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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 31 - Témoignages du 6 mars 2013


OTTAWA, le mercredi 6 mars 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 37, Loi modifiant le Code criminel, se réunit aujourd'hui, à 16 h 21, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues, invités et membres du public qui suivent les délibérations d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour commencer notre étude du projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel, qui porte sur les suramendes compensatoires. Le projet de loi modifie le Code criminel pour changer les règles concernant les suramendes compensatoires. Les principaux changements proposés dans le projet de loi visent à doubler le montant de la suramende compensatoire, à retirer l'exemption pour cause de préjudicie injustifié et à ajouter le recours possible au mode facultatif de paiement d'une amende pour verser une suramende compensatoire.

Je rappelle à nos téléspectateurs que les audiences de comité sont ouvertes au public et qu'elles sont aussi diffusées sur le site web parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur le calendrier de comparution des témoins sur le même site web, sous la rubrique « Accueil des comités du Sénat ».

Pour entamer nos délibérations, nous avons le plaisir de recevoir à nouveau l'honorable Robert Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné aujourd'hui de deux hauts fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada, Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale par intérim de la Section de la politique en matière de droit pénal, et Pamela Arnott, directrice et avocate-conseil au Centre de la politique concernant les victimes.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

L'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci beaucoup, sénateur. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-37, Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes.

Le projet de loi vise à responsabiliser davantage les contrevenants à l'égard des victimes en doublant la suramende compensatoire et en obligeant les contrevenants à verser le paiement dans tous les cas.

Comme les membres du comité le savent, les suramendes compensatoires sont des sanctions supplémentaires imposées au moment de la détermination de la peine aux contrevenants déclarés coupables. Les gouvernements provinciaux et territoriaux les perçoivent, les conservent et s'en servent pour aider à financer des programmes, des services et des mesures d'aide aux victimes d'actes criminels dans la province ou le territoire où le crime a été commis.

À l'heure actuelle, le Code criminel prévoit que la suramende compensatoire doit être imposée par le tribunal qui détermine la peine, mais elle peut être annulée si le contrevenant parvient à prouver que son imposition lui cause un préjudice injustifié. Nous savons toutefois que cette suramende n'est pas imposée dans tous les cas appropriés et qu'elle est annulée même en l'absence d'un tel préjudice.

Le projet de loi propose trois modifications aux dispositions du Code criminel qui portent sur la suramende compensatoire. Le premier changement viserait à doubler le montant de la suramende compensatoire qu'un contrevenant doit verser. Deuxièmement, la suramende compensatoire serait imposée dans tous les cas sans exception. Troisièmement, les contrevenants incapables de payer la suramende compensatoire pourraient participer aux programmes provinciaux ou territoriaux de mode facultatif de paiement pour s'acquitter du montant en souffrance.

Permettez-moi d'aborder chacune de ces propositions.

Le doublement proposé du montant de la suramende compensatoire constituerait la première augmentation depuis 2000. La nouvelle suramende s'élèverait à 30 p. 100 de toute amende imposée au contrevenant. Lorsqu'aucune amende n'est imposée, la suramende serait de 100 $ pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et de 200 $ pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. Les juges conserveraient le pouvoir discrétionnaire d'augmenter la suramende quand les circonstances le justifient et que le contrevenant a la capacité de payer un montant plus élevé.

Afin de s'assurer de la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes pour le tort qu'ils ont causé, la suramende compensatoire doit constituer un montant substantiel pour les encourager à être responsables de leurs actes.

On a soulevé des questions quant à l'utilisation de la suramende compensatoire et à la certitude que les montants perçus viendront réellement en aide aux victimes. À cet égard, le paragraphe 737(7) du Code criminel prévoit que la suramende compensatoire sera affectée à l'aide aux victimes d'actes criminels, comme l'imposent les provinces ou les territoires où la suramende compensatoire est infligée.

Le projet de loi propose, en deuxième lieu, d'éliminer le pouvoir discrétionnaire d'annuler la suramende compensatoire afin de garantir qu'elle soit appliquée automatiquement. Une recherche menée par le ministère de la Justice et publiée en 2006 montre que, sur une période de cinq ans, la suramende avait été annulée dans les deux tiers des cas. Fait intéressant, la suramende a été annulée dans 84 p. 100 des cas d'infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et dans 91 p. 100 des cas d'infractions punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, lorsque le contrevenant s'était vu imposer une peine de prison. Par contre, la suramende a été levée dans 25 p. 100 des cas où le contrevenant avait été condamné à verser une amende.

Les recherches portent à croire que si le taux d'exonération des contrevenants purgeant des peines de prison est si élevé, c'est parce qu'on applique une politique d'exemption généralisée aux contrevenants condamnés à purger une peine de prison, au lieu de tenir compte des preuves de préjudice injustifié. De plus, dans 99 p. 100 des cas où la suramende avait été levée, le tribunal n'avait pas fourni de raisons pour sa décision, et ce, malgré l'obligation prévue dans le Code criminel de le faire, et aucun document ne prouvait que le contrevenant avait démontré que l'imposition de la suramende lui causerait un préjudice injustifié. C'est inacceptable et c'est la raison pour laquelle nous rendons la suramende compensatoire obligatoire.

La troisième modification proposée permettrait aux contrevenants dans l'incapacité de payer la suramende compensatoire obligatoire de participer à des programmes provinciaux ou territoriaux de mode facultatif de paiement d'une amende afin de s'acquitter du montant qu'ils doivent.

Dans le régime actuel de suramende compensatoire, les contrevenants qui ne sont pas en mesure de verser la suramende compensatoire font tout simplement l'objet d'une exemption.

[Français]

Ces travaux visent à ce que les contrevenants assument leur responsabilité envers les victimes d'actes criminels.

[Traduction]

Cela s'inscrit dans la philosophie de la suramende compensatoire qui cherche à responsabiliser les contrevenants à l'égard des victimes de la criminalité.

Le mode facultatif de paiement d'une amende de chaque province et territoire détermine le rythme auquel les contrevenants accumuleraient des crédits pour le travail qu'ils accomplissent. À titre d'exemple, si le mode facultatif de paiement d'une amende d'une province ou d'un territoire détermine qu'une heure de travail équivaut à environ 10 $, le contrevenant devrait alors faire environ 10 heures de travail pour payer une suramende de 100 $ ou 20 heures pour en payer une de 200 $.

Certains ont laissé entendre que l'élimination de l'option d'annuler la suramende compensatoire pourrait entraîner des préjudices injustifiés et que les personnes incapables de payer la suramende seraient ainsi jetées en prison. Ce n'est tout simplement pas vrai.

Le Code criminel stipule qu'un mandat d'incarcération ne doit pas être lancé s'il y a absence de paiement d'une amende, à moins que le contrevenant ait refusé de payer une amende sans raison valable. En 2003, la Cour suprême du Canada a tranché, dans son arrêt R. c. Wu, qu'une réelle incapacité de payer constitue une raison valable. De même, si le contrevenant n'a pas les moyens de payer l'amende sur-le-champ, on doit lui octroyer une période raisonnable pour la verser.

Le mode facultatif de paiement d'une amende existe dans sept provinces. Ainsi, dans la plupart des cas, les contrevenants incapables de payer la suramende compensatoire pourraient bénéficier du mode facultatif de paiement d'une amende pour s'acquitter du montant exigible.

Le mode facultatif de paiement d'une amende n'est pas disponible en Ontario, en Colombie-Britannique et à Terre- Neuve-et-Labrador. Toutefois, ces trois provinces proposent d'autres mécanismes pour les contrevenants qui ne sont pas en mesure de payer la totalité de l'amende au moment de son imposition.

Tous ces mécanismes seraient à la disposition des contrevenants incapables de verser la suramende. De plus, des mécanismes comme la suspension ou la révocation du permis sont disponibles dans ces trois provinces pour encourager les contrevenants à payer.

J'aimerais aussi souligner que tout tribunal au Canada qui détermine la peine peut ordonner l'application d'un régime de versements ou la prolongation d'un délai dans le cas des contrevenants qui doivent payer la suramende. Il en a toujours été ainsi, et le projet de loi C-37 n'y changera rien.

[Français]

Je pense que nous comprenons tous que les victimes d'actes criminels méritent notre soutien. J'espère que nous pourrons continuer à travailler ensemble afin que le projet de loi soit adopté rapidement.

[Traduction]

Les victimes d'actes criminels méritent toute l'aide qu'on peut leur offrir. J'espère ardemment que ce projet de loi sera adopté rapidement au Sénat.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Notre vice-présidente, la sénatrice Fraser, va entamer la période des questions.

La sénatrice Fraser : Monsieur le ministre, merci d'être parmi nous. Avez-vous mené des études sur les répercussions du projet de loi? Savez-vous quelles sommes d'argent seront perçues? Combien de personnes ne pourront pas payer la suramende et devront donc avoir recours aux programmes de travail là où ils sont offerts?

M. Nicholson : Je n'ai pas d'étude à ce sujet. J'en ai discuté avec mes homologues provinciaux et territoriaux et je leur ai indiqué que nous allons de l'avant avec ce projet de loi. Bien entendu, j'avais certaines questions concernant le financement des programmes d'aide aux victimes d'actes criminels. Je leur ai signalé que tous les changements que nous apporterons seront conformes à ces programmes. En 2006, le ministère de la Justice a effectué une bonne analyse qui montre où et comment ces programmes ont été mis en œuvre. Cette étude pourrait vous intéresser.

La sénatrice Fraser : Les provinces devront-elles assumer des coûts supplémentaires pour appliquer un projet de loi qui prévoit une même approche obligatoire?

M. Nicholson : Je peux vous dire que, en général, les provinces étaient enthousiastes à l'idée de recevoir davantage d'argent pour les services offerts aux victimes d'actes criminels. Comme vous le savez, il existe une volonté persistante de financer les services offerts aux victimes, et cette tendance est conforme à l'importance qu'accorde le gouvernement aux victimes. Chacun des sous amassés sera remis aux provinces en question. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous avons gagné leur appui.

Le sénateur Frum : Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels appuie le projet de loi?

M. Nicholson : Oui. Bien entendu, je ne veux pas parler en son nom, mais je crois que c'est un projet de loi qu'elle appuie ardemment, surtout si je me fie aux rapports qu'elle a présentés et aux commentaires qu'elle a faits par le passé.

Dans le cadre de mes discussions avec les groupes de victimes partout au Canada et selon les rapports de l'ombudsman, on constate que le projet de loi sera bien accueilli par les victimes et par ceux qui défendent leurs droits partout au pays.

La sénatrice Frum : Certains territoires et provinces semblent faire meilleure figure que d'autres pour ce qui est d'offrir des services aux victimes d'actes criminels. Croyez-vous que le projet de loi va aider à uniformiser les services disponibles?

M. Nicholson : Je ne veux évidemment pas me mettre à attribuer des notes aux provinces quant à leur rendement et aux mesures qu'elles prennent. Nous sommes tous touchés par la question. Lors des discussions avec nos homologues provinciaux et territoriaux, le sujet du financement revient constamment sur le tapis. Comme je l'ai indiqué à la sénatrice Fraser, nous avons donné l'assurance que tout projet de loi qui sera présenté veillera à ce que l'argent soit remis aux gouvernements provinciaux et territoriaux pour financer les services offerts aux victimes d'actes criminels; cette garantie a été bien reçue.

Le sénateur Baker : J'aimerais remercier le ministre de son exposé. Chaque province est dotée de telles mesures législatives. Les provinces de l'Est ont leurs lois sur les services aux victimes d'actes criminels, en vertu desquelles une sanction est imposée si une infraction est commise en vertu d'une loi provinciale, selon la même formule que celle de la loi fédérale. Par exemple, à Terre-Neuve, le paragraphe 11.1(1) de la Victims of Crime Services Act prévoit une suramende compensatoire équivalant à 15 p. 100 de l'amende imposée, ce qui correspond à la norme fédérale. Vous proposez de faire passer cette suramende à 30 p. 100. Avez-vous consulté les provinces? Vous a-t-on dit si elles bonifieront leur suramende en conséquence?

M. Nicholson : Pour les infractions provinciales?

Le sénateur Baker : Oui.

M. Nicholson : Je n'ai pas directement soulevé cette question auprès de mes collègues provinciaux. Je leur ai indiqué que, pour ce qui est du champ de compétence fédérale concernant le Code criminel, nous prendrions des mesures en ce sens, sans toutefois préciser ce que nous ferions exactement. Je ne leur ai pas demandé en retour ce qu'ils feraient sur le plan des infractions provinciales. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour déterminer si c'est une bonne idée.

Le sénateur Baker : Le paragraphe 734(4) du Code criminel stipule que le lieutenant-gouverneur en conseil de chaque province doit déterminer l'échéance de paiement de toute suramende dans le cas où aucune amende n'est infligée. Monsieur le ministre, est-ce que vous ou vos employés savez s'il existe des preuves montrant la durée de ces échéances? Varient-elles? S'agit-il d'une échéance de 30 jours à partir de la date de condamnation? Quelqu'un peut-il nous éclairer à cet égard? À Terre-Neuve, l'échéance est de 30 jours.

M. Nicholson : Je ne sais pas si les fonctionnaires ont un commentaire à faire à ce sujet. Je crois comprendre que l'échéance varie selon les cas. Je me souviens d'affaires judiciaires de la province de l'Ontario où, bien souvent, on s'attendait à ce que l'amende soit payée en moins de 30 jours. En tant qu'avocat, j'ai même plaidé, pour une raison ou une autre, que cette échéance devrait passer à 90 jours; il y avait donc une marge de manœuvre. C'était dans la province de l'Ontario.

Madame Arnott?

Pamela Arnott, directrice et avocate-conseil, Centre de la politique concernant les victimes, ministère de la Justice Canada : Comme vous l'avez mentionné, chaque province et territoire est doté de ses propres lois ou règlements pour l'application de ces montants et l'établissement de cette échéance. Le délai peut être de 30 ou de 90 jours, à la discrétion de chaque province et territoire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui. Lorsqu'un contrevenant est dans l'impossibilité de payer l'amende, est-ce qu'il y a des possibilités de saisir le contrevenant?

[Traduction]

M. Nicholson : Cela varie quelque peu d'une province à l'autre. Pour votre intérêt et votre gouverne, vous pourriez examiner ce que chaque province offre comme solutions de rechange. J'en ai étudié quelques-unes. Par exemple, les contrevenants peuvent faire du travail communautaire et recevoir des crédits. Si quelqu'un refuse catégoriquement de payer, on peut suspendre son permis. Dans d'autres cas, on peut prolonger l'échéance de paiement. Les solutions varient donc un peu d'une province à l'autre. Il pourrait être intéressant pour vous de les étudier puisque les programmes varient quelque peu partout au pays.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, ce qui me préoccupe, c'est que le projet de loi va éliminer le pouvoir discrétionnaire des juges. Cette mesure législative va-t-elle édulcorer les principes fondamentaux de justice qui permettent aux juges d'adapter les peines aux contrevenants et aux infractions commises?

M. Nicholson : La suramende compensatoire existait déjà dans le Code criminel; ce n'est pas un nouveau concept. En tant que législateurs, il est de notre devoir d'orienter les tribunaux. Nous ne faisons pas la présomption d'innocence ou de culpabilité d'une personne; bien entendu, à cet égard, il incombe aux tribunaux de trancher. Nous énonçons des lignes directrices relatives à ces questions. Nous proposons des mesures pour mieux protéger les victimes ou offrir du financement pour les services d'aide aux victimes dans chaque province et territoire. Je crois que ces montants sont raisonnables. Ils n'ont pas été revus à la hausse depuis l'an 2000; il est donc temps qu'on s'y attarde.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, l'augmentation des montants me pose problème. Je suis mal à l'aise avec l'idée de lier les mains des juges en les empêchant de tenir compte du préjudice injustifié. Vous ne donnez aucun choix au juge.

M. Nicholson : Les dispositions en vigueur dans chaque province tiennent compte des gens qui, pour une raison ou une autre, sont incapables de payer ou pour qui le montant constitue un préjudice injustifié. Comme je l'ai indiqué, il existe des dispositions administrées par les provinces. Évidemment, au bout du compte, la plupart du financement provient d'une suramende calculée par rapport à l'amende, alors il incombe au juge de déterminer le montant de l'amende. Ce que nous disons, c'est qu'il y aura une suramende en plus de cette amende.

La sénatrice Batters : Merci d'être parmi nous, monsieur le ministre. Je suis heureuse que nous soyons saisis de ce projet de loi parce que, d'après mon expérience au sein du ministère de la Justice de la Saskatchewan, cette suramende était trop souvent annulée. Les employés dévoués du ministère de la Justice de la Saskatchewan offrent d'excellents programmes de services d'aide aux victimes.

Pouvez-vous nous dire à quoi serviront les fonds amassés et nous donner des exemples de programmes de fonds d'aide aux victimes que vous connaissez au Canada?

M. Nicholson : Je vous remercie de cette question. Ces fonds sont entre autres utilisés pour les avis de libération des contrevenants envoyés aux victimes, les programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels et les renvois à des services de consultation pour les aider, ce qui comprend même parfois l'aide pour, par exemple, préparer la déclaration sur les répercussions sur la victime.

D'après mon examen des mesures d'aide, j'ai remarqué qu'il en existe un large éventail. Vous avez raison de dire que votre province, la Saskatchewan, offre d'excellents services qui répondent à toute une panoplie de besoins chez les victimes.

Bien que les mesures varient d'une province à l'autre, on peut dire avec certitude que l'argent sert bel et bien à mieux épauler les victimes de diverses façons, qu'il s'agisse de rédiger la déclaration de la victime, de fournir un service de consultation ou de mettre en place des procédés par lesquels les victimes reçoivent des avis pour faciliter autant que possible leur vie après avoir vécu une expérience traumatisante. C'est ainsi que les fonds sont utilisés.

Encore une fois, je prédis que nos homologues accueilleront d'un œil favorable l'adoption du projet de loi, ce qui, je l'espère, ne tardera pas.

Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, aux termes du projet de loi, les Autochtones qui sont condamnés continueraient-ils à bénéficier du principe Gladue que la Cour suprême a établi, ou est-ce que le projet de loi en ferait abstraction?

M. Nicholson : Sans vouloir entrer dans le détail, le projet de loi est une mesure de portée générale qui vise toute personne condamnée d'un acte criminel au Canada. Comme nous pouvons nous y attendre, nos homologues provinciaux, lorsqu'ils administrent ces programmes, énoncent et modifient les processus et méthodes servant à percevoir les fonds. Comme je le disais, les provinces se pencheront sur cette question.

Le sénateur White : Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. D'après les observations que j'ai entendues relativement à la perception des montants, certaines provinces pourraient entre autres empêcher le renouvellement d'un permis de conduire. Pourraient-elles également demander un remboursement d'impôt à la fin de l'exercice financier pour les suramendes compensatoires non payées? Je n'ai pas cherché la réponse; j'essaie simplement de trouver différents moyens d'obtenir l'argent de certains de ces contrevenants.

M. Nicholson : Bonne question. Y a-t-il une réponse à donner?

Mme Arnott : Oui, sénateur, l'Agence du revenu du Canada administre un programme de compensation. Il a un titre plus long, mais il s'agit là de la version abrégée. Un certain nombre de provinces ont conclu une entente avec l'ARC pour s'en servir, notamment la Saskatchewan.

Le sénateur White : C'est une option.

Mme Arnott : Oui, effectivement.

[Français]

Le sénateur Rivest : Est-ce que les indemnités payées aux individus sont imposables par Revenu Canada? La compensation payée aux victimes est-elle imposable? Est-ce considéré comme un revenu?

[Traduction]

M. Nicholson : Est-ce que vous me demandez si c'est remboursable?

Le sénateur Rivest : Est-ce que c'est imposable? Est-ce que c'est considéré comme un revenu aux yeux de l'ARC?

M. Nicholson : La suramende compensatoire est versée à la caisse, bien évidemment.

Me demandez-vous si ce serait imposable dans le cas d'une personne qui reçoit de l'aide, par exemple, pour voyager? J'aurais tendance à dire que non, ce ne serait pas imposable, mais nous vérifierons certainement cette information pour vous.

Le président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs et monsieur le ministre. C'est tout le temps dont vous disposiez, à la seconde près. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

M. Nicholson : Merci beaucoup. J'aurais aimé qu'on examine deux projets de loi aujourd'hui, mais on ne peut pas tout avoir.

Le président : Nous allons poursuivre nos délibérations avec les fonctionnaires. J'imagine que la sénatrice Fraser a des questions à leur poser; je lui cède donc la parole.

La sénatrice Fraser : J'aimerais revenir à la question des coûts par opposition aux recettes pour les provinces. Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai cru comprendre que tout l'argent provenant de la suramende est censé être versé aux services aux victimes. Je crois qu'en Ontario, pour le moins, l'argent est versé dans la caisse générale, mais il est, je présume, affecté d'une certaine façon aux services aux victimes. Les provinces pourront-elles réaffecter une partie de cet argent pour couvrir les coûts administratifs qui, je suppose, vont augmenter? Il y aura beaucoup plus de personnes qui devront payer des amendes, ce qui entraînera, j'imagine, plus d'activités au chapitre de la tenue de dossiers, mais également un suivi accru des gens qui n'ont pas payé avant la date limite, sans parler des arrangements tels que l'exemple intéressant donné par le sénateur White qui est peut-être simple et direct, mais qui nécessite tout de même de l'administration. Il s'agirait là de coûts pour les provinces, sachant qu'elles se trouvent, pour la plupart, dans une moins bonne situation financière que nous. Peuvent-elles se servir d'une partie de l'argent de la suramende pour couvrir ces coûts?

Mme Arnott : Le Code criminel prévoit que ces fonds doivent être affectés à l'aide aux victimes. Que cet argent serve au financement de services ou à l'indemnisation, il faut que ce soit conforme à l'idée générale de l'« aide ».

La sénatrice Fraser : Ainsi, ça ne peut pas du tout servir à l'administration.

Mme Arnott : Cela ne peut pas servir à couvrir les coûts d'un programme qui profiterait aux contrevenants.

La sénatrice Fraser : Le ministre a dit qu'il n'avait pas d'études sur les répercussions, mais avez-vous une idée du nombre de gens qui semblent susceptibles de participer à des programmes de travail pour rembourser leur amende plutôt que d'avoir à débourser l'argent? Nous savons qu'une très forte proportion des gens, du moins ceux qui sont emprisonnés, sont très pauvres. Ils n'ont pas d'argent. Avez-vous des renseignements à ce sujet pour nous donner une idée de la façon dont le tout va se dérouler?

Mme Arnott : Comme le ministre l'a dit, nous n'avons pas d'études sur les répercussions. Nous avons une idée de ce que le montant total aurait pu être, s'il avait été imposé. Vous trouverez cette information dans l'étude du Nouveau- Brunswick, que la Bibliothèque du Parlement a incluse dans les documents remis au comité.

La sénatrice Fraser : Pourriez-vous nous indiquer, aux fins du compte rendu, de combien il s'agit?

Mme Arnott : Si je regarde l'étude du Nouveau-Brunswick, laquelle porte sur une période de cinq ans allant de 2000 à 2005, le montant maximum qui aurait pu être imposé s'élevait à 4,6 millions de dollars. Le montant réel imposé s'élevait à 1,5 million de dollars et le montant réel perçu, à 1,2 million de dollars. Cela nous montre qu'il y a eu un petit montant imposé, mais une fois qu'il a été imposé, un fort pourcentage en a été perçu.

La sénatrice Fraser : Il aurait fallu lire dans les pensées des juges pour savoir si, en choisissant d'imposer ou non la suramende, ils se basaient en partie sur la capacité de payer, car on a fait remarquer qu'ils ne donnaient souvent pas de raisons.

Le sénateur McIntyre : Un des principaux changements proposés par le projet de loi C-27 concerne le doublement du montant de la suramende compensatoire. Je n'y vois aucun problème, dans la mesure où la suramende compensatoire est liée à une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire; en réalité, je trouve le montant raisonnable, même s'il aurait pu être quelque peu inférieur.

Toutefois, je dois admettre que cela me préoccupe lorsqu'il s'agit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. Comme nous le savons, les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par mise en accusation sont plus graves que les celles par procédure sommaire, surtout dans le cas d'une personne qui aurait commis une très grave infraction, telle que les voies de fait causant des lésions corporelles et les agressions armées. Je trouve que 200 $, ce n'est peut-être pas suffisant. Le ministère a-t-il décidé de s'arrêter à 200 $? Comment en êtes-vous arrivés à cette somme de 200 $?

Mme Arnott : Le Code criminel prévoit que le montant des suramendes compensatoires peut augmenter si la cour estime que c'est approprié et si elle pense que le contrevenant est capable de payer le montant. C'est ce que dit déjà la disposition du Code criminel sur les suramendes compensatoires, et le projet de loi n'y changera rien.

En ce qui a trait au montant réel, il s'agit un petit peu d'une question d'équilibre.

Lorsque la toute première disposition sur les suramendes compensatoires a été créée, on prévoyait que le montant pouvait changer. Il pouvait être fixé par règlement et pouvait faire l'objet de modification. Les provinces et les territoires nous ont proposé de le fixer en fonction de l'inflation, mais après avoir examiné toutes ces options, l'information dont nous disposions des intervenants indiquait qu'il serait plus facile pour l'administration de la justice si ce montant était fixe. C'est en partie la raison pour laquelle nous sommes arrivés à ces sommes très précises.

Le sénateur Joyal : Dans un tel contexte, lors de vos réunions habituelles avec les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice, vous a-t-on parlé du non-paiement des suramendes compensatoires?

Mme Arnott : Nous avons discuté avec les provinces et les territoires de la question de la suramende compensatoire dans le cadre des réunions de notre groupe de travail, dès l'an 2000. La question a été abordée sous différents angles, notamment sur le plan des montants, comme je l'ai dit, et du recours au mode facultatif de paiement d'une amende.

Le sénateur Joyal : Est-ce que c'était à la demande des provinces que le pouvoir discrétionnaire des juges a été aboli ou enlevé du régime?

Mme Arnott : Non, ce n'était pas la décision des provinces.

Le sénateur Joyal : Vous n'avez donc pas ajouté cette disposition au projet de loi à la demande des provinces?

Mme Arnott : Non.

Le sénateur Joyal : Vous connaissez sûrement l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Wu, en 2003. Je suis sûr que vous avez le jugement sous les yeux. À la page 532 de la décision, en haut de la page, à droite dans la version française, à la fin du premier paragraphe, on peut lire...

Mme Arnott : Auriez-vous l'amabilité de me donner le paragraphe?

Le sénateur Joyal : À la page 532. Cela se trouve dans la décision majoritaire des huit juges. Il n'y avait qu'un seul juge dissident dans l'affaire, le juge Deschamps. On peut y lire ceci :

Lorsque l'excuse raisonnable invoquée par le délinquant pour justifier son défaut de payer l'amende et son indigence, le tribunal ne peut pas l'incarcérer en application de l'alinéa 734.7(1)b). En l'occurrence, aucun mode facultatif de paiement d'une amende n'existait en Ontario et aucun élément de preuve n'indiquait que l'accusé détenait une licence ou un permis fédéral quelconque.

Lorsqu'on est confronté à un tel cas, où il n'existe ni licence ni permis dont on pourrait se servir comme moyen de pression à l'égard de la personne et où la personne est tout simplement indigente, le projet de loi permettrait-il à un juge d'emprisonner cette personne du fait qu'elle ne peut pas payer une suramende compensatoire?

Mme Arnott : Non. Le projet de loi n'a aucune incidence sur l'article 734.7 du code, qui stipule qu'un mandat d'incarcération ne peut être décerné que si un mode facultatif de paiement d'une amende n'est pas approprié et donc, s'il n'en existe pas dans la province.

Le sénateur Joyal : Le ministre a mentionné l'Ontario, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador. Dans ces trois provinces?

Mme Arnott : C'est exact. La seconde partie dit : « ... ou si le délinquant a, sans excuse raisonnable, refusé de payer l'amende » ou, en l'occurrence, la suramende compensatoire. Il faut que les deux conditions existent dans le cas du délinquant : un refus sans excuse raisonnable.

Le sénateur Joyal : Cela signifie qu'une personne qui vit des prestations de l'aide sociale, qui n'a pas de domicile fixe, qui vit plus ou moins dans la rue et qui a été accusée de vol à l'étalage ou de quelque chose de ce genre pourrait faire l'objet d'une suramende compensatoire.

Mme Arnott : Elle pourrait faire l'objet d'une suramende compensatoire, mais elle ne...

Le sénateur Joyal : Que ferait-on avec une telle personne?

Mme Arnott : Elle ne serait pas emprisonnée à cause de son incapacité de payer la suramende compensatoire. C'est très clair; nous avons examiné la jurisprudence. On a cerné précisément ce cas-là parmi les exemples. Un sans-abri ne serait pas emprisonné.

Selon la province, il y a un certain nombre de mesures de rechange pour que la personne puisse purger une peine de prison, si elle le souhaite. Elle pourrait faire une demande d'annulation et, en fonction des critères, comme le fait qu'elle n'ait pas de revenu ou qu'elle n'ait aucune chance raisonnable de pouvoir payer la suramende, un juge pourrait décider de tout simplement l'en dispenser.

Le sénateur Joyal : Avez-vous des statistiques sur la fréquence à laquelle les Autochtones pourraient se trouver dans une telle situation, surtout dans les provinces où le nombre d'Autochtones en prison est largement supérieur au pourcentage moyen dans la population de la province? Avez-vous une idée du nombre d'Autochtones qui pourrait être touchés par ces changements?

Mme Arnott : Je suis absolument d'accord avec vous, sénateur. Nous savons que le pourcentage des personnes issues des Premières nations et qui sont des délinquants est plus élevé que le pourcentage de personnes non autochtones. C'est disproportionné par rapport au pourcentage autochtone de la population. Nous savons également qu'ils sont représentés de manière disproportionnée parmi les victimes d'actes criminels. Les Autochtones sont trois fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles.

Le projet de loi sera, à notre avis, tout aussi positif pour les Premières nations, car elles pourront bénéficier des recettes accrues pour les programmes de services d'aide aux victimes.

Le sénateur Joyal : Avez-vous déjà réalisé des études pour déterminer pourquoi les juges semblent si généreux lorsqu'ils dispensent les gens de payer leur amende?

Mme Arnott : J'aurais deux choses à vous signaler. Tout d'abord, l'étude du Nouveau-Brunswick a fait ressortir un certain nombre des raisons pour lesquelles les juges n'imposaient pas la suramende compensatoire. Certains n'étaient pas au courant de son existence. Ils étaient...

Le sénateur Joyal : Vous nous dites qu'ils n'étaient pas au courant de son existence même si, en vertu du Code criminel, selon ce que le ministre nous a dit, ils devaient expliquer les raisons pour lesquelles ils avaient accordé une dispense?

Mme Arnott : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Personne ne fait un suivi de l'obligation des juges d'expliquer les raisons pour lesquelles ils dispensent les gens de payer la suramende compensatoire?

Mme Arnott : Nous avons constaté dans la jurisprudence que le greffier rappelait au juge qu'il y avait une suramende compensatoire à imposer en plus de la peine, et le juge pouvait alors décider d'accorder une dispense.

Parmi les autres raisons que nous avons trouvées, il y a simplement le fait qu'il n'y avait pas de questions; donc, la défense demandait une « dispense de la suramende compensatoire », et le juge acceptait tout simplement. Personne ne posait de questions pour savoir ce qu'on entendait par préjudice injustifié.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, la loi n'est pas strictement appliquée, selon l'esprit et la lettre de l'ancien texte.

Mme Arnott : Oui, monsieur.

Le sénateur Joyal : Vous, en tant que représentante du ministère de la Justice, n'avez pas les moyens d'attirer l'attention des juges sur le fait qu'en réalité, ils ne suivent pas la loi? Il semble raisonnable de demander à un juge d'expliquer pourquoi il annule le paiement d'une suramende compensatoire.

Mme Arnott : Nous en avons les moyens lorsque nous travaillons avec des organisations telles que l'Institut national de la magistrature pour élaborer des programmes de formation à l'intention des juges. C'est ce genre d'encouragement que nous pouvons offrir aux juges.

Le sénateur Joyal : Cela me semble bizarre, d'une certaine façon. Une telle disposition du Code criminel semble contraignante parce qu'elle figure dans le code; ce n'est pas un simple règlement oublié quelque part à la fin d'une loi. D'après ce que je peux comprendre, cette disposition s'applique à tous les types d'infractions, que ce soit par procédure sommaire ou par mise en accusation. Les juges semblent ignorer une telle disposition, laquelle s'applique pourtant dans chaque cas, et personne n'a porté cette question à leur attention pendant toutes ces années. Il y a quelque chose qui cloche dans le système. Je ne comprends pas comment cela se fait.

Le président : La suramende compensatoire provinciale au Nouveau-Brunswick — je ne sais pas si cela s'applique — est-elle obligatoire?

Mme Arnott : Elle est appliquée en vertu de la loi provinciale.

Le président : Elle est obligatoire.

Mme Arnott : Oui, effectivement.

Le président : Les juges l'imposent. Ils sont obligés de le faire. Le fait qu'ils ne soient pas au courant de la responsabilité fédérale rend la situation encore plus étrange.

Mme Arnott : La différence entre la suramende fédérale et la suramende provinciale est, en partie, due au fait que la suramende provinciale est incluse automatiquement dans les amendes pour excès de vitesse, par exemple. Aussi bien leur imposition que leur perception sont plus faciles, à cause de leur structure, si vous voyez ce que je veux dire.

Le sénateur Baker : J'ai deux points à aborder. D'abord, je ne sais pas comment on pourrait imposer à un tribunal de garder des dossiers qui seraient publics. Cela dépend de la question de savoir s'il s'agit d'un rapport ou d'une décision écrite. On peut indiquer les raisons, et c'est d'ailleurs ce que la loi exige à l'heure actuelle; on est en train d'enlever cette disposition de la loi, mais celle-ci ne fait que stipuler que le juge doit indiquer les motifs. Ce serait là un des problèmes.

Pour ce qui est du deuxième problème, vous connaissez l'article 734.7 du Code criminel. C'est là que l'on dit que si une amende est imposée à une personne qui est déclarée coupable d'une infraction ou qui en est absoute et que le tribunal établit un délai pour le paiement de l'amende, le juge peut délivrer un mandat d'incarcération à cette personne. Comment cette disposition s'applique-t-elle? D'après ce que j'ai compris, vous nous avez dit qu'elle ne s'appliquera pas à ces amendes. Je ne sais pas pourquoi il en serait ainsi.

Mme Arnott : J'ai dû mal m'exprimer, sénateur, parce qu'il s'applique.

Le sénateur Baker : Si on ne peut pas payer et qu'une échéance est fixée, on peut se retrouver avec une peine d'emprisonnement?

Mme Arnott : Non, cette disposition s'applique. Elle stipule que si le délai raisonnable...

Le sénateur Baker : De 30 jours.

Mme Arnott : Si le recours au mode facultatif de paiement d'une amende ou d'autres mesures ne conviennent pas pour une raison ou une autre, un mandat pourrait être lancé. C'est possible, dans toutes ces circonstances.

Le sénateur Baker : Je peux comprendre. Cela n'empêche pas le fait qu'au bout du compte, le problème, c'est premièrement qu'un mandat est lancé et, deuxièmement, qu'une personne pourrait être incarcérée.

Mme Arnott : C'est exact.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais revenir à ce que disait le sénateur Baker, et le ministre a fait allusion à l'affaire R. c. Wu, où le tribunal a déclaré qu'il n'est pas approprié de jeter quelqu'un en prison pour une amende. Compte tenu de toutes ces mesures qu'a expliquées le sénateur Baker, et dont vous avez convenu, cela signifie au bout du compte que quelqu'un pourrait se retrouver en prison. Est-ce que je me trompe?

Mme Arnott : Si la personne ne peut pas payer l'amende parce qu'elle vit dans l'extrême pauvreté. L'un de vos collègues a donné l'exemple d'un sans-abri. Si on ne peut pas raisonnablement s'attendre à ce que cette personne puisse payer l'amende, elle ne sera pas jetée en prison, comme vous l'avez dit, à cause du jugement dans l'affaire R. c. Wu, mais aussi à cause des dispositions de l'article 734.7.

La sénatrice Jaffer : J'ai du mal à comprendre quelque chose, et vous pouvez peut-être m'aider. Vous avez dit au sénateur Joyal qu'un juge ne peut pas tenir compte du préjudice injustifié et qu'il doit passer à la solution suivante. Même là, s'il n'y a pas une telle possibilité ou d'autres moyens, on peut demander une annulation.

Quelle est la différence? Tout d'abord, on ne peut pas tenir compte du préjudice injustifié. Le juge ne peut pas l'évaluer; il doit imposer l'amende compensatoire. On voit les autres possibilités, puis on demande une annulation. Quelle est la différence? Je ne comprends pas.

Mme Arnott : La différence, c'est que maintenant, une amende est imposée. Quand on regarde les exemples américains, on constate que la majorité des amendes compensatoires ou autres amendes du même genre étaient de moins de 1 000 $, et elles étaient payées assez rapidement. On en a déduit que si quelqu'un se fait dire qu'il doit trouver un moyen, il le trouve.

Le but, ici, est de trouver une mesure qui est conforme aux principes de la détermination de la peine. Cela s'inscrit dans nos responsabilités à l'égard des victimes et des collectivités.

La sénatrice Jaffer : Je peux le comprendre. Je comprends que la plupart des gens, s'ils peuvent payer, le feront. Nous savons aussi que, malheureusement, certains de nos concitoyens, qu'ils soient autochtones ou autres, ne peuvent tout simplement pas payer. Vous avez dit, il est vrai, qu'ils peuvent demander une annulation. Pour moi, cela constitue un préjudice injustifié, lorsque le juge détermine qu'ils ne peuvent vraiment pas payer. Pourquoi, d'ailleurs, enlever au juge son pouvoir discrétionnaire à cet égard? Je ne comprends pas cela.

Mme Arnott : Tout ce que je peux vous dire, madame la sénatrice, c'est que cela revient à ce que j'ai déjà dit.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais obtenir une précision au sujet de la suramende compensatoire. Bien évidemment, nous voulons aider les victimes. La suramende compensatoire n'est pas versée à la victime d'un acte criminel. Elle est versée dans un fonds; par conséquent, elle n'aide pas la victime, la personne à qui le contrevenant a fait du tort. L'amende est versée dans un fonds. Comment ce fonds est-il administré, et en quoi est-il utile? Je suppose qu'il a pour vocation d'aider les victimes de façon générale. De quelle manière permet-il d'atteindre cet objectif?

Mme Arnott : Chaque province et territoire est doté de lois en matière de services aux victimes qui prévoient ce pourquoi ces fonds doivent être utilisés. Il s'agit d'une décision que les provinces et les territoires ont prise en fonction de leurs besoins respectifs.

La sénatrice Jaffer : Puis-je vous interrompre? Je viens de la Colombie-Britannique. S'agit-il de quelque chose de comparable au Fonds d'indemnisation des accidentés du travail? Les fonds y sont-ils acheminés?

Mme Arnott : Oui, dans le sens où il s'agit d'une entité unique. Est-ce que vous me comprenez? Le ministre a mentionné un certain nombre de façons d'utiliser les fonds tirés de la suramende compensatoire. Ils peuvent servir notamment pour l'aide juridique ou la préparation de la déclaration sur les répercussions du crime sur la victime, et dans certaines provinces, ils peuvent être affectés à des fonds de dédommagement. Il peut s'agir de services d'aiguillage, de traitement et d'aide psychologique ou d'autres services communautaires. Chaque province et territoire a indiqué la façon dont il souhaite voir les fonds provenant de la suramende compensatoire utilisés.

La sénatrice Jaffer : Un autre élément que vous avez mentionné était l'intention. Ce qui m'ennuie avec ce que vous dites, c'est de savoir ce qui arrive dans le cas où une personne atteinte d'une maladie mentale n'avait pas l'intention de commettre le crime. Qu'advient-il de cette personne?

Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale par intérim, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Voulez-vous dire l'intention de commettre l'infraction?

La sénatrice Jaffer : Non, la culpabilité de cette personne a déjà été établie. C'est un fait. Je veux savoir ce qui arrive par après. Vous avez dit que si on démontre que cette personne ne fait aucun effort pour payer, l'emprisonnement pourrait être envisagé. Ma préoccupation, c'est que si quelqu'un est déclaré coupable et souffre de maladie mentale, comment évalue-t-on son intention?

Mme Morency : Je pense qu'il faut revenir au principe. Lorsque la suramende compensatoire est imposée, c'est le délinquant qui la paie. Si le délinquant n'est pas en mesure de la payer, qu'il a besoin de temps pour la payer ou qu'il y a d'autres facteurs qui entrent en jeu, il y a des moyens qui existent pour donner une période raisonnable pour payer. Il se peut que ces gens ne soient pas en mesure de payer pour des motifs raisonnables. L'affaire Wu illustre ce qui se passe si la personne est démunie, ce qui est un motif raisonnable. J'imagine qu'il reviendrait au tribunal de déterminer si l'incapacité mentale d'une personne pourrait constituer une excuse raisonnable la rendant incapable de payer. Est-ce possible? Oui.

La sénatrice Jaffer : Le tribunal peut en décider. Je pensais que le tribunal ne pouvait pas tenir compte du préjudice indu.

Mme Morency : Le tribunal n'en tiendrait pas compte de la façon dont vous le laissez entendre. Le tribunal pourrait en tenir compte pour décider quand il émettra un mandat pour l'incarcération du délinquant. Le tribunal ne peut le faire que dans les circonstances prévues à l'article 734.7 du Code criminel, auxquelles la sénatrice et ma collègue ont fait référence.

Si le délinquant refusait de payer l'amende sans motif raisonnable ou de s'acquitter de cette obligation, le tribunal pourrait en tenir compte pour l'émission d'un mandat d'incarcération. Le tribunal ou le juge aurait l'occasion d'en tenir compte.

La sénatrice Jaffer : Ce serait au moment de l'émission du mandat.

Mme Morency : Oui.

La sénatrice Jaffer : Ce projet de loi a-t-il passé le test de la Charte?

Mme Morency : Comme vous le savez, le ministre de la Justice est chargé d'examiner tous les projets de loi. Oui, le ministre a examiné ce point et s'est convaincu du fait que le projet de loi est conforme à la Charte.

Si je puis me permettre, j'aimerais revenir au fait étonnant que la magistrature n'impose pas la suramende et quand elle doit le faire et qu'on ne fournit pas de motifs à cet effet, qu'elle décide de dispenser le délinquant du paiement de la suramende compensatoire en vertu de la législation actuelle. Je ne veux pas trop insister sur ce point. L'étude à laquelle ma collègue et le ministre ont fait référence concernant la suramende compensatoire au Nouveau-Brunswick, par exemple, décrit de façon générale certains motifs fournis par certains tribunaux qui justifiaient le fait de ne pas imposer la suramende compensatoire, par exemple, une erreur administrative. Ce serait peut-être aller trop loin que de laisser entendre qu'un grand nombre de juges ne sont pas au courant ou ferment les yeux sur ce qu'on leur présente. Il s'agit là de certains motifs que j'ai découverts lorsque nous avons tenté de comprendre ce qui se passait et pourquoi la suramende compensatoire n'était pas imposée.

Comme ma collègue l'a indiqué, nous tentons de collaborer non seulement avec l'Institut national de la magistrature, mais aussi avec des groupes de travail à l'échelon fédéral-provincial-territorial car ils tentent d'atteindre les mêmes objectifs. Les fonds sont affectés aux services aux victimes dans leurs territoires respectifs. Nous cherchons tous à faire en sorte que la loi soit connue et comprise. Néanmoins, nous avons été parfois, très souvent en fait, informés qu'elle n'était pas toujours appliquée.

La sénatrice Batters : La question du sénateur Jaffer concernait certaines victimes qui ne recevaient pas les fonds. N'est-il pas vrai qu'une victime précise est admissible à des prestations parmi le large éventail de programmes et de services aux victimes financés par le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, comme de l'aide à la déclaration sur les répercussions du crime sur la victime et de l'aide pour préparer les victimes à témoigner en cour?

Mme Arnott : Oui. Je partage entièrement votre avis au sujet des services en Saskatchewan. Cette province fait véritablement figure de chef de file dans notre groupe FPT en raison de ce qu'elle fait pour les victimes d'actes criminels. Cette province offre un large éventail de services aux victimes, de façon générale ainsi que pour des groupes précis, comme les enfants et les Premières nations, ce qui est tout à fait impressionnant.

La sénatrice Batters : Excellent. Il faudra que je leur dise de suivre nos délibérations sur CPAC lorsqu'elles seront disponibles.

Le président : Ma question porte sur l'un des tableaux de l'étude du Nouveau-Brunswick, à la page 14, auquel je crois que vous avez fait référence plus tôt. Il y a un certain nombre de points qui suscitent ma curiosité. En 2002, les recettes réelles du Québec dépassaient largement les recettes possibles. Je pense que vous avez répondu au sénateur McIntyre en disant que les juges jouissaient d'une certaine souplesse. Est-ce la raison pour laquelle des montants considérablement supérieurs aux recettes possibles ont été recueillies? Avez-vous une réponse à cela? Je sais que c'est une étude qui porte sur le Nouveau-Brunswick, et vous n'avez donc peut-être pas de réponse.

Mme Arnott : Désolée, je ne le sais pas.

Le président : L'autre élément qui m'inquiète, c'est l'important manque à gagner en Ontario. C'est la province qui s'en sort le moins bien au pays, avec un manque à gagner de presque 5,5 millions de dollars.

Le sénateur Joyal : Pour quelle période?

Le président : Pour 2001-2002.

Avez-vous une idée de ce qu'il en est depuis que ces données ont été recueillies par le Nouveau-Brunswick? Cette tendance s'est-elle poursuivie? En page 14 de l'étude du Nouveau-Brunswick, on voit des recettes possibles de 6,647 millions et des recettes effectives de 1,237 million de dollars.

Mme Arnott : Désolée, je ne sais pas.

Le président : Il s'agit de mauvais élèves. Il y a un fonds de dédommagement en Ontario qui est un véritable cauchemar administratif pour les victimes et qui est très limité pour ce qui est des montants octroyés. Cela peut avoir débouché sur une affaire qui remonte à un certain nombre d'années dans le cadre de laquelle un délinquant qui faisait partie d'un groupe criminel organisé a dû verser à une victime plus de 3 millions de dollars. Évidemment, on a posé des questions concernant le bien-fondé de cette amende puisque cela s'est produit avant le procès et la détermination de la peine. Bien entendu, la province a été privée de ce type de fonds, qui aurait pu permettre de dédommager des victimes dans des cas de préjudices extrêmes. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas votre problème, mais cela devrait préoccuper les Ontariens et les gens qui représentent les victimes dans la province.

Le sénateur McIntyre : Le projet de loi C-37 supprimerait l'exemption pour préjudice indu. Serait-il juste de dire que l'une des raisons de cet amendement, c'est que dans la plupart des cas et dans la plupart des provinces, le juge président n'impose pas de suramende compensatoire? C'est ce que j'ai pu voir au cours de mon expérience dans ma pratique du droit criminel.

Mme Arnott : Oui, c'est ce que nous avons conclu. Selon l'étude que nous avons menée au Nouveau-Brunswick, la suramende n'a pas été imposée dans les deux tiers des cas. La suramende n'a pas été infligée très souvent. Dans le cas d'une violation où il est évident qu'une victime a subi un préjudice, par exemple une infraction constituant des sévices graves à une personne, on a imposé une suramende qui a été perçue dans un grand nombre de cas.

Le sénateur McIntyre : Si je ne m'abuse, dans 90 p. 100 des procès au Nouveau-Brunswick, le juge président n'a pas imposé de suramende compensatoire.

Mme Arnott : Je ne sais pas si le pourcentage est aussi élevé. Une des difficultés qu'on a eues lors de l'étude au Nouveau-Brunswick était le manque de documentation.

Le sénateur McIntyre : Aucune explication n'a été fournie officiellement, n'est-ce pas?

Mme Arnott : C'est exact.

La sénatrice Fraser : Ce ne sont pas toutes les provinces qui ont un programme de suramende. Pourquoi? Est-ce que certaines provinces refusent d'établir de tels programmes?

Mme Arnott : Ce n'est pas au gouvernement fédéral d'obliger ces programmes. La décision revient aux provinces.

La sénatrice Fraser : Je cherche simplement à obtenir des faits et non pas une opinion. Je comprends que vous devez respecter les convenances.

Mme Arnott : Les provinces qui ne sont pas dotées d'un programme d'option-amende ont d'autres possibilités. Les gens peuvent demander d'être dispensés de l'amende ou de purger une peine à la place, ou bien il est possible d'établir un plan de paiement ou de prolonger la date limite du paiement. Toute province qui n'a pas un programme d'option- amende dispose d'une série de mesures possibles.

La sénatrice Fraser : Aucune province ne serait aussi sévère en imposant un paiement sans exception, n'est-ce pas?

Mme Arnott : Exactement.

La sénatrice Fraser : C'est utile de le savoir, j'imagine.

J'aimerais revenir à la question posée par le sénateur McIntyre concernant le montant de ces amendes. Je comprends que certains, les membres du crime organisé auxquels le président a fait référence, peuvent très bien payer une amende de 200 $ sans broncher, j'imagine. Cependant, pour un grand nombre de personnes, même une amende de 100 $ représente une somme importante. Par exemple, une mère chef de famille monoparentale, qui touche de l'aide sociale aura de la difficulté à payer l'amende.

Est-ce qu'il y a eu des analyses ou des comparaisons avec d'autres pays pour voir s'il existe des différences au chapitre des suramendes minimales? Je comprends qu'on peut supprimer l'amende si la personne ne peut pas payer, mais je ne parle pas de cette option. Je propose l'idée de pouvoir ajuster la suramende non seulement à la hausse mais aussi à la baisse, toujours selon la capacité de payer. Je comprends qu'on peut augmenter la suramende, mais ce projet de loi ne prévoit pas la possibilité de la réduire. Est-ce parce qu'aucun autre pays dans le monde ne permet cette option, ou est-ce parce que vous ne vous êtes pas penchés sur cette question?

Mme Arnott : Je peux vous dire que la suramende initiale était moins élevée, soit de 35 $. À l'époque, on envisageait la possibilité de changer ce montant pour permettre plus de souplesse. Il y avait quelques inconvénients : un tel changement entraînerait de l'incertitude et le problème de ne pas imposer de suramende serait amplifié. C'est pourquoi, lors du dernier amendement apporté à la disposition, on a établi des montants fixes.

Quant à la question concernant les comparaisons avec d'autres pays, malheureusement, je n'ai pas de réponse.

Le sénateur White : Il y a plusieurs années dans la province de l'Ontario, il y a eu un problème soulevé concernant des agents publics qui utilisaient des fonds dédiés aux victimes de crimes. Il s'agissait de travailleurs correctionnels, de policiers et dans un cas, je crois, un pompier. Est-ce que cette question a été soulevée au niveau fédéral lors de vos discussions?

Mme Arnott : Non, on n'a pas cette préoccupation au niveau fédéral. Cet argent est utilisé pour les programmes destinés aux victimes. Même si la personne en question a un emploi, cet argent est utilisé pour les programmes destinés aux victimes.

Le sénateur Joyal : Le ministère a-t-il l'intention de surveiller la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions pour qu'on puisse connaître le résultat final du projet de loi? Autrement dit, d'ici trois ou quatre ans, est-ce que nous saurons si les fonds destinés aux victimes auront été bonifiés au niveau attendu, en fonction du nombre d'infractions déclarées par les tribunaux?

Mme Arnold : Oui, nous demandons fréquemment à nos collègues provinciaux et territoriaux de participer à nos études. Nous avons pu mener notre étude au Nouveau-Brunswick grâce au sous-ministre de l'époque qui était prêt à travailler avec nous sur une étude cette envergure.

Nous avons également hâte d'avoir de nouvelles informations provenant de Statistique Canada, qui cherche actuellement à faire le lien entre les revenus et des programmes précis.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à la question de la discrétion des juges qui est supprimée par rapport à la détermination de la peine. Avez-vous vraiment pris en considération le risque qu'entraîne une telle décision par rapport à l'article 12 de la Charte? Cette décision pourrait être contestée étant donné que le principe fondamental de la justice prévoit que la détermination de la peine soit adaptée à chaque contrevenant et aux infractions commises, n'est-ce pas? Avez-vous réfléchi aux conséquences du projet de loi à cet égard?

Mme Arnott : Oui, sénateur Joyal, je crois que nous y avons réfléchi. L'intention est que ces amendements proposés demeurent assujettis au principe de détermination de la peine, donc il reviendrait au juge qui impose la peine de tenir compte du fait que la surcharge faisait partie de la peine d'office et d'adapter l'autre portion de la peine en conséquence. Tel que mentionné par ma collègue, les amendements proposés ont fait l'objet d'un examen fondé sur la Charte au sein du ministère.

Le sénateur Joyal : Je sais bien, mais vous savez qu'il y a un débat qui a lieu actuellement à la Cour fédérale dans une cause bien connue qui a été beaucoup médiatisée au cours du dernier mois. Il s'agit d'un ancien employé de votre ministère qui a contesté le bien-fondé des études menées par le ministère. Vous pouvez comprendre que nous aurions peut-être un doute raisonnable, mais pas envers vous personnellement, parce que je ne veux pas que cela devienne une question personnelle. Le ministère de la Justice donnait les mêmes réponses au cours des années, et les projets de loi sont encore contestés devant les tribunaux. De plus, une personne de votre propre ministère, qui était le responsable de ce genre d'évaluation, est devant les tribunaux pour demander des explications au ministère pour cette raison précise. Nous avons un doute raisonnable concernant l'explication que vous nous avez donnée. Prendre quelque chose avec des pincettes est une expression en français, qui veut dire qu'il faut prendre les choses avec certaines réserves. Comment pouvons-nous savoir que ces études ont été menées avec rigueur et que, en tant que législateurs, vos amendements proposés sont conformes au niveau d'examen exigé en vertu de la Charte?

Mme Morency : Comme nous l'avons dit, le ministre est convaincu que le projet de loi est conforme à la Charte. Évidemment, nous ne sommes pas en mesure de faire des observations sur l'affaire à laquelle vous avez fait référence, mais vous êtes au courant des critères qui sont analysés. En effet, le ministre réfléchit à un argument crédible pour appuyer la mesure législative dans le cas où elle est contestée. Il décide si le projet de loi est raisonnable et s'il existe des arguments sérieux qui pourraient être présentés dans un tribunal. Tous les membres du comité savent qu'il arrive d'avoir des contestations fondées sur la Charte, et que les procès aboutissent parfois à des jugements de non- constitutionnalité, lesquels ne sont pas forcément maintenus en appel. Tout ce que nous pouvons faire est de vous rassurer que le ministre est persuadé que le projet de loi est conforme aux normes et à la Charte.

Le sénateur Joyal : Il y a de nombreux cas de principe de la détermination de la peine en lien avec la Charte. Je suis certain que votre ministère les surveille de près. Pourriez-vous nous expliquer la façon dont ce projet de loi cadre avec les conclusions des tribunaux canadiens au fil des ans pour encadrer les principes de la détermination de la peine, qui comportent des prérequis que le projet de loi satisfait, selon vous?

Mme Morency : Comme l'ont indiqué mes collègues, le Code criminel fournit des indications très claires aux tribunaux en ce qui a trait à la détermination de la peine dans des cas particuliers. Les tribunaux doivent tenir compte de certains éléments très précis, notamment la totalité de la peine imposée en fonction du délinquant, les circonstances particulières au délinquant et aux actes criminels, les répercussions sur la collectivité, et les besoins de réadaptation et de réparation. Tous ces facteurs sont énoncés dans les principes fondamentaux de la détermination de la peine prévus dans le Code criminel.

Lorsque des projets de loi sont présentés au Parlement pour modifier le Code criminel, ces principes vont toujours avoir une influence sur la structure des sanctions et sur leur interprétation par les tribunaux. Par exemple, l'un des principes fondamentaux de la détermination de la peine énoncés à l'article 718.1 du Code criminel est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Chaque tribunal a toujours l'obligation de tenir compte de ces principes quand il est saisi d'une affaire et doit réfléchir à la peine à imposer au délinquant. Ces facteurs sont certainement tous importants.

Lorsque les tribunaux exercent leur discrétion en raison d'un préjudice injustifié, ils sont obligés de fournir des motifs, mais ils ne le font pas. Le projet de loi C-37 répète ce qui existe déjà dans la loi, à savoir qu'il faut imposer cette obligation dans tous les cas, sauf s'il y a préjudice injustifié. C'est l'intention de la loi actuelle.

En vertu du projet de loi C-37, une personne qui n'est pas en mesure de payer une amende aura accès à un mode facultatif de paiement d'une amende où il existe, ou à une autre option dans les trois régions où ce mode facultatif de paiement n'existe pas. Tel que discuté, si la personne n'est pas en mesure de payer l'amende au bout du compte en raison de sa situation financière, la Cour suprême a clairement indiqué qu'il serait inconstitutionnel d'infliger une peine d'emprisonnement dans ces circonstances, et le projet de loi C-37 n'y change rien. Il respecte cette notion.

La sénatrice Jaffer : Voulez-vous dire que la décision dans l'affaire Wu s'applique aussi aux suramendes compensatoires? C'est ce que vous nous dites.

Le sénateur Baker : J'ai une dernière question concernant les déclarations faites ici aujourd'hui à propos des juges. J'ai toujours de la sympathie pour les juges parce qu'ils ont une lourde charge de travail à chaque jour, affaire après affaire après affaire.

En ce qui a trait au manquement d'inscrire au dossier les motifs pour la décision de ne pas imposer la suramende compensatoire ou au fait qu'une telle amende n'a pas été imposée, cet article de la loi indique que les motifs doivent être consignés « au dossier du tribunal ». C'est le libellé utilisé dans la loi.

Si je veux avoir accès au dossier du tribunal, je dois me rendre au tribunal, obtenir un enregistrement audio et trouver quelqu'un pour en faire la transcription. Si je regarde le casier judiciaire d'un délinquant indiquant qu'il a été reconnu coupable d'un crime et qu'on lui a imposé une amende, je peux voir sa condamnation et l'amende. Il n'y a jamais de ventilation pour cette amende; on ne voit que le montant total. On n'indique pas la suramende compensatoire au niveau fédéral et au niveau provincial, comme on le verrait dans le dossier de détermination de la peine dans plusieurs cas.

Comment pouvons-nous dire avec certitude que cette suramende ne fait pas partie des dossiers du tribunal, sans aller chercher tous les enregistrements des audiences de détermination de la peine et sans les envoyer à la transcription ou les faire écouter? Je ne comprends pas trop comment on peut en venir à la conclusion que les juges ne font pas leur travail.

Les motifs devraient être indiqués dans les décisions qui figurent au dossier du tribunal, et c'est pourquoi je suis un peu perplexe puisqu'il n'y a aucun autre dossier. Il n'y a que le dossier du tribunal. J'espère que vous comprenez ma question.

Mme Arnott : Je la comprends et je peux vous donner deux sources d'information. Premièrement, je pourrais vous parler de la méthodologie que nous avons utilisée pour l'étude au Nouveau-Brunswick, pour laquelle nous avons trouvé des sources d'information nous permettant de faire nos déclarations. Je laisserai à mes collègues le soin de vous l'expliquer.

Pour la deuxième source d'information, nous avons utilisé un moteur de recherche et trouvé dans la jurisprudence des décisions contenant une suramende et une décision de ne pas l'imposer.

Le sénateur Baker : Vous avez cherché des précédents? Vous avez probablement utilisé Westlaw, Carswell ou Quicklaw. Ce sont les bases de données les plus exactes.

Comment les affaires sont-elles consignées? Comment les jugements sont-ils consignés? C'est le juge lui-même qui les consigne, ou le procureur ou l'avocat de la défense le fait.

Bien qu'il y ait un grand nombre de décisions judiciaires, aucun règlement ne stipule que les décisions ou les dossiers des tribunaux doivent être consignés. Certains juges n'ont jamais eu de décisions enregistrées bien qu'ils travaillent depuis 20 ans. Cela veut simplement dire que les décisions ne sont pas consignées. Je ne vois pas comment vous pouvez dépendre de cette source d'information.

Mme Arnott : C'est une de nos sources.

Le sénateur Joyal : C'est votre unique source.

Mme Arnott : C'est exact. Je donne la parole à ma collègue pour qu'elle puisse vous expliquer l'autre source.

Mme Morency : Je pourrais vous lire un extrait de l'étude au Nouveau-Brunswick, que nous avons mentionnée plusieurs fois. À la page 16, il y a une description des termes et de la méthodologie utilisée — par exemple, il y a les examens sur place, les visites au bureau de certaines cours et d'une cour provinciale permanente, des discussions informelles et une observation de plusieurs procédures judiciaires. Ils ont vérifié la trace documentaire et les dossiers des tribunaux et effectué un échantillonnage aléatoire.

Est-ce qu'on peut tout couvrir à 100 p. 100? Non, et c'est pour cette raison que ce type d'étude comporte toujours une description des méthodologies et des limites.

Cette étude nous donne-t-elle une idée raisonnable de ce qui se passe sur le terrain? Nous croyons que oui, mais les membres du comité vont peut-être avoir une opinion différente.

Le sénateur Joyal : Peut-on avoir recours au mode facultatif de paiement d'une amende dans le cas de toute suramende compensatoire? Y a-t-il des cas où un délinquant qui ne peut pas payer cette amende n'aurait pas accès au mode facultatif de paiement d'une amende?

Mme Arnott : Non. Chaque province et territoire a établi des critères d'admissibilité pour le mode facultatif de paiement d'une amende, et je crois que le document préparé par la Bibliothèque du Parlement en fait mention. Certains modes de paiement ne permettent pas actuellement à la suramende d'être payée parce que c'est ce qui est prévu dans le code.

Les provinces et les territoires devront modifier leur programme pour que la suramende compensatoire puisse en faire partie. Il n'y a pas d'exemption de suramende dans les provinces qui n'ont pas de mode facultatif de paiement.

Le sénateur Joyal : Savez-vous combien de provinces ont cette exemption?

Mme Arnott : Je crois qu'il y en a trois, mais...

Le sénateur Joyal : Est-ce qu'on les connaît?

Mme Arnott : L'une d'entre elles est l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Batters : Serait-il possible qu'on ait discuté, à des réunions FPT au cours des dernières années, d'une autre source d'information à propos du fait que la suramende compensatoire n'est pas suffisamment imposée au niveau fédéral? Dans un grand nombre de ces cas, les procureurs relèvent des provinces. D'après ce que j'ai compris des discussions avec les procureurs concernant ce qui se passe dans les salles d'audience au quotidien, c'est un sujet de discussion qui a été soulevé à maintes reprises dans les réunions FPT au cours des dernières années.

Mme Arnott : Les modifications apportées en 2000 ont fait l'objet de discussions au sein du groupe FPT. Elles ont aussi été discutées aux réunions FPT. Le procureur général du Manitoba a présenté des propositions en 2005; les responsables ont discuté de ces propositions dans les années suivantes.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins. Vous avez beaucoup contribué à notre discussion aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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