tout à fait le cas; si vous l'examinez exclusivement du point de vue des victimes, j'en suis convaincue. Si vous l'examinez du point de vue de délinquants, qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes, vous allez faire face à des critiques; c'est aussi simple que cela.

Cela fait en réalité 40 ans que nous avons cette notion et il n'y a pas grand-chose qui s'est fait, à l'exception des dernières années, pour ce qui est de la participation des victimes et de la prise en compte de leurs opinions. Nous sommes encore loin du compte dans le cas des Autochtones qui sont victimes de crime. Nous n'avons pas fait tout ce qu'il fallait pour ces personnes. Il y a des organismes d'aide aux victimes autochtones qui, d'après moi, auraient dû venir témoigner ici. Je n'ai pas entendu leur témoignage, sauf s'il y avait des avocats qui représentaient les Autochtones. C'est une notion complètement différente. Ils disent se préoccuper des victimes, mais en fait, ils se préoccupent principalement des délinquants.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s'adresse à M. Sampson. En vous écoutant, j'ai constaté qu'il y avait beaucoup de bonne volonté dans les rapports sur papier. Il y a de bonnes intentions, c'est bien, mais on dirait que tout le monde s'accorde pour faire du surplace. Je ne sais pas à qui la faute. Cependant, qu'est-ce qu'on doit changer pour que la transformation s'amorce réellement?

[Traduction]

M. Sampson : Je reviens à ma première réponse : Il faut que cela soit inclus dans le mandat. Il faut fixer des buts, fixer des cibles qui soient réalistes. Convoquez le commissaire dans un an et posez-lui la question : « Où en êtes-vous, monsieur Head? Avez-vous atteint vos objectifs? Sinon, pourquoi pas? Que vous faudrait-il? Allons-y. »

Ce n'est peut-être pas une responsabilité qui incombe à votre comité, mais il me semble que quelqu'un devrait s'en occuper; il me semble qu'il n'est pas mauvais de fixer des buts et des attentes raisonnables pour le système correctionnel. Sénateur, nous avons le coffre à outils. Dites aux gens de s'en servir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame Rosenfeldt, nous avons entendu différents groupes sociaux, ainsi que des représentants des barreaux. Ce matin même, nous pouvons lire dans le National Post qu'il y a deux juges à la retraite qui rejettent le principe des sentences minimales introduites dans le projet de loi C-10 pour protéger les enfants et les communautés. Je suis heureux d'entendre qu'on ne doit pas faire de justice à rabais quand il faut protéger nos enfants et la population des criminels dangereux. J'aimerais vous entendre sur les libérations conditionnelles des agresseurs sexuels.

[Traduction]

Mme Rosenfeldt : Pour répondre à votre question, je dirais que nous avons régulièrement parlé aux juges au cours de toutes ces années. En fait, il y a quelques années je présidais une agence du gouvernement provincial en Ontario, et elle s'appelait le Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels. À l'époque, certains juges ont communiqué avec notre bureau parce qu'ils s'intéressaient vraiment aux questions de détention à domicile, emprisonnement avec sursis, par exemple. Un certain nombre de juges n'étaient pas en faveur de ces mesures alors que d'autres l'étaient.

La situation actuelle, si l'on pense à ce que certains juges font en ce moment et les critiques qu'ils font aux peines minimales obligatoires, c'est un problème très complexe parce que certains juges et certains procureurs de la Couronne — pas tous les procureurs de la Couronne; faites-moi confiance sur ce point — estiment qu'on leur retire des pouvoirs discrétionnaires.

En tant que victime et en tant qu'organisation d'aide aux victimes, nous ne voyons pas les choses de cette façon. Qu'est-ce qu'un pouvoir discrétionnaire? S'ils perdent un pouvoir discrétionnaire, c'est une chose; il faut voir aussi ce que perdent les victimes de l'autre côté. C'est là que nous en sommes, nous, les victimes; nous essayons toujours, du mieux que nous pouvons, d'expliquer qu'il doit y avoir un équilibre et de faire connaître le point de vue de la victime.

Peu importe à notre organisme si les juges perdent de leur pouvoir discrétionnaire, mais il nous importe d'éviter que des jeunes enfants ou des adultes perdent leur dignité et l'espoir de vivre normalement, parce qu'ils ont été agressés par quelqu'un d'autre, c'est aussi simple que cela. Ce sont tout simplement des points de vue différents. Nous devons changer.

Le président : Sénateurs, voilà qui termine la période que nous voulions consacrer à M. Sampson et Mme Rosenfeldt.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie sincèrement de la contribution que vous avez apportée ici aujourd'hui, ainsi que pour les efforts, le temps et la qualité du travail que vous avez consacrés à ce rapport qui, bien évidemment, est à l'origine du projet de loi C-10, tel que nous le connaissons. Nous vous en remercions.

Mme Rosenfeldt : Je vous remercie. Puis-je fais un dernier commentaire?

Le président : Oui.

Mme Rosenfeldt : Pour ce qui est des commentaires du sénateur au sujet des délinquantes autochtones, je suis convaincue que l'affaire Ashley Smith permettra d'attirer l'attention sur un bon nombre de questions, et que cela sera finalement utile. Cela se rapporte à la question que vous avez posée et aux personnes qui travaillent pour les délinquantes.

Le président : Je vous remercie pour cette précision. Madame Rosenfeldt, je sais que vous avez beaucoup travaillé avec les groupes d'aide aux victimes et que vous êtes une travailleuse infatigable. Vos efforts visent à aider les victimes, mais je sais qu'ils profitent à tous les Canadiens. C'est la raison pour laquelle vous avez comparu devant nous, vous vouliez être certaine que nous comprenions bien les conséquences de ce que nous faisons et nous l'apprécions énormément. Je vous remercie.

Mme Rosenfeldt : Merci.

Le président : Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-10, intitulé Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Nous examinons les parties 2 et 3 du projet de loi C-10 notamment les peines d'emprisonnement avec sursis, la libération conditionnelle et la réhabilitation.

Nous sommes très heureux d'accueillir avec nous deux personnes qui, je le sais, connaissent très bien ces sujets. Nous accueillions Michael Jackson, professeur de droit à l'Université de la Colombie-Britannique. Nous allons également entendre Graham Stewart qui a pris sa retraite, en 2007, du poste de directeur exécutif de la Société John Howard après 33 ans de service dans cet organisme.

M. Jackson et M. Stewart ont rédigé, en 2007 je crois, un rapport intitulé A Flawed Compass : A Human Rights Analysis of the Roadmap to Strengthening Public Safety (Une mauvaise orientation : Une analyse axée sur les droits de la personne de la feuille de route pour une sécurité publique).

Le sénateur Cowan : C'était en 2009.

Le président : Merci, sénateur Cowan. Cette analyse porte sur le rapport dont nous avons entendu parler il y a un instant et qui a été préparé par un comité présidé par M. Sampson, de sorte que le moment est bien choisi d'entendre aujourd'hui vos commentaires à ce sujet.

Nous voulons entendre les déclarations d'ouverture que vous voulez faire et je crois que c'est M. Stewart qui va commencer.

Graham Stewart, à titre personnel : Merci de m'avoir invité aujourd'hui. Comme M. Jackson et moi en parlions pendant cette séance, nous sommes très conscients de ce que vous a dit le dernier panel. Nous avons assisté à une partie des témoignages, et nous nous demandions si nous étions capables de vous dire quoi que ce soit qui n'ait pas déjà été dit à maintes reprises. En ce sens, j'aimerais prendre un peu de recul et examiner toute cette question, en particulier les peines minimales obligatoires, d'un point de vue plus large et parler des raisons pour lesquelles les peines minimales obligatoires font problème.

Permettez-moi de dire dès le départ, et je crois que c'est un point sur lequel il existe un malentendu très grave, que l'opposition affichée à l'encontre des peines minimales obligatoires ne vise pas la peine imposée; elle vise le décideur. C'est la question de savoir qui impose la peine qui fait problème et non pas le degré de sévérité de la peine. En fait, pour la plupart de ces infractions, les accusés se voient déjà imposer des peines de ce genre, mais la question est de savoir qui doit décider de la peine à imposer et en fonction de quels critères.

Cela dit, je pense qu'il y a des enseignements que nous devrions tirer de l'expérience américaine. Permettez-moi de dire dès le départ qu'il est compréhensible qu'il y ait certaines personnes qui se hérissent à l'idée de nous comparer avec les Américains. Nous sommes très différents d'eux. Nous avons une histoire et des traditions différentes, je l'admets, mais cela ne veut pas dire que nous n'avons pas certaines choses en commun et que nous devrions pouvoir profiter de leur expérience.

Si nous remontons à 1974, c'est-à-dire peu après le début de ma carrière, le taux d'incarcération au Canada était alors de 89 par 100 000 habitants. Le taux d'incarcération aux États-Unis était de 149. Bien évidemment, ce taux était supérieur à celui du Canada, mais il serait faux d'en conclure que les Américains ont toujours été très répressifs. En fait, les peines et les sanctions imposées il y a 40 ans et pendant le siècle précédent étaient pratiquement identiques à celles qui étaient imposées au Canada, à l'exception des crimes reliés aux armes à feu, qui ont toujours été beaucoup plus nombreux aux États-Unis, à cause de la prolifération de ces armes, peut-on penser. C'est ce qui explique peut-être cela.

Aujourd'hui, 40 ans plus tard, le taux au Canada est passé de 89 à 118 par 100 000. Cela représente une augmentation de 32 p. 100, tandis que celui des États-Unis est passé de 149 à 730. C'est une augmentation de 389 p. 100, qui a eu un coût social et financier énorme, presque inimaginable. Aujourd'hui, un adulte américain sur 100 est en prison — je ne parle pas d'un adulte qui a été en prison — mais qui est en prison, aujourd'hui, 1 sur 100.

Un homme sur 30 âgé de 20 à 34 ans est en prison — un sur 30, et pour les Noirs de cet âge, c'est un homme sur neuf.

Cinq États — Vermont, Michigan, Oregon, Connecticut et Delaware — dépensent maintenant davantage pour leur système correctionnel que pour leur système d'éducation postsecondaire. Dans chaque salle d'école aux États-Unis, il y a deux enfants dont un des parents en prison. La principale cause, et il y en a un certain nombre, de la différence entre les taux d'incarcération au Canada et aux États-Unis est la politique en matière de peines, et en particulier, l'emploi des peines minimales obligatoires. Pendant que les États-Unis adoptaient les peines minimales obligatoires, le Canada, par ses divers gouvernements de différentes couleurs politiques, a évité le clivage qu'entraîne cette politique et a préféré élaborer de bonnes orientations en matière de peine qui reflètent les valeurs des Canadiens et a décidé de confier l'imposition des peines aux juges.

Il y a bien évidemment des différences importantes entre le Canada et les États-Unis qui expliquent que le Canada n'ira jamais — à mon avis, du moins — aussi loin que les Américains. Nos juges ne sont pas élus. Nous n'avons pas 52 codes criminels et ne connaissons pas les discussions partisanes que cela soulève. Nous n'avons pas le même taux de crimes liés aux armes à feu, ni le même niveau de violence. En outre, nous avons notre Charte.

Il demeure toutefois que l'on peut tirer une leçon importante de tout ceci, à savoir que, lorsque les Américains ont décidé de recourir aux peines minimales obligatoires, ils ne s'attendaient vraiment pas à se retrouver dans la situation où ils se trouvent actuellement. Ce n'était pas prévu. Ils n'ont pas dit : « Nous allons augmenter notre population carcérale de 400 p. 100; emprisonnons un Noir adulte sur neuf; il nous faut une population de deux millions de détenus dans notre système carcéral et des taux de récidives parmi les plus élevés au monde. » Ce n'était pas prévu.

Au cours des années 1970, personne ne savait ce que donnerait l'introduction de quelques peines minimales obligatoires. Le problème était qu'à l'époque, et je l'ai entendu dire ici par les témoins, les gens pensaient que les peines minimales obligatoires allaient renforcer la sécurité publique, que ces notions étaient liées, que les unes entraînaient l'autre sans qu'on ait examiné, de façon approfondie, cette décision et sans qu'on en ait examiné les répercussions concrètes.

Le problème est que, lorsque cela est compris, lorsque la population pense que les peines minimales obligatoires renforcent la sécurité publique, n'est-il pas normal qu'elle veule davantage de ces peines? Quel est le raisonnement? Si cela fonctionne dans ce cas, pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas dans cet autre cas? Si c'est une réponse appropriée, il est très difficile de la circonscrire lorsqu'on s'engage dans une telle voie. Il est très difficile de dire « Eh bien, nous nous sommes vraiment trompés » et le public a ainsi le droit d'exiger que l'on multiplie ce genre de peine, c'est une orientation impossible à contrôler, comme nous l'avons constaté.

Les peines minimales obligatoires touchent les cas les moins graves de chaque catégorie de crime. Les cas les plus graves sont déjà associés à ce genre de peine; cela ne change donc pas la peine imposée et cela concerne bien souvent les cas que nous ne pouvons imaginer. Lorsque nous pensons au crime, nous faisons une liste des crimes, nous imaginons ce qu'ils sont, et cette image est principalement influencée par ce que nous avons entendu. C'est la même chose pour moi. C'est ce que l'on a lu dans les journaux, ce que l'on a vu et ce que les gens vous ont dit et cela a tendance à être grave. Lorsque vous examinez ensuite les peines minimales obligatoires, elles ont l'air peu sévère. Nous parlons d'un an pour les viols multiples d'enfants. Cela a l'air peu sévère. Dans la réalité, dans le monde réel, les situations ne correspondent jamais à ce schéma, et l'expérience que nous avons connue récemment à Toronto, je crois, a très bien illustré que personne ne pensait que les infractions reliées aux armes à feu pouvaient prendre la forme d'un vol avec agression pour une photo affichée sur Facebook; dans de telles circonstances, ce genre de peine devient injuste.

Si nous adoptions des peines minimales obligatoires basées sur l'aspect le plus bénin de l'infraction considérée, et fixions la peine minimale obligatoire à ce niveau, elle serait alors considérée comme étant trop légère. Elle serait qualifiée de ridicule. Par contre, si nous la fixions à un seuil plus élevé, elle serait alors inévitablement injuste. Si nous fixons une peine supérieure à ce qu'exigent les circonstances, alors nous demandons à nos juges d'imposer une peine qui, nous le savons, sera injuste, du moins dans l'esprit de ce juge.

D'une façon ou d'une autre, les peines minimales obligatoires seront considérées comme étant trop sévères ou trop douces et vont miner la confiance du public dans notre système de justice. Les peines minimales obligatoires ne permettent pas de viser ce que sont, d'après les Canadiens, les objectifs essentiels des peines. Le ministère de la Justice a fait des études. Les principaux objets des peines sont pour les Canadiens en premier lieu, la réadaptation et deuxièmement, la réparation, à un niveau légèrement supérieur, et au niveau inférieur, il y a la neutralisation et la dénonciation.

Il est, je crois, remarquable que, à part quelques juges à la retraite, la magistrature n'est pas intervenue dans ce débat, et cela vient du fait que c'est leur façon d'agir; leur code l'exige. Les juges ne font pas de politique et ils deviennent, dans un certain sens, des proies faciles.

Le problème est que les peines minimales obligatoires ne tiennent pas compte des principes de la détermination de la peine, en particulier, de la notion de proportionnalité, qui est un principe fondamental, alors que les juges ne peuvent écarter ces principes. Les juges sont tenus de prendre la mesure la moins restrictive possible et s'ils le font, s'ils suivent la loi, ils feront toujours l'objet de critiques parce qu'ils ne sont pas assez sévères, parce qu'ils s'appuient, en principe, sur l'idée que la privation de la liberté ne peut être supérieure à ce que les circonstances et les objectifs de la peine justifient.

Les peines minimales obligatoires écartent ce principe. Si un juge disait : « À partir d'aujourd'hui, je vais imposer une peine minimale obligatoire; tout accusé qui est traduit devant mon tribunal, parce qu'il a commis une introduction par effraction recevra une peine de quatre ans de prison », sa décision serait portée en appel. Il serait normal qu'il y ait un appel. L'appel serait perdu. Le juge est tenu d'examiner chaque cas individuellement.

Nous utilisons le pouvoir de l'État pour nous protéger contre les criminels, cela est évident. C'est la raison pour laquelle nous avons les services de police; c'est la raison pour laquelle nous leur donnons des armes; c'est la raison pour laquelle nous leur donnons des uniformes, nous avons des tribunaux et le reste. Tout cela est normal.

Dans une démocratie, il paraît également normal que les citoyens ne veulent pas non plus devenir des victimes de leur gouvernement — emploi d'une force excessive, emploi de peines excessives. Il est incontestable que les pires crimes qui n'ont jamais été commis contre des citoyens dans n'importe quel pays au monde ont été commis par leurs gouvernements. Il est difficile d'imaginer un criminel canadien qui a autant nui à autant de personnes pendant une période aussi longue, que les pensionnats dans lesquels on envoyait les enfants autochtones. On a interdit à trois générations de mères d'élever leurs enfants. Est-il vraiment possible de déstabiliser davantage une communauté ou de lui nuire davantage qu'avec l'arrestation de plusieurs générations d'enfants? On les a placés dans des institutions où un bon nombre d'entre eux sont morts et où un bon nombre d'entre eux ont été agressés. Ils ont quitté ces institutions. Nous constatons aujourd'hui qu'il existe des problèmes énormes d'alcoolisme et d'agression sexuelle dans les collectivités autochtones et nous réfléchissons à la meilleure façon de les punir.

Le fait est que, lorsque des citoyens autorisent un gouvernement démocratique à employer la force, ils veulent obtenir des garanties à ce sujet. La principale garantie est qu'il ne faut pas utiliser plus de force que nécessaire. Il faut choisir la mesure la moins intrusive. Avec les policiers, nous nous attendons à ce qu'ils emploient la force, mais nous nous attendons à ce qu'ils n'emploient pas une force supérieure à ce qui est nécessaire; ce qui est très difficile à faire. Lorsque vous pensez à des incidents comme le cas du G20, les émeutes à Vancouver, et bien sûr, il y en a beaucoup d'autres dont on n'avait pas entendu parler, ces situations obligent les policiers à prendre des décisions sur-le-champ sur ce qu'est la force nécessaire et pas plus; il se trouve dans des situations très difficiles et dans lesquelles ils peuvent se sentir menacés; nous exigeons toutefois qu'ils agissent de cette façon parce qu'il n'est pas concevable de leur dire vous pouvez utiliser un peu plus de force que nécessaire ou vous pouvez utiliser une force bien supérieure à celle qui est nécessaire. Cela irait à l'encontre d'un principe fondamental qui répond au besoin de justice des citoyens.

Si nous imposons cette limite à la police, pourquoi ne pas imposer la même limite à nos tribunaux qui ne travaillent pas dans un environnement menaçant ni dans des délais extrêmement serrés, en tout cas ils n'ont pas l'obligation de prendre une décision instantanée, et qui disposent de ressources considérables sur le plan des témoignages, des preuves, des procureurs de la Couronne et spécialistes de la défense, déclaration de la victime et le reste? Pourquoi ne pourrions- nous pas nous attendre à ce que ces tribunaux utilisent les moyens les moins contraignants lorsqu'ils imposent une peine, compte tenu de ce que nous essayons d'obtenir?

Enfin, pourquoi ne pourrions-nous pas nous attendre à ce que les services correctionnels, qui disposent d'un pouvoir considérable — et il n'y a pas un autre ministère qui a le pouvoir des services correctionnels — ne l'utilise pas, et respecte le principe des mesures les moins restrictives?

Le président : Monsieur Stewart, nous avons ici votre mémoire. Vous le lisez et c'est très bien. Pendant toutes ces séances, j'ai été aussi souple que possible pour ce qui est de l'horaire et je vais continuer à l'être avec vous. Je sais que nous avons prévu une heure pour entendre ce panel. Je serai aussi souple que je peux l'être. Je pense au temps dont nous disposons. Nous devons également entendre M. Jackson et passer ensuite aux questions.

M. Stewart : J'aimerais bien terminer l'aspect essentiel de mon dernier argument.

Le président : Je veux être sûr que vous ayez la possibilité de présenter les arguments que vous voulez.

M. Stewart : Ce sont là les aspects importants des peines minimales obligatoires. Je veux être sûr que les gens comprennent bien cela, au sujet des peines minimales obligatoires, car je n'ai pas de chiffres à l'esprit, mais il me paraît important que, si nous voulons équilibrer ce pouvoir, aussi bien celui de punir, mais celui de protéger nos droits à titre de citoyens, cela se fasse sur une base individuelle, et la seule personne qui puisse le faire est le juge. Lorsque nous imposons des peines minimales obligatoires, nous défigurons notre système de justice avec ces peines arbitraires. J'ai du mal à imaginer, lorsque je vous dis tout cela, que les peines minimales ne vont pas entraîner une augmentation importante des taux d'incarcération.

Notre système carcéral, comme la plupart d'entre vous l'ont remarqué, s'est donné des objectifs louables, mais il ne dispose pas réellement des ressources pour les mettre en œuvre. J'ai entendu dire hier l'enquêteur correctionnel que, dans la plupart des établissements, il n'y avait que 10 personnes qui participaient à un plan correctionnel de base et qu'il y en avait 180 sur la liste d'attente, et nous parlons maintenant ici de motiver les prisonniers pour qu'ils participent à des programmes qui n'existent pas.

En fin de compte, les prisons et le surpeuplement des prisons — et c'est la remarque que je voulais faire — s'alimentent l'un l'autre. Avec des prisons surpeuplées, il y a davantage de violence. Partager 18 heures par jour une cellule avec une personne que vous n'aimez pas, que vous craignez ou que vous haïssez, n'est pas une situation agréable et elle risque fort de déboucher sur de la violence. Avec des prisons trop peuplées, le personnel connaît moins bien les détenus. Ils les connaissent moins et les détenus semblent être davantage dangereux; les gardiens risquent d'imposer des niveaux de sécurité plus élevés que nécessaire. Dans un établissement à sécurité maximum, il est plus difficile d'obtenir une libération conditionnelle. Nous alimentons un système qui va recourir davantage à l'emprisonnement, qui se nourrit de ce qu'il produit et atteint des dimensions imprévues, par rapport à ce que nous pensions obtenir avec ce genre de peine. En fin de compte, il est très difficile de voir comment un tel système peut vraiment changer le comportement des détenus. C'est pourtant la seule chose qui permette d'assurer la sécurité de la population. Étant donné que pratiquement tous les détenus sont libérés, s'ils ne ressortent pas de prison mieux préparés et mieux appuyés dans leur transition vers la vie en société, nous n'aurons rien accompli.

Le président : Monsieur Jackson, étant donné que vous avez tous les deux préparé le rapport en réponse à celui de M. Sampson, nous aimerions que les commentaires que vous allez faire portent sur le travail que vous avez effectué pour préparer ce rapport. Je vous en prie.

Michael Jackson, professeur en droit, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Il y a 36 heures, je me trouvais à 6 000 kilomètres d'ici avec mes petits-enfants. Je leur ai dit que j'étais obligé d'aller à Ottawa pour parler à des gens importants et ils m'ont dit, « Papa, pourquoi dois-tu nous quitter? Reste avec nous ».

Pourquoi me suis-je senti obligé de venir? J'ai essayé de leur expliquer non pas que je venais ici pour parler de l'importance des droits de la personne et du système de justice pénale canadien; je leur ai dit : « Je veux venir parler à ces personnes importantes du fait que nous devons traiter les autres avec respect et humanité. »

Depuis 40 ans, comme professeur, comme avocat, comme membre des comités du Service correctionnel du Canada et comme conseiller auprès de commissions royales, je parle de l'importance de reconnaître et de respecter les droits des peuples autochtones ainsi que de ceux qui se retrouvent dans les tréfonds du système de justice pénale, à savoir dans les pénitenciers canadiens.

Le thème du respect des droits de la personne est un thème qui n'est pas mentionné une seule fois — pas une seule fois — dans le rapport du comité d'examen de M. Sampson. Je trouve cela tout à fait remarquable. Il ne fait pas partie de la boîte à outils des transformations. Il ne fait pas partie des dispositions modifiant la LSCMLC. Il est important que vous le sachiez parce que le respect des droits de la personne, un principe reconnu à notre époque moderne, et la poursuite des efforts visant à renforcer le respect des droits de la personne remontent aux débats du Parlement canadien, au comité qui en, 1977, a examiné le système pénitentiaire canadien après qu'il y ait eu une série d'émeutes dans les établissements à sécurité maximale.

Je me suis trouvé au cœur d'une de ces émeutes. J'étais un négociateur qui essayait de négocier la libération des otages dans le pénitencier de la C.-B. en 1977. Ce comité, qui regroupait des représentants de tous les partis, a préparé un rapport unanime qui documentait la série d'abus de pouvoir qui étaient commis au sein du système pénitentiaire canadien — l'effet corrosif d'un manque d'objectifs, d'un manque de respect de la loi en matière de discipline, d'isolement et de toute une série d'autres décisions qui touchaient la vie de ceux qui vivaient derrière les murs des prisons.

Vous avez entendu parler de la nécessité de rééquilibrer le système. On a dit que le système était devenu trop lourd et favorisait trop les droits des délinquants. En 1977, selon le droit canadien, les prisonniers n'avaient aucun droit. Le respect des droits de la personne était une valeur largement reconnue. C'est la raison pour laquelle nous avons eu des prises d'otage. C'est la raison pour laquelle nous avons eu de la violence. C'est la raison pour laquelle nous avions un système si répressif.

Beaucoup de choses ont changé depuis cette époque. Une des principales raisons pour laquelle la situation a changé est qu'avec l'introduction de la Charte, il s'est développé au Canada un des grands thèmes qui a fait jouer au Canada un rôle spécial dans la communauté internationale et une des raisons pour lesquelles d'autres systèmes correctionnels ont, jusqu'ici, mais probablement pas par la suite, considéré le Canada comme un modèle de services correctionnels progressistes, et qui est que nous avons essayé de légiférer, d'informer et d'agir pour favoriser le respect des droits de la personne.

La LSCMLC est la meilleure démonstration de tout cela. Il a fallu six ans pour élaborer la LSCMLC. J'ai comparu devant les comités de la Chambre et du Sénat à plusieurs reprises, comme l'ont fait beaucoup d'autres. Cela a été un long processus de consultation et de délibérations. Il était tout à fait différent du processus de la feuille de route qui devait faire en 50 jours le travail de plusieurs commissions royales. Le gouvernement a, dans sa générosité, accepté de faire passer ce délai à six mois. Il n'y a pratiquement pas eu de consultations. Il n'y avait pas de recherchistes. Il n'y a pas eu de vérification judiciaire par le président. M. Sampson est bien évidemment un Canadien éminent, mais sa seule expérience est celle de ministre des services correctionnels. Si cela était bien le cas, pourquoi le ministre fédéral du Service correctionnel avait-il besoin de conseils? Il a lui-même fait ce travail pendant deux ans.

La LSCMLC est peut-être le premier et le meilleur exemple d'une loi qui a tenu compte de la Charte et dont les auteurs se sont dit : « Comment pouvons-nous appliquer ce document à la tâche extrêmement difficile qu'accomplissent les services correctionnels? » Cette loi reconnaît, comme la Cour suprême l'a fait, que la Charte et la Constitution ne s'arrêtent pas au seuil de prison. Ces droits et libertés accompagnent les délinquants dans le pénitencier. Les droits et libertés fondamentales que garantit la Charte sont toutefois assujettis à des limites raisonnables; et il y a certaines limites raisonnables au sein d'un pénitencier, qui sont différentes de celles que l'on peut imaginer à l'extérieur et qui sont justifiées. La LSCMLC a été une tentative délibérée et réfléchie de définir les droits et les responsabilités des délinquants — le pouvoir dont a besoin le personnel correctionnel pour gérer, en sécurité, dans l'intérêt de la sécurité publique, et conformément aux droits de la personne fondamentaux, ceux dont il a la garde.

Une de ces dispositions est une disposition dont il a beaucoup été parlé devant le comité, à savoir que le service pénitentiaire, le Service correctionnel du Canada doit, lorsqu'il exécute sa mission, prendre les mesures les moins restrictives possible, conformes à la sécurité publique, à la sécurité du personnel et à celle des délinquants. Il ne s'agit pas de prendre les mesures les moins restrictives possible, quelle que soit la façon dont elles sont conçues. Elles doivent viser la sécurité publique.

Le principe des mesures le moins restrictives n'a pas été inventé du jour au lendemain. Ce n'est pas simplement une jolie expression que les mesures les moins restrictives. Elle découle de l'arrêt qu'a prononcé la Cour suprême du Canada dans l'affaire Oakes. C'est une restriction constitutionnelle ou le reflet de l'application du principe de la retenue au pouvoir officiel de l'État qui, comme M. Stewart l'a déclaré, n'est jamais aussi manifeste ou intrusif que dans le système pénitentiaire. Cette disposition est une règle d'or, comme M. Sapers l'a qualifiée. C'est un principe fondamental qui sous-tend la LSCMLC.

Le président : Monsieur Jackson, vous pouvez utiliser votre temps de parole comme vous l'entendez. Nous avions prévu, et je crois que tout le monde le sait, cinq à sept minutes pour chaque déclaration préliminaire. Certains ont dépassé ce temps de parole, je vais donc être aussi souple que je peux avec vous. Je me demande simplement si certaines remarques que vous voulez faire pourraient être présentées dans les réponses que vous allez faire aux questions qui vous seront posées. Je vous laisse le soin d'en décider. Si vous voulez poursuivre, c'est très bien, mais il faudra bien terminer un moment donné. Je m'en remets à vous pour que vous utilisiez votre temps de parole le plus productivement possible.

M. Jackson : Ce principe des mesures les moins restrictives est un principe fondamental. La feuille de route de M. Sampson recommandait son abandon, et de le remplacer par la notion de mesures appropriées, qui n'est pas une norme du tout. Ce n'est pas une norme constitutionnelle ou juridique. C'est une norme discrétionnaire qui confie aux autorités correctionnelles, et non pas à la Constitution, le soin de déterminer quel est le niveau de protection contre les mauvais traitements qu'il convient d'accorder aux prisonniers.

Pour ce qui est de la modification proposée à la LSCMLC, les fonctionnaires du ministère ont reconnu que la recommandation de M. Sampson était inconstitutionnelle. Ils ont reformulé la modification pour qu'elle se lise désormais ainsi « mesure nécessaire et proportionnelle ». L'Association du Barreau canadien a recommandé, et j'appuie cette recommandation, étant donné que je faisais partie du comité qui a préparé ce rapport, qu'il serait facile d'amender cette disposition particulière pour rétablir le principe des mesures les moins restrictives. J'ai mis M. Head et les autorités correctionnels au défi de me mentionner une seule initiative qu'ils veulent prendre et que le principe des mesures les moins restrictives leur empêche de prendre, et ils ont été incapables de le faire.

L'autre remarque que je tiens à faire dans cette déclaration, si vous le permettez, à titre d'exemple particulier de l'importance d'avoir dans la boîte à outils les notions de reconnaissance des principes associés au respect des droits de la personne, est que le projet de loi C-10 voudrait vous faire croire qu'il va moderniser les pratiques en matière d'isolement ainsi que la discipline. En fait, le thème le plus constant et dominant de la modernisation de l'isolement, une pratique que le Rapporteur des Nations Unies sur la torture a demandé aux États parties de reconsidérer, la seule recommandation qui a obtenu l'appui unanime, y compris celui du comité de la Chambre des communes qui a examiné la LSCMLC, est que la décision en matière d'isolement soit prise par des juges indépendants et non pas par le Service correctionnel du Canada lui- même. Cette idée a été appuyée par tous les comités, toutes les commissions royales, y compris le propre Groupe de travail sur l'isolement du SCC qui l'ont examinée. La feuille de route de Sampson est absolument muette au sujet de cette recommandation. Elle ne fait pas partie de la boîte à outils. Si elle avait fait partie de cette boîte à outils, il est probable qu'Ashley Smith ne serait pas morte. Elle ne se trouve pas dans la boîte à outils parce qu'il semble que le SCC, et M. Sampson, estiment qu'une décision prise par un organe indépendant n'est pas une garantie nécessaire contre les abus — n'est pas un élément nécessaire de cette pratique de l'emprisonnement qui depuis deux siècles a été reconnue comme étant la partie la plus abusive du système.

Il est par contre recommandé, et cela figure dans le projet de loi C-10, que la personne qui est placée en isolement perde également, dans le cadre de la peine fixée, son droit aux visites. Cela fait partie de ce projet qui vise à renforcer l'intensité de l'incarcération, combinée à la prolongation de l'incarcération grâce aux peines minimales obligatoires, combinée à des restrictions en matière de réhabilitation. Vous obtenez ainsi un ensemble de valeurs qui ne comprend pas le respect des droits de la personne, mais dans lequel le principe de la retenue a été supprimé officiellement d'un système de justice pénale qui, depuis 40 ans, faisait de nous un modèle international.

Le président : Monsieur Jackson, je vous invite encore une fois...

M. Jackson : J'ai terminé.

Le président : Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions et commencer par notre vice-présidente, le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Merci à tous deux d'être venus, surtout un jour comme aujourd'hui, lorsqu'une tempête de neige menace. Nous avons vraiment apprécié votre contribution. Je m'efforcerai de poser rapidement mes questions, et il faudra aussi que les réponses soient courtes, parce que je sais que d'autres collègues veulent aussi vous interroger.

Les principes qui guident l'action du Service correctionnel sont exposés de façon assez détaillée dans le projet de loi C-10, et je tiens à vous interroger au sujet d'un d'entre eux. La peine est purgée en tenant compte de tous les renseignements pertinents, la plupart figurant déjà dans la loi, mais il convient aussi de tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction.

L'enquêteur correctionnel nous a laissé entendre que cela ne relevait pas des attributions du Service correctionnel, puisqu'il appartenait aux tribunaux, et éventuellement à la Commission des libérations conditionnelles, si j'ai bien compris, d'examiner la nature et la gravité de l'infraction. Selon lui, il n'appartenait pas au Service correctionnel de se pencher sur la gravité de l'infraction, il lui fallait étudier la peine et nous dire comment elle devait être purgée. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

M. Jackson : Je pense que M. Sapers a raison. Le principe de la proportionnalité doit s'appliquer en matière de détermination de la peine. C'est d'ailleurs le principe fondamental qui figure dans les modifications apportées en 1996 au Code criminel.

Le Service correctionnel a pour objectif, tel que cela figure dans la LSCMLC, de mettre en application la peine, mais il s'agit en l'espèce de contribuer à une société plus sûre, pacifique et mieux protégée en plaçant l'intéressé sous bonne garde et en assurant sa réinsertion. Il ne s'agit pas de redéfinir ou de réévaluer la gravité de l'infraction ou le degré de responsabilité du délinquant. C'est un juge qui a déterminé la chose.

Le grand danger de cette formulation, c'est que l'on puisse dire : « Et pourquoi les responsables du Service correctionnel ainsi que la Commission des libérations conditionnelles ne pourraient pas le faire? Cela fait partie de la peine prononcée par le tribunal. » Dans la mesure où ils s'en tiennent à l'évaluation faite par le juge au moment du procès, lorsque tous les éléments du dossier ont été évalués par le tribunal, les témoignages soumis à un contre-interrogatoire et la peine elle-même pouvant faire l'objet d'un appel, il n'y a pas de problème. Le problème se pose dans l'application pratique. Lorsque le Service correctionnel du Canada prend en charge un délinquant, il reçoit en même temps un grand nombre de renseignements, comme on peut le penser. Il prend connaissance du motif de la peine prononcée par le juge et des antécédents en matière correctionnelle. Il procède à une évaluation psychologique et évalue les besoins. Il reçoit beaucoup d'information. En règle générale, les agents du Service correctionnel, lorsqu'ils procèdent à l'évaluation, examinent les rapports de police de même que les motifs du juge ayant prononcé la peine. Les rapports de police s'appuient sur les déclarations des témoins, ils informent le procureur de la Couronne et, bien souvent, l'évaluation de la culpabilité du délinquant dans le rapport de police est très différente de celle qui est faite après le procès ou le prononcé de la peine.

Si j'en crois mon expérience et celle de presque tous ceux qui pratiquent dans le domaine, lors des auditions devant la Commission des libérations conditionnelles, on oblige souvent les responsables à tenir compte d'un rapport sur le délinquant qui examine sa culpabilité non pas en fonction de la peine prononcée, mais d'après des renseignements précédant le procès qui ont été rassemblés par la police et que le juge a soit rejeté, soit corrigé en fonction d'autres éléments de preuve.

En adoptant cette formulation dans la loi, le législateur invite la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel à procéder exactement comme ils l'ont fait jusqu'à présent, soit à réévaluer et à redéfinir la décision prise lorsque la peine a été prononcée, ce qui ne relève pas de leurs responsabilités. C'est là une confusion des responsabilités.

Le sénateur Runciman : J'ai quelques questions à vous poser au sujet de votre rapport, monsieur Stewart, mais j'ai bien du mal à vous suivre lorsque vous faites état d'une américanisation de notre système. C'est là un mythe répandu sur nos ondes par un certain nombre de médias. Si vous examinez les peines minimales obligatoires qui figurent dans ce projet de loi, la taille de nos prisons, comparativement à celle des États-Unis, ainsi que les pourcentages d'incarcération, nous nous devons de reconnaître que la comparaison est injuste et, à bien des égards, malhonnête.

Vous avez déclaré dans votre exposé, et je n'en croyais pas mes oreilles, que les peines minimales obligatoires allaient miner la confiance du public dans notre système de justice.

J'ai déjà cité auparavant cette décision de justice, mais je vais la consigner à nouveau dans notre procès-verbal, parce que je pense qu'elle répond bien à votre observation. Il s'agit d'un arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta prononcé en décembre 2010. Dans cette affaire, on avait prononcé une peine discontinue de 90 jours suivie d'une probation à l'encontre d'un homme ayant violé une jeune fille sans connaissance. Cette peine discontinue devait être purgée, j'imagine, en fin de semaine, le délinquant devant alors se présenter pour être ensuite renvoyé chez lui, ce qui arrive très souvent.

La cour d'appel a saisi cette occasion pour évoquer le manque d'uniformité des peines prononcées au Canada. Elle s'est exprimée en ces termes :

La pratique qui consiste à rechercher un juge accommodant existe bien. [...] En l'absence d'une uniformité raisonnable des peines prononcées par les juges de première instance et d'appel au Canada, nombre des objectifs et des principes liés à la détermination de la peine qui sont fixés par le Code ne peuvent plus être atteints. La faculté de prononcer de justes peines devient au mieux une loterie, au pire un mythe. [...] Si les tribunaux ne réussissent pas à faire appliquer la loi et si la confiance du public diminue, le Parlement devra alors intervenir.

Vous parlez de la perte de confiance du public dans le système de justice. Je vous affirme que cette perte de confiance est généralisée en raison des nombreuses décisions prises par les tribunaux. Le gouvernement assume ses obligations. Comme la Cour le laisse entendre, il y est obligé à bien des égards, en raison de la diversité des décisions prises par les tribunaux de notre pays.

J'aimerais savoir pour quelle raison vous soutenez que l'adoption de peines minimales obligatoires mine cette confiance.

M. Stewart : À titre de précision, je n'ai jamais dit que la situation était la même au Canada et aux États-Unis. Ce n'est certainement pas le cas aujourd'hui, et cela s'explique entre autres par le fait que nous n'avons pas adopté le principe général des peines minimales obligatoires dans notre justice pénale. Avant l'adoption des peines minimales obligatoires, les taux d'incarcération entre le Canada et les États-Unis se rapprochaient davantage. C'est de cette tendance dont je vous parle.

Il me semble qu'à partir du moment où les États-Unis se retrouvent dans une situation qu'ils n'avaient pas prévue, à cause d'un mécanisme bien particulier, nous devons réfléchir et nous demander quelles peuvent être les répercussions générales avant d'adopter le principe des peines minimales obligatoires.

Vous évoquez une affaire en particulier à Edmonton. Je ne discute pas de la lourdeur de la peine; c'est celui qui la prononce qui m'intéresse. Si nous voulons équilibrer tous les éléments à prendre en compte, qu'ils aient trait au prononcé de la peine, mais aussi à la nécessité de protéger la démocratie contre une force excessive, il faut que quelqu'un s'en charge, et le principe à adopter est celui de l'intervention individuelle et non pas collective.

Pour ce qui est de la confiance du public, il faut bien constater que la confiance de l'opinion publique dans le système judiciaire aux États-Unis, qui applique un peu partout des peines minimales obligatoires, est bien plus faible qu'au Canada, même là où les juges sont élus.

Le problème, c'est que lorsqu'on demande au public s'il estime que les tribunaux sont trop laxistes, il a tendance à répondre par l'affirmative. Je considère qu'il faut s'y attendre à partir du moment où il part du principe qu'on applique les mesures les moins restrictives qui soient conformes aux objectifs de la peine prononcée. Toutefois, si on lui demande dans quelle mesure il a confiance dans les tribunaux lorsqu'il s'agit de se prononcer sur les faits et de déclarer la culpabilité de l'accusé, le taux de confiance est très élevé.

Il y a une différence ici. Lorsqu'on demande aux gens quel est, selon eux, l'objectif le plus important des peines prononcées, ils répondent que c'est la réinsertion sociale. La réinsertion vient en premier lieu et la sanction est à l'autre extrémité. Il est difficile de concilier les deux mais, dans la pratique, à partir du moment où la justice devient arbitraire, on ne peut plus maintenir la confiance du public. En s'efforçant de prononcer des peines plus lourdes, on mine la confiance de la population, qui demande à la justice de se prononcer sur les faits et de prendre des décisions sages et individuelles en tenant compte des circonstances particulières et de la culpabilité des délinquants.

Le sénateur Runciman : On peut parler dans ce cas d'une tentative en vue de prononcer des peines justes.

Le sénateur Cowan : Soyez les bienvenus, messieurs, et merci de l'aide que vous nous apportez.

Monsieur Stewart, j'aimerais vous faire part d'un principe que nous a posé M. Sampson ce matin. Vous en avez peut-être pris connaissance à l'appui des peines minimales obligatoires. M. Sampson a déclaré qu'avec les peines moins lourdes, si l'on n'est incarcéré que pendant 18 mois, souvent ce n'est pas suffisant pour qu'on puisse faire ce qui doit être fait. Il soutenait, je crois, que les peines plus longues ainsi que les peines minimales obligatoires — je ne pense pas que cela revienne exactement au même — étaient nécessaires pour que le Service correctionnel puisse assurer une formation en vue d'un emploi, des cours ou d'autres choses de ce type. Quelle est la validité de cet argument?

M. Stewart : Cet argument pose un certain nombre de difficultés. Tout d'abord, M. Sampson ne parle que du système fédéral lorsqu'il évoque les peines de trois ans. La grande majorité des délinquants relèvent des régimes provinciaux, dans lesquels les peines sont bien plus courtes.

Le sénateur Cowan : C'est tout ce qui est inférieur à deux ans.

M. Stewart : Oui, et ça ne devrait pas changer. En ce qui a trait aux peines de trois ans, étant donné que l'on sait que la population carcérale est de deux types, il y a bien des détenus qui purgent des peines plus courtes, comme l'on peut s'y attendre, mais ils sont aussi nombreux à purger de longues peines. Dans la pratique, 20 p. 100 d'entre eux purgent des peines à perpétuité.

Le principe, ici, c'est que la peine est prononcée en fonction de l'infraction et non pas parce que l'accusé manque d'instruction. On ne purge pas une peine parce que l'on est au chômage. Il n'y a pas là un crime. À partir du moment où l'on prend comme prétexte les besoins de l'individu pour prononcer la peine qu'il doit purger, si on lui inflige par conséquent des peines plus lourdes pour qu'il puisse s'instruire, on a véritablement perverti la nature de notre système de justice.

Je considère que la peine de prison qui est prononcée offre la possibilité de faire des choses utiles. Il faut s'assurer que les personnes incarcérées profitent au maximum des possibilités d'éducation, par exemple. Lorsqu'on entend dire, comme ce fut le cas hier, que dans le cadre des programmes correctionnels de base, seuls 10 détenus au sein d'un établissement qui en comporte 400 en tirent bénéfice, cela signifie que la grande majorité des détenus ne font rien.

Il y aurait beaucoup à faire pour multiplier les ressources et s'assurer que les détenus en profitent sans se laisser aller à penser qu'il faut prononcer des peines plus lourdes pour que les détenus inscrits sur une liste d'attente depuis un an et demi puissent profiter d'un programme. Ce sont des principes qui paraissent raisonnables, mais qui détournent la justice de son cours et ne font qu'accroître le recours à un système correctionnel déjà débordé.

Le sénateur Cowan : Monsieur Jackson, nous avons beaucoup entendu parler de la surreprésentation des Autochtones et d'autres minorités dans notre système correctionnel. Avez-vous des observations à faire à ce sujet et pouvez-vous nous dire quelles seront les répercussions du projet de loi C-10 de ce point de vue?

M. Jackson : Bien sûr, et avec plaisir. Vous en avez beaucoup entendu parler. J'ai lu le témoignage qui vous a été présenté au sujet de l'arrêt prononcé par Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladue, et on vous en a cité certains passages.

Je suis assez fier de voir que dans l'arrêt Gladue, les juges Iacobucci et Cory ont cité un rapport que j'ai soumis en 1988 à l'Association du Barreau canadien, qui faisait état de cette surreprésentation. En 1988, il y avait 10 p. 100 d'Autochtones dans les prisons fédérales. J'avais fait observer, ce qu'a relevé la Cour suprême, que pour les jeunes autochtones, hommes et femmes, la prison était devenue ce qu'avaient été les internats imposés à leurs parents et à leurs grands-parents. La promesse d'une société juste ne se traduisait pas par un enseignement collégial, mais par une incarcération dans un établissement fédéral.

Dans l'arrêt Gladue de 1997, la Cour suprême du Canada a qualifié cette situation de « crise » et « d'injustice criante ». La Cour suprême du Canada n'avait jamais encore utilisé l'expression « injustice criante » pour toute autre situation au Canada. Lorsque l'arrêt Gladue a été prononcé en 1997, cette représentation était passée à 13 p. 100. Vous savez qu'elle a encore augmenté et qu'elle est maintenant de plus de 20 p. 100.

Je ne sais pas ce que dirait aujourd'hui la Cour suprême du Canada. Je n'ai aucune idée de la façon dont on pourrait caractériser ces chiffres, qui ont doublé en 20 ans. La grande préoccupation — et le sénateur Frum l'a évoqué devant le dernier groupe de témoins — ce sont les répercussions éventuelles du projet de loi C-10 en ce qui a trait à cette surreprésentation. Ce qui m'inquiète, le juge Stuart vous en a parlé, c'est que la peine d'emprisonnement avec sursis est devenue le principal moyen pour les juges de tenir les promesses offertes par l'arrêt Gladue et de tenir compte des circonstances propres aux délinquants autochtones en recourant à des solutions de rechange à l'emprisonnement. Les peines d'emprisonnement avec sursis, les maisons de transition entre la prison et la probation, attendues depuis longtemps, ont dans la pratique été utilisées avec beaucoup de succès par les juges.

Vous avez entendu dire aussi que l'on a parfois abusé des peines d'emprisonnement avec sursis, et l'on a cherché à y remédier par les modifications apportées précédemment au Code criminel. Je considère que cette nouvelle série de modifications, en limitant le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis, va empêcher les juges de mettre en pratique les conclusions de l'arrêt Gladue. Par voie de conséquence, ce projet de loi C-10 va effectivement, sans que ce soit votre intention, mais inévitablement, du fait de la limitation des voies de recours disponibles, condamner davantage d'Autochtones à faire de la prison.

Le président : Monsieur Jackson, nous avons l'essentiel de la réponse. Là encore, vous le savez, je n'aime pas recourir à ce genre de procédé, mais je tiens à m'assurer que tous les sénateurs ont l'occasion d'intervenir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'ai deux courtes questions pour M. Stewart. Sur quelles données vous basez-vous pour dire que dans la population, quand on parle de confiance à l'égard de la justice, la réhabilitation vient avant la sentence?

[Traduction]

M. Stewart : Les statistiques nous sont fournies par le ministère de la Justice. Elles figurent dans un rapport intitulé Sondage national sur la justice de 2007 : lutte contre la criminalité et confiance du public. Il s'agit d'une enquête qui a été faite lors des premières étapes de l'élaboration du type de législation que nous envisageons aujourd'hui afin de mesurer la confiance du public.

Le ministère de la Justice a interrogé les répondants pour savoir ce qu'ils pensaient des objectifs de la détermination de la peine tels qu'ils figuraient dans la loi, en l'occurrence : la réinsertion, la réparation, la responsabilisation, la dissuasion spécifique et générale, la neutralisation et l'exemplarité de la peine.

On peut le voir sur le site web de Justice Canada. C'est facile à trouver, et on peut voir ici la courbe. Les objectifs sont classés par ordre d'importance dans l'ordre que je viens de vous donner.

Le principal objectif est celui de la réinsertion. La plupart des gens estiment que l'on n'a rien fait si l'on ne parvient pas à réinsérer les détenus. Vient ensuite la réparation; il faut pouvoir réparer le préjudice causé aux victimes. En troisième lieu, il y a la responsabilisation, puis la dissuasion spécifique et générale; enfin, la neutralisation et l'exemplarité de la peine. Les résultats sont assez conformes à ceux des autres enquêtes que nous avons faites. Le public ne mesure pas la justice en termes d'objectifs, mais uniquement du point de vue des sanctions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : D`après les témoignages que nous avons entendus tout au long de cette semaine, force est de constater que le principe de la peine minimale pose un problème pour les avocats et leur barreau. Heureusement, ce ne sont pas tous les avocats qui ont cette opinion.

Si je vous ai bien compris, vous estimez que le législateur ne doit pas intervenir en matière de sentence minimale car c'est le privilège des juges de définir une sentence. J'attire votre attention sur le fait que nos lois prévoient aussi des peines maximales et que personne ici n'est venu nous dire que par principe, la peine maximale ne devrait pas exister pour ne pas entraver le pouvoir des juges. Quelle est votre opinion?

[Traduction]

M. Stewart : Bien sûr, il est vrai en théorie que les peines maximales viennent contrecarrer le pouvoir discrétionnaire des juges, mais il faut bien voir que le législateur a fixé les peines maximales à un niveau très élevé que l'on n'atteint presque jamais. Il y a très peu de justiciables qui sont condamnés à des peines maximales. Dans la pratique, cela n'a pas posé de problème. J'estime que l'on avait prévu ainsi de fixer une limite extrême que l'on atteindrait rarement. Il n'y a personne, par exemple, qui soit condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité pour un vol avec effraction. Dans la pratique, le problème ne s'est pas posé, mais en théorie vous avez raison, les peines maximales s'opposent au pouvoir discrétionnaire et en quelque sorte le limitent. Toutefois, les peines minimales obligatoires n'ont pas tendance à être fixées à des niveaux aussi bas. D'ailleurs, si c'était le cas, elles seraient considérées comme totalement inutiles.

Le sénateur Jaffer : Je remercie les deux témoins. Je tiens à vous remercier officiellement pour l'immense travail que vous avez accompli au fil des années pour réformer les prisons. Nous avons entendu hier M. Sapers, qui est venu nous dire que le profil de la population carcérale évoluait. D'après lui, les minorités visibles, les Autochtones et les femmes étaient incarcérés en plus grand nombre. Il a poursuivi en disant que la population carcérale évoluait, que les détenus étaient de plus en plus âgés, davantage toxicomanes et souffrant de plus en plus de maladie mentale.

Je me sers du tweet, et je viens d'entendre l'association Black Behind Bars nous dire : « Nous sommes plus nombreux en prison aujourd'hui que ne le justifie notre représentation au sein de la société. »

Je veux vous poser une question au sujet de l'augmentation des minorités visibles au sein de la population carcérale. On nous a dit hier qu'elle représentait neuf pour cent de la population. Je suis très préoccupée par cette augmentation des minorités visibles. J'aimerais que vous me disiez tous deux ce que vous en pensez.

M. Jackson : M. Sapers a raison. Il est parfaitement informé. C'est l'une de ses prérogatives en sa qualité d'enquêteur correctionnel. Il a accès à de nombreuses données dont nous ne disposons pas pour la plupart et que n'ont même pas les législateurs.

L'augmentation des minorités visibles s'explique en partie par l'une des préoccupations exprimées par le groupe de témoins de M. Sampson. À cet égard, il y a eu une américanisation des prisons canadiennes, une prolifération des bandes organisées, aussi bien dans la collectivité que dans les prisons. Cela pose un véritable problème. Nombre de ces bandes organisées, notamment dans notre région du pays, sur la côte Ouest, sont en fait associées à des minorités visibles, de même que nombre de bandes organisées à Toronto, du fait de la population immigrante des Antilles, ainsi que dans les Prairies avec les bandes organisées autochtones.

Cela pose vraiment de gros problèmes. La solution préconisée par M. Sampson, et celle qui découle des dispositions du projet de loi C-10, est de s'en prendre aux bandes organisées pour faire changer les choses pour amener les membres de ces bandes à quitter leurs associations et à devenir des citoyens véritablement utiles. C'est une façon de procéder.

Nous contestons ce genre de solutions dans notre rapport en disant qu'étant donné l'origine socio-économique des membres de ces bandes, les privations qu'ils ont déjà subies, le fait qu'ils proviennent de familles monoparentales et le manque de possibilités d'éducation, ils sont déjà habitués à ce genre de privations. On peut en déduire que le recours à de nouvelles privations a peu de chances de donner de bons résultats.

L'autre façon de procéder — le SCC l'a fait avec succès, mais cela exige de nombreuses ressources — est de se rapprocher des bandes organisées, de collaborer avec leurs anciens membres en leur donnant les qualifications et la motivation leur permettant de se détacher de cette allégeance pernicieuse à cette forme d'association.

Dans les prisons, on a obtenu de bien meilleurs résultats en faisant appel dans la pratique aux principes de ressourcement autochtone qu'en augmentant le niveau de privation — c'est l'un des objectifs que nous avons incorporés à notre projet et l'un des reproches que nous faisons au projet de loi C-10 — en mettant des ressources à la disposition des délinquants pour les aider à mieux vivre, non pas dans le cadre de projets illusoires, qu'il est impossible de mettre en pratique, comme l'a reconnu M. Sampson. Il s'agit là d'une utopie qui, comme bien des utopies dans l'histoire du Service correctionnel, ne se réalisera pas.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je ne sais pas par quel bout prendre votre mémoire. D'abord, il y aurait lieu qu'il soit mis à jour lorsque vous affirmez qu'on devrait investir 810 millions de dollars en 2012, alors que le 27 janvier dernier, M. Don Head émettait une directive à tout son personnel selon laquelle il n'y aura pas de nouvelles prisons et il n'y aura pas d'embauche. Je vous inviterais à mettre votre mémoire à jour.

Si Microsoft gérait ses entreprises comme on gère les pénitenciers canadiens, elle serait en faillite. Il y a 70 p. 100 de réincarcération dans les pénitenciers canadiens. De ne pas voir la réalité en face m'apparaît périlleux, pas seulement pour les criminels, mais aussi pour les victimes et pour nous, en tant qu'administrateurs publics. On ne remet pas du tout en question la réhabilitation. On remet en question l'efficacité de nos programmes. Quand il y a sept criminels sur dix qui reviennent dans les pénitenciers, est-ce qu'on peut se questionner?

Presque tous les pays européens — l'Angleterre, l'Italie, la France et l'Espagne — réintroduisent les peines minimales obligatoires pour certains types de crime où la récidive est plus élevée, pas pour l'ensemble de la criminalité. Est-ce que notre système va être si terrible après l'adoption du projet de loi C-10 ou on est dans une réalité complètement différente de la vôtre?

[Traduction]

M. Stewart : Tout d'abord, je n'ai pas dit que l'on construisait de nouvelles prisons. On construit de nouvelles cellules. J'ai fait état du budget, qui a été augmenté, je crois, de 89 millions de dollars par rapport à l'année dernière. Bien évidemment, à partir du moment où la population carcérale va nettement augmenter, il faut soit que les prisons soient davantage surpeuplées, soit que l'on construise de nouvelles installations. Je ne perds pas mon temps à réfléchir à ce genre de question.

Toutefois, ce qui me préoccupe beaucoup, comme vous l'avez indiqué, c'est le fort taux de récidive. Bien évidemment, tout le problème est là. C'est la grosse question. Le gros problème, lorsqu'on considère que des peines plus longues vont mieux protéger le public, c'est que ce n'est pas la personne qui est incarcérée ou celle qui est en liberté qui présente un risque; c'est la personne qui sort de prison. Le problème est posé par la personne qui sort de prison et qui se retrouve dans la rue. Pendant un certain temps, il y a un fort risque de récidive. Cela concerne à la fois le criminel et la victime. Lorsqu'une personne récidive et se retrouve à nouveau en prison, tout le monde y perd, y compris le délinquant.

Cependant, plus la personne est restée longtemps en liberté, moins elle risque de récidiver. Au bout de deux ans, le taux de récidive chute considérablement, il baisse tout au long des deux premières années, mais au bout de deux ans il est très faible. Au bout de sept ans, le délinquant ne risque pas plus de commettre un crime qu'une personne qui n'a aucun casier judiciaire, de sorte que le temps compte en l'espèce.

Le problème, c'est que si nous nous contentons d'allonger les peines, au bout d'une période relativement courte, on aura tout autant de personnes sortant de prison qu'auparavant. Le risque restera cependant le même. Dans l'intervalle, nous aurons engagé d'énormes ressources au sein d'un système carcéral bien plus développé.

Je sais qu'il paraît contraire à la logique de penser que des peines plus longues ne vont pas améliorer la sécurité du public, mais en voici la raison. Si nous augmentons toutes les peines d'un an, à un moment donné nous en serons revenus au même point. Nous aurons tout autant de détenus sortant de prison que l'année précédente, la seule différence étant qu'ils auront été incarcérés plus longtemps. Il est probable que cela n'aura été d'aucune utilité et que ça se sera fait au détriment d'une mise en liberté progressive, ce qui est l'élément essentiel. Si l'on ne fait rien lors de la période de transition, on perd la possibilité d'intervenir utilement au moment même où la criminalité et la récidive sont les plus fréquentes.

Le président : Merci, monsieur Stewart. Je pense que nous comprenons très bien votre argumentation.

[Français]

Le sénateur Chaput : J'ai une question pour M. Stewart. Dans les notes que vous nous avez remises ce matin, vous donnez l'exemple des États-Unis, où cinq États dépensent autant, sinon plus, pour leurs services correctionnels que pour l'éducation supérieure. Cela m'a estomaquée; je trouve que c'est une pente très dangereuse. Ma question est très simple : pensez-vous que, avec le projet de loi C-10, le Canada pourrait un jour se retrouver sur le même genre de pente que les États-Unis?

[Traduction]

M. Stewart : Oui. Nous n'en arriverons peut-être jamais à une augmentation de 400 p. 100 de notre population carcérale, mais si elle doublait, ce serait catastrophique. Ce que je veux faire comprendre, c'est que ce pays n'avait pas prévu l'ampleur qu'allait prendre le système. Tout s'est multiplié. Les mesures n'ont fait que se renforcer elles-mêmes. Notre système carcéral, aussi mauvais qu'il soit étant donné le taux de récidive, est bien meilleur que le système américain.

Le principe selon lequel on peut corriger la criminalité en la sanctionnant est véritablement erroné. Si nous sanctionnons les criminels, ce n'est pas pour qu'ils se corrigent, c'est parce que nous voulons faire respecter certaines valeurs remises en cause par le comportement que nous dénonçons. Il faut que nos citoyens sachent qu'ils ne sont pas les seuls à respecter la loi. Toutefois, lorsqu'on entreprend de fixer les peines en ayant l'intention d'assurer la sécurité du public, on ne tient pas vraiment compte des facteurs qui sont véritablement essentiels. Au lieu de recourir systématiquement à des sanctions pour empêcher les gens de commettre des crimes, il nous faut aussi nous demander pour quelle raison les gens commettent des crimes. Quelles sont les incitations qui les amènent à commettre un crime? Qu'avons-nous fait pour y remédier? Cela m'apparaît vraisemblablement plus utile et c'est sur cette base qu'on peut traiter les problèmes. Lorsqu'on procède ainsi dans certains établissements du Canada, notamment dans le secteur de la santé mentale, c'est très efficace. Ce n'est pas parfait, mais c'est très efficace, et nous avons beaucoup de choses à apprendre dans ce domaine.

Le président : Merci sénateur. Il nous faut passer à la suite.

Les éléments que vous avez évoqués sont bien pris en compte autour de cette table et nous avons entendu de nombreux témoignages à ce sujet. Vos arguments ne manquent pas de nous intéresser.

Le sénateur Lang : J'aimerais adresser ma question à M. Stewart, si vous me le permettez. Ma question fait suite à l'observation qui a été faite par le sénateur Runciman. J'ai été très surpris de vous entendre dire que les peines minimales obligatoires allaient miner la confiance du public dans notre système judiciaire.

Nous venons d'avoir une série très intéressante d'audiences. L'une des observations que je ferai à la fin de ces audiences publiques, c'est qu'il y a de toute évidence un décalage entre l'opinion publique et celle des personnes qui interviennent directement ou indirectement au sein de notre justice.

Tous les représentants du public qui sont venus témoigner nous ont dit qu'il y avait un manque de confiance dans le système judiciaire tel qu'il était administré à l'heure actuelle.

Cela m'amène à l'argument que je veux présenter ici, et j'aimerais avoir votre opinion. Si l'on a recommandé des peines minimales obligatoires de 20 ans dans ce projet de loi, c'est pour une raison précise. Nous avons ainsi entendu un témoignage, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance, d'une femme très impliquée dans la région de Toronto dans des affaires d'agression sexuelle de femmes ayant fait dans leur vie des expériences très traumatisantes qu'elles auront probablement de grosses difficultés à surmonter. Elle nous a fait observer que les peines d'emprisonnement avec sursis étaient la norme dans les affaires d'agression sexuelle. Autrement dit, vous commettez le délit et vous vous retrouvez trois jours plus tard en train de déjeuner dans le Tim Horton local.

Elle insistait sur le fait qu'il fallait faire quelque chose au niveau de ces délinquants et des juges pour faire comprendre que c'était là une infraction très grave. Si le législateur ne le fait pas, s'il ne fixe pas la règle morale à suivre en établissant par exemple une peine minimale obligatoire d'un an en cas d'incitation à un attouchement sur une personne de moins de 16 ans, je vous demande qui le fera? Il n'y a pas d'uniformité dans le pays.

M. Stewart : Nous ne savons pas en quoi consiste l'uniformité parce que nous ne tenons pas de statistiques sur la détermination des peines. Nous sommes tous dans le noir à ce sujet. Ce sont juste des impressions et des croyances qui nous font réagir.

Si votre objectif, par exemple, est de réagir face à tel ou tel crime en imposant une peine maximale parce que votre priorité est la dissuasion, qui vous paraît le moyen le plus efficace, il est alors bien évident que l'idée même d'une peine d'emprisonnement avec sursis pour une personne ayant commis une infraction sexuelle paraît bien peu judicieuse. Je le comprends parfaitement. Toutefois, si vous êtes juge et si vous vous dites : « Voilà devant moi une personne qui a de toute évidence des difficultés, je peux la jeter en prison pendant quelques mois et la remettre ensuite en liberté ou je peux aussi lui imposer une peine d'emprisonnement avec sursis de deux ans comportant trois années de probation, pour un total de cinq années de supervision au sein de la communauté avec l'obligation de participer à des programmes et de se soumettre à des traitements et à un contrôle permanent », il n'est pas illogique de conclure qu'on renforce ainsi la sécurité du public à long terme. En dernière analyse, il faut bien que quelqu'un prenne cette décision.

Le président : Sénateur Lang, une dernière observation.

Le sénateur Lang : J'ai une observation à faire, et vous ferez éventuellement un commentaire. Si en tant que législateur, nous ne faisons pas face à ces questions alors que les peines d'emprisonnement avec sursis sont désormais devenues la norme — et vous nous dites que vous ne disposez pas de statistique à ce sujet — on ne peut pas se permettre qu'un seul délinquant sexuel puisse être mis en liberté dès le lendemain pour commettre le même crime trois ou quatre jours plus tard sur une autre victime. Ce que je veux dire par là, c'est que nous savons ce qui se passe. Si nous pouvons l'éviter au maximum, pourquoi ne pas le faire? Voilà la question que je vous pose.

M. Stewart : Vous nous dites que nous savons ce qui se passe. Le juge ne détermine pas la peine après coup. Il fixe la peine en pensant à l'avenir, et ce n'est pas une science exacte. Il lui faut tenir compte de l'ensemble des obligations qui lui ont été imposées par la loi en matière de détermination de la peine. Dans la pratique, il s'efforce d'envisager, dans le cadre de ses responsabilités et selon les pouvoirs d'appréciation dont il dispose, la meilleure façon de limiter le préjudice.

Les juges ne sont pas stupides. Ils ne manquent pas d'expérience. Ils ont pris connaissance de faits dont le commun des mortels n'a jamais entendu parler. Ils ont par ailleurs une formation qui les amène à penser de manière objective. Ils sont très conscients de leurs obligations légales et ils font preuve du meilleur jugement. Il est finalement très injuste de les critiquer après coup en les jugeant collectivement irresponsables et en alléguant qu'ils ne tiennent pas compte des besoins des victimes, qu'ils ne se préoccupent pas de la sécurité du public et qu'il leur est tout simplement indifférent qu'une personne traduit devant leur tribunal aille dès le lendemain violer une autre victime. Je pense que c'est en fait une qualification regrettable.

Le président : Personne n'a fait ce genre de déclaration autour de cette table. Personne n'a procédé à une telle accusation de nos juges de la façon que vous venez d'indiquer. Ce n'est certainement pas ce qui ressort du commentaire du sénateur Lang. Nous avons un travail à faire pour faire en sorte que toute l'information disponible soit divulguée autour de cette table. C'est une situation difficile. Nous arrivons à la fin de notre étude. Il y a des gens qui sont fatigués, on a parfois tendance à s'énerver, mais évitons d'en venir à ces extrémités. Personne n'a jamais fait ce genre d'accusation autour de cette table, je tiens à ce que ce soit bien clair.

Il faut en finir ici, sénateur Lang. Le sénateur Frum a le temps de poser une dernière question.

Le sénateur Frum : À l'intention de M. Stewart et du professeur Jackson, je ne suis pas avocate. Je pense représenter en quelque sorte l'opinion de la population canadienne qui, en prenant connaissance de ce projet de loi ou en entreprenant de le lire et de le comprendre, a eu l'impression qu'il était à l'origine de la création des peines minimales obligatoires, ce qui entraînait un certain nombre de préoccupations d'après le témoignage que vous venez de nous donner. Alors que nous avons maintenant consacré des centaines d'heures à ce sujet, je sais maintenant que, dans la pratique, les peines minimales obligatoires existent dans notre Code criminel depuis 1892, qu'il y avait déjà 40 infractions faisant l'objet d'une peine minimale avant ce projet de loi, et que parmi l'ensemble des peines minimales que nous envisageons dans le cadre de ce projet de loi C-10, neuf ne concernent qu'un relèvement de peines minimales déjà existantes. Cela ne nous laisse que neuf nouvelles infractions s'appliquant aux agressions sexuelles envers les enfants et quelque neuf autres concernant la criminalité liée à la toxicomanie, à l'annexe 1 et à l'annexe 2.

Votre opposition aux peines minimales obligatoires est très évidente. Estimez-vous que les 40 qui figurent déjà concernant la conduite avec facultés affaiblies ou les meurtriers sont elles aussi déraisonnables?

M. Stewart : Oui. C'est ce que je veux bien faire comprendre. Ce n'est pas de la peine dont je veux discuter, mais de celui qui détermine la peine. Cela m'apparaît tout simplement très dangereux. Effectivement, ces peines minimales obligatoires existaient déjà, même si elles se sont en fait multipliées ces 10 ou 15 dernières années, et ce n'est pas uniquement dû à ce projet de loi. Si j'ai laissé cette impression, ce n'était évidemment pas mon intention.

Le problème, c'est qu'en réalité ce sont les politiciens qui vont se prononcer à l'avance sur les peines infligées à certaines personnes et non pas au sein d'un tribunal par un juge qui se penche sur les faits en l'espèce, et ce n'est pas quelque chose que j'invente de toutes pièces. C'est pourquoi notre loi est telle qu'elle est. C'est pourquoi le Canada, contrairement aux États-Unis, a été très réticent à recourir de manière générale aux peines minimales obligatoires. Ce qui me préoccupe, c'est que ce recours s'accélère et qu'une fois qu'on a mis le doigt dans l'engrenage, il est de plus en plus difficile d'en sortir. Je considère que, par leur nature même, les peines minimales obligatoires reflètent une méfiance envers le pouvoir judiciaire.

Le sénateur Frum : Je tiens à vous interroger sur un autre sujet que vous avez abordé. Vous avez qualifié de plus grand crime jamais commis au Canada les mauvais traitements infligés aux enfants dans les internats qui ont été imposés aux Autochtones. Il est bien évident que ce fut un triste épisode, et il est vrai que le gouvernement a eu sa part de responsabilité, mais ce n'est pas le gouvernement qui a commis les viols; les viols ont été commis par des individus.

Nous avons entendu un témoin qui nous a proposé qu'en plus de l'imposition de peines minimales obligatoires en cas d'inceste, il nous faudrait peut-être envisager la possibilité d'appliquer des peines minimales obligatoires aux délinquants qui sont en situation de confiance et de pouvoir, comme c'était le cas pour les personnes qui ont commis ces crimes dans les internats. Je me demande ce que vous en pensez, étant donné que vous considérez que ce fut le plus grand crime commis dans notre pays.

M. Stewart : En réalité, ce genre d'abus de confiance dans ces circonstances est d'ores et déjà prévu dans les principes de détermination de la peine.

Je dis qu'à partir du moment où l'on s'oriente dans un certain sens, notamment lorsqu'on commence à négliger les droits de la personne, on risque de mettre en place des institutions et des mécanismes pouvant être pernicieux. Je ne dis pas que le gouvernement a pris sur lui d'aller violer ces enfants, mais il a mis sur pied des établissements fondés avant tout sur l'incompréhension et sur des préjugés.

Il faut voir aussi que cette solution était populaire. Ce n'est pas simplement le gouvernement qui a eu cette idée. Lorsqu'au sein d'un système l'opinion populaire prend le pas sur les droits de la personne, on prend le risque de commettre d'énormes abus.

Au sujet des plus grands abus, je veux bien faire comprendre qu'aucun criminel en particulier ne peut commettre à lui seul un tel préjudice. Nous devons bien comprendre qu'à partir du moment où nous nous mettons à appliquer des peines minimales obligatoires, nous nous lançons sur une pente qui s'est révélée extrêmement dangereuse dans d'autres pays.

Le président : Chers collègues, voilà qui conclut nos délibérations avec ce groupe de témoins.

Au nom de tous, je tiens à remercier M. Stewart et le professeur Jackson. Avant que vous nous quittiez, je tiens à dire que vous avez tous deux consacré votre carrière à ce sujet, ce qui est moins vrai pour les autres d'entre nous. Nous apprenons en vous écoutant. Nous avons besoin d'entendre des gens qui ont l'expérience de la question. Il ne s'agit pas dans votre cas d'une simple curiosité d'universitaire; c'est au cœur de vos préoccupations. Nous avons écouté avec intérêt vos arguments, qui remettent en cause certains schémas de pensée et certaines opinions exprimées par d'autres témoins et, dans une certaine mesure, certaines des convictions de chacun d'entre nous, mais cela correspond exactement à votre mission. Vous l'avez très bien fait et nous vous en sommes reconnaissants. Nous vous remercions. Votre contribution nous a été très utile.

Chers collègues, nous allons poursuivre et terminer l'audition des témoins dans l'examen du projet de loi C-10. Dans ce cadre, nous avons le plaisir d'accueillir, pour représenter Citoyenneté et Immigration Canada, Bradley Pascoe, conseiller principal en politique, Politiques et programmes à l'intention des résidents temporaires; et Nisrin Nasrallah, avocate.

Pour représenter le ministère de la Justice Canada, nous allons entendre Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal; Paula Kingston, avocate-conseil, Section de la Justice applicable aux jeunes et des initiatives stratégiques; et Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal.

Représenteront Sécurité publique Canada, Daryl Churney, directeur, Politiques correctionnelles; et Larisa Galadza, directrice principale, Politiques de la Sécurité nationale.

Enfin, pour représenter le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous allons entendre Michael Walma, directeur, Direction du crime et du terrorisme international; et Wendell Sanford, directeur, Direction du droit criminel, de la sécurité et de la diplomatie.

Chacun sera soulagé d'apprendre qu'aucun de nos témoins ne va devoir faire un exposé. Nous avons réuni ce groupe de témoins à la suite d'une discussion qui a eu lieu entre les membres de notre comité directeur, en l'occurrence la vice- présidente, le sénateur Fraser, de même que le sénateur Boisvenu et moi-même. Nous avons estimé qu'après avoir fait tout ce travail, et j'estime que nous avons entendu environ 130 témoins, une fois que tout avait été dit, il convenait de donner aux membres de notre comité l'occasion de poser des questions aux ministères concernés. Il ne s'agit pas de reprendre toutes les questions se rapportant à vos ministères dans le projet de loi C-10, mais de nous donner la possibilité de vous interroger au cas où certains des témoignages qui nous ont été apportés risqueraient de soulever un problème pratique ou de politique lié au projet de loi C-10.

Je sais que vous avez suivi de près notre procédure et je ne vous demande pas de critiquer les témoignages que vous avez entendus. Toutefois, s'il y a quelque chose dans ces témoignages qui vous paraît erroné d'un point de vue pratique, ou si, à votre avis, nous risquons d'appuyer en fin de compte notre jugement au sujet du projet de loi C-10 sur des conclusions techniquement erronées — on pourrait peut-être utiliser une meilleure formulation que celle de « techniquement erroné », mais j'espère que vous comprenez ce que je veux dire — n'hésitez pas à nous le faire savoir. Je vous répète que nous avons entendu beaucoup de personnes autour de cette table, que neuf projets de loi antérieurs ont été intégrés à ce projet de loi C-10, et j'aimerais que nous nous en tenions à l'horaire prévu, soit une heure et 15 minutes au maximum, après quoi, nous devrons conclure.

Cela dit, je donne la parole au sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Si les témoins n'ont aucune déclaration à faire au départ, j'ai des questions à leur poser.

Le président : Je considère que ce temps nous appartient et je préfère m'en tenir à cela. Je ne veux pas qu'on fasse trop de discours. Nous voulons en venir immédiatement aux questions auxquelles les gens autour de cette table sont en mesure de répondre.

Le sénateur Fraser : J'ai de nombreuses questions à vous poser, mais je m'en tiendrai à trois si vous me le permettez. Je ne comprends pas très bien les nouvelles infractions sexuelles qui sont créées ici. Y a-t-il ou non une exemption pour les personnes qui n'ont pas une très grande différence d'âge, disons entre 16 et 19 ans, par exemple, qui les exonérerait de toute culpabilité?

Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Les nouvelles infractions sexuelles sont celle que nous qualifions de « leurre entre adultes », pour faire court, et de détournement de mineur qui consiste à rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite. J'étais présente l'autre jour lors du témoignage et de vos questions, et nous avons réexaminé la transcription. S'il n'y a pas d'exemption lorsque les âges sont rapprochés, ce n'est pas en raison d'un oubli; c'est parce que ces infractions sont commises dans le but d'inciter un enfant à enfreindre la loi. Comme vous pouvez le voir en fonction de la rédaction de ces dispositions, il y a un paragraphe lié à ces infractions qui s'applique aux personnes de moins de 14 ans, un autre aux personnes de moins de 16 ans et un dernier aux personnes de moins de 18 ans, qui renvoient précisément aux infractions que l'on cherche à faire commettre ou que l'on rend accessibles. L'exemption lorsque les âges sont rapprochés s'applique à la capacité de commettre ces infractions. Je pense que vous avez donné comme exemple le cas d'un garçon âgé de 18 ans avec sa petite amie. Si quelqu'un fait parvenir du matériel sexuellement explicite à une personne plus jeune pour que puisse être commise une infraction sexuelle, l'exemption liée au fait que les âges sont rapprochés s'appliquera à l'infraction sexuelle qui sera alors commise.

Le sénateur Fraser : Autrement dit, ces dispositions figurent déjà dans le Code criminel et nous n'avons pas besoin de les répéter.

Mme Kane : En effet.

Le sénateur Fraser : Vous êtes sûre...

Mme Kane : Nous en sommes sûrs.

Le sénateur Fraser : ... que tout est bien pris en compte dans ce cas?

Mme Kane : Nous avons examiné la question lors de l'élaboration du projet de loi précédent, le projet de loi C-54, et à nouveau dans celui-ci. Nous sommes convaincus de ne pas avoir besoin de l'exemption lorsque les âges sont rapprochés dans ces deux types d'infractions liés à la fourniture de moyens.

Le sénateur Fraser : C'est parce que ces dispositions existent déjà.

Mme Kane : Oui.

Le sénateur Fraser : Selon les dispositions de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, j'ai peut-être du mal à comprendre parce que ce projet de loi englobe tellement de nouvelles lois ou des parties de ces lois, mais est-il vrai que le ministre restera tenu de motiver par écrit sa décision lorsqu'un transfèrement est refusé?

Daryl Churney, directeur, Politiques correctionnelles, Sécurité publique Canada : Oui, cette disposition figure bien dans la LTID.

Le sénateur Fraser : Elle n'a pas été abrogée?

M. Churney : Elle n'a pas été abrogée; elle figure toujours.

Le sénateur Fraser : Pour ce qui est de la justice pénale s'appliquant aux jeunes délinquants, a-t-on discuté des registres portant sur les mesures extrajudiciaires qui doivent être tenus par la police lesquels, si j'interprète bien la loi, sont tenus pour que l'on puisse disposer de données et doivent être transmis au juge du tribunal de la jeunesse, lorsqu'il s'agit de se prononcer sur la culpabilité des intéressés ou de recourir à des mesures extrajudiciaires. Certains affirment que le système est en l'espèce détourné de son objet étant donné que pour que le jeune délinquant puisse bénéficier de mesures extrajudiciaires, il doit reconnaître la responsabilité de ses agissements; en l'occurrence, sa culpabilité. Cela se fait sans qu'il y ait de procès, sans qu'intervienne la défense, sans aucune protection, et cela peut se passer très rapidement. L'agent de police va dire à l'intéressé : « Si vous reconnaissez ici votre responsabilité, je vous fais une simple réprimande et je vous renvoie chez vous. » On ne respecte pas ainsi les règles d'équité et de procédure qui ont été établies.

Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Vous voyez ce que je veux dire ici.

Paula Kingston, avocate-conseil, Section de la justice applicable aux jeunes et des initiatives stratégiques, ministère de la Justice Canada : Oui, je vous comprends. Il y a deux dispositions qui s'appliquent aux registres, et elles traitent des mesures extrajudiciaires. Cela devient effectivement compliqué étant donné que les mesures extrajudiciaires englobent les sanctions extrajudiciaires, mais il existe des règles distinctes qui s'appliquent d'ores et déjà dans la loi aux sanctions. Lorsqu'on demande à la police de tenir des registres, la nouvelle exigence ne porte que sur les mesures extrajudiciaires, à l'exclusivité des sanctions. Cela s'apparente à la situation dans laquelle un agent de police se contente de donner un avertissement à un jeune ou de lui dire : « Je vais vous référer à un programme » ou « Je ne vais prendre aucune autre mesure à votre encontre. » C'est au tout début de la procédure, lorsqu'on procède en fait aux premières mesures de substitution. L'agent de police n'est pas tenu de tenir ce registre.

Quant à l'autre disposition qui se rapporte aux éléments dont le juge doit tenir compte lorsqu'il prononce une sanction à l'encontre d'un jeune, cela se limite aux sanctions extrajudiciaires. Il s'agit de sanctions. Vous avez tout à fait raison : dans la pratique, le jeune a accepté sa responsabilité, mais dans le cadre d'une procédure informelle. Il n'a pas été condamné ou reconnu coupable d'une infraction. Certains témoins l'ont fait remarquer, cela les préoccupe, c'est ce qu'ils nous ont dit.

Le sénateur Fraser : J'ai une dernière question sur ma longue liste. C'est au chapitre correctionnel. La commissaire à la protection de la vie privée s'est exprimée au sujet de la quantité d'information mise à la disposition des victimes dans le cadre de ce projet de loi. Elle ne voyait aucun inconvénient, à mon avis, à ce qu'une grande quantité d'information soit mise à la disposition des victimes, essentiellement par la Commission des libérations conditionnelles, ou encore par le Service correctionnel.

La commissaire à la protection de la vie privée s'est inquiétée de l'éventualité que l'on fasse part à la victime des programmes auxquels a participé le délinquant. Elle a fait remarquer que tous les programmes n'allaient pas être liés à l'infraction subie par la victime. Ce n'est pas moi qui vous donne cet exemple, c'est elle, mais supposons qu'une personne soit reconnue coupable d'une agression — pas seulement sexuelle, simplement une agression — qu'elle participe à un programme s'adressant aux joueurs compulsifs n'ayant rien à voir avec l'agression commise, ne remet-on pas en cause la protection de la vie privée en informant la victime des progrès réalisés par le délinquant dans le cadre d'un tel programme? Il pourrait même y avoir d'autres programmes de nature encore plus personnelle dont on pourrait penser que la victime ne devrait pas pouvoir être au courant. Qu'en pensez-vous?

M. Churney : Les dispositions du projet de loi C-10 qui ont trait aux renseignements supplémentaires fournis à la victime relèvent d'un pouvoir discrétionnaire. À l'heure actuelle, le projet de loi prévoit que certains renseignements « sont divulgués » aux victimes et que d'autres « peuvent être divulgués. » Les dispositions qui nous occupent relèvent des renseignements pouvant être fournis à la victime sous la responsabilité du commissaire du service correctionnel. Il est bien évident qu'il appartiendra au SCC d'évaluer dans quelle mesure l'information susceptible d'être fournie présente un intérêt pour la victime et s'il y a un rapport logique dans les circonstances. C'est un point à considérer.

L'autre problème porte sur la quantité d'information devant être divulguée à la victime. De toute évidence, il convient de ménager un équilibre entre la protection de la vie privée du délinquant et le droit de savoir de la victime. Nous avons agi en considérant que le mieux était de faire en sorte que l'on fournisse une information générale concernant la participation du délinquant à différents programmes. Il ne s'agit pas nécessairement de préciser qu'à telle date, le délinquant a suivi tel ou tel programme à 21 heures le soir pour faire ensuite telle ou telle chose, mais plutôt de donner une idée plus générale des progrès réalisés en informant en conséquence la victime. Il n'est pas question toutefois d'un rapport détaillé remis à la victime concernant toutes les activités du délinquant.

Ce sont les deux points importants à considérer.

Le sénateur Fraser : Y a-t-il des directives concernant ce genre de choses?

M. Churney : Le commissaire du SCC lui a donné des directives concernant la divulgation de l'information. Il y aura donc une évaluation qui sera faite, mais elle s'appuiera sur la politique interne du SCC.

Le sénateur Fraser : Pourriez-vous nous fournir ce document?

M. Churney : Je me chargerai du suivi.

Le sénateur Cowan : J'examine la liste du sénateur Fraser.

Le président : Vous n'avez pas apporté votre propre liste? Vous avez généralement de nombreuses idées originales.

Le sénateur Cowan : Non, je me tiens bien tranquille ce matin. Je vais demander au sénateur Fraser de disposer de mon temps.

Le sénateur Jaffer : J'aimerais que l'on me donne quelques éclaircissements. Lorsqu'elle a comparu devant nous, Mme Landolt nous a dit qu'il y avait des juges libéraux et que cela expliquait le dépôt de ce projet de loi. Je lui ai posé la question suivante :

Le sénateur Jaffer : Je sais que vous avez été avocate pendant plusieurs années. Avez-vous des données scientifiques concrètes pour appuyer vos dires ou s'agit-il de simples observations?

Mme Landolt : En fait, il en est question dans la documentation que le gouvernement vous a fournie concernant le projet de loi C-10.

Le sénateur Jaffer : Il s'agit de documents du gouvernement, et non pas de vos propres recherches.

Mme Landolt : Cela ne vient pas de nous. C'est le gouvernement qui soutient que 52 p. 100 des dossiers judiciaires impliquant des drogues...

En somme, elle nous parle d'un document du gouvernement dans lequel on déclare qu'il y a des juges libéraux. Excusez-moi, mais j'ai cherché partout et je n'ai pas trouvé ce document. J'en doute, mais je veux en être bien sûr. Y a- t-il un document qui fait état de juges libéraux?

Mme Kane : Je n'ai pas connaissance d'un tel document.

Le sénateur Jaffer : Voilà qui me suffit. Je vous remercie.

J'ai une question à poser, et je ne sais pas auquel d'entre vous. J'aimerais des éclaircissements au sujet de la procédure qui est suivie entre le moment où un règlement est adopté, où il est promulgué, en ce qui a trait aux instructions et à leur promulgation. J'aimerais simplement savoir quelle est la procédure qui est suivie. Je n'ai pas besoin d'une longue réponse, il me suffit que vous me donniez les principales étapes.

Mme Kane : Je peux vous en faire le résumé, mais il serait peut-être préférable que mes collègues de Citoyenneté et Immigration Canada abordent le sujet parce que c'est dans le cadre de ces dispositions que la question s'est posée.

Le sénateur Jaffer : Je veux juste connaître la procédure. Ils se sont montrés très clairs à ce sujet.

Mme Kane : Je vais leur laisser la parole, si ça vous convient.

Nisrin Nasrallah, avocate, Citoyenneté et Immigration Canada : Pour ce qui est des règlements, un document d'orientation politique publié par le ministère de la Justice établit exactement quelles sont les procédures suivies, et cela englobe la publicité préalable ainsi que les consultations avec le public et les différents secteurs au sein du ministère de la Justice. C'est une procédure tout à fait officielle comportant des échéanciers fixes.

En ce qui concerne les instructions, aucune procédure de ce type n'est exigée par la loi, de sorte qu'il appartient au ministère de décider de la marche à suivre, même si dans le projet de loi C-10 nous avons établi quelles seront publiées dans la Gazette du Canada et intégrées à un rapport déposé devant le Parlement pour que nous sachions qu'il y a là une obligation en droit. Sinon, la politique est de fixer la marche à suivre.

Le sénateur Jaffer : À titre de précision, en règle générale les instructions n'ont pas à être publiées dans la Gazette du Canada, sauf si elles figurent dans la loi?

Mme Nasrallah : Sauf si elles figurent dans la loi, mais c'est dans la loi. En ce qui concerne le projet de loi C-10, nous avons dit qu'elles devraient être publiées dans la Gazette.

Le sénateur Jaffer : Si c'est un règlement, il est soumis au Comité d'examen de la réglementation?

Mme Nasrallah : Oui.

Le sénateur Jaffer : Le Parlement procède-t-il à un examen?

Mme Nasrallah : Si le Parlement procède à un examen? Il va y avoir un examen dans le cadre du rapport déposé devant le Parlement parce qu'un rapport ainsi déposé doit faire état des instructions qui sont données. Elles pourront être examinées à ce moment-là, mais c'est après coup plutôt qu'au préalable.

Le sénateur Jaffer : J'ai deux autres sujets à aborder. Je vais faire très vite.

Vous avez eu la gentillesse d'accepter de nous communiquer les instructions dont vous disposez jusqu'à présent. Dans toute cette documentation, je les ai peut-être manquées.

Mme Nasrallah : Nous vous les avons effectivement fournies et nous pourrons vous en fournir une autre copie par la suite.

Le sénateur Jaffer : Je vous remercie. Vous nous avez aussi fourni une explication concernant la mention « dégradant et humiliant ». Je pense que c'est le sénateur Chaput qui vous a posé la question.

Mme Nasrallah : Nous vous avons bien fourni un document. Voulez-vous que je vous en parle?

Le sénateur Fraser : Nous ne l'avons pas vu.

Le sénateur Jaffer : J'ai regardé partout, mais il y a tellement de documents qui nous sont fournis.

Mme Nasrallah : Cela a été fourni par le ministère. Je ne sais pas où ils se trouvent en ce moment.

Bradley Pascoe, conseiller principal en politique, Politiques et programmes à l'intention des résidents temporaires, Citoyenneté et Immigration Canada : Nous en avons effectivement des copies et si vous le souhaitez nous en remettrons au président.

Le président : Effectivement, ce serait très bien. Je vous remercie.

Le sénateur Lang : J'aimerais adresser ma question à l'un des fonctionnaires du ministère de la Justice. Je ne sais pas exactement qui va vouloir répondre.

Je sais que vous avez suivi nos délibérations et chacun d'entre nous a assisté avec un grand intérêt à ce véritable marathon. Nous en voyons la fin, si je comprends bien.

L'un des sujets qui est constamment revenu sur le tapis au cours de cette semaine portait sur les peines minimales obligatoires et sur les comparaisons avec le système américain. Ceux qui s'opposent à ce projet de loi semblent vouloir nous dire que notre population carcérale va énormément augmenter, que les peines fixées à l'avance vont être injustes et qu'en définitive, c'est la société du Texas qui va s'installer au Canada, cela aux dires d'une chaîne de radiodiffusion publique que nous payons, vous et moi.

Est-ce que quelqu'un d'entre vous pourrait nous donner une idée générale de ce qui va se passer lors de l'adoption du projet de loi C-10 en comparant notre système de détermination de la peine avec celui des États-Unis, de manière à préciser la situation à l'intention des téléspectateurs et du public en général. J'aimerais que quelqu'un nous expose la situation.

Mme Kane : Sénateur, c'est une très bonne question, mais je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse complète. Il est très difficile de comparer des systèmes de justice pénale de deux pays différents parce qu'il faut se pencher sur l'ensemble du système. Vous savez qu'il y a différents types de peines minimales obligatoires dans la législation d'autres pays, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et autres. Certains d'entre eux, comme on l'a dit à votre comité, prévoient par ailleurs certaines exemptions contre ces PMO mais, là encore, lorsqu'on examine ces exemptions, il faut savoir exactement quel est le point de départ. Nous savons que la loi fédérale des États-Unis prévoit des PMO très élevées pour certaines infractions, qui peuvent aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement, et l'exemption allège un peu le fardeau sans le supprimer entièrement. Dans certains cas de ce type, le délinquant doit fournir à l'État des preuves que celui-ci est ensuite en mesure d'utiliser dans d'autres poursuites. Là encore, cependant, il nous faudrait faire des recherches très détaillées pour bien faire comprendre toute l'étendue de la loi aux États-Unis et l'application des différentes PMO.

Lorsque nous avons fixé des PMO dans le cadre des dispositions du Code criminel modifié par ce projet de loi C-10 ainsi que dans les projets de loi qui ont précédé et dans d'autres lois — par exemple, en 2005 lorsque des PMO ont été établies au sujet des infractions sexuelles à l'encontre des enfants — nous avons effectivement examiné les modes de détermination de la peine au Canada et les préoccupations des intervenants au sein de notre justice pénale en matière de détermination de la peine, et pour nous guider nous sommes allés voir quelles étaient les peines du même type et les fourchettes pratiquées dans d'autres pays. Je vous répète qu'il s'agissait simplement de nous guider afin de définir les différentes possibilités qui s'offraient à notre ministre afin qu'il puisse demander au Cabinet de trancher.

Nous considérons que les PMO qui figurent aujourd'hui dans notre Code criminel ainsi que celles qui sont proposées dans le projet de loi C-10 sont bien adaptées à la gravité des infractions auxquelles elles se rattachent, et il s'agit d'un bon point de départ pour nos tribunaux en tenant compte du fait que les principes de la détermination de la peine doivent les guider dans ce cadre, la peine maximale étant fixée au départ.

Le président : Au sujet de la question soulevée par le sénateur Jaffer et de la documentation exigée, quelque chose qui s'intitule « Instructions ministérielles » a été envoyé à chacun d'entre nous le mercredi 22 février — vous l'avez donc dans vos ordinateurs — par Citoyenneté et Immigration Canada. Nous avons ce document. Hier enfin, le 23 février, un autre document intitulé « Jurisprudence et autres références à l'expression « Traitement humiliant et dégradant » a été envoyé par courriel à chacun d'entre nous, toujours par ce même ministère. Nous avons ces documents et nous en remercions le ministère. Nous allons les distribuer. Vous les avez dans vos ordinateurs.

Le sénateur Runciman : Je crois que c'était hier, ou peut-être avant-hier, nous avons tous reçu une copie d'une lettre envoyée par le ministre des Services correctionnels de l'Ontario demandant à être indemnisé au titre de l'augmentation des coûts pour l'Ontario de la mise en œuvre éventuelle ou effective du projet de loi C-10. On a reçu une énorme documentation, mais il me semble avoir lu qu'il y avait un accord fédéral-provincial-territorial concernant l'augmentation des coûts répercutés en raison des projets fédéraux, qu'il y aurait une révision quinquennale sur laquelle s'étaient entendus tous les intervenants, qui servirait à évaluer tous les nouveaux coûts. Est-ce bien vrai? Je ne veux pas entrer dans des discussions politiques, mais est-ce bien effectivement la situation?

Mme Kane : La question s'est posée très récemment à la fin janvier lors de la réunion des ministres FPT. Je ne sais pas exactement si l'on s'est entendu sur une révision quinquennale. Je peux vérifier le compte rendu des délibérations et vous informer au sujet de cette décision lorsque je reviendrai lundi. Si je me souviens bien, il est sûr que certaines provinces et certains territoires ont fait savoir qu'ils voulaient que les coûts soient examinés à mesure que les dispositions étaient mises en application. Je ne suis pas sûre que l'on soit parvenu à une entente à ce sujet.

Comme l'a indiqué le ministre lorsqu'il a comparu un peu plus tôt ce mois-ci, certaines dispositions du projet de loi ainsi que son économie en général ont été particulièrement appuyées en dépit du fait que les provinces ont émis des réserves concernant leur capacité à mettre en œuvre ces dispositions étant donné leur situation budgétaire actuelle.

Le sénateur Runciman : Je me posais la question de savoir pour quelle raison le ministre avait envoyé cette lettre si la révision quinquennale était effective. C'est un problème différent.

Mme Kane : Je peux le vérifier.

Le sénateur Fraser : Sur toute cette question des répercussions provinciales, j'ai été par ailleurs frappée par une lettre de l'Île-du-Prince-Édouard qui nous dit, parmi bien d'autres choses, que la demande de lits liée à l'incarcération des adultes avait augmenté de près de 15 p. 100 par trimestre, dans une large mesure en raison des dernières modifications apportées à la loi fédérale et d'un changement du profil de la clientèle. Les problèmes qu'éprouvent d'ores et déjà différentes juridictions provinciales sont véritables et qui sait ce que nous réserve maintenant l'avenir. Des statistiques nous ont aussi été fournies par le Québec concernant les augmentations de coût qui sont prévues. C'est assez impressionnant.

Un témoin nous a dit ce matin qu'à son avis une bonne partie au moins des dispositions de ce projet de loi n'entreront pas en vigueur tant qu'il n'y aura pas eu de consultations fédérales-provinciales. Je ne me souviens pas si elle a véritablement parlé d'accords. Je suis retournée voir tous les articles d'entrée en vigueur que j'ai pu consulter rapidement dans ce projet de loi et je n'ai pas trouvé de référence à ce sujet.

En premier lieu, est-ce que j'ai tort? Y a-t-il des dispositions en ce sens dans le projet de loi? En second lieu, y a-t-il à votre avis, un accord concernant l'entrée en vigueur de ces dispositions qui prévoient des consultations et un accord fédéral-provincial?

Mme Kane : À titre de précision, je pense que ce dont Mme Rosenfeldt voulait parler concernant les dispositions liées à l'entrée en vigueur effective de ce projet de loi, c'est qu'il y aurait une mise en application progressive et que toutes les dispositions n'entreraient pas en vigueur au moment de la sanction royale. Je ne veux pas parler à sa place, mais je crois que c'est ce qu'elle voulait dire.

Le sénateur Fraser : Elle parlait en fait des provinces.

Mme Kane : Oui, et le sujet a été évoqué lors de la dernière réunion des ministres FTP en janvier. C'est un sujet qui est toujours évoqué lorsque des modifications au Code criminel sont sur le point d'être promulguées ou lorsqu'on se rapproche d'une adoption éventuelle et d'une sanction royale, parce que nous comptons sur les provinces pour mettre en application les modifications apportées au Code criminel. C'est un partenariat.

Le sujet a été évoqué et plusieurs provinces ont fait savoir qu'elles avaient besoin de temps pour mettre en application ces dispositions, ce qui est là encore tout à fait habituel. Les ministres ont effectivement convenu qu'à la suite de la sanction royale, il y aurait des consultations avec les provinces pour s'assurer que l'on a pris un maximum de dispositions en vue de l'application. Nous ne sommes certainement pas tributaires d'un accord de financement. Je vous le répète, c'est une façon de faire courante. Nous voulons nous assurer que les provinces sont en mesure d'assurer la mise en application, et selon le cours normal des choses, la loi entre en vigueur quatre à six mois après la sanction royale. Il reste à voir si c'est là ce que les provinces ont à l'esprit, mais nous allons avoir avec elles ce genre de discussions.

Il y a deux parties de ce projet de loi qui n'entreront pas en vigueur avec la sanction royale. L'une porte sur les dispositions ayant trait aux victimes de terrorisme, et l'autre renvoie à l'ancien projet de loi C-23B. Le reste entrera en vigueur à la date ou aux dates qui restent à fixer. Ce ne sera pas systématiquement le même jour. Ce pourra être différents jours d'un mois donné ou sur une période de quelques mois.

Le sénateur Baker : Je tiens à remercier Paula Kingston, Catherine Kane et Paul Saint-Denis d'avoir consacré tant de temps aux séances de notre comité, jour et nuit, faisant ici plus que leur devoir.

Le président : Ils ont probablement tous droit à une libération conditionnelle au point où nous en sommes.

Le sénateur Baker : J'ai une question d'ordre général à poser à Mme Kane à la suite à sa réponse au sénateur Lang. Je n'aurais pas soulevé la question, mais c'est elle qui l'a fait. Il s'agit des peines minimales obligatoires imposées selon qu'on se trouve aux États-Unis ou au Canada. Nous avons entendu de nombreux témoignages, et je vous prie de croire que les sénateurs autour de cette table se demandent ce qu'ils vont bien pouvoir faire pour proposer avec succès un amendement aux peines minimales obligatoires pour conférer aux juges un certain pouvoir discrétionnaire touchant les personnes souffrant de maladie mentale ainsi que les délinquants autochtones.

Madame Kane, vous avez fait état de manière générale des différentes affaires ayant donné lieu aux États-Unis à l'application des peines minimales obligatoires. Est-ce qu'il existe des dispositions générales dans chacune ou dans l'une ou l'autre de ces juridictions aux États-Unis qui exonèrent, sur décision d'un juge, certaines catégories de gens ayant une incapacité mentale, qui sont Autochtones ou qui appartiennent à une catégorie actuellement surreprésentée au sein du système carcéral?

Si nous nous proposons, comme vous pouvez penser que veulent le faire certains membres de ce comité, de déposer de tels amendements, étant donné qu'il existe à l'heure actuelle des peines minimales obligatoires, comme l'a fait remarquer le ministre, dans près de 40 dispositions de la loi actuelle, avez-vous une quelconque objection à ce que l'on présente un amendement qui s'appliquerait de manière générale aux dispositions régissant la détermination de la peine dans le Code criminel pour répondre à l'un ou l'autre de ces objectifs?

Mme Kane : Je vais vous répondre sur deux plans, si vous me le permettez.

Vous me demandez si d'autres pays ont prévu des exemptions s'appliquant précisément aux Autochtones ou aux personnes souffrant de maladie mentale. Nous nous sommes penchés sur la façon dont les autres pays accordaient certaines dispenses. Tous les régimes sont très différents et il est très difficile de faire des comparaisons avec le système canadien de justice pénale. Ceux que nous avons examinés prévoient de manière générale une formule d'exonération ou de dispense qui, dans certains cas, réduisent les PMO sans les supprimer entièrement, alors que dans d'autres, ces PMO sont bien plus lourdes que tout ce que nous avons dans notre code à l'heure actuelle ou que nous nous proposons d'adopter.

La formule qui semble être la plus proche de la nôtre dans le droit des États-Unis que vous avez mentionné, est celle de l'État du Maine, qui prévoit une disposition aux termes de laquelle le tribunal peut suspendre l'application d'une peine minimale s'il estime que le caractère exceptionnel de l'affaire justifie l'imposition d'une autre peine en tenant compte de la nature et des circonstances du crime, de l'état physique et mental d'un mineur ainsi que des antécédents et du caractère du défendeur, en l'occurrence l'accusé. On pourrait ainsi tenir compte dans une certaine mesure des exigences liées à la santé mentale.

Comme je l'ai indiqué, il y a d'autres lois fédérales aux États-Unis qui réduisent les lourdes peines minimales imposées lorsque l'accusé témoigne contre une autre personne, en l'occurrence lorsqu'il aide les enquêteurs à poursuivre d'autres crimes. C'est en quelque sorte un accord de collaboration réciproque pour poursuivre de plus grands crimes, notamment contre les organisations criminelles.

Quant au bien-fondé de l'adoption d'une formule d'exonération concernant les peines minimales obligatoires imposées à l'heure actuelle dans notre code ou dont l'adoption est prévue dans le projet de loi C-10, je vous en laisse juge. Je vous signale toutefois que ce sont là des questions complexes difficiles à structurer. Le problème de savoir si le statut d'autochtone est suffisant pour justifier qu'une personne ne se voie pas infliger une peine minimale obligatoire est compliqué parce qu'il faut tenir compte aussi de bien d'autres facteurs, notamment de la nature de l'infraction, si la sécurité du public est en cause, et cetera.

De même, s'il s'agit d'appliquer l'exemption à une personne souffrant de maladie mentale, on part du principe à la base que cette personne peut être soumise à un traitement qui réglera un certain nombre de choses. Ce n'est pas tout à fait semblable au traitement que le tribunal peut imposer à un toxicomane parce que dans ce cas le tribunal vise à remédier à la toxicomanie ayant entraîné le comportement délictueux, et parce qu'il existe des programmes ayant fait leur preuve pour ce qui est du traitement de la toxicomanie. Les besoins de santé mentale sont variés et il n'y a pas de programme unique en mesure de traiter tous les types de maladie. Il faudrait recourir à des mesures individualisées, et le renvoi au sein d'un programme de traitement des problèmes de santé mentale ne serait pas obligatoirement la panacée dans tous les cas.

Il est évident que le traitement est important, mais lorsqu'il s'agit de se demander dans quelle mesure on peut alléger une peine minimale obligatoire en cas d'infraction grave impliquant une arme à feu, une infraction liée aux drogues ayant des facteurs aggravants, ou encore une infraction sexuelle à l'encontre d'un enfant, il est bien difficile pour le gouvernement ou les parlementaires de prendre une décision.

Le sénateur Baker : La grande difficulté, pour ceux d'entre nous qui voient depuis 40 ans tous les changements apportés au Code criminel, c'est qu'il existe déjà une disposition dans notre code qui se présente plus ou moins comme vous venez de l'exposer en ce qui a trait aux délinquants autochtones.

Autrement dit, on emploie l'expression « tient compte » à la fin de l'énoncé des différentes infractions et cela se limite à certaines d'entre elles, ainsi que vous venez de le décrire. C'est la difficulté que nous éprouvons lorsqu'il s'agit de transformer cela en une disposition offrant au juge un certain pouvoir discrétionnaire dans l'application des peines minimales obligatoires dans le cadre des dispositions régissant la détermination de la peine.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Je ne sais plus quoi en penser, mais je suis sûr que c'est le cas de bien d'autres personnes qui suivent ces affaires et qui lisent tous les jours dans les jugements prononcés par les tribunaux des critiques selon lesquelles il y a une discrimination inhérente envers les Autochtones dans notre système de justice. Tous les juges viennent nous le dire chacun à leur tour. C'est alors qu'intervient l'exemption en vertu de l'article 1 ou alors on juge qu'il n'y a pas infraction à l'article 7 ou à l'article 15 de la Charte.

Cette disposition existe actuellement dans le Code criminel. Ce texte s'y oppose. Il en nie l'application. Y a-t-il un moyen d'appliquer cette disposition? Je ne sais pas si vous tenez à commenter la chose. Je ne suis pas sûr que vous soyez prêts à vous lancer dans ce domaine. Vous pouvez toujours le faire.

Mme Kane : À titre de précision, sénateur, est-ce que vous faites là référence aux dispositions du paragraphe 718.2e)?

Le sénateur Baker : Oui, dans son ensemble.

Mme Kane : Cette disposition, telle qu'on peut l'interpréter, est d'application générale. C'est un principe de détermination de la peine qui s'applique à tous.

Le sénateur Baker : Oui, mais on mentionne spécialement les Autochtones.

Mme Kane : Il s'agit plus particulièrement de tenir compte de la situation des délinquants autochtones. Les tribunaux ont interprété cette disposition à de nombreuses reprises et, comme l'ont indiqué un certain nombre de témoins, ils tiennent compte de la situation des délinquants autochtones. Ils doivent le faire dans le cadre des principes de détermination de la peine fixés dans le Code criminel. À partir du moment où il y a une peine minimale obligatoire, ils doivent alors tenir compte des circonstances propres à l'affaire en partant d'un nouveau point de départ, qui est celui de la peine minimale obligatoire.

Le sénateur Baker : En effet; au-delà de la peine minimale obligatoire, effectivement.

Mme Kane : Cela n'a jamais été conçu comme une exonération de la peine minimale obligatoire sur le plan des principes. Les tribunaux ont déclaré qu'en cas d'infraction grave il pouvait y avoir des différences significatives entre la peine prononcée envers les délinquants autochtones et les autres justiciables, et on en a tenu compte, même si dans la pratique on constate la présence d'un nombre disproportionné de délinquants autochtones dans notre système de justice.

Le sénateur Baker : Avez-vous d'autres observations à faire?

Mme Kane : J'ajouterais simplement que cela intervient au moment du prononcé de la peine, ce que l'on qualifie souvent d'intervention a posteriori, mais il existe de nombreux programmes dont on encourage l'application au préalable, pour mettre en place des mesures de substitution, et notre propre Stratégie sur la justice autochtone privilégie les sanctions liées à la justice communautaire dans le cas des infractions les moins graves ainsi que le financement d'un certain nombre de programmes très efficaces dans différentes collectivités au Canada.

Le sénateur Baker : Je vous comprends, mais nous sommes un certain nombre à avoir du mal à accepter qu'en vertu de ce projet de loi, si vous le lisez attentivement en vous référant aux dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, vous voyez par exemple que pour une deuxième infraction, le simple fait d'avoir échangé un joint il y a 10 ans requalifie la nouvelle infraction en faisant en sorte qu'elle soit « désignée ». Si la personne poursuivie échange une pilule, elle relève alors de la peine minimale imposée en vertu de l'annexe 1.

On croit trop facilement que cela ne s'applique qu'à des infractions très graves, mais si on examine de près la loi et si on comprend bien les jugements prononcés par les tribunaux en cas de simple échange de pilules ou de joints, par exemple, on en vient à la conclusion qu'un justiciable peut se retrouver pris par ces dispositions contre tous les principes, non seulement exposés par la Cour suprême dans l'affaire Gladue, mais aussi ceux qui figurent dans l'article du Code criminel auquel vous venez de vous référer touchant la détermination de la peine. Nous avons donc du mal à accepter ce genre de chose. Ces peines minimales obligatoires ne vont pas simplement s'appliquer à des infractions très graves. Oui, ces affaires sont graves, qu'on me comprenne bien. On ne doit pas accepter les échanges de pilules, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'ecstasy, mais nous sommes un certain nombre à penser que ces choses servent parfois de piège au niveau des enquêtes qui sont effectuées. Toutefois, c'est une autre question.

Le président : Sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Excusez-moi, je me suis un peu trop lancé. Je sais que je parle trop. C'est mon problème.

Le président : Vous n'avez pas à vous excuser. Je n'ai aucune objection à vous faire.

J'allais simplement dire que vous avez raison; ce sont là les problèmes qui se posent. Je me demandais simplement, toutefois, si les témoins avaient une réponse précise à faire à ce sujet? Le ministère de la Justice a-t-il une précision à apporter sur le plan de la légalité de la chose?

Le sénateur Baker : Je demandais au ministère de la Justice ce que nous devions faire face à cette réalité. Il y a un conflit. Je vous comprends, madame Kane.

Mme Kane : Voulez-vous que je vous le dise? Non, je ne le pourrai pas, je ne veux pas le faire, mais à titre de précision, cependant, les peines minimales obligatoires s'appliquant aux affaires de drogue dans le projet de loi C-10 doivent s'appuyer sur des circonstances aggravantes. Le procureur de la Couronne peut approuver l'existence de circonstances aggravantes.

Le sénateur Baker : Je vous ai dit ce qui constituait une circonstance aggravante — le fait d'échanger un joint.

Mme Kane : L'infraction ultérieure.

Le président : C'est dans la loi.

Le sénateur Baker : Non, c'est la circonstance aggravante qu'elle évoque. Ensuite, lorsqu'on échange une pilule, cela constitue l'infraction.

Mme Kane : Sans vouloir épiloguer, mais à simple titre de précision, les peines minimales obligatoires en matière de drogues s'appuient sur des circonstances aggravantes dont le procureur de la Couronne doit faire la preuve. Il y a aussi une exemption lorsque le tribunal impose un traitement au toxicomane. La peine minimale obligatoire peut aussi être allégée dans ce cas. Si vous prenez le cas d'un délinquant autochtone accusé d'une infraction en matière de drogue, l'exemption est alors possible si le justiciable suit un traitement en matière de drogue ou tout autre traitement prévu dans le cadre de ce programme.

Le sénateur Baker : La peine minimale obligatoire ne s'appliquera donc que si l'on n'a pas recours à un traitement en matière de drogue.

Mme Kane : Ou à tout autre programme.

Le sénateur Baker : Ou à tout autre programme.

Mme Kane : Selon la formulation de la loi, on peut être renvoyé devant un tribunal de traitement de la toxicomanie ou être pris en charge par un programme de traitement de la toxicomanie autorisé par le procureur général de la province. S'il n'existe pas de tribunal de traitement de la toxicomanie parce que l'intéressé n'habite pas à Vancouver, à Edmonton ou dans un autre grand centre urbain, mais s'il existe un autre programme susceptible de le prendre en charge, l'application de la peine est remise à plus tard, il prend part au programme et si tout se passe bien le juge n'a pas besoin d'imposer la peine minimale obligatoire. Il nous reste encore l'autre partie du projet de loi C-10 concernant les peines minimales obligatoires qui s'appliquent aux infractions sexuelles à l'encontre des enfants.

Le sénateur Baker : Restons dans le domaine des drogues.

Mme Kane : Très bien, une exemption est donc possible en matière de drogues.

Le président : Êtes-vous satisfait sur ce point?

Le sénateur Baker : Cela ne me satisfait pas, monsieur le président, mais je vais m'arrêter là.

Le président : J'ai une question supplémentaire à poser au sujet d'une de vos observations antérieures, monsieur le sénateur.

Vous avez évoqué des questions constitutionnelles qui ont été soulevées par certains témoins. Je pense à l'Association du Barreau canadien et au Bureau du Québec, qui considèrent que certaines dispositions du projet de loi C-10 posent des problèmes du point de vue constitutionnel.

Je ne cherche pas à interpréter votre pensée, mais il est indéniable que vous avez envisagé, comme vous le faites dans tout le projet de loi, tous les problèmes pouvant se poser concernant la légalité de ce projet de loi. À un certain nombre de reprises, sur un certain nombre de dispositions du projet de loi C-10, la question de la constitutionnalité a été posée. En tant qu'avocats, nous devons nous y attendre. C'est ce qui se passe toujours.

A-t-on des raisons de s'inquiéter à ce sujet? Pouvons-nous avoir l'assurance que, de votre point de vue, ce projet de loi répond aux exigences de la constitution?

Mme Kane : Oui, comme les ministres l'ont indiqué lors de leur comparution, comme dans tous les projets de loi, on a fait ici en sorte de s'assurer que toutes les dispositions étaient conformes à la Charte. Ce projet de loi en regroupe neuf autres, dont la conformité à la Charte a été vérifiée à l'origine, puis de nouveau lorsqu'on les a regroupés. Nous sommes bien conscients que tous les textes de loi vont être contestés en fonction de la Charte. C'est ce qui se passe depuis que la Charte a été promulguée. La plupart des textes de loi sont contestés. Nous nous attendons évidemment à ce que ces dispositions soient contestées et il s'agit pour nous de les défendre dans toute la mesure du possible. Nous avons la conviction de pouvoir y parvenir.

Le sénateur Jaffer : J'ai oublié de vous poser une question au sujet de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Vous avez entendu les questions que j'ai posées au ministre. Je vous ai aussi posé des questions et nous avons eu des entretiens privés. J'ai seulement besoin d'un éclaircissement. A-t-on déjà divulgué les évaluations concernant les enfants?

Mme Kane : Pas à ma connaissance. Il s'agit là de conseils donnés au ministre pour élaborer les différentes options de réforme du droit.

Le sénateur Jaffer : Je vais reposer cette question, si vous me le permettez.

Je reçois de nombreux courriels de gens qui me disent que par le passé — et je ne suis pas très au courant de la question — on a déjà vu la chose dans des projets de loi antérieurs.

Mme Kingston : Il y a d'un côté les évaluations qui sont faites pour préparer les ministres au sein du cabinet, qui ne sont pas divulguées, mais bien souvent on procède à des évaluations pour différents motifs, ainsi pour rendre compte auprès de l'ONU des progrès réalisés par le Canada dans le cadre de ses obligations en vertu de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Une évaluation pleine et entière sera réalisée dans ce cadre et elle est bien sûr rendue publique. Ce peut être quelque chose de ce genre.

Le sénateur Jaffer : Vous parlez de faire rapport à l'ONU, et j'ai vu le document que vous avez remis en février. Y aura-t-il en septembre un rapport au sujet de la Convention relative aux droits de l'enfant?

Mme Kingston : Oui.

Le sénateur Fraser : Pour qu'il en soit pris acte, je pense que l'échange précédent avec le sénateur Baker portait sur le fait que le projet de loi C-10 dispose, au sujet des drogues, que l'on est passible d'une peine minimale d'emprisonnement d'un an si, entre autres, on a déjà été reconnu coupable d'une infraction désignée en matière de drogue au cours des 10 années antérieures s'il vient s'ajouter une nouvelle infraction.

Le sénateur Baker : Qui porte sur un simple joint.

Le sénateur Fraser : Sur un joint. Ce peut être l'échange d'un joint à deux reprises, 10 ans auparavant et de nouveau à l'heure actuelle.

Le sénateur Baker : Il faut que ce soit une pilule la deuxième fois en vertu de l'annexe 1.

Le sénateur Fraser : De l'annexe 1 ou 2.

Le sénateur Baker : Oui, mais il faut que ce soit une certaine quantité.

Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Ou un très gros joint.

Le sénateur Fraser : En ce qui concerne la réhabilitation, de différents types, une personne ne peut entre autres obtenir la révision de son casier judiciaire si elle a commis plus de trois infractions, chacune d'entre elles ayant fait l'objet d'un acte d'accusation ou encore, par exemple, s'il s'agit d'une infraction d'ordre militaire, et chacune ayant fait l'objet d'une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans.

J'aimerais savoir si pour l'essentiel il faut avoir commis ces trois infractions en trois occasions distinctes ou si elle peut s'appliquer à quelqu'un qui, c'est un exemple que je vous donne, a fait une grosse bêtise alors qu'il n'avait peut- être que 19 ans, est allé se saouler un samedi soir, a été mêlé à une rixe dans un bar, et après avoir quelque peu démoli son adversaire, s'est précipité sur un véhicule pour le voler, a causé des dégâts considérables après avoir roulé à tombeau ouvert, pour finalement décider de mettre le feu à la bibliothèque du coin, tout cela parce qu'il s'est saoulé un samedi soir. Pourra-t-il jamais bénéficier d'une réhabilitation?

M. Churney : C'est bien évidemment une chose que nous avons examinée de près parce que le ministre était très préoccupé par ce genre de situation, lorsqu'une personne fait une énorme bêtise un jour donné. Nous avons donc pris bien soin de rédiger la disposition de manière à ce qu'elle renvoie à des condamnations au titre de trois infractions distinctes, chacune d'entre elles donnant lieu à une peine d'emprisonnement de deux ans au minimum.

Le sénateur Fraser : Dans l'exemple que j'ai cité, il peut y avoir au moins trois infractions graves.

M. Churney : Vous avez raison, mais c'est le résultat qui importe. L'irrecevabilité ne dépend pas des chefs d'inculpation, il faut que l'intéressé soit reconnu coupable de trois infractions entraînant des peines d'emprisonnement d'au moins deux ans. Il ne faut pas simplement qu'il y ait trois chefs d'inculpation; il est possible qu'une seule condamnation soit prononcée à la suite de ce jour funeste.

Le sénateur Fraser : Il faut qu'il soit reconnu coupable d'au moins trois infractions ce jour funeste. Nous réfléchirons à ce cas.

Un peu plus loin, il y a cette disposition — je dois vous préciser qu'on ne peut pas pouvoir prétendre à une réhabilitation lorsqu'on a commis une infraction relevant de l'annexe 1, à moins que l'on bénéficie de certaines exemptions.

On se retrouve alors en présence de ce joli petit paragraphe qui dispose :

Le gouverneur en conseil peut, par décret, modifier l'annexe 1 pour y ajouter ou en retrancher une infraction.

Autrement dit, le cabinet peut tout simplement décider de rajouter ou de retrancher selon son bon plaisir une infraction à l'annexe 1, alors que les décrets sont, à ce qu'il me semble, ce qui s'apparente le plus à des décisions arbitraires du gouvernement. On n'a pas besoin de procéder à des consultations publiques; on les promulgue purement et simplement. Voilà qui m'apparaît assez inhabituel et qui confère des pouvoirs extraordinaires à un gouvernement, quel qu'il soit. Trouve-t-on l'équivalent de ce genre de pouvoir dans d'autres dispositions législatives canadiennes?

M. Churney : Je ne sais pas s'il y a d'équivalent, mais je pense que si le gouvernement a agi ainsi, c'est parce que lorsque de nouvelles sanctions pénales entrent en vigueur, ainsi dans le cas de nouvelles infractions au Code criminel, bien souvent il faut très longtemps pour adapter la loi. Ainsi, certaines modifications apportées à la LSCMLC, qui figurent dans le projet de loi C-10 sont en instance d'application sous une forme ou sous une autre depuis une dizaine d'années. Ce sont tout simplement des modifications techniques ou administratives sur des points que nous nous sommes efforcés de corriger. Étant donné que différents projets de loi sont venus à expiration lors des différentes législatures, nous n'avons pas réussi à y parvenir.

Cette disposition précise s'explique donc par la volonté de remettre à jour plus fréquemment les annexes pour ne pas devoir attendre l'adoption de nouvelles lois, qui peut prendre des années.

Le sénateur Fraser : Lorsqu'on crée une nouvelle infraction, on le fait en vertu de la loi et, par conséquent, pourquoi ne pas prévoir un article disposant « cette infraction figure désormais à l'annexe 1 de cette loi? »

M. Churney : Je ne peux que vous répéter que c'est au gouvernement qu'il appartenait de choisir cette solution.

Le sénateur Fraser : Très bien. Vous n'êtes pas responsable des décisions du gouvernement.

M. Churney : Non.

Le sénateur Fraser : Toutefois, vous pouvez me donner les renseignements techniques.

Dispose-t-on de recherche susceptible de nous faire mieux comprendre les motifs d'une décision visant à prolonger le délai d'attente avant qu'une personne puisse demander une réhabilitation, ce délai étant aujourd'hui de cinq ans en cas de condamnation par voie sommaire et de 10 ans lorsqu'il y a un acte d'accusation?

Là encore, il s'agit d'une décision de politique au bout du compte. Vous ne commentez pas ce genre de chose, et je ne voudrais pas me risquer à vous le demander, mais y a-t-il des études ou des données devant nous permettre de mieux nous informer en présence de ce projet?

M. Churney : Comme l'a dit Mme Kane au sujet des PMO, c'est plus ou moins la même chose en ce qui concerne les régimes de réhabilitation, dont l'administration varie énormément selon les pays, qu'il s'agisse du délai d'attente que l'intéressé doit respecter ou de la durée de celui-ci. Je dois vous dire que la situation est tout à fait particulière et qu'il n'est pas facile de faire des comparaisons vraiment utiles.

Pour ce qui est de la décision visant à porter ce délai à cinq ans en cas de condamnation par voie sommaire, et à 10 ans lorsqu'il y a un acte d'accusation, je sais que l'une des grandes préoccupations du gouvernement était de trouver un bon équilibre. En fin de compte, cependant, c'est le ministre qui a tranché pour maintenir cet équilibre.

Le sénateur Fraser : Je pense qu'il me reste une seule question à vous poser, qui comportera éventuellement deux parties.

Au sujet des appareils de surveillance électronique, nous avons entendu dire par la commissaire à la protection de la vie privée, et en fait l'étude du projet pilote le confirme, que du moins dans l'état actuel de la technique, ces appareils de surveillance électronique peuvent à l'occasion donner des résultats tout à fait erronés. Selon le rapport, on a enregistré dans un cas une mauvaise localisation ou une dérive, je pense que c'est le terme qu'on a employé, de 200 mètres, ce qui peut être très grave, par exemple, dans le cas d'un délinquant auquel on a interdit de s'approcher des parcs ou des bars d'une ville. Il pourrait très bien se retrouver à moins de 200 mètres de ce genre d'endroit si l'appareil est fautif, je pense que vous me comprenez, 200 mètres représentant une distance importante.

Ma première question est la suivante : savez-vous si l'on a envisagé de ne mettre en vigueur cet article qu'une fois que l'on en saura un peu plus concernant les améliorations devant être apportées à la technologie?

En second lieu, y a-t-il un mécanisme d'appel dont peut bénéficier un délinquant qui s'entend dire par le Service correctionnel du Canada : « Vous étiez à tel endroit alors que c'est interdit » ou « Vous avez fait quelque chose que vous n'étiez pas censé faire » alors que le délinquant peut répondre « Non, la machine se trompe »?

M. Churney : Je vais d'abord répondre à la deuxième partie de votre question. Il y aura un mécanisme d'appel au départ de l'opération, lorsqu'on dit à une personne qu'il lui faut porter un appareil de surveillance électronique; il est possible de faire opposition par écrit à ce moment-là. Toutefois, lorsque quelqu'un porte déjà le bracelet et affirme « Ce n'est pas vrai; je n'étais pas là où vous dites » il y a là matière à discussion entre le délinquant, l'agent de libération conditionnelle et le service correctionnel, de sorte que la loi n'intervient pas à ce stade-là.

Pour ce qui est généralement de la disposition, elle entrera en vigueur avec les autres à une date qui sera fixée pour toutes les dispositions de la LSCMLC. Cela dit, le ministre a bien fait savoir au service correctionnel qu'il s'attendait à ce que l'on n'ait recours à la surveillance électronique qu'à partir du moment où l'on disposerait d'un équipement scientifiquement sûr et où les difficultés techniques auraient été résolues. Je m'attends à ce qu'il y ait un ou plusieurs projets pilotes à l'avenir. Comme vous venez de le dire, je considère moi aussi qu'un certain nombre de problèmes doivent être réglés. Je ne pars pas nécessairement du principe que l'on aura recours immédiatement aux appareils de surveillance électronique dès l'entrée en vigueur de ces dispositions.

Le sénateur Fraser : Je vous le répète, je me suis efforcée ce matin de revoir toutes les dispositions d'entrée en vigueur, mais je n'arrive pas à me rappeler ce que j'ai lu au sujet de celle-ci. Serait-il possible de mettre à part l'entrée en vigueur de cet article pour qu'elle soit indépendante de celle des autres?

M. Churney : J'imagine que le comité pourrait alors déposer une motion pour que le gouvernement agisse en ce sens.

Le sénateur Fraser : Je vous demande si on peut le faire d'un point de vue légal.

Mme Kane : Lorsqu'on nous dit « à la date ou aux dates » pour fixer l'entrée en vigueur des dispositions on confère une certaine latitude concernant l'entrée en vigueur de certaines parties de la loi, certaines d'entre elles pouvant entrer en vigueur un an plus tard ou dans un délai raisonnable. Cela s'est déjà pratiqué pour d'autres réformes du Code criminel par le passé. Je ne peux pas vous assurer que c'est là l'intention du législateur.

Le sénateur Fraser : Je pense que c'est le cas. Il me semble qu'à l'article 166 on nous dit « à la date ou aux dates ». Non, attendez; je ne suis pas au bon endroit. Nous allons consulter la chose.

Le sénateur Baker : J'aimerais préciser une chose, pour ne pas me tromper dans mes affirmations. Je ne veux pas faire d'erreur concernant les dispositions qui me semblent figurer dans la loi. Je tiens à avoir un éclaircissement.

Si j'ai bien compris, en vertu de la modification apportée à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, une personne reconnue coupable de trafic en vertu d'une infraction à l'annexe I, ce qui peut se présenter, dans le cadre d'une opération d'infiltration, sous la forme de l'échange d'une pilule d'ecstasy lors d'une fête rave, nous en avons eu de nombreux exemples lors des enquêtes de police, et la circonstance aggravante — Catherine Kane ne manque pas de nous le répéter, il faut qu'il y ait une circonstance aggravante — peut dans ce cas être le fait que cette personne a été reconnue coupable moins de 10 ans auparavant d'une infraction désignée en matière de drogue. Une infraction désignée en matière de drogue, si ma mémoire est bonne, c'est toute infraction relevant des dispositions du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ce qui signifie un échange ou un trafic, quelle qu'en soit la quantité. Il peut s'agir d'un joint de marijuana.

Une infraction est prévue dans ce projet de loi en cas d'échange d'une pilule d'ecstasy, la circonstance aggravante étant le fait d'avoir échangé un joint 10 ans auparavant. En vertu des dispositions de ce projet de loi, cette personne peut se voir infliger une peine minimale obligatoire d'un an, et de deux ans si l'infraction a été commise lors d'un parti rave sur le campus d'une université.

Ai-je raison ou tort de faire cette analyse?

M. Saint-Denis : Je vous répondrai que vous avez à la fois tort et raison. Votre analyse est la bonne dans l'exemple que vous prenez au départ. La circonstance aggravante de l'infraction ayant consisté à échanger un joint moins de 10 ans avant la deuxième infraction représentée par l'échange d'une pilule d'ecstasy, qui revient à un trafic, entraînera l'imposition d'une peine minimale, soit celle d'un an.

Le sénateur Baker : Très bien.

M. Saint-Denis : Pour ce qui est de la deuxième infraction, à savoir dans le cadre de l'organisation d'un parti rave sur le campus ou près d'un campus d'une université, je ne suis pas sûr que la mesure va alors s'appliquer. Il faudra dans ce cas qu'un juge détermine dans quelle mesure on retrouve couramment des jeunes de 18 ans sur le campus d'une université. C'est une question de fait qui devra être tranchée par le juge.

Le sénateur Baker : S'il s'agit d'une université en général, on peut couramment y trouver des personnes de 17 ou de 18 ans, mais ce n'est peut-être pas le cas dans une faculté de droit ou de médecine. Ai-je raison de dire que la peine minimale obligatoire d'un an va s'appliquer dans l'exemple que j'ai donné. Bien évidemment, c'est le tribunal qui devra trancher pour savoir si cette peine sera de un ou de deux ans.

M. Saint-Denis : L'autre facteur, bien entendu, concernant la première partie de votre exemple, c'est que si une pilule est donnée...

Le sénateur Baker : Ou achetée.

M. Saint-Denis : Ou achetée — enfin, pas achetée, mais vendue. L'achat d'une pilule n'est pas une infraction.

Le sénateur Baker : Vous avez raison, l'achat est protégé, mais pas la vente.

M. Saint-Denis : La vente fait l'objet d'une infraction, mais pas l'achat. Il est alors possible que le juge, si les circonstances l'exigent, puisse imposer ou proposer un traitement à la personne ayant donné la pilule, ce qui fait qu'au bout du compte il n'aura pas à imposer la peine minimale obligatoire au cas où le traitement est suivi avec succès.

Le sénateur Baker : Cela, nous le savons. Vous avez constamment répété à notre comité que la personne qui passe devant un tribunal de traitement de la toxicomanie ou qui suit un traitement bénéficie effectivement d'une exemption. Toutefois, ce n'est pas ce qui m'intéresse ici. Je cherche simplement à savoir ce que dit la loi, au mot près, et vous avez comme toujours bien répondu à ma question.

Le sénateur Lang : J'aimerais préciser davantage. C'est un sujet qui nous préoccupe, sénateur Baker, car il est évident que nous n'aimerions pas qu'une personne se retrouve en prison pendant un certain temps sans que l'on ait évalué tous les éléments en jeu. Le tribunal dispose d'un pouvoir discrétionnaire et peut renvoyer l'intéressé devant un programme de traitement de la toxicomanie, ce qui fait que la disposition ne s'appliquerait pas. C'est bien ça?

M. Saint-Denis : Oui, c'est bien ça. Si une personne, et nous parlons ici d'une situation concrète et non pas d'un problème de droit, a donné ou trafiqué un joint moins de 10 ans auparavant pour être ensuite reconnue coupable de donner une ou plusieurs pilules, on peut alors se demander à quel point elle est impliquée dans des activités illégales. Si, 10 ans après l'infraction initiale, cette personne continue à distribuer des pilules, certains vont peut-être se demander si ce cas est vraiment bénin, même si l'on pourra entendre bien des témoignages concernant l'innocuité de l'opération qui consiste à distribuer des pilules d'ecstasy. Il n'en reste pas moins que le seul fait de donner cette pilule est peut-être le signe d'un certain comportement.

Le sénateur Lang : Je voudrais aller encore un peu plus loin dans cette voie parce que si l'on en croit mon ami, le sénateur Baker, on a presque l'impression que l'on n'a fait que passer un cachet d'aspirine ou de Tylenol 3. En réalité, il arrive quand on passe des pilules, par exemple des pilules d'ecstasy, que l'on tue quelqu'un. Poursuivons un peu plus loin l'analyse.

Je ne suis pas avocat. Toutefois, prenons le cas d'une personne qui meurt lorsqu'on lui a donné une pilule. Je ne sais pas si le sénateur Baker va parler dans ce cas de trafiquant ou de bon samaritain, mais est-ce qu'il peut y avoir une accusation de meurtre?

M. Saint-Denis : Il pourra y avoir accusation d'homicide sous une certaine forme; je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de meurtre. Je pense que vous avez raison, il y a eu des morts à la suite de la consommation de pilules d'ecstasy. Toutefois, il est difficile de savoir exactement si une ou deux pilules suffisent ou s'il en faut davantage. Le problème de l'ecstasy, c'est que cette drogue n'est pas produite par des moyens légaux. Dans la pratique, comme dans nombre d'échanges de drogues chimiques de ce type, l'acheteur ne sait pas exactement quelle est la composition du produit. Bien souvent, le vendeur ne le sait pas non plus parce que ce n'est pas lui qui fabrique les pilules, il se contente d'en acheter un lot et de les revendre.

En ce qui a trait aux pilules d'ecstasy, par exemple, il y a un certain nombre d'éléments étrangers qui entrent dans la composition des pilules. Certains de ces ingrédients ne sont pas particulièrement dangereux, c'est le cas de la caféine, du glucose ou des différents composants de cette nature; toutefois, il arrive que l'on trouve aussi de la méthamphétamine, qui sert de liant dans les pilules d'ecstasy. Dans un ou deux cas, on a eu recours à la strychnine — pas au Canada, cependant, si je me souviens bien. Il y a donc de véritables inconnues qui présentent de gros risques.

Le sénateur Frum : Pour changer de sujet, avez-vous relevé le témoignage de David Quayat? Que répondez-vous à l'argument selon lequel la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme enfreint les dispositions constitutionnelles sur la séparation des pouvoirs et plus précisément le fait que le droit d'intenter des poursuites privées relève des compétences provinciales? Ce témoin affirme par ailleurs que les dispositions de la loi venant modifier la State of the Union Act risquent de mettre le Canada en infraction par rapport au droit international. Avez-vous eu l'occasion de revoir la question?

Larisa Galadza, directrice principale, Politiques de la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : Oui. J'étais là, en fait, et j'ai entendu son témoignage. Tout d'abord, la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme a pour objectif de dissuader le terrorisme. Le gouvernement estime que toutes les dispositions de la loi se justifient sur le plan juridique. Cette loi prévoit des mesures tout à fait conformes aux autres mesures de lutte contre le terrorisme au Canada. Je reprendrai ce qu'a dit Mme Kane tout à l'heure au sujet du respect de la Charte. C'est la même chose dans ce cas, en ce sens qu'on tient toujours compte de cette réalité. Cette loi vous est présentée aujourd'hui parce que le gouvernement estime que ces dispositions sont justifiées sur le plan juridique.

Pour ce qui est du droit international et de ses implications, nous avons ici un collègue de la section juridique du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui pourra vous renseigner sur ce point. Je vais demander à M. Wendell Sanford de venir à la table.

Wendell Sanford, directeur, Direction du droit criminel, de la sécurité et de la diplomatie, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je suis le directeur du droit criminel, de la sécurité et de la diplomatie au sein du bureau juridique du ministère. J'étais présent moi aussi l'autre jour lors de l'intervention de ce groupe de témoins.

On a cité directement le cas de l'Allemagne et de l'Italie pour évoquer l'éventualité que la loi proposée par le Canada enfreigne le droit international. Nous avons revu de près la question. Cette affaire est intervenue le 3 mars, mais elle portait sur la question de l'immunité souveraine. Il a été jugé dans cette affaire que l'Allemagne n'avait pas à répondre d'une responsabilité délictuelle devant les tribunaux italiens en raison du préjudice causé aux personnes à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela s'explique par l'intervention du principe coutumier d'immunité souveraine en droit international.

Nous ne pensons pas que la loi canadienne actuelle corresponde à ce genre de situation. Toute affaire portée à l'attention du Tribunal international doit être décidée entre les deux parties. Contrairement au Canada, où la Cour suprême prononce une décision qui engage toutes les provinces, lorsqu'on se rend devant la Cour de justice internationale, les deux parties comparaissent et elles sont liées par la décision.

En premier lieu, la décision n'engage pas le Canada; en second lieu, nous ne pensons pas que la législation canadienne, telle qu'elle est rédigée, relève le moins du monde de la même situation.

Le sénateur Jaffer : Je me trompe peut-être, mais j'avais compris qu'il appartenait aux provinces et non pas au gouvernement fédéral d'intenter des poursuites. C'est ce qu'il m'avait semblé entendre dire aux témoins, en l'occurrence que les poursuites relevaient des compétences provinciales.

M. Sanford : Ces deux choses ont été dites, mais par l'autre groupe de témoins, pas par moi.

Le sénateur Jaffer : Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Sanford : Je ne peux pas, parce que je m'occupe de droit international.

Le sénateur Fraser : Puis-je vous poser une question avant que vous partiez?

M. Sanford : Bien sûr, faites.

Le sénateur Fraser : Il me semble avoir lu, lorsque j'ai pris connaissance de cette affaire — et je n'ai pas eu le temps d'y revenir pour m'en assurer — que l'une des complications venait du fait qu'il y avait déjà eu un accord passé entre l'Allemagne et l'Italie, plus précisément que l'Italie disait « Ce que nous avons signé auparavant ne nous intéresse pas. Nous allons de toute façon vous traduire devant les tribunaux » ce qui évidemment ne serait pas le cas dans le cadre de ce projet de loi.

M. Sanford : Oui. C'est un jugement classique de 50 pages. Une partie de ce jugement traite de ce point précis. L'Italie s'est opposée à l'Allemagne étant donné que même si l'Allemagne et l'Italie s'étaient entendues sur un règlement dans les années 50, tout le monde n'était pas couvert. Certains groupes italiens ont jugé qu'ils n'avaient pas été suffisamment indemnisés et ils ont donc porté l'affaire devant les tribunaux. Bien évidemment, l'autre complication venait du fait qu'il y avait des propriétés allemandes en Italie qui pouvaient être saisies à titre de compensation. L'Allemagne s'y est, bien entendu, opposée.

Pour ce qui est de la situation entourant ce jugement, vous avez tout à fait raison. Certains groupes de personnes n'étaient pas satisfaits et c'est pourquoi on s'est retrouvé au départ dans cette situation.

Le président : Monsieur Sanford, lorsque le sénateur Jaffer nous dit qu'il appartient aux provinces d'intenter un recours, pensez-vous que M. Walma puisse répondre à cette question?

M. Sanford : Non, ce n'est pas à nous d'y répondre. Cela relève du ministère de la Justice Canada. C'est du droit interne.

Mme Kane : Je pense que Mme Galadza est susceptible de vous répondre, étant donné qu'elle a la responsabilité générale de la loi.

Mme Galadza : Il est vrai que la propriété et les droits civils relèvent des compétences provinciales; il ne faut pas oublier cependant que l'objectif de ce projet de loi est de lutter contre le terrorisme et que la loi sur l'immunité des États relève de toute évidence des compétences fédérales.

Le sénateur Jaffer : C'est une très bonne chose. J'ai déjà passé par ce genre de procédure. Je suis content de voir ces dispositions, mais va-t-on avoir gain de cause, étant donné qu'il appartient aux provinces d'intenter les poursuites? Je comprends bien ce que vous nous dites, mais cela reste à déterminer.

Le président : Merci, chers collègues. Voilà qui met fin à l'audition de notre dernier groupe de témoins dans le cadre de l'examen du projet de loi C-10.

Je tiens à remercier chacun d'entre vous. Ce fut pour nous une expérience assez exceptionnelle de pouvoir recueillir ce genre d'information et poser toutes ces questions, et nous vous en remercions. Si nous ne l'avions pas fait auparavant, le problème ce serait posé au moment de l'examen article par article. Je pense que notre procédure en sera plus efficace. Nous vous remercions de votre collaboration.

Après quatre semaines d'examen et après avoir entendu plus de 125 témoins pour passer en revue, il faut l'espérer, tous les principaux enjeux posés par le projet de loi C-10, nous allons passer à l'examen article par article de ce projet de loi.

Auparavant, je tiens à rappeler un certain nombre de choses aux sénateurs. Je sais que dans chaque camp on veut s'assurer que notre comité travaille le mieux possible afin que le Sénat soit bien informé lorsqu'il prendra connaissance de ce projet de loi.

Si à un moment ou à un autre, un sénateur ne sait pas exactement où nous en sommes, qu'il n'hésite pas à demander des éclaircissements. Nous devons faire tout notre possible pour être toujours sûrs de bien savoir où nous en sommes dans le cadre de notre procédure.

Pour ce qui est de notre façon d'opérer dans la pratique, je tiens à rappeler aux sénateurs que lorsque plus d'un amendement est déposé à l'intérieur d'un même article, « Les amendements doivent être proposés suivant l'ordre des lignes du texte à modifier ». Cela figure au paragraphe 697(2) du Beauchesne.

Par conséquent, avant de passer à l'examen d'un amendement à l'intérieur d'un article, je vérifierai si des sénateurs avaient l'intention de déposer antérieurement un amendement sur ce même article. Si des sénateurs ont effectivement l'intention de déposer un amendement antérieur, ils auront la possibilité de le faire.

Si un sénateur est opposé à l'intégralité d'un article, je vous signale qu'en comité la meilleure façon de procéder n'est pas de déposer une motion pour retirer la totalité de l'article, mais plutôt de voter contre l'article figurant dans le cadre du projet de loi. Sur cette question, je renvoie là encore les sénateurs au paragraphe 698(6) du Beauchesne, qui dispose « Il est interdit au président du comité de recevoir un amendement s'il ne vise qu'à supprimer un article, puisqu'il suffit dans ce cas de voter contre l'article en question ».

Je rappelle aux sénateurs que certains amendements déposés peuvent avoir des conséquences sur d'autres parties du projet de loi. Il est très important que notre comité soit cohérent dans ses décisions et qu'il y ait une certaine uniformité dans l'ensemble du projet de loi. Je renvoie les sénateurs au paragraphe 698(2) du Beauchesne, qui dispose « Il est interdit au président du comité de recevoir un amendement s'il va à l'encontre ou s'écarte des dispositions du projet de loi adoptées jusque-là par le comité s'il contredit une décision que le comité a rendue au sujet d'un amendement antérieur ».

Dans l'esprit de cette déclaration, il serait très utile dans le cadre de cette procédure que lorsqu'un sénateur dépose un amendement, il précise au comité quels sont les autres articles de ce projet de loi sur lesquels l'amendement peut avoir des conséquences. Sinon, il pourrait être très difficile pour les membres du comité de rester cohérents dans leurs décisions. Notre personnel s'efforcera de prendre note des articles devant faire l'objet d'amendements ultérieurs et il en informera les sénateurs. Étant donné qu'aucun avis préalable n'est exigé pour déposer un amendement, il se peut, évidemment, qu'aucune analyse préalable des amendements n'ait été faite pour savoir quels sont ceux qui sont susceptibles d'être conformes ou ceux qui peuvent être contradictoires.

Si des membres du comité ont des questions à poser sur la procédure ou sur le bien-fondé d'une intervention, ils peuvent faire appel au règlement. En ma qualité de président, j'écouterai l'argumentation, je déciderai dans quelle mesure la question faisant l'objet d'un rappel au règlement a été suffisamment débattue, et je trancherai. Le comité est, bien entendu, le juge en dernière analyse de sa façon de procéder dans les limites établies par le Sénat et on peut faire appel de mon jugement devant l'ensemble du comité en lui demandant de se prononcer.

En ma qualité de président, je ferai tout mon possible pour m'assurer que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole aient la possibilité de le faire. Dans cette optique, cependant, je compte sur votre collaboration et je demanderai à tous les sénateurs de penser à leurs collègues et de rester aussi concis que possible dans leurs interventions.

Enfin, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs qu'en cas de doute sur les résultats d'un vote par acclamation ou à main levée, l'usage est de faire appel à un vote nominal, qui supprime toute ambiguïté. Les sénateurs n'ignorent pas que la motion mise au vote est rejetée en cas d'égalité de voix.

Je tiens aussi à signaler — et nous en avons discuté avec la vice-présidente Fraser; c'est la pratique, mais je ne suis pas sûr qu'on procède normalement ainsi lors de l'examen article par article — étant donné le temps que nous avons consacré à ce projet de loi et la complexité des sujets qui y sont traités, si je passe à l'étude d'un article que l'un des membres de notre comité souhaite remettre à plus tard ou écarter en attendant un examen ultérieur, que ce soit pour l'amender ou dans tout autre but, il pourra demander que l'on procède de cette manière et je l'autoriserai, passant ainsi à l'examen de l'article suivant.

Une fois que tous les articles auront été passés en revue de cette manière, tous ceux dont l'étude aura été remise à plus tard ou qui auront été écartés seront alors examinés dans l'ordre où ils ont été mis de côté au départ.

Chers collègues, y a-t-il des questions au sujet de ce qui précède? Dans la négative, je pense que nous pouvons y aller.

Le sénateur Fraser : Je pense que nous avons convenu que les articles dont l'étude est reportée aujourd'hui seront examinés lundi matin.

Le président : Oui, c'est vrai. C'est exact. Sénateur, vous me rappelez que je devrais signaler aux sénateurs que le fait de réserver certains articles peut avoir des répercussions sur d'autres articles du projet de loi. Je vous invite donc à mentionner ce fait et à demander le report de plusieurs articles qui touchent une même question à laquelle vous pensez; il n'est pas nécessaire de mentionner la question, il n'est pas nécessaire de motiver la demande de report, mais cela simplifierait beaucoup le processus.

Y a-t-il d'autres questions?

Est-il convenu de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois?

Le sénateur Fraser : Pour le compte rendu, je me demande si vous ne pourriez pas demander à la greffière de lire le titre du projet de loi en français. Je ne vais pas demander cela pour chaque article, mais il me paraît important de le faire pour le titre.

Le président : Très bien, c'est une excellente suggestion.

[Français]

Shaila Anwar, greffière du comité : Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.

[Traduction]

Le président : Êtes-vous d'accord pour reporter l'adoption du titre?

Des voix : D'accord.

Le président : D'accord.

Le titre abrégé de ce projet de loi est la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : D'accord. L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Une voix : Reporté.

Le président : Nous avons une demande de report, que nous allons accorder, au sujet de l'article 2, et qui émane du sénateur Runciman.

L'article 3 est-il adopté?

Une voix : Reporté.

Le président : Nous avons une demande de report de l'article 3, qui sera reporté ou réservé.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 5 est-il adopté?

Une voix : Reporté.

Le président : Il y a une demande de report pour l'article 5. Il est reporté.

L'article 6 est-il adopté?

Une voix : Reporté.

Le président : Report demandé et accordé pour l'article 6.

L'article 7 est-il adopté?

Une voix : Reporté.

Le président : Demande de report de l'article 7, report accordé.

L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 9 est-il adopté?

Le sénateur Runciman : Reporté.

Le président : Il y a une demande de report, qui est accordée, pour l'article 9.

L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 11 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 12 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 13 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 14 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 15 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 16 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 17 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 18 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 19 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 20 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 21 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Reporté.

Le président : Le report est demandé et accordé pour l'article 21.

L'article 22 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 23 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le sénateur Fraser : Reporté.

Le président : Y a-t-il eu une demande de report?

Le sénateur Fraser : Oui.

Le président : L'article 23 n'a pas été adopté. Le report a été accordé pour l'article 23.

L'article 24 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 25 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 26 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 27 est-il adopté?

Le président : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 28 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 29 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 30 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 31 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 32 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 33 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 34 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Reporté.

Le président : Demande de report, accordée, pour l'article 34.

L'article 35 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 36 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 37 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 38 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Nous arrivons aux articles qui touchent la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, l'article 39 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 39.

L'article 40 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 41 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : La demande de report à l'égard de l'article 41 est accordée.

L'article 42 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 42.

L'article 43 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 43.

L'article 44 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 45 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 46 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 47 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 48 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 49 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 50 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 51 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 52 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 53 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 54 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 54.

L'article 55 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 56 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 57 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 57.

L'article 58 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 59 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 60 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 61 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 62 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : D'accord.

L'article 63 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 64 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 64.

L'article 65 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 66 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 67 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 68 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 69 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 69.

L'article 70 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 71 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 72 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 73 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 74 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 75 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 76 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 77 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 78 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 79 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 80 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 81 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 82 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 83 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 84 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 85 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 86 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 87 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 88 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 89 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 90 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 91 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 92 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 92.

L'article 93 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 94 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 95 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 96 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 97 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 98 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 99 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 100 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 101 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 102 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 103 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 104 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 105 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 106 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 107 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 108 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 109 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 110 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 111 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 112 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 113 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 114 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 115 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 115.

L'article 116 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 117 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 118 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 119 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 120 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 121 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 122 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 123 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 124 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 125 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 126 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 127 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 128 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 129 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 130 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 131 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 131.

L'article 132 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 132.

L'article 133 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 134 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 135 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 136 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 136.

L'article 137 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 138 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 139 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 140 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 141 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 142 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 143 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 144 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 145 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 146 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 147 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 148 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 149 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 150 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 151 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 152 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 153 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 154 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 155 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 156 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 157 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 158 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 159 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 160 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 161 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 162 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 163 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 164 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 165 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 166 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 166.

L'article 167 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 167.

L'article 168 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 168.

L'article 169 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 169.

L'article 170 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 171 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 172 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 172.

L'article 173 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 174 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 175 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 176 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 177 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 178 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 179 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 180 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 181 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 182 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 183 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 184 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 185 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 185.

L'article 186 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 186.

L'article 187 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 188 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 189 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 190 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 191 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 192 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 193 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 194 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 195 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 196 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 197 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 198 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 199 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 200 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 201 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 202 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 203 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 204 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 205 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 206 est-il adopté?

Le sénateur Fraser : Report demandé.

Le président : Demande de report accordée à l'égard de l'article 206.

L'article 207 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 208 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Chers collègues, nous allons parler de notre calendrier après avoir examiné tous les reports, sur lesquels bien évidemment nous devons revenir. Comme le sénateur Fraser l'a demandé au début au sujet des reports, nous allons les examiner à partir de lundi et nous suivrons l'ordre dans lequel nous les avons reportés.

Lundi également, lorsque nous aurons achevé notre examen du projet de loi et de chacun des reports, comme vous le savez, nous pourrons parler des observations touchant le projet de loi, qui n'ont pas d'effet sur celui-ci, mais qui constituent simplement les observations que le comité souhaite formuler dans le but d'attirer sur certains points l'attention des ministères compétents. Nous parlerons également de cela lundi.

Voilà qui termine, je crois, nos travaux d'aujourd'hui.

Le sénateur Fraser : Monsieur le président, je sais que tout le monde veut partir le plus rapidement possible...

Le sénateur Angus : Non. Nous sommes prêts à poursuivre.

Le sénateur Fraser : Je me demande s'il ne serait pas utile de tenir une session à huis clos de cinq minutes parce que je tiens pour acquis que ce sera la Bibliothèque du Parlement qui va rédiger nos observations. Si nous avons des observations le moindrement longues et que nous voulons toutes les examiner lundi, cela va être un peu difficile pour les rédacteurs qui doivent commencer immédiatement. Je ne sais pas ce que vous pensez de la suggestion suivante : nous pourrions siéger à huis clos pendant cinq minutes exactement pour que les membres du comité puissent dire « J'aimerais que nous fassions quelque chose au sujet des points suivants. »

Le président : Je pense qu'une discussion à huis clos à ce sujet serait une bonne idée. Il ne me paraît pas approprié de parler maintenant des observations, parce que nous n'avons pas encore examiné les reports et leurs répercussions éventuelles. Je pense que nous pouvons avoir une discussion à huis clos, pour le cas où quelqu'un aimerait signaler certaines questions, les porter à l'attention des collègues et pendant la fin de semaine, s'ils pouvaient noter leurs idées pour les présenter lorsque nous arriverons ici lundi.

Chers collègues, avez-vous d'autres observations au sujet du processus, d'autres questions? Très bien. Merci. Nous allons suspendre la séance pendant un instant et siéger ensuite à huis clos. Je propose que le personnel des membres du comité puisse demeurer dans la salle pendant la séance à huis clos. Si vous le souhaitez, je peux accepter une motion à cet effet.

Le sénateur Fraser : Je la propose.

Le président : Merci. Nous reverrons lundi à 8 h 30 les invités qui siègent à l'extrémité de la table.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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