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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 22 - Témoignages du 14 juin 2012


OTTAWA, le jeudi 14 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 13 heures pour étudier teneur complète du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, présenté à la Chambre des communes le 26 avril 2012.

Le sénateur Larry W. Smith (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la teneur complète du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, présenté à la Chambre des communes le 26 avril 2012.

[Traduction]

Honorables sénateurs, bienvenue à cette 19e séance sur la teneur du projet de loi C-38. Cet après-midi, nous étudierons la section 17 de la partie 4, les amendements à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous sommes à la page 285 du projet de loi.

Nous accueillons le Dr John Haggie, président de l'Association médicale canadienne. De l'Institut canadien d'information sur la santé, nous recevons Jean-Marie Berthelot, vice-président aux programmes, de même que Chris Kuchciak, gestionnaire des dépenses de santé.

Docteur Haggie, je crois que vous avez une courte déclaration d'ouverture à faire. Nous allons commencer avec vous, puis nous céderons la parole à M. Berthelot.

Dr John Haggie, président, Association médicale canadienne : Au nom de l'AMC et de ses 76 000 membres, je vous remercie de nous permettre de venir témoigner devant le comité.

Reconnaissant la réputation du Sénat comme Chambre de réflexion, je sais que les membres du comité sont prêts à entendre l'opinion de tous les Canadiens; comme j'ai déjà témoigné devant d'autres comités du Sénat, je sais aussi que les sénateurs ont tendance à ne pas juger nécessairement mauvaises les critiques fondées sur les meilleures intentions. Comme organisation qui défend la santé et les soins de santé pour le compte des Canadiens, nous essayons vraiment, à l'AMC, de nous montrer constructifs et j'espère que c'est dans cet esprit que mes propos seront entendus.

Comme tous le savent, le budget fédéral de 2012 est un document volumineux qui couvre un vaste éventail de secteurs. Pour la santé, il contient des mesures louables et d'autres qui sont moins positives. Dans l'ensemble, toutefois, nous sommes déçus de voir que ce budget ne fait pas grand-chose pour nous rapprocher de ce qui devrait constituer selon nous un objectif majeur du gouvernement fédéral, soit collaborer et développer un plan avec les provinces pour transformer notre système de santé afin qu'il réponde aux besoins du Canada au 21e siècle.

Le budget établira dans la loi le cadre des transferts au titre des soins de santé annoncés en décembre dernier par le ministre des Finances, ce qui est important. Nous sommes d'avis que cette prévisibilité du financement fédéral aide les provinces à gérer la prestation des services de santé. Les changements apportés à la prestation des services aux anciens combattants, aux programmes de santé mentale pour les forces armées et au régime d'assurance-emploi nous préoccupent toutefois.

Nous avons aussi des réserves à l'égard des changements annoncés à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et à l'Agence de la santé publique du Canada. Ces changements auront-ils des répercussions sur la santé de la population canadienne? Nous espérons que non, mais nous ne le savons pas pour le moment

Il y a une chose qui est sûre, c'est qu'il ne faut pas faire disparaître le déficit au détriment des pauvres âgés en leur refusant les prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) pendant deux ans. Ce changement pourrait avoir de graves répercussions sur ce groupe vulnérable et nous devons nous interroger sur sa justification, car le directeur parlementaire du budget et d'autres intervenants sont d'avis que cette mesure n'est pas nécessaire du point de vue actuariel. La possibilité que les provinces doivent faire davantage pendant que le gouvernement fédéral réduit ou laisse tomber certaines de ses responsabilités traditionnelles à l'égard de la santé nous préoccupe aussi.

Le gouvernement fédéral prévoit ne plus fournir de soins de santé à la GRC. Cette décision et les réductions des services fédéraux provisoires de santé pour les réfugiés alourdiront en réalité les pressions exercées sur les provinces, tout comme le feront les modifications de la SV.

Les compressions budgétaires qui alourdissent les pressions exercées sur d'autres secteurs du système de santé ne sont pas des économies. Elles assainissent peut-être le bilan d'un côté, mais quelle en est la valeur pour les Canadiens si elles déstabilisent le bilan quelque part ailleurs tout en dégradant notre filet de sécurité sociale?

Qu'est-ce que ce budget aurait pu inclure qu'il ne prévoit pas? D'abord, un programme national d'assurance-médicaments, engagement pris dans le Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004. Environ un Canadien sur 10 n'a pas les moyens de payer ses médicaments d'ordonnance, et ce pourcentage est encore plus élevé dans ma province, c'est-à-dire Terre-Neuve-et-Labrador.

D'abord et avant tout, toutefois, ce budget ne présente aucune vision pour l'avenir des soins de santé. Lorsque la ministre de la Santé a indiqué il y a six mois qu'elle souhaitait collaborer avec les provinces et les territoires pour instaurer des mesures d'imputabilité afin d'optimiser l'utilisation des ressources et d'améliorer les soins aux patients, cela nous a encouragés. Nous attendons avec impatience de voir le plan de la ministre. Mes collègues de l'ICIS ici présents parleront de quelques-unes des données existantes qui pourraient éclairer ce plan.

Le gouvernement fédéral a certes pris un engagement financier, mais nous n'avons pas de vision ou de plan national pour la santé établi en collaboration avec les provinces et les territoires. C'est crucial parce que les soins de santé, ce n'est pas seulement une question d'argent : c'est aussi ce qu'on fait avec cet argent.

Nous sommes d'avis qu'une façon pour le gouvernement fédéral de jouer son rôle de chef de file dans les soins de santé consiste à soumettre les décisions sur les politiques à une évaluation des incidences sur la santé. Il faudra aborder toutes les décisions dans l'optique de leurs répercussions possibles sur la santé, sur les soins de santé et sur les objectifs généraux du Canada en matière de santé. La Nouvelle-Zélande et certains pays d'Europe utilisent un modèle semblable.

Nous serions heureux de travailler conjointement avec le gouvernement fédéral et les autres groupes clés afin de développer un modèle d'évaluation des incidences sur la santé pour les décisions politiques au Canada.

Le Sénat du Canada a produit de nombreux rapports extrêmement solides sur les soins de santé. Le plus récent remonte à mars, soit Un changement transformateur s'impose : Un examen de l'Accord sur la santé de 2004. Comme il recommande que le gouvernement fédéral utilise les dépenses considérables qu'il affecte aux soins de santé pour transformer le système en offrant des incitatifs, établissant des buts quantifiables et produisant des rapports publics, ce rapport constitue un excellent point de départ pour moderniser l'assurance-maladie.

Il y a en fait toutes sortes de solutions à portée de la main, qui n'attendent que le leadership politique. Le système de santé est vaste et complexe. Des niveaux comparables de soins de qualité partout au Canada passent bien sûr par le partenariat, mais aussi par le leadership.

À cet égard, le budget fédéral de 2012 constitue une occasion ratée d'annoncer une vision et un plan pour un système de santé pancanadien efficace et moderne. Je vous remercie.

Le vice-président : Merci, docteur.

Jean-Marie Berthelot, vice-président, Programmes, Institut canadien d'information sur la santé : Bon après-midi. Au nom de l'Institut canadien d'information sur la santé, je vous remercie de nous donner l'occasion de participer à votre étude sur les modifications proposées à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous avons préparé des diapositives, que je vais suivre pendant ma présentation. Faute de temps, nous n'avons pas pu soumettre un mémoire en bonne et due forme au comité. Je vous prie de nous en excuser. Je vais commencer tout de suite à la diapositive 3.

[Français]

L'ICIS est un organisme autonome sans but lucratif qui fournit de l'information essentielle sur les systèmes de santé du Canada et sur la santé des Canadiens. Fondé en 1994, l'ICIS est financé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous relevons d'un conseil d'administration indépendant qui représente les ministères de la santé, les régies régionales de la santé, les hôpitaux et les dirigeants du secteur de la santé de tout le pays.

L'ICIS travaille en collaboration avec les intervenants du secteur pour élaborer et tenir à jour une vaste gamme de bases de données, de mesures et normes en matière d'information sur la santé.

Nous produisons des rapports sur les services de santé, la santé de la population, les dépenses de santé et les ressources humaines de la santé.

[Traduction]

L'ICIS possède la plus importante banque d'information sur les dépenses en santé au Canada, dont nous faisons état chaque année dans notre rapport sur les dépenses nationales de santé. Les données sont tirées de cinq sources, dont les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les administrations municipales, le système d'indemnisation des accidents de travail, diverses caisses de sécurité sociale et le secteur privé.

Cette information éclaire la planification des politiques et le processus décisionnel aux niveaux provincial, territorial et national, et sert à l'établissement de comparaisons sur la scène provinciale, territoriale, nationale et internationale.

À la diapositive 4, on voit que les dépenses de santé s'élevaient à 200 milliards de dollars l'an passé au Canada. Il s'agit d'une augmentation de 4 p. 100 par rapport à l'année précédente, le plus faible taux de croissance enregistré au cours des 15 dernières années.

Les dépenses de santé représentent 11,6 p. 100 du produit intérieur brut au Canada, et la part des dépenses des secteurs public et privé est demeurée inchangée pendant plus de 10 ans, à un ratio de 70/30; 70 p. 100 pour le secteur public et 30 p. 100 pour le secteur privé.

Quand on examine les dépenses de santé, il est important de ne pas s'en tenir au contexte du Canada, mais aussi de voir ce qui se passe sur la scène internationale. À la diapositive 5, vous pouvez voir la corrélation entre la croissance du produit intérieur brut et celle des dépenses de santé. On constate qu'en temps de croissance économique, dans tous les pays développés, ou à tout le moins dans la plupart d'entre eux, les dépenses de santé sont proportionnellement supérieures à la croissance du PIB. Pour chaque dollar de croissance du PIB, on investit un peu plus d'un dollar dans la santé, une proportion de 1 p. 100.

Vous pouvez constater que le produit intérieur brut est un facteur très important de la hausse des dépenses de santé, pas seulement au Canada, mais aussi dans tous les pays développés.

Le graphique de la diapositive 6 illustre la tendance en ce qui a trait à la proportion du PIB consacrée aux dépenses de santé. Vous pouvez voir qu'il y a eu une hausse importante. Vous remarquerez aussi une importante déviation dans la courbe là où il y a eu une récession, car les dépenses de santé ne s'arrêtent pas en temps de récession. La population doit encore pouvoir accéder à des soins; il y a une réduction suivant une récession, alors que les gouvernements provinciaux s'efforcent de gérer leur déficit budgétaire. C'est ce qu'on remarque au fil du temps. C'est ce qu'on voit dans les deux années qui suivent la récession de 2008. Il semble y avoir une diminution de la proportion du produit intérieur brut vouée à la santé. C'est ce qu'on remarque quand les gouvernements tentent de rééquilibrer leurs budgets.

Dans l'ensemble, on constate une augmentation des investissements dans le système de santé.

À la prochaine diapositive, nous avons fait une analyse des facteurs expliquant l'augmentation des dépenses de santé au Canada entre 1998 et 2008, afin de mieux comprendre ce qui a réellement engendré cette augmentation.

On voit que l'inflation générale est un facteur important, qui explique 2,8 p. 100 de l'augmentation moyenne de 7,4 p. 100 enregistrée au cours de cette période de 10 ans. Il s'agit d'une augmentation annuelle.

La croissance démographique représente environ 1 p. 100 de l'augmentation. Le vieillissement de la population représente, lui, moins de 1 p. 100. Ensemble, ces deux facteurs expliquent quelque 2 p. 100 de la hausse.

Nous avons ce qu'on appelle un facteur résiduel, ou autre, qui comprend l'offre accrue de services, l'utilisation de la technologie, et l'inflation propre au système de santé. Au cours de cette période, on estime que l'inflation propre au secteur de la santé a été d'environ un demi pour cent.

Il est question du vieillissement et de la croissance démographique à la prochaine diapositive. Il est important de souligner que ce phénomène varie grandement d'une province à l'autre. En Alberta, qui a connu une forte croissance économique, on enregistre effectivement une importante croissance démographique. La croissance démographique est un facteur qui explique en grande partie l'augmentation en Alberta.

Toutefois, dans les provinces de l'Est — le Québec et les provinces de l'Atlantique —, la population est plus âgée, et on peut voir l'effet qu'a le vieillissement de la population. Cette population déjà plus âgée vieillit davantage, alors que la population de l'Alberta, par exemple, est de plus en plus jeune. L'effet du vieillissement est plus marqué dans la région de l'Atlantique, mais on le voit aussi en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.

Pour les dépenses du gouvernement à la prochaine diapositive, il faut aussi examiner les besoins de la population. Le graphique illustre l'utilisation des services de santé en dollars par groupe d'âge. Il y a un lien évident entre les besoins et l'âge de la population. La diapositive précédente en montre aussi les effets, car dans les provinces où la population vieillit plus rapidement, on constate que le vieillissement contribue à l'augmentation des dépenses.

En terminant, la croissance et les dépenses de santé ont ralenti en raison des efforts de réduction du déficit budgétaire. Les principaux facteurs ayant influé sur les dépenses de santé au cours des 10 dernières années ont été la rémunération des fournisseurs de soins de santé, l'utilisation accrue des services, et l'évolution des types de services offerts et utilisés. On s'attend à ce que le vieillissement de la population et la croissance démographique, qui représentent ensemble environ 2 p. 100 de l'augmentation annuelle des dépenses de santé, continuent à exercer de la pression sur le système de santé.

Merci de nous avoir permis de vous présenter cette information. M. Kuchciak et moi-même serons heureux de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

Le vice-président : Merci, monsieur Berthelot.

Le sénateur Eaton : Docteur Haggie, je suis membre de la Fondation de l'Hôpital St. Michael à Toronto. Cela m'étonne toujours de voir, premièrement, que nous devons nous rappeler que les services de santé relèvent d'abord et avant tout des provinces, et deuxièmement, que les médecins ne proposent pas de solutions pour réduire les coûts des soins de santé. Vous êtes là, aux premières lignes. Vous le savez aussi bien que quiconque, les personnes qui font le travail sont les mieux placées pour trouver des façons plus efficaces de fonctionner.

Je n'en ai peut-être pas eu connaissance, mais est-ce que l'AMC a déjà proposé à la ministre de la Santé de faire ou de promouvoir ces deux choses pour améliorer la situation? Après tout, les médecins et les infirmiers et infirmières sont aux premières lignes du système de santé dans ce pays, et je ne vous vois pas vraiment faire pression pour que les choses bougent.

Dr Haggie : C'est intéressant comme question. Il existe plusieurs centres d'innovation à l'échelle du pays où des choses très intéressantes ont été réalisées grâce à la collaboration des médecins et des autorités régionales, surtout. Sans les nommer dans un ordre particulier, il y a notamment la participation de la Colombie-Britannique aux nouveaux services médicaux et à la liaison avec les omnipraticiens par une approche de prestation de soins en équipe. En Alberta, il y a les réseaux de soins primaires. On a vu germer de bonnes idées de ce genre dans plusieurs provinces. En fait, dans cette province même les médecins ont tenté de négocier des réductions de coûts et des redistributions avec le gouvernement provincial. Ces mesures lui auraient permis d'économiser au moins 250 millions de dollars par année, et peut-être jusqu'à 300 millions.

Le sénateur Eaton : Oui, mais cela ne permet pas d'assurer une prestation de services plus efficace face aux fluctuations démographiques. Dans les médias ontariens, on entend seulement parler des coûts, mais jamais des innovations.

Dr Haggie : Il y a deux choses à savoir. La première est que les réseaux de soins primaires en Alberta, les initiatives entreprises en Colombie-Britannique et quelques-uns des centres de santé communautaire au Québec, par exemple, s'attaquent justement à ce problème. L'idée est de mettre en contact le patient avec le bon fournisseur de soins et au bon moment, et aucune façon de faire universelle n'a été établie pour y arriver; tout dépend des besoins du patient à ce moment-là. Les réseaux sont en place.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas de dépositaire national pour communiquer l'information.

Le sénateur Eaton : C'est une autre question. Je pense que c'est une excellente idée. Je suis d'accord pour le dépositaire national, mais il n'y a pas de vision nationale pour la prestation de services.

Dr Haggie : Il n'y en a jamais eu. Le gouvernement fédéral n'a pas saisi cette occasion.

Le sénateur Eaton : Étant donné que les 10 provinces sont très indépendantes et que leurs démographies sont très différentes comme les graphiques de M. Berthelot nous le montrent, le fédéral pourrait-il leur imposer un dépositaire national de prestation de services? Chaque province doit établir son propre dépositaire. N'est-ce pas une excellente solution que les provinces se dotent de leurs propres dépositaires?

Dr Haggie : Je pense qu'il faut imposer des normes nationales. Les Canadiens nous ont dit très clairement qu'ils s'attendaient à recevoir un niveau de service assez semblable dans des régions plutôt semblables partout au pays, compte tenu des contraintes géographiques.

On s'est toujours demandé comment y arriver. D'autres organisations et nous avons suggéré une approche axée sur des principes et adaptée aux besoins de chaque province. Cette approche offre une certaine flexibilité.

Le Conseil de la fédération a essayé de prendre des mesures concernant certaines questions que vous avez évoquées comme les modèles fondés sur les champs d'activité et les directives pour améliorer la pratique clinique et la chirurgie partout au pays. C'est un mécanisme qui n'a pas été mis à l'essai et qui devra faire ses preuves. Toutefois, rien ne donne à penser que le gouvernement fédéral a élaboré un plan national.

Le sénateur Eaton : Je doute que le fédéral estime qu'il s'agit de sa responsabilité. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le fédéral doit imposer des normes nationales. Nous nous attendons à ce que tous les Canadiens reçoivent le même niveau de soins de santé, mais je pense que les infirmières et les médecins doivent continuer d'innover dans les provinces. Les organisations comme l'AMC pourraient devenir un centre d'échanges pour indiquer quelles sont les meilleures pratiques.

Dr Haggie : En fait, l'AMC est le principal dépositaire des directives sur les pratiques cliniques au Canada. Elle possède des données supérieures en nombre et en qualité par rapport à presque toutes les autres organisations dans le monde.

Le mot-clé que vos questions soulèvent, c'est « imposer ». On ne peut pas forcer le changement. Les experts de la gestion vous diraient très clairement que c'est un processus et que le fait d'imposer le changement par la peur ne fonctionne pas, parce que ce n'est pas une approche flexible. Votre question souligne le besoin de souplesse au niveau local, régional ou provincial. Les faits indiquent que la seule façon d'apporter des changements, c'est de combiner les normes, les directives et les principes nationaux avec des mesures régionales et provinciales dans un certain mécanisme.

Il revient au gouvernement fédéral de dire s'il est d'accord avec nous en ce qui a trait à notre interprétation de la Constitution. Mais les Canadiens nous ont dit que le fédéral devait s'impliquer au niveau national dans le système de santé. Le cadre juridique et les précédents montrent que le fédéral a un rôle à jouer dans les soins de santé.

Dernier point, mais non le moindre, le gouvernement fédéral ne s'est jamais présenté au Conseil de la fédération en tant que 14e entité. Les dépenses fédérales directes en matière de soins de santé constituent les cinquièmes en importance. Le fédéral fournit des services aux Premières nations, à la GRC — jusqu'à ce que le projet de loi sur le budget soit adopté —, au Service correctionnel du Canada et à la Défense nationale. Il dépense plus que huit provinces et territoires. Cependant, le gouvernement fédéral ne participe d'aucune façon aux discussions sur les normes relatives aux questions dont il est responsable pour établir un cadre national.

Le sénateur Eaton : Nous sommes du même avis sur la plupart des questions, sauf celle du gouvernement fédéral.

J'ai une dernière question. Pourquoi pensez-vous que la GRC sera moins bien servie par les provinces que par le fédéral? Pourquoi la GRC devrait-elle disposer d'un autre régime de santé que les gens qu'elle sert dans les provinces?

Dr Haggie : Je pense que ça dépend des attentes, qu'on peut négocier si on crée un nouvel organisme. Selon moi, la GRC a des attentes différentes qu'il faudra gérer par la suite.

Le sénateur Eaton : Dites-vous que les membres de la GRC s'attendent à recevoir de meilleurs soins de santé que le reste de la population dans les provinces où ils travaillent?

Dr Haggie : Le problème présentement, c'est que les changements sont défavorables. Nous n'améliorons pas les conditions de personne. On s'attend à ce que la GRC accepte de passer d'un niveau de service élevé ou supérieur à un niveau inférieur. C'est un nivellement par le bas, pas une amélioration.

Le sénateur Eaton : De passer au même niveau que le reste de la population?

Dr Haggie : C'est exact. Pourquoi n'offrons-nous pas de meilleurs services?

Le sénateur Eaton : Je pense que mes médecins s'occupent bien de moi, merci beaucoup.

[Français]

Le vice-président : Monsieur Berthelot, vous nous avez présenté un survol des faits. Quel est le message que vous voulez passer devant le comité aujourd'hui?

M. Berthelot : Le mandat de l'Institut canadien d'information sur la santé est de présenter des faits. On ne fait pas de commentaires sur les politiques. On ne fait pas de recommandations et de suggestions. Mais si vous avez des questions concernant des faits, il me fera plaisir d'y répondre parce que c'est vraiment notre mandat.

Notre organisme est indépendant et fournit l'état actuel d'une situation. Ce qu'on a présenté aujourd'hui, ce sont les dépenses de santé, leur évolution, l'impact du PIB sur les dépenses en santé et l'impact du vieillissement de la population. La raison pour laquelle on a mis l'emphase sur ces deux phénomènes, c'est que le projet de loi C-38 prévoit changer la façon dont les transferts aux provinces seront effectués sur le plan des dépenses en santé. On parle de les relier à la croissance du PIB et de les établir per capita. C'est pourquoi on a présenté ces deux faits.

Le vice-président : Le fait le plus évident de votre présentation, c'est la diapositive numéro 6.

[Traduction]

Cette diapo indique que la croissance économique permet d'accroître les dépenses en santé.

[Français]

Êtes-vous d'accord avec le fait que plus vous serez en mesure de stimuler la croissance économique, plus vous aurez la chance d'assurer la continuité de hauts niveaux d'investissements dans le domaine de la santé?

M. Berthelot : Il est clair que la croissance économique d'un pays est reliée à sa capacité d'investir dans les priorités de sa population. Au Canada, la santé est une priorité. Avec les données qui sont présentées, je suis tout à fait d'accord, mais je crois aussi qu'il faut tenir compte du contexte global.

Par exemple, historiquement si on prend les années 2000 à 2004 et qu'on utilise la formule proposée dans le budget, comparativement aux données actuelles, durant ces années il y avait des augmentations de 6 p. 100. La nouvelle formule donnerait une augmentation de 5,7 p. 100 par année.

Pour les années 2004 à 2009, une période de croissance économique, les données selon le budget, avec la formule reliée au PIB, avec un minimum de 3 p. 100, auraient donné une moyenne de 5,2 p. 100, alors que la moyenne des transferts fédéraux aurait augmenté de 6 p. 100 par année. Pour les deux dernières années, étant donné que c'était durant une période de récession et de redressement de l'économie, le minimum de 3 p. 100 se serait appliqué.

Je pense qu'il y a un lien tout à fait direct entre l'accroissement du PIB et la capacité d'investir dans les priorités de la population, dont la santé. Mais lorsqu'on regarde ce qui est proposé, il faut le mettre en contexte et regarder d'un point de vue historique ce que cela aurait donné.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Berthelot, c'est la première fois que je vois des données qui informent les parlementaires au sujet du coût du système de santé selon le groupe d'âge. La page 9 de votre présentation démontre clairement les coûts que cela représente selon le groupe d'âge.

Étant originaire du Nouveau-Brunswick, si je regarde la page 9 et que je compare les données avec celles de la page 8, je remarque qu'au cours des 20 prochaines années, les provinces de l'Est auront de sérieux problèmes avec le coût des services de santé par rapport à l'âge de la population.

Pouvez-vous nous fournir des données qui feraient le lien, s'il y en a un, entre le revenu des individus et leur état de santé?

On entend, de part et d'autre, qu'il y a un lien direct entre l'état de santé d'une personne, sa longévité et son revenu. Alors, avez-vous des données, de l'information que vous pourriez nous fournir?

M. Berthelot : Oui, tout à fait. Premièrement, quant aux facteurs de la dépense des soins de santé par groupes d'âge, c'est une donnée qu'on publie chaque année. Elle est disponible dans notre rapport annuel sur les tendances de santé au Canada, ce n'est pas un phénomène nouveau, ce n'est pas fait spécialement pour le comité, on a une série chronologique depuis plusieurs années. C'est la même tendance que nous observons, soit les bébés ou les personnes âgées pour qui on dépense beaucoup plus.

Pour la santé de la population, c'est un phénomène bien documenté par les enquêtes de santé de Statistique Canada où on voit le lien entre la santé des personnes et le niveau de revenus. C'est très bien documenté. Cela existe au Canada et dans tous les pays industrialisés. C'est un phénomène très bien connu.

Sur le commentaire que vous avez fait sur les défis, oui, les provinces de l'Est ont un défi plus important quant au vieillissement de la population. Elles ont peut-être moins de défis quant à l'accroissement de la population. Oui, elles ont des défis différents de l'Alberta ou même de l'Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Ringuette : Docteur Haggie, voulez-vous commenter cette première question?

Dr Haggie : La personne qui gagne parmi les 10 p. 100 de revenus les plus faibles au pays peut s'attendre à vivre 52 ans avant de développer une maladie chronique, alors que la moyenne canadienne est de 68 ans. Par contre, la moyenne pour les personnes qui gagnent parmi les 10 p. 100 de revenus familiaux les plus élevés au pays est de 78 ans. Le minimum, c'est 52 ans et le maximum, c'est 78 ans.

[Français]

M. Berthelot : Ce n'est pas un phénomène nouveau. Comme le disait Yvon Deschamps : « Il vaut mieux-être riche et en santé que pauvre et malade. » Même les humoristes l'utilisaient dans les années 1970.

[Traduction]

Le sénateur Ringuette : À mon avis, il y a un écart entre les données que vous nous avez fournies et les différents changements relatifs à l'assurance-emploi ou à la SV et au SRG présentés dans le projet de loi C-38 en vue de réduire davantage les revenus des plus pauvres au pays. Les gens les plus pauvres vivent moins longtemps et ont sans doute besoin de plus de services de santé. Si leur vie est plus courte, c'est qu'ils ne sont pas en bonne santé. J'examine les données et je me questionne en tant que Néo-Brunswickoise, pour ne pas employer le mot auquel je pense. Vos organisations ont-elles présenté des données à la ministre ou à la sous-ministre de la Santé pour que les prochains paiements de transfert ne se fondent pas sur le nombre de résidents, mais sur les coûts réels liés à la démographie de la province ou du territoire?

M. Berthelot : La sous-ministre fédérale de la Santé connaît très bien les rapports sur les dépenses en santé. Nous nous assurons de bien informer Santé Canada. Les faits sont très bien connus. Toutefois, les paiements de transfert constituent des questions très générales. Il y a les paiements de transfert en santé, mais il y a aussi les paiements de transfert. Nous sommes experts des dépenses en santé. Nous pouvons vous dire ce qui se fait dans le secteur de la santé, mais il faut mettre les données dans un contexte global. Les résultats sont en effet différents si les transferts en santé se fondent sur la répartition selon l'âge de la population plutôt que sur le nombre d'habitants. C'est très facile; des calculs simples nous montrent que les provinces qui connaissent un boom économique et qui accueillent beaucoup d'immigrants ont des populations plus jeunes et profitent des transferts fondés sur le nombre d'habitants. En revanche, les provinces dont les populations sont plus âgées bénéficieraient de transferts axés sur l'âge de la population. Vous devez décider quelle est la solution qui convient aux Canadiens. Nous pouvons seulement vous dire que les résultats seraient différents. Si les transferts se fondent sur la démographie plutôt que sur le nombre d'habitants, l'Alberta et les territoires seront désavantagés, parce que leurs populations sont plus jeunes, et l'Ontario aussi, parce que sa population est un peu plus jeune que la moyenne nationale. Toutes les autres provinces vont en profiter. Le Sénat et la Chambre doivent décider quel est le meilleur mécanisme pour les paiements de transfert. Nous ne pouvons pas commenter la question.

[Français]

Le sénateur Chaput : Merci, monsieur le président. Alors, ma première question s'adresse à monsieur Berthelot. Je pense que vous avez mentionné, lorsque vous avez fait votre présentation, que vous donniez de l'appui à la planification.

M. Berthelot : Oui.

Le sénateur Chaput : Qui fait appel à vos services et de quelle façon appuyez-vous la planification?

M. Berthelot : De différentes façons, l'ensemble des gestionnaires de soins de santé font appel à nous. Dans notre mandat, on fournit beaucoup d'information aux gestionnaires de soins de santé. Je vais donner un exemple très particulier. Il y a différents produits qu'on fait.

Par exemple, pour les visites à l'hôpital, les séjours. On reçoit les données des hôpitaux qui sont codés et on produit sur une base mensuelle des rapports électroniques pour chacun des hôpitaux du pays qui pourront voir l'ensemble des personnes qu'ils ont traitées, la durée de séjour, l'information selon les données historiques sur ce qu'aurait dû être la durée moyenne de séjour et comparer leurs résultats avec des hôpitaux similaires au pays.

C'est un type d'information fourni directement aux gestionnaires de soins de santé. On a des programmes similaires pour l'ensemble de l'information financière des hôpitaux, ce qu'on appelle les coûts de différents départements, l'urgence, l'information sur les temps d'attente dans les urgences, et cetera. Il y a un ensemble de produits dédiés spécifiquement aux gestionnaires de soins de santé.

Je vais vous donner une référence d'un produit qu'on a rendu public en avril, le rapport canadien sur la performance de 600 hôpitaux au pays. On a créé un site web interactif où les gens peuvent aller voir sur un site web la performance des hôpitaux sur plusieurs aspects, financier, clinique et efficacité des soins de santé. On joue un rôle dans la responsabilisation en rendant des données publiques qui peuvent être utilisées par la population en général.

On a deux rôles. On a beaucoup d'outils électroniques qui vont directement au gestionnaire, au ministère de la Santé et aux agences de santé régionales.

Le sénateur Chaput : Si le gouvernement fédéral voulait développer un plan national pour la santé, vous seriez en mesure de fournir de l'information et de l'appuyer afin que le plan soit vraiment basé sur une réalité.

M. Berthelot : On pourrait fournir de l'information dans plusieurs domaines de la santé, tout à fait.

[Traduction]

Le sénateur Chaput : Dois-je attendre la deuxième série ou puis-je poser une autre question?

[Français]

Le vice-président : Est-ce que vous pouvez attendre la deuxième ronde?

Le sénateur Chaput : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : Docteur Haggie, dans votre discussion sur la GRC avec le sénateur Eaton, vous avez parlé des provinces qui doivent offrir des soins de santé aux résidents qui travaillent pour la GRC. Vous avez dit que c'était un nivellement par le bas. Je trouve que c'est une façon étrange de décrire les soins de santé offerts à tous les autres Canadiens. Voulez-vous apporter des précisions à votre commentaire?

Dr Haggie : Oui, merci de cette occasion. Le problème, c'est qu'il y a des niveaux et des normes multiples pour les soins de santé au pays. Il y en a au moins 14, en plus des variations régionales.

Par exemple, le programme pour les immigrants offre un système de santé complet. Les gens arrivent par avion ou par bateau, n'ont que les vêtements qu'ils portent et sont souvent défavorisés. Ils ne profitent pas de régimes d'assurance ou d'épargne complets qui couvrent les soins de santé, les lunettes, les soins dentaires et les avantages pour lesquels vous et moi devons contribuer.

Il semble injuste de retirer à ces gens les avantages dont ils aimeraient beaucoup profiter dans leurs propres systèmes de santé, selon ce que les Canadiens nous ont dit. Je dirais que les manœuvres visant à retirer un certain nombre d'avantages aux membres de la GRC tombent aussi dans cette catégorie. Il semble qu'on diminue les normes de qualité pour qu'elles égalent celles de tout le monde, au lieu de transformer le système à l'aide d'une approche axée sur des principes pour élever les normes générales à ce niveau.

Le sénateur Runciman : Je ne pense pas que la plupart des Canadiens sont d'accord à ce propos. En fait, les sondages indiquent que la population est satisfaite du système de santé au Canada. Il y a peut-être des différences partout au pays, mais je pense qu'on offre difficilement le même niveau de service n'importe où ailleurs dans le monde.

Certains de vos prédécesseurs se sont prononcés sur les changements visant à ce que le système de santé utilise au moins en partie le financement privé axé sur l'utilisateur, au lieu de dépendre des recettes fiscales. L'approche actuelle entraîne des dépenses très élevées et soulève la question de la durabilité. Le budget de la santé en Ontario représente près de 50 p. 100 du budget de fonctionnement. Certains de vos prédécesseurs ont été très éloquents. J'ai l'impression que vous ne partagez pas cette opinion. Quel est votre point de vue à ce sujet?

Dr Haggie : Concernant les normes, notre système de santé connaît des difficultés, mais il réussit très bien selon les indicateurs nationaux. Le principal fardeau au Canada présentement, c'est les maladies chroniques. Le système ne s'y est pas beaucoup adapté. Comme l'autre témoin l'a souligné, un de nos problèmes actuels, c'est que nous dépensons 200 milliards de dollars par année pour les soins de santé. Sur 30 pays de l'OCDE, nous nous classons au cinquième rang concernant le pourcentage du PIB. Nos soins pour les traumatismes sont meilleurs que nul autre. Si on se fait frapper par un autobus, on reçoit un traitement incomparable. Mais pour ce qui est des maladies chroniques ou de l'efficience du système, nous nous classons entre le 22e et le 27e rang sur 30. Par exemple, nous arrivons au 22e rang pour le nombre de médecins par habitant, par rapport aux autres pays de l'OCDE.

Je pense que les Canadiens nous envoient un double message. D'une part, ils sont conscients que l'argent actuellement dans le système n'est pas dépensé judicieusement. Dans ce cas, pourquoi faudrait-il en injecter davantage? Pourquoi ne pas utiliser cet argent à meilleur escient? D'autre part, les Canadiens nous ont clairement fait comprendre qu'ils désirent un système de santé subventionné par l'État, auquel ils peuvent avoir accès gratuitement en cas de besoin. Le débat le plus important doit donc porter sur ce qui devrait en faire partie ou non. Qu'est-il raisonnable de demander à l'État de financer dans ce système public? Comment assurer l'efficacité de la prestation des services et la saine gestion des deniers publics? Il reste donc à déterminer ce qui doit faire partie du système ou non.

Le sénateur Runciman : Je pense que j'ai lu à ce sujet; je me trompe peut-être, mais à l'époque de Tommy Douglas, on considérait qu'un tel système prendrait uniquement en charge les maladies graves. Or, l'idée a fait boule de neige et, pour des raisons visiblement politiques, on y inclut désormais pratiquement tout. Vous pouvez faire l'éloge du système canadien, mais nous savons que d'éminents Canadiens, comme l'ancien premier ministre Chrétien et l'ancien premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, ont préféré subir des traitements ou une chirurgie aux États-Unis plutôt que dans notre système. Je pense qu'une hypocrisie incroyable règne sur la façon dont ces enjeux ont été pris en compte ou non.

Monsieur Berthelot, vous avez dit ne pas prendre position en matière de politiques, mais j'ai en main un article qui cite John Wright, le PDG de l'institut. Occupe-t-il toujours ce poste?

M. Berthelot : Oui, M. Wright est encore PDG.

Le sénateur Runciman : Vient-il de l'Ontario? Est-il l'ancien dirigeant de la société Urban Transit Development Corporation?

M. Berthelot : Pas du tout. À vrai dire, il est né en Ontario, mais il habite en Saskatchewan depuis 30 ou 40 ans. Avant d'arriver à l'Institut canadien d'information sur la santé, la dernière position officielle qu'il a occupée était sous-ministre de la Santé de la Saskatchewan.

Le sénateur Runciman : Dans l'article, il affirme que la méthode de financement des années 1970 est la plus logique dans le cadre d'un nouvel accord de financement, et il croit qu'augmenter les transferts au rythme de l'augmentation des revenus est une question de bon sens. Pourriez-vous nous en dire davantage là-dessus?

M. Berthelot : Dommage qu'il ne soit pas arrivé; il devait comparaître aujourd'hui, mais il est malheureusement pris à bord d'un avion quelque part entre l'Ouest canadien et Ottawa. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il s'agit là d'une réflexion personnelle. Aussi, je crois qu'on lui a posé la question en tant qu'ancien sous-ministre des Finances de la Saskatchewan. Je ne suis pas convaincu que ce soit l'opinion officielle de l'Institut canadien d'information sur la santé. Tout dépend de l'objectif. Lorsqu'on cherche à contrôler les dépenses dans un secteur, il est normal d'établir un lien avec le revenu. Or, M. Wright n'a pas précisé comment ce lien devrait être créé.

Le vice-président : Docteur Haggie, vous avez beaucoup parlé de la nécessité d'un programme national, à vos yeux. Si vous étiez en position de mettre en place une stratégie macroéconomique, comment inciteriez-vous les gouvernements des provinces et du Canada à adopter un plan national conjoint en collaboration avec un groupe stratégique de médecins?

Dr Haggie : En ce qui concerne la procédure, il faut commencer par énoncer des principes communs, et par examiner les données. La procédure justifie une grande partie de nos recherches. Il est parfois difficile de déterminer quelles procédures contribuent davantage aux résultats. En période de compression budgétaire, je pense qu'il est du devoir de tous de se demander si les deniers publics sont gérés sainement et de trouver des moyens de s'améliorer à cet égard. Des organisations comme l'Institut canadien d'information sur la santé, Statistique Canada et deux ou trois autres pourraient compiler des données permettant d'éclairer la discussion.

Pour ce qui est des intervenants à réunir et de la manière de procéder, je pense qu'il faut tout simplement privilégier une stratégie réglée par des principes. Il convient d'adopter une approche pangouvernementale homogène et basée sur le travail d'équipe. Des responsabilités doivent incomber au gouvernement fédéral, aux provinces et probablement aux grandes municipalités aussi, qu'on oublie souvent. Il faut également inclure des représentants de la population canadienne ainsi que des fournisseurs de soins de santé.

Du reste, j'ignore totalement comment vous devrez procéder. Le plus significatif, à mon avis, ce serait d'annoncer votre intention de vous engager dans un tel processus, puis de véritablement vous mettre à la tâche.

Le sénateur Buth : J'aimerais apporter une précision au sujet des modifications qui touchent les membres de la GRC dans le projet de loi d'exécution du budget. Ces gens auront désormais accès au système provincial de soins de santé, comme vous l'avez dit. Or, c'est là qu'ils reçoivent des soins depuis toujours. Le gouvernement fédéral devait payer des frais de non-résidence pour leurs soins, ce qui se traduisait naturellement par des coûts astronomiques. Chaque membre reçoit des soins de santé provinciaux et fait partie de la population, ce qui signifie que la province reçoit déjà une somme par habitant pour ces patients. Je tenais à apporter cette précision, car ce pourrait être perçu comme un nivellement par le bas, comme vous l'avez dit. Il pourrait y avoir des changements, mais au fond, les membres de la GRC reçoivent déjà des soins de santé provinciaux.

J'ai une question pour M. Berthelot. La septième diapositive de votre présentation montre une bande assez large de 2,8 p. 100 dont la légende est « autres ». Vous en avez peut-être parlé, mais je ne m'en souviens pas. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit?

M. Berthelot : Oui. Cette catégorie réunit des éléments très difficilement quantifiables. Quelles sont les répercussions des technologies? Le système en intègre beaucoup plus aujourd'hui qu'auparavant, mais c'est très difficile à mesurer. Elles se trouvent donc dans cette catégorie. C'est ce qu'on appelle une analyse macroéconomique, qui permet d'entrer dans le menu détail. Aussi, plus de services sont dispensés aujourd'hui qu'auparavant. Par exemple, le nombre de remplacements de la hanche et du genou a doublé au Canada ces 10 dernières années. Il y a donc un plus grand nombre d'actes médicaux. Il faut aussi tenir compte de l'inflation associée aux soins de santé. Les 2,8 p. 100 au bas du diagramme représentent l'inflation générale de l'économie. Toutefois, des investissements en santé ont suivi la période de compression budgétaire du début des années 1990. On a notamment investi massivement dans la formation de nouveaux médecins et de nouvelles infirmières après cette réduction considérable des dépenses. Cet afflux de travailleurs a favorisé une grande compétitivité au sein du marché de l'emploi, ce qui se traduit en termes économies généraux par une inflation dans le secteur.

Voilà ce que la bande « autres » représente. La catégorie est très difficile à ventiler par composante. Selon des études américaines qui se sont penchées sur la technologie, 20 p. 100 de l'augmentation des dépenses pourrait y être attribuable. Or, ces études ne sont pas très fiables; la tâche est d'ailleurs loin d'être simple dans ce domaine.

Le sénateur Buth : L'augmentation du coût de la main-d'œuvre attribuable aux infirmières et aux médecins fait-elle aussi partie de cette catégorie?

M. Berthelot : Oui.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais poursuivre mes questions sur ce que le vieillissement de la population coûte au système de soins de santé, sur la corrélation à établir avec le revenu, et sur le fait que vous demandiez, docteur Haggie, que quelqu'un prenne les rennes de la crise en santé. Je vois toute cette menace se profiler, plus particulièrement en Ontario et dans l'Est.

La Constitution canadienne, qui est la loi fondamentale du pays, ordonne expressément que les paiements de transfert aux provinces permettent à l'ensemble des citoyens canadiens de bénéficier de normes de service équivalentes. La 9e diapositive de votre présentation montre clairement qu'en raison des coûts additionnels du vieillissement de la population en matière de soins de santé, les paiements de transfert prévus par la constitution ne répondent pas à cette exigence d'équité, toutes choses étant égales par ailleurs, comme le dirait un économiste. Docteur Haggie, où trouverons-nous des citoyens ou des premiers ministres provinciaux qui sont prêts à s'attaquer au gouvernement fédéral actuel au sujet de la Constitution, cette loi fondamentale du pays, pour l'inciter à changer le système de transferts fédéraux de façon à ce que les services dispensés à la population âgée de l'ensemble des provinces respectent des normes de base?

Dr Haggie : Vous ne vous adressez peut-être pas à la bonne personne. Je ne suis pas un analyste politique, et je n'ai aucune compétence dans ce domaine.

Lorsque nous avons consulté les Canadiens au sujet de l'équité il y a deux ou trois ans, en collaboration avec le Dr Jeff Turnbull, nous avons bien compris que les normes de service se ressemblent d'un bout à l'autre du pays, de même que dans le Nord. C'était très clair. En tant qu'association, nous pouvons uniquement publier l'information. Nous pouvons éclairer les gens, les informer, puis essayer de formuler des recommandations.

Or, je m'en remets aux spécialistes politiques au sujet du rôle de chef de file. Ce n'est pas dans mes cordes, comme je l'ai dit.

En ce qui a trait au vieillissement de la population, il est impossible de prévoir les coûts liés aux soins de santé, ni les répercussions des paiements de transfert ou des modifications apportées. Ma province va perdre de l'argent, de même que le Nouveau-Brunswick et l'ensemble des provinces de l'Est, dont la population est relativement âgée. Je pense que Terre-Neuve-et-Labrador perdra plus d'argent par habitant que toute autre province. De son côté, l'Alberta est la province qui sera la plus avantagée en raison de sa population. À vrai dire, la province obtiendra 850 millions de dollars de plus par année grâce aux nouvelles dispositions en matière de paiements de transfert. Les Canadiens devraient certainement en être informés, mais je vais laisser des esprits plus sages se prononcer sur la façon de gérer le tout.

[Français]

Le sénateur Chaput : Ma question s'adresse au Dr Haggie. Je suis d'accord avec vous, docteur, quand vous dites que le gouvernement fédéral devrait avoir un plan d'action pour la santé. Je crois que le gouvernement fédéral a la responsabilité d'assurer que les Canadiens aient une égalité d'accès et aussi de qualité de service à travers le Canada. Je suis aussi d'accord pour dire qu'un plan national servirait de guide, avec des normes et des standards, et en collaboration avec la province. Le gouvernement fédéral le fait d'ailleurs dans d'autres secteurs; il y a des plans du fédéral, au niveau national, pour d'autres secteurs ou d'autres sujets particuliers.

Est-ce que votre association a déjà parlé d'un plan national avec le gouvernement fédéral? Avez-vous déjà approché le gouvernement fédéral pour en discuter avec eux?

[Traduction]

Dr Haggie : Nous avons fait parvenir au Cabinet du premier ministre et au ministère fédéral de la Santé tous les documents que votre comité a en main, en plus des nombreux autres que nous leur avions déjà envoyés. Nous avons eu du mal à organiser une rencontre. Nous avons invité la ministre fédérale au conseil général sur l'équité en santé et sur les déterminants sociaux de la santé, qui aura lieu à Yellowknife. Le sujet émane de notre projet de transformation et correspond au cycle de réunions que nous tenons normalement. Le Nord constitue tout un défi. Nous espérons que la ministre assistera à la réunion, car nous avons hâte de lui présenter ce genre d'information. Jusqu'à maintenant, ç'a été tout un défi.

[Français]

Le sénateur Chaput : Est-ce que d'autres groupes ou associations comme la votre, dans le domaine médical, seraient d'accord avec un plan national et seraient prêts à travailler avec le gouvernement fédéral?

[Traduction]

Dr Haggie : Du côté des médecins, toutes les associations médicales des provinces et des territoires ont donné leur accord. D'ailleurs, 120 organisations ont signé notre manuel de principes, qui a été réalisé conjointement avec l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. De ce nombre, environ 20 organisations représentent un groupe de patients ou une maladie en particulier. Il ne s'agit donc pas exclusivement des fournisseurs de soins de santé habituels. On constate d'ailleurs un intérêt grandissant en ce sens.

Le sénateur Runciman : Le sénateur Ringuette a demandé à quel moment les provinces examineraient la question. J'ai l'impression que la classe politique a toujours considéré tout changement majeur en la matière comme une pilule empoisonnée. Personne n'a jamais été très enclin à prendre des mesures en ce sens. On a manqué bien des occasions de trouver des solutions utiles à la question, parce que les partis de l'opposition, quels qu'ils soient, ont immanquablement recours en période de campagne électorale à des tactiques alarmistes sur des programmes cachés visant à se débarrasser de la Loi canadienne sur la santé, entre autres.

Il y a sans contredit de véritables défis à relever; nous le comprenons tous. Actuellement, on constate notamment un rationnement des soins de santé dans le système.

J'aimerais vous présenter une statistique sur l'ensemble des provinces. Entre 1993 et 2010, le temps d'attente total moyen entre le rendez-vous chez un médecin de famille et le traitement d'un spécialiste est passé de 9,3 à 18,2 semaines.

Docteur Haggie, vous avez mentionné plusieurs recommandations de votre association. Vous avez contourné la question, mais je ne crois pas que vous ayez parlé expressément d'une participation accrue du secteur privé, ou peut-être d'une franchise ou d'un meilleur contrôle de l'accès aux soins, puisque les patients ne paient pas leurs services de santé au pays. Ne croyez-vous pas que nous devrions envisager cette voie aussi en plus d'essayer de relever certains des défis?

Dr Haggie : L'Association médicale canadienne n'appuie pas le ticket modérateur, par exemple. Nous essayons d'adopter des politiques qui reposent sur des données probantes, mais la littérature en matière de politiques de santé est très partagée au sujet du ticket modérateur. Tout bien considéré, on semble actuellement croire qu'une telle mesure empêche ceux qui n'ont pas les moyens de payer le ticket modérateur d'accéder aux soins.

Les temps d'attente sont un exemple du déséquilibre entre l'offre et la demande. En effet, le nombre de remplacements de la hanche a doublé durant la période à laquelle mon collègue a fait allusion. À vrai dire, il s'agit là d'un exemple de réussite de l'Alliance sur les temps d'attente, mise en place par l'Association médicale canadienne et plusieurs organisations spécialisées. Cet exemple démontre que pour réussir, il suffit de sélectionner un enjeu, d'y injecter de l'argent, puis de fixer des résultats attendus, des délais et des objectifs. Puisque c'est ce qu'a fait l'Alliance sur les temps d'attente, je dirais que cette procédure constitue un microcosme, un argument valable en faveur d'une stratégie nationale structurée. Il reste à déterminer si chaque domaine, comme l'orthopédie, aura sa propre alliance sur les temps d'attente, mais il n'y a pas encore de plan.

Le sénateur Runciman : Pour l'instant, tout dépend de la capacité financière du patient, et j'en suis déconcerté. D'autres programmes d'assurances, comme celui des sociétés d'assurance automobile, vérifient les antécédents de l'assuré, y compris le nombre d'accidents et de réclamations. Une société d'assurance vie examine les habitudes de vie de l'assuré, à savoir s'il souffre de problèmes de tabagisme ou d'alcool, entre autres. Mais en matière de santé, il n'y a pas la moindre évaluation. Il n'y a aucune franchise. On en discute depuis des années, mais rien n'est fait. J'ai des amis et des connaissances qui abusent du système. Ils se présentent au service des urgences chaque fois qu'ils ont un ongle incarné. Aucune mesure efficace ne permet de contrôler l'accès aux soins. On ne se rend pas compte du prix à payer pour l'ensemble des contribuables, et personne ne semble jamais vouloir s'attaquer en profondeur à ces problèmes.

Le sénateur Ringuette : En ce qui a trait au ticket modérateur, je me souviens que le premier ministre Hatfield en avait imposé un au Nouveau-Brunswick, d'où je viens. C'était le chaos total. Le coût engendré par le recouvrement de l'argent était supérieur à la somme perçue; c'est donc une erreur à ne pas faire. Je conviens que ceux qui avaient véritablement besoin de soins n'avaient pas toujours les moyens.

Le vice-président : Avez-vous une question rapide, madame le sénateur?

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas une question; je tenais simplement à préciser que le ticket modérateur est une perte de temps, à mon avis.

Le vice-président : Merci.

Le temps est écoulé, mais je vous remercie infiniment de votre participation aujourd'hui. Je tenais à ce que la discussion soit saine.

Docteur, vous avez avancé des arguments de poids. Vous avez notamment confirmé que la section 17 du projet de loi assurera la constance du financement fédéral, ce qui est positif.

[Français]

Monsieur Berthelot, vis-à-vis de l'importance de notre économie et le succès de notre économie pour préserver le volume d'argent qui peut être transféré, c'est assez important.

[Traduction]

Docteur Haggie, vous avez parlé d'un régime d'assurance-maladie national. Compte tenu des questions soulevées par les sénateurs, il est très intéressant de constater qu'il s'agit d'un sujet délicat, mais surtout, qu'il faut que quelqu'un prenne les rênes afin de véhiculer une certaine vision, car c'est manifestement essentiel à l'avenir du Canada.

Je vous remercie infiniment de votre temps.

(La séance est levée.)


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