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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages du 6 juin 2012


OTTAWA, le mercredi 6 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel (l'arrestation par des citoyens et moyens de défense relativement aux biens et aux personnes), se réunit ce jour à 16 h 15 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Note de la rédaction : une partie des témoignages a été présentée par l'intermédiaire d'un interprète en mandarin]

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à tous, y compris aux membres du public qui regardent la séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'aujourd'hui sur le réseau de télévision CPAC.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel (l'arrestation par des citoyens et moyens de défense relativement aux biens et aux personnes). Ce projet de loi a été introduit une première fois devant la Chambre des communes le 22 novembre de l'année dernière. Le résumé du projet de loi énonce qu'il :

... modifie le Code criminel afin de permettre au propriétaire d'un bien ou à la personne en ayant la possession légitime, ainsi qu'à toute personne qu'il autorise, d'arrêter dans un délai raisonnable toute personne qu'il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur le bien ou relativement à celui-ci. Le projet de loi modifie également le Code criminel afin de simplifier les dispositions afin de simplifier les dispositions relatives à la défense des biens et des personnes.

Le projet de loi C-26 a été renvoyé au comité par le Sénat le 15 mai de cette année. C'est la quatrième séance que nous consacrons au projet de loi. Nous allons terminer nos audiences publiques et nous passerons à l'étude article par article à partir de demain. Ces audiences sont publiques et peuvent également être regardées par webdiffusion sur le site www.parl.gc.ca. Vous trouverez d'autres informations sur le calendrier des témoins sur le site web, sous la rubrique « Comités du Sénat ».

Notre premier groupe de témoins comprend David Chen, propriétaire du Lucky Moose Food Mart et son avocate, Mme Chi-Kun Shi. Comme la plupart d'entre vous le savent, M. Chen a été impliqué dans un incident très médiatisé dans son magasin de Toronto en mai 2009. Joseph Singleton et Marilyn Singleton ont également été impliqués dans une affaire bien connue qui est survenue sur leur propriété à Taber, en Alberta, en mai 2010. M. Alex Scholten est le président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, qui représente plus de 31 000 membres au Canada, notamment des grandes chaînes de magasins, des exploitants de dépanneurs indépendants, des vendeurs d'essence et des détaillants de produits alimentaires.

J'imagine que ces trois groupes souhaitent présenter des déclarations préliminaires ou des commentaires pour commencer.

Chi-Kun Shi, avocate, à titre personnel : Sénateurs, je vais axer mes commentaires sur l'article 3 du projet de loi C-26, qui modifie le paragraphe 494(2) du Code criminel, ce que l'on appelle la « disposition relative à l'arrestation par un particulier ». Je suis avocate et je pratique principalement dans le domaine civil, bien loin des tribunaux pénaux. En 2009, je suis intervenue dans le débat public au sujet du droit des particuliers en matière d'arrestation qu'a suscité le cas de M. Chen. J'ai parlé à de nombreux propriétaires de magasins et abordé ces questions publiquement et dans les médias aussi bien en anglais qu'en chinois.

Il est ressorti deux points de toutes ces discussions. Premièrement, les Canadiens rejettent catégoriquement toute disposition qui protège le criminel et condamne la victime. Cela va à l'encontre de leur sens du bien et du mal. Deuxièmement, les Canadiens se demandent pourquoi l'intervention des citoyens n'est pas compatible avec le rôle que joue le gouvernement dans nos vies. Le projet de modification au Code criminel soumis au comité aujourd'hui — en particulier l'article 3 du projet de loi C-26 — a des répercussions fondamentales parce qu'il tente de rééquilibrer non seulement les droits des criminels et des victimes, droits qui s'opposent, mais également les rôles apparemment antagonistes du gouvernement et du public dans la protection de nos collectivités.

Je dois dire dès le départ que j'appuie ces modifications parce qu'elles constituent une première mesure judicieuse et que le Parlement va, je l'espère, en prendre beaucoup d'autres pour rééquilibrer notre droit. La modification proposée supprime la restriction actuelle qui est impraticable parce qu'elle limite le pouvoir d'arrestation du particulier à une fenêtre d'opportunité très étroite, à savoir le moment où le criminel est en train de commettre l'infraction. Dans le cas de M. Chen, il a arrêté le voleur à l'étalage une heure après la perpétration du crime et la police lui a refusé le moyen de défense fondée sur le pouvoir des citoyens en matière d'arrestation.

La suite a été dramatique. Le système a transformé les éléments essentiels de l'arrestation, de n'importe quelle arrestation, en des accusations très graves d'enlèvement et de séquestration et a fait de la victime un grand criminel. Le dépôt d'accusations graves a immédiatement des conséquences pénales.

Dans le cas de M. Chen, il a passé la nuit en prison et a dû assister à une enquête sur cautionnement devant le tribunal le lendemain avant d'être remis en liberté. La plupart des voleurs à l'étalage ne passent pas la nuit en prison même s'ils sont condamnés.

Le Code criminel impose donc des peines plus sévères en cas d'arrestation illégale par un particulier que pour un vol à l'étalage. Le projet de loi C-26 ne modifiera pas cette situation.

C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il faut faire davantage pour corriger ce déséquilibre entre la façon dont nous traitons un criminel d'un côté et de l'autre, le propriétaire de magasin qui ne fait que défendre son moyen de subsistance. Il convient d'envisager sérieusement d'introduire d'autres modifications pour donner aux victimes d'un crime plus de protection entre le moment où le particulier effectue une arrestation idéale et celui où ce particulier devient tout à coup un prétendu ravisseur. Une autre façon de renforcer la protection des victimes du crime serait d'agir autrement à l'étape de l'application de la loi.

Le Parlement l'invoque rarement mais il possède en réalité le pouvoir suprême en matière de mise en œuvre du Code criminel. Il devrait être davantage enclin à l'exercer pour indiquer la voie à suivre aux poursuivants, aux provinces et appuyer davantage les victimes qui se trouvent prises dans un système qui peut se retourner contre elles en une seconde.

Pendant les nombreux débats auxquels j'ai participé, les opposants au droit des citoyens en matière d'arrestation le qualifiaient de « justice privée ». Pour l'essentiel, ces opposants estiment que l'intervention des citoyens constitue de l'anarchie. Dans une certaine mesure, le traitement sévère que le Code criminel accorde aux propriétaires de magasin reflète également ce point de vue. Il reflète le malaise du gouvernement qui, par manque de confiance, ne souhaite pas voir les Canadiens participer à la protection de leur société. Le débat que soulève l'arrestation par un particulier offre la possibilité de revoir le rôle que tous les Canadiens devraient jouer dans notre société et du partenariat que nous devons construire avec notre gouvernement si nous voulons faire du Canada un pays plus fort.

Je n'oublierai jamais le propriétaire de magasin qui m'a déclaré qu'après avoir attrapé un voleur à l'étalage et en attendant l'arrivée de la police, il avait plus peur que le voleur de ce que les policiers allaient leur faire. Cela n'est pas bien et cela doit changer.

En chinois, le mot « démocratie » est composé de deux caractères : le premier veut dire « citoyen » et l'autre veut dire « décider ». Le projet de loi C-26 est un pas dans la bonne direction.

Le président : Monsieur Chen, voulez-vous faire une déclaration?

[Traduction de l'interprétation]

David Chen, propriétaire, Lucky Moose Food Mart, à titre personnel : Je m'appelle David Chen. Je suis propriétaire du magasin Lucky Moose Food Mart. Lorsque je voyais quelqu'un qui me volait, il fallait que je demande à la police de venir et d'arrêter ces voleurs à l'étalage, mais il arrivait parfois que les voleurs s'échappent.

Habituellement, ce sont des récidivistes et ils reviennent dans mon magasin. Ils s'enfuient parce qu'ils savent fort bien que la police aura du mal à les retrouver et à les retracer. Dans ces circonstances, habituellement, si nous devons appeler les policiers et attendre leur arrivée, si les voleurs nous frappent ou nous donnent des coups de pied, le propriétaire du magasin ou les employés peuvent utiliser un certain degré de force pour empêcher les voleurs à l'étalage de les frapper ou de leur donner des coups de pied. Nous pensons que le droit devrait être du côté des employés et des propriétaires de magasin parce que ce sont les voleurs à l'étalage qui sont les délinquants, les criminels. Ce n'est qu'en agissant de cette façon que les propriétaires de magasin, les employés et les collaborateurs seront véritablement protégés par le droit et que les voleurs à l'étalage ne séviront pas en échappant à toute responsabilité criminelle.

Selon la version actuelle de notre droit pénal, lorsqu'il y a un affrontement entre le propriétaire du magasin et le voleur à l'étalage, les droits du voleur à l'étalage sont beaucoup mieux protégés que ceux du propriétaire de magasin. C'est pourquoi il arrive que les propriétaires doivent dépenser beaucoup de temps et d'argent pour se défendre devant les tribunaux. S'il ne veut pas consacrer trop de temps ou d'argent à ce genre de situation, alors le propriétaire doit tout simplement s'abstenir de faire quoi que ce soit.

Cette situation est très délicate pour les propriétaires de magasin et leurs collaborateurs. Les propriétaires qui ont vécu ce genre de choses, lorsqu'ils ont rencontré ces situations, décident parfois de ne pas intervenir parce que cela ne vaut pas la peine ni l'effort de faire quoi que ce soit et ils inscrivent simplement du côté des profits et pertes les marchandises volées. L'effet de tout cela est que le nombre des voleurs et des voleurs à l'étalage qui viennent les dévaliser ne pourra qu'augmenter.

Les propriétaires de magasin sont très souvent confrontés à des voleurs à l'étalage dans leurs activités quotidiennes parce que nous avons beaucoup de clients. Il nous est difficile d'accepter le fait que ces personnes puissent venir régulièrement nous voler nos produits. Si c'est la façon qu'il faut agir, alors nous ne pourrons pas exploiter notre entreprise.

Je vais vous donner un exemple. Si quelqu'un vient chez vous voler une pomme tous les jours, à un moment donné, vous allez vous mettre en colère à cause du fait que l'on vous vole une pomme tous les jours. J'ai un client. Il a volé quelque chose hier et il est revenu au magasin aujourd'hui. Je lui ai dit que nous savions qu'il nous avait pris quelque chose hier et il a répondu : « Et bien, je ne vous ai rien volé aujourd'hui, alors qu'est-ce que vous allez faire? »

Nous devons faire face tous les jours à ce genre de problèmes et de difficultés; c'est pourquoi nous espérons que ce genre de situation sera réglé le plus tôt possible. Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Joseph Singleton, à titre personnel : Nous remercions le comité de nous avoir invités à comparaître devant vous. Nous sommes honorés d'avoir contribué à changer des lois qui touchent tous les Canadiens. En tant que propriétaire d'une maison et victime d'une introduction par effraction qui a été par la suite accusé d'avoir agressé l'intrus, je suis heureux de voir que notre gouvernement prend des mesures pour protéger les droits des propriétaires.

J'appuie les modifications apportées au Code criminel actuel grâce au projet de loi C-26, mais j'estime qu'il demeure encore de nombreuses zones grises. Pour ce qui est des modifications proposées au pouvoir d'arrestation du particulier et de la légitime défense, la réaction instinctive d'un particulier n'a pas été prise en compte. Il est prévisible que, lorsqu'un citoyen ou un propriétaire entend un bruit anormal ou voit quelque chose de bizarre, il va instinctivement regarder ce qui se passe pour protéger sa maison, pour satisfaire sa curiosité, voire même pour éviter d'appeler sans raison la police.

Il y a également le fait que ces citoyens et propriétaires vont instinctivement prendre quelque chose pour s'armer et se protéger. Ce n'est pas toujours une arme à feu mais plutôt ce qui se trouve à portée de la main : un bâton de golf, une batte de baseball, un balai, par exemple. On peut s'attendre certainement à ce que les propriétaires qui résident dans une communauté rurale aient ces gestes instinctifs parce que bien souvent ils vont faire face à un animal prédateur plutôt qu'à un humain.

Pour ce qui est de la légitime défense, est-ce que ce propriétaire doit être considéré comme l'agresseur lorsqu'il affronte quelqu'un qu'il soupçonne d'être un criminel? La notion de cause à effet deviendrait-elle alors le facteur déterminant dans le dépôt d'accusations contre le propriétaire d'une maison, puisque, lorsqu'il voit le propriétaire tenir quelque chose à la main, le supposé criminel utilise la force contre celui-ci, ce qui amène le propriétaire à utiliser une force plus grande pour se protéger?

J'estime que les zones grises comme celles-ci doivent être précisées pour empêcher que les propriétaires et les citoyens soient injustement accusés et poursuivis alors qu'ils n'ont fait que se protéger, protéger leur famille et leurs biens. Ma femme Marilyn et moi avons vécu personnellement ce genre de poursuites injustes, et nous avons connu les graves difficultés financières ainsi que le stress considérable qu'entraînent ces très graves accusations d'agression. Il ne faut pas hésiter à donner la priorité aux droits du propriétaire par rapport à ceux du criminel, puisque le propriétaire n'avait aucune intention de mal agir alors que c'était le cas du criminel.

Personne dans notre communauté ne nous a fait de commentaires le moindrement négatifs, mais plutôt des commentaires qui reflétaient un sentiment de dégoût à l'égard d'un système qui accuse la personne qui ne fait que protéger sa famille et ses biens. Nous avons entendu de nombreuses personnes dire : « Les lois sont mal faites et il faut les changer. » Tous, depuis le citoyen ordinaire jusqu'au membre respecté de la collectivité et jusqu'aux agents d'application de la loi ont fait ce genre de remarque.

J'ai hâte que le projet de loi C-26 soit adopté et j'espère que nos policiers et nos poursuivants pourront utiliser ces nouvelles modifications pour empêcher les tribunaux d'avoir à trancher ces questions, parce que les coûts qui y sont associés sont très élevés et incitent le propriétaire victimisé à accepter un marchandage de plaidoyer pour éviter une catastrophe financière. Les Canadiens doivent pouvoir se sentir en sécurité chez eux. Je suis convaincu que notre gouvernement accorde une très grande importance à ce sentiment de sécurité.

Une des choses les plus difficiles que j'ai eues à faire a été de répondre aux questions de mes petits-enfants et d'essayer de leur expliquer pourquoi leur grand-père avait des problèmes parce qu'il avait voulu protéger leur grand-mère. Lorsque même de jeunes enfants disent que les lois sont mal faites, il est certain que le moment est venu de les changer.

Marilyn Singleton, à titre personnel : Au moment où quelqu'un est entré chez nous, je n'aurais jamais pensé que Joe pourrait être accusé de m'avoir peut-être sauvé la vie. S'il n'avait rien fait, il aurait peut-être été obligé d'expliquer à nos enfants et à nos petits-enfants pourquoi il n'avait pas protégé leur mère et leur grand-mère. Il se serait reproché de n'avoir rien fait.

Je lui suis reconnaissante d'avoir réussi à arrêter l'intrus qui s'apprêtait à défoncer notre porte de garage. Pendant des mois, nous avons fréquenté des avocats et des juges et j'ai perdu toutes mes illusions au sujet de notre système juridique. J'ai constaté que les récidivistes s'en tiraient sans être pratiquement sanctionnés alors que nos vies ont été bouleversées par un système qui poursuit un propriétaire innocent et victimisé. Le stress émotionnel et les difficultés financières sont des éléments que nous vivons encore aujourd'hui.

J'espère que les règles en matière de légitime défense vont éviter aux Canadiens de connaître l'injustice que nous avons vécue.

Le président : Merci à tous deux. Monsieur Scholten?

Alex Scholten, président, Association canadienne des dépanneurs en alimentation : Je m'appelle Alex Scholten et je suis le président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Notre association représente plus de 25 000 exploitants de dépanneurs au Canada et a pour mission de défendre leurs intérêts. Cela englobe tous les niveaux de l'industrie, depuis les magasins à succursales jusqu'aux petits dépanneurs du coin que nous appelons « les indépendants ».

Notre association apprécie beaucoup d'avoir la possibilité de s'adresser au comité au sujet des modifications que l'on propose d'apporter aux dispositions relatives à l'arrestation par un particulier que l'on retrouve au paragraphe 494(2) du Code criminel.

Les dépanneurs sont vraiment par définition les petites entreprises au Canada. En tant qu'industrie, nous employons plus de 185 000 Canadiens mais chaque petite entreprise, chaque magasin emploie en moyenne environ sept personnes seulement. Il y a rarement dans ces magasins plus de deux employés qui travaillent en même temps et la plupart des dépanneurs n'ont tout simplement pas les moyens, parce qu'ils ne sont pas suffisamment rentables, d'employer davantage de personnel.

Notre association procède chaque année à des enquêtes d'étalonnage dans notre industrie et nous avons constaté que le dépanneur moyen dégage une marge nette avant impôts qui représente entre 1 et 1,5 p. 100 du chiffre d'affaires. Ce sont des marges extrêmement réduites. C'est pourquoi les petits dépanneurs n'ont pas les moyens d'embaucher des agents de prévention des pertes ou des agents de sécurité ayant reçu une formation dans ce domaine pour lutter contre le vol à l'étalage ou le vol simple. Le propriétaire exploitant travaille habituellement de nombreuses heures pour joindre les deux bouts.

Il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui craignent tous les jours qu'on leur vole des biens mais pour les propriétaires de dépanneur, c'est une préoccupation constante.

À cause de nos longues heures d'ouverture et du nombre des clients que nous servons tous les jours — plus de 10 millions de Canadiens se rendent chaque jour dans les dépanneurs —, le vol à l'étalage et le vol sont des infractions courantes. Le Conseil canadien du commerce de détail estime que les pertes dues aux vols dans les petites entreprises, comme les dépanneurs, représentent environ 1,5 p. 100 du chiffre d'affaires net. Si vous avez bien écouté le chiffre que je viens de vous fournir au sujet des marges nettes, vous saurez que cela représente exactement la marge nette des propriétaires et exploitants.

Avec des marges bénéficiaires aussi réduites, les propriétaires de dépanneurs doivent être attentifs et surveiller tout ce qui se passe dans leur magasin pour empêcher les vols et continuer à faire des bénéfices, ce qui n'est pas une tâche facile avec un personnel réduit.

Notre association n'encourage pas les propriétaires de dépanneurs ou leurs employés à se faire justice eux-mêmes. C'est la police qui doit être la première ligne de défense. Néanmoins, il n'y a pas des policiers à tous les coins de rue et il faut admettre que le vol à l'étalage n'est pas une infraction très prioritaire. C'est pourquoi il est fréquent que les détaillants interviennent dans ce genre de situation.

Étant donné qu'il s'agit bien souvent de leur survie économique, les détaillants vont empêcher qu'on leur vole leurs marchandises en prenant les choses en main, en procédant à une arrestation et en détenant le voleur à l'étalage jusqu'à ce que la police arrive, s'il n'y a pas d'autre solution satisfaisante. Les dispositions actuelles en matière d'arrestation par un particulier sont bien trop étroites pour que les victimes du vol ou du vol à l'étalage, les détaillants, ne soient pas victimisés eux-mêmes, comme l'illustre très bien le cas de M. Chen. Nous ne voulons pas que les propriétaires de petites entreprises qui travaillent beaucoup soient victimisés une deuxième fois, comme M. Chen l'a été, et notre association appuie fortement les modestes changements que le projet de loi C-26 se propose d'apporter à la disposition relative à l'arrestation par un citoyen et qui a pour but de donner aux citoyens une certaine latitude.

Le président : Merci. Nous allons passer aux questions. Nous avons jusqu'à 17 h 15. J'espère que tous les membres du comité auront la possibilité de poser une ou deux questions. Nous allons commencer par la vice-présidente du comité, le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Vous me demandez d'être brève.

Merci à tous d'être venus. Il est très important que nous entendions vos témoignages et je sais que nous vous sommes tous reconnaissants d'être venus à Ottawa pour nous parler.

Ma première question s'adresse à Mme Shi. D'après ce que je sais du cas de M. Chen, la célèbre affaire Chen — je peux vous dire, monsieur Chen, que vous êtes le propriétaire de magasin le plus célèbre du Canada —, la principale raison pour laquelle il a été accusé de voies de fait et de séquestration, c'est qu'après que lui et ses amis ont appréhendé le voleur, ils devaient faire quelque chose. Qu'ont-ils fait? Ils l'ont ligoté et placé à l'arrière d'une fourgonnette et, en fait, la fourgonnette était en train de démarrer au moment où les policiers sont arrivés.

Pensez-vous qu'avec ce projet de loi, ce comportement serait légal?

Mme Shi : C'est une excellente question mais malheureusement la réponse est, à mon avis, non. Lorsque M. Chen a été accusé au départ, les policiers ont expliqué qu'ils avaient porté des accusations contre lui parce que l'arrestation avait été effectuée une heure trop tard. J'ai toujours pensé que c'était là la raison. En qualité d'avocate de M. Chen à l'extérieur du tribunal pénal — je ne me suis pas occupée des poursuites pénales —, notre lobbying a principalement porté sur la question suivante : comment se fait-il que l'on puisse arrêter quelqu'un une heure après le fait? Par la suite, au moment du procès de M. Chen auquel j'ai assisté, le poursuivant a principalement parlé de la question de la force excessive.

Tout au cours du procès, il y a eu beaucoup de témoignages et de débats sur la question de la force excessive. J'étais assise là et j'écoutais tout cela en me demandant à chaque instant mais qu'aurait donc fait d'autre la police?

Si vous essayez d'arrêter quelqu'un et que cette personne s'enfuit, vous allez la poursuivre, n'est-ce pas? Si vous avez un véhicule à votre disposition, vous allez utiliser le véhicule pour la poursuivre. Lorsque vous arrêtez la personne et que cette personne se débat et vous donne des coups de pied, vous allez lui mettre des menottes. Dans le cas de M. Chen, ils ont utilisé un peu de ficelle parce qu'ils n'ont jamais pensé qu'ils auraient à arrêter quelqu'un au cours de leur travail quotidien et n'avaient pas de menottes. Si vous passez des menottes ou ligotez le voleur et que celui-ci se débat encore, que faites-vous? Si vous le laissez se débattre dans la rue, il pourrait se frapper la tête, se faire mal, heurter quelqu'un d'autre et il faudrait bien sûr payer pour tout cela. Qu'ont-ils fait? Un des employés du magasin revenait de livrer des marchandises et la fourgonnette se trouvait là. Ils l'ont placé dans la fourgonnette. Ils voulaient l'amener au magasin et attendre les policiers.

Il m'est tout à fait impossible d'imaginer à quel moment la force utilisée a été excessive dans le sens que les policiers n'auraient pas fait la même chose. Les policiers sont en théorie des professionnels très spécialisés et nous devrions nous en remettre exclusivement aux agents d'application de la loi.

Il est quelque peu réconfortant pour nous que le système ait finalement acquitté M. Chen. On peut quand même se demander pourquoi il a été décidé de l'accuser au départ et pourquoi il a dû vivre tout cela pour établir son innocence.

Le sénateur Fraser : Vous ne pensez pas que ce projet de loi règle ce problème?

Mme Shi : Non. Je pense que tant que les agents d'application de la loi ne changeront pas d'attitude, il y aura, comme l'a fait remarquer M. Scholten, encore beaucoup de zones grises. C'est la raison pour laquelle j'ai signalé dans mes observations — je sais que c'est un pouvoir que le Parlement utilise rarement — que le Parlement devrait peut-être prendre davantage d'initiatives et faire savoir aux provinces, aux procureurs généraux des provinces, qu'ils devraient adopter une politique à l'égard de ce genre de situations qui soit plus conforme aux valeurs canadiennes et à notre sens moral qui nous dit ce qui est bien et ce qui est mal.

L'autre élément que j'aimerais ajouter à ce sujet est que M. Chen a été accusé de voies de fait, de port d'arme dissimulée — le cutter qu'il utilise constamment pour ouvrir des caisses —, de séquestration et d'enlèvement. Les accusations de séquestration et d'enlèvement ont, je crois, tout simplement été retirées sans que M. Chen n'ait jamais été jugé pour cela. Personne du bureau du procureur général ne m'a jamais expliqué comment il se faisait qu'il avait été inculpé d'infractions aussi graves et que celles-ci avaient été ensuite retirées. Je n'ai pas entendu dire qu'ils avaient trouvé de nouvelles preuves qui les avaient fait changer d'idée. S'il n'y avait pas de nouvelles preuves et que les preuves existantes étaient insuffisantes pour justifier un procès, alors pourquoi a-t-il été accusé au départ? Cet aspect n'a jamais été expliqué. Ces accusations sont importantes parce que c'est à cause d'elles qu'il n'a pas été relâché de la station de police après qu'il ait été accusé et qu'il a dû passer la nuit en prison. Comme je l'ai mentionné, c'est une peine plus sévère que celle que la plupart des voleurs à l'étalage reçoivent s'ils sont condamnés.

Le sénateur Fraser : Au cours du deuxième tour de questions, j'aimerais poser la même question à M. et Mme Singleton. Pensent-ils que ce projet de loi justifierait leurs actions lorsqu'ils ont dû faire face à une situation terrible? Je sais que vous allez me dire que je n'ai pas le temps de la poser maintenant.

Le président : J'apprécie votre collaboration.

Le sénateur Di Nino : Bienvenue à tous. C'est un plaisir de vous avoir ici.

Je vais poser une question aux Singleton, si je peux. Le projet de loi mentionne régulièrement que l'application des lois est la principale fonction et responsabilité de la police. Êtes-vous d'accord avec ce principe?

M. Singleton : Oui, tout à fait. Dans notre cas, la première chose que nous avons faite a été d'appeler la police. Il a fallu quand même attendre 20 à 30 minutes pour que la police arrive chez nous. Je n'avais aucune intention de me faire moi-même justice ou des choses de ce genre. J'étais simplement sorti de la maison, après avoir entendu un bruit, et j'ai vu le criminel dans son véhicule. Je lui ai dit de ne pas bouger et que la police allait arriver. Il a décidé de s'enfuir et il a alors heurté notre voiture, avant de passer une vitesse pour essayer, je crois, de défoncer notre porte de garage pour s'enfuir. Ma femme se trouvait de l'autre côté de la porte du garage en train d'appeler le 911, et ignorait ce qui se passait à l'extérieur. Je craignais pour sa vie et c'est la raison pour laquelle j'ai fait ce que j'ai fait pour l'empêcher de partir.

Le sénateur Di Nino : Votre première réaction a tout de même été d'appeler la police parce que c'est son travail et que nous devrions lui demander de le faire?

M. Singleton : Tout à fait.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Chen, quelle est la taille de votre magasin?

[Traduction de l'interprétation]

M. Chen : Cinq mille pieds carrés.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Combien avez-vous d'employés?

[Traduction de l'interprétation]

M. Chen : Onze seulement.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Combien de jours par semaine travaillez-vous?

[Traduction de l'interprétation]

M. Chen : Sept.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Je pense que vous êtes intervenu parce que ce délinquant était un récidiviste, est-ce bien exact?

[Traduction de l'interprétation]

M. Chen : À ce moment-là, il allait s'enfuir. Je lui ai dit de s'arrêter, d'attendre la police. Il a commencé à nous donner des coups de pied et à nous frapper et nous avons alors commencé à le ligoter, à l'entraver. Nous avions une fourgonnette et nous ne pensions pas que c'était une bonne idée de le laisser dans la rue. C'est pourquoi nous l'avons mis dans la fourgonnette.

Nous avions connu la veille une situation semblable. Nous avions attendu pendant quatre heures et demie. La police est arrivée mais c'était trop tard. Ce jour-là, je ne savais pas combien de temps il faudrait attendre que la police arrive. Je ne pouvais pas attendre pendant quatre heures et demie parce que nous ne pouvions tout simplement pas nous le permettre.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Vous avez commencé par appeler la police?

[Traduction de l'interprétation]

M. Chen : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Monsieur Scholten, vous avez parlé dans vos commentaires des changements mineurs apportés au Code criminel. Pensez-vous que les changements que nous allons introduire vont protéger les personnes qui agissent pour défendre leurs biens, leurs familles et eux-mêmes, mieux que le fait le Code criminel actuel?

M. Scholten : Absolument. Je pense que le cas de M. Chen est un excellent exemple de cela. Accorder une latitude supplémentaire aux propriétaires de dépanneurs ou de magasins est un changement très satisfaisant. J'estime qu'il va certainement être utile.

Le sénateur Baker : Merci. Je tiens à féliciter tous les témoins pour leurs excellents exposés et je tiens à féliciter particulièrement M. Chen pour ce qu'il a fait et pour être à l'origine de cette loi parce que désormais cette loi sera connue sous le nom de « Loi Chen ». C'est habituellement la façon dont nous interprétons les lois qui est à l'origine de modifications.

Je suis un peu perdu. J'aimerais poser une question à votre avocate, monsieur Chen. Madame Shi, vous avez déclaré que vous étiez spécialisée en contentieux civil.

Mme Shi : Oui.

Le sénateur Baker : Si je me souviens bien, vous vous êtes également occupée d'autres affaires qui n'étaient pas uniquement civiles. Vous avez participé à un certain nombre d'affaires célèbres.

Mme Shi : Des affaires non civiles?

Le sénateur Baker : En partie pénale, qui concernaient l'expulsion de personnes qui faisaient face à de graves accusations pénales.

Mme Shi : Oui.

Le sénateur Baker : Je vous félicite pour vos résultats dans ce domaine.

Mme Shi : Merci.

Le sénateur Baker : Voilà ce qui me trouble : l'infraction dont M. Chen a été accusé est ce que nous qualifions d'infraction « mixte ».

Mme Shi : Oui.

Le sénateur Baker : Autrement dit, elle peut donner lieu à des poursuites par voie d'acte d'accusation ou par voie de déclaration sommaire de culpabilité — une infraction grave ou une infraction moins grave. Mais le Code criminel énonce — nous avons adopté ces modifications au Code criminel au cours des années — que, lorsque l'identité de la personne est établie au poste de police, lorsque la police a donné les motifs de l'arrestation, qu'elle sait qui est cette personne et où la rejoindre, alors elle est relâchée. C'est ce que dit le Code criminel. Si le policier qui effectue l'arrestation ne remet pas la personne en question en liberté, alors le fonctionnaire responsable doit la mettre en liberté lorsque l'agent qui a procédé à l'arrestation informe le fonctionnaire responsable que la personne est toujours en détention.

Ce n'est que pour des questions d'identification ou dans des cas d'urgence que la personne est détenue jusqu'au lendemain et alors le Code précise qu'elle doit être conduite devant un juge dans les 24 heures. Ensuite, normalement, dans le cas des infractions mixtes, le juge remet en liberté la personne arrêtée à certaines conditions.

Pourquoi M. Chen a-t-il passé la nuit au poste de police?

Mme Shi : Je crois que c'est à cause de la gravité des accusations — plus précisément, à cause de l'enlèvement et de la séquestration — qu'il n'a pas été remis en liberté et qu'il a passé la nuit en prison dans une cellule du poste de police et relâché le lendemain après l'enquête sur cautionnement.

C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il est très important d'améliorer la situation au niveau de l'application de la loi. Le droit n'est jamais blanc ou noir. Si le droit était blanc et noir, nous n'aurions pas besoin de juges. Un ordinateur pourrait facilement calculer qu'un plus un égale deux. Il y aura toujours des zones grises dans lesquelles il faut exercer des pouvoirs discrétionnaires. Il est vraiment très important que les policiers de première ligne, au niveau de l'application de la loi, et la Couronne comprennent que les propriétaires de magasins ne sont pas des ennemis. Ce sont bien souvent des gens qui ne savent vraiment pas quoi faire d'autre. Tant que nous n'aurons pas de solution qui tient compte du fait qu'il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que la police arrive toujours à temps pour arrêter les criminels, nous devrions être beaucoup plus compréhensifs à l’égard des propriétaires de magasins qui essaient de se défendre et de défendre leurs biens.

Le sénateur Baker : Que répondez-vous à quelqu'un qui vous dit : « Eh bien, cette nouvelle loi qui concerne l'arrestation par un particulier accorde à ce dernier des pouvoirs supérieurs à ceux de la police dans la disposition suivante du Code criminel, le paragraphe 495(2), qui énonce qu'un policier ne peut arrêter un individu que s'il le trouve en train de commettre l'infraction, en flagrant délit »? Que dites-vous aux personnes qui affirment que cette loi va peut-être trop loin?

Mme Shi : Je répondrais que ce ne sont pas les policiers qui sont les victimes. C'est cette personne qui possède des droits à l'égard de ses biens. Si nous avons des droits sur nos biens, nous devons avoir le droit de les défendre.

Ces positions sont par nature tout à fait différentes. Les policiers font un travail. Dans un certain sens, ils sont nos mandataires. Nous retenons leurs services pour qu'ils nous protègent. Mais en fin de compte, je dirais toutefois qu'à mon avis, le droit de se défendre doit appartenir au citoyen. Je pense qu'il arrive que certains policiers l'oublient. Ils pensent que le droit de protéger les biens leur appartient, que nous travaillons pour eux alors que c'est le contraire. C'est la raison pour laquelle ils n'aiment pas du tout voir des gens comme David prendre des initiatives; ils voient là une ingérence dans leur travail.

J'estime toutefois que les policiers et les citoyens doivent travailler de concert. Nous, les citoyens, devons participer à la protection de notre société. La sécurité de la société ne peut être assurée si les citoyens eux-mêmes n'y participent pas activement. Le vol à l'étalage en est un parfait exemple. Pensons-nous vraiment que nous aurons un jour des ressources suffisantes pour qu'un policier puisse se rendre en magasin pour prendre ce genre de voleur sur le fait?

Le président : Nous allons passer à un autre intervenant, sénateur Baker.

Le sénateur Baker : De bonnes réponses, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D'abord, merci beaucoup pour vos témoignages. Dans ma jeunesse, mon père a tenu un dépanneur pendant sept ou huit ans, pour élever huit enfants. Un jour, pour une caisse de bière, des voyous sont venus le battre et l'ont laissé presque pour mort. Je comprends très bien, monsieur Chen, votre préoccupation de faire en sorte que, lorsque des criminels décident de commettre ce crime pour un vol dont les profits sont des miettes, la loi reconnaisse que ce criminel se met en danger, que le propriétaire privé a le droit de se défendre et que le doute raisonnable doit appartenir au propriétaire, dans le système de justice, et non au criminel. Je pense qu'il faut renverser le fardeau de preuve dans ce cas.

Vous avez dit d'entrée de jeu, maître Shi, que vous trouviez ce projet de loi très timide, et vous l'avez répété. Je vous poserai une question très ouverte : que devrait-on reconnaître comme droit à ces propriétaires qui travaillent souvent le soir seuls dans leur magasin, et qui n'ont d'autre choix que de se défendre seuls parce que les policiers ne sont pas derrière chaque comptoir de dépanneur? Que proposeriez-vous comme reconnaissance de droits à ces propriétaires?

[Traduction]

Mme Shi : Je pense qu'il faudrait changer non seulement le droit mais également nos valeurs et nos attitudes. Encore une fois, je reviens à l'étape de l'application de la loi parce qu'il y aura toujours des zones grises et sur le plan des principes, les policiers de première ligne et les procureurs de la Couronne doivent admettre que le Code criminel ne doit jamais prendre le parti des criminels. Si en tant que société, nous sommes obligés de choisir, nous devrions toujours prendre la part de la victime et non celle du criminel; si ce n'est pas le cas, les gens vont tout simplement perdre toute confiance dans notre système de justice. Dans l'affaire de David, j'ai eu l'honneur d'être invitée à de nombreuses émissions-débats et j'ai ainsi pu parler à de nombreux Canadiens. Leurs points de vue sont très simples. Ils disent qu'il faut absolument que la loi soit complètement changée. Dans l'affaire de David, tout a été complètement mis à l'envers.

Je ne pense pas qu'il soit possible de rédiger une loi qui empêcherait complètement ce genre de situation de se produire. C'est plutôt au niveau de la mise en œuvre que nous pourrions essayer de faire en sorte que le système de justice représente les valeurs canadiennes et j'en reviens au point que j'ai abordé il y a un instant. Je sais que c'est un pouvoir qui est rarement utilisé mais le gouvernement fédéral est celui qui décide des poursuites pénales et même s'il délègue pratiquement tout le temps ce pouvoir aux provinces, c'est lui qui possède le pouvoir ultime en raison de sa compétence législative. C'est à lui qu'appartient le pouvoir exécutif de mettre en œuvre le Code criminel. Il est peut-être temps que le gouvernement fédéral pense plus souvent à transmettre peu à peu aux provinces et aux policiers ces valeurs et adopte une attitude plus interventionniste sur la façon de mettre en œuvre le Code criminel.

Le sénateur Angus : Bonjour à tous et merci d'être venus. Félicitations pour vos excellents témoignages. J'ai beaucoup de questions à poser mais je vais commencer par vous, monsieur Singleton, pour vous laisser raconter le reste de votre histoire. Nous n'avons pas pris connaissance de tous les faits. Bien évidemment, il y avait quelque chose qui se passait avec ce criminel qui se trouvait à l'extérieur de la maison et il se trouvait dans une voiture mais était-il entré dans la maison pour prendre des objets?

M. Singleton : Oui, ma femme et moi sommes revenus à la maison après être sortis pour la soirée. En arrivant à la maison, nous avons remarqué que les lampes étaient allumées dans la maison. J'ai demandé à ma femme si nous les avions laissées allumées mais nous n'étions pas sûrs, nous essayions de le deviner. En approchant davantage, nous avons remarqué qu'il y avait un véhicule dans l'entrée. Là encore, nous avons pensé que ce devait être quelqu'un que nous connaissions. Nous vivons dans une petite collectivité. Nous avions peut-être oublié de fermer la porte à clé et nous avions des invités qui attendaient que nous rentrions chez nous. Nous nous sommes stationnés derrière le véhicule. Il était dans notre entrée et il bloquait l'accès à notre garage, j'ai ouvert la porte du garage en la soulevant et je suis entré dans le garage. A ce moment, une idée m'est venue « et si ». J'ai une bûche et une hache dont je me sers pour faire du petit bois pour le foyer. Je me suis baissé pour prendre ma hachette. Nous sommes entrés dans la maison par la porte du garage, nous avons fait quelques pas et j'ai remarqué que la maison était sens dessus dessous, j'ai fait immédiatement demi-tour. J'ai repoussé ma femme dans le garage et lui ai dit : « Appelle la police. Nous avons été cambriolés. » C'est alors, comme je l'ai dit, qu'elle appelle le 911. J'ai entendu un bruit à l'extérieur, je suis sorti pour voir ce que c'était et j'ai vu la personne dans le véhicule.

Le sénateur Angus : Elle se trouvait dans la maison mais elle est sortie lorsque vous êtes entrés par le garage.

M. Singleton : Exact. Il y avait en fait trois personnes dans la maison. La police en a arrêté deux qui étaient allées chercher une camionnette et qui revenaient à la maison pour la charger, j'imagine. Les policiers les ont arrêtées à 100 mètres à peu près de notre maison et comme je l'ai dit, j'ai utilisé la force pour empêcher cette personne de défoncer la porte du garage et de blesser ou même de tuer ma femme. Le criminel a fini par s'enfuir. En fait, je l'ai laissé faire et plus tard — je crois que c'était cinq mois plus tard — j'ai été inculpé d'agression armée et d'agression ayant causé des lésions corporelles.

Le sénateur Angus : L'avez-vous blessé?

M. Singleton : Oui.

Le sénateur Angus : Avec la hache.

M. Singleton : Pas avec le côté qui coupe. J'ai eu la bonne idée de l'utiliser à l'envers. Je ne voulais pas tuer cette personne. Je voulais empêcher ce véhicule de défoncer notre porte.

Le sénateur Angus : Vous me racontez tout cela et je sais que cela a été une expérience terrifiante. Je ne peux qu'imaginer ce que cela a pu être que de la vivre.

Vous avez dit qu'il fallait que la loi soit plus claire. Il y a des nuances. À votre avis, le projet de loi va-t-il régler ce problème ou est-ce qu'il devrait aller plus loin?

M. Singleton : J'aimerais que ce projet de loi soit adopté. C'est un excellent début mais je crois qu'il y aura toujours de la place pour des améliorations. Nous apprenons constamment et les choses évoluent, c'est pourquoi je pense qu'il y a toujours de la place pour des améliorations. J'aimerais que les propriétaires de maisons et d'entreprises disposent d'une latitude beaucoup plus grande. Comme je l'ai dit, ce n'est pas nous qui avons cherché à faire quelque chose de mal. Ce sont les criminels qui avaient l'intention de faire quelque chose de mal. Nous ne faisons que nous protéger et protéger nos biens.

Le sénateur Angus : Merci.

Madame Shi, êtes-vous l'avocate qui représentait M. Chen ou juste une amie?

Mme Shi : Je suis avocate de profession mais vous pouvez dire que j'ai représenté M. Chen devant des tribunaux autres que pénaux. J'étais son porte-parole et j'ai fait de nombreuses déclarations publiques, assisté à de nombreuses discussions; j'ai écrit en son nom des lettres ouvertes aux trois paliers de gouvernement. La seule chose que je n'ai pas faite pour lui était de le représenter parce que je ne m'occupe pas d'affaires pénales.

Le sénateur Angus : Vous l'avez sans doute aidé à trouver un pénaliste pour le représenter.

Mme Shi : Oui, mon ex-mari.

Le sénateur Angus : Je suis sûr qu'il a fait de l'excellent travail.

Il y a beaucoup d'avocats qui sont venus nous dire que ces règles relatives à la légitime défense et à l'arrestation par un particulier étaient parmi les plus anciennes de nos codes. Cela remonte aux lois du Haut-Canada de 1830, et elles figurent dans nos codes.

C'est un domaine très complexe, nous a-t-on dit. Ces règles ont été interprétées par la jurisprudence au cours des années et veulent dire quelque chose aux avocats, qui peuvent les lire et comprendre ce qu'elles veulent dire. Si nous les modifions, il y a des avocats, tant parmi les poursuivants que les avocats de la défense, qui nous disent que cela va introduire davantage de nuances et d'incertitudes plutôt que des précisions qui sont ce que vous recherchez tous. Bien sûr, si l'on croyait le ministre, c'est également l'intention du gouvernement. Vous êtes une bonne avocate et vous réfléchissez très bien, qu'en pensez-vous? Vous avez dit que c'était une excellente première mesure. À votre avis d'avocate, est-ce clair?

Mme Shi : Je pense que cela ne sera jamais parfaitement clair. Il n'y a pas de loi qui soit parfaitement claire, sinon je n'aurais pas de travail et les juges n'en auraient pas non plus; nous pourrions remplacer le système de justice par des ordinateurs. Je dirais toutefois qu'il ne faudrait pas adopter l'attitude qui consiste à dire : « Ces règles sont tellement anciennes qu'il ne faut pas y toucher » et prendre plutôt l'attitude suivante « elles sont tellement anciennes que nous devrions les examiner et les mettre à jour ».

Ces affaires démontrent qu'en première ligne, alors que le droit doit normalement aider la population, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas parce que les procureurs de la Couronne, qui ne sont pas touchés directement par ces règles, veulent les conserver que nous devons le faire. Elles ne fonctionnent pas. Même avec les modifications, tant que les agents d'application de la loi de première ligne penseront que les propriétaires de magasins sont plus dangereux que les voleurs à l'étalage, nous aurons des problèmes.

Le président : Nous allons devoir passer à un autre intervenant.

Le sénateur Jaffer : J'aimerais remercier le président et le comité de direction d'avoir permis à M. Chen de parler dans sa langue maternelle. Cela fait 11 ans que je siège à ce comité et je n'ai jamais vu cela; c'est vraiment étonnant. Merci.

J'ai une question pour M. Chen, M. Singleton et Mme Singleton.

Monsieur Chen, lorsque ce projet de loi sera adopté, estimez-vous que vous pourrez alors arrêter un individu et ne pas penser que la police va vous arrêter?

[Traduction de l'interprétation]

M. Chen : Non.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : J'ai une question qui s'adresse à votre avocate, Mme Shi. La crainte que j'ai avec ce projet de loi — et je reconnais qu'il faudra changer certaines choses car sinon nous n'aurons plus de travail non plus parce que c'est nous qui examinons ces projets de loi —, c'est que l'article 494 du Code énonce que toute personne peut arrêter, sans mandat, un individu qu'elle trouve en train de commettre un acte criminel.

Comment les commerçants peuvent-ils savoir si la personne en question est en train de commettre une infraction sommaire ou un acte criminel? Ce projet de loi vous indique à tort que vous pouvez procéder à une arrestation, mais je crois qu'il est uniquement possible d'arrêter quelqu'un pour un acte criminel. Comment est-ce qu'un commerçant peut faire la différence entre les deux?

Mme Shi : Je crois que l'article 3 du projet de loi C-26 a pour but de modifier le paragraphe 494(2) et non le paragraphe (1).

Le sénateur Jaffer : Selon le paragraphe 494(1), il faut qu'il s'agisse d'un acte criminel.

Mme Shi : Oui, c'est un acte criminel et ce n'est pas une infraction que le propriétaire d'un magasin voit tous les jours; la plupart du temps, c'est du vol à l'étalage. J'espère que c'est une situation que la plupart d'entre nous ne connaîtront jamais. Le droit est assez clair parce qu'il dit que toute personne peut arrêter un individu qu'il trouve en train de commettre une infraction grave, comme un meurtre ou un viol. Cependant le problème que soulève le paragraphe (2), c'est que dans l'ancienne loi, pour que le propriétaire du magasin ou du bien puisse arrêter la personne qu'il trouve en train de commettre une infraction criminelle à l'égard de ce bien, cela doit se faire au moment où l'infraction est commise. Avec le vol à l'étalage, on pourrait avoir un grand débat philosophique sur le moment auquel il est commis. Lorsque la personne est dans le magasin en train de prendre quelque chose, il y a toujours la possibilité qu'elle la paie avant de partir. Lorsque cette personne a quitté le magasin, l'infraction est commise mais il n'est pas possible de l'attraper.

Le sénateur Jaffer : Cela est également couvert; le texte dit « dans un délai raisonnable ». Cela va viser cette situation. Ma question est que pour arrêter une personne sans mandat, il faut qu'il s'agisse d'un acte criminel. Comment est-ce que le commerçant peut faire la différence?

Mme Shi : L'alinéa 494(2)b) autorise une arrestation pour des infractions qui ne sont pas des actes criminels pourvu qu'elles concernent un bien. Il n'est pas nécessaire que ce soit un acte criminel.

Le sénateur Jaffer : Si elle concerne un bien. Je parle cependant d'une personne, qui agit en légitime défense comme l'a fait M. Singleton. Il faut alors que ce soit un acte criminel.

Mme Shi : Je crois que cela est visé par la disposition selon laquelle une personne n'est pas coupable d'une infraction si elle utilise une force raisonnable.

Le président : Il nous reste trois ou quatre minutes. Ne l'oubliez pas.

Le sénateur White : Merci pour vos exposés. Les services de police au Canada ont été créés à partir d'un certain nombre de principes et un de ces principes est ce que l'on appelle le principe de Peel qui nous vient du Royaume-Uni et que la plupart des pays du Commonwealth appliquent : La population est la police et la police est la population. De nombreux services de police ont inscrit ce principe sur leur site Web, notamment les New Westminster Police Service, Peel Regional Police, York Regional Police et le Service de police d'Ottawa. La police applique ce principe — parce que je sais que je l'ai fait — pour dire qu'il existe un rapport entre la police et la population. Cela veut toutefois également dire que la population doit agir lorsqu'elle dispose de preuves et d'informations comme si elle était la police et je dirais même que c'est une responsabilité pour elle.

Tout cela pour dire, madame Shi, que, lorsque j'examine le projet de loi, je pense qu'il contient les mesures nécessaires qui permettront de comprendre le principe de Peel; la police et la population sont en fait souvent une seule et même chose. Je pense que cela va obliger à donner une formation à tous les policiers et je peux vous garantir que tous les poursuivants de ce pays doivent recevoir une formation pour les affaires comme celles de M. Chen et de M. Singleton. Pourquoi pensez-vous qu'à l'avenir les policiers et les poursuivants n'en tiendront pas compte? Habituellement, un projet de loi de ce genre qui peut avoir des répercussions pour tous les Canadiens entraîne immédiatement une campagne de formation pour que nous ne soyons pas gênés de constater qu'un service de police ou un gouvernement porte des accusations injustifiées.

Mme Shi : J'espère que vous avez raison. Ma crainte vient du fait que, lorsque le gouvernement a déposé ce projet de loi devant la Chambre des communes, j'ai participé à de nombreuses entrevues avec les médias. Je demandais aux policiers et aux procureurs généraux des provinces de venir expliquer ce qu'ils feraient différemment. Je n'ai jamais entendu parler d'eux et je ne les ai jamais vus dans une des émissions auxquelles j'ai participé. Les hôtes des émissions qui m'avaient invitée m'ont fait savoir qu'ils avaient également invité ces différents paliers d'application de la loi. Ces personnes ne sont pas venues à ces émissions pour expliquer au public ce qu'elles allaient changer et c'est de là que vient ma crainte. Devant cette instance, étant donné que j'ai la possibilité de communiquer avec le palier fédéral du gouvernement, je l'invite à utiliser son pouvoir pour veiller à ce que cette situation soit changée.

Le président : Est-ce que la Couronne ou la police ne vous a jamais contactée pour vous expliquer pourquoi les policiers n'avaient pas exercé leur pouvoir discrétionnaire — si ce n'est pas de l'intérêt public — et avaient maintenu les poursuites? Vous a-t-on contactée pour vous fournir une explication?

Mme Shi : J'ai été contactée. J'ai personnellement écrit des lettres ouvertes aux trois paliers de gouvernement et je n'ai eu aucune réponse de la part du gouvernement provincial. La seule réponse que j'ai eue du Service de police de Toronto — avant que la Chambre des communes apporte ces amendements — m'a été transmise au tout début de l'affaire de M. Chen. Le Service de police de Toronto m'a fait savoir que les accusations étaient tout à fait normales, que le droit était tout à fait normal et que les propriétaires de magasins devraient faire très attention lorsqu'ils arrêtent des voleurs. C'est la réponse qui m'a été donnée et d'après mon souvenir, c'est la seule réponse et les seuls commentaires que j'ai jamais obtenus des services d'application de la loi de la province ou de la ville de Toronto.

Le président : Avec le commentaire que vous avez fait au sujet de ce pouvoir parlementaire qui est rarement utilisé et les conseils que vous avez donnés à ce sujet, vous pensez à inciter les policiers et la Couronne à exercer davantage leur pouvoir discrétionnaire. Est-ce bien à ceci que vous faites référence ou est-ce autre chose?

Mme Shi : Oui, c'est à cela que je pense. Je sais que, par exemple, les procureurs généraux des provinces élaborent souvent des lignes directrices destinées aux procureurs de la Couronne sur la façon d'aborder certains types d'affaires et il serait peut-être bon de commencer par là.

Le président : Je vous remercie. Nous avons légèrement dépassé notre horaire, mais il nous a été très utile d'entendre ce groupe de témoins qui nous a appris des choses; nous apprécions beaucoup que vous ayez comparu aujourd'hui.

Sénateurs, le témoin du deuxième groupe est Ross McLeod. C'est le président de l'Association of Professional Security Agencies. C'est une association nationale qui regroupe 18 agences de sécurité et représente plus de 30 000 agents de sécurité. Elle a pour mission d'améliorer l'image du secteur de la sécurité privée au Canada en faisant respecter des normes professionnelles et en favorisant le respect d'un code de déontologie très exigeant. Monsieur McLeod, vous avez la parole.

Ross McLeod, président, Association of Professional Security Agencies : Je suis heureux d'être ici pour représenter l'APSA, l'Association of Professional Security Agencies. Ces agences emploient plus de 80 p. 100 de tous les agents de sécurité ayant un permis dans la province de l'Ontario. Je suis le premier dirigeant d'une entreprise de sécurité novatrice qui existe depuis 30 ans. Notre association vous est reconnaissante de nous avoir inclus dès le départ, il y a quelque temps, dans le groupe des personnes et organismes intéressés à ce processus. Nous sommes heureux de constater qu'une de nos préoccupations qui découle de l'évolution du rôle de la technologie dans la détection, la localisation et l'appréhension des criminels a été largement discutée au cours de vos débats.

L'APSA est favorable au projet de loi C-26 qui représente une tentative opportune de mettre à jour une formulation qui remonte à des générations. L'assouplissement que le projet introduit entre le moment de la détection du crime et celui de l'appréhension de son auteur va quelque peu faciliter la tâche des agents privés et finalement, la rendre moins dangereuse.

Au cours de ces débats, le sénateur White a proposé d'examiner la possibilité de créer une infraction de voies de fait lorsqu'il y a résistance à une arrestation légitime effectuée par la police qui comprendrait désormais une arrestation effectuée par un garde de sécurité ou par un simple citoyen. C'est une suggestion intéressante qui émane d'un spécialiste de l'application de la loi et qui mérite d'être examinée.

Au cours de vos délibérations, vous avez entendu des discussions fort intelligentes entre des juristes éminents au sujet des répercussions, positives et peut-être négatives, des changements subtils apportés par le projet de loi C-26. Nous préférons laisser ces aspects à d'autres experts. Nous préférons parler sans agressivité et de façon respectueuse de certains stéréotypes qui apparaissent de temps en temps dans certains témoignages.

Les termes autodéfense ou justice privée ont été mentionnés par plus d'un témoin. Ce sont des termes très chargés qui sont loin d'être utiles dans ce genre de discussion. Au Canada, nous n'avons pas beaucoup d'exemples de justice privée ou d'attitude s'en rapprochant. La population a souvent recours à la justice privée lorsque le gouvernement est trop faible et que les citoyens pensent de façon cynique qu'ils doivent se faire justice eux-mêmes.

Je dirais que les nombreux paliers de gouvernement qui existent au Canada atténuent ce sentiment. Dans les cas où l'évolution de la société moderne a amené la police à réagir lentement ou pas du tout à des crimes mineurs, le développement du secteur de la sécurité privée a comblé ce vide, tout en préservant de bonnes relations de travail avec les autorités publiques. Il est donc possible de dire qu'une industrie de la sécurité dynamique et réglementée est un facteur qui ne favorise pas la justice privée.

Certains intervenants ont déclaré que l'industrie de la sécurité privée n'avait jamais à rendre de compte. Voilà qui est loin de la vérité. Dans toutes les provinces, cette industrie est réglementée, notamment à l'aide de permis. Notre organisme de surveillance est la police publique qui porte des accusations contre nos membres si les enquêtes effectuées le justifient. Les registrateurs du gouvernement quand ils possèdent des preuves convaincantes, examinent les agences ou les gardiens et leur imposent des sanctions qui peuvent aller d'une amende jusqu'à l'expulsion de l'industrie. Nos assureurs enregistrent et notent toutes les réclamations faites contre nous, chaque année, et éventuellement augmentent les primes et refusent d'assurer certaines agences dans une industrie où l'assurance est obligatoire.

C'est pourquoi le stéréotype d'un secteur non responsabilisé est à la fois inexact et gênant. Si certains souhaitent que nous soyons obligés de respecter la Charte, comme certains tribunaux de l'Alberta l'ont déclaré, il est possible que cette obligation s'étende à l'ensemble du pays. Nous ne craignons pas cette possibilité et ne cherchons pas non plus à l'éviter.

L'industrie de la sécurité privée n'a pas du tout l'intention d'assumer les fonctions policières essentielles, qui sont au cœur des services de police publics du Canada. Il demeure toutefois que le coût des services de police cause des problèmes dans la plupart des grandes villes, étant donné le contexte d'une crise économique grave et prolongée qui sévit aussi bien en Europe qu'en Amérique du Nord. Il est facile d'imaginer que notre industrie va continuer à se développer, associée à la création de partenariats public-privé avec la police pour que cette industrie se charge des fonctions non essentielles qui ont été ajoutées aux fonctions policières au cours d'une génération précédente où l'économie était prospère.

Dans le contexte d'une intégration accrue de l'application de la loi publique et privée, le projet de loi C-26 est une mesure modeste mais positive.

Le président : Merci, monsieur McLeod. Nous allons commencer les questions en donnant la parole à la vice-présidente du comité, le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Bienvenue au comité, monsieur McLeod. Je vois que vous avez examiné le compte rendu de nos délibérations et que vous savez que votre industrie a été mentionnée un bon nombre de fois. J'ai remarqué avec intérêt que vous avez dit que vous, l'industrie — vous avez utilisé le pronom « nous » —, ne craignez pas d'être assujetti à la Charte et que vous n'essaieriez pas de l'éviter.

Pouvez-vous me dire quelle est la pratique actuelle ou quelle serait le plus souvent la pratique actuelle pour ce qui est de la Charte? En particulier, est-ce que les agents de sécurité qui arrêtent une personne l'informent habituellement de ses droits?

M. McLeod : Oui.

Le sénateur Fraser : À quel moment? Immédiatement?

M. McLeod : Dès qu'ils contrôlent la personne, ce qui veut dire en pratique, une fois la mise en place des attaches. C'est à ce moment-là que nous les informons de leurs droits. C'est pour l'Ontario. Les choses sont peut-être un peu différentes en Alberta. Je ne suis pas tout à fait à jour sur ce point.

Ils sont informés de leurs droits et détenus, bien entendu, en attendant l'arrivée imminente de la police. Lorsque les policiers arrivent, comme nous l'avons entendu au cours de leur témoignage antérieur devant le comité, ils reprennent l'enquête du début, depuis le commencement.

Le sénateur Fraser : Vous connaissez manifestement mieux l'Ontario.

M. McLeod : Oui.

Le sénateur Fraser : En Ontario, le fait d'informer la personne de ses droits est-il une obligation légale ou réglementaire ou une simple pratique de l'industrie? Savez-vous également quelles seraient la pratique ou les obligations réglementaires dans d'autres provinces?

M. McLeod : En Ontario, ce n'est pas une obligation réglementaire; c'est une pratique qui fait maintenant partie du programme de formation que tous les gardiens doivent suivre et réussir dans la province.

Pour ce qui est des autres provinces, mon information est très incomplète. Je pense que c'est la même chose, à l'exception de l'Alberta.

Le sénateur Di Nino : Bienvenue, monsieur McLeod. Merci de nous avoir présenté un bref exposé qui était très clair.

Dans votre premier paragraphe, vous dites que vous employez plus de 80 p. 100 de tous les agents de sécurité qui ont un permis dans la province de l'Ontario. Quel est ce pourcentage dans l'ensemble du pays?

M. McLeod : De nos membres?

Le sénateur Di Nino : Oui.

M. McLeod : Nous nous occupons uniquement de l'Ontario mais parmi nos membres de l'Ontario, nous avons toutes les grandes agences. Ce sont les grandes multinationales du genre de G4S, Securitas, Garda et d'autres très grandes entreprises canadiennes. Nous sommes représentés, si je peux m'exprimer ainsi, dans les autres provinces par l'intermédiaire de ces entreprises qui exercent leurs activités dans de nombreuses grandes villes.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de terminer sur cet aspect et je passerai ensuite à d'autres sujets. Quelles sont les normes en vigueur, qui réglemente la profession ou attribue les permis et de qui relève le 20 p. 100 restant?

M. McLeod : Tous les agents ayant un permis relèvent du même registrateur, qui est un poste qui fait partie du ministère des Services correctionnels. La situation est à peu près la même dans les autres provinces. Chaque province a un registrateur. Tous les registrateurs provinciaux sont regroupés dans une association nationale et il existe à l'heure actuelle un mouvement très actif — auquel notre association apporte son appui — qui vise à harmoniser les normes en matière de formation dans l'ensemble du pays et d'en arriver à une norme nationale pour assurer la transférabilité des permis d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Di Nino : Vous me dites donc que ce sont les organismes de réglementation qui veillent à ce que la formation soit adéquate, qu'il y ait un système de permis en place et que les corrections à apporter à la situation peuvent être introduites par les organismes de réglementation des autres provinces, s'ils ne font pas partie de votre organisation — ou par des organismes de réglementation d'autres provinces?

M. McLeod : Oui. Cet organisme a sa propre unité d'enquête qui est composée d'agents de la PPO détachés qui effectuent des enquêtes, conduisent des procès quasi judiciaires sur les plaintes émanant du public, par exemple. C'est là que ces organismes peuvent prendre des sanctions, imposer des amendes ou révoquer des permis.

Le sénateur Di Nino : À votre connaissance, les normes sont assez semblables d'un bout à l'autre du pays, n'est-ce pas?

M. McLeod : Oui.

Le sénateur Di Nino : Vous vous occupez uniquement de l'Ontario. Quelle est la situation dans les autres provinces? Y a-t-il d'autres associations ou organisations? Quel est le pourcentage des employés de ces agences qui relèvent d'un organisme ou s'agit-il dans la plupart des cas d'entreprises individuelles?

M. McLeod : Il y a quelques associations provinciales. Il y en a une en Colombie-Britannique et je la connais. Je pense qu'il y en a une également en Nouvelle-Écosse. C'est à peu près tout ce que je sais.

Les membres de notre association nous ont donné cette année comme mandat d'essayer d'établir des succursales dans l'ensemble du pays pour appuyer l'initiative des registrateurs qui tentent d'harmoniser les normes en matière de formation et d'examen, à l'échelle nationale.

Le sénateur Di Nino : Ce sera ma dernière question. Vous pensez que dans l'ensemble du pays, les autres associations et les registrateurs collaborent pour veiller à ce que les normes, même si elles ne sont pas de portée nationale, soient d'une qualité suffisante pour que tous ceux qui exercent les activités d'agent de sécurité, selon la définition qu'en donne votre organisation, aient pour l'essentiel des compétences comparables pour ce qui est d'exercer leurs fonctions; est-ce bien exact?

M. McLeod : Oui. C'est exactement la mission et l'objectif recherchés.

Le sénateur Baker : J'aimerais poser quelques brèves questions.

Vous avez mentionné, monsieur McLeod, que vous étiez le premier dirigeant d'une agence de sécurité novatrice depuis 30 ans. Qu'entendez-vous par là?

M. McLeod : Lorsque j'ai commencé à travailler dans ce secteur il y a 30 ans, les arrestations par des agents privés, par opposition aux agents publics que sont les agents de la paix et les policiers, étaient pratiquement inconnues. Comme entrepreneur et universitaire, je savais que le public était vraiment en faveur de la police communautaire. Il souhaitait que du personnel en uniforme demeure dans leur collectivité, apprenne à connaître les gens qui la composent et qu'il intervienne dans les cas très mineurs qui sont placés très, très bas sur la liste des priorités de la police. J'ai donc décidé de créer, si je peux m'exprimer ainsi, un agent de sécurité qui aurait reçu une formation et comprendrait le fondement juridique de ses pouvoirs pour être en mesure d'agir de cette façon. Il a fallu faire beaucoup de R-D, et discuter des aspects juridiques du concept. Nous avons tenté de collaborer avec la police qui, au départ, il y a 30 ans, réagissait mal quand elle voyait mes employés faire des arrestations, parce qu'elle n'avait jamais vu ça avant et elle arrêtait la personne qui effectuait l'arrestation et libérait la personne arrêtée.

Pendant près de deux ans, je me suis rendu dans toutes les divisions du Service de police de Toronto, ainsi qu'à la PPO et un peu, à Ottawa. Dans le cadre de leur formation continue, j'étais parfois invité à prendre la parole et à montrer des films, expliquer notre projet et leur dire qu'il était légal. En fin de compte, les policiers n'ont pas approuvé avec enthousiasme nos activités, mais ils ont reconnu avec certaines réticences qu'elles étaient légales et ils ont cessé d'arrêter nos agents et de remorquer nos véhicules. Nous avons continué à partir de là.

Au cours des 30 dernières années, ma petite entreprise qui compte 500 âmes a arrêté plus de 65 000 personnes dans ce pays. Personne n'a été tué. Personne n'a été gravement blessé et malgré toutes les prédictions de mauvais augure, nous n'avons pas été mis en faillite par les poursuites. Nous avons adopté un modèle commercial. C'est un modèle basé sur les assurances. L'application de la loi peut être gérée comme une entreprise et elle peut être profitable.

Le sénateur Baker : Lorsque vous dites « agence de sécurité », est-ce que cela comprend les personnes qui procèdent à des arrestations dans les grands magasins, les magasins d'alimentation, par exemple?

M. McLeod : Oui. C'est le domaine de la prévention des pertes.

Le sénateur Baker : Dans la plupart des affaires que nous connaissons — et nous lisons les jugements — pour obtenir la condamnation de l'accusé, la Couronne s'appuie habituellement non seulement sur l'agent de police mais aussi sur l'agent de sécurité qui a parfois un enregistrement vidéo de ce qui s'est passé dans le magasin. Il me semble, à la lecture de ces jugements, que le droit aux services d'un avocat, comme vous le savez, est mentionné au départ par l'agent de sécurité qui procède à l'arrestation initiale, qui dit à l'individu pourquoi il est arrêté et qu'il a le droit à un avocat. Les policiers refont la même chose lorsqu'ils arrivent, comme vous le mentionnez. Cependant, lorsque votre personnel de sécurité procède à des arrestations, les preuves sont très solides. N'êtes-vous pas d'accord?

M. McLeod : Oui. Nous sommes heureux de constater que vous avez abordé une des questions que j'ai mentionnées. Avant même que ce projet de loi soit rédigé, lorsqu'il y a eu ici des discussions préliminaires avec les avocats du gouvernement, j'ai été invité à y participer et j'ai soulevé toute la question du changement technologique, parce que son effet se fait sentir dans toute notre industrie. Ce changement se fait également sentir pour les services de police. La télévision en circuit fermé est maintenant très répandue, en particulier dans les magasins de vente au détail comme ceux que l'on trouve dans les centres commerciaux. Aujourd'hui, ou très bientôt, vous ne pourrez aller nulle part, sauf peut-être dans la salle de bain d'un centre commercial, sans être enregistré par la télévision en circuit fermé. Si nous nous apprêtons à faire une opération délicate, nous équipons nos agents de caméras de télévision en circuit fermé pour constamment filmer ce qui se passe de façon à nous protéger en cas d'allégations de comportement irrégulier ou d'emploi d'une force excessive.

Bien sûr, quand j'ai lancé mon programme il y a 30 ans, il n'y avait pas ce genre de télévision partout. Les caméras de télévision de cette époque coûtaient cher et n'étaient pas fiables du tout et il n'y en avait pas dans les centres commerciaux. Nous avons commencé dans les ensembles de logements sociaux. C'était beaucoup moins simple que ça l'est maintenant; mais c'était une autre époque, et maintenant nous en vivons une autre et pour ce qui est de l'avenir, nous aurons de plus en plus recours à ce genre de preuve électronique et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il y aura de moins en moins de zones grises.

Le sénateur Baker : Voilà de solides arguments. Merci.

Le sénateur Angus : Bonjour, monsieur McLeod. Merci d'être venu.

Nous avons entendu des témoignages au sujet de ce projet de loi qui nous ont présenté différents points de vue, dont l'un était celui du barreau. Je ne vais pas dire que les témoins n'ont fait que se répéter, mais une des affirmations que j'ai entendues était que ce projet de loi allait aggraver la confusion plutôt que la réduire, donner plus de pouvoirs aux citoyens qu'aux policiers et que ces citoyens font en fait partie de la catégorie de la sécurité privée dont vous faites partie vous et vos agents. Cela me donne à penser que vous n'aimez sans doute pas beaucoup entendre ce genre de choses. Vous avez maintenant la possibilité de nous dire ce que vous en pensez.

M. McLeod : J'ai lu d'un bout à l'autre tous les témoignages qui ont été présentés ici et j'ai même participé aux débats parlementaires précédents. J'en ai vraiment assez d'entendre dire que nous ne rendons de compte à personne et que cela revient à la justice privée. Ces gens ne croient pas ce qu'ils disent; nous ne le croyons pas non plus, mais j'imagine qu'il y a des gens qui sont obligés de répéter ce genre de choses parce que cela fait partie de leur rôle en tant que président ou dirigeant d'une association.

Il est tout à fait vrai que les changements apportés aux règles en matière de légitime défense et d'arrestation par un particulier vont toucher davantage le secteur de la sécurité privée parce que c'est le travail que nous faisons pour gagner notre vie. Mais c'est également nous qui sommes constamment surveillés par ces associations d'avocats. Une bonne partie d'entre eux gagnent leur vie en nous poursuivant et les autres gagnent leur vie en nous défendant. Cela va-t-il leur donner davantage de travail? C'est possible mais ce ne sera certainement pas le plus beau cadeau qu'ait jamais reçu le barreau.

Si on lit ce projet de loi attentivement, si on regarde ce qui va se passer et si on écoute les témoignages, on constate que les changements ne seront pas aussi importants qu'on le pense. Je me demande constamment si nous devons modifier notre programme de formation. Nos programmes de formation sont conçus de façon très conservatrice. Même si nous pensons avoir un peu plus de pouvoirs, nous n'allons pas nous en servir pour la simple raison qu'ils n'ont pas encore été confirmés. Nous ne voulons pas prendre de risque. Nous avons déjà suffisamment à faire avec la situation telle qu'elle est.

Le sénateur Angus : On nous a parlé du fait que des gens comme vous avaient des contrats avec les grands magasins et que vous aviez des agents disons au quatrième étage qui étaient en contact avec quelqu'un au troisième étage et en utilisant un walkie-talkie ou un dispositif de communication qui lui disait qu'il y a un voleur à l'étalage à cet étage et qu'il vient de prendre quelque chose. La personne qui se trouve au quatrième étage descend et arrête la personne alors qu'en fait, elle ne l'a jamais vue en train de commettre un vol, mais on nous a dit à ce sujet que cela pouvait soulever un problème. Avez-vous de l'expérience de ce genre de situation et avez-vous un commentaire à faire?

M. McLeod : Absolument. C'est là qu'intervient le changement technologique. L'environnement dans lequel nous travaillons aujourd'hui, l'environnement de la vente au détail, aurait été de la science-fiction il y a 170 ans.

Un exemple, l'agent A qui se trouve dans une salle de sécurité regarde les gens à proximité de petits articles de grande valeur, comme les lames de rasoir dont un petit paquet coûte 35 $, il observe quelqu'un en train de voler ces articles, il les choisit, il les prend, les dissimule disons dans un sac trafiqué, qui ne va pas déclencher la technologie de l'IRF, l'identification par radiofréquences. A appelle B par radio ou lui envoie un message texte et lui dit : « J'ai enregistré quelqu'un qui a fait ceci. » B prend position. Qui a vu le vol? C'est presque une discussion théorique mais c'est très intéressant. A a vu le vol. La caméra a vu le vol, la caméra constitue une preuve éternelle de ce vol. Pouvons-nous expliquer mieux les choses? Oui, nous le pouvons. Quelque chose a-t-il changé? Pas vraiment. La caméra est juste le prolongement des yeux de A. Les caméras sont maintenant tellement sophistiquées que les étiquettes IFR attachées aux petits articles de grande valeur, dans un magasin alimentaire ou un Walmart, sont reliées aux caméras. Dès que quelqu'un ouvre la porte pour s'emparer d'un article coûteux, les caméras avec le dispositif VPIZ le savent et elles suivent l'objet. En téléphoto, en couleur réelle, en haute définition, on voit la personne prendre l'article et le mettre dans un sac qui a été fabriqué pour dissimuler cet article et passer sans le déclencher le scanner Sensormatic. Nous avons l'enregistrement en couleur que les policiers pourront regarder. C'est un appel à très faible priorité pour les policiers et c'est vraiment dommage. À un moment donné, ils ne viendront même plus. Ils disent aujourd'hui qu'ils ne feront pas ça, mais ils le feront. Lorsqu'ils arrivent sur les lieux, ils sont accueillis par un agent de sécurité de très haut niveau qui va probablement décider de travailler avec eux un peu plus tard et les policiers disposent d'excellentes preuves qui sont très fiables. Les choses s'améliorent.

Le sénateur Angus : Pour le compte rendu, qu'est-ce que l'IRF et le PTZ?

M. McLeod : IRP est l'identification par radiofréquences d'une étiquette. C'est la petite bosse que l'on retrouve sur les articles chers et si elle n'est pas désactivée à la caisse, au moment où vous quittez le magasin...

Le président : Donnez-nous seulement la définition.

M. McLeod : PTZ vient de l'anglais Pan, Tilt and Zoom. C'est une caméra que l'on peut diriger avec une manette et si vous la reliez à un objet, elle le suit dans le magasin.

Le sénateur Fraser : Qu'est-ce qu'un sac trafiqué?

M. McLeod : Un sac trafiqué est un sac qui est doublé avec quelque chose qui va bloquer le signal de l'étiquette IRF pour le scanner Sensormatic. On peut prendre du papier d'aluminium.

Le sénateur Fraser : J'espère qu'il n'y a pas de voleurs qui nous regardent.

M. McLeod : C'est un vieux truc. Nous parlons uniquement des trucs qui sont anciens et que tout le monde connaît, ou à peu près.

Le sénateur Angus : J'ai connu un président d'un autre comité qui pendant des années a obligé les témoins qui utilisaient un acronyme comme PTZ ou IRF ou XLQ, à payer une amende de 5 $. Avec l'inflation, ce montant est passé à 10 $ et cela donnait d'assez bons résultats parce que c'était le sénateur Banks qui était ce président.

Le président : Je vais y penser.

Le sénateur Jaffer : J'ai trouvé que votre exposé était très intéressant. J'ai une question à vous poser au sujet de la formation. Est-ce que les gens qui travaillent dans votre organisation suivent une formation continue? Avec ce nouveau projet de loi — vous allez être fatigué de m'entendre poser toujours la même question —, l'arrestation par un simple citoyen porte normalement sur un acte criminel. Est-ce que vous donnez ce genre de formation aux personnes qui travaillent pour vous?

M. McLeod : Oui. Nous et les autres agences importantes classons tous nos employés dans diverses catégories — niveau 1, 2, 3. Il y a des entreprises qui ont jusqu'à 10 niveaux. Le niveau 1 correspond à des tâches très simples, comme garder une barrière, la lever et la baisser, distribuer des permis de stationnement. Il faut arriver au niveau 3 et suivre une formation supplémentaire, notamment sur l'emploi de la force. Avant de pouvoir utiliser la force, qui comprend l'usage des bâtons et des menottes, il faut suivre un cours intitulé règlement sans violence d'une situation de crise — comment utiliser la parole pour calmer quelqu'un et réduire les tensions avant d'avoir à utiliser la force. Seul un employé de niveau 3, quelqu'un qui a suivi ces cours et les a renouvelés tous les ans, peut procéder à des arrestations.

Le sénateur Jaffer : Combien durent vos cours?

M. McLeod : Cela va de quatre heures à un jour.

Le sénateur White : Merci pour votre exposé, monsieur McLeod. Je me fais l'écho de vos commentaires pour ce qui est des changements législatifs qui pourraient être introduits pour renforcer l'obligation de rendre compte des gardiens de sécurité. Je conviens avec vous que l'industrie de la sécurité va se développer et fera les choses que les services de police n'ont pas les moyens de faire. À l'avenir, je crois que son rôle va se développer.

Je vous ai entendu parler de l'Ontario. Je dirais que l'Ontario a mis sur pied de bons mécanismes de surveillance, de reddition de compte et adopté les meilleures lois au pays et pourtant, j'ai vécu dans plusieurs provinces. Que diriez-vous d'une loi de niveau national qui préciserait les conditions à respecter, les mandats en matière de formation, d'accessibilité et de responsabilités? Je sais que vous êtes en contact avec des agences dans l'ensemble du pays mais je peux vous dire qu'elles ne sont pas toutes comme les vôtres. J'en ai vu quelques-unes en train d'agir et je n'ai pas toujours été impressionné. Que pensez-vous, vous et les autres que vous connaissez, de l'adoption de normes nationales?

M. McLeod : Je suis convaincu qu'une norme nationale serait une excellente chose. L'APSA travaille avec le Conseil sectoriel de la police. Vous connaissez probablement Geoff Gruson qui est membre du conseil.

Le sénateur White : Je suis membre de ce conseil.

M. McLeod : Excusez-moi. Cela fait deux ans qu'il travaille avec les registrateurs provinciaux du secteur de la sécurité privée sur ce projet qui est, je crois, chargé au palier fédéral d'harmoniser les normes à l'échelon national pour que les permis soient transférables. Nous collaborons avec lui. Certains des principaux registrateurs comme celui de l'Ontario s'intéressent vivement à la possibilité d'adopter des mesures législatives au sujet de l'emploi de la force, en plus du cours de base. Je m'intéresse à la possibilité de concevoir un certificat spécialisé pour les agents de sécurité privés qui travailleraient dans le cadre d'un partenariat public-privé avec la police. Tout cela est possible. Il semble qu'il y ait la volonté politique de le faire et en réalité, les choses ont déjà bougé. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que ce serait une excellente chose. Cela réglerait une fois pour toutes, toutes ces histoires de gardiens ayant reçu une formation insuffisante.

Il faut toutefois tenir compte du fait que l'industrie de la sécurité privée, comparée à la police publique, a un personnel beaucoup plus nombreux et exerce des activités beaucoup plus variées. Nos tâches peuvent être extrêmement triviales et abrutissantes ou très sophistiquées. Bien souvent, ce sont les tâches abrutissantes que nous exécutons qui suscitent des critiques. Tout le monde aime se moquer dans Mall Cop. J'ai vu le film deux fois et j'en ris encore. Je préfère l'émission de télévision Republic of Doyle dans laquelle l'agent privé a une relation intime avec l'agent public, mais c'est une autre histoire.

Le président : Nous apprécions beaucoup vos grandes connaissances et votre enthousiasme mais il y a d'autres sénateurs qui veulent prendre la parole et nous devons respecter l'horaire.

M. McLeod : Désolé, je me suis écarté du sujet.

Le sénateur Chaput : J'ai une brève question. Je vois que votre industrie est réglementée. Il y a des centres de formation dans l'ensemble du Canada et vous parlez de normes nationales. Quel est le genre de rapport que vous avez de nos jours avec la police? Pensez-vous que cela pourrait devenir à un moment donné un partenariat?

M. McLeod : Oui, tout à fait. Nous avons d'excellents rapports avec la police. Il y a plusieurs niveaux. Le discours de notre association, dont je suis responsable. Il y a le discours des associations de policiers, qui a son propre programme, et je le respecte. La relation de travail que nous avons tous les jours avec la police est une excellente relation parce que malgré tout ce que disent les associations, les policiers ne veulent pas faire le travail stupide, simple et abrutissant que nous faisons et ils sont très heureux de voir que d'autres le font, en étant moins bien rémunérés et moins formés. Ils veulent avoir des rapports directs pour ne pas perdre leur temps ni consacrer leurs ressources à ce genre de choses. Il règne un excellent esprit de collaboration. Je pense que cela va encore se renforcer à l'avenir. Nous pouvons constater qu'ailleurs, cette collaboration est encore plus poussée que celle que nous avons à l'heure actuelle.

Le sénateur Unger : Merci, M. McLeod. Dans le mémoire que vous avez distribué, vous dites :

Au cours de vos délibérations, vous avez entendu des discussions fort intelligentes entre des juristes éminents au sujet des répercussions, positives et peut-être négatives, des changements subtils apportés par le projet de loi C-26. Nous préférons laisser ces aspects à d'autres experts.

Êtes-vous satisfait des dispositions du projet de loi C-26? Qu'en pensez-vous?

M. McLeod : Oui. Je voulais simplement m'adresser aux personnes qui ne sont pas d'accord avec moi ou qui craignent des conséquences que nous ne pouvons pas encore prévoir. Nous verrons ce que dit la jurisprudence et je crois qu'elle pourra régler les petits problèmes qui inquiètent certaines personnes. C'est la raison pour laquelle mon industrie est tout à fait en faveur de ce projet de loi.

Le sénateur Unger : Pour ce qui est de cette jurisprudence très ancienne sur laquelle de nombreuses décisions sont basées ou du moins qui fait l'objet de beaucoup de recherches, vous ne craignez pas que cela bouleverse la situation?

M. McLeod : Je ne pense pas que l'on va écarter toute cette jurisprudence. Il y aura des changements et des adaptations à l'avenir mais rien de considérable. Je ne pense pas que cela va la modifier.

Le sénateur Unger : Merci.

Le président : Je suis intrigué par votre attitude optimiste au sujet de la possibilité de collaborer et de travailler avec les services de police. D'après mon expérience, les associations de policiers sont très réticentes à abandonner certaines activités et comme vous le savez, elles sont très actives politiquement, à la différence des associations de chefs de police et d'autres qui ne s'occupent pas de faire des commentaires politiques ou des élections. Pensez-vous qu'il y a également là un changement d'attitude?

M. McLeod : Oui et dans la blogosphère et sur LinkedIn, les gens voient bien ce qui va se passer. Vous savez peut-être qu'au Royaume-Uni, le gouvernement a attribué au secteur privé des contrats d'une valeur de 4 milliards de dollars, selon un processus très mal conçu, à mon avis, mais il a privatisé des pans entiers du travail policier. Si vous pénétrez dans un poste de police de nos jours à Londres, vous verrez quelqu'un assis, qui porte un uniforme de policier et où il a un insigne qui dit « Securitas ». Je pense que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Il y a de meilleures façons de le faire.

Je crois qu'il faut protéger la marque et en fin de compte, c'est cela qui préoccupe un bon nombre d'associations. Elles veulent protéger la marque sécurité publique et je crois qu'il y a des façons intelligentes de le faire pendant que nous établissons des partenariats publics-privés. Cependant, tous les pays d'Europe et d'Amérique du Nord éprouvent des difficultés financières, et elles ne vont pas disparaître de sorte que quelqu'un devra céder. J'espère tout simplement que nous pourrons le faire de façon intelligente ici, et non pas comme cela s'est fait au R.-U.

Le président : J'ai apprécié votre comparution aujourd'hui. Avant de lever la séance, je rappelle aux sénateurs que nous allons nous réunir demain dans la salle habituelle de l'édifice de l'Est et procéder à l'étude article par article du projet de loi. Nous commencerons ensuite notre étude du projet de loi C-310, une loi modifiant le Code criminel qui porte sur la traite des personnes.

Cela dit, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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