Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 27 - Témoignages du 29 novembre 2012
OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, devant lequel a été renvoyé le projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence, s'est réuni aujourd'hui, à 10 h 31, pour examiner le projet de loi.
[Traduction]
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour. Soyez les bienvenus, honorables sénateurs, invités et membres du public qui seront appelés à suivre aujourd'hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous sommes réunis aujourd'hui pour entreprendre l'examen du projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence. Ce projet de loi a été déposé devant le Sénat le 17 octobre de cette année. Le projet de loi S-12 modifie la Loi sur les textes réglementaires en prévoyant une habilitation expresse permettant l'incorporation par renvoi dans les règlements, et impose aux autorités certaines obligations en matière d'incorporation par renvoi.
C'est notre deuxième séance d'examen du projet de loi S-12, les auditions du comité sont publiques et elles sont aussi diffusées en direct par Internet sur le site parl.gc.ca.
Vous trouverez par ailleurs davantage de renseignements concernant le calendrier de l'audition de nos témoins sur Internet en consultant le site « Comités sénatoriaux ».
Nos témoins de ce matin représentent le Conseil canadien des normes, qui est une société d'État fédérale. Étant donné l'absence de préavis, son mémoire n'est disponible qu'en anglais. Elle n'a été avertie que lundi, et je demande aux membres du comité leur accord pour que le mémoire soit distribué, même s'il n'est pas rédigé dans les deux langues officielles.
Le sénateur Joyal : Je regrette de devoir refuser, monsieur le président. Ce n'est pas parce que je ne parle pas anglais, vous le savez. Toutefois, c'est un principe de notre droit, et nous devons nous y tenir.
Le président : Bien, nous n'avons pas l'unanimité.
Oui, sénateur Fraser?
Le sénateur Fraser : Je reconnais moi aussi, bien entendu, que les sociétés d'État, en tant qu'agents de l'État, doivent communiquer avec notre comité dans les deux langues officielles. Je comprends bien le problème puisque je suis moi aussi en partie coupable de ce manque de préavis. Nous pourrions peut-être simplement demander à la greffière de faire des copies et de les mettre, à l'arrière de la salle, à la disposition des sénateurs qui veulent les consulter.
Le président : Très bien; c'est ce que nous allons faire. Je vous remercie.
Pour représenter le Conseil des normes, nous allons entendre John Walter, directeur général, et Michel Girard, vice- président, Politiques et relations avec les intervenants. Monsieur Walter, il me semble que vous allez commencer par un exposé. Vous avez la parole.
John Walter, directeur général, Conseil canadien des normes : Bonjour et merci. Je vais vous parler pendant quelques minutes de l'importance de ce projet de loi. Au nom du Conseil canadien des normes, je vous remercie de me donner l'occasion de livrer mes commentaires. Je vais vous résumer rapidement mon expérience dans le domaine des normes en vous disant que j'ai été nommé directeur général du Conseil canadien des normes il y a trois ans. Notre mandat consiste à faciliter l'élaboration et l'utilisation des normes et des services d'accréditation qui renforcent la compétitivité du Canada et surtout qui protègent la santé et la sécurité des Canadiens. Nous veillerons à la bonne marche des activités du système canadien de normalisation.
Avant ma nomination il y a trois ans à ce poste de directeur général, j'étais vice-président, Élaboration des normes, à l'Association canadienne de normalisation et donc, pendant huit ans, entièrement comptable de toutes les activités d'élaboration de normes. Auparavant, j'ai travaillé au gouvernement de l'Ontario pendant 30 ans, y assumant différentes fonctions, plus particulièrement pendant les 10 dernières années celles de sous-ministre adjoint de la division des normes techniques, responsable d'une organisation appelée Technical Standards and Safety Authority, où nous avons incorporé un grand nombre de normes nationales, régionales et internationales dans les règlements de l'Ontario. J'ai une longue expérience d'utilisateur des normes, tant au sein du gouvernement que de l'industrie, en tant qu'élaborateur de normes, et maintenant en ma qualité de directeur du système.
L'incorporation des normes par renvoi revêt une grande importance pour l'ensemble du réseau canadien d'organismes et d'individus qui s'occupent de ce que l'on appelle la « normalisation volontaire ». Aucune de ces normes ne fait force de loi tant que le gouvernement n'en a pas fait une loi. Les normes techniques et les exigences de certification et d'accréditation comptent parmi les documents externes les plus souvent cités par les législateurs canadiens pour atteindre les objectifs réglementaires.
À partir des données de référence rassemblées au sujet de neuf ministères du gouvernement fédéral, nous avons constaté que 900 normes sont mentionnées dans quelque 90 règlements. Il y a des centaines et des centaines de normes faisant l'objet d'un renvoi dans la réglementation de notre pays. Les ministères concernés sont ceux auxquels on peut normalement s'attendre en ce qui concerne l'utilisation des normes — Transports, Environnement, Ressources naturelles. La liste en est longue. Toutefois, la grande majorité de ces normes visent à protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Il y a des normes concernant le verre trempé et feuilleté. Vous avez tous entendu parler des vitres tombées récemment des balcons à Toronto. Il y a des normes concernant la détection des fuites dans les réservoirs, le conditionnement et le dépôt d'explosifs, les instruments médicaux ainsi que l'utilisation de combinaisons flottantes en cas de naufrage.
Lorsque la version la plus récente d'une norme est incorporée par renvoi dans un règlement, les Canadiens en bénéficient. En règle générale, les nouvelles normes placent la barre plus haut sur le plan de la sécurité et du rendement.
Je vous ai parlé rapidement de ce qui existait dans le système fédéral. Si l'on ajoute à cela les normes citées dans les lois et règlements provinciaux et municipaux ainsi que les codes modèles nationaux du Canada, concernant le bâtiment et la prévention des incendies, on constate qu'il y a des milliers de renvois aux normes.
Pour vous donner une idée du processus d'élaboration, les normes volontaires sont élaborées par des organismes qui sont accrédités par le CCN. Elles sont issues d'un processus officiel et rigoureux qui est fondé sur des lignes directrices acceptées à l'échelle internationale. Conformément au Code de bonne pratique de l'Organisation mondiale du commerce, c'est un processus qui favorise l'ouverture et la transparence dans l'élaboration des normes.
Pour se faire accréditer par le Conseil des normes, ces organismes doivent adhérer à ce processus. Ils doivent former des comités d'élaboration de normes dont les membres sont répartis selon une matrice de composition équilibrée de manière à représenter les groupes de parties prenantes concernées (et choisis en fonction de leur capacité à représenter une combinaison d'intérêts, de compétences, de pays ou encore de régions). Aucun groupe en particulier ne peut dominer l'ordre du jour ni décider du résultat. Le contenu est élaboré par le comité par la voie du consensus. Dès qu'un consensus a été obtenu, le projet de document est diffusé pour examen public et commentaires, surtout auprès des organisations particulièrement intéressées par la norme. Le comité technique examine chaque commentaire et y donne suite. La norme ainsi obtenue est davantage acceptée et donc davantage utilisée.
L'organisme qui a élaboré la norme est tenu d'évaluer la nécessité de la réviser au moins une fois tous les cinq ans pour qu'elle ne continue pas à s'appliquer éternellement. Il vous faut bien voir que bon nombre de normes font constamment l'objet d'un examen et d'une révision. Les responsables de l'industrie ou de la réglementation ont jugé que les choses évoluent tellement vite qu'il faut intervenir régulièrement. Ainsi, le Code canadien de l'électricité est révisé tous les trois ans, quelle que soit la quantité d'informations nouvelles que le Canada juge utile d'incorporer. Ce code suit avec un décalage de 12 mois la distribution et la publication du code de l'électricité aux États-Unis de façon à s'assurer que le Canada tire profit des enseignements que peut nous apporter ce pays.
Il faut que votre comité sache que les organismes canadiens de réglementation sont parmi les experts qui prennent part aux travaux des comités d'élaboration de normes. Ils font partie intégrante de la matrice de composition équilibrée. Ils disposent pratiquement d'un droit de veto — pas tout à fait, parce qu'il faut maintenir un certain équilibre. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de responsables de la réglementation siègent au sein du comité des normes et que si, au bout du compte, ils ne sont pas sûrs que la norme répond aux objectifs du gouvernement, il est alors inutile de la publier, de sorte que même s'il ne s'agit pas d'un droit de veto en bonne et due forme, leur avis a beaucoup de poids.
Pour vous donner une idée du degré de participation, quelque 370 employés de l'administration fédérale participent à l'élaboration de normes internationales par l'intermédiaire de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et d'autres organismes. Des centaines d'autres contribuent aussi aux activités canadiennes d'élaboration de normes afin d'établir ou de mettre à jour des normes techniques qui finiront par se retrouver dans des règlements fédéraux et provinciaux. Le CCN coordonne et finance en partie la participation des experts canadiens à ces activités internationales d'élaboration de normes. Nous devons nous assurer de savoir quelles sont les normes dont a besoin le Canada et de nommer les spécialistes compétents au sein de ces comités pour qu'à l'heure de la publication de ces normes internationales, le Canada ait éventuellement un temps d'avance sur les autres pays et ne soit surtout pas à la traîne.
Les normes qui sont élaborées par un organisme d'élaboration de normes canadien ou international peuvent être soumises au CCN pour être approuvées comme Normes nationales du Canada. Pour les responsables de la réglementation, la désignation « Norme nationale du Canada » fournit une confirmation sans équivoque, indiquant que les réalités et les exigences canadiennes ont bien été prises en considération, que le public a été consulté ou encore que la norme est rédigée dans les deux langues officielles.
Nous avons relevé des incohérences dans les méthodes d'incorporation par renvoi employées à l'heure actuelle. Les méthodes d'incorporation statique et d'incorporation dynamique ont chacune leurs mérites, et notre analyse démontre qu'elles sont toutes deux largement utilisées. Il convient de nous assurer que l'élaboration et l'utilisation des normes soient largement comprises. Je ne pense pas que l'on ait procédé uniformément pour recourir aux modes d'incorporation dynamiques ou statiques. Chaque méthode a ses particularités qu'il convient d'évaluer avant de décider de procéder au renvoi.
L'une des considérations essentielles avant de procéder à un renvoi dans la réglementation, c'est le niveau de participation du responsable de la réglementation lors de l'élaboration de la norme. Il faut, en l'occurrence, qu'il puisse comprendre ce qui lui est présenté de manière à ce que l'adoption se fasse assez rapidement. Nous sommes tout à fait en faveur de ce projet de loi, mais nous aimerions qu'une directive ou une politique du gouvernement précise quels sont les choix à faire et s'il convient de recourir à une méthode d'élaboration statique ou dynamique de la norme.
Pour ce qui est de l'utilisation des normes, je dois dire que les entreprises canadiennes ont volontairement recours à l'infrastructure de normalisation du Canada et y participent de leur gré. Il est dans leur intérêt de le faire puisque la normalisation favorise la réalisation des priorités économiques. Elle leur permet de faire des affaires à l'échelle mondiale, et d'intégrer leurs produits et services dans des chaînes d'approvisionnement mondiales. En établissant des exigences réglementaires qui concordent avec les outils existants de normalisation au Canada, les organismes de réglementation peuvent mettre en place des exigences de conformité sans imposer de nouveaux fardeaux ou de fardeaux additionnels pour l'industrie. L'incorporation de ces normes existantes qui ont fait l'objet d'un consensus de la part des experts de l'industrie et qui sont utilisées par eux contribue à protéger la santé et la sécurité des Canadiens et, dans de nombreux cas, à promouvoir les intérêts économiques du Canada.
Nous nous sommes engagés à travailler avec les ministères fédéraux pour collaborer avec eux dans les dossiers liés aux normes, pour surveiller les renvois dans la réglementation et pour faciliter le recours à des solutions de normalisation. Le CCN est le seul organisme, en vertu d'une loi adoptée par le Parlement, qui a pour mandat de diriger et de gouverner le système national de normalisation du Canada. Nous sommes là pour encourager une normalisation volontaire efficace et utile. Nous voyons dans le projet de loi S-12 un élément essentiel pour assurer des pratiques réglementaires uniformes dans l'ensemble du gouvernement.
[Français]
Monsieur Girard, vous n'avez rien à ajouter?
M. Girard : Non.
[Traduction]
Le sénateur Fraser : Je m'incline respectueusement devant votre compétence technique. Le mécanisme que vous avez mis en place pour garantir l'excellence des normes est de toute évidence remarquable. Ce que je reproche à ce projet de loi ne concerne pas la qualité de la réglementation ou la rapidité des changements apportés, mais le fait que dans sa rédaction actuelle, il m'apparaît d'application trop générale. Je suis frappée par le fait qu'il semble n'y avoir aucune limite à ce que l'on peut incorporer par renvoi. Ainsi, rien ne nous dit dans ce projet de loi qu'il faut que l'origine soit canadienne — non seulement certains éléments, mais des documents entiers d'origine étrangère peuvent être incorporés par renvoi. Cela peut s'appliquer aussi à des changements susceptibles d'être apportés à l'avenir par un gouvernement étranger dans une de ses normes, un document, ou un texte quelconque.
Dans les domaines qui sont les vôtres, vous arrive-t-il fréquemment de recourir à l'utilisation ou au renvoi de textes étrangers, et quelle est l'importance de cette pratique?
M. Walter : Je ne connais pas les pourcentages, mais le Canada, comme nombre d'autres pays, a de plus en plus recours aux normes internationales. On voit de moins en moins de normes spécifiquement canadiennes. Cela va dans le bon sens, car, si l'on veut développer véritablement notre commerce, il nous faut savoir ce qui se passe dans les autres pays. Nous ne manquons pas de favoriser le recours à des normes internationales. Je vous parle simplement des normes et pas des autres textes que vous citez.
Le sénateur Fraser : Il y a d'autres régimes réglementaires différents des nôtres; je vous comprends bien.
M. Walter : Oui. L'intérêt pour nous de collaborer à l'échelle internationale, c'est, je vous le répète, pour faire en sorte que ces normes profitent au maximum au Canada. S'intéresse-t-on à la responsabilité sociale des entreprises, aux nanotechnologies ou au matériel électrique? Il y a différents champs d'intervention.
Nous devons décider, en collaboration avec les gouvernements et l'industrie, quels sont parmi ces comités ceux qui sont les plus importants et nous assurer ensuite que l'on y trouve des spécialistes et des responsables compétents en matière de réglementation. Les responsables de la réglementation, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, jouent un rôle considérable au sein de ces comités. Lorsqu'on entreprend d'appliquer ces normes au Canada, on les soumet à une procédure permettant d'établir une norme nationale canadienne. Il ne s'agit pas de les reprendre telles quelles; on les soumet à une procédure nous garantissant que les responsables de la réglementation ont été impliqués, qu'elles sont rédigées dans les deux langues officielles, qu'il y a eu une participation du public, et cetera.
Nous considérons que l'adoption de normes nationales à l'échelle du Canada est une façon de répondre aux objectifs du projet de loi, en garantissant dans de bonnes conditions la sécurité de la population canadienne.
M. Walter : Les normes reprises par la réglementation fédérale se subdivisent en 400 normes appartenant en propre au Canada; 260 normes régionales, ce qui peut englober les États-Unis et d'autres juridictions; et 236 normes internationales. Voilà quelle est la répartition.
Le sénateur Fraser : Plus de la moitié d'entre elles viennent de l'extérieur du Canada.
M. Walter : Oui.
Le sénateur Fraser : Voilà qui est particulièrement intéressant.
Il y a une autre chose qui m'a frappée au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il n'autorise pas seulement le renvoi des indices, des taux, des formules, et cetera, mais aussi celui des documents. Est-ce que les documents font partie des normes? Vous avez évoqué la responsabilité sociale des entreprises, ce qui a éveillé mon intérêt dans ce cadre.
M. Walter : Le terme « document » reçoit une application assez extensive dans ce projet de loi. Effectivement, nous devons considérer qu'une norme est un document.
Le sénateur Fraser : J'y réfléchirai. Je vous remercie.
Le sénateur Frum : Je vous remercie, monsieur Walter, de votre exposé.
Si je comprends bien, le Conseil canadien des normes est en faveur de ce projet de loi parce qu'il vous permet, notamment dans les domaines de la santé et de la sécurité de la population canadienne, de mettre à jour efficacement les normes de façon dynamique en procédant par renvoi. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les difficultés qui risquent de se poser au niveau de la santé et de la sécurité de la population canadienne lorsqu'on ne parvient pas à mettre à jour efficacement et rapidement, parfois dans l'urgence, nos normes?
M. Walter : Oui, bien sûr. M. Girard et moi-même travaillons depuis un peu plus de trois ans au sein du Conseil des normes. Nous avons constaté, en examinant au départ le mécanisme des normes et la façon dont elles étaient utilisées par le gouvernement fédéral, qu'en raison du fait que la procédure de renvoi aux normes et à la réglementation était difficile, lourde et complexe, les ministères renonçaient tout simplement à adopter les nouvelles normes. Certaines normes faisant l'objet d'un renvoi dans la réglementation fédérale étaient périmées et ne comportaient pas les dernières mises à jour. Dans certains cas, elles avaient même été retirées.
Il faut être juste envers les ministères; nombre d'entre eux ignoraient cette réalité, car l'utilisation des normes était mal comprise. Nous avons rencontré un grand nombre de ministères pour porter ce fait à leur connaissance et ils ont commencé à comprendre qu'un renvoi à des normes qui n'étaient pas à jour avait des répercussions sur la santé et la sécurité ainsi que sur la compétitivité du Canada.
Reconnaissons que ce n'est pas en laissant les choses en l'état qu'on fait avancer le Canada. Il nous faut trouver une solution et, je le répète, il convient d'élaborer des lignes de conduite établissant que « dans tel ou tel cas il faut procéder à un renvoi de manière statique, et dans tel autre à un renvoi dynamique ». Lorsqu'on procède ainsi, le gouvernement ne perd pas le contrôle. Il fixe simplement les règles qui doivent être utilisées.
Je ne vous citerai pas de normes en particulier, mais j'estime que trop souvent, nous n'avons pas renvoyé à la norme la plus récente parce que la procédure à suivre était trop complexe.
Le sénateur Frum : Nous avons déjà évoqué hier au sujet de ce projet de loi la question de l'accessibilité de l'information lorsqu'on procédait de manière dynamique. Que fait le Conseil pour informer les fabricants canadiens que des modifications ont été apportées à une norme? Comment communiquez-vous avec eux? Comment transmettez- vous cette information?
M. Walter : Nous communiquons de différentes manières. Tout d'abord, nous diffusons l'information avant même que la révision soit apportée à la norme. La norme n'est pas élaborée par nous. Nous homologuons quatre organisations, dont l'ACNOR, qui s'en chargent. Avant d'entreprendre l'élaboration d'une norme, l'ACNOR ou toute autre organisation doit avertir les intervenants pour s'assurer que ceux-ci, de même que les représentants des entreprises et des groupes de consommateurs ainsi que toutes les parties prenantes, participent dès le départ à l'opération pour donner leur avis sur les aspects techniques.
Puis, au cours de l'opération, selon l'étape à laquelle on est parvenu, il y a une autre consultation du public imposant à l'organisation chargée de l'élaboration de la norme de la communiquer — la plupart du temps, cela se fait aujourd'hui par Internet et par d'autres moyens de ce genre — à un large public au Canada, qu'il s'agisse des entreprises, des décideurs et autres responsables. Enfin, lorsque cette norme est publiée, le Conseil des normes décrète qu'il s'agit maintenant d'une norme nationale du Canada et retourne à nouveau devant la population en informant les intervenants de cette publication. Il y a une consultation tout au long de la procédure.
Le sénateur Frum : Est-ce que ce projet de loi modifie pour les intervenants les possibilités d'accès à l'information?
M. Walter : Il a des répercussions. Cette possibilité d'accès est renforcée, la procédure reste la même, mais on accède plus vite à l'information.
Le sénateur Frum : Je voulais parler de « répercussions négatives. » Est-ce qu'il y a des répercussions négatives sur l'accès à l'information?
M. Walter : Non.
Le sénateur Frum : Je vous remercie.
Le sénateur Joyal : Soyez le bienvenu. Vous avez indiqué dans votre exposé, et j'en ai pris note, que des politiques et des directives étaient nécessaires parce que la procédure n'est pas claire, la technique d'incorporation par renvoi souffrant de certaines ambiguïtés.
Avez-vous devant vous une copie du projet de loi? Je vous renvoie à la page 3 au projet d'article 18.4, qui dispose :
Il est entendu que les documents...qui sont incorporés par renvoi dans un règlement n'ont pas à être transmis pour enregistrement ni à être publiés dans la Gazette du Canada...
Il semble que cela fasse partie des politiques et des directives devant être élaborées par le gouvernement, comme vous l'avez proposé. C'est l'un des éléments à prendre en compte dans une politique ou une directive. Est-ce qu'à votre avis une disposition du projet de loi devrait prévoir ce genre de politique ou de directive?
Il semble que la question que vous avez soulevée est d'une telle ampleur qu'un encadrement est nécessaire. Par « encadrement » j'entends qu'il devrait y avoir des critères, des objectifs clairs et des obligations bien définies ou exprimées dans ce genre de politique pour que les intervenants sachent bien ce qu'ils doivent respecter pour pouvoir bénéficier de la technique d'incorporation par renvoi. Êtes-vous d'accord pour dire que l'obligation pour le gouvernement de se doter d'une politique doit être clairement exprimée dans le projet de loi?
M. Walter : Je ne suis pas un spécialiste des lois. En ce qui me concerne, je suis en faveur de la communication. Je vous avoue franchement que je ne suis pas sûr que la Gazette du Canada soit le meilleur moyen d'informer la population canadienne qu'il y a eu un changement, mais il est évident qu'il faut qu'une politique conseille les responsables de la réglementation sur la façon de recourir à ces renvois statiques ou dynamiques, et il faudrait à mon avis que cette politique ou cette directive prévoient entre autres la façon de communiquer avec la population canadienne.
Le défi que nous devons relever au Canada vient du fait que le mécanisme des normes fonctionne sans anicroches. Nous ne savons pas exactement, parce que tout marche vraiment bien. C'est là toute la difficulté lorsque nous voulons toucher la population et les entreprises canadiennes : les normes fonctionnent très bien dans notre pays.
Je vous répète que je ne suis pas un spécialiste de la législation, mais j'aimerais qu'une directive détaille les mécanismes permettant de faire part de ces changements à la population canadienne. C'est ce qui est important.
Le sénateur Joyal : Est-ce que l'on pourrait alors se réclamer des dispositions du paragraphe 18.3(1) du projet de loi? Ce paragraphe dispose :
L'autorité réglementaire veille à ce que le document... incorporé par renvoi soit accessible.
C'est ce que vous entendez par « accessible »?
M. Walter : Il m'apparaît qu'il serait peut-être utile de définir le terme « accessible » dans les directives, mais c'est effectivement ce qu'il faut.
Le Sénateur Joyal : C'est comme cela que je comprends la chose.
M. Walter : C'est aussi mon avis.
Le Sénateur Joyal : Autrement dit, il faudrait incorporer ces dispositions à cet article du projet de loi. Pour bien préciser ce que l'on entend par accessible, il faudrait l'expliquer ou le mentionner dans la politique établie par le gouvernement. Ce serait donc une étape supplémentaire confirmant cette accessibilité, pour que les intervenants puissent effectivement en bénéficier, si je peux m'exprimer ainsi.
M. Walter : Je ne crois pas qu'il faille insérer cette disposition dans le projet de loi. Il faut, à mon avis, qu'elle fasse l'objet d'une directive. Pour ce qui est de l'évolution des facilités d'accès, nous n'aurions pas pensé il y a une dizaine ou une quinzaine d'années que l'un des moyens de faciliter cette accessibilité serait de recourir à Internet. Je ne pense pas qu'il faille modifier le projet de loi. J'en reviens aux directives et je crois que c'est là qu'il nous faut arrêter ces définitions.
Le sénateur Joyal : Le projet de loi n'oblige aucunement les responsables de la réglementation ou le gouvernement à élaborer des directives. C'est là où se situe le problème, à mon avis. Nous voulons tous que ce soit accessible, mais il faut que quelqu'un s'en charge. Qui a la responsabilité d'élaborer une politique pour que la chose devienne accessible? Je ne dis pas qu'il faille détailler la procédure, mais il faut au minimum que l'on prévoit quelque part l'obligation d'élaborer une politique.
M. Walter : Je vous demande simplement, parce que je ne suis pas un expert en la matière, que lorsque la législation sera adoptée sous une forme ou sous une autre, vous établissiez une certaine procédure pour que les personnes qui vont se servir de la norme sachent comment l'employer. Il faut donc se demander : qu'est-ce qui doit être jugé statique? Qu'est-ce qui doit être considéré comme dynamique? Comment rendre la norme accessible? Comment communiquer avec les groupes concernés? C'est ce que j'aimerais voir dans la directive. Je ne suis pas sûr que la meilleure façon d'opérer soit de recourir à la loi, mais c'est ce que j'aimerais voir.
[Français]
Le sénateur Joyal : Vous êtes témoin, monsieur Girard, vous pouvez intervenir. Je sais que vous ne voudrez pas contredire M. Walter.
M. Girard : Absolument.
Le sénateur Joyal : Vous semblez vouloir ajouter quelque chose?
M. Girard : Ce que je voulais exprimer à M. Walter, c'est que le Conseil canadien des normes serait entièrement disposé à participer au développement de ces lignes directrices lorsque le gouvernement aura pris une décision sur le projet de loi. C'est quelque chose qui est extrêmement important pour nous.
Le sénateur Joyal : Il me semble que pour rendre le processus accessible comme le projet de loi le propose, on doit aller à une étape additionnelle qui est de définir l'obligation de rendre le processus accessible. Autrement, on ne fait qu'exprimer une intention générale et on ne fait pas de cette intention une obligation formelle.
Et il me semble que pour arriver aux objectifs que le projet de loi définit, cette politique, ce processus devrait au moins faire l'objet d'une reconnaissance de la part du projet de loi que le gouvernement a cette obligation.
Le fait que vous bougiez la tête n'est pas noté dans le procès-verbal. C'est la raison pour laquelle j'aimerais entendre vos propos là-dessus.
M. Girard : Je ne suis pas un expert dans les questions légales. Je reconnais que des lignes directrices sont nécessaires. Je pense que le Conseil canadien des normes serait heureux de participer à cet exercice.
Nous sommes une société d'État. Donc on ne fait pas partie d'un ministère comme tel et nos observations seront à l'invitation du gouvernement du Canada.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre exposé. Comme nous le savons tous, l'incorporation par renvoi peut être une procédure ouverte ou fermée. Le mode d'incorporation fermé ou statique reprend un document dans l'état où il se trouve au moment de l'adoption du règlement. Au contraire, l'incorporation ouverte ou dynamique reprend dans le règlement les modifications apportées par la suite. Autrement dit, la réglementation incorpore les nouvelles modifications à mesure que l'on progresse.
Après avoir passé en revue les documents et entendu les témoignages, il m'apparaît que l'incorporation par renvoi comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Les avantages, vous les avez signalés, consiste à éviter les doubles emplois et à harmoniser les procédures ainsi, par exemple, pour faciliter les opérations ou les activités d'un côté ou de l'autre des frontières.
Parmi les inconvénients, il y a le fait que le lecteur doit consulter plusieurs sources pour comprendre le texte dans son intégralité, et que la consultation de textes comportant un droit d'auteur peut entraîner des frais. Dans certaines circonstances, ces documents ne seront pas disponibles dans les deux langues officielles. Je sais que vous avez choisi de nous parler des avantages. Que pensez-vous des inconvénients de ce projet de loi?
M. Walter : Je suis habitué depuis longtemps à utiliser les normes et à les incorporer par renvoi, ce qui explique que j'ai peut-être un préjugé favorable. Je ne sais pas vraiment s'il y a des inconvénients. Je pense que ce sont des problèmes qu'il s'agit de résoudre.
Lorsqu'on évoque les questions d'accessibilité, de coûts, de propriété intellectuelle et autres, il faut voir qu'il y a bien des manières différentes de rendre les normes accessibles. Au Canada, nous finançons l'élaboration de normes s'appliquant à l'infrastructure dans le Nord, et ce financement stipule entre autres que l'organisme chargé de l'élaboration de la norme doit la diffuser gratuitement parce que c'est le Canada qui a payé au départ.
Dans d'autres cas, l'Association canadienne de normalisation et certaines provinces de l'est du Canada se sont réunies et ont convenu de demander aux provinces des sommes minimes pour que les normes de santé et de sécurité au travail puissent être rendues disponibles pour consultation uniquement. Il y a bien des façons différentes de prévoir cette accessibilité.
Je ne vois pas beaucoup d'inconvénients à la procédure de renvoi des normes dans la réglementation. Voilà 20 ans que je m'en charge et ça se fait régulièrement dans notre pays. Cette façon de procéder est probablement plus courante dans les provinces et les territoires qu'au niveau du gouvernement fédéral. Les provinces et les territoires se rencontrent, et ils adoptent chacun la même norme qui s'étend à l'échelle du pays. La difficulté est de se réunir suffisamment tôt pour que tout le monde comprenne bien en quoi consiste la norme et s'efforce de l'adopter en même temps parce que cela profite aussi à l'ensemble du Canada. Je ne vois pas qu'il y ait beaucoup d'inconvénients à renvoyer les normes dans les règlements.
Le sénateur McIntyre : Même si l'incorporation par renvoi évolue ou est dynamique et si l'on intègre les nouvelles modifications?
M. Walter : C'est un avantage si l'incorporation évolue, si elle est dynamique et si l'on intègre les nouvelles modifications, les nouvelles exigences techniques et les nouveaux critères de sécurité. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas cette façon de procéder, c'est la procédure de communication. Il s'agit de s'assurer que le responsable de la réglementation qui va incorporer cette norme dans le règlement a fait en sorte que son personnel participe dès le départ à l'opération, sache ce qui se trouve dans la norme et prenne part à sa mise en œuvre.
Il peut être nécessaire de préciser dans la directive quelle va être la date de mise en application. Lorsque nous procédions à l'incorporation d'une norme par renvoi dans la réglementation en Ontario, ce n'était pas nécessairement à la date de la publication. Nous procédions six mois à l'avance pour que l'industrie ait le temps de se préparer à l'utiliser. C'est sur cette directive qu'il nous faut nous préparer à travailler, et non sur le renvoi des normes dans la réglementation.
Le sénateur McIntyre : Je vois l'intérêt d'une incorporation par renvoi fixe ou statique.
M. Walter : Par opposition à une incorporation dynamique, c'est ce que vous voulez dire?
Le sénateur McIntyre : Oui.
M. Walter : L'incorporation de type statique donne aussi des résultats et peut s'avérer le meilleur choix. Je n'en pense pas moins qu'il peut bien y avoir des cas pour lesquels il est avantageux pour le Canada ou pour la santé et la sécurité de la population canadienne que le responsable de la réglementation et les intervenants aient pris part à l'élaboration de la norme et que l'on ait consulté le public. Plutôt que de reprendre la procédure législative et d'apporter des modifications dans un nouveau règlement, on peut faire appel à une procédure dynamique. Les modifications sont apportées. On publie une nouvelle édition et l'on peut alors s'en servir.
Le sénateur Jaffer : J'ai quelques questions rapides à vous poser. Avant de commencer, j'aimerais quand même vous interroger à nouveau sur quelque chose que vous venez déjà de nous expliquer. Lorsque des normes sont modifiées en vertu de la législation actuelle, comment vous sont-elles communiquées?
M. Walter : Comment le Conseil des normes est-il informé?
Le sénateur Fraser : Non, comment le public est-il informé?
M. Walter : Comment le public est-il informé?
Le sénateur Jaffer : D'abord le Conseil et ensuite le public. Vous participez à la modification de presque toutes les normes, n'est-ce pas?
M. Walter : Toutes les normes nationales du Canada doivent être agréées par nous. Nous sommes informés quand on les soumet à notre agrément.
Le sénateur Jaffer : Comment procédez-vous alors ou comment procède le gouvernement pour communiquer la norme au public à l'heure actuelle?
M. Walter : Nous ne sommes pas tant chargés de la communication que de l'organisme qui a élaboré la norme. Les organismes qui élaborent les normes ne sont pas riches. La plupart d'entre eux, dans le monde, perdent de l'argent et doivent être financés par d'autres moyens parce que ce métier n'est pas rentable. Dès qu'ils ont terminé une norme et que celle-ci a été publiée, ils informent le plus vite possible tous les intervenants. Pour commencer, il y a souvent des enjeux en matière de santé et de sécurité. Ensuite, il y a des enjeux économiques. Troisièmement, ils souhaitent vendre un maximum de normes. Quatrièmement, il leur arrive même de vouloir mettre sur pied des programmes de formation qui leur rapporteront de l'argent pour mettre en œuvre les normes au départ. On se retourne vers l'organisme qui a élaboré la norme. C'est lui qui veut la mettre sur le marché.
Le sénateur Jaffer : C'est lui qui est responsable.
M. Walter : Effectivement.
Le sénateur Jaffer : Je vous ai peut-être mal compris, mais lorsque vous parliez des communications des normes à l'avenir, est-ce qu'il fallait à votre avis que le gouvernement trouve un moyen de les communiquer?
M. Walter : Tout d'abord, il faut que l'organisme d'élaboration de la norme continue à jouer son rôle. S'il doit y avoir un changement au niveau du gouvernement, il faut que celui-ci trouve le moyen de communiquer la norme au même groupe d'intervenants.
Le sénateur Jaffer : Avez-vous des propositions à faire?
M. Walter : C'est pourquoi M. Girard a proposé que l'on élabore une directive.
M. Girard : La réglementation fédérale et provinciale reprend des normes de toutes sortes. Parfois, ces normes ne concernent qu'un petit nombre d'intervenants. Ainsi, une méthode d'essais s'appliquant aux textiles inflammables n'intéressera que peu d'intervenants. Lorsqu'une nouvelle version devient disponible, le responsable de la réglementation est tenu de la communiquer à ceux qui sont soumis à cette réglementation.
Parfois encore, la norme est d'application plus générale, ainsi lorsqu'elle concerne les aliments organiques. Les organismes d'élaboration des normes, les responsables de la réglementation et tous les intervenants s'efforceront de communiquer cette nouvelle norme pour s'assurer que les nouveaux articles sont compris et appliqués. Tout dépend de la norme dont on parle.
Le sénateur Jaffer : Si je comprends bien, je n'en sais pas autant que vous sur la question, la norme passe par une procédure d'élaboration, un cadre est fixé — je simplifie la chose — et elle est ensuite communiquée. Dans votre allocution, vous nous avez dit qu'il y avait parfois urgence. Quand en sera-t-il ainsi? Je pensais qu'il y avait toute une procédure à suivre. Je me trompe peut-être. Quand est-il urgent de communiquer une nouvelle norme?
M. Walter : Vous avez raison, car il est indéniable que pour nombre de normes techniques faisant l'objet d'un renvoi dans les codes de réglementation du gouvernement, on procède régulièrement à des réunions, éventuellement deux fois par an. Je peux vous en donner des exemples. Le meilleur d'entre eux est celui de ces enfants qui se sont fait tuer il y a des années en montant sur le sommet des ascenseurs en Ontario. Des garçons avaient trouvé le moyen de trafiquer le câble et de maintenir la porte ouverte pour faire descendre l'ascenseur, puis de monter sur le toit de celui-ci. Plusieurs d'entre eux ont été tués. Il a fallu alors modifier la norme et procéder très rapidement par voie de réglementation. C'est juste un exemple. On pourrait aussi citer le cas des réservoirs de propane et d'autres encore.
Le sénateur Jaffer : Il arrive qu'il y ait un besoin urgent.
M. Walter : Effectivement.
Le sénateur Jaffer : Si j'ai bien compris, vous nous avez dit dans votre exposé que les normes subissaient des modifications, mais que les fonctionnaires du gouvernement n'intégraient pas ces modifications parce que la procédure était trop lourde. C'est bien ce que vous avez dit?
M. Walter : Oui. Cela s'explique en partie parce que les normes sont mal comprises et en partie parce que les fonctionnaires sont terriblement occupés. Je vous avoue qu'il m'arrive de consulter une norme et de dire, par exemple, « Bien; les dernières normes concernant les ascenseurs sont maintenant en place dans le code. » On oublie qu'il va falloir attendre trois ans pour instituer le nouveau code; et il ne faut pas se tromper. Lorsque ce sont des spécifications techniques et qu'il faut repasser par la voie législative, cela prend du temps; la procédure n'est pas toujours bien comprise; la chose ne fait pas toujours partie des priorités du ministre, je le reconnais; il est donc préférable de procéder au renvoi de ces normes de façon dynamique.
Le sénateur Fraser : Je voudrais revenir sur cette incorporation dynamique de certains textes étrangers dans notre réglementation.
Monsieur Walter, vous avez évoqué le système actuel en précisant en somme que les textes étrangers sont « canadianisés » — en ce sens qu'ils doivent répondre aux besoins canadiens et que certaines situations diffèrent. En lisant ce projet de loi, je constate qu'il serait tout à fait possible de contourner la règle à l'avenir. Prenons l'exemple des pneus. Imaginons qu'un règlement adopte une norme s'appuyant sur des spécifications fixées par l'EPA. Par la suite, l'EPA adopte une nouvelle norme mieux adaptée aux climats du Sud. Si cependant notre réglementation a autorisé l'incorporation dynamique du règlement d'origine, vous n'aurez plus votre mot à dire concernant le maintien de l'application d'une règle américaine désormais différente, n'est-ce pas?
M. Walter : Non. Voilà pourquoi nous avons besoin de directives concernant l'application statique ou dynamique de ces normes.
M. Girard et moi-même avons affaire à de trop nombreuses statistiques. Il y a 300 normes répertoriées dans la réglementation fédérale qui nous viennent des organismes d'élaboration des normes aux États-Unis. Elles sont utilisées actuellement dans notre pays. Nous prenons des mesures pour nous assurer que lorsqu'elles sont reprises par les responsables de la réglementation fédérale, elles sont soumises à une procédure qui en fait des normes nationales du Canada. Il faudrait peut-être établir dans ces directives que l'on ne pourra recourir à une procédure d'incorporation dynamique que si elle a été canadianisée, pour reprendre le terme que vous avez employé. Je ne manque jamais de rappeler que la procédure d'incorporation dynamique a de gros avantages pour le Canada. Nous devons nous assurer que les règles sont fixées de manière à être bien employées.
Le sénateur Fraser : Vous nous l'avez bien expliqué, et je ne conteste pas que dans certains domaines le mécanisme d'incorporation dynamique rend service à la population canadienne. J'en suis vraiment convaincue. Ce qui me préoccupe, cependant, c'est l'étendue de l'application de ce projet de loi et le fait qu'il risque d'ouvrir tout un champ d'activités qui échappera au contrôle du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Ce sera extrêmement pratique pour la fonction publique, mais je ne suis pas sûre que ce soit dans l'intérêt du public.
Selon votre expérience, est-ce que l'existence du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation opère au détriment de la réglementation en tenant compte de l'intérêt de la population canadienne en général et non pas de celui des responsables appelés à comparaître devant le comité pour justifier leur réglementation?
M. Walter : Je n'ai encore jamais comparu devant un tel comité au niveau fédéral. Je l'ai fait un certain nombre de fois pour la province de l'Ontario. Il est bien évidemment utile de venir témoigner, mais je dois vous avouer malheureusement que bien souvent le législateur n'a pas la compétence technique pour comprendre au départ ce que représente la norme. Cela m'apparaît par conséquent comme un obstacle qui ne sert pas les intérêts de la population canadienne.
Le sénateur Fraser : Cela ne veut pas dire que la réglementation ne prend effet qu'à partir du moment où le comité s'est prononcé, mais cela signifie que le comité mixte est appelé à se pencher sur la question et, à l'occasion, à procéder à une annulation si sa décision est entérinée par le Parlement.
M. Walter : Je ne propose pas qu'on supprime cette procédure.
Le sénateur Fraser : Elle le sera pourtant. Plus on procède de manière dynamique, moins le Parlement pourra exercer un contrôle.
M. Walter : Sauf si des directives sont mises en place pour faire en sorte que l'on utilise à bon escient la procédure statique et la procédure dynamique.
Le sénateur Fraser : Ce sera effectivement ma dernière question, monsieur le président, je vous le promets. Vous faites preuve d'une grande patience à mon égard.
À l'heure actuelle, si je comprends bien, la procédure d'incorporation dynamique doit être prévue au niveau de chaque loi et ne concerne pas l'ensemble d'un secteur. La loi doit expressément disposer que l'on pourra faire appel à la procédure d'incorporation dynamique pour les besoins de la législation concernée. Quels sont les inconvénients de cette façon de procéder?
M. Walter : Je n'en vois pas vraiment les inconvénients.
M. Girard : C'est un facteur d'incertitude pour les responsables de la réglementation. Nous avons aujourd'hui, plusieurs milliers de lois. Selon la procédure actuelle, on retrouve ces dispositions plusieurs fois dans un même projet de loi. Il est bien difficile pour tous les intervenants de savoir ce qui se passe.
En compilant nos statistiques, nous sommes partis d'une procédure manuelle et nous faisons davantage appel maintenant à l'informatique. Nous avons dû retourner en arrière et non seulement nous préoccuper de la norme en soi et du règlement, mais revenir à la loi elle-même et vérifier si elle comportait bien la mention « telle que modifiée de temps à autre ». Imaginez ce qui se passe au niveau de la personne soumise à la réglementation, qui doit respecter les dispositions du règlement ou de la loi. Il nous a paru difficile et bien long d'assumer toutes ces obligations.
Le sénateur Fraser : Vous partez d'un point donné, mais si une loi mentionne différentes babioles, les fabricants de ces babioles vont s'en apercevoir, prendre connaissance de la réglementation et savoir si le cadre réglementaire fait appel à une procédure d'incorporation dynamique ou non.
Le président : Il s'agit là de toute évidence d'un commentaire. Aucune réponse n'est requise. Le sénateur Fraser nous a promis que ce serait sa dernière question.
Le sénateur Joyal : Monsieur Walter, vous avez fait une excellente carrière en Ontario et vous avez été probablement l'un des artisans de la législation adoptée en 2006 par cette province. Laissez-moi vous donner la référence correspondante. Il s'agit de la loi 1006 de l'Ontario adoptée en 2006 concernant l'incorporation des normes.
Qu'est-ce qui vous fait penser que la législation qui nous est présentée est meilleure que celle qui a été instituée en 2006 et que vous avez contribué à faire adopter?
M. Walter : Je tiens à préciser que je n'ai pas participé à l'adoption de cette loi en 2006. J'étais évidemment au courant, mais je n'ai pas pris part à la procédure.
Le sénateur Joyal : Vous étiez sous-ministre à l'époque.
M. Walter : J'étais sous-ministre adjoint d'une division qui s'intéressait aux normes, mais il y avait des dizaines de personnes impliquées à ce moment-là. Cela ne faisait pas partie de mon portefeuille à l'époque.
Le sénateur Joyal : Vous connaissez cette loi.
M. Walter : Oui. La loi de l'Ontario a fait appel à une procédure statique. Je pense que l'on a manqué l'occasion de recourir à une procédure dynamique. Cette dernière est préférable parce qu'elle confère une plus grande marge de manœuvre aux responsables de la réglementation. Elle permet d'adopter plus rapidement les normes pour des raisons de santé et de sécurité ou de compétitivité. C'est tout simplement une meilleure solution.
Il faudrait maintenant revoir la chose, et je ne l'ai pas fait, évidemment, depuis que j'ai quitté cette fonction il y a bien des années. D'ailleurs, vous parlez de 2006. J'ai quitté la fonction publique de l'Ontario en 2001 et, par conséquent, je n'ai pas pris part à cette opération.
Le sénateur Joyal : Voilà un excellent alibi.
M. Walter : Sachez que je n'étais même pas en fonction à l'époque.
L'avantage, c'est que l'on obtient plus facilement la souplesse nécessaire. En se limitant à une procédure statique, on empêche le Canada de tirer un parti maximum de l'utilisation des normes, ce qui est très important pour le pays, pour la santé et la sécurité, et pour la compétitivité.
Le sénateur Joyal : Selon vous, si l'on adopte l'autre solution, est-ce que le besoin d'une politique et de directives se fera encore davantage sentir compte tenu de l'option qui est prise dans ce projet de loi par opposition à une procédure statique?
M. Walter : Effectivement, cela entraîne évidemment un besoin de communication à tous les stades. Oui, il faut des directives pour expliquer le mode d'utilisation.
Le sénateur Joyal : Le champ des possibilités est si vaste qu'il est préférable que les intervenants disposent d'une source d'information leur permettant de savoir ce que l'on fait et de quelle manière.
M. Walter : En effet.
Le sénateur Joyal : J'en reviens à ma proposition : vous seriez en faveur d'une disposition quelconque dans le projet de loi qui ferait état de l'obligation d'élaborer une politique et des directives pour les besoins des intervenants.
M. Walter : Je ne suis pas un spécialiste de la législation. Je veux simplement qu'il y ait des directives et une politique. C'est vous qui êtes le spécialiste et qui devez faire en sorte que ces dispositions soient là.
Le président : Merci, messieurs, d'avoir comparu aujourd'hui. Nous avons bien apprécié votre témoignage, qui ne manquera pas d'aider les membres du comité dans leurs délibérations.
Voilà qui met fin à nos auditions sur le projet de loi S-12. Nous avons prévu de nous rencontrer mercredi prochain à 15 h 30 pour entendre le témoignage du ministre de la Justice. Il se chargera de répondre à toutes les questions que peuvent se poser les membres de notre comité au sujet du projet de loi S-12 ainsi que du projet de loi C-36, la prochaine législation que nous serons appelés à étudier.
Voilà qui met fin à notre séance.
(La séance est levée.)