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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 38 - Témoignages du 29 mai 2013


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 15 h 6, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bon après-midi, honorables sénateurs, invités et membres du public qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous continuons aujourd'hui l'examen du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence. Cette réunion est la troisième que nous consacrons à ce projet de loi.

Je rappelle aux personnes qui suivent nos délibérations que celles-ci sont ouvertes au public et sont accessibles par Internet sur le site web du Parlement, à parl.gc.ca, sous Comités du Sénat, où l'on peut aussi trouver des informations sur les témoins du comité.

Pour commencer cette séance, nous avons le plaisir d'accueillir, pendant la première partie de la réunion, Michel Drapeau, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, avec son adjoint juridique, Joshua Juneau, et, par vidéoconférence des États-Unis, Ian Holloway, doyen de la faculté de droit de l'Université de Calgary.

Monsieur Drapeau, je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire.

Michel W. Drapeau, professeur, faculté de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel : Oui, monsieur le président. Bon après-midi. Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner au sujet du projet de loi C-15. Comme je l'indique dans mon mémoire, le but officiel du projet de loi est d'améliorer la Loi sur la défense nationale, et il convient de dire que certaines de ses dispositions sont les bienvenues, car elles visent vraiment à rehausser la justice militaire. Je les mentionne dans mon mémoire.

Toutefois, le projet de loi C-15 contient aussi des dispositions qui n'apporteront à mon avis rien de bon au système de justice militaire. Je veux parler de l'ajout inutile d'un juge militaire en chef adjoint, de la création d'un tableau de juges de la force de réserve, du retrait inconsidéré du chef d'état-major du système de griefs des Forces canadiennes, du changement purement cosmétique de nom du Comité des griefs des Forces canadiennes, et de l'octroi à mon avis inutile au vice-chef d'état-major du pouvoir d'émettre des instructions ou de fixer des délais à la police militaire durant une enquête.

À mon avis, ces modifications parcellaires n'améliorent en rien la Loi sur la défense nationale et ne font en réalité que l'empirer.

Ce qui est cependant plus important, c'est que le projet de loi C-15 ne change rien aux problèmes fondamentaux et structurels qui existent dans l'appareil de justice militaire et auxquels nos principaux alliés se sont attaqués il y a déjà longtemps. En bref, sous sa forme actuelle, la Loi sur la défense nationale est un texte chaotique ayant besoin d'une sérieuse refonte.

Permettez-moi de vous donner deux exemples de réformes nécessaires ne serait-ce que pour rendre la loi plus cohérente et mieux adaptée aux normes judiciaires contemporaines du droit canadien.

Premièrement, les procès sommaires. Il y a environ 2 000 procès de cette nature chaque année dans le système militaire canadien mais, en réalité, ce ne sont pas des procès. S'il est vrai que le commandant qui les préside a le pouvoir de condamner l'accusé à une période de détention pouvant aller jusqu'à 30 jours, ce dernier n'a pas droit aux services d'un avocat, n'a pas le droit de déposer un grief et n'a pas le droit de se porter en appel. En d'autres mots, ces procès ne sont régis par aucune règle d'établissement de la preuve et on n'en tient aucun procès-verbal.

À mon avis, toute accusation pouvant entraîner l'incarcération ou l'imposition d'un casier judiciaire devrait d'office être jugée en cour martiale où sont respectés tous les droits de procédure garantis par la Charte des droits et libertés.

Voici un deuxième exemple. L'autorité judiciaire suprême dans l'appareil de justice militaire est le juge militaire en chef. Pourtant, on prévoit dans la loi un autre juge dont le rang militaire est supérieur à celui du juge militaire en chef. Je veux parler du juge-avocat général. Le juge militaire en chef a le grade de colonel alors que le juge-avocat général a celui de major-général.

Premièrement, le titre du JAG est trompeur parce que le titulaire n'est pas un juge. C'est le conseiller juridique de la hiérarchie militaire, ce qui est un rôle tout à fait séparé, et un rôle important.

Deuxièmement, comme je l'explique dans mon mémoire, le JAG ne possède pas la qualité essentielle d'un juge. Par conséquent, le mot « juge » devrait être retiré du titre de juge-avocat général. Cela ferait beaucoup pour modifier la perception de qui détient le pouvoir judiciaire suprême dans l'appareil de justice militaire.

Troisièmement, le juge militaire en chef ne devrait pas avoir de grade militaire. Il n'en a pas besoin pour exercer sa fonction judiciaire. À l'heure actuelle, toutefois, il détient en qualité de colonel un grade inférieur à celui du JAG et de près d'une centaine d'officiers généraux, notamment le chef d'état-major de la Défense et le vice-chef d'état-major de la Défense, qui sont tous assujettis à son pouvoir judiciaire et devraient comparaître devant lui s'ils devaient passer en cour martiale. Comme tout autre juge au Canada, le juge militaire en chef devrait avoir le grade et le titre de juge.

En conclusion, je répète que la réforme dont nous avons besoin est une refonte complète de tout l'appareil de justice militaire, lequel doit être repensé de façon à mieux rendre la justice pour nos soldats dans un contexte militaire.

C'est tout ce que j'avais à dire monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Drapeau.

Monsieur Holloway, voulez-vous faire déclaration liminaire?

Ian Holloway, doyen, faculté de droit, Université de Calgary, à titre personnel : Oui, monsieur le président. Permettez- moi d'abord de vous présenter mes excuses pour ma tenue d'aujourd'hui. Il se trouve que je suis actuellement en Californie du Sud où je participe à une réunion du Law School Admission Council. Or, comme on dit, quand on est à Rome, on fait comme les Romains. Je vous assure que ma tenue d'aujourd'hui n'exprime aucunement un manque de respect envers le comité, bien au contraire.

La deuxième chose que je dois ajouter est que je ne peux pas vous voir. Le sénateur McIntyre est-il présent, par hasard?

Le président : Oui.

M. Holloway : Je suis particulièrement ravi d'être devant le comité avec vous, sénateur McIntyre.

Sénateur McIntyre, je viens de Bathurst et c'est un honneur pour moi de comparaître devant vous.

Le sénateur McIntyre : C'est un honneur pour nous de vous accueillir devant le comité.

M. Holloway : J'ai pensé que la meilleure chose à faire, en guise d'introduction, serait de vous parler un peu de moi et du contexte général dans lequel j'analyse le projet de loi, après quoi je serais ravi de répondre à vos questions.

Comme l'a dit le président, je suis actuellement doyen de la faculté de droit de l'Université de Calgary. Avant cela, j'ai occupé pendant 11 ans le poste de doyen de la faculté de droit de l'Université Western Ontario. Je suis membre du barreau depuis 27 ans et j'ai le grade de conseil de la Reine.

Tout aussi important, et peut-être encore plus important que tout cela comme témoin comparaissant devant votre comité, j'ai aussi passé 21 ans dans les Forces canadiennes, comme non-officier, comme on disait autrefois, dans la marine. J'ai donc été un sujet du système de justice militaire et de l'appareil de justice militaire pendant plus de la moitié de ma vie adulte. Je pense que cela me donne peut-être une vision un peu différente de certaines des autres personnes que vous entendez, même des militaires, qui n'ont jamais vécu cette situation du point de vue du simple soldat.

Cela m'amène à dire qu'il convient d'aborder le sujet d'un point de vue philosophique, même si nous devons parler des détails du projet de loi, car il importe de saisir que le contexte dans lequel existe l'appareil de justice militaire est tout à fait différent de celui de la justice civile.

Le but d'une société civile — de la société dont nous faisons tous partie en qualité de civils, comme M. Drapeau et moi-même — est de maximiser la liberté et de minimiser les occasions pour l'État d'entraver notre liberté personnelle.

Le but de la société militaire est de protéger la société civile. Pour ce faire, nous avons besoin de personnes qui, sur ordre, font des choses qui ne sont pas naturelles. Nous avons besoin de personnes qui, quand elles en reçoivent l'ordre légal, mettent leur vie en danger. Nous avons besoin de personnes qui, quand elles en reçoivent l'ordre légal, commettent délibérément des actes de violence et risquent d'être sanctionnées si elles refusent de les commettre.

Du point de vue d'un civil, c'est une manière bien peu naturelle de concevoir les choses mais, comme dans toute société régie par la règle de droit, il est absolument essentiel que nous ayons des personnes qui se mettent à notre disposition de cette manière. Nous avons besoin de la police pour nous protéger de l'intérieur, et nous avons besoin des Forces armées pour nous protéger de l'extérieur.

Le prix que nous devons être prêts à payer pour exiger cet engagement très peu naturel de certains d'entre nous est que nous devons être prêts à accepter que leurs valeurs peuvent être profondément différentes des nôtres, mais pas complètement. Les militaires ne cessent pas d'être canadiens quand ils entrent dans l'armée, mais ils attribuent une valeur supérieure à la discipline, à l'ordre social, à l'acceptation des ordres, même s'ils semblent irrationnels.

Je dis ces choses-là parce qu'il est important que les civils comprennent que comparer la justice militaire à la justice civile revient à comparer des choses qui ne sont pas exactement comparables. Elles ne sont que relativement comparables, dans le meilleur des cas. Il est très facile pour nous de considérer, quand on fait la comparaison, que, puisque le système de justice militaire semble différent du nôtre — M. Drapeau parlait de procès sommaires et de choses de ce genre —, il doit forcément être mauvais, illégal et intolérable dans la société canadienne d'aujourd'hui. Je ne crois tout simplement pas que cela soit exact.

Je pense que, comme Canadiens, nous exigeons de ces hommes et de ces femmes qu'ils fassent en notre nom des choses qui ne sont pas naturelles, et que nous devons en retour être prêts à accepter le prix correspondant, c'est-à-dire que les règles et les normes régissant la société militaire doivent parfois être différentes des nôtres.

Nous devons accepter que l'armée trouve un équilibre différent de celui que nous établissons dans la société civile entre l'efficacité au combat, la cohésion du régiment et la volonté d'assujettir l'individu à la discipline.

Voilà ce que je voulais dire en guise d'introduction à mon témoignage, et je serais bien sûr ravi de répondre à toute question que les sénateurs voudront bien me poser au sujet du projet de loi.

La sénatrice Fraser : Bienvenue à vous tous. Monsieur Holloway, je m'adresse d'abord à vous, car je pense connaître la position de M. Drapeau sur la question que je vais vous poser. Que pensez-vous du paragraphe 18.5(3) du projet de loi? C'est le paragraphe disant que :

Le vice-chef d'état-major de la Défense peut aussi, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions à l'égard d'une enquête en particulier.

Pensez-vous que cette disposition soit adéquate, trop large ou pas assez large?

M. Holloway : Merci, sénatrice. À mon avis, elle est adéquate. Il ne fait aucun doute qu'elle sera rarement invoquée. Il y a une exigence de transparence. Les instructions doivent être formulées par écrit. En revanche, il est facile d'envisager un contexte opérationnel dans lequel elles seraient essentielles.

Nos soldats sont récemment revenus d'une période prolongée en Asie. On peut facilement envisager une situation dans laquelle le Grand Prévôt et la police militaire mènent une enquête sur quelque chose qui se situe, comme on disait autrefois et qu'on dit probablement encore aujourd'hui, en dehors du périmètre et exigeant le déploiement de ressources militaires pour protéger l'enquête. Voilà une situation dans laquelle il pourrait y avoir des circonstances opérationnelles dans lesquelles le vice-chef d'état-major devrait avoir la possibilité — j'ai peine à comprendre comment quelqu'un pourrait ne pas voir que ce serait là une situation pertinente — de donner des instructions au Grand Prévôt au sujet de son enquête.

Étant donné la nature de la société militaire, ce n'est pas du tout le genre de chose qui pourrait arriver très fréquemment, mais je pense que c'est important comme — je ne dirais pas soupape de sûreté, parce que ce n'est pas la bonne expression — outil que les Forces canadiennes devraient avoir dans le contexte opérationnel voulu.

La sénatrice Fraser : Je comprends. Nous pouvons évidemment tous concevoir des situations dans lesquelles il conviendrait de dire « n'enquêtez pas sur ceci » ou peut-être même « enquêtez sur cela ». Cela dit, on ne prévoit aucune limite dans cette disposition. Il est vrai que les instructions doivent être données par écrit mais, à part cela, les autres mesures de sauvegarde, si je peux dire, de l'intérêt public, des intérêts de la justice, sont que le Grand Prévôt devra s'assurer que les instructions sont accessibles au public. Il n'y a cependant aucun échéancier à ce sujet. Elles pourraient donc être mises à la disposition du public longtemps après la fin de l'enquête, et on ne sait pas ce que veut dire l'expression « accessibles au public ». Affichées sur le babillard du mess pendant une heure ou deux? On n'en sait rien.

En outre, le Grand Prévôt pourrait même ne pas être obligé de faire cela s'il estime qu'il n'est pas dans l'intérêt de la bonne administration de la justice de rendre les instructions accessibles.

J'ai donc l'impression qu'on fait tout le nécessaire ici — n'hésitez pas à me descendre en flammes si je me trompe — pour établir une situation dans laquelle, à l'occasion — je ne dis pas que ça arriverait tous les jours —, on pourrait donner au moins l'impression, si ce n'est la réalité, d'une ingérence abusive dans une enquête alors que cette ingérence n'était pas nécessaire sur le plan opérationnel.

M. Holloway : Vous n'avez pas employé les mots que je vais employer et vous allez donc devoir m'excuser si vous pensez que je vous fais dire ce que vous n'avez pas dit. Le problème des théoriciens des conspirations est qu'il est extrêmement difficile de mettre sur pied une conspiration. Ça ne reste pas secret. Vous le savez mieux que moi, car vous vivez dans le bocal. Si le vice-chef tentait d'influer sur une enquête, de s'y ingérer ou, Dieu nous en garde, d'empêcher une enquête sur une allégation d'activité criminelle, ça sortirait. Ça se saurait. Comment on dit dans l'armée, ça pourrait sérieusement limiter la carrière du vice-chef d'état-major. Il y a des mesures de sauvegarde sociales et systémiques inhérentes au système qui feraient que ça ne se produirait pas, de la même manière que le chef d'état- major, si vous voyez ça du point de vue de sa nomination, détient le pouvoir immense de faire toutes sortes de choses répréhensibles mais il ne les fait pas. Pourquoi? Parce que la transparence est en quelque sorte inhérente au système, peut-être avec l'aide du quatrième État. En régime parlementaire, c'est aussi avec l'aide de l'opposition. Du point de vue des probabilités, madame la sénatrice, je pense que le risque est tellement faible que ça ne vaut pas la peine de s'en inquiéter.

La sénatrice Fraser : J'espère que vous avez raison.

Le sénateur White : Je vous remercie tous d'être ici. Certains témoins ont pris position en faveur du système des procès sommaires, notamment du point de vue du maintien de la discipline. Je suis très heureux de voir que le doyen Holloway est avec nous, essentiellement du fait de sa longue expérience de soldat. Je vous demande donc si vous considérez vous aussi qu'on a besoin de ce système pour assurer la discipline au sein de l'armée.

M. Holloway : Absolument. Je vais vous dire une chose : bien souvent, les hommes et les femmes qui choisissent un procès sommaire le font parce qu'ils préfèrent être jugés par leur commandant plutôt que par quelqu'un d'autre. S'il y a une partie quelconque du système de discipline qui est populaire parmi les soldats, c'est bien celle-là. Vous avez beaucoup plus de chance d'être jugé avec une certaine indulgence par un officier qui vous connaît, qui connaît vos qualités autant que vos faiblesses, et qui comprend où vous vous situez dans le dispositif opérationnel. À mon avis, c'est incontestable.

Je dois dire aussi qu'il n'y a eu à ma connaissance aucune remise en cause constitutionnelle définitive du système de procès sommaire, même si nous savons que les auteurs de la Charte ont réfléchi au système de justice militaire. Peut- être pas de manière approfondie, mais ils l'ont fait quand même. Aucune question n'a alors été soulevée quant à la légitimité de ce système. Nous savons aussi que feu le juge Dickson, qui avait connu la guerre et avait perdu une jambe pendant la guerre, avait réfléchi à la question et n'avait trouvé aucun problème systémique avec le processus de procès sommaire. Chaque fois que quelqu'un ayant une connaissance beaucoup plus pointue que moi de ces choses-là s'est penché sur le système des procès sommaires, il l'a entériné.

Le sénateur White : Croyez-vous aussi que l'utilisation de ce système sur le plan interne est un facteur positif pour le moral? Vous parlez de l'individu qui est jugé, mais il y a aussi le fait que les gens sous l'uniforme, qui travaillent à ses côtés, considéreraient comme un élément positif que la justice puisse être rendue rapidement, une justice qui soit compréhensible et une justice qui soit peut-être souvent plus définie que dans un autre système de justice, si vous voyez ce que je veux dire, du point de vue de son application interne.

M. Holloway : Je pense que vous avez raison. C'est en tout cas ce que j'ai constaté. Dans un scénario typique, le navire mouille dans un port étranger. À mon époque — en tout cas au début de ma carrière de marin —, il n'y avait que des hommes. Les gars allaient à terre et les difficultés commençaient. Le lendemain, il y avait des plaintes et on tenait une série de procès. Tout le monde connaissait les conséquences. C'était une justice contextualisée. C'était rapide mais juste, et ça servait non seulement à rehausser le moral — ce qui était un résultat incontestable — mais aussi à bien faire comprendre à tous les autres que commettre des actes répréhensibles aurait des conséquences.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Monsieur le président, je prends pour acquis que le professeur Holloway a la traduction. Je veux m'adresser à Me Drapeau.

Maître Drapeau, il n'y a aucun doute dans mon esprit militaire que vous avez une position assez ferme et rigoureuse vis-à-vis le système de justice militaire.

Vous avez soulevé plusieurs points à ce sujet. La raison pour laquelle je voudrais vous demander une perspective plus générale, qui ne semble pas être dans la nature du projet de loi C-15, c'est qu'il y a tout de même eu le juge Dickson avec le général Belzile en 1998, et le juge Antonio Lamer en 2003 qui se sont penchés sur ce sujet, on semble nous dire que le juge LeSage, en 2012, navigue pas mal dans les mêmes parages, ces gens n'ont pas soulevé l'ampleur de recommandations que vous proposez.

La base de cet argument m'intéresse beaucoup. Est-ce que le projet de loi C-15 ne va pas assez loin ou est-il une phase de transition qui devrait être considérée dans d'autres modifications dans le futur du système?

M. Drapeau : Le projet de loi C-15 est comme une tablette à plusieurs étages. On ne fait que rajouter quelque chose qui complique et qui, dans certains cas, ne semble pas lui donner une épine dorsale ou un plan d'ensemble.

J'ai fait allusion au juge en chef qui est une création relativement récente depuis 1999, lorsqu'on a « déjudiciarisé » le poste de juge-avocat général. On a créé ce poste. On a gardé le juge-avocat général comme responsable du processus de justice militaire. On lui donne aussi le titre de juge-avocat général. Dans mes contacts académiques ou en pratique ou quoi que ce soit, la majorité des gens pense que l'officier judiciaire principal est le juge-avocat général, ce qui n'est pas le cas. On voit un juge militaire avec un rang pour lequel il n'y a aucun besoin, ni sa solde, ni ses termes de service et ni sa fonction n'ont rien à faire avec le travail, les exigences ou la carrière qu'on demande d'un colonel. On lui demande d'agir avec indépendance et tout ce qu'on exige d'un juge. Par contre, on le traite comme un officier du rang.

Pendant que tout se passe ici au Canada et qu'on continue de jouer avec le droit militaire tel qu'exprimé dans la Loi sur la défense nationale, il se passe des choses hors frontières qui devraient nous renseigner.

J'ai entendu le professeur Holloway parlant des procès sommaires, disant qu'il a servi dans les rangs. J'ai aussi servi dans les rangs. J'ai commencé ma carrière dans les Voltigeurs de Québec, comme soldat, plus tard comme caporal. Donc je suis conscient, ayant servi pendant 34 ans, que ce qui était acceptable dans les années 1950, 1960 et en 1975, ne l'est pas tout à fait maintenant. On a évolué. On a une Charte depuis 1982, et je ne pense pas que les militaires canadiens devraient être à l'écart de la Charte. Lorsqu'on veut les priver de la liberté, ce qu'un procès par voie sommaire peut faire, jusqu'à 30 jours, ces gens, vos garçons, vos cousins, vos filles qui servent dans les forces ont les mêmes droits que ceux qui sont amenés devant les cours civiles. Le minimum est d'avoir droit à un avocat, si on veut garder les procès sommaires.

Je ne m'oppose pas à cela. Qu'on garde cependant le droit d'appel. D'où sort le droit d'appel? L'Angleterre, la Nouvelle-Zélande, l'Irlande, l'Australie, suite aux pressions faites par le Tribunal des droits de la personne de l'Europe, a jugé que les procès par voie sommaire anglais contraires à la Charte des droits de la personne de l'Europe. C'est la même chose que note Charte à toutes fins utiles. Ils ont décidé de forcer la Grande-Bretagne à se mettre au pas. Elle l'a fait. Ils ont gardé leur procès par voie sommaire, mais ils sont arrivés avec un processus d'appel durant lequel les appels vous donnent droit à une représentation par avocat. Le nombre de procès par voie sommaire a chuté. Le nombre d'appels a été élevé et le nombre de renvois, de rejets de décision a été au bénéfice de la troupe. Est-ce que les forces britanniques sont moins disciplinées maintenant que les nôtres? Je ne pense pas. Le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Irlande ont suivi.

Pourquoi au Canada on veut se boucher les yeux et les oreilles et ne pas tirer avantage de ce qui a été fait par des cours compétentes qui ont décidé que ces tribunaux n'avaient plus leur raison d'être aujourd'hui? Je pense qu'on peut faire ces changements et on pourra garder le bon record.

Je suis militaire dans mon fond intérieur, ayant servi et étant fils de militaire. Je suis pour l'establishment. On veut un meilleur système de justice militaire qui va concilier les droits constitutionnels de nos garçons et filles qui servent dans les forces avec nos besoins militaires. Je pense qu'en tant que nation sophistiquée, éduquée et basée sur la règle de droit, on peut faire les deux.

[Traduction]

Le président : Merci.

Le sénateur Dallaire : J'allais poser une question supplémentaire.

Le président : Vous avez déjà eu beaucoup de temps. La réponse était assez longue. Nous veillerons à ce que vous ayez une autre occasion.

Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.

La sénatrice Batters : Monsieur Drapeau, le juge en chef LeSage a comparu hier devant le comité et a réitéré son appui à la validité constitutionnelle de la procédure de procès sommaire. De fait, il a déclaré qu'il avait été personnellement un peu étonné de constater que telle était sa conclusion, mais c'est ce qu'il a dit. Quant à vous, vous avez déclaré que le système des procès sommaires pourrait être contesté du point de vue de la Constitution. Dans son rapport, le juge LeSage a déclaré ceci :

[...] en ce qui concerne la validité constitutionnelle de la procédure, je suis convaincu, tout comme l'était l'ancien juge en chef Dickson, que « la validité constitutionnelle de la procédure pourrait être confirmée par les tribunaux ».

Pourriez-vous expliquer pourquoi vous rejetez toujours cette opinion de ces deux juristes canadiens de grand renom, Dickson et LeSage, qui ont déclaré que la procédure de procès sommaire du Canada est constitutionnellement conforme à la Charte canadienne des droits et libertés?

M. Drapeau : J'exerce le droit depuis 12 ans et j'ai déjà eu l'occasion, ceci dit très respectueusement, d'être en désaccord avec certains membres de la magistrature. Je le dis en me fondant sur certains arguments, lesquels figurent dans la version française de mon document. Je ne me fonde pas seulement sur ce qu'a dit le juge LeSage, dont j'ai lu le rapport. Il exprime une opinion qui, si elle était contestée, ne résisterait probablement à la contestation. Il se trouve cependant que je ne la partage pas. Clayton Ruby, qui a beaucoup d'expérience et qui est très respecté, était assis à côté de moi quand j'ai témoigné à la Chambre des communes, et il a dit exactement le contraire. Je ne dis pas que l'un a tort et l'autre raison, je dis qu'il y a place à une diversité d'opinions. Si j'étais assez audacieux pour suggérer que je pourrais siéger sur le même banc que M. le juge LeSage, je tirerais une conclusion différente.

Je dois dire que la Cour européenne des droits de l'homme a été saisie exactement de cette question en réponse à une contestation du procès sommaire en Grande-Bretagne, qui est identique au nôtre, et qu'elle est parvenue à une conclusion très différente. L'Australie lui a emboîté le pas. L'Irlande lui a emboîté le pas. La Nouvelle-Zélande lui a emboîté le pas. En France et en Allemagne, on a complètement éliminé ces tribunaux. Aujourd'hui, un soldat de ces pays est jugé par un tribunal civil. Dans le monde entier, et surtout chez nos alliés, on a remplacé les cours martiales par des tribunaux civils. C'est la tendance.

Bien que le juge LeSage et moi-même ayons des avis diamétralement opposés, je soupçonne que nous respectons réciproquement nos avis contraires. Il affirme clairement qu'il n'a pas beaucoup d'expérience du droit militaire. Il se trouve que j'en ai une. Par contre, je n'ai pas l'expérience judiciaire qu'il possède. Nous ne pouvons que prendre acte de notre désaccord.

La sénatrice Batters : Monsieur Holloway, durant votre témoignage devant le Comité permanent de la défense nationale, on vous a posé un certain nombre de questions sur l'article 75, concernant le casier judiciaire. Comme vous le savez, cet article a été modifié par le comité de façon que 95 p. 100 des personnes jugées coupables par procès sommaire n'aient pas de casier judiciaire. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette disposition modifiée, et savoir si elle est bénéfique aux membres des Forces canadiennes.

M. Holloway : Oui, elle l'est. Merci, sénatrice Batters. Vous vous souviendrez probablement aussi que le seul point sur lequel M. Drapeau et moi-même sommes le moindrement d'accord concerne le casier judiciaire.

L'opinion que j'ai tenté d'exprimer devant vos collègues des Communes est que, pour les gens ayant commis une infraction purement militaire, nous devrions minimiser le risque qu'ils fassent l'objet d'un casier judiciaire. J'emploie une expression qui étonne parfois les civils mais c'est ce que je pense, c'est-à-dire que nous attendons de nos soldats qu'ils aient une agressivité que nous ne souhaitons pas voir chez les civils. Si un marin civil casse la figure à un autre marin civil, il commet des voies de fait et c'est tout. Vous avez demandé mon opinion. En contexte, dans la vie d'un navire de guerre, ce marin devrait-il avoir un casier judiciaire pour le restant de ses jours? Je réponds que non.

Nous souhaitons que nos soldats fassent preuve d'une certaine agressivité parce que c'est un élément clé pour quelqu'un qui doit aller au combat. Aujourd'hui, on veut dissuader les gens de toute consommation d'alcool excessive, mais c'est le genre de contexte qui, selon moi, ne devrait pas déboucher sur un casier judiciaire. Je me trompe peut-être mais M. Drapeau et moi-même avons peut-être un avis semblable à ce sujet.

M. Drapeau : Effectivement.

La sénatrice Batters : J'apprécie votre opinion, monsieur Holloway, car vous nous offrez une expertise juridique et possédez des antécédents militaires. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Joyal : Bonjour, monsieur Drapeau. Je vais rester sur cette question, car cela soulève, à mon avis, une question extrêmement importante, soit le degré d'agressivité. En d'autres mots, dans l'armée, vous pouvez frapper un inférieur, c'est ce que l'article 95 de la Loi sur la défense nationale dit textuellement.

[Traduction]

Quiconque frappe de quelque autre façon ou maltraite un subordonné — par le grade ou l'emploi — commet une infraction...

[Français]

En d'autres mots, vous pouvez impunément frapper quelqu'un qui est sous votre gouverne. Maintenant, il y a des femmes dans les forces, heureusement, et ce sera une façon élégante de dire aux messieurs : vous pouvez taper dessus, il n'y a pas de problème, vous n'aurez pas d'inscription au registre des criminels. Ou bien comme en 1987...

[Traduction]

... frappe la personne — ou use de violence à son égard, physiquement ou verbalement — sous la garde de qui il est placé...

[Français]

Donc, vous êtes détenu, mais vous pouvez battre la personne qui est responsable de vous garder, il n'y a aucun problème. Je fais une différence entre un soldat qui, parce qu'il est sous influence, comme on le dit en political correctness, se bat avec un autre soldat. C'est bien, on a vu cela dans les films, ils se battent entre eux, pas de problème, et quand ils vont être au combat ils seront encore plus agressifs. Le Code criminel ne dit pas que la défense d'un crime sous intoxication est légère. Ce n'est même pas une défense en vertu du Code criminel.

Comment peut-on accepter que la violence contre une autre personne soit tolérable dans l'armée? Comment concevoir qu'on ait besoin de cela dorénavant pour maintenir leur niveau d'agressivité afin d'en faire de bons soldats devant l'ennemi? On n'est plus au Moyen Âge, on est en 2013. Je crois que l'on pousse un peu fort le besoin de les maintenir agressifs pour qu'ils puissent faire face à l'ennemi.

M. Drapeau : J'espère que vous ne pensez pas que j'ai une opinion contraire. Vous avez parfaitement raison. Nos militaires aujourd'hui — comme vous le dites, nous ne sommes pas au Moyen Âge — sont des gens qui sont recrutés, encadrés, disciplinés, et on s'attend d'eux, dans un premier temps, comme Canadiens protégés par la Charte, que si jamais ils devenaient victimes d'assaut, qu'ils vont être protégés par cette loi, et si jamais ils commettaient une offense, qu'ils vont être punis de façon égale.

Le Code criminel est incorporé dans le Code de discipline militaire. Dans la mesure où je suis concerné, un militaire a le devoir professionnel d'être non seulement aussi discipliné que ses cousins civils, mais encore plus. Je m'inscris totalement en faux devant le fait que l'on pourrait donner une licence aux militaires d'agir avec violence, d'agresser ses semblables, ses subordonnés ou même une femme sous sa gouverne. Je suis complètement contre cela.

Le sénateur Joyal : Vous n'acceptez pas le projet de loi tel qu'il est présentement.

M. Drapeau : Oui.

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous avez fait des recommandations précises?

M. Drapeau : Je n'ai pas touché à ce point en particulier

Le sénateur Joyal : Lesquelles des offenses énumérées à l'article 75, qui amende l'article 249.27? Il y a une liste d'offenses : 85, 86, 87. Pourriez-vous nous revenir avec celles que vous recommandez qui ne devraient pas faire partie de cette exception à l'inscription au registre des criminels?

M. Drapeau : Sénateur, ce sera un plaisir et un honneur pour moi de le faire.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci à vous deux. En passant, monsieur Holloway, je viens de Charlotte, au Nouveau- Brunswick, qui est à 50 kilomètres de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. C'est un plaisir de vous accueillir devant ce comité.

Je m'adresse au colonel Drapeau mais si vous voulez répondre aussi, monsieur Holloway, ce sera très bien. Colonel Drapeau, j'ai lu le mémoire que vous avez envoyé au comité et j'ai constaté qu'il contient quatre parties : A, B, C et D. J'aimerais aborder avec vous les parties C et D.

À la partie C, vous jetez une certaine lumière sur les modifications positives proposées dans le projet de loi C-15, en droit civil et en droit pénal, et vous mentionnez certaines dispositions, comme laisser à un tribunal le pouvoir discrétionnaire d'accorder une absolution inconditionnelle.

À la partie D, vous abordez plusieurs aspects différents, notamment le système de procès sommaire, qui reste évidemment la méthode disciplinaire dominante de jugement des infractions dans l'Armée canadienne, par opposition à la cour martiale. Si je comprends bien, vous ne vous opposez pas au procès sommaire en soi, vous êtes plutôt préoccupé par sa structure.

M. Drapeau : Exactement.

Le sénateur McIntyre : Considérant la partie B de votre mémoire, quelle serait l'incidence du projet de loi C-15 sur le système de procès sommaire?

M. Drapeau : Absolument aucune. Ça continuera comme maintenant. Je ne vois pas comment ce système pourrait être touché par les dispositions du projet de loi C-15. Celui-ci ne porte sur aucune des dispositions relatives aux procès sommaires.

Le sénateur McIntyre : Qu'en pensez-vous, monsieur Holloway?

M. Holloway : Je partage l'avis de M. Drapeau.

Si vous me le permettez, je voudrais revenir sur ce dont parlait le sénateur Joyal avec M. Drapeau. Je me demande si vous m'avez mal compris. Tout d'abord, je ne connais aucune disposition de la Loi sur la défense nationale qui dispose qu'un inférieur peut frapper un subalterne en toute impunité. Ce serait contraire à l'éthique militaire. Cela n'est pas acceptable et ne l'a jamais été, même au Moyen Âge, si je peux dire.

Deuxièmement, je ne voulais pas dire — au cas où vous l'auriez pensé — que la personne serait absoute. Non, elle serait punie et, à certains égards, beaucoup plus sévèrement que dans la vie civile.

Je pense tout simplement qu'elle ne devrait pas nécessairement avoir un casier judiciaire pour le restant de ses jours. Par contre, je ne veux pas dire du tout qu'il ne devrait pas y avoir de punition. Je parle simplement de conséquences jusqu'à la fin de sa vie allant au-delà de la punition — dire qu'un soldat qui a cassé la figure à un autre soldat dans le mess ne devrait jamais pouvoir remettre les pieds aux États-Unis. Ça me semblerait n'avoir aucun sens.

Sur la question du procès sommaire, il faut songer aux aspects opérationnels. Aujourd'hui, les équipages de nos navires sont très modestes, tout comme nos régiments. Nos bataillons d'infanterie sont essentiellement en sous-effectif. Que se passera-t-il s'il y a une allégation d'infraction dans un contexte opérationnel? Allons-nous attendre six mois, jusqu'à la fin de la mission, pour prendre des mesures, ou allons-nous extraire l'accusé, l'accusateur et les témoins du système opérationnel? Allons-nous envoyer des avocats par hélicoptère? Il faut songer au contexte opérationnel dans lequel la plupart de ces procès se tiennent.

L'objectif ne devrait pas être de créer du travail pour les avocats. Si nous tenons 2 000 de ces procès sommaires, nous allons donner le droit à un avocat, ce qui veut dire qu'il y aura des avocats dans ces 2 000 procès. Ce sera peut-être très satisfaisant pour les avocats de la défense, mais je ne suis pas certain que cela corresponde vraiment aux besoins opérationnels des Forces canadiennes telles qu'elles existent aujourd'hui.

Souvenez-vous que les procès sommaires se tiennent pour des infractions relativement mineures.

Le président : Sénateurs, je vous invite tous à rendre vos réponses aussi succinctes que possible, car il y a plusieurs sénateurs qui souhaitent poser des questions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Monsieur Drapeau, j'ai eu la chance de vous voir souvent à la télévision. Vous faites de bonnes entrevues, c'est toujours très clair et limpide.

J'aimerais vous entendre sur votre préoccupation pour les victimes dans le système de justice militaire. On comprend qu'il y a des gens qui sont accusés. Vous savez que notre gouvernement fait quand même beaucoup de projets de loi pour protéger les victimes d'actes criminels. J'aimerais vous entendre sur les victimes, parce qu'il y a sûrement eu des victimes dans le système de justice militaire aussi.

M. Drapeau : Effectivement, il y a des victimes. Je ne me suis pas préparé à répondre à cette question, mais je vais vous donner tout frais mon opinion sur cette chose. Je parle plus particulièrement des victimes d'agression sexuelle, de harcèlement sexuel. Ça fait la manchette aux États-Unis, ceux d'entre vous qui suivent la chose, et qui met en cause tout le système de justice militaire américain et le pouvoir qu'a la chaîne de commandement sur la justice militaire pour tenter de régler la question. C'est au Congrès présentement, au Sénat américain. En fait, je suis consulté assez régulièrement là-dessus.

Au Canada, nous avons des problèmes qui sont en dessous de la surface et des problèmes équivalents à ceux qu'on voit aux États-Unis. Est-ce qu'on a vraiment des moyens efficaces, dans un premier temps, qui donnent confiance à la victime présumée d'un acte quelconque d'agression ou de harcèlement sexuel d'avoir suffisamment confiance en la chaîne de commandement et à la police militaire et au système de justice militaire pour s'avancer et porter plainte? Je ne crois pas. Plusieurs le font. Mais j'ai des cas dans mon cabinet, je suis en pratique et je vois de ces gens qui se sont privés d'avoir accès au système de justice militaire parce qu'ils ont cette appréhension de ne pas faire confiance. Je ne dis pas qu'ils ont raison, mais ça existe présentement.

Ce n'est pas seulement au niveau des agressions sexuelles. Dans le domaine des suicides, nous avons un nombre élevé de suicide et je pense que les victimes éventuelles de suicide n'ont pas su ou on n'a pas su, les deux, les rejoindre à temps pour les sauver. Il y a une problématique sérieuse qui doit être étudiée. Ça ne sert à rien de nous cacher cette vérité. Il y a des victimes d'agression sexuelle, de harcèlement sexuel qui n'ont pas fait appel à leur service et des victimes éventuelles de suicide qui ont manqué le bateau et qui malheureusement ont perdu leur vie.

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Drapeau, bonjour. On vous a vu davantage à la télévision qu'au Sénat.

M. Drapeau : Vous aussi.

Le sénateur Boisvenu : Oui. J'ai parcouru votre CV et ça m'a impressionné. J'étais curieux par une chose. Professeur auxiliaire à l'université, est-ce l'équivalent de chargé de cours au Québec?

M. Drapeau : Je ne pourrais pas vous dire. Je fais plus qu'un chargé de cours.

Le sénateur Boisvenu : Les termes en Ontario ne sont pas les mêmes.

M. Drapeau : Je pense qu'au Québec, ce serait professeur auxiliaire.

Le sénateur Boisvenu : Sans doute. Le sénateur Joyal a abordé un sujet très sérieux, à savoir que ce projet de loi viendrait décriminaliser certains gestes d'agression. Est-ce c'est ce que j'ai compris?

M. Drapeau : C'est ce que j'ai compris et je me porte en faux contre cette chose. Je ne pense pas que ce soit le but là- dedans. Si c'était le cas, je me serais certainement objecté au préalable.

Le sénateur Boisvenu : Donc vous ne faites pas la même lecture que le sénateur Joyal?

M. Drapeau : Non.

Le sénateur Boisvenu : Professeur Holloway, il semble y avoir une divergence entre vous et M. Drapeau surtout sur le fait de savoir si la cour doit être civile ou militaire ou du moins les juges. Je sais que le juge LeSage, hier, lorsqu'il a témoigné nous confirmait que ce projet de loi était une avancée importante en termes d'administration de la justice dans la vie militaire.

Vous, pour quelles raisons, vous militez pour des juges qui ont une carrière dans la vie militaire, qui sont aussi des gradés militaire plutôt que des juges qui sont du domaine civil?

[Traduction]

Le président : Monsieur Holloway, pouvez-vous nous entendre? Entendez-vous l'interprétation?

Nous allons continuer. Je ne sais pas si cela compliquera les choses pour votre deuxième tour, sénatrice Fraser.

La sénatrice Fraser : Je vais commencer, monsieur le président, si vous me le permettez, et je céderai bien sûr la place au sénateur Boisvenu.

J'aimerais revenir sur cette question de casier judiciaire. Considérant la manière dont le projet de loi est formulé, il me semble que les auteurs ont tenté d'y intégrer une certaine protection contre le genre d'abus qui préoccupait tellement le sénateur Joyal, en disant il n'y aura pas de casier judiciaire si la personne est condamnée à une peine relativement légère, c'est-à-dire un blâme, une réprimande, une amende n'excédant pas un mois de solde de base, ou des peines mineures.

En supposant que le système de justice de l'armée devrait fonctionner comme prévu, ce genre de peines relativement légères ne devrait être infligé que pour une infraction relativement mineure : d'où l'absence de casier judiciaire.

Toutefois, si l'on examine la liste des infractions en question, certaines me semblent mériter un casier judiciaire. Par exemple, être au courant d'une désertion ou d'un projet de désertion d'un soldat sans en avertir son supérieur, ou signer un certificat inexact concernant un aéronef ou du matériel aéronautique. Ce sont là des infractions plus militaires que civiles et, à première vue, elles me semblent très graves. Pensez-vous qu'une personne ayant commis une telle infraction ne devrait pas avoir de casier judiciaire?

M. Drapeau : J'ai deux réponses à cette question. Le texte de ces dispositions n'est pas le plus facile à lire. Il y est dit que, si vous êtes jugé et condamné pour certaines de ces infractions et que la peine est un blâme ou moins que cela, vous n'aurez pas de casier judiciaire.

Je n'aime pas cela, car on laisse ainsi un pouvoir discrétionnaire extraordinaire au juge. Je ne vous condamne pas à une amende de 2 000 $, je vous condamne à une amende de 2 001 $, et vous aurez ainsi un casier judiciaire.

La sénatrice Fraser : Ou vice versa.

M. Drapeau : Ou vice versa.

Mon plus gros problème a été réglé. C'est pourquoi je parle ensuite de la structure. Si vous risquez de perdre la liberté — parce que, par un procès sommaire, vous pouvez être détenu pendant 30 jours —, ou si vous risquez d'avoir un casier judiciaire, vous devez absolument avoir la protection constitutionnelle de l'accès à un avocat et de ceci ou cela. Vous n'êtes pas jugé dans un procès sommaire. Si vous l'êtes et que vous vous retrouvez avec un casier judiciaire, ce sera après l'application de la règle de droit. Je n'ai aucun problème avec cela. J'ai un problème avec ceci.

[Français]

Cette procédure va être utilisée de telle façon par un juge de première instance qui n'a aucune formation juridique. L'accusé n'a aucune défense et aucune possibilité d'appel et ce genre de chose. Non, seulement je n'aime pas ça, mais je n'aime pas la structure actuelle de la loi et je l'aime encore moins avec ces ajouts.

[Traduction]

Le président : Puis-je vous demander d'être concis, monsieur Holloway? Il nous reste peu de temps. Vous avez la parole.

M. Holloway : Je ne voulais pas intervenir, je voulais simplement vous faire savoir que j'étais à nouveau en ligne. Je vous avais perdu pendant un instant.

Le président : Nous sommes heureux que vous soyez de nouveau avec nous.

Le sénateur White : J'aimerais connaître sa réponse à la question posée par le sénateur Boisvenu.

Le président : Avez-vous entendu cette question, monsieur Holloway?

M. Holloway : Sur la civilarisation des juges?

Le président : C'est cela.

M. Holloway : J'en ai entendu la première moitié.

Je dirai qu'il est important pour un juge de tenir compte du contexte social. C'est un principe de jurisprudence qui est admis depuis le début du XXe siècle, depuis le mouvement du réalisme judiciaire.

Il est difficile d'imaginer comment un juge pourrait faire correctement le genre d'évaluation qu'il convient de faire dans un procès militaire s'il n'a aucune expérience militaire, de la même manière qu'il serait difficile pour moi d'imaginer qu'un avocat de l'Allemagne puisse être parachuté au Canada pour y être juge. Ce qui leur manquerait à tous les deux serait l'appréciation du contexte social. Voilà pourquoi vouloir civilariser les juges dans notre système de justice militaire serait une décision malvenue.

Le sénateur Dallaire : Monsieur Holloway, connaissez-vous le film Breaker Morant?

M. Holloway : Oui.

Le sénateur Dallaire : Dans ce film, l'argument de la défense était qu'à moins d'avoir servi sur un théâtre opérationnel et dans les conditions des soldats placés sur la ligne de feu, on ne devrait jamais considérer que vous êtes capable de comprendre et d'évaluer de manière adéquate ce qu'étaient ces conditions qui ont pu être à l'origine de l'infraction.

Croyez-vous que nous devrions aller si loin?

M. Holloway : Tout d'abord, dans Breaker Morant on a pris beaucoup de liberté avec les faits du cas réel et je ne crois donc pas qu'on puisse y voir une représentation réelle de ce cas particulier. Je dirais que c'est un idéal. Le fait est que la majorité des hommes et des femmes portant aujourd'hui l'uniforme du Canada n'ont jamais été placés sur la ligne de feu. Je pense que c'est un idéal. Pouvoir apprécier le contexte opérationnel est un aspect important de la fonction de juge militaire, tout comme, pour être un juge civil, on doit avoir été avocat pendant 10 ans. C'est en partie parce que nous tenons à ce que nos juges de première instance aient une certaine idée de ce qu'est la vie dans les tranchées, comme on dit en droit, en ayant été avocat avant de présider des procès.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Monsieur le président, une très courte question. Je ne suis pas nécessairement de l'optique qu'il faut avoir une expérience opérationnelle, mais je ne suis pas rendu comme vous Me Drapeau de dire que peut-être c'est un civil. Je suis dans le milieu de ça.

Pour revenir à votre analyse du projet de loi, je retourne à la question. Ça va avancer, c'est supposé rectifier 82 des 89 recommandations du juge Lamer qui, lui, a analysé les recommandations des réformes du juge Dickson après l'enquête de la Somalie. Il y a des gestes significatifs qui sont allés de l'avant. Par contre, vous amenez une perspective significativement différente.

Ma question est la suivante : comment ou est-ce qu'on devrait aller vers votre perspective et est-ce qu'il y a dans la structure militaire ou même dans l'analyse de la loi militaire ou dans son application par les commandants, par la chaîne de commandement des juges que c'est valable d'aller peut-être sinon aussi loin que vous mais certainement dans l'orientation que vous portez?

M. Drapeau : Au Canada, vous n'entendez qu'une voix et c'est la voix du juge-avocat général et de son cabinet qui se spécialise là-dedans. Je dis que d'autres voix, pas seulement la mienne, et certainement à l'étranger, pourraient nous informer.

Le professeur Holloway vient de répondre à propos de rendre civil, les juges civils, qui ne pourraient pas avoir la compétence ou l'expérience pour faire un procès équitable. Par exemple, le sous-lieutenant Delisle, a été jugé par une cour à Halifax selon les règles civiles criminelles. Il a été trouvé coupable et a reçu une sentence sans qu'il y ait eu besoin d'avoir un juge militaire pour une cour martiale. Nos cours criminelles sont compétentes et sont sous la supervision des cours d'appels et de la Cour suprême. La loi va dégrader de nouveau le droit militaire. Nous n'avons pas une loi cohérente bien structurée. C'est un méli-mélo qu'on a mis là-dedans qu'on essaie de changer ici et là.

Il faut une révision fondamentale en profondeur et ça presse. Peut-être que le comité serait tout indiqué de voyager, d'aller voir ce qui se passe ailleurs, peut-être aux États-Unis, et vous faire une idée si l'on a vraiment le système de justice militaire que nos troupes méritent? Je vous suggère que non.

[Traduction]

Le président : Merci de votre comparution aujourd'hui et de votre participation à nos délibérations.

Pour la deuxième partie de la séance, je vous prie d'accueillir Peter Tinsley, ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, et l'honorable Gilles Létourneau, ancien juge à la Cour d'appel de la cour martiale.

Monsieur le juge Létourneau, je vous donne la parole pour votre déclaration liminaire.

L'honorable Gilles Létourneau, ancien juge à la Cour d'appel de la cour martiale, à titre personnel : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. J'ai comparu devant la Chambre des communes il y a un certain temps, mais sans résultat. Je m'étais dit que j'avais fait l'erreur de faire mon exposé en anglais et que c'était parce que mon anglais est mauvais qu'on n'avait pas compris. Aujourd'hui, je vais donc faire ma déclaration en français.

Avant de ce faire, permettez-moi de dire que j'appuie sans réserve M. Drapeau au sujet du caractère inconstitutionnel du procès sommaire, et que je serais heureux de répondre à des questions sur le casier judiciaire. Je sais qu'il y a eu certains amendements, que je n'ai pas sous les yeux, mais la sénatrice a soulevé la question du casier judiciaire relié à la peine. J'aimerais pouvoir dire un mot à ce sujet si possible.

[Français]

Je propose aujourd'hui de faire quelque chose, de poser un regard sur le futur qui aurait dû déjà être fait depuis longtemps, un peu dans la foulée de ce que le sénateur Dallaire disait tout à l'heure. Il faudrait une véritable révision en profondeur de la loi et non du travail de rapiéçage imposé par les tribunaux, les clameurs et les cris du public suite à des abus. Une véritable révision en profondeur faite et menée par un organisme indépendant, bien sûr, en consultation avec le bureau du juge-avocat général mais non menée par le juge-avocat général, comme c'est le cas dans le soi-disant examen quinquennal de la loi qui est maintenant reporté à sept ans.

Lorsque j'ai joint la Commission de réforme du droit en 1985, j'avais cette idée en tête : la Charte venait d'être adoptée et de constituer un groupe de travail pour examiner la Loi sur la défense nationale. Malheureusement à cette époque, il y avait une entente entre les provinces et le gouvernement fédéral de réviser le Code criminel et toutes les ressources de la commission monétaire et humaine avaient été assignées à ce projet, de sorte qu'on a mis cela sur le back burner et cela ne s'est jamais fait.

Un des problèmes majeurs dans la législation actuelle, c'est le fait que l'on fasse du Code criminel un code disciplinaire. Toutes les infractions du Code criminel deviennent des infractions disciplinaires et si vous commettez une infraction au Code criminel, vous avez un dossier criminel. Là, cela devient une infraction de nature disciplinaire C'est comme si le Barreau faisait sien tout le Code criminel et faisait du Code criminel en entier un code de discipline. Même chose pour les médecins.

Le fait qu'on soit condamné au criminel peut nous amener à une condamnation disciplinaire, on voit cela souvent chez les avocats et les médecins. Mais là c'est tout mêlé ensemble. Cela crée des problèmes majeurs de fonctionnement, particulièrement pour le dossier judiciaire.

Un autre problème, c'est qu'on a une juridiction concurrente, les tribunaux civils et militaires. L'article 273 de la loi, et l'article 71 de la loi donnent cette juridiction concurrente.

Il serait important de revoir, de préciser et de définir le rôle de chacun dans l'exercice de la juridiction concurrente. Qui dit dualité de juridiction dit priorité et finalité d'exercice. Qui agit en premier et qui a le dernier mot? À cet égard, la loi australienne est très intéressante parce qu'elle exige un lien de causalité militaire pour que la juridiction militaire puisse être exercée et que l'accusé soit privé de son droit à un procès par jury.

Vous savez que l'article 11f) de la Charte prive les militaires du droit à un procès par jury lorsque l'accusation est portée devant un tribunal militaire et alors toutes les infractions du Code criminel, sauf le meurtre commis au Canada et l'homicide involontaire, peuvent être poursuivies devant la juridiction militaire avec perte du droit du procès par jury.

L'article 21 de la loi australienne exige que le directeur des poursuites militaires : [...] soit satisfait que le fait d'intenter des poursuites en vertu de la loi militaire puisse être raisonnablement vu comme contribuant substantiellement au maintien et au renforcement de la discipline militaire.

L'article 63 de la loi australienne prévoit que la juridiction militaire pour un certain nombre d'infractions sérieuses identifiées doit obtenir le consentement du procureur général ou du directeur des poursuites avant de pouvoir procéder devant un tribunal militaire.

Il existe en Australie des mémoires d'entente entre le poursuivant public et le poursuivant militaire. Et même lorsque le consentement prévu de l'article 63 n'est pas requis, obligation est faite à la juridiction militaire de consulter le directeur des poursuites, lorsque par exemple la conduite reprochée est d'une nature si sérieuse que l'intérêt public serait mieux servi par une poursuite devant une cour civile criminelle.

Je vais conclure en disant ceci, on a besoin de faire en sorte qu'un citoyen canadien, même en uniforme, comme c'est le cas du policier, par exemple, ne soit pas privé de son droit à un procès par jury et ne le soit que si nécessaire pour la discipline militaire car tous les citoyens canadiens, en principe, sont égaux devant la loi.

Si vous regardez l'historique, pour accorder ou attribuer aux juges militaires l'indépendance nécessaire à leur fonction, il a fallu au-delà de 20 ans de litige devant les tribunaux pour obtenir l'indépendance judiciaire requise et à chacune des étapes, dans l'arrêt Généreux, dans l'arrêt Lauzon, dans l'arrêt Dunphy et dans l'arrêt LeBlanc, la chaîne de commandement s'est opposé, becs et ongles comme ils ont dit, à ce qu'on donne la sécurité d'emploi et cette indépendance institutionnelle requise.

Il ne faut pas oublier que jusqu'en 1998, les juges militaires pouvaient condamner à la peine de mort. Lorsque l'arrêt LeBlanc, en 2011, a été rendu par la Cour d'appel de la cour martiale, les quatre juges militaires étaient les seuls juges au Canada dont les mandats étaient renouvelés aux cinq ans, ce qui était un problème au niveau de la constitutionnalité.

Je suis prêt à répondre à vos questions sur le projet de loi C-15, même si je n'ai pas été chanceux la première fois que j'en ai discuté.

[Traduction]

Peter Tinsley, ancien président, Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, à titre personnel : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. J'apprécie beaucoup l'occasion de participer à ce processus d'examen de l'évolution continue du système de justice militaire.

Mon intérêt envers cette question et ma conviction que ce que vous faites est important émanent non seulement de mon expérience d'ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, comme l'a dit le président, mais aussi de mes 28 années de service dans les Forces canadiennes, d'abord comme agent de la police militaire puis comme avocat militaire, et aussi d'une certaine expérience nationale et internationale plus large acquise en matière de gouvernance et de supervision des services de sécurité.

J'aimerais donc consacrer quelques minutes de cette déclaration liminaire à l'article 18.5, notamment aux paragraphes (3), (4) et (5) concernant, comme vous l'avez dit et le savez fort bien, les dispositions proposées pour donner au vice-chef d'état-major le pouvoir de donner des instructions au Grand Prévôt des Forces canadiennes en ce qui concerne les enquêtes de la police militaire. Certes, il s'agit là d'une toute petite disposition dans l'ensemble des modifications proposées à la loi, mais c'est à mon avis la plus importante dans la mesure où elle contredit clairement le titre abrégé du projet de loi, qui parle de renforcer la justice militaire.

L'évolution, comme je l'appelle, du système de justice militaire, qui a commencé le plus récemment après ce qu'on a appelé couramment « l'affaire somalienne », est passée par de nombreuses étapes. Je ne vais pas vous ennuyer en répétant chacune de ces étapes, mais je vais en souligner trois qui sont cruciales, notamment dans le cadre du paragraphe 18.5(3). La première est le rapport de la commission d'enquête sur cette affaire, intitulé Un héritage déshonoré : les leçons de l'affaire somalienne, dont les auteurs ont souligné l'importance et la nécessité de séparer nettement la structure de commandement du contrôle des enquêtes.

Il y a eu ensuite, peu après, les rapports Dickson. Je dis les rapports Dickson parce que les commissions avaient d'abord été toutes deux présidées par l'ex-juge en chef Dickson et, comme on vous l'a rappelé plus tôt cet après-midi, par quelqu'un qui avait une bonne expérience de la chose militaire, notamment une expérience opérationnelle importante, le juge en chef Lamer. On ne saurait prétendre que ces deux personnes, en tirant leurs conclusions et en formulant leurs recommandations, procédaient dans une sorte d'utopie ou de vide juridique. Elles avaient une expérience concrète de la chose militaire.

Sur la base de cette expérience, on suggérait dans le premier rapport Dickson une bifurcation des ressources de la police militaire en circonstances opérationnelles, encore une fois en en séparant de la structure de commandement la partie concernant l'exécution même des enquêtes, comme le disaient les auteurs du rapport sur la Somalie.

Dans le deuxième rapport Dickson, qui fut en réalité publié après le décès du juge en chef Dickson et fut signé par le lieutenant-général Charles Belzile, en sa qualité de président — encore une fois quelqu'un à qui on ne saurait reprocher de manquer d'expérience opérationnelle —, on estimait que le cadre de reddition de comptes satisfaisait aux recommandations du premier rapport Dickson.

Finalement, il y a eu la première révision de la Loi sur la défense nationale, par l'ancien juge en chef Lamer, dont la conclusion était que le cadre de reddition de comptes faisait le poids, si je peux dire, son seul problème étant qu'il était formulé sous forme de protocole d'entente au lieu de faire partie de la loi elle-même.

Nous en sommes maintenant à votre processus d'examen du projet de loi C-15. Celui-ci est conforme à la recommandation Lamer visant à combler le vide législatif touchant les responsabilités du GPFC en proposant qu'elles soient codifiées dans la LDN. Le paradoxe est que, nonobstant les recommandations uniformes de la commission somalienne, des rapports Dickson et du juge Lamer concernant l'indépendance nécessaire de la police militaire par rapport à la hiérarchie, en ce qui concerne les décisions opérationnelles et les enquêtes de police, et en contraste frappant avec la structure de reddition de comptes, il contient une disposition autorisant explicitement le VCEMD à émettre des instructions. Il vaut la peine de souligner aussi que le VCEMD ne serait aucunement tenu d'en donner les raisons ou une justification.

Je crois comprendre que vous avez recueilli des témoignages du gouvernement, en la personne du ministre, indiquant que ce pouvoir ne sera exercé que dans des circonstances exceptionnelles et/ou opérationnelles. Cela suppose à mon avis une interprétation très lâche de la législation, et un degré remarquable de bonne foi, étant donné qu'il n'y a aucune contrainte de cette nature au paragraphe 18.5(3). Si j'en crois mon expérience, s'en remettre à la bonne foi pour interpréter une loi ne saurait être une base solide pour convaincre la population que la règle de droit sera respectée.

Je crois comprendre aussi que vous avez recueilli des témoignages indiquant qu'il est nécessaire que le VCEMD détienne ce pouvoir afin d'arbitrer efficacement les tensions inévitables entre les PM et les commandants opérationnels. Cet argument semble reposer sur l'idée qu'indépendance est synonyme d'isolement. Très franchement, ce n'est pas mon avis. En outre, cela semble supposer aussi que les PM ne sont pas capables d'apprécier les exigences opérationnelles et risqueraient de placer délibérément leur vie en danger dans l'exécution d'une investigation. Je conteste respectueusement ces conclusions, notamment l'exemple avancé par le ministre concernant une enquête sur un accident de la route.

À mon avis, honorables sénateurs, cet exemple des accidents de la route trivialise la problématique jusqu'à l'absurde, alors que le souci de faire évoluer le système de justice militaire et d'y intégrer l'indépendance militaire comme composante clé n'émane certainement pas de l'analyse d'accidents de la route. Non, ce souci trouve son origine au fin fond de la nuit africaine, dans un trou de mitrailleuse en Somalie, avec l'assassinat d'un garçon somalien de 16 ans attaché à une matraque de police et accroché au toit de ce trou de mitrailleuse. Ce garçon avait les yeux bandés, on lui avait enfoncé une matraque dans la bouche et on l'avait battu à un point tel qu'il était ensanglanté, brisé et mort.

L'enquête lancée au sujet de cet événement horrible a commencé par une enquête sommaire d'unité, la forme la plus basse d'enquête administrative militaire entreprise au sein d'une unité pour expliquer la mort d'un prisonnier en pleine nuit. S'il n'y avait pas eu l'intervention d'un sergent de la police militaire revenant de congé quelques jours après l'événement et constatant que quelque chose ne clochait pas dans cette affaire, ainsi que la présence que d'aucuns diraient particulièrement chanceuse d'un journaliste canadien de Pembroke au moment où l'un des coupables tentait de se suicider, l'affaire somalienne aurait pu évoluer dans un sens complètement différent. J'affirme que c'est pour cette raison que certains changements ont été mis en œuvre, notamment le cadre de reddition de comptes, pour veiller à ce que cela ne se reproduise jamais.

Ce qui est peut-être encore plus préoccupant au sujet de la justification de cette disposition, c'est ce que vous n'avez pas entendu, je crois, à savoir la preuve d'événements justifiant l'octroi de ce pouvoir d'instruction au VCEMD, que ce soit dans le contexte de la longue expérience en Afghanistan ou ailleurs pendant les 15 années écoulées depuis l'entrée en vigueur du cadre de reddition de comptes. Dickson n'a pas imposé le cadre de reddition de comptes. Celui-ci a été construit à l'intérieur des Forces canadiennes dans le but d'appliquer les recommandations Dickson. Il a été conçu au bureau du Juge-avocat général, présumément avec attention et sagesse. Il a été ratifié au départ en 1998 par deux officiers supérieurs, le Grand Prévôt et le vice-chef, présumément encore avec attention.

L'article 9 du cadre de reddition de comptes exige une révision annuelle. Nous sommes bien obligés de croire qu'il a effectivement été révisé annuellement, avec beaucoup d'attention, mais aucun changement n'y a jamais été apporté. Je vous demande si vous n'avez jamais entendu parler d'un événement quelconque justifiant cette étape incroyablement rétrograde.

Le président : Monsieur Tinsley, je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons une limite de cinq minutes.

M. Tinsley : Je pense que vous voyez où je veux en venir.

Le président : Nous tenons à ce que les membres du comité aient le temps de poser des questions.

La sénatrice Fraser : J'aimerais continuer la discussion sur ce thème, monsieur Tinsley.

[Français]

Monsieur Létourneau, je reviendrai à vous lors de la deuxième ronde de questions, si vous me le permettez.

[Traduction]

Vous n'aimez pas du tout les paragraphes 18.5(3), (4) et (5). Toutefois, dans le monde réel, où nous sommes saisis d'un projet de loi qui a été rédigé comme il l'a été, j'aimerais savoir ce que vous pensez du fait qu'il n'y a aucune obligation de donner des raisons. Serait-il utile d'exiger que les raisons fassent partie des instructions ou lignes directrices émises par le vice-chef? Serait-il utile d'être plus précis sur ce qu'on entend par accessibles au public, et quand? Serait-il souhaitable, serait-il utile, selon vous, d'être un peu plus précis sur le pouvoir du Grand Prévôt de ne pas rendre publiques les instructions s'il estime que cela ne serait pas dans l'intérêt de la bonne administration de la justice?

Je sais qu'il s'agit là d'un langage juridique familier, mais j'ai le sentiment que sa portée est très vaste. Croyez-vous que l'on pourrait améliorer ces dispositions en tenant compte de vos réserves, de façon à rendre le concept un peu plus acceptable à vos yeux?

M. Tinsley : Considérant les exigences du monde réel, comme vous dites, je dirais qu'il faudrait une meilleure définition, n'importe quel degré de meilleure définition, y compris du paragraphe 18.5(5) concernant l'intérêt de la justice. Qu'est-ce que l'intérêt de la justice?

À mon sens, les suggestions que vous avez faites concernant une meilleure définition des divers éléments de cet article permettraient d'améliorer quelque peu la situation. Je dois cependant revenir à la question fondamentale qui est de savoir pourquoi il pourrait être justifié d'adopter cette disposition qui n'est pas conforme aux normes de la police canadienne et des mesures de contrôle et de supervision de la police que nous connaissons aujourd'hui. Je fais référence à cet égard à l'un des nombreux arrêts de la Cour suprême du Canada, l'arrêt Campbell et Shirose de 1999 où cette question est explicitement abordée. De fait, c'est dans le contexte du commissaire de la GRC que la cour a pris la peine d'indiquer clairement que les agents de police, les agents de la paix, ceux qui détiennent une charge publique, n'étaient pas tenus de rendre des comptes à l'exécutif en matière d'enquêtes ou d'en suivre les ordres. Elle n'a pas dit « ne pas rendre des comptes ». C'est dans ce contexte restreint des investigations.

Voilà ce qui est important ici. À cet égard, la Cour suprême a déclaré que, dans le contexte particulier des enquêtes criminelles, l'agent de police est au service de la loi et, présumément — je pense la citer correctement —, de sa propre conscience.

La sénatrice Fraser : Je voudrais une précision. Au cas où ceux qui nous suivent à la télévision se poseraient la question, quand vous avez mentionné à plusieurs reprises les PM, en anglais, vous vouliez parler de la police militaire, pas des premiers ministres, n'est-ce pas?

M. Tinsley : Dans ce contexte, totalement.

Le sénateur White : Je ferai la même remarque. Je vous remercie tous les deux d'être ici devant le comité.

Je comprends que, dans l'exemple donné, vous vous demandez comment cette instruction ne pourrait jamais être justifiée. J'ai été dans la police pendant 31 ans et je peux dire que, pendant 31 ans, j'ai constamment été confronté à des situations extraordinaires. N'y a-t-il aucune situation que vous pourriez concevoir où une telle action serait nécessaire? S'il y en a une, vous avez toujours ce pouvoir. Nous finissons toujours par traiter des situations extraordinaires dans la police. Sur le théâtre, par exemple, c'est ce qu'on continue à me répéter chaque jour, les circonstances sont des circonstances de théâtre.

M. Tinsley : Un très grand nombre de décisions semblent être basées sur l'idée que, sur le théâtre, tout est totalement différent : les états d'esprit sont différents, et cetera. Je n'en suis pas certain, sénateur, ou chef, plutôt.

Le sénateur White : Vern me convient très bien.

M. Tinsley : Songez par exemple à des incidents dans lesquels la scène d'un crime se trouve au centre d'un grand édifice qui vient juste d'être rongé par les flammes. Les enquêteurs de la police, croyant qu'il y a un cadavre dans cet édifice, veulent pénétrer le plus rapidement possible sur la scène du crime. À mon avis, l'idée de les obliger à attendre l'autorisation du chef des pompiers ou de l'ingénieur de la ville, du point de vue de la sécurité structurelle de l'édifice, est absurde.

Grâce à toutes mes années d'expérience dans la police, j'ai constaté — et je suis sûr que vous avez constaté la même chose — qu'on observe parfois certaines caractéristiques uniformes : curiosité, attention méticuleuse au détail, idéalement, ce genre de choses.

Je n'ai par contre jamais constaté qu'une caractéristique commune — comme je l'ai dit au comité de la Chambre des communes — soit le goût du suicide. Oui, ils veulent poursuivre leurs investigations, mais mettre inutilement leur vie en danger, pour des policiers militaires sur un théâtre opérationnel, agir en présumant qu'ils ne peuvent comprendre les exigences opérationnelles, qu'ils seraient prêts à passer outre à l'ordre d'un commandant opérationnel disant que c'est trop dangereux d'aller sur place, qu'on ne peut pas vous donner le soutien qui serait nécessaire, serait absurde.

Le sénateur White : Je dois vous dire respectueusement que j'ai déjà fait partie du comité de sélection des décorations pour bravoure du gouverneur général. Je peux vous dire qu'il m'est arrivé dans cette salle de penser qu'on ne devrait pas remettre de médaille de bravoure à certains agents de police, et à certains pompiers en particulier, et leur infliger plutôt des sanctions parce qu'ils avaient exactement fait ça, c'est-à-dire mis leur vie en danger quand ce n'était pas nécessaire. Ils étaient tellement focalisés — je veux dire quasiment obsédés — sur leur enquête ou sur quelque chose qu'ils étaient en fait incapables de voir plus loin que le bout de leur nez.

Bien que j'apprécie votre remarque sur l'ingérence politique, je ne vois pas cela comme de l'ingérence politique, réelle ou potentielle. La reddition de comptes est l'élément crucial à mes yeux : par écrit, responsable, réactif et avec la capacité de vérifier plus tard, c'est une partie importante de ça. Je ne voulais pas argumenter.

Veuillez m'excuser, monsieur le président, je n'ai pas de questions à poser.

M. Tinsley : En ce qui concerne la reddition de comptes, vous aurez pris note de ma remarque que les organismes judiciaires et quasi judiciaires sont tenus, dans notre droit, de donner les raisons des instructions ou des décisions qu'ils prennent.

Il n'y a dans l'histoire militaire aucun exemple de commandant obligé d'exposer ses raisons à ses subalternes. Il peut y avoir des impératifs moraux ou de leadership, mais pas d'obligation légale. Il n'y a rien dans cette loi qui exige qu'on mette quelque chose sur le papier afin qu'on puisse l'analyser. Il y a certains recours, même à l'intérieur du cadre de reddition de comptes, au cas où un commandant opérationnel ne serait pas d'accord avec les PM. Il pourrait les invoquer. On appelle ça une plainte de comportement.

Le sénateur Dallaire : Je reviendrai là-dessus au deuxième tour, si c'est possible. J'apprends à prendre mes marques à l'avance.

[Français]

Monsieur le juge, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, j'étais assis à votre place et vous étiez à la mienne, lorsque j'ai témoigné devant votre commission sur le volet du leadership et du développement. Les recommandations sur la Somalie sont sorties, même si l'enquête, comme vous dites, n'a pas été nécessairement complétée.

J'aimerais revenir sur les outils de travail dont le commandant d'unité a besoin pour accomplir sa mission. Le commandant d'unité a énormément de pouvoir au niveau des décisions qui n'incluent pas la détention. Dans le contexte de la détention, on voit un schème d'équilibre entre certaines accusations, ce qui pourrait être perçu comme méritant un dossier criminel au civil et pas dans le milieu militaire. Est-ce que toute détention, qui est fondamentalement un outil de discipline, selon vous, devrait faire partie du dossier criminel ou tout simplement aller à des sentences mineures, ou aller directement à la cour martiale?

M. Létourneau : Évidemment si les accusations portées étaient de nature disciplinaire comme le sont, par exemple, celles devant le Barreau ou l'Ordre des ingénieurs, il n'y a pas de dossier criminel et généralement il n'y a pas de détention, et il y a des amendes imposées.

Ce qu'on reproche finalement, c'est une infraction au Code criminel, sous le couvert de la discipline parce qu'elle devient une infraction militaire, à ce moment-là, il y a des garanties parce que si ça débouche sur un dossier criminel, on se retrouve dans un processus où une personne est trouvée coupable par une personne qui n'a aucune formation juridique, aucune connaissance légale suivant des preuves de ouï-dire et sans possibilité de faire réviser en appel cette condamnation.

À mon avis, il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'un tel processus en application et à l'égard des infractions du Code criminel jugées de manière sommaire est inconstitutionnel.

Le sénateur Dallaire : On enlève des infractions qui pourraient être perçues ou analysées comme ayant traversé la ligne vers le Code criminel, on enlève ça des mains des commandants d'unité. Par ce fait, on ne leur enlève pas nécessairement la capacité de détention pour des problématiques de discipline.

M. Létourneau : Ce le serait déjà, le dossier criminel étant exempté, ça enlèverait une épine additionnelle dans le dossier de la constitutionnalité. Est-ce qu'on pourrait quand même aller à la détention sans représentation légale, sans possibilité de vérification? Je ne suis pas sûr que ce serait constitutionnel malgré tout. Parce que si vous regardez, par exemple, en Angleterre, dans la dernière réforme, de mémoire, on ne peut pas imposer de l'emprisonnement si l'individu n'a pas été représenté par un avocat.

Juste un mot, si vous me permettez, sur les conditions de la détention. Si vous regardez les Queen's Regulations and Orders, les conditions de détention sont extrêmement sévères, pas le droit de parler, de siffler ni de fumer. Et si vous vous faite prendre à faire quelque chose de cette nature, vous entrez sous une diète au pain et à l'eau. On me dit que suite à la décision que j'ai rendue dans l'arrêt Trépanier ou Nystrom, on a évoqué ça, on me dit qu'on n'applique plus ce régime.

Le sénateur Dallaire : Le système disait que vous n'avez aucun droit mais seulement des privilèges.

M. Létourneau : C'est bien ça.

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Évidemment comme mon collègue le sénateur White, j'ai été policier à la Sûreté du Québec pendant 39 ans et, qui plus est, président de mon syndicat. Nous avons eu à vivre des cas comme ceux que vous mentionniez monsieur le juge, lorsque nos membres étaient accusés au criminel, ils pouvaient être acquittés au criminel. Il y avait toujours une accusation au comité de discipline au-dessus de leur tête. Et même s'ils étaient acquittés en discipline, ils pouvaient être accusés en déontologie, alors imaginez la complication.

Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous disiez dans votre exposé que certains cas ne devraient pas être entendus par la cour martiale? Si j'ai bien compris, j'aimerais que vous m'expliquiez dans quel contexte.

M. Létourneau : Il y a déjà des cas qui ne sont pas entendus par la cour martiale. J'ai mentionné le meurtre commis au Canada et l'homicide involontaire, qui est une infraction incluse dans l'accusation de meurtre.

La Cour suprême a validé l'existence d'une juridiction d'exception qui est la juridiction militaire. C'est venu du président de la France, qui a dit que tous les Français sont égaux devant la loi. Les tribunaux d'exception créent des inégalités, donc les tribunaux militaires sont des tribunaux d'exception et donc doivent disparaître et ils sont disparus. Les gens sont poursuivis devant les autorités civiles.

Dans la mesure où le système est là pour demeurer, je pense qu'à ce moment-là, ils peuvent entendre des accusations sérieuses. Ce serait beaucoup plus simple — si vous retournez à la décision du juge Laskin dans McKay — il disait que je ne peux concevoir que, dans un pays comme le Canada, on ait deux façons de poursuivre les criminels, une devant les tribunaux militaires où il n'y a pas de procès devant jury et une devant les tribunaux civils.

Prenez le policier, il est un citoyen canadien en uniforme. Le militaire est un citoyen canadien en uniforme. Les deux sont accusés d'agression sexuelle, un a droit à un procès par jury et l'autre ne l'aura pas. Surtout quand c'est commis dans des circonstances de nature civile où on retrouverait un gars en permission au Canada, quelque part, et il commet une agression sexuelle sur une fille dans un bar. Pourquoi ça devrait aller devant les tribunaux militaires? C'est commis à l'égard d'une personne civile dans des circonstances civiles. Pourquoi le prive-t-on de son procès par jury?

On va vivre avec la juridiction militaire. Les Français avaient conservé simplement un tribunal à Paris pour les cas commis à l'extérieur de la France, mais ils l'ont aboli maintenant carrément. On an gardé les tribunaux militaires uniquement en temps de guerre.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Létourneau, j'aimerais aborder avec vous la question d'une arrestation sans mandat, telle que soulevée dans l'article 60 du projet de loi C-15, qui dit que le policier militaire ou tout autre agent de la paix, au sens du Code criminel, peut arrêter sans mandat l'accusé qu'il croit, pour des motifs raisonnables, qui est en bris d'une décision rendue par une cour martiale ou par une commission d'examen ou à l'égard duquel une ordonnance d'évaluation a été rendue.

Êtes-vous d'accord avec cet amendement au projet de loi C-15?

M. Létourneau : Je n'ai pas suivi l'amendement mais je me souviens que lorsque j'ai examiné le pouvoir policier tel qu'on le retrouvait dans la loi, si vous le comparez, on a importé un peu les conditions du Code criminel, nécessité d'identifier, et cetera.

Si vous regardez le Code criminel, ce pouvoir d'arrêter est évidemment assorti d'un devoir de pas le faire. Et ce devoir ne se limite pas à des infractions mineures. Ce devoir de ne pas arrêter s'applique à toutes les infractions hybrides du Code criminel et la plupart sont des infractions hybrides. Déjà le pouvoir d'arrestation sans mandat ici est beaucoup plus large que ce qu'on retrouve dans le Code criminel.

Alors malheureusement, je n'ai pas bien compris la nature de la modification apportée par la suite. Je ne la retrouve pas. Est-ce qu'elle est à l'article 60?

Le sénateur McIntyre : L'article 60 soulève trois circonstances où l'arrestation peut se faire sans mandat, à savoir une décision rendue par une cour martiale, par une commission d'examen ou à l'égard duquel une ordonnance d'évaluation a été rendue.

Je sais que dans le cas de la commission d'examen, un policier peut arrêter sans mandat une personne qui est en bris d'une ordonnance de cette même commission.

M. Létourneau : C'est un peu la même chose aussi pour les libérations conditionnelles. Généralement, on émet un mandat. Le faire sans mandat nécessite des balises parce qu'il faut s'assurer qu'il y a des éléments de preuve suffisante pour justifier l'arrestation sans mandat. En l'absence de balise, il est difficile de valider un pouvoir d'arrestation sans mandat.

La sénatrice Fraser : Ce qui semble changer ce sont les personnes qui ont ce pouvoir. On va mettre maintenant le policier militaire ou l'agent de la paix là où avant c'était l'officier, le militaire ou l'agent de la paix. Je vous laisse décortiquer les implications de tout cela.

Monsieur le juge, n'aviez-vous pas dit dans votre présentation liminaire que vous aviez des commentaires à faire au sujet des questions que j'avais posées aux témoins précédents?

M. Létourneau : Relativement au casier judiciaire lié à la sentence, dans le Code criminel, en ce qui concerne les infractions, il est dit que quelque infraction que vous commettiez entraîne un dossier criminel, à moins que la sentence rendue ne soit une absolution inconditionnelle ou une absolution sous conditions. L'absolution sous conditions est alors assortie de conditions avec un laps de temps à l'expiration duquel, si vous avez eu une bonne conduite et êtes réputé n'avoir jamais été condamné, votre dossier criminel sera effacé.

La dernière lecture que j'ai du projet de loi de lier cela à une amende est, à mon sens, absolument extraordinaire. En ce qui concerne les infractions couvertes, je pense, en autres, à l'article 129, conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, qui est un fourre-tout, car à peu près tout peut tomber là-dedans, si vous avez la malchance d'être condamné à 525 $ d'amende, vous avez un dossier criminel, car on est en présence d'une infraction disciplinaire, alors que si vous êtes condamné à une amende de 475 $, vous n'avez pas de dossier criminel.

Si vous êtes condamné à 525 $ et que vous vouliez aller en appel devant la Cour d'appel de la cour martiale pour faire réduire la sentence à 499 $, je vous souhaite bonne chance, parce que la marge est tellement minime que cela rend l'appel pratiquement impossible. Cela n'a aucun sens de lier cela. Ou l'infraction est sérieuse ou elle ne l'est pas. Même dans ce cas, comme ce sont des infractions disciplinaires, cela ne devrait pas donner lieu à un dossier criminel. Ce serait la solution la plus simple, la plus juste et la plus équitable. À ce moment-là, que la personne passe par un processus qui a ses forces et ses faiblesses, mais il n'y a pas de dossier criminel au bout du compte. Le problème est que le soldat n'a pas de conseiller juridique. On lui assigne un officier qui lui dit qu'il peut aller devant une cour martiale s'il le désire mais, que d'un autre côté, cela attire de la mauvaise publicité, et cetera. Il sent donc le besoin de régler cela rapidement, mais il ne sait pas qu'il aura un dossier criminel et que cela le hantera pour le reste de ses jours.

C'est la première fois que je vois une telle disposition et j'espère n'avoir jamais à la revoir.

La sénatrice Fraser : Merci beaucoup.

M. Létourneau : Permettez-moi un commentaire. Le professeur Holloway disait qu'il faut un esprit militaire pour comprendre les militaires. Je me dis que si on pousse ce raisonnement à sa limite, cela voudrait dire que pour juger quelqu'un d'une accusation de viol en bandes, cela prendrait un meurtrier pour comprendre la psychologie du meurtre et des circonstances pour savoir exactement ce qui s'est passé. On n'en sortirait jamais et cela n'a pas de sens.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Je ne suis pas sûr de bien suivre ce commentaire.

Monsieur Létourneau, vous avez déclaré devant le comité de la Chambre des communes saisi de ce projet de loi, au sujet de la constitutionnalité des procès sommaires, que les opinions des juges en chef Dickson et Lamer remontent à plusieurs années. Hier, cependant, le juge en chef LeSage a dit approuver les procès sommaires. Après avoir examiné leur structure juridique et avoir discuté avec des parties prenantes de tout le pays en préparant son rapport important, il est parvenu à la même conclusion que le juge en chef Dickson sur le fait que le procès sommaire est constitutionnel. Il s'est dit un peu surpris d'être parvenu à partager cette opinion, mais il a dit que c'était bien la sienne.

Étant donné le témoignage du juge en chef LeSage appuyant l'opinion du juge en chef Dickson, pourriez-vous expliquer en détail votre position et dire pourquoi vous contestez ce point de vue?

M. Létourneau : J'ai siégé 21 ans à la Cour d'appel de la cour martiale. J'ai entendu un assez grand nombre de causes et rendu un assez grand nombre de décisions. Je connais très bien Pat LeSage; il était consultant quand j'étais à la commission. Il n'avait aucune connaissance du droit militaire, bien sûr, et il l'avait admis publiquement.

Par conséquent, il a simplement suivi une tendance. Toutefois, je ne sais pas s'il a mentionné que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que ce système est inconstitutionnel, à partir d'exactement la même disposition que notre Charte des droits et libertés. Comme l'a dit M. Drapeau, les Anglais ont modifié leur loi de façon à y intégrer certaines mesures de sauvegarde. Les Anglais ne s'opposent pas au procès sommaire, mais ils ont prévu certaines mesures de sauvegarde — celles que nous ne voyons pas ici.

Vous devez réaliser que la situation est la suivante : la cause est entendue par un commandant qui n'a strictement aucune connaissance du droit, à part deux semaines de formation, et qui est saisi d'une infraction au Code criminel, qui entend de ragots et qui doit rendre une décision sur la base de toutes sortes de preuves. Ça n'est pas acceptable si vous avez un casier judiciaire et que vous êtes condamné à l'incarcération. C'est le Moyen Âge.

Par exemple, la constitutionnalité de l'indépendance des juges — au moment où le juge en chef Lamer a rédigé le cas général, il a constaté qu'ils n'étaient pas constitutionnels. Toutefois, à ce moment-là, la permanence du mandat n'avait pas pris l'expansion qu'elle a prise plus tard dans l'affaire du juge provincial où l'on a conclu que c'était une composante de la Charte.

L'armée n'a pas suivi. Nous l'avons fait suivre dans l'affaire LeBlanc, parce que ce qui viendrait ensuite était inévitable : il était clair qu'ils ne pouvaient pas faire faire du droit criminel en renouvellement de mandat à leur guise.

La sénatrice Batters : Je m'adresse à M. Tinsley. En 2009, le comité sénatorial a recommandé que la Loi sur la défense nationale soit modifiée pour réduire la période de limitation des procès sommaires d'une année après le jour où l'infraction en service est censée avoir été commise au moment du procès à plutôt six mois après ce jour.

Considérant votre expérience de juriste, mais aussi de policier militaire, estimez-vous que ces modifications à la Loi sur la défense nationale — articles 35 et 36 du projet de loi C-15 — sont nécessaires et amélioreront les délais d'exécution des investigations ainsi que la nature des procès sommaires?

M. Tinsley : Vous faites allusion à la réduction de six mois?

La sénatrice Batters : Oui.

M. Tinsley : Je pense que c'est très logique, considérant les arguments et pour l'existence d'un système de procès sommaire, la nécessité de l'avoir. S'ils sont valides, une justice rapide en fait partie, et je ne suis donc pas en désaccord.

Si vous me permettez d'ajouter un mot, considérant les préoccupations relatives au système de procès sommaire, je crois qu'il doit y avoir un certain équilibrage du droit, mais que l'armée, pour des raisons d'ordre opérationnel, peut avoir besoin de ce mécanisme. L'une des principales réserves exprimées à ce sujet, notamment du point de vue de la Charte et aussi du souci ultime d'équité, qu'il y ait un procès-verbal ou non, concerne la possibilité de révision. Je me demande pourquoi on ne prévoit pas dans la loi de disposition pour que ces procès puissent être sujets à révision.

Même dans les circonstances les plus primitives, avec la technologie d'aujourd'hui, on peut avoir un procès-verbal électronique. Cela pourrait offrir la possibilité d'une révision par des gens ayant une formation en droit, si c'était nécessaire. Je pense que ça rendrait le système équitable.

Le sénateur Dallaire : Quand j'étais commandant de formation, je revoyais tous les procès sommaires des officiers de commandement dans la formation — 13 en tout, mais pas jusqu'à un échange verbal. Toutefois, je demandais au JAGA d'y participer pour me donner son avis professionnel. Ce n'était peut-être pas aussi clair que ce que vous voudriez, mais je n'ai aucun problème à ce que ce soit beaucoup plus officialisé.

Considérant mon expérience à la fois opérationnelle et en garnison, je n'hésite pas à dire que le procès sommaire est à mes yeux un outil essentiel. Toutefois, je n'approuve pas l'idée qu'il puisse déboucher sur un casier judiciaire. Je pense que cela devrait venir au minimum d'une cour martiale.

En outre, abaisser le rang des membres de la cour martiale, même au niveau de sergent, ce que je trouve incroyable, les rapprochera des pairs de l'individu qui est jugé. Ce n'est pas un geste négatif, mais ce n'est pas une réforme, comme M. Létourneau et M. Drapeau le souhaitent, je pense. J'espère que quelqu'un s'en chargera.

Je voudrais parler du VCEMD. Tout ce que vous avez décrit quant aux raisons pour lesquelles nous ne voulons pas que le VCEMD soit impliqué dans cette histoire est là. Maintenant, pratiquement n'importe qui peut s'ingérer. Le Grand Prévôt est nommé par le CEMD, bien sûr, et il pourrait y avoir ingérence là.

Voici ce que je veux dire : que se passe-t-il si le VCEMD, qui se trouve au deuxième rang dans la hiérarchie militaire et exerce une supervision sur toutes les opérations, en garnison et ailleurs, n'est pas celui qui assume cette possibilité, aussi extrême soit-elle, bien que ce soit toujours le scénario extrême qui dérape, tout comme en Somalie? Si cette exigence est essentielle, ou si l'armée dit qu'elle l'est, et si ce n'est pas lui ou elle, où la trouvons-nous en dehors de la chaîne de commandement? Inclure le VCEMD ramène la chaîne de commandement à l'intérieur. Où pourrions-nous trouver ça?

M. Tinsley : Sénateur, je pense que vous avez ce point focal, ce point de reddition de comptes, ce point d'arbitrage ou de résolution dans les mécanismes qui sont actuellement disponibles, sous le cadre de reddition de comptes, jusqu'au commandant opérationnel/VCEMD, le Grand Prévôt des Forces canadiennes ou le PM sur le terrain. Dans ce contexte, il y a ce que j'appellerai une égalité de moyens actuellement. Égalité de moyens, au fait, n'est pas une expression militaire, mais une expression de droit exprimant l'équité. Si le commandant opérationnel est préoccupé par la conduite des PM — agissant de manière irresponsable en entrant de force dans les secteurs opérationnels, et cetera. —, il a actuellement deux mécanismes à sa disposition. Le premier serait une plainte adressée à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, pour inconduite. L'inconduite est répréhensible et l'affaire devrait être résolue. Ces recommandations concernant le résultat remontent dans la chaîne de commandement. Il ne s'agit pas d'ingérence dans une investigation. Il s'agit d'une question de conduite professionnelle.

Deuxièmement, en ce qui concerne la nomination du Grand Prévôt, le commandant opérationnel pourrait chercher le processus d'enquête, ce qui pourrait mener à sa destitution pour inconduite professionnelle, soit personnellement, soit dans la supervision de ses agents de police.

En revanche, dans le scénario actuel, le policier militaire — pas le premier ministre, le policier militaire sur le terrain —, le sous-officier, le sergent ou qui que ce soit, ou le Grand Prévôt, si le commandant opérationnel dit « Vous ne pouvez pas entrer là maintenant », a la possibilité de dire que l'ordre est donné pour des raisons inadéquates. Il pourrait formuler une plainte pour ingérence ou, dans le cas le plus grave, lancer une investigation pour entrave à la justice.

Le sénateur Dallaire : Parce que nous ne sommes pas allés au VCEMD avec cette loi.

M. Tinsley : Le cadre de reddition de comptes ne permettrait pas d'inclure le VCEMD. Toutefois, comme je l'ai dit, si ce conflit inévitable auquel le ministre a fait allusion se concrétisait — et on ne vous en a donné aucun exemple qui se soit produit au cours des 15 dernières années —, il y a deux mécanismes de résolution de chaque côté. Si cette disposition est adoptée, ce n'est pas seulement l'indépendance, à la fois apparente et réelle, de la police militaire qui est mise en danger, cela rend aussi la supervision totalement inopérante.

J'ai été surpris de constater l'appui du ministre — exprimé plusieurs fois, ce qui était sans précédent, à mon avis — envers la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Il a dit : « S'il y a un problème, ils peuvent déposer une plainte. » J'affirme très respectueusement qu'il a totalement tort. Il n'y aurait pas de compétence, car la loi autorise l'ingérence. La compétence de la CEPPM est double, d'abord au sujet de l'ingérence — si nous incluons une disposition qui contrecarre la disposition actuelle de non-ingérence — et, ensuite, au sujet de la conduite. Le ministère et le ministre, si j'en crois mon expérience, notamment durant les investigations en Afghanistan, sont allés très loin en acceptant un coût juridique considérable pour indiquer à la commission que sa compétence, en matière de conduite, ne concerne que le personnel de la police militaire et personne d'autre au sein des Forces canadiennes.

Le président : Merci beaucoup, messieurs. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner devant notre comité aujourd'hui pour nous aider dans nos délibérations.

C'était notre dernier groupe de témoins aujourd'hui. Nous avons eu la possibilité de discuter du projet de loi avec le surintendant principal Walker hier. Le surintendant principal Walker est directeur général des Services canadiens d'identification criminelle en temps réel à la GRC. Nous avions malheureusement dû interrompre la séance en plein milieu d'une question du sénateur Joyal, hier, et c'est pourquoi nous avons invité le surintendant principal Walker à revenir aujourd'hui. J'espère que le sénateur Joyal arrivera bientôt.

Le sénateur White : Je ne me souviens plus de la question.

La sénatrice Fraser : J'ai reçu la transcription, mais, malheureusement, elle s'est arrêtée en plein milieu de la question. Je ne sais pas où il voulait en venir. Il s'agissait d'une question qu'il avait soulevée plusieurs fois au sujet des infractions commises avec violence. Il était en train d'établir le contexte quand la séance a été interrompue. Je ne veux pas m'exprimer en son nom, car il n'a pas vraiment eu le temps de formuler sa question.

Le président : Nous ne pouvons pas deviner où il voulait en venir.

Le sénateur Dallaire : Le comité permet-il qu'on envoie des questions par écrit au témoin, après une séance, afin que nous puissions recevoir les réponses par écrit?

Le président : Je suis sûr que le surintendant principal accepterait que la question lui soit posée de cette manière.

Le sénateur Dallaire : Est-ce acceptable ici?

Le président : Certainement.

Le sénateur Dallaire : Ce serait très apprécié.

Le président : Cela met fin à la séance.

Monsieur le surintendant principal, je vous présente nos excuses. Merci encore une fois d'avoir pris le temps de venir devant le comité aujourd'hui. Hélas, nous ne pouvons poursuivre l'examen de cette question. Je suis sûr que le sénateur Joyal vous enverra sa question par écrit, et nous attendrons votre réponse avec beaucoup d'intérêt.

Surintendant principal Chuck Walker, directeur général, Services canadiens d'identification criminelle en temps réel, Gendarmerie royale du Canada : J'enverrai la réponse avec plaisir. Merci beaucoup de me faire cadeau de ce temps libre. Quelle surprise agréable de pouvoir finir plus tôt que prévu.

Le président : Sénateurs, nous nous réunirons à nouveau demain à 10 h 30, ce qui est notre horaire habituel. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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