Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 25 - Témoignages du 8 novembre 2012
OTTAWA, le jeudi 8 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Joan Fraser (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons aujourd'hui, notre examen du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).
Avant d'accueillir notre témoin, j'ai deux ou trois précisions à apporter. Vous avez reçu un premier avis, qui a ensuite été modifié, puis, qui vous a été renvoyé. Selon la première version, nous devions entendre ce matin le témoignage de la Ligue nationale de hockey, qui est encore mêlée à des négociations intenses. Or, il semble que New York est encore assailli par un orage épouvantable. Les représentants de la LNH nous ont donc fait parvenir un mémoire puisqu'ils ne pouvaient pas venir comparaître en personne. Comme vous le savez, il ne s'agit pas du seul mémoire que nous avons reçu.
J'aimerais demander à l'un d'entre vous de déposer une motion pour que les mémoires qu'on nous a soumis au sujet du projet de loi soient annexés aux délibérations du comité et affichés sur notre site web. Il devrait y en avoir toute une liste.
Sénateur White, pourriez-vous vous charger de compiler les mémoires et de prendre les mesures qui s'imposent?
Le sénateur White : Sans problème.
La vice-présidente : La motion est proposée par le sénateur White.
Êtes-vous tous d'accord? Qui est contre? La motion est adoptée.
Je suis très heureuse ce matin d'accueillir M. Tim Rahilly, vice-président associé des étudiants de l'Université Simon- Fraser. Il arrive de bien plus loin que de New York; il s'est déplacé de Vancouver malgré le court préavis.
Monsieur Rahilly, nous vous sommes reconnaissants de votre présence. Je pense que vous avez préparé une déclaration préliminaire.
Tim Rahilly, vice-président associé, étudiants, Simon Fraser University : En effet. Je vous remercie infiniment de me donner l'occasion de vous parler au nom de l'Université Simon-Fraser.
[Français]
Notre président a envoyé une lettre au comité décrivant brièvement nos objections au projet de loi, mais j'aimerais vous donner un peu le contexte qui vous aidera à comprendre notre point de vue.
[Traduction]
Comme vous l'avez dit, je suis actuellement vice-président associé des étudiants, mais j'évolue dans le milieu des inscriptions et des affaires étudiantes depuis environ 15 ans. J'ai reçu une formation en psychologie à l'Université McGill, où j'ai bénéficié de l'enseignement de M. Derevensky, un des témoins antérieurs. Je crois pouvoir apporter un angle différent de celui d'autres témoins, comme les spécialistes du jeu et de la dépendance que vous avez accueillis. Mon point de vue est quelque peu différent puisque je me préoccupe surtout des étudiants de l'Université Simon-Fraser et de la population d'âge universitaire en général.
Je suis responsable des sports, mais j'assume aussi des responsabilités plus vastes liées à la santé et au bien-être des étudiants ainsi qu'à leur réussite de façon générale.
J'aimerais aborder deux enjeux aujourd'hui. Je parlerai d'abord des répercussions du projet de loi sur l'Université Simon-Fraser, et surtout sur sa capacité d'organiser des championnats et d'être membre à part entière de la National Collegiate Athletic Association. Enfin, je discuterai brièvement de mon travail lié au jeu auprès des étudiants universitaires.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, l'Université Simon-Fraser est un établissement d'envergure polyvalent et axé sur la recherche. Elle s'est classée au premier rang de l'évaluation du magazine Maclean's pendant plusieurs années, en plus d'être reconnue sur la scène internationale. Nous sommes très présents au sein de la collectivité locale, au pays et à l'étranger. C'est d'ailleurs pour accroître notre rayonnement international hors du milieu universitaire habituel que nous nous sommes joints à la National Collegiate Athletic Association.
Nous sommes le premier établissement postsecondaire non situé en sol américain qui ait demandé et obtenu le statut de membre de plein droit de la National Collegiate Athletic Association, ou NCAA. Nous en faisons la demande depuis cinq ans, mais n'avons pas été acceptés comme membres avant le 1er septembre dernier.
J'aimerais brièvement parler de nos quelque 450 athlètes d'âge universitaire répartis entre 17 équipes sportives. Au cours de ses 47 ans d'existence, l'université a remporté 50 championnats à l'échelle nationale et a participé à un bien plus grand nombre encore.
Nous sommes fiers d'avoir aidé nos athlètes à devenir des citoyens actifs et joué un rôle dans l'appui des athlètes de façon générale, dont certains ont participé aux Jeux olympiques, remporté des médailles et pris part à d'autres manifestations sportives. Certains sont même devenus des athlètes professionnels. Nous sommes persuadés que, grâce à notre appartenance à la NCAA, nos étudiants bénéficient de sports intercollégiaux du plus haut niveau qui soit.
En raison des nombreuses règles de la NCAA, devenir membre n'a pas été de tout repos. Toutefois, nous avons vite compris que ces règles existent pour favoriser l'esprit sportif des membres et aider les étudiants athlètes. Elles ont aussi d'autres raisons d'être, comme l'équité entre les sexes et l'absence de drogues dans les sports.
La NCAA a une position claire sur les paris sportifs des étudiants athlètes, des responsables et des administrateurs comme moi, qu'ils soient légaux ou non. Je sais que la NCAA a remis un dossier au comité à ce sujet, mais je crois comprendre que leurs préoccupations sont semblables à celles de ligues professionnelles. En fait, la NCAA souhaite protéger l'intégrité de la partie et éliminer toute influence sur son résultat. Elle s'oppose donc à toute forme d'approbation des paris sportifs, et elle souhaite que les étudiants athlètes ne se sentent pas obligés de consommer des drogues visant à améliorer leur performance.
Ces règles sont strictes, et leur violation donnera lieu à des sanctions à l'endroit de l'individu et même de l'école, dans certains cas.
Une des règles de la NCAA veut qu'une partie de championnat ne puisse se dérouler dans un État ou un pays qui accepte les paris sur une seule épreuve sportive ou sur les événements sportifs. Si le projet de loi était adopté, nous ne pourrions donc accueillir aucun match de championnat, ce qui empêcherait nos athlètes d'être avantagés par le jeu à domicile. Les étudiants sur le campus n'auraient pas la chance d'assister aux parties de leurs équipes à un aussi haut niveau de jeu. Les équipes devraient supporter un fardeau financier supplémentaire et voyager davantage puisqu'elles ne pourraient pas jouer les rencontres à domicile sur le campus. Notre région perdrait un important flux touristique, et l'Université Simon-Fraser ne multiplierait pas, comme elle le souhaite, les occasions d'amener des Américains sur le campus dans l'espoir d'accroître son rayonnement et d'attirer plus d'étudiants et d'universitaires.
Lors de ses parties à domicile, l'Université Simon-Fraser serait obligée de trouver un établissement là où ce genre de paris n'est pas permis, et la position concurrentielle de l'université en matière de recrutement et de rétention des étudiants athlètes pourrait en souffrir.
J'aimerais maintenant parler brièvement de mon travail auprès des étudiants d'âge universitaire. À vrai dire, nous venons tout juste de commencer à évaluer l'effet du jeu et des paris sur les étudiants. Nous estimons que le problème est nouveau. La NCAA a réalisé deux sondages sur le jeu chez les étudiants athlètes, et elle est parvenue aux mêmes conclusions que d'autres témoins venus comparaître ici. Même si les joueurs à problèmes ne représentent qu'un faible pourcentage de la population, la situation est préoccupante. Les paris des jeunes hommes sont disproportionnellement plus élevés que ceux d'hommes et de femmes plus matures.
Le sondage de la NCAA révèle que les paris entre amis comptent parmi les formes de jeu les plus courantes chez les hommes. Il s'agit selon moi d'une indication que les jeunes hommes ne sont pas nécessairement en quête de paris étrangers ou de jeu illégal.
Par conséquent, je pense qu'augmenter la disponibilité des paris sur une seule épreuve pourrait bien favoriser les jeux d'argent chez un plus grand nombre d'étudiants. Compte tenu de notre expérience de l'alcool et des drogues sur les campus au cours des dernières décennies, nous savons que le niveau de consommation est proportionnel à la disponibilité d'un produit. C'est inquiétant, car nous savons que les comportements que l'étudiant adopte au cours de ses années universitaires par rapport à sa santé le suivront toute sa vie.
En résumé, l'Université Simon-Fraser est convaincue que le projet de loi C-290 aura un effet néfaste sur les étudiants du campus, sur le milieu local, et surtout sur ses 450 étudiants athlètes qui ne pourront plus jouer à domicile. Nous craignons que l'exposition accrue aux paris légaux sur une seule épreuve ait aussi des conséquences désolantes au sein de la population étudiante.
C'est pourquoi nous n'appuyons pas le projet de loi et vous recommandons d'en étudier davantage les répercussions avant de l'adopter.
Je vous remercie de m'avoir écouté, et je répondrai à vos questions avec plaisir.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Rahilly. Nous allons commencer avec le sénateur Runciman, le président du comité.
Le sénateur Runciman : Je vous remercie d'être venu de Vancouver malgré le court préavis. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je suis intrigué par certaines de vos remarques et aussi par les positions de certaines grandes ligues sportives.
Soit dit en passant, la Ligue nationale de football nous a fait parvenir un mémoire nous présentant son opposition au projet de loi. Nous savons que la ligue milite aux côtés de la NCAA pour lutter contre la décision du New Jersey de légaliser les paris sur une seule épreuve sportive. Or, je trouve cette position pour le moins étrange. Il y a deux semaines, un match de la NFL opposant les Patriots de la Nouvelle-Angleterre et les Rams de Saint-Louis, je crois, s'est déroulé à Londres. Après la partie, le propriétaire des Patriots, Robert Kraft, a confié à la presse que la Ligue nationale de football veut que Londres ait sa propre équipe. Vous savez certainement que les paris sur une seule épreuve sportive sont permis depuis des décennies en Grande-Bretagne. Il est même possible de miser sur un joueur en particulier et sur toute une gamme de variables. Je trouve donc plutôt curieux, voire étrange, que la ligue adopte une position dans sa lutte contre le New Jersey ou notre projet de loi, puis, qu'elle laisse carrément tomber ses convictions dès que la possibilité de faire de l'argent pointe à l'horizon, comme c'est le cas en Grande-Bretagne. Comment réagissez-vous au commentaire de M. Kraft et de la Ligue nationale de football au complet au sujet de la création d'une équipe en Grande-Bretagne?
M. Rahilly : Je ne connais pas bien la NFL. Tout ce que je peux dire, c'est que ce genre de grande organisation parle rarement d'une seule voix et compte souvent des factions opposées. La situation n'est pas tout à fait ainsi dans le milieu du sport intercollégial et amateur. Le sport amateur est plutôt clair sur la question : il ne veut pas vraiment être mêlé aux paris sportifs, qu'ils soient légaux ou non. Je conviens qu'il est étrange d'appliquer des règles distinctes dans différents pays; la ligue désire probablement agrandir sa portée.
Le sénateur Runciman : Ce n'est pas l'avis d'une personne isolée. L'information se trouve même sur le site web de la NFL.
Bon nombre des scandales nord-américains entourant les paris sont liés à la NCAA. Le dernier est survenu en 1994 et concernait l'Arizona et Washington; il impliquait le crime organisé et des joueurs ayant recours à des preneurs de paris illégaux. En fait, le capitaine de l'équipe Steve Smith devait de l'argent à un preneur de paris, ce qui a donné lieu à la création d'un système illégal de limitation des points. Il y avait curieusement beaucoup d'activité à ce sujet à Las Vegas, ce qui a permis de mettre au jour le scandale. L'environnement réglementé et transparent de Vegas a permis de lever le voile sur cette activité inhabituelle. Les autorités ont poussé leurs recherches et ont découvert le système illégal de limitation des points orchestré par des joueurs.
Il me semble qu'avoir accès à l'information d'un tel système réglementé et transparent contribue à mieux protéger la ligue dans son ensemble, qu'il s'agisse de sport amateur ou professionnel. Il y a une semaine environ, j'ai posé une question à M. Beeston des Blue Jays de Toronto au sujet d'ententes sur l'échange de renseignements avec des commerces de paris légaux de Las Vegas, de la Grande-Bretagne ou d'ailleurs. Il semble que les Blue Jays ne bénéficient d'aucune entente semblable, ce qui leur permettrait de détecter des activités inhabituelles ayant trait aux paris et d'éveiller les soupçons entourant le déroulement d'une partie en particulier. La NCAA a-t-elle conclu des ententes sur l'échange de renseignements avec des preneurs de paris légaux à Vegas ou à l'étranger?
M. Rahilly : Je ne suis au courant d'aucune entente sur l'échange de renseignements, et je ne prétends pas avoir de compétences sur la question. Les échanges de renseignements officiels permettent manifestement de déceler les activités illicites.
Par ailleurs, nous avons constaté qu'il est possible de détecter des pratiques illégales grâce à l'accès à l'information de façon générale, sans ententes officielles sur l'échange de renseignements. Je pense aux comportements inquiétants chez les étudiants en général. En raison de l'usage répandu du Web, des nouveautés voient régulièrement le jour.
Le sénateur Runciman : Je pense que certains préfèrent se mettre la tête dans le sable. Prenons l'exemple du scandale des stéroïdes ayant secoué les ligues de baseball majeur, qui a suscité la méfiance de la population pendant des années. Même si la ligue n'était pas prête à prendre le problème à bras-le-corps, la situation est devenue tellement évidente qu'elle a été forcée d'intervenir. Vous n'êtes au courant d'aucune entente sur l'échange de renseignements. Il semble que les grandes ligues sportives n'ont pas d'ententes semblables et que leur capacité à déceler les activités inhabituelles est limitée, au mieux. Vous avez aussi parlé d'une plus grande disponibilité. Je ne crois pas qu'offrir une option légale et transparente se traduira nécessairement par une plus grande disponibilité. Il y a actuellement beaucoup de paris illégaux, qui sont pour la plupart pris à l'étranger et orchestrés par le crime organisé.
La vice-présidente : Était-ce une question?
Le sénateur Runciman : J'invite le témoin à commenter ou à répondre.
M. Rahilly : Permettez-moi d'abord de préciser que je ne représente pas la NCAA; je ne peux pas me prononcer sur son historique en matière d'échange d'information de manière compétente puisque l'université n'en est membre que depuis le 1er septembre dernier.
Je peux toutefois répondre à la question sur la disponibilité. Nous n'en savons pas beaucoup sur l'effet de la disponibilité du jeu sur les jeunes, qu'il soit légal ou non. Je n'ai pas trouvé d'information sur la question. Ce que je vous ai dit découle d'observations, dont certaines sont assurément isolées. Nous avons surtout tiré ces conclusions à partir de notre expérience de la drogue, qui est illégale, et de l'alcool, qui est légal. J'ignore si la comparaison est valable. Quoi qu'il en soit, c'est bien souvent la première fois que ces jeunes sont loin de la maison, sans supervision parentale; ils veulent faire des expériences et tester les limites. Puisque c'est à ce moment qu'ils font l'essai de nouveaux comportements, je crois que la disponibilité du jeu les incitera à l'expérimenter.
Le sénateur Runciman : Les paris existent déjà.
La vice-présidente : Avant de laisser la parole au sénateur Baker, chers collègues, j'aimerais vous rappeler que nous avons reçu le mémoire de la NCAA. Je sais de source sûre que tous les membres du comité l'ont reçu par courriel lundi ou mardi. J'en ai des copies en main, si vous désirez en avoir une.
Le sénateur Baker : Merci de votre témoignage aujourd'hui. C'est clair que toutes les organisations qui ont témoigné ici et qui représentent des athlètes, quelle que soit la discipline sportive, ne veulent pas que le projet de loi soit adopté. En fait, elles s'opposent toutes vigoureusement à l'adoption du projet de loi.
Toutefois, vous nous avez signalé un autre problème. Votre université peut maintenant compétitionner en tant que membre international de la NCAA, mais les matchs de championnat ne pourront pas se dérouler au Canada, dans votre province et à votre université.
M. Rahilly : C'est exact.
Le sénateur Baker : Cette règle s'applique à tous les États américains aussi. Étant donné que l'Université Simon-Fraser et ses athlètes compétitionnent et sont reconnus, mais qu'ils ne peuvent pas être l'hôte d'un match de championnat, voyez- vous une raison logique à l'adoption du projet de loi? Si vous prenez part au championnat, vous devrez aller aux États- Unis, où les paris sur une seule épreuve sportive sont illégaux; c'est renversant. À votre avis, y a-t-il une raison logique à l'adoption du projet de loi?
M. Rahilly : Je dois admettre que nos préoccupations sont propres à notre université, qui est le seul membre international de la NCAA. Nos préoccupations sont très pragmatiques et concernent cette disposition relative à la NCAA. L'adoption du projet de loi nous nuirait directement. Je peux commenter les paris légaux ou illégaux à titre individuel ou en tant que représentant d'une université membre de la NCAA, mais en réalité, nous serons très clairement désavantagés. La NCAA va nous considérer de la même façon que le Nevada. Nous pourrons tenir les championnats dans tous les États sauf au Nevada et peut-être au New Jersey, mais pas en Colombie-Britannique. Nous serions très déçus pour cette simple raison d'ordre pratique. Nous croyons que nos athlètes et notre université seraient désavantagés, après de nombreuses années d'efforts pour être les premiers membres internationaux de la NCAA.
Le sénateur Baker : Par souci de clarté, j'indique que le Nevada est le seul État aux États-Unis où de tels paris peuvent être faits. Il faut se rendre dans cet État pour faire ce genre de paris. C'est pourquoi aucune équipe professionnelle ne veut aller au Nevada.
Vous avez aussi parlé du New Jersey, où l'établissement des paris sur une seule épreuve sportive progresse. Mais tous les gens liés aux sports organisés s'y opposent.
Connaissez-vous des organisations sportives autres que la NCAA qui ont affirmé publiquement que, si le pari sur une seule épreuve sportive était permis dans une province, au Canada ou dans un État aux États-Unis, elles n'y tiendraient pas de championnat, comme l'a indiqué la NCAA?
M. Rahilly : J'ai seulement entendu parler des impacts potentiels sur les nouvelles franchises.
Le sénateur Baker : Que voulez-vous dire?
M. Rahilly : Il a été déclaré que les paris légaux sur une seule compétition sportive pourraient influencer la façon dont les ligues examinent l'établissement de nouvelles franchises au New Jersey.
Le sénateur Baker : Vous êtes psychologue et avez beaucoup d'expérience scientifique. Y voyez-vous une raison logique? Pourquoi ferait-on la promotion d'un tel projet de loi qui légalise les paris sur une seule épreuve sportive? La loi au Canada nous permet présentement de parier sur trois épreuves, mais si le projet de loi est adopté, nous pourrons parier sur les Jeux olympiques, sur les matchs de hockey pee-wee et sur toutes les compétitions sportives. À votre connaissance, quel est le principal risque que nous courrons si nous adoptons le projet de loi, mis à part qu'aucune province au Canada ne pourra tenir de matchs de championnat de la NCAA?
M. Rahilly : Je précise tout d'abord que je ne pratique pas la psychologie à l'heure actuelle. J'ai fait défection, comme on dirait.
Pour ma part, je suis préoccupé par l'impact sur le sport amateur. Je dirais qu'il y a bien plus de freins et contrepoids dans le sport professionnel. Il y a peut-être plus de ressources pour que les gens observent la loi, si le pari sur une seule épreuve sportive est légalisé. Je ne pense pas que le sport amateur a les ressources nécessaires. Différents types de personnes pourraient influencer plus facilement le résultat des matchs amateurs. Je ne peux pas dire si l'influence serait exercée par des amis ou par un groupe plus organisé.
Les avantages de l'adoption du projet de loi sont bien sûr économiques; je comprends. Il ne faut pas sous-estimer cette donnée. Si le sport amateur profitait d'un boom économique, ses responsables auraient peut-être une opinion différente; je ne sais pas.
Je pense que l'économie constitue un argument, mais je ne veux pas forcément le défendre avec beaucoup de fermeté. Le sport amateur a aussi des intérêts économiques, comme le tourisme. Si l'Université Simon-Fraser avait la chance d'organiser un championnat d'athlétisme qui comporte bon nombre d'épreuves, des milliers de personnes viendraient dans la région. Cependant, je ne peux pas comparer de façon empirique les retombées économiques d'un tel championnat avec celles que pourraient se produire dans les casinos ou l'industrie des jeux de hasard.
Le point de vue que je présente ici aujourd'hui, ne porte pas forcément sur l'économie. Il concerne plutôt l'impact sur le sport amateur, surtout le sport intercollégial. Nous sommes présentement le seul membre international de la NCAA, mais d'autres universités examinent la question et subiraient le même genre de conséquences.
Le sénateur White : Merci d'être ici aujourd'hui. Vous l'avez peut-être dit, mais combien d'années d'efforts l'Université Simon-Fraser a-t-elle consacrées avant de réussir à entrer dans la NCAA?
M. Rahilly : Selon une légende locale de l'université, une personne aurait dit en 1965 que nous allions participer au Rose Bowl. Mais c'est seulement ces cinq dernières années que nous nous sommes employés à devenir membre de la NCAA.
Le sénateur White : Combien d'argent l'Université Simon-Fraser a-t-elle investi depuis cinq ans?
M. Rahilly : Ce serait difficile pour moi de le dire. Nos efforts se comptent en millions, mais je ne sais pas combien nous avons dépensé exactement.
Le sénateur White : Étant donné que vous avez investi beaucoup de temps et d'efforts, vous a-t-on demandé si le projet de loi aurait un impact sur votre université, lorsqu'il a été présenté au Parlement?
M. Rahilly : Non, nous avons été pris par surprise. Nous avons tout de suite été préoccupés par le projet de loi, dont nous avons pris connaissance il y a seulement quelques semaines.
Le sénateur White : C'est préoccupant, parce qu'un certain nombre d'organisations professionnelles ont donné la même réponse. Personne n'a pris contact avec elles lorsque le projet de loi a été présenté au Parlement. En fait, c'est nous qui les avons informées. Je tiens d'ailleurs à féliciter le comité.
Vous avez dit que d'autres universités canadiennes envisagent de présenter une demande pour entrer dans la NCAA. Je sais que vous ne pouvez pas parler au nom de cette organisation, mais pour vous être penchés sur la question, que dirait la NCAA à ces universités selon vous, si le projet de loi était adopté au Canada? L'entrée dans la NCAA serait plus facile, plus difficile, ou présenterait-elle le même niveau de difficulté à votre avis, étant donné que vous travaillez à la question depuis 37 ou 47 ans comme vous l'avez dit? C'est beaucoup de temps.
M. Rahilly : Concernant les cinq dernières années et la NCAA, je ne sais pas. À certains égards, la NCAA a eu du mal à accueillir un premier membre canadien. Tout d'un coup, elle a dû prendre en compte que les équipes n'étaient pas toutes américaines et qu'elles n'étaient pas toutes régies par les lois aux États-Unis. Nous avons dû adapter la réglementation américaine pour qu'elle s'applique au Canada.
Je pense que la NCAA dirait clairement et sans détour à un demandeur canadien qu'il peut former une équipe, mais qu'il ne peut pas tenir de championnat si le pari sur une seule épreuve sportive est légal au Canada. La NCAA, ainsi que les avocats et les comptables qui travaillent pour elle sont très clairs.
Je dirais que la NCAA voulait offrir une meilleure expérience aux athlètes et prendre de l'expansion, lorsqu'elle a mis en œuvre ce programme pilote pour accepter des équipes qui ne sont pas établies aux États-Unis. Je pense que, dans une certaine mesure, la NCAA est déçue que les athlètes n'aient pas d'expérience internationale. Les Canadiens pensent souvent qu'ils ne vivent pas dans un pays exotique, mais nous sommes une destination internationale pour ces étudiants- athlètes, dont bon nombre ne sont jamais venus au Canada. Nous veillons à ce que les étudiants-athlètes américains aient des passeports. Bon nombre d'entre eux n'ont jamais traversé la frontière qui sépare nos deux pays.
Je pense que tout le monde est un peu déçu. Toutefois, c'est sans doute plus facile concernant les championnats de la NCAA, parce qu'ils seront tous organisés dans les mêmes villes qu'auparavant.
Le sénateur White : Je ne suis pas sûr de comprendre votre réponse concernant la NFL et l'expansion à Londres, en Angleterre. Vous êtes peut-être au courant, mais je crois qu'un État aux États-Unis permettait les paris sur une seule épreuve sportive, sauf pour son équipe de la NBA. Je pense que c'est l'équipe de Portland, en Oregon. Le saviez-vous?
M. Rahilly : Désolé, je n'étais pas au courant.
Le sénateur White : J'imagine que cette solution pourrait s'appliquer à Londres, en Angleterre.
Le sénateur Frum : Je tiens aussi à vous remercier d'être venu ici, parce que vous êtes le premier témoin avec qui nous discutons des conséquences pour les étudiants-athlètes, les athlètes amateurs. Les témoins précédents n'ont pas évoqué la question.
Vous avez surtout parlé des conséquences pragmatiques et des effets économiques négatifs pour l'Université Simon- Fraser, mais je veux connaître votre opinion en tant qu'expert de la vie étudiante et à titre d'ancien psychologue. Les principales provinces intéressées sont l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Pouvez-vous en dire plus sur les conséquences négatives de l'adoption du projet de loi pour la vie sportive sur les campus en général, pas seulement pour celle de votre université? Durant vos commentaires, je me suis dit que l'étudiant qui fait des paris est différent dans la mesure où il côtoie les athlètes au quotidien. Il me semble que c'est très dangereux et très néfaste. C'est au cœur du problème d'intégrité dans le sport. Pouvez-vous commenter la question?
M. Rahilly : Merci de la question. Je vais faire deux commentaires.
Tout d'abord, je pense que nous ne savons pas quels pourraient être les effets négatifs sur les campus des universités, des collèges ou des cégeps. Je peux émettre des hypothèses fondées sur mon expérience, mais je pense que nous ne savons pas quels seraient les effets. Bien des changements se produisent en même temps. Nous discutons des paris sur une seule épreuve sportive, mais les gens participent de plus en plus aux jeux de hasard en ligne. Il y a une hausse astronomique de la participation étudiante sur les sites de poker en ligne, qui sont un peu différents. Néanmoins, les gens qui parient participent souvent à différents types de paris sportifs ou de jeux de hasard en ligne.
Je suis préoccupé pour la santé à long terme de cette génération d'étudiants, compte tenu de leur exposition à toutes ces activités, y compris les jeux de hasard légaux ou illégaux. Nous devons en tenir compte en ce qui a trait aux effets à long terme sur la santé de cette génération et au nombre de personnes qui pourraient devenir des joueurs à problèmes.
J'espère que bien des étudiants qui ne deviendront peut-être pas des joueurs à problèmes vont profiter de ces expériences et tirer des leçons, qui peuvent toutefois être très amères. Je me suis personnellement occupé d'étudiants qui ont sauté une coche — je crois que c'est l'expression qu'ils emploient — à cause des jeux de hasard ou d'autres activités en ligne. C'est mon premier commentaire. Nous ne savons tout simplement pas quels pourraient être les effets négatifs.
Ensuite, concernant les athlètes qui côtoient les spectateurs ou les parieurs potentiels, c'est une grande préoccupation pour le sport amateur, parce que la tricherie serait très difficile à détecter. La communication d'information ne permet pas forcément de régler la question. On parle d'un groupe d'étudiants très compétitifs, qui ont divers besoins financiers. Les étudiants pourraient comploter en vue de truquer les résultats. Je pense que c'est entre autres pourquoi la NCAA ne soutient la légitimation d'aucune forme de pari sportif.
Le sénateur Frum : Je veux poursuivre brièvement dans la même veine. Je pense qu'il y a deux types de risques. Tout d'abord, le risque de corruption est supérieur si les athlètes et les parieurs se côtoient. Ensuite, c'est simplement une question d'intensité. La personne qui a cours avec le quart-arrière de l'équipe perdante le lendemain du match va lui en vouloir beaucoup si elle a misé sur lui, même si ce joueur est au-dessus de tout soupçon. C'est un peu inquiétant de penser à ces sentiments intenses en tant que mère d'un étudiant-athlète.
M. Rahilly : La corruption ne semble pas être un terme qui s'applique aux étudiants. C'est heureusement très rare qu'il soit question de corruption chez les étudiants, mais en effet, c'est une préoccupation. Je signale de nouveau le lien entre les occasions de magouiller et la création des habitudes. En tant qu'organisation qui appuie le sport amateur et 450 étudiants-athlètes, nous voulons limiter la pression sociale, économique ou autre exercée sur les athlètes.
Le sénateur Joyal : Monsieur Rahilly, avez-vous eu l'occasion d'examiner le témoignage des représentants des Blue Jays de Toronto que nous avons entendus?
M. Rahilly : Oui, j'en ai pris connaissance.
Le sénateur Joyal : Ils nous ont exprimé très clairement leurs conclusions quant aux risques qui découleraient de la possibilité de parier sur une seule manifestation sportive à la fois. Pour ce qui est de ces risques, existe-t-il une différence fondamentale entre les athlètes étudiants et les sportifs professionnels?
M. Rahilly : Je dirais que la différence ne se situe pas au niveau des individus eux-mêmes. C'est le contexte qui n'est pas le même. Les deux groupes seraient exposés au même genre de tentations.
J'en reviens à ce que je disais tout à l'heure. On semble avoir l'impression que les sportifs professionnels, compte tenu de leurs revenus plus élevés, pourraient être moins tentés, bénéficier de protections plus efficaces ou être soumis à des contrôles plus serrés. Je crois bien que la situation est différente pour les athlètes étudiants. Généralement, ils n'ont pas beaucoup d'argent. Nous leur versons des bourses; nous subvenons à leurs besoins. Nous leur demandons de consacrer beaucoup de temps à leur sport. Ils doivent voyager; ils sont fatigués. Le contexte est donc bien différent dans leur cas.
Le sénateur Joyal : Diriez-vous que l'âge est un facteur à prendre en considération également car, au niveau collégial, certains athlètes n'ont pas encore 18 ans?
M. Rahilly : Je ne peux pas vraiment me prononcer sur la maturité des athlètes professionnels par rapport aux étudiants universitaires. Plus sérieusement, je me préoccupe surtout des données empiriques accumulées au sujet des activités de jeu des garçons tout particulièrement. En psychologie, nous savons beaucoup de choses sur le développement des adolescents. Nous constatons actuellement que l'adolescence se prolonge. Si l'on peut noter une différence entre une personne de 18 ans et une autre de 30 ans, l'écart devient très mince entre un garçon de 18 ans et un autre de 24 ans.
Le sénateur Joyal : Qu'est-ce qui explique cela?
M. Rahilly : C'est une simple question de développement.
Le sénateur Joyal : Est-ce parce que la société a changé? Est-ce parce qu'on ne leur demande pas d'assumer des responsabilités très tôt dans leur vie? Quel est le principal facteur contribuant à cette situation?
M. Rahilly : Il y a bien des théories à ce sujet, mais on constate notamment que l'adolescence est prolongée parce que les jeunes demeurent au domicile familial plus longtemps. Il y a aussi des écarts générationnels qui influent sur les comportements parentaux du fait que les gens attendent plus pour avoir des enfants. Il y a sans doute aussi d'autres facteurs. La conjoncture économique est telle que les étudiants s'éloignent moins du foyer familial. La dépendance est plus marquée. Mais quelle que soit la cause, les études sur le jeu et les paris en ligne nous démontrent que les taux de participation des jeunes hommes sont plus élevés, un phénomène qui s'atténue avec l'âge.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Si la logique que vous évoquez pour les États-Unis s'applique au Canada et que vous vous objectez au projet de loi, est-ce que je me trompe si je dis que vous devriez vous adresser à la Colombie-Britannique qui, elle, devrait s'abstenir de permettre ce genre de pari sportif sur son territoire?
[Traduction]
M. Rahilly : Je ne sais pas dans quelle mesure la Colombie-Britannique pourrait interagir avec les États-Unis à ce chapitre. Je ne suis pas certain d'avoir bien entendu toute votre question. Pourriez-vous la répéter?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je comprends que vous vous objectez au projet de loi. Mais si on applique la logique des États-Unis, c'est en Colombie-Britannique que vous devriez rencontrer des gens et leur dire que vous allez vous objecter à ce genre de pari sportif.
[Traduction]
M. Rahilly : Je crois que nous nous y opposerions. Je comprends bien qu'il s'agit d'une loi fédérale, ce qui fait que les instances provinciales pourraient adopter leurs propres règles en la matière, mais nos objections demeureraient les mêmes, surtout dans les cas de la Colombie-Britannique, car nous serions directement touchés.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Évidemment on a un projet de loi, mais ce sont les provinces qui décident. Est-ce que vous trouvez équitable de priver les autres provinces du droit de permettre ce genre de pari pour éviter que tout cela tombe entre les mains du crime organisé et que l'argent se retrouve ailleurs aux États-Unis?
[Traduction]
M. Rahilly : Il y a effectivement une question de compétence qui a une incidence sur les conséquences de cette mesure. Si une province devait autoriser des paris sportifs de la sorte, il y aurait assurément un impact différentiel du point de vue économique. C'est l'argument économique que l'on met de l'avant pour préconiser les paris sur une manifestation unique. Il y aurait également des répercussions sur le sport amateur et les compétitions collégiales et universitaires. Si une autre université canadienne devient membre de la NCAA dans une province qui choisit de ne pas autoriser les paris sur un événement unique, elle serait avantagée par rapport à notre situation au sein d'une province qui a indiqué vouloir le faire.
Le sénateur McIntyre : J'ai l'impression que vous craignez que des matchs puissent être truqués, tant au niveau professionnel que chez les semi-professionnels et les amateurs. Est-ce que je me trompe?
M. Rahilly : C'est ce que nous craignons.
Le sénateur McIntyre : Dans ce contexte, croyez-vous, en votre qualité de psychologue, que le pari sur un événement sportif unique pourrait soumettre les athlètes universitaires à des pressions indues pouvant par exemple leur causer des problèmes d'anxiété ou de dépression?
M. Rahilly : Il y a deux choses qui me préoccupent. Je m'inquiète d'abord du sort des étudiants-athlètes eux-mêmes, mais je m'interroge aussi sur le bien-être global des étudiants sur nos campus.
Je ne peux pas établir de lien de cause à effet entre les paris et les problèmes d'anxiété ou de dépression. Je ne vais pas essayer de prétendre qu'un tel lien existe. Je peux toutefois vous dire que l'on peut effectivement associer ces deux éléments. Nous ne voudrions pas que cela se retrouve sur nos brochures promotionnelles, mais le fait est qu'étudier est une chose très difficile qui, à bien des égards, peut être néfaste, notamment pour le bien-être mental de l'étudiant. Chaque étudiant doit relever des défis de toutes sortes, parallèlement à son développement personnel. L'exercice n'est pas nécessairement plus facile pour les adultes qui retournent aux études. On a beaucoup écrit sur le sujet de la prévalence accrue de l'anxiété, de la dépression et des autres problèmes de santé mentale chez les étudiants. Ils seraient donc exposés à des pressions additionnelles. Je sais très bien qu'il est irréaliste de penser que nos étudiants pourraient évoluer dans une bulle qui les protégerait. Ce n'est pas ce que je veux dire. C'est cependant ce que nous constatons chez nos étudiants à risque, et je dirais que tous nos étudiants sont à risque d'une certaine manière.
C'est ce que je fais valoir aux autorités de la santé lorsque je demande du financement pour embaucher des médecins sur mon campus. Je leur indique qu'un étudiant qui connaît des problèmes de santé mentale, ou même un problème physique attribuable à l'intensité de ses études, peut voir toute sa session compromise s'il s'absente une semaine ou deux. Si je manque une semaine ou deux de travail, mon employeur va prendre les mesures nécessaires et ma carrière ne sera aucunement compromise.
Tout cela s'inscrit dans le cadre plus général à l'intérieur duquel les jeunes évoluent et toute source d'anxiété additionnelle, comme les pressions s'exerçant sur les athlètes-étudiants pour qu'ils performent bien, aggrave grandement la situation. Je crois que vous avez obtenu à ce sujet certaines statistiques de l'Association de la santé mentale, ou du moins on vous les a citées. Nous savons que les gens qui développent des problèmes de jeu compulsif doivent assurément composer avec des niveaux accrus d'anxiété et de dépression.
Le sénateur Braley : J'aurais une question à vous poser. Nous pouvons maintenant parier sur trois matchs à la fois. À votre avis, quelle est la différence avec les paris sur un seul match? La société des loteries de la Colombie-Britannique a déjà conçu le logiciel permettant ce type de paris en ligne. Reste à déterminer si on va le faire avec des blocs de trois matchs ou de deux matchs. D'après ce que je puis comprendre, la même chose a été faite dans toutes les autres provinces qui sont fortement désireuses d'aller de l'avant.
M. Rahilly : D'après moi, il est beaucoup plus difficile de truquer trois matches ou d'influer sur leurs résultats.
Le sénateur Braley : Tous les athlètes signent une entente en vertu de laquelle ils seront suspendus à vie s'ils parient sur un match. Tous les athlètes professionnels et amateurs reçoivent cet avertissement au début de leur carrière. C'est une chose à ne pas faire, tout simplement. Si vous le faites, vous ne pourrez plus jamais pratiquer votre sport.
M. Rahilly : Si vous vous faites prendre.
Le sénateur Braley : Oui. Comment un petit gars pourrait-il à lui seul truquer un match? Les Canadiens font des paris totaux de l'ordre de 4 milliards de dollars à l'étranger, dont plus de 1 milliard sur le site bet365 à lui seul au Royaume-Uni. Il y en a également en Afrique et dans les Caraïbes. Je crois vraiment que ces sommes devraient rester dans les coffres de nos provinces, que l'on mise sur trois matchs, deux ou un seul. C'est simplement mon point de vue personnel.
La vice-présidente : Était-ce une question, sénateur?
Le sénateur Braley : Je me demande pourquoi nous ne voudrions pas garder cet argent au Canada? Pourquoi voudrions-nous que cet argent canadien se retrouve à l'étranger?
M. Rahilly : Je comprends très bien cet argument. Je me demande simplement pourquoi on ne met pas fin à cette activité, si elle est illégale.
Le sénateur Braley : Permettez-moi de poursuivre. J'ai posé la question à mes employés et 56 p. 100 d'entre eux font des paris en ligne à l'étranger. Il faudrait que la police vienne les arrêter et les mette tous en prison. Allez-vous mettre 56 p. 100 de la population derrière les barreaux? Plus souvent qu'autrement, ce sont des gens de 35 à 40 ans.
La vice-présidente : Était-ce une question?
Le sénateur Braley : Je voulais savoir si cela préoccupe notre témoin.
Le sénateur Baker : C'était en réponse au commentaire du témoin.
M. Rahilly : Si cela me préoccupe?
Le sénateur Braley : Oui.
M. Rahilly : De quoi parlez-vous au juste? Du risque de devoir arrêter la majorité de nos concitoyens?
Le sénateur Braley : Oui, car ils se livrent actuellement à ce genre d'activités.
M. Rahilly : Oui, cela me préoccuperait.
Le vice-président : Pour les fins du compte rendu, pourriez-vous nous indiquer quels sports sont régis par la NCAA?
M. Rahilly : Oh, voilà une question pour mettre mes connaissances à l'épreuve.
Il y a trois divisions au sein de la NCAA. La division I est la plus compétitive. Elle regroupe les grandes écoles qui disposent du financement le plus important. La division II, dont l'Université Simon-Fraser fait partie, préconise une approche équilibrée entre résultats scolaires et sportifs. Au sein de la division III, on retrouve des établissements de plus petite taille, généralement voués aux sciences humaines. Dans notre division, il y a du football, du volleyball, du soccer, du basketball, de la lutte, de la natation...
La vice-présidente : Une vaste gamme de sports autrement dit?
M. Rahilly : Oui, et il y a certains sports qui ne sont pas pratiqués à notre université. En division I, il y a le hockey. Il y a donc un large éventail de sports tant masculins que féminins. L'athlétisme est une autre discipline d'importance, mais les principaux sports pour nous sont le basketball, le football, la natation et la lutte.
Le sénateur Runciman : Pour la gouverne de M. Rahilly, je souligne que nous avons reçu le professeur Derevensky de l'Université McGill, un expert des problèmes de jeu reconnu à l'échelle internationale. Il nous disait au sujet de ce projet de loi que rien n'indique qu'il en résulterait un plus grand nombre de joueurs compulsifs. Il a ajouté que cela donnerait un produit en quelque sorte plus sûr, permettant de contrôler, cerner et traiter plus facilement les problèmes.
Je vous interrogeais tout à l'heure au sujet des mesures prises par la NCAA pour contrôler les paris. Comme c'est le cas pour les ligues professionnelles, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on pourrait en faire davantage. Il suffit de regarder ce qui se passe du côté de la FIFA; une division complète s'y emploie à lutter contre le trucage de matchs.
Ma question porte en fait sur une étude du Center for Addiction and Mental Health concernant les paris et le crime organisé qui révèle que moins de 1 p. 100 des recettes tirées des paris sportifs en Amérique vont à des entreprises légales. À mon avis, il s'agit de voir si l'on souhaite reconnaître cette réalité ou faire comme si de rien n'était. L'étude en question indique en outre que les enquêtes sur les scandales sportifs mettent généralement au jour des stratagèmes de paris illégaux.
Alors, veut-on garder ce phénomène dans l'ombre de telle sorte qu'il soit difficile, voire impossible, de détecter la corruption? Est-ce la position de votre organisation?
M. Rahilly : Non, ce n'est pas ce que nous croyons. Je vais vous répondre en deux parties. D'une part, il faut normalement une période assez longue pour établir un diagnostic de jeu compulsif. Dans le cas des jeunes, nous n'avons généralement pas assez de temps pour établir qu'un tel problème est effectivement présent, mais nous constatons bel et bien des comportements semblables.
Quant à la corruption et aux activités illégales, il va de soi que je suis tout à fait contre. Si l'on devait sortir ce phénomène de l'ombre pour mieux le contrôler au sein du sport professionnel — ce qu'on pourrait voir comme une bonne chose — il conviendrait de s'interroger sur les répercussions sur le sport amateur. N'y aurait-il pas ainsi davantage de risques que le sport amateur soit exposé à des activités de la sorte? C'est ce qui m'inquiéterait le plus.
Le sénateur Baker : Vous avez bien sûr travaillé avec ce professeur de l'Université McGill dont je vous ai parlé.
M. Rahilly : Oui.
Le sénateur Baker : En fait, vous avez travaillé abondamment avec lui. Cependant, votre argument principal — pour le répéter une fois encore — est qu'advenant l'adoption de ce projet de loi, si une équipe de votre université atteint la finale dans son sport, le match aura obligatoirement lieu aux États-Unis.
M. Rahilly : C'est exact.
Le sénateur Baker : Simplement parce que nous aurions adopté ce projet de loi, n'est-ce pas?
M. Rahilly : C'est juste.
Le sénateur White : Je veux faire suite à une question posée tout à l'heure concernant les athlètes amateurs et professionnels qui signent des ententes prescrivant les comportements autorisés. Je crois également — et vous me corrigerez si j'ai tort — que vos athlètes s'engagent par écrit à ne pas consommer de stéroïdes.
M. Rahilly : C'est exact.
Le sénateur White : Je pense qu'une entente semblable est signée par toutes les universités membres de la NCAA. Chaque athlète s'engage par écrit à ne pas prendre de stéroïdes pour améliorer illégalement ses chances de gagner.
M. Rahilly : C'est bien cela.
Le sénateur White : Il n'y aurait donc aucun athlète de la NCAA qui triche en consommant des stéroïdes pour améliorer ses performances. Est-ce exact?
M. Rahilly : Eh bien, la NCAA a un processus de dépistage très rigoureux.
Le sénateur White : Est-ce que quelqu'un s'est déjà fait prendre?
M. Rahilly : Je crois bien que oui.
La vice-présidente : Merci, monsieur Rahilly. Tout cela est très intéressant. Comme le sénateur Frum l'a fait observer, vous êtes le premier témoin à nous présenter les choses sous cet angle-là, et c'est une perspective qui nous est très utile. Comme vous avez dû faire tout ce chemin malgré un très bref préavis, nous vous sommes doublement reconnaissants.
Sénateurs, comme le prévoit notre ordre du jour, nous allons maintenant procéder à l'étude article par article du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).
Le sénateur Baker : J'invoque le Règlement. Pour que nos téléspectateurs puissent bien comprendre comment les choses se passent, je précise qu'un comité sénatorial fonctionne différemment d'un comité de la Chambre en ce sens qu'il doit présenter un rapport au Sénat. Notre Règlement ne nous permet pas de rejeter complètement un projet de loi. Nous devons faire rapport au Sénat pour qu'un vote puisse y avoir lieu; c'est la seule façon de défaire un projet de loi. Je voulais simplement signaler à tous ceux que la chose peut intéresser que nous n'allons pas décider ici du sort de ce projet de loi.
La vice-présidente : Ce n'est pas exactement un rappel au Règlement, mais c'est une précision intéressante au sujet de nos modes de fonctionnement.
Le sénateur Frum : Je remercie le sénateur Baker pour cet éclaircissement, car j'estime que c'est un point important à souligner. Compte tenu de la nature de ce projet de loi et de la façon dont il nous a été renvoyé, je sais que le Sénat s'intéresse beaucoup à la question et souhaite pouvoir en débattre plus à fond. Je voudrais donc qu'il soit bien noté que j'estime primordial que ce projet de loi revienne devant le Sénat de telle sorte que tous nos collègues aient la possibilité d'en débattre et de formuler leurs observations. Je veux donc qu'il soit bien clair qu'un vote en faveur du renvoi de ce projet de loi au Sénat n'est pas nécessairement un vote en faveur du projet de loi lui-même.
La vice-présidente : En effet, pendant que nous y sommes, précisons que si le comité décide par vote de ne pas donner suite à ce projet de loi, comme l'indiquait le sénateur Baker, cela ne signifie pas qu'il sera rejeté définitivement. C'est simplement que le comité, en vertu du paragraphe 12-23(5), recommande dans son rapport au Sénat que l'on abandonne l'étude du projet de loi. Le débat portera alors sur cette recommandation. C'est toutefois une procédure très inhabituelle qui est rarement utilisée, malgré que notre comité s'en soit déjà prévalu.
Le sénateur Joyal : Nous l'avons fait pour le projet de loi S-4.
La vice-présidente : Je m'en rappelle très bien.
Chers collègues, est-il convenu de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs)?
Des voix : D'accord.
[Français]
La vice-présidente : Êtes-vous d'accord de suspendre l'adoption du titre?
Des voix : D'accord.
[Traduction]
La vice-présidente : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Avec dissidence.
La vice-présidente : Adopté à la majorité des voix.
[Français]
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Avec dissidence.
La vice-présidente : Adopté avec dissidence.
[Traduction]
Le titre est-il adopté?
Des voix : Avec dissidence.
La vice-présidente : Adopté à la majorité des voix.
[Français]
Le projet de loi est-il adopté?
[Traduction]
Des voix : Avec dissidence.
La vice-présidente : Adopté avec dissidence.
Est-ce que le comité souhaite joindre des observations à son rapport ou en discuter? Il ne semble pas que ce soit le cas. Par conséquent, est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
La vice-présidente : C'est d'accord. C'est ce que je ferai. Un instant. Oui, nous avons adopté le titre; le projet de loi est donc adopté.
Comme vous le savez, c'est habituellement le président du comité qui fait rapport des projets de loi. Pour celui-ci dont il est le parrain, le sénateur Runciman m'a demandé d'occuper le fauteuil.
Sénateur Runciman, dois-je comprendre que vous préféreriez que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Le sénateur Runciman : Oui.
La vice-présidente : C'est ce que nous venons de décider par vote.
Merci beaucoup, chers collègues. Je le ferai dès cet après-midi.
(La séance est levée.)