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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 12 - Témoignages du 14 février 2012


OTTAWA, le mardi 14 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, étant donné la valeur du dollar canadien et les répercussions du magasinage transfrontalier sur l'économie canadienne.

[Traduction]

Jodi Turner, greffière du comité : Honorables sénateurs, il y a quorum. Comme le président, le sénateur Day, et le vice-président, le sénateur Neufeld, ont dû s'absenter, il m'incombe, à titre de greffière du comité, de présider l'élection d'un président suppléant pour la séance d'aujourd'hui. Je suis prête à recevoir une motion à cet effet.

Le sénateur Marshall : Je propose le sénateur Runciman.

Mme Turner : Y a-t-il d'autres candidatures? Le sénateur Marshall propose que le sénateur Runciman assume la présidence du comité. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Turner : Adoptée. J'invite le sénateur Runciman à prendre le fauteuil.

Le sénateur Bob Runciman (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Bonne Saint-Valentin à tous. Ce matin, nous poursuivons l'étude des raisons qui peuvent expliquer les écarts dans les prix de certains articles entre le Canada et les États-Unis, étant donné la valeur du dollar canadien, et les effets des achats outre frontière sur l'économie canadienne. Aujourd'hui, nous allons nous intéresser plus spécialement aux livres, et nous sommes heureux d'accueillir un groupe plutôt important de témoins.

M. Chris Tabor est gestionnaire de la Librairie de l'Université Queen's et il comparaît au nom de Campus Stores Canada. M. Zachary Dayler est le directeur national de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, et il comparaît pour donner son appui aux points soulevés par Campus Stores Canada.

Nous souhaitons la bienvenue à Mme Heather Bindseil, qui comparaît par vidéoconférence depuis Vancouver. Elle est présidente et propriétaire de Library Bound Inc. et elle comparaît au nom de l'Association of Canadian Book Wholesalers.

De retour à Ottawa, nous accueillons M. Mark Lefebvre, président de la Canadian Booksellers Association, et M. Christopher Smith, vice-président de la même association.

Enfin, voici Mme Carol Osmond, vice-présidente à la politique de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs.

Je rappelle aux sénateurs que nous avons deux heures.

Bienvenue à Mme Osmond et à tous les témoins de ce matin. À vous l'honneur.

Carol Osmond, vice-présidente, Politique, Association canadienne des importateurs et exportateurs : Monsieur le président et honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de cette occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui pour votre étude sur les écarts entre les prix à la consommation aux États-Unis et au Canada. Comme vous l'avez dit, je suis présidente à la politique des I.E. Canada, l'Association canadienne des importateurs et exportateurs.

À ce titre, je représente les membres des I.E. Canada au Comité consultatif sur les activités commerciales à la frontière, le CCAC, qui est la principale tribune de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, pour consulter les milieux du commerce au sujet de ses programmes commerciaux. Le CCAC a été mentionné par le sénateur Dickson dans une question posée à M. Brent Patten, de l'ASFC, au sujet de l'Initiative de guichet unique de l'ASFC avec d'autres ministères et organismes au cours d'une audience antérieure. J'étais présente à la réunion de février 2011 et j'ai même dirigé l'exposé présenté à l'ASFC et aux fonctionnaires d'autres ministères et organismes au sujet de l'Initiative de guichet unique de l'ASFC avec d'autres ministères et organismes.

I.E. Canada représente les milieux commerciaux depuis 80 ans. L'Association est au service d'entreprises, petites, moyennes et grandes, de tout le Canada. Parmi nos membres, nous comptons des fabricants, des importateurs, des exportateurs, des grossistes, des distributeurs et des détaillants d'une foule de secteurs, notamment dans le secteur des aliments et des produits de consommation. À titre d'association qui représente des importateurs et des exportateurs, nous appuyons les initiatives visant à libéraliser les échanges commerciaux tant par l'abaissement des droits tarifaires que par la suppression des barrières non tarifaires. La suppression des obstacles au commerce donne aux manufacturiers canadiens l'accès à des sources moins coûteuses de matières premières et d'autres intrants pour produire des biens destinés à l'exportation et à la consommation intérieure. Les importations de produits finis favorisent également la concurrence, font baisser les prix et assurent un plus grand choix aux consommateurs canadiens. Les importations représentent 55 p. 100 de l'ensemble du marché canadien des produits de consommation. Cela exclut les produits comme les aliments, les boissons et le tabac. Dans certaines catégories de produits, le pourcentage est beaucoup plus élevé. Dans le cas des vêtements, par exemple, le pourcentage du marché comblé par les importations atteint 72 p. 100. La proportion est de 87 p. 100 pour les chaussures, de 83 p. 100 pour les appareils électroménagers, de 72 p. 100 pour les bijoux et l'argenterie et de 96 p. 100 pour les poupées, jouets et jeux.

Notre association a appuyé l'initiative du ministre des Finances visant à créer une zone franche pour le secteur manufacturier au Canada en éliminant les droits sur les machines, le matériel et d'autres intrants d'ici 2015.

Nous avons également donné notre appui et participé aux consultations concernant le Conseil de coopération en matière de réglementation, le CCR, et les initiatives concernant la vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique, annoncée par le premier ministre Harper et le président Obama il y a un an. Les plans d'action visant ces deux initiatives ont été rendus publics en décembre. Une réunion commune de fonctionnaires canadiens et américains avec des intervenants des deux pays a eu lieu à Washington à la fin de janvier afin d'examiner et de discuter les plans de travail provisoires du CCR. Certes, ces initiatives exigeront vigilance et participation active du milieu des affaires, mais nous espérons qu'elles aideront à alléger le fardeau de la réglementation sur les entreprises canadiennes et à faciliter l'acheminement des marchandises à la frontière. Si on s'y prend correctement, elles contribueront à la compétitivité des entreprises canadiennes, feront diminuer les prix à la consommation ou aideront au moins à limiter les coûts qui contribuent à la hausse des prix.

Le comité a déjà recueilli le témoignage d'éminents économistes, d'universitaires et de hauts fonctionnaires, sans oublier le gouverneur de la Banque du Canada, qui ont fort bien expliqué la multitude de facteurs qui contribuent à creuser des écarts entre les prix canadiens et américains à la consommation. Je ferai une simple mise en garde : s'il est vrai que l'ensemble des prix à la consommation sont plus élevés au Canada, ce n'est pas le cas pour toutes les catégories de produits. En outre, comme d'autres l'ont également fait remarquer, il existe des différences de prix entre les régions. La question est complexe, et je m'abstiendrai de répéter ce que vous avez déjà entendu.

J'avancerai pourtant quelques idées sur ce que le gouvernement peut faire pour contribuer à faire baisser les prix à la consommation au Canada.

Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a pris des mesures pour éliminer les droits sur les intrants des manufacturiers, mais pas ceux qui frappent les produits de consommation. Comme l'ont dit des fonctionnaires du ministère des Finances qui ont témoigné devant le comité, les taux moyens des droits sur une gamme de catégories de produits sont généralement bas. Il y a néanmoins des pointes dans les taux de certains produits, et il existe des anomalies. Par exemple, les droits sont généralement de 8 p. 100 sur les appareils électroménagers, de 8 à 9,5 p. 100 sur les meubles de jardin, de 16 à 18 p. 100 sur les chaussures et de 18 p. 100 sur les vêtements. Les ballons de football sont frappés d'un droit de 7 p. 100, alors que les ballons de basket-ball entrent en franchise.

Ce sont tous là des produits que les ménages canadiens achètent couramment. Ces droits sont un vestige de l'époque où nous tentions de protéger les manufacturiers canadiens, mais qui protégeons-nous aujourd'hui, et qui a besoin de protection?

Je me disais hier soir, en venant de l'aéroport en taxi, que je portais un manteau conçu et fabriqué à Montréal et une paire de bottes conçues et fabriquées à Montréal. Aujourd'hui, je porte un tailleur qui a été conçu et fabriqué à Montréal. Je les ai achetés parce que j'ai eu la chance de les avoir en solde, mais même à plein prix, les produits sont compétitifs parce que le prix est étudié et que les produits sont bien faits et bien conçus.

Le gouvernement fédéral propose aux familles un crédit d'impôt pour favoriser la participation des enfants à des activités sportives, mais il y a des droits de 18 p. 100 sur les patins et les chaussures de sport. Ces droits sont cachés dans le prix facturé aux consommateurs, qui paient déjà la TPS fédérale et la taxe de vente provinciale sous diverses formes. La suppression des droits de 18 p. 100 ne se traduirait évidemment pas par une baisse de prix de 18 p. 100 pour le consommateur. En effet, les droits s'appliquent au prix des biens pour l'importateur et l'intégralité de la réduction ne serait pas forcément répercutée dans l'immédiat. Malgré tout, la réduction ou l'élimination des droits est un moyen à la disposition du gouvernement pour contribuer à faire baisser les prix à la consommation de certains produits.

Je voudrais également dire un mot de la limite de minimis pour les expéditions par messagerie ou par la poste. Il a beaucoup été question au comité des achats sur Internet, des achats outre frontière et des exemptions personnelles. Malheureusement, je n'ai pas pour ma part une grande expérience ni d'un côté ni de l'autre. Mais il n'a pas été question au comité des décrets de remise disponibles pour les biens importés au Canada par messagerie ou par la poste et qui soustraient ces expéditions au paiement de droits et de taxes, mais seulement si la valeur des expéditions ne dépasse pas 20 $. C'est dire que si un consommateur canadien commande un produit en ligne aux États-Unis et que si ce produit est expédié par messagerie et coûte plus de 20 $, le consommateur doit payer les droits qui peuvent s'appliquer et toutes les taxes. De plus, comme les produits sont assujettis aux droits et taxes, le consommateur doit aussi payer des honoraires à la messagerie ou à un courtier en douane pour faire dédouaner les produits. Ces seuls honoraires dépassent souvent de loin les droits et les taxes à acquitter.

J'ai vérifié auprès d'un service de messagerie. Le prix minimum est de 25 $. On peut donc importer un produit de 21 $, payer des droits et des taxes et, en sus, payer 25 $ pour le dédouanement.

La valeur d'une expédition importée par messagerie qui échappe aux droits et aux taxes est désignée comme le seuil de minimis. Aux États-Unis, ce seuil est actuellement fixé à 200 $. La justification de ce seuil, c'est que, à un moment donné, il devient inefficace, sur le plan administratif, de percevoir des petits montants de droits et de taxes, alors que cela se traduit par des coûts disproportionnés pour les secteurs public et privé. I.E. Canada a préconisé le relèvement du seuil minimal au Canada à cause des coûts et de la charge administrative imposés aux entreprises qui importent des produits de faible valeur par messagerie. Toutefois, dans le contexte actuel, le relèvement de ce seuil peut aussi se traduire, pour le gouvernement, par une réduction des prix à la consommation.

Je voudrais conclure par une observation sur l'augmentation des exigences réglementaires et administratives à satisfaire pour importer des produits au Canada. Il va sans dire que nous reconnaissons tous qu'il est important de protéger la sécurité, la santé et la sûreté des Canadiens, mais protéger les Canadiens, cela veut dire aussi favoriser la compétitivité de l'économie et le bien-être de notre pays. L'Agence des services frontaliers du Canada est en train de mettre en place les exigences les plus lourdes au monde pour la production préalable de données, des exigences encore plus lourdes qu'aux États-Unis. Pourtant, nous sommes l'une des économies les plus ouvertes au monde et l'une de celles qui dépendent le plus du commerce mondial. C'est à croire que, tous les jours, il nous faut nous adapter à une exigence nouvelle ou modifiée imposée à la frontière par un ministère ou un organisme gouvernemental. Ces nouvelles exigences entraînent des coûts qui sont répercutés sur le consommateur. Nous craignons qu'on ne mesure pas bien l'avantage de ces nouvelles exigences par rapport aux coûts pour l'économie et, en fin de compte, pour le consommateur. De plus en plus, nous avons l'impression que les coûts marginaux dépassent de loin les avantages marginaux. Il faut une approche plus globale à la frontière, une approche qui concerne tous les ministères et organismes, de sorte que les politiques et programmes à la frontière soient dans l'ensemble dans l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.

Chris Tabor, gestionnaire, Librairie de l'Université Queen's, Campus Stores Canada : Je m'appelle Chris Tabor et je dirige la librairie de l'Université Queen's. Je représente ici Campus Stores Canada, l'association nationale des librairies qui appartiennent à des établissements et sont exploitées par eux. Nous comptons presque une centaine de commerces au Canada et plus de 80 vendeurs et fournisseurs associés. Bref, si vous connaissez l'un des étudiants aux niveaux universitaire et collégial au Canada, et il y en a plus d'un million, il y a une bonne chance que vous connaissiez quelqu'un qui est servi par Campus Stores Canada.

Je suis heureux de comparaître aujourd'hui pour parler des différences de prix entre le Canada et les États-Unis. Il est facile de parler de ces différences dans le cas des livres puisque, habituellement, les prix canadien et américain sont imprimés sur la couverture. Sur les livres de poche, cette différence exaspérante peut être d'un ou de deux dollars, mais pour les manuels universitaires, la différence est nettement plus marquée. Je suis certain qu'il y a beaucoup de grandes raisons qui expliquent les différences de coûts entre les deux pays, mais je voudrais m'attarder à une disposition de la Loi sur le droit d'auteur qui accentue artificiellement les différences. Je voudrais parler plus précisément du règlement d'application de la loi plutôt que de la loi proprement dite.

D'un simple trait de plume, une modification du règlement pourrait faire économiser des dizaines de millions de dollars aux étudiants canadiens chaque année sans qu'il en coûte quoi que ce soit au Trésor public. Le règlement de la Loi sur le droit d'auteur permet aux éditeurs d'établir des monopoles d'importation sur les livres d'auteurs du monde entier et il prévoit ce que ces monopoles d'importation peuvent imposer comme prix pour les livres. Les livres importés par des commerçants autres que ces importateurs exclusifs sont désignés comme des importations parallèles. Le paragraphe 27(1) de la Loi sur le droit d'auteur fait de l'importation parallèle de nouveaux livres une infraction, pour peu que les distributeurs exclusifs respectent le règlement d'application de la loi. Plus précisément, le Règlement sur l'importation de livres dispose que l'importateur peut facturer au libraire le prix du livre dans le pays d'origine, plus la différence qui tient au taux de change, en ajoutant 10 p. 100 de plus si le livre vient des États-Unis et 15 p. 100 de plus s'il vient du Royaume- Uni.

Campus Stores Canada estime qu'il s'agit là d'une taxe privée imposée par une politique d'intérêt public. Cette taxe est payée par les étudiants canadiens et leur famille, et elle est perçue avant tout pour des intérêts privés étrangers. Chose importante, cette taxe ne rapporte aucun avantage appréciable aux artistes ou aux auteurs qui ont créé les œuvres, et elle ne crée ni ne protège aucun emploi pour les Canadiens. Tout ce qu'elle fait, c'est permettre aux éditeurs et distributeurs de toucher 10 ou 15 p. 100 de plus en pur profit pour leurs produits avant de risquer de perdre une vente aux mains d'importateurs parallèles. Il importe de comprendre que cette taxe n'est pas perçue par le gouvernement, mais par les distributeurs.

C'est coûts inutiles ne sont pas négligeables. Selon des chiffres prudents, le commerce des livres importés par des libraires canadiens vaut quelque 250 millions de dollars par année, car ces livres représentent environ la moitié des livres vendus dans ces commerces. La suppression de cette taxe ferait épargner aux étudiants environ 25 millions de dollars par année, et les économies commenceraient du jour au lendemain. La conception de cette taxe est le produit de paradigmes de l'édition, de la distribution commerciale et de la politique qui ont changé radicalement depuis la promulgation du règlement, en 1999, surtout à cause du développement du commerce par Internet. À la différence des libraires, les consommateurs échappent à ce règlement et peuvent en toute liberté et en toute légalité acheter leurs livres auprès du fournisseur qui pratique les meilleurs prix, où qu'il se trouve, et ils ne s'en privent pas. Grâce aux détaillants d'Internet, les consommateurs canadiens peuvent souvent acheter des livres meilleur marché que les détaillants canadiens. Il va tout simplement à l'encontre de la logique du marché qu'un étudiant canadien puisse importer des livres à l'unité à meilleur prix qu'une multinationale qui importe de forts volumes, mais c'est la conséquence directe de l'inflation artificielle, par la taxe, des prix des livres sur le marché intérieur.

Pour obtenir la meilleure valeur pour leur argent à l'achat de leurs manuels, les étudiants sont contraints, à cause de cette taxe, de s'adresser aux détaillants sur Internet situés à l'étranger, ce qui est une étape supplémentaire aussi absurde que peu commode. Il serait possible d'obtenir une réduction appréciable du prix des manuels en supprimant cette taxe à l'importation de livres. Ainsi, les étudiants dépenseraient des millions de dollars de moins pour leurs manuels sans que le gouvernement ait à consentir la moindre dépense.

Il n'est même pas nécessaire de légiférer pour supprimer la taxe, car le règlement en question peut être modifié d'un simple trait de plume.

Pour obtenir le meilleur prix, les consommateurs canadiens sont obligés de commander leurs livres à l'étranger. Les détaillants canadiens, grands et petits, doivent vendre le même produit à un prix plus élevé que celui de leurs concurrents. Si cette taxe sur les livres a déjà présenté quelque intérêt, il faudrait l'abolir, puisque cet intérêt est disparu depuis longtemps.

Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps, et je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir à poser à ce sujet.

Le président suppléant : Le prochain témoin est Mme Bindseil. Un remerciement tout spécial à vous pour vous être levée si tôt pour comparaître. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Heather Bindseil, présidente et propriétaire, Library Bound Inc., Association of Canadian Book Wholesalers : Bonjour. Voilà un départ bien matinal pour moi, à Vancouver, mais je vous remercie de bien vouloir écouter mon exposé de ce matin. Je m'appelle Heather Bindseil et je suis présidente et propriétaire de Library Bound Inc. Nous sommes une entreprise canadienne desservant les bibliothèques publiques que nous approvisionnons en livres. Nous cataloguons et traitons le matériel de bibliothèque dans l'une de nos deux installations, à Waterloo, en Ontario, et à Burnaby, en Colombie-Britannique. Library Bound vend exclusivement au marché des bibliothèques publiques. Nous offrons la classification décimale Dewey, les étiquettes au dos de la reliure, les registres de commandes, les services de sélection, le travail sur mesure et les dossiers lisibles automatiquement par machine.

L'Association of Canadian Book Wholesalers, ACBW, comprend sept membres : North 49 Books, United Library Services, S&B Books Ltd., Stricker Books, Whitehots Inc., Fairmount Books Inc et Library Bound Inc. Cinq des sept membres de l'ACBW, vendent exclusivement aux écoles et aux bibliothèques. On dénombre neuf membres qui sont des éditeurs associés. Plus tôt ce mois-ci, Fairmount Books Inc a annoncé sa fermeture après avoir exercé son activité pendant 29 ans. Compte tenu de l'établissement de prix marqués plus bas et de la force du dollar canadien par rapport au dollar américain, Fairmount Books, une des dernières entreprises, ne pouvait plus faire ses frais. Il n'y a donc plus que six membres actifs.

Depuis longtemps, il y a deux listes de prix pour 99 p. 100 des livres américains expédiés au Canada. Nous appelons cette pratique « pratique de double prix » ou établissement de prix multiples. Les éditeurs ont adopté cette pratique il y a de nombreuses années à la demande des grands magasins, des chaînes de librairies et des entreprises de marchandisage de masse qui voulaient accélérer le processus de mise en marché pour qu'il soit le moins coûteux possible en main-d'œuvre.

Antérieurement, le prix canadien des livres reliés était inscrit sur la première page de chaque livre alors que le prix américain était apposé sur le rabat avant du livre. Le processus était, bien sûr, fait à la main, ce qui était coûteux et prenait du temps. Le prix courant américain des livres à couverture papier était recouvert d'une étiquette sur laquelle figurait le prix courant canadien, ce qui était également coûteux et prenait du temps.

Les prix canadiens des livres américains sont parfois fixés des années avant que les livres ne soient imprimés et mis en vente. Si, durant ce temps, la valeur du dollar canadien fluctue, le prix majoré sur la couverture est remis en question. Cela devient un vrai problème pour les consommateurs canadiens lorsque notre dollar atteint la parité avec le dollar américain. Les consommateurs canadiens s'attendent alors qu'un livre vendu 10 $ US aux États-Unis se vende 10 $ CAN au Canada. Si le prix canadien affiché est de 14 $, les consommateurs sont alors tentés de lancer les livres à la tête du libraire sans défense. Mais le prix a peut-être été fixé il y a six ans. Pourquoi le consommateur canadien s'attend-il d'office, lorsque notre dollar est à parité avec le billet vert, à ce qu'un livre vendu couramment 10 $ US se vende 10 $ CAN au Canada? Sans vraiment le savoir, les Canadiens paient plus cher dans 99 p. 100 des cas pour tout ce qui vient des États-Unis, même si notre dollar est à parité avec le billet vert. Nous payons beaucoup plus pour les voitures, mais il n'y a pas deux étiquettes sur le pare-brise. Et même si c'était le cas, nous n'aurions pas le choix. C'est réglementé.

Les détaillants doivent engager des frais pour le transport des boîtes de livres jusqu'à leurs entrepôts, payer des frais de courtage à la frontière, payer le transport des livres jusqu'à leurs clients, assurer l'entretien d'un entrepôt, payer les frais de vente et de commercialisation pour mousser leurs ventes et, enfin, payer les frais généraux d'administration et de comptabilité.

Notre salaire minimum varie d'une province à l'autre : 9 $ au Yukon, 11 $ au Nunavut et 10,25 $ en Ontario. Le salaire minimum fédéral aux États-Unis est de 7,25 $. Le secteur de l'impression de livres coûte cher en main-d'œuvre. Notre marché est singulièrement plus petit, soit l'équivalent de l'économie de l'État de la Californie. Traditionnellement, le prix des livres canadiens aux États-Unis est plus bas, les éditeurs comptant sur des volumes de vente plus élevés pour compenser une marge bénéficiaire inférieure.

La réglementation actuelle relative au droit d'auteur applicable à l'importation autorise une majoration de 10 p. 100 par rapport aux prix américains. Si la majoration est supérieure à 10 p. 100, les consommateurs commanderont leurs livres directement chez le grossiste américain. Aucun organisme n'assure le respect de cette réglementation. Nous estimons que les éditeurs et grossistes n'insultent pas délibérément le consommateur canadien. La résolution de ce problème est coûteuse et nécessitera une réévaluation soignée des pratiques commerciales antérieures. Nous estimons que si nous ne le faisons pas, ce sera encore plus coûteux, car les consommateurs achèteront de plus en plus leurs livres aux États-Unis. Une fois qu'un libraire a pris la décision de s'approvisionner auprès d'un grossiste américain comme Ingram, il lui sera facile alors de commander plus de livres que prévu au départ.

Les librairies font la même chose. Elles tentent d'acheter le plus possible de livres canadiens, mais tous les dollars des municipalités et provinces qui quittent notre pays minent notre système d'agences déjà fragile. Le système d'agences soutient le programme d'édition canadien.

L'ensemble du secteur du livre, électronique ou imprimé, a changé radicalement depuis cinq ans. Les incitatifs coopératifs, Word on the Street, One Book One Community, les salons du livre dont profitent maintenant les consommateurs seront à risque si le système d'agences canadien disparaît.

Ce n'est pas un problème facile à régler, mais le prix que le secteur du livre canadien devra payer s'il ne le résout pas sera très élevé. L'avenir de la culture, de l'alphabétisation, de la lecture et de l'écriture au Canada est en jeu. C'est une affaire de coûts et de marchés concurrentiels. Nous devons sensibiliser le consommateur à ce que cela signifie que d'acheter des livres canadiens et trouver un meilleur moyen de présenter la politique canadienne d'établissement des prix ou l'établissement des prix des livres américains vendus au Canada.

Le président suppléant : Merci. Le dernier exposé sera celui de M. Lefebvre.

Mark Lefebvre, président, Canadian Booksellers Association : Je comparais à titre de représentant de la Canadian Booksellers Association, la CBA. Merci de nous donner la possibilité de prendre la parole aujourd'hui.

La CBA est une organisation nationale qui représente près d'un millier de libraires d'un bout à l'autre du Canada. Ses membres actifs ont des librairies commerciales ou sur les campus, des librairies qui font partie de chaînes et d'autres qui vendent des livres d'occasion ou encore des livres anciens. Il y a des libraires de la CBA dans toutes les provinces et territoires, dans toutes les localités, petites et grandes, depuis Victoria jusqu'à St. John's. Nos membres, qui possèdent, exploitent et gèrent des entreprises locales dans des collectivités de tout notre grand pays sont fatigués de présenter des excuses pour une politique qui ne relève d'aucun d'eux.

Comme on l'a déjà dit, des livres sont souvent imposés à des libraires qui ne font qu'essayer de faire leur travail en distribuant des livres aux consommateurs tous les jours. Les consommateurs, qui ne sont pas liés aux mêmes politiques ont la liberté et le luxe d'acheter à l'étranger, à l'extérieur de notre économie, profitant d'un avantage le plus souvent d'environ 20 p. 100 sur les nouveaux livres. Cela, même si le dollar canadien fluctue autour de la parité depuis bien plus de trois ans. Cela devrait largement suffire à une industrie raisonnable pour apporter les rajustements nécessaires en fonction de ces changements.

Nous sommes conscients des aspects qui tiennent à la part de marché et aux économies d'échelle. Ils ont un impact sur les coûts des affaires, comme les coûts de la distribution et de l'entreposage. La CBA n'a pas de problème avec les éditeurs ou les entreprises, mais avec les multinationales qui utilisent ces politiques pour améliorer leurs résultats et non à l'avantage des libraires, des auteurs ou des consommateurs canadiens.

Il ne fait pas de doute que notre industrie est en mutation. Nos membres voient les parts de marché se diviser et se subdiviser de plus en plus. Nous connaissons bien des partenaires du secteur de l'édition au Canada qui doivent relever des défis semblables. Il est temps que nous abordions le problème avec intelligence et raison au lieu de continuer à faire ce qui s'est toujours fait par le passé. Cette voie mènerait notre industrie à sa perte. Nos commerces locaux s'appuient sur les contacts personnels et des relations fondées sur la confiance et l'intégrité qui nous sont reconnues dans nos collectivités, mais cette confiance et cette intégrité ont été sapées par cette politique, dont nous demandons respectueusement qu'elle soit soumise à un examen complet et approfondi.

Le président suppléant : Merci, monsieur Lefebvre. Le sénateur Finley posera les premières questions.

Le sénateur Finley : Après les audiences que nous avons eues, je suis un peu préoccupé par ce que je décrirais comme la capacité des Canadiens de se laisser exploiter. Ici et à l'extérieur des séances du comité, nous avons bel et bien entendu des détaillants et des grossistes dire : « Nous facturons le maximum de ce que le marché peut supporter. » Que cela soit vrai ou non importe peu. Cela est indissociable de la trame de ces discussions. Je voudrais simplement que vous gardiez cette idée présente à l'esprit.

J'achète beaucoup de livres et d'articles connexes du monde du divertissement, et je voudrais aborder la question du seuil de minimis. Récemment, j'ai voulu acheter un lecteur polyvalent de DVD. Cela veut dire qu'il peut faire jouer des DVD venant de n'importe où dans le monde. Comme j'ai des goûts larges et universels, je constate que tout n'est pas disponible sur le marché nord-américain. J'ai essayé de trouver un lecteur au Canada. Comme je n'en trouvais aucun, j'ai dû me tourner vers les États-Unis, sur Internet, pour en acheter un, et le fournisseur américain m'a donné l'assurance, par courriel, que le prix proposé comprenait tout, même les taxes. Lorsque le produit est arrivé, la semaine dernière, le livreur, représentant l'une des grandes entreprises de messagerie, m'a soulagé de 24,23 $ simplement pour avoir fait traverser la frontière au produit. Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. C'est arrivé bien des fois. Je conviens avec vous qu'il faut revoir sérieusement le seuil de minimis. Je voudrais que vous en parliez un peu plus.

Et voici une autre question qui n'est pas propre à votre secteur d'activité, peut-être, mais qui est typique au Canada. Il y a deux semaines, j'ai acheté un autre lecteur de DVD au Canada, un produit grand public. On y disait clairement que l'appareil était prêt pour la technologie Wi-Fi. J'ai constaté, et j'en préviens tous mes collègues, que cela ne veut pas dire qu'il peut recevoir le signal Wi-Fi. En effet, en ouvrant la boîte et en lisant le guide, j'ai vu qu'il fallait acheter un bidule qu'on appelle « clé électronique ». J'ai essayé de savoir ce que c'était. C'est un petit objet qu'on branche sur l'appareil et qui peut recevoir le signal Wi-Fi. J'avais le numéro de pièce et je me suis mis à la chercher. Introuvable au Canada. Je m'adresse aux États-Unis. On y trouve cette clé à profusion, mais pas question de la distribuer au Canada. Voilà donc un appareil qui se vend au Canada, et je ne peux même pas acheter l'accessoire qui le rendra exploitable parce qu'on se refuse à le distribuer au Canada. J'ai contourné l'obstacle. Je ne dirai pas comment, mais je l'ai fait.

Parlez-moi du seuil de minimis. Ces frais d'expédition sont en train de devenir énormes. Je voudrais ensuite parler de l'évolution dans le monde commercial, surtout en ce qui concerne les livres. Parlez-moi du seuil de minimis et de ce que vous pouvez avoir en tête à ce sujet.

Mme Osmond : Le principe du seuil de minimis pour les livraisons par messagerie vaut également pour les expéditions postales. On en arrive à un point où, en-deçà d'un certain montant, les frais administratifs, pour l'État, de la collecte des droits et taxes ne se justifient pas par le montant des droits et taxes recueillis. Ce principe est accepté au plan international. L'Organisation mondiale du commerce a élaboré des Directives sur le dédouanement des envois express.

Pour le dédouanement des livraisons express, des procédures différentes s'appliquent de façon à faciliter l'acheminement des marchandises, selon la valeur des livraisons. Il est reconnu que les pays peuvent imposer un seuil de minimis en bas duquel les procédures douanières normales ne s'appliquent pas. Ils se présentent et il y a une liste; il n'y a pas de déclaration douanière, il n'y a pas de droits ni de taxes à payer au gouvernement.

Comme je l'ai dit, le seuil est actuellement fixé à 200 $ aux États-Unis. Il est vrai que la différence, aux États-Unis, c'est qu'il n'y a pas de taxe sur les biens et service, de taxe à la valeur ajoutée ou de TVH. Par conséquent, aux États- Unis, il s'agit de sacrifier seulement les droits, puisque aucune taxe n'est perçue à la frontière.

Au Canada, il faudrait sacrifier à la fois les droits et les taxes provinciales et fédérales. Notre seuil est très bas : 20 $. Je crois savoir que, en Australie, par exemple, il est de 1000 $.

Le sénateur Finley : Ce service de messagerie m'a fait payer 24,23 $. J'ai encore la facture. Dommage que je ne l'aie pas apportée. On y dit clairement que les frais sont imposés pour importation au Canada. Qui reçoit l'argent?

Mme Osmond : Il s'agit de frais du service de messagerie. Si vous préfériez ne pas recourir à un service de messagerie, vous pourriez faire appel à un courtier en douane. Ces frais sont imposés pour des services rendus. Il faut préparer les papiers à remettre au gouvernement; l'entreprise paie les droits et taxes à votre place et se fait ensuite rembourser. Elle facture également des honoraires pour ce travail.

Le sénateur Finley : Ce n'est pas l'entreprise de messagerie qui a perçu la TVH ou la TPS, mais le fournisseur de l'article. Pourquoi l'entreprise de messagerie recevrait-elle l'argent?

Mme Osmond : L'entreprise dédouane les articles pour le client. Elle comptabilise les articles pour les douanes, déclare la valeur et les droits à payer et veille à ce que l'argent soit remis aux douanes. J'ignore si on vous a facturé d'autres frais ou si cela a pu être recueilli auprès de l'expéditeur, mais l'entreprise exige des honoraires pour ces services administratifs.

Le sénateur Finley : Je leur ai remis ma carte de crédit sur le pas de ma porte.

Le sénateur Ringuette : Très intéressant. Vous avez souligné une chose très intéressante, à propos des livres, et c'est ce règlement. Vous avez dit : « Plus précisément, le Règlement sur l'importation de livres dispose que l'importateur peut facturer au libraire le prix du livre dans le pays d'origine, plus la différence qui tient au taux de change, en ajoutant 10 p. 100 de plus si le livre vient des États-Unis et 15 p. 100 de plus s'il vient du Royaume-Uni. »

Je voudrais savoir d'abord si c'est vraiment un règlement. Dans l'affirmative, le ministre a le pouvoir de le modifier. Deuxièmement, quelle était la raison d'être de ce règlement qui majore les prix?

M. Tabor : Plus précisément, la disposition 5(1)a)(iii)(A) ajoute 10 p. 100 au prix d'un livre qui vient des États-Unis, et la disposition 5(1)a)(iii)(B) ajoute 15 p. 100 au prix d'un livre qui vient du Royaume-Uni. Et vous avez raison; il s'agit d'un règlement qui se rattache à la loi.

Le règlement a été pris aux environs de 1999, je crois, et il a imposé ces taxes qui sont perçues depuis plus de 10 ans. Nous avons toujours cru que la politique d'intérêt public laisse maintenant à désirer pour deux raisons. Dans l'énoncé de politique, la vraie raison a toujours été loin d'être précise. Il n'y a jamais eu d'obligation de consigner les montants perçus, ces 25 millions de dollars par année. Il n'y a jamais eu obligation de rendre compte de l'utilisation de cet argent. Nous n'avons pas la moindre idée de ce à quoi il a servi.

Soyons clair : ce n'est pas un montant qui est perçu par l'État. Il est recueilli par le distributeur multinational du livre.

Le sénateur Ringuette : Madame Bindseil, en Colombie-Britannique, avez-vous quelque chose à dire de ce règlement? Vous êtes grossiste, importatrice de livres. Vous avez probablement vu ces 10 ou 15 p. 100, selon le pays d'origine.

Mme Bindseil : J'ai eu peu de mal à vous entendre, mais je sais ce que vous demandez.

Le règlement a été discuté et rédigé en 1999. À cette époque, notre dollar était loin de la parité. Une fois le taux de change établi sur les articles, on ajoutait 10 p. 100 pour que les économies d'échelle rendent possible leur vente au Canada. Cela couvrait le transport d'est en ouest, et cela couvrait aussi les frais supplémentaires liés au salaire minimum.

Au Canada, nous avons un système d'agences. L'agence conserve les livres au Canada, les expédie et se charge du marketing et de la publicité des livres. Il y a des agents de vente. Ils peuvent offrir des incitatifs à la coopération. Ils peuvent aller voir nos clients et leur vendre le produit. Ces 10 p. 100 ont été ajoutés pour couvrir les frais additionnels à engager pour le marketing et l'acheminement des livres dans tout le territoire canadien.

Le sénateur Ringuette : Je peux comprendre les frais de transport additionnels, et cetera. Toutefois, le prix de détail suggéré au Canada pour ces livres est majoré de bien plus que 10 ou 15 p. 100. Ces 10 ou 15 p. 100 me semblent toujours être une taxe privée perçue par les importateurs de livres, votre association.

Mme Bindseil : D'abord, je représente l'Association of Canadian Book Wholesalers. Nous n'avons rien à voir avec l'établissement des prix. Cela relève des éditeurs.

Le sénateur Ringuette : Oui, mais il doit y avoir une sorte d'accord entre vous et l'éditeur pour accepter que, sur un article que vous importez, il y a un prix canadien différent du prix américain. Vous dites à l'éditeur que, dans le prix canadien, il vous faut 10 ou 15 p. 100 de plus, selon le pays d'origine, n'est-ce pas? Est-ce qu'il ne s'agit pas d'une condition d'importation que vous imposez aux maisons d'édition?

Mme Bindseil : Ce sont les maisons d'édition qui font l'importation, et mon entreprise achète aux éditeurs au Canada. Pour moi, il y a un facteur de confiance. Je m'occupe des livres, je ne considère pas chaque livre pour déterminer si chaque éditeur a produit chacun dans le secteur. Ce sont les éditeurs qui contrôlent cela.

Comme client, si j'estime que le prix est en dehors de la fourchette du taux de change avec 10 p. 100 en sus, je peux contourner l'agence et acheter directement aux États-Unis.

Le sénateur Ringuette : Si je peux tirer les choses au clair, vous venez de faire intervenir un nouveau protagoniste, c'est-à-dire l'éditeur canadien. Vous nous dites donc les membres de votre association n'importent pas de livres, qu'ils ne font que les distribuer et que ce sont les éditeurs canadiens qui les importent et perçoivent ces 10 ou 15 p. 100?

Mme Bindseil : Les éditeurs fixent le prix des articles au Canada. Ce ne sont pas les grossistes. Nous achetons aux éditeurs.

Le sénateur Ringuette : Il nous faut savoir si c'est l'éditeur ou le grossiste qui perçoit ces frais additionnels de 10 ou 15 p. 100.

Mme Bindseil : Ce n'est pas le grossiste.

Le sénateur Ringuette : Non? D'accord.

Le sénateur Marshall : J'ai également des questions à poser sur le Règlement sur l'importation de livres. Je crois comprendre, d'après les propos de plusieurs témoins, que si vous éliminiez ce règlement, les prix canadiens correspondraient aux prix américains, que les prix seraient identiques. C'est l'impression que j'ai, mais cela ne peut pas être exact. Ai-je raison?

M. Tabor : Les prix de détail seraient les mêmes. Chaque détaillant a le loisir d'accorder un rabais par rapport au prix de détail proposé, et mon collègue a quelques exemples. Voici un manuel sur le génie et les systèmes.

Le sénateur Marshall : C'est à supposer que le dollar canadien soit à parité avec le dollar américain, n'est-ce pas?

M. Tabor : Oui. Actuellement, le prix de détail suggéré pour ce livre sur la version américaine d'Amazon.com est de 89,95 $. C'est le prix proposé par le fabricant, si on veut.

Pour le même ouvrage chez Amazon Canada, le prix marqué est de 107,95 $. Toutefois, le détaillant, Amazon dans ce cas-ci, a décidé de réduire le prix, si bien que le prix de vente au Canada s'établit à 86,36 $, alors que le prix de vente aux États-Unis est de 62,18 $. Les devises étant à parité, voilà une différence très nette.

Le sénateur Marshall : Effectivement.

M. Tabor : Pour répondre à votre question directement, la suppression de cette majoration rapprochera les deux prix marqués. Après cela, il appartient à chaque détaillant de décider du rabais qu'il accorde par rapport au prix marqué.

Le sénateur Marshall : Cela ne va pas de soi.

Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins. La situation est-elle la même pour les revues. Pour un bon nombre d'hebdomadaires ou de mensuels, il y a un prix canadien et un prix américain. Et bien entendu, le prix canadien est toujours plus élevé. J'ai apporté une de ces revues ce matin : 7,99 $ aux États-Unis et 8,99 $ au Canada? Cela s'explique-t-il par le Règlement sur l'importation de livres? Est-ce la raison qui explique l'écart de prix habituel entre les revues? Le règlement s'applique-t-il aux revues?

M. Tabor : Dans le cas des revues, je ne sais pas trop. Je sais à quoi m'en tenir dans le cas des livres.

Le sénateur Marshall : Madame Bindseil, la question de l'écart des prix des revues vous est-elle familière? S'explique- t-il aussi par le Règlement sur l'importation de livres?

Mme Bindseil : Non, je ne suis pas au courant. Nous nous occupons des livres imprimés.

Le sénateur Marshall : D'autres témoins sauraient-ils quelque chose à propos des revues et de l'écart de prix entre le Canada et les États-Unis?

M. Lefebvre : Que les revues soient visées ou non, la suppression du règlement ferait en sorte que le consommateur profiterait probablement de ne pas voir cet écart bizarre.

Le sénateur Marshall : Il y aurait une différence.

M. Lefebvre : On en revient à la question de l'exploitation des consommateurs canadiens.

Le sénateur Marshall : Madame Osmond, à propos de l'écart entre les prix, vous avez dit que l'Agence des services frontaliers du Canada était en train de mettre en place les exigences les plus lourdes en matière de données, et que cela ferait une grande différence.

Pourriez-vous préciser? La semaine dernière un témoin a aussi parlé des exigences administratives encombrantes et coûteuses. Pourriez-vous expliquer davantage? Je veux m'assurer que nous parlons de la même chose. Mais peut-être est-ce différent. Je voudrais savoir.

Mme Osmond : Comme vous le savez probablement, il y a actuellement une initiative en cours à l'Agence des services frontaliers du Canada, ce qu'on appelle le « Manifeste électronique ». L'expression recouvre un large éventail d'exigences sur le plan des données.

Nous évoluons vers un environnement électronique pour ce qui est de la production de données, et personne n'a rien contre. Ces dernières années, cela a commencé par la déclaration des données par le transporteur. Cela a aussi commencé dans le secteur maritime après les attentats du 11 septembre, puis dans les transports aériens, et nous sommes maintenant en train de mettre en place de nouvelles exigences de production de données électroniques pour les transports routiers. Ce sera ensuite le chemin de fer. Ce sont des données fournies par le transporteur. Elles décrivent la cargaison et le mode de transport et elles finiront par donner des renseignements sur l'équipage. De plus, dans une phase ultérieure, il y aura des données qui devront être produites par l'importateur.

Vous savez peut-être que, il y a environ un an, les États-Unis ont mis en place l'Importer Security Filing dans les transports maritimes, mais jusqu'à maintenant, ils n'ont pas manifesté l'intention d'appliquer les mêmes dispositions à d'autres modes de transport.

Où en sommes-nous au Canada? L'ASFC a dit qu'elle commencerait dans les transports maritimes. Ce que nous proposons pour ce mode de transport ressemble fort à ce que les États-Unis ont fait. Ce qui nous préoccupe, c'est que l'Agence des services frontaliers du Canada propose également d'appliquer les mêmes exigences dans d'autres modes de transport, dans les transports aériens et à la frontière terrestre. Ce qui est préoccupant, c'est qu'il faut parfois produire des données légèrement nouvelles ou différentes, et qu'il faut le faire dans un certain délai. Or, dans le monde d'aujourd'hui, étant donné la façon dont les affaires se font, il peut être assez difficile de produire ces données. Voilà pourquoi nous craignons des coûts additionnels qui auront des conséquences pour les entreprises canadiennes, et ces coûts pourraient finir par être répercutés sur les consommateurs.

Le sénateur Marshall : Monsieur le président, puis-je avancer une proposition? Ce dont Mme Osmond nous parle, est-ce que nos attachés de recherche ou la greffière pourraient confirmer qu'il s'agit du système dont nous avons discuté la semaine dernière avec un autre témoin, ou s'agit-il de deux nouveaux éléments distincts qui prendront toute leur ampleur à l'avenir? Pourrions-nous avoir confirmation?

Le président suppléant : Nous allons vérifier.

Mme Osmond : M. Lavoie a comparu la semaine dernière, et je crois que la question lui a également été posée. Il a été question d'énoncés qui se trouvent sur le site web des Manufacturiers et exportateurs canadiens.

L'autre question qui est quelque peu reliée à celle-ci est l'Initiative de guichet unique de l'ASFC avec d'autres ministères et organismes.

Le sénateur Marshall : Est-ce la même chose que ce dont vous parliez ou est-ce différent?

Mme Osmond : L'Initiative de guichet unique de l'ASFC avec d'autres ministères et organismes est quelque chose de différent. Dans une certaine mesure, elle s'appuie sur l'initiative du Manifeste électronique. Il s'agit également de fournir des données électroniques au gouvernement. Nous sommes aussi en faveur du guichet unique avec les autres ministères et organismes et de cette possibilité de fournir des données à d'autres ministères au moyen d'une seule méthode. Les données seraient produites une seule fois. Si elles sont produites à l'avance, elles seraient remises à l'Agence des services frontaliers du Canada. C'est une façon d'essayer d'éliminer les dédoublements et aussi d'abandonner les déclarations sur papier.

L'une de nos craintes, cependant, c'est que, à la faveur de cette initiative, des organismes gouvernementaux n'aient l'occasion, au lieu de se contenter de ce qu'ils voulaient par le passé, de réclamer toutes ces nouvelles données supplémentaires. C'est une grande inquiétude. Nous appuyons le principe, mais la mise en œuvre nous inquiète et nous nous demandons si le fardeau ne sera pas plus lourd.

Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Tabor, je suis persuadée que les éditeurs de livres ont un groupe de pression fort qui peut contester la position que vous avez prise en faveur de la suppression de cette prétendue taxe. Avez-vous perçu quelque rapport, dans les entreprises des éditeurs, entre les bénéfices qu'ils réalisent sur les livres importés par opposition à ceux qu'ils font sur les livres publiés au Canada?

M. Tabor : Non. Au début des années 2000, Statistique Canada a cessé de suivre ce qui se passait dans l'industrie, plus précisément en ce qui concerne les manuels. Cette information n'est pas aussi solide que par le passé. Nous ne pouvons donc rien signaler qui soit substantiel.

Le sénateur Nancy Ruth : Y a-t-il des données, à compter de 1999, dont Statistique Canada avait l'habitude de se servir?

M. Tabor : Oui, mais en rétrospective. On couvrait les ventes de manuels sur le marché des études postsecondaires. Cette information n'est plus recueillie. Les données ne sont plus ventilées.

Pearson, une entreprise britannique, a pris les devants l'année dernière. Elle a isolé un certain nombre de titres et en a rapproché le prix de la parité. Les ventes, en tout cas à Queen's, ont augmenté de façon très marquée. Les éditeurs ont remarqué une défection au profit des marchés américains. Cette initiative a été perçue comme un moyen d'enrayer cet exode vers le sud. L'entreprise n'a pas fait la même chose pour tous ses titres, et la majorité des éditeurs ne lui a pas emboîté le pas, mais je crois qu'ils remarquent que les différences de prix ont un impact.

Zachary Dayler, directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes : Il est évident que notre organisation s'inquiète de ce règlement. Si vous voulez parler de l'augmentation des coûts, je dirai qu'une des choses que nous avons remarquées, c'est que, sur une quinzaine d'années, l'indice des prix à la consommation a progressé d'environ 22 p. 100 tandis que le coût des manuels augmentait de 280 p. 100. Pour ce qui est des bénéfices et de l'augmentation imposée aux consommateurs, dans ce cas les étudiants, il y a eu une hausse substantielle.

Le sénateur Nancy Ruth : N'est-ce pas là une chose que les éditeurs doivent faire, mais peuvent faire?

M. Tabor : C'est exact. Ces gens-là m'ont dit quelques fois qu'ils n'appliquent pas cette politique à tous les livres, ce à quoi je réponds : « Je ne me soucie pas des livres non visés par la politique, mais des autres. » On dirait que ce sont ceux qui se vendent. Ils peuvent facturer jusqu'à un certain prix avant que nous puissions les contourner.

Le président suppléant : Monsieur Tabor, est-il juste de conclure que ce règlement a un impact particulièrement négatif sur les manuels et sur les libraires classiques? Si on considère les réductions de prix, cela semble plus répandu aujourd'hui. Si on va dans les grands magasins comme Costco et Walmart, on constate que les prix correspondent. Dans certains cas, les prix pour les ouvrages de fiction et les autres sont plus bas que les prix américains. On dirait que ceux qui sont frappés le plus durement sont ceux qui prennent place parmi nos témoins. Est-ce exact?

M. Lefebvre : Le règlement en place facilite la tâche des multinationales qui veulent faire des achats et des importations massives. Elles peuvent se permettre de gros rabais et se garder une marge bénéficiaire réduite. Le consommateur peut acheter à meilleur prix que les libraires. Je peux contourner l'obstacle. Toutefois, la disposition et le règlement sont tels que, pour que je les contourne — s'ils ont violé la règle des 10 p. 100 — il faut que je fasse un effort pour leur faire une commande à ce prix et que j'attende un certain temps avant de pouvoir acheter légalement au prix américain, inférieur. Le coût de la main-d'œuvre nécessaire pour faire ce travail réduit la marge bénéficiaire que je peux obtenir comme libraire. Le consommateur peut aller en ligne et commander le livre à un fournisseur américain à un prix bien inférieur à celui que je peux obtenir pour ma librairie.

Le sénateur Finley : Ces frais d'option imposés par les grossistes et les éditeurs s'appliquent-ils aussi aux livres électroniques?

M. Lefebvre : Voilà qui montre encore les habitudes de notre industrie. Nous faisons les choses d'une certaine façon parce que nous les avons toujours faites comme ça. Sur le livre électronique, il n'y a aucun prix imprimé dès le départ. Pourtant, le même écart existe. Le prix moyen du livre électronique, qui a été fixé par Amazon aux États-Unis, s'élève à 9,99 $. Vous constaterez que, au Canada, les mêmes titres se vendent à 10,99 $ en moyenne. Donc, 1 $ de plus.

Nous reconnaissons les coûts de distribution et d'entreposage physique. Il y a des coûts réels, et nous respectons nos collègues éditeurs qui importent. Je ne suis pas sûr qu'il existe un coût de distribution numérique correspondant à celui de la distribution d'un objet matériel.

Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Tabor, si l'éditeur faisait disparaître cette prétendue taxe, avez-vous l'impression que le volume des ventes de vos librairies des campus diminuerait parce les éditeurs ne pourraient pas publier de façon compétitive?

M. Tabor : Non, il n'y aurait pas d'effet de cette nature. Nous estimons avec prudence que 50 p. 100 des livres sur nos rayonnages sont d'origine étrangère, mais la proportion est probablement plus proche des 75 p. 100. Inutile de publier des manuels d'algèbre dans l'optique canadienne. Ces livres sont produits surtout pour le marché américain. Nous n'entrevoyons donc aucune diminution. Cela ne devrait avoir aucun effet sur l'édition canadienne. Ces livres sont imprimés pour répondre à une demande canadienne précise. Au Canada, les éditeurs tirent leurs revenus de deux sources : la publication et l'impression de leurs propres livres, et la distribution des livres d'autres éditeurs. Nous avons du mal du côté de la distribution. Ils font de l'argent grâce aux livres étrangers, non pas grâce aux livres canadiens.

M. Dayler : Il ne faut pas oublier que, dans bien des cas, les étudiants n'ont pas le choix d'acheter ou non le manuel. C'est un ouvrage obligatoire. Sur le terrain, nous constatons que des étudiants n'achètent pas les manuels, faute de moyens. Si les entreprises commençaient à voir une diminution de la clientèle, je dis que, s'ils baissaient leurs prix, ils verraient au contraire leur clientèle augmenter.

La Nouvelle-Zélande a supprimé le règlement sur l'importation, et les consommateurs ont commencé à acheter davantage. Cela augmente la concurrence, et ceux qui ont besoin des manuels les obtiennent.

Le sénateur Callbeck : Bienvenue. Merci à tous d'être là ce matin.

Monsieur Tabor, j'ai raté beaucoup de questions sur certains termes. Vous dites que, à cause de la Loi sur le droit d'auteur, le règlement dispose que l'importateur peut facturer au libraire le prix du livre dans le pays d'origine, plus le taux de change et enfin 10 ou 15 p. 100. Lorsque vous parlez du prix du livre, s'agit-il du prix de détail aux États-Unis?

M. Tabor : Oui. Le détaillant établit toujours ses coûts en pourcentage du prix marqué. Sur un livre grand public, ce peut être 40 p. 100 en-deçà du prix marqué. Sur un manuel, c'est généralement 20 p. 100 en moins. Si le fabricant majore son prix marqué de 10 p. 100, nos coûts augmentent d'un montant correspondant.

Le sénateur Callbeck : Vous dites que l'importateur peut facturer au libraire le prix du livre. Cela veut dire le prix marqué moins ce qu'on enlève, n'est-ce pas? Que voulez-vous dire?

M. Tabor : Pourriez-vous répéter?

Le sénateur Callbeck : C'est au deuxième paragraphe de la deuxième page.

M. Tabor : Je crois avoir fait une citation directe du règlement.

Le sénateur Callbeck : Si je pose la question, c'est parce qu'on parle du prix du libre, mais ensuite, on peut ajouter le taux de change et ces 10 ou 15 p. 100. D'après cela, les 10 ou 15 p. 100 couvrent les coûts de marketing, de transports, et tout le reste.

M. Tabor : Non, les 10 ou 15 p. 100 majorent le prix marqué.

Le sénateur Callbeck : Lorsque vous parlez du prix du livre, c'est le prix marqué?

M. Tabor : Oui, c'est le prix marqué, le prix proposé par le fabricant.

Le sénateur Callbeck : C'est en fait le prix de détail?

M. Tabor : Exact, le prix de détail de départ.

Le sénateur Callbeck : C'est le prix de détail, plus le change et plus ces 10 ou 15 p. 100?

M. Tabor : Exact.

Le sénateur Callbeck : Le livre est publié aux États-Unis. Il doit avoir un distributeur exclusif, ou je présume que vous pourriez utiliser les mêmes mots, c'est-à-dire grossiste ou importateur. J'ai entendu les trois termes ici; ils sont synonymes. Généralement, les distributeurs exclusifs appartiennent-ils aux éditeurs?

M. Tabor : Dans le cas du marché universitaire, il y en a quatre ou cinq qui occupent 85 p. 100 du marché. Oui. Il doit y avoir Pearson Canada, Pearson U.K., McGraw-Hill Ryerson Canada, McGraw U.S., Wiley Canada. Le plus souvent, il s'agit des sociétés mères du pendant canadien.

Le sénateur Callbeck : Il a été dit ici ce matin que les 10 ou 15 p. 100 n'allaient pas au grossiste. Où vont-ils? Qui empoche ces 10 ou 15 p. 100?

M. Tabor : La filiale de l'éditeur située au Canada.

Le sénateur Callbeck : C'est le distributeur?

M. Tabor : Exact. L'entreprise remplit les deux fonctions. Par exemple, l'éditeur américain envoie son livre à sa filiale au Canada, et le prix marqué est majoré du même coup. Comme détaillant, n'était du règlement, je pourrais aller me fournir sur le marché de gros des États-Unis ou je pourrais acheter tel livre à un détaillant, dans bien des cas à un prix inférieur à celui du distributeur exclusif au Canada, soit, la plupart du temps, un éditeur canadien dans notre cas. Il est difficile de s'y retrouver.

Le sénateur Finley : C'est une filiale d'une société américaine.

M. Tabor : Merci; c'est une filiale.

Le sénateur Callbeck : Si le règlement est supprimé, quelles seront les conséquences pour les éditeurs au Canada?

M. Tabor : D'abord, je ne crois pas que le monde de l'édition au Canada soit touché de quelque façon.

Le sénateur Callbeck : Non, mais les éditeurs le seront.

M. Tabor : Leur marge bénéficiaire sur la distribution sera réduite de 10 à 15 p. 100.

Le sénateur Callbeck : Ne vont-ils pas pouvoir concurrencer les Américains?

M. Tabor : Dans les faits, ce sont eux, les Américains. Il s'agit d'une simple filiale de ce côté-ci de la frontière.

M. Lefebvre : Si je peux me permettre, voici un des problèmes qui surgissent, du côté commercial. Un éditeur comme Random House possède Random House Canada, qui se charge de la distribution et a la possibilité de faire ce travail au Canada. Si un consommateur achète le produit à un fournisseur américain, il n'obtient pas le contenu auprès de la source canadienne. Ce Canadien achète directement au grossiste, si bien que ni Random House Canada ni le libraire ne réalisent de bénéfices. Le bénéfice quitte complètement le Canada. La difficulté, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de preuves qui montrent cela, puisque l'argent s'en va, qu'il ne reste pas au Canada. L'observation du phénomène est difficile. Nous assistons aussi à une segmentation de notre marché, et personne au Canada n'en profite.

Le sénateur Martin : Je voudrais qu'un représentant des éditeurs soit parmi nous. Il y a beaucoup de questions.

Monsieur Dayler, je me souviens de mes années d'université. M. Tabor a dit dans son exposé que la différence est nettement plus marquée dans le cas des manuels universitaires. Je me souviens que je n'achetais pas les manuels. J'essayais de m'en passer en classe ou d'emprunter des éditions antérieures.

C'est un peu hors sujet, et c'est sans doute une question à poser aux éditeurs, mais les éditions se suivent à quelques années d'écart, et les étudiants qui n'ont pas la plus récente éprouvent des difficultés. Est-ce toujours le cas?

M. Dayler : Absolument, c'est toujours le cas. Étant donné le règlement dont nous discutons aujourd'hui et vu le genre de choix qui existe pour son application, cela peut restreindre les possibilités qui s'offrent à l'étudiant. Cela peut aussi limiter le choix du professeur lorsqu'il s'agit de décider s'il adoptera une nouvelle édition chaque année, car il sait qu'il impose des coûts aux étudiants année après année. Il faut saluer les efforts de beaucoup de magasins sur le terrain, qui, par exemple, proposent de louer des manuels. Il existe un marché énorme pour la revente des manuels. Comme vous le dites, s'il s'agit d'un cours pour lequel il y a des éditions diverses, la revente du manuel n'est pas vraiment à l'avantage des étudiants, sinon qu'ils vont dépenser leur argent pour acheter un manuel qui n'est pas forcément à la hauteur de ce que le professeur souhaite. C'est toujours un grave problème pour les étudiants.

Le sénateur Martin : Étudiants, nous pensions tous qu'il y avait là une conspiration pour nous arracher encore plus d'argent. Qui continue à produire ces éditions? Les éditeurs, mais ils consultent les professeurs et font Dieu sait quoi. Je raille, mais c'est un problème, car si nous considérons les coûts accrus pour les étudiants, à l'achat des manuels, la multiplication des éditions est injuste pour eux.

Je crois que vous avez répondu à ces questions. J'ignore si c'est l'un des problèmes au Canada, un certain manque de concurrence sur le marché canadien à cause de la faiblesse de la population et de l'étendue du territoire. La productivité est-elle un problème à l'un ou l'autre des niveaux, notamment, dans le secteur de la vente au détail, ou bien est-ce que, avec le règlement actuel et les exigences de ce secteur d'activité, ce sont simplement là les réalités et les difficultés qui existent, sans qu'il y ait un problème de compétitivité au Canada? Y a-t-il des choses que chacun de vous peut faire de son côté, dans l'industrie, pour accroître la productivité, pour rendre les choses plus efficaces ou bien est-ce qu'il s'agit simplement des difficultés de l'industrie qui occasionnent ces problèmes? Y a-t-il des choses que chacun de vous pourrait faire un peu mieux? A-t-on fait tous les efforts en ce sens? Quelles sont les contraintes?

Ma première question concerne la productivité. Y a-t-il un problème de cet ordre au Canada?

M. Tabor : Nous entendons dire de temps en temps que si le prix est élevé, c'est parce que le coût des affaires est plus élevé au Canada, et je présume que cela est lié à la productivité. Ma réponse à cela, c'est que tous les importateurs devraient avoir les mêmes contraintes et que nous devrions tous avoir le même prix. Ma grand-mère peut importer ce livre, le dernier de Tom Clancy, à meilleur prix qu'une multinationale qui vaut des milliards de dollars. Pour ce qui est de la productivité, il faudrait appeler ma grand-mère pour avoir des conseils.

Je ne crois pas que la productivité fasse problème. C'est simplement que nous pouvons relever le prix qu'il est possible obtenir pour tel livre au Canada parce que le règlement nous le permet, et nous le faisons.

Le président suppléant : Madame Bindseil, si vous avez entendu au cours des dernières minutes des choses que vous voulez commenter, sentez-vous bien libre de saisir l'occasion d'intervenir.

Mme Bindseil : Bien sûr. Le règlement sur l'importation dont nous discutons prévoit aussi une exception pour l'exemplaire unique, et c'est pour cela que le consommateur peut acheter son exemplaire sans se soumettre à l'accord. Si une librairie, un grossiste, un libraire veut le faire, il peut se prévaloir de cette exception pour l'exemplaire unique. En général, cependant, lorsqu'il s'agit de faire des commandes, lorsqu'on est en affaires, on ne se situe pas au niveau de l'exemplaire unique. C'est pourquoi l'achat au système d'agences au Canada est devenu important. C'est pour que la vente reste au Canada, je présume.

Il y a aussi tout un écart en ce qui concerne ce qu'est et ce que fait un grossiste au Canada, et ce qu'un distributeur fait au Canada, ce qu'un éditeur fait au Canada. On s'y perd un peu dans les mots. Le commerce de gros, qui est mon secteur, est un service ajouté. Après avoir obtenu le produit, nous ajoutons un service pour nos marchés. Les grossistes qui s'intéressent au commerce de détail, les grossistes qui font partie de l'Association of Canadian Book Wholesalers et s'occupent du marché du détail revendent les produits sur le marché du détail au Canada, mais ils établissent leurs prix à partir d'un escompte, et ils doivent dégager de quoi couvrir leurs frais pour les services aux librairies.

Le sénateur Chaput : Je croyais comprendre ce dont nous discutions au sujet du règlement, mais voici que ce n'est plus clair dans mon esprit. Vous me pardonnerez si je reviens à la charge avec des questions qui ont déjà été posées.

Nous discutons en ce moment d'une modification réglementaire qui pourrait ou devrait permettre aux étudiants canadiens de réaliser des économies. Il s'agit des livres. Cette disposition s'applique aux livres, mais pas forcément aux revues. Il est possible que les revues soient assujetties à une autre réglementation. Est-ce exact?

M. Lefebvre : Nous soupçonnons que les revues sont visées par le même règlement, mais il faudrait vérifier.

M. Tabor : Je viens de regarder le règlement. Il ne dit rien des revues. Il semble s'appliquer expressément aux livres.

Le sénateur Chaput : Est-ce d'un règlement sur l'importation que nous discutons? S'applique-t-il uniquement aux livres que nous importons ou aussi à ceux que nous exportons? La dame a parlé d'un règlement sur l'importation. Est- ce la même chose?

M. Tabor : Le règlement ne porte que sur les livres importés.

Le sénateur Chaput : Ce qui veut dire les livres qui sont importés?

M. Tabor : Au Canada.

Le sénateur Chaput : Les économies qui seraient réalisées si les frais n'étaient pas imposés, cela concerne seulement les livres importés des États-Unis?

M. Tabor : De tous les pays.

Le sénateur Chaput : Qui y perdrait? Les étudiants y gagnent parce qu'ils n'ont pas à payer les frais. Est-ce que ce sont les importateurs qui perdraient, puisqu'ils n'empocheraient pas ces frais?

M. Tabor : Oui.

Le sénateur Chaput : Les importateurs, c'est-à-dire les éditeurs et les grossistes.

M. Tabor : C'est juste. Quiconque est considéré comme un distributeur exclusif du livre. Il y a là une entente commerciale. Il peut s'agir d'un grossiste ou de la filiale d'un éditeur.

Le sénateur Chaput : La perte de ces frais leur serait préjudiciable?

M. Tabor : Effectivement.

Le sénateur Chaput : Oui, elle le serait, certainement.

Le sénateur Buth : Ma question s'adresse à Carol Osmond. Merci de votre excellent exposé.

Vous avez utilisé l'exemple de droits de 18 p. 100 sur les patins et les chaussures de sport et vous avez ajouté que la suppression de ces droits ne se traduirait pas forcément par une réduction du prix de 18 p. 100 pour le consommateur. Vous avez énuméré différents droits.

Avez-vous de l'information en général ou des exemples où des produits en franchise de droits ont un prix semblable au Canada et aux États-Unis? Y a-t-il des produits qui ne sont frappés d'aucun droit et dont le prix est très différent au Canada et aux États-Unis? J'essaie de voir quel est l'impact des droits sur les prix au Canada. Y aurait-il une réduction des prix si nous supprimions ces droits?

Mme Osmond : Je n'ai pas d'exemple en tête, et je n'ai pas proposé ces exemples pour montrer que les droits expliquent les différences de prix entre les deux pays. Nous avons comparé le taux des droits pratiqués au Canada et aux États-Unis et je crois me souvenir que, pour certains produits, il y a des droits aux États-Unis également. Mais en général, ils sont plus faibles.

Indifféremment du fait qu'on peut comparer les prix entre les deux pays, si votre objectif ultime est de faire baisser les prix pour les consommateurs canadiens, il y a un certain nombre de choses que le gouvernement peut faire. Dans ce cas-ci, il y a certains droits qui ont toujours été élevés sur certains produits parce qu'il s'agissait de mesures protectionnistes. Cela revient à des choses dont nous avons parlé tout à l'heure : nous continuons à faire les choses comme nous les avons toujours faites. Ces 18 p. 100 de plus sont cachés dans le prix, quelque part. Il y a là une possibilité pour certains types de produits, et cela pourrait se traduire par des prix à la consommation plus bas. Mais nous ne voulons pas susciter des attentes puisque, comme je l'ai dit, une réduction de 18 p. 100 des droits ne se traduit pas par une réduction de 18 p. 100 du prix de détail. De toute évidence, ce n'est pas le cas.

Dans le même ordre d'idées que les taux des droits, nous parlons de l'appréciation du dollar canadien. D'autres témoins en ont parlé. Ils ont parlé de la transmission de l'économie. Voici mon interprétation. J'achète un produit qui vaut mettons 10 $US, et le dollar canadien passe de 80 cents à 1 $, à parité avec la devise américaine. L'importateur réalise des économies de 20 p. 100 sur le produit. Évidemment, cela ne se traduit pas par une réduction de 20 p. 100 du prix à la consommation, étant donné que son coût est celui du produit acheté au fournisseur étranger à 10 $, par exemple. Le prix de détail peut être de 20 $ ou de 30 $. Proportionnellement, l'économie est plus faible. Nos économies sont réalisées sur les coûts pour le fournisseur étranger, et nous ne pouvons pas compter que, parce que le dollar canadien s'est apprécié, cela se traduira par la parité des prix dans les deux pays.

Le sénateur Buth : C'est que le coût du produit même ne représente qu'une petite partie lorsqu'il se retrouve sur la tablette.

Mme Osmond : Exactement, et puis il y a les coûts de distribution et de marketing.

Le sénateur Finley : C'est ce qui va se passer de toute façon. Votre logique est boiteuse. Si j'ai une clé électronique et si je l'apporte du point A au point B, peu importe quel était le prix de cette clé. C'est toujours le même prix.

Mme Osmond : Non, mais nous discutons des taux de change, et nous disons que le dollar canadien s'est apprécié. Cela ne se traduit pas par des économies pour l'importateur puisque, auparavant, pour acheter un objet de 10 $US, il devait débourser 1,20 $. Maintenant, je ne paie plus 1,20 $ à l'achat, mais 1 $. J'ai économisé en gros 20 p. 100. Toutefois, lorsque je le vends, je le vends à un prix majoré. J'ai donc économisé 20 p. 100 par rapport au montant que je paie à l'importation. Ce n'est pas 20 p. 100 du prix au détail, mais 20 p. 100 de mon coût d'acquisition.

Le sénateur Buth :Je voudrais revenir là-dessus. Vous avez dit que certains de ces droits ont été imposés pour des raisons valables à une époque. Peut-être avions-nous une industrie de la chaussure, et les 18 p. 100 dont vous avez parlé visaient à protéger cette industrie.

Que recommanderiez-vous, pour ce qui est de réexaminer ces droits et de voir s'il y a lieu de les modifier?

Mme Osmond : Au ministère des Finances, lorsque le ministre envisageait de réduire le coût des importations des fabricants, notamment les machines et le matériel, il y a eu des consultations. Ce que nous pouvons faire, c'est une analyse détaillée des taux de ces droits afin d'envisager la possibilité de les réduire. Est-il justifié de maintenir ces droits élevés? Il y a un coût et un avantage. Vous avez raison. Quel pourrait être l'impact sur un manufacturier canadien? Il se pourrait qu'il soit contraint à être plus efficace. Comme je l'ai dit à propos de mon costume, de mon manteau et de mes bottes, les Canadiens peuvent être très compétitifs. Ils ont des produits de qualité fort bien conçus. Il m'est arrivé de porter ce manteau pour aller aux États-Unis et des gens, à bord de l'avion, m'ont interpellée pour me demander d'où venait ce manteau. Nous pouvons assurément livrer concurrence.

Le sénateur Gerstein : Je dois avouer, monsieur Lefebvre, que plus encore que notre collègue, le sénateur Chaput, vos observations me perdent. Je dois confesser que ce n'est pas la première fois que je ne sais trop où j'en suis, et ce ne sera par la dernière, mais je vous ramène à votre déclaration. Au quatrième paragraphe, vous dites que vos membres sont fatigués de s'excuser d'une politique qu'aucun d'entre eux ne contrôle. Je présume qu'il s'agit de la politique relevant de la Loi sur le droit d'auteur, de ces 10 ou 15 p. 100 qui sont ajoutés par les éditeurs.

Au sixième paragraphe, vous dites que vous n'avez pas tellement à redire contre les éditeurs canadiens, mais plutôt contre les multinationales, quelles qu'elles soient. Et vous recommandez à l'avant-dernier paragraphe : « Il est temps que nous abordions le problème avec intelligence et raison au lieu de continuer à faire ce qui s'est toujours fait par le passé. »

« Intelligence et raison », voilà qui pique toujours l'attention des sénateurs. Nous sommes compris dans ce groupe. Je voudrais donc savoir pour commencer qui désigne ce « nous ». Que « nous » demandez-vous de faire? Qui sont les multinationales? Quel est l'enjeu, d'après vous? Je m'y perds.

M. Lefebvre : Je vais subdiviser ma réponse. Commençons par le « nous ».

Comme libraire, lorsque je dis « nous », je pense non seulement à moi et à mes collègues qui exploitent des librairies partout au Canada, mais aussi à l'industrie elle-même. Nous travaillons de concert avec les représentants des ventes, les grossistes et les éditeurs. Nous travaillons ensemble comme secteur d'activité.

Mon collègue, M. Tabor, a signalé un exemple récent et il illustre notre collaboration. Il s'agit de Pearson Canada, qui a décidé de prendre position. L'entreprise était consciente d'un problème auquel il fallait s'attaquer et elle a réduit les prix marqués pour le Canada pour tenir compte des écarts. Au lieu d'ajouter ces 15 ou 20 p. 100 supplémentaires, elle a abaissé le prix. Grâce à cette mesure raisonnable, à ce choix intelligent et éclairé, les ventes des produits dont le prix a été réduit ont augmenté dans nos établissements. Pearson Canada a pris la décision éclairée de réduire le prix, ce dont nous avons tous profité.

Le sénateur Gerstein : Ce sont vos affaires, pas celles du gouvernement.

M. Lefebvre : C'est juste. Ce que je dis, c'est que nous devons travailler très fort afin de contourner un règlement qu'il serait facile d'abolir, de sorte que nous n'ayons pas tout ce travail à faire pour en arriver là.

Je propose que nous examinions le règlement pour voir s'il fait toujours ce qu'il devait faire lorsqu'il a été pris, en 1999, ou s'il complique la vie aux entreprises locales et indépendantes qui recherchent la rentabilité au Canada.

Le sénateur Gerstein : Vous avez dit que le problème se posait du côté des multinationales. Qui sont-elles?

M. Lefebvre : Je serai honnête avec vous : Pearson du Royaume-Uni est la multinationale qui profiterait normalement de cette disposition. Lorsqu'elle a perdu des ventes, Pearson Canada a dû reconnaître qu'elle ne réalisait plus ce pourcentage additionnel de profit sur les ventes. Il fallait prendre cette décision. Elle a adopté une approche tout à fait canadienne, disons, car elle était disposée à prendre un risque pour voir si elle réussirait à éviter de perdre des ventes.

Le sénateur Gerstein : Le problème, ce sont les multinationales à l'exception de Pearson?

M. Lefebvre : C'est là l'exemple d'une multinationale qui a des gens qui travaillent à l'intérieur de la filiale canadienne, et ces gens reconnaissent que la politique fait problème et l'utilisent à leur avantage. C'est toutefois une grande exception.

Le sénateur Gerstein : Pourquoi les autres ne font-elles pas la même chose? Vous leur avez donné le meilleur exemple qui soit : les ventes ont augmenté. Tout le monde serait enchanté.

M. Lefebvre : Ce que cela veut dire, c'est qu'aucun éditeur, nulle part, et personne ici présent n'aura jamais vu cela... Lorsque les journalistes signalent le problème du prix des revues et des livres, c'est le libraire, et non l'éditeur, qui affronte les caméras et les consommateurs et essaie de défendre l'industrie dans son ensemble, alors que ce n'est pas lui qui établit le prix marqué. Beaucoup de libraires acceptent des rabais.

Lorsque, pour la première fois, le dollar a atteint la parité, M. Smith, mon collègue, essuyait des pertes dans bien des cas en essayant de vendre des livres au même prix qu'aux États-Unis dans sa librairie d'Ottawa. Beaucoup de libraires offrent sans cesse des rabais pour attirer des consommateurs et les inciter à acheter dans leur librairie locale, au Canada.

Au fond, c'est beaucoup de tracas pour contourner un seul règlement qui pourrait rendre plus attrayant pour le consommateur l'achat chez des détaillants canadiens.

Le sénateur Gerstein : Je déduis de vos observations que vous souhaitez que nous examinions cette majoration de 15 p. 100, mais, en ce qui concerne vos derniers propos au sujet d'une approche intelligente et raisonnable du problème, vous ne nous englobez pas dans le lot?

M. Lefebvre : Vous agissez toujours avec intelligence et raison.

Le sénateur Gerstein : Belle manière de conclure la réponse. Merci beaucoup.

Le sénateur Peterson : Merci aux témoins de leurs exposés. Monsieur Tabor, pourriez-vous louer des manuels aux étudiants?

M. Tabor : Nous avons fait l'essai de ce programme cette année. Nous louons maintenant environ 30 p. 100 de nos titres aux étudiants, à la journée, à la semaine, au semestre ou à l'année. C'est nouveau au Canada. Le programme a environ un an, et c'est une solution attrayante pour bien des étudiants. Nous sommes enchantés.

Le sénateur Peterson : Quel est votre avis, monsieur Dayler? Est-ce une solution que vous préconiseriez?

M. Dayler : Bien sûr, il est important de veiller à ce que les étudiants aient les manuels dont ils ont besoin à un prix abordable, mais la location de manuels doit avoir ses limites. S'il s'agit d'un étudiant en relations publiques et s'il a un manuel sur les normes, il aura besoin de ce manuel pendant une bonne partie de sa carrière, jusqu'à la publication d'une autre norme. Dans ce cas, il peut y avoir des limites.

Par exemple, si on permet à un charpentier d'utiliser son tournevis dès qu'il est à l'école, mais en exigeant qu'il le rende lorsqu'il part étant donné qu'il l'a loué, cela ne correspond pas forcément à la durée d'utilisation par l'étudiant de l'outil dont il a besoin.

Le sénateur Peterson : C'est une possibilité parmi d'autres. Monsieur Tabor, vous avez dit que d'un trait de plume, nous pourrions faire épargner des millions de dollars aux étudiants. Qui doit tracer ce trait de plume?

M. Tabor : Sans doute les excellentes gens de Patrimoine canadien et d'Affaires étrangères et Commerce international Canada. Il s'agit d'un règlement. Je ne sais pas trop comment le mécanisme fonctionne. La disposition ne se trouve pas dans la loi, mais à l'extérieur de la loi.

Soyons clairs. Il s'agit d'un arrangement commercial selon lequel une partie devient distributeur exclusif. Selon toute probabilité, nous continuerions à acheter les livres à ce distributeur exclusif. Nous voulons simplement que le règlement soit modifié pour que les taux de 10 et de 15 p. 100 soient ramenés à zéro.

Le sénateur Peterson : Je présume que vous avez parlé à des représentants de Patrimoine canadien. Ça va de soi. Cela ne coûte rien au Trésor public. Que vous répondent-ils?

M. Tabor : Depuis 1999, il m'est arrivé de discuter de cette question avec bien des gens à Ottawa. La dernière fois, cela s'est perdu dans les discussions sur le projet de loi C-11. La question est passée au travers des mailles du filet. J'aime beaucoup Ottawa, mais je n'ai pas hâte de revenir parler de cette question l'an prochain. Nous verrons ce qui se passera.

Le président suppléant : Ceux qui tiennent la plume, les gens de Patrimoine canadien, comparaîtront demain devant le comité. Nous pourrons leur poser la question.

Une question rapide, madame Osmond, à propos de l'opacification de la frontière. Vous en avez peut-être parlé. Si oui, cela m'a échappé. Je me demande si l'un ou l'autre des éléments du plan d'action Par-delà la frontière dissipera les préoccupations dont vous avez parlé aujourd'hui. Avez-vous de l'espoir? Avez-vous étudié ce plan d'action?

Mme Osmond : Nous espérons toujours. Une disposition du plan d'action traite de l'harmonisation des données à fournir préalablement. Dans une quinzaine de jours, il y aura une réunion à Niagara Falls, dans l'État de New York, une réunion commune de l'Agence des services frontaliers du Canada et du U.S. Customs and Border Protection. Nous aurons peut-être un peu plus d'information à ce moment-là. J'espère, mais je ne suis pas terriblement optimiste au point de croire que j'obtiendrai le résultat souhaité pour mes membres. Il faudra attendre de voir. Il est possible que cette initiative soit utile à cet égard.

Le sénateur Finley : J'essaie de comprendre. Ces 10 ou 15 p. 100 sont prévus par une loi sur le droit d'auteur?

M. Tabor : Exact. Il s'agit d'un règlement.

Le sénateur Finley : Il ne s'agit pas de droits tarifaires. Cela ne relève ni du ministère des Finances ni du Conseil du Trésor, mais c'est prévu par Patrimoine canadien pour protéger le droit d'auteur. C'était la raison, au départ?

M. Tabor : Oui. La distribution est un aspect de la Loi sur le droit d'auteur. Vous avez raison. Il s'agit d'un règlement, non d'un droit tarifaire relevant des finances.

Le sénateur Finley : La nouvelle loi sur le droit d'auteur modifie-t-elle quelque chose à cet égard ou reste-t-elle silencieuse?

M. Tabor : Elle ne dit rien de cela.

Le sénateur Finley : Une dernière question sur la logistique, mais vous ne pourrez pas nécessairement répondre. Si, par exemple, je vais sur Amazon.com pour voir les livres et décide d'y faire une commande, on me renvoie automatiquement, en général, à Amazon.ca, et voici que je trouve le même livre.

Je refuse de croire qu'Amazon, par exemple, mais ce pourrait être n'importe qui d'autre, a un entrepôt ou un centre de distribution tellement grand au Canada que le livre, le DVD ou le CD que je cherche se trouve sur les tablettes. Il est probablement expédié depuis les États-Unis. C'est une entreprise assez intégrée. Est-ce qu'on me fait payer les 10 ou 15 p. 100 en général? Le savez-vous? Est-ce que le produit est tout simplement acheminé et est-ce qu'on prélève 10 ou 15 p. 100 parce que le règlement le permet?

M. Tabor : Disons d'abord qu'Amazon est un concurrent redoutable, je peux vous le dire, mais ce concurrent ne manque pas d'intégrité. C'est un joueur honnête.

Le sénateur Finley : Non, je ne veux pas laisser entendre qu'il en va autrement.

M. Tabor : Lorsqu'un client passe d'Amazon.ca à Amazon.com, Amazon garde toujours son client. Lorsque notre client, au Canada, passe chez Amazon.com, nous n'avons plus ce client. Amazon gagne dans tous les cas. L'entreprise gagne un peu moins lorsque le client achète sur le site .com. Je ne peux rien dire de sa distribution ni du respect des commandes; je n'ai pas la moindre idée.

Le sénateur Ringuette : Ma question fait suite à celle du sénateur Finley. Dans le cas de figure d'Amazon, l'exemption pour exemplaire unique s'applique, si bien que la majoration de 10 p. 100 ne s'appliquerait pas, si c'est un livre publié aux États-Unis. C'est exact.

M. Tabor : Elle ne s'appliquerait pas parce que l'achat se fait sur le marché américain. C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Non, mais le client a été renvoyé à Amazon.ca. L'achat se fait donc au Canada. Mettons que nous en restions à l'exemple d'Amazon aux États-Unis, puisque cette exemption pour exemplaire unique s'adresse au particulier qui achète le produit. Les 10 p. 100 prévus dans le règlement ne s'appliqueraient pas, si j'ai bien compris.

M. Tabor : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Dès le départ, il y a ces 10 p. 100 si le livre vient des États-Unis?

Y a-t-il des droits d'importation sur les livres?

M. Tabor : Non.

Le sénateur Ringuette : Les droits tarifaires ne font donc pas partie du problème? Toutefois, j'ai noté ici : « éditeur, importateur, grossiste, distributeurs et points de vente au détail ». Voilà cinq entités différentes au Canada, et chacune ajoute sa part de revenu d'exploitation. Voilà cinq intermédiaires.

Le secteur me semble l'artisan de son propre malheur au Canada. Nous sommes à l'ère des achats sur Internet, de la suppression des barrières pour toutes ces entités lucratives — pour peu qu'elles fassent de l'argent —, mais je suppose qu'on juge l'arbre à ses fruits. Cinq étapes dans la chaîne de distribution vers le consommateur, à mon avis, c'est beaucoup trop.

Personne ne veut rien dire?

Mme Bindseil : Les 10 p. 100, ce sont les éditeurs, pas les intermédiaires. Nous travaillons dans un système d'agences au Canada. Les droits de distribution au Canada sont vendus. C'est à ce stade qu'on s'occupe de l'entreposage de produits au Canada, du marketing, c'est là qu'on trouve les représentants de vente, qu'on achète en dollars canadiens, qu'on achète à un entrepôt canadien, à un service au consommateur. Il y a tout cela. Cela se rattache aux 10 p. 100. Ce sont les éditeurs qui ajoutent ce pourcentage. Ensuite, les grossistes établissent leurs prix.

Nous vivons tous de ces marges; nous obtenons des escomptes sur le prix marqué. Nous vivons de ces marges et nous offrons un service ajouté au consommateur canadien.

Christopher Smith, vice-président, Canadian Booksellers Association : Abordons la question de façon plus globale. L'enjeu, en fin de compte, c'est l'accès aux produits pour le consommateur, peu importe le circuit. L'arrivée d'Internet a multiplié le nombre de circuits qui s'offrent au consommateur moyen pour acquérir les produits.

Par le passé, le consommateur a toujours fait ses achats chez un détaillant installé dans un magasin physique. Ce n'est plus le cas. Vu le choix offert, le prix n'est pas le seul facteur. Bien des consommateurs préféreraient acheter à un fournisseur canadien, particulièrement dans un magasin bien concret, s'ils le pouvaient. Il y a là une certaine relation; on connaît son détaillant, qu'il s'agisse d'une petite entreprise ou d'une société nationale canadienne à laquelle on fait confiance.

Dans l'industrie du livre, toutefois, il est tellement moins cher pour le consommateur moyen d'acheter chez le fournisseur américain, notamment, qu'il a l'impression de ne pas avoir le choix, de devoir contourner le détaillant canadien à qui il se serait normalement adressé.

Une partie du problème tient à l'énorme différence entre les prix. La situation s'est beaucoup améliorée, mais le détaillant que je suis a encore du mal à donner des justifications, puisqu'il est évident qu'il y a deux prix imprimés sur le livre, avec un écart de plus de 10 p. 100. La plupart des consommateurs veulent bien comprendre qu'il y a un coût à assumer pour faire des affaires au Canada et qu'une petite différence de prix est acceptable.

Lorsque je discute avec mes collègues américains et qu'ils m'interrogent sur ma position, je leur dis que nous avons des soins de santé financés par l'État et qu'il faut bien les payer d'une façon ou d'une autre. C'est une réponse désinvolte, mais elle montre que les Canadiens comprennent qu'il puisse y avoir une différence de prix, pourvu qu'elle reste raisonnable.

Comme détaillant, j'ai beaucoup de mal à justifier pour le consommateur le fait que, parce que le mode de distribution est fixé dans la législation sur le droit d'auteur et son règlement d'application, ce qui a des conséquences pour les prix, il me faut plus de temps pour obtenir un livre de Toronto, puisque la plupart des entrepôts des éditeurs et des grossistes se trouvent dans l'agglomération torontoise, que si je le commande à un grossiste américain. Je peux obtenir le livre des États-Unis pour le client en deux jours et à meilleur prix que si je recourais à l'actuel système de distribution canadien.

Est-ce que ce rôle me convient? Non, pas du tout, mais je suis en première ligne et je dois apporter des justifications pour d'autres éléments de l'industrie sur lesquels je n'ai aucun contrôle direct à titre de détaillant.

Est-ce que j'y perds en crédibilité? Tout à fait. Quelqu'un a-t-il envie de ça? Vraiment pas.

Le sénateur Ringuette : J'ai une question à poser sur les livres, puis une autre sur les droits tarifaires.

Le prix canadien est imprimé sur le livre. C'est donc l'éditeur qui, de son propre chef, inscrit le prix de détail canadien suggéré, ou il le fait en discutant avec les importateurs, les grossistes et les distributeurs?

Mme Bindseil : Ce sont les éditeurs qui mettent le prix sur les livres. J'espère qu'ils consultent leur système d'agences pour savoir quel prix le marché peut accepter, mais ce sont eux qui mettent le prix sur les livres.

Le sénateur Ringuette : Je vais m'adresser à Mme Osmond. Vous avez avancé quelques idées, dont l'une consistait à abaisser les droits tarifaires. Selon vous, combien les droits dont vous parlez ici rapportent-ils au gouvernement fédéral?

Mme Osmond : Actuellement, l'Agence des services frontaliers du Canada — les chiffres sont probablement ceux de 2010 — perçoivent environ 23 milliards de dollars pour la taxe sur les produits et services, et les droits ont rapporté quelque 3,5 milliards de dollars. Ce montant correspond à l'ensemble des produits assujettis à des droits. Les droits sur les intrants des manufacturiers, les machines et le matériel, par exemple, seront progressivement éliminés d'ici 2015, ce qui laisse le solde; une fois que ces droits auront été éliminés, j'ignore quel sera l'impact sur la baisse du produit des droits de douane, mais on peut présumer que, une fois retirés les droits sur les machines, le matériel et d'autres importations, il restera presque uniquement les biens de consommation. J'ignore la répartition actuelle entre les deux.

Le sénateur Ringuette : Nous devrons demander à Revenu Canada pour le savoir exactement. Je crois me souvenir que quelqu'un a dit que c'était de l'ordre de 2 milliards de dollars.

Le sénateur Callbeck : J'ai une courte question à poser à Mme Osmond. À la troisième page de votre mémoire, vous écrivez que, même si, dans l'ensemble, les prix à la consommation sont plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, ce n'est pas vrai pour toutes les catégories de produits. Selon vous, il y a au Canada des catégories de produits dont le prix à la consommation est plus bas qu'aux États-Unis. Quelles sont ces catégories?

Mme Osmond : Je me fie uniquement à mon expérience personnelle, et je n'ai pas l'habitude de courir les magasins. Voilà ma mise en garde. Je peux vous dire, après avoir voyagé aux États-Unis pendant des années, notamment au début des années 2000, que, selon mon expérience de consommatrice ordinaire qui se présente dans un supermarché aux États- Unis, et dans ce cas, il s'agissait de Tucson, en Arizona, et compare les prix américain et canadien de tel ou tel produit, et à l'époque, le dollar canadien était très faible, les prix étaient identiques. Si je payais un produit donné 5 $ au Canada, il coûtait également 5 $ aux États-Unis. Pour moi, Canadienne, ce prix était beaucoup plus élevé. Il s'agit de produits alimentaires.

Dans des villes comme Washington, par exemple, mon expérience de consommatrice me dit que les prix étaient plus élevés. Je suis allée à Washington récemment. Je suis allée dans un magasin d'alcools pour prendre une bouteille de vin, et j'ai été étonnée de constater que les prix étaient plus élevés. J'ai vérifié ma bouteille ordinaire, un Pinot Grigio d'Italie, et elle coûtait 2 $ ou 3 $ de plus au magasin d'alcools de Takoma Park, au Maryland, qu'à la succursale de la LCBO près de chez moi.

Il arrive souvent que nos impressions viennent de l'expérience personnelle de certains achats. Je fais simplement une mise en garde : nous devons admettre que certains prix peuvent être plus bas au Canada. Dans notre propre pays, et c'est certainement la même chose aux États-Unis, il arrive qu'on achète un produit dans une région des États-Unis plus cher que dans une autre région, et c'est la même chose chez nous.

Le sénateur Callbeck : Êtes-vous au courant de quelque étude qui montrerait où les prix à la consommation au Canada sont plus bas?

Mme Osmond : Non, je n'en connais pas.

Le sénateur Finley : Il y en a une qui remonte à 2007.

Le sénateur Callbeck : D'autres observations?

Le sénateur Buth : J'ai une question à poser à Mme Bindseil. Vous avez parlé de « système d'agences » au Canada. Qu'est-ce que cela veut dire? Que nous devons avoir une agence ou que c'est simplement la façon de fonctionner? Qu'entendez-vous par « système d'agences »?

Mme Bindseil : Random House Canada par opposition à Random House mondial. C'est sans doute la meilleure façon de l'expliquer. Il y a des éditeurs au Canada... Je crois comprendre que, pour certains livres, la situation est la même au Canada que celle qui a cours aux États-Unis, soit que la société entrepose ses livres dans ses propres installations, qu'elle a son personnel de soutien et de service au consommateur, et ces livres sont distribués à l'est et à l'ouest au Canada. Certains systèmes d'agences font également de l'édition au Canada, ils ont un programme d'édition au Canada. Dans le système d'agences qui distribue les livres américains, une partie des revenus de la distribution sert à financer le programme d'édition au Canada, à publier des livres canadiens.

Le système d'agences est fragile et risque fort de disparaître si la valeur nominale des livres était telle que 10 $US équivalaient à 10 $ canadien. Il n'y aurait plus aucun soutien financier pour le système d'agences au Canada, qui finance également notre programme d'édition au Canada.

Le sénateur Peterson : Pourquoi les éditeurs impriment-ils les deux prix à l'endos des livres? Par choix?

M. Lefebvre : Bonne question. Nous nous la posons également.

Le sénateur Peterson : Nous n'avons aucun éditeur qui soit là pour répondre. Y en a-t-il qui comparaîtront demain?

Le président suppléant : Nous espérons avoir également quelqu'un qui nous parlera des revues demain. Le sujet intéresse beaucoup de Canadiens.

Voilà qui conclut notre audience d'aujourd'hui. Je remercie les témoins d'avoir comparu aujourd'hui pour nous aider dans nos délibérations, et spécialement Mme Bindseil, en Colombie-Britannique, qui a dû se lever très tôt.

(La séance est levée.)


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