Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 24 - Témoignages du 3 octobre 2012
OTTAWA, le mercredi 3 octobre 2012
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier la teneur du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, ce soir, nous allons commencer notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone).
[Traduction]
Le projet de loi S-205 vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu en vue de créer un nouveau crédit d'impôt pour l'achat de titres de compensation de carbone.
Comme les honorables sénateurs le savent, un projet de loi précédé de la lettre S indique qu'il a été présenté au Sénat; et le fait qu'il s'agisse d'un nombre élevé, soit 205, laisse entendre de façon assez sûre qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire plutôt qu'un projet de loi émanant du gouvernement.
Nous allons d'abord écouter le parrain du projet de loi au Sénat, l'honorable Grant Mitchell, qui va nous donner un aperçu du projet de loi et nous expliquer pourquoi il arrive à point nommé.
[Français]
L'honorable Grant Mitchell, parrain du projet de loi : Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi d'être ici, devant votre comité. Je crois que ce n'est que la deuxième fois que je me trouve de ce côté-ci de la table.
[Traduction]
Il s'agit d'une expérience formidable. Je remercie le comité de m'avoir invité à parler de mon projet de loi et je remercie le gouvernement en particulier de l'avoir fait adopter en deuxième lecture et de lui avoir permis d'atterrir en comité. C'est la deuxième fois que je me retrouve du côté des témoins et la première qu'un de mes projets de loi parcourt autant de chemin. C'est très enthousiasmant.
Je vais vous expliquer brièvement l'objectif du projet de loi, vous énoncer certains de ses avantages et parler de certaines des inquiétudes qui ont très bien été débattues lors du débat en deuxième lecture. Je vous donnerai ensuite la parole et répondrai à vos questions. Je serai aussi bref que possible pour les deux ou trois premières étapes.
Le projet de loi prévoit la création d'un crédit d'impôt non remboursable qui encouragerait les particuliers et plus spécifiquement les familles — des enfants et leurs parents — à réaliser un projet constructif et efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour faire partie de la solution dans la lutte contre le changement climatique. Mon idée s'inspire grandement du crédit d'impôt pour la condition physique, un programme efficace du gouvernement qui offre une réduction fiscale de 15 p. 100 pour un montant maximal de 500 $ à toute famille qui achète des patins de hockey, de l'équipement de football ou qui paie des cours d'activités physiques de toutes sortes. Ce crédit d'impôt ressemblerait au crédit d'impôt pour les pompiers. En fait, ce dernier a grandement influencé mon modèle.
Plutôt que d'acheter des jambières de hockey pour un enfant, bien qu'elle pourrait aussi effectuer cet achat, une famille pourrait discuter de ce qu'elle peut faire en tant que famille pour régler le problème des émissions de gaz à effet de serre, problème que nous reconnaissons. Une famille pourrait investir de l'argent auprès d'une exploitation agricole, une petite entreprise ou une grande entreprise — bien que je pense qu'il serait plus approprié de se concentrer sur les petites entreprises ou des exploitations agricoles — qui réduira ces émissions de carbone, cette réduction n'ayant pas été possible sans l'investissement. La famille verserait à l'entreprise de l'argent pour investir dans une technologie, un processus ou un mécanisme pour réduire les gaz à effet de serre; sans cet argent, l'investissement n'aurait pas été possible.
Le plafond du montant serait probablement de 500 $ annuellement pour un don, une contribution ou un investissement, et on s'en tiendrait au premier palier de remboursement d'impôt de 15 p. 100. Une famille donnerait collectivement 500 $ et recevrait 75 $ en retour, tout comme c'est le cas présentement avec le crédit d'impôt pour la condition physique.
Comment le crédit d'impôt fonctionnerait-il? Pour nombre de gens, le système de compensation et de crédit est difficile à saisir. C'est en quelque sorte un processus compliqué. C'est toutefois le même processus qui s'applique quand on achète un ensemble de jambières de hockey et qu'on reçoit un remboursement pour cet investissement. Dans le cas de ma proposition, on versera simplement des sous à quelqu'un qui réalisera un projet au nom du donateur pour réduire des émissions de carbone; les contribuables seront incités à faire cet investissement en étant admissibles à une réduction fiscale.
Il est difficile d'en projeter le coût, comme cela l'a été pour le crédit d'impôt pour activité sportive. On ne le sait tout simplement pas. Imaginez qu'un million de familles canadiennes ou qu'un million de Canadiens décident d'investir chacun 500 $. Ce serait 500 millions de dollars investis dans des fermes et petites entreprises au Canada par des familles qui, autrement, n'auraient pas fait ce genre d'investissement; il en coûterait 75 millions de dollars aux contribuables canadiens. Si le coût de réduction d'une tonne, coût que je vous expliquerai dans un moment, est de 20 $, cet investissement permettrait de réduire les émissions de 20 millions de tonnes. C'est presque 10 p. 100 de la cible du gouvernement pour 2020, à très faible coût pour le gouvernement grâce à ces 500 millions de dollars provenant de Canadiens qui n'auraient pas autrement investi cet argent dans ces entreprises.
Ce n'est pas rien. Le coût est relativement faible pour le gouvernement. C'est une source d'inspiration pour les familles en particulier qui veulent agir et veulent savoir qu'ils ne sont pas impuissants. Cette mesure comprend tous ces avantages.
Soit dit en passant, une famille de quatre au Canada produit environ 25 tonnes de carbone par année dans ses activités quotidiennes, comme amener les enfants à l'école en voiture, faire la cuisine, et tout le reste. À 20 $ la tonne, cela ferait 500 $. Notre famille, une famille de quatre, pourrait éliminer son empreinte carbone pour 500 $. C'est tout un exploit.
Cela m'amène à la question suivante, à savoir pourquoi ai-je fait cette proposition? Depuis un certain temps, je me pose la question suivante : comment se fait-il que nous soyons si nombreux à ne pas comprendre ou reconnaître les preuves scientifiques du changement climatique et du défi, même des dangers qu'il représente? Il y a bien des raisons à cela, selon moi, mais l'une des principales explications, c'est que si vous reconnaissez l'existence du changement climatique, vous vous sentez dépassés par les événements car c'est un problème énorme. Vous vous demandez ce que vous pouvez faire et si vous ne trouvez pas de réponse, il est tentant de se réfugier dans le déni.
Si nous pouvions démontrer aux gens, aux enfants en particulier, que chacun peut prendre des mesures qui auront une véritable incidence et que chacun peut faire une différence, nous pourrions sensibiliser les familles, les inspirer et les rassembler dans le cadre de cette initiative. Ma proposition ne vise ni les particuliers ni les entreprises. Elle contribuerait grandement à sensibiliser les Canadiens et nous permettrait de réaliser quelque chose de concret. En outre, nous pourrions ainsi stimuler l'investissement et la conception de nouvelles technologies, susciter une plus grande créativité dans l'économie et créer des emplois, car ces investissements additionnels mèneraient à long terme — et même à court terme — à un marché du carbone qui constituerait un atout pour nous quand les États-Unis instaureront leur régime et que nous devrons amarrer le nôtre au leur, ainsi qu'aux régimes des autres pays. D'ailleurs, si le marché du carbone prend vie, de nombreux pays exigeront des réductions de la part de l'industrie. Ces investissements étrangers dans nos marchés, dans nos exploitations agricoles et entreprises canadiennes stimuleraient l'investissement étranger au Canada à des fins utiles. Le crédit d'impôt que je propose aurait tous ces avantages.
Les inquiétudes ne sont pas négligeables et je ne veux pas minimiser leur importance; il y a notamment la question du coût. Ce coût pourrait être limité, comme l'a fait le gouvernement dans le cas du crédit d'impôt pour le conditionnement physique. On pourrait imposer une limite de 500 $ en investissement ou de 15 p. 100, le premier palier d'imposition. Toutefois, contrairement au crédit d'impôt pour le conditionnement physique, on ne pourra savoir qu'à la fin de l'année à combien s'élèvent les coûts puisque tout le monde remet ses reçus à la fin de l'année. En l'occurrence, il y aura toutefois relativement peu de fournisseurs de titres de compensation de carbone. Vous pourrez donc, chaque jour, déterminer la valeur des titres vendus. Vous pourrez établir le coût chaque jour en ligne. Vous pourriez, en appuyant simplement sur un bouton, savoir si cela devient trop coûteux. Si vous prévoyez une limite, vous saurez ainsi quand arrêter.
Regardons ce qu'il en coûtera. Toute somme versée en crédit d'impôt pour compenser la réduction du carbone est une somme que le gouvernement n'aura pas à engager pour d'autres initiatives, puisque cette réduction de carbone contribuera à l'atteinte de la cible du gouvernement. Ce n'est donc pas nécessairement une nouvelle dépense nette. C'est simplement une façon différente de faire ce que le gouvernement affirme vouloir faire autrement, et je veux bien le croire. Il ne s'agit donc pas d'un coût net additionnel. En dernière analyse, si cette mesure sert à sensibiliser les Canadiens et devient populaire, si les gens viennent à comprendre son efficacité, vous pourriez commencer à réduire graduellement le crédit d'impôt. Il aurait servi d'incitatif, de mesure de lancement d'une initiative importante.
À mon avis, le coût serait loin d'être impossible à gérer. On s'inquiète toujours de ce que coûteront les incitatifs fiscaux et autres mesures semblables, mais ce crédit d'impôt est entièrement transparent, assorti d'une reddition de comptes et facilement mesurable, contrairement aux autres crédits d'impôt.
Pour le compte rendu, je signale que le crédit d'impôt pour le conditionnement physique coûte un peu plus de 100 millions de dollars par année. Je serais bien étonné si le crédit que je propose coûtait autant dans sa phase initiale.
On se demandera aussi si ce crédit d'impôt provoquera des disparités régionales, si celui qui investit dans un crédit d'impôt en fait profiter un autre pays ou une autre province. Tout peut être calculé par province. Les contribuables albertains qui réduiront leur empreinte carbone auront droit à un crédit d'impôt en Alberta. Il est très facile de calculer les sorties nettes par province ou par région. Ce serait très facile à administrer.
La troisième question est de savoir comment vérifier les crédits. Comment s'assurer que les crédits sont légitimes? Combien coûtera cette vérification? C'est intéressant. C'est ce que fait déjà, en Colombie-Britannique, le Pacific Carbon Trust qui vérifie les crédits commerciaux accordés comme compensation et qui jouit d'une grande crédibilité. Cela se fait aussi avec beaucoup de succès au niveau industriel en Alberta, où les agriculteurs et les entrepreneurs vendent des crédits carbone aux grands émetteurs de l'Alberta qui doivent respecter les plafonds qu'on leur a imposés. Les agriculteurs ont 21 façons de modifier leur méthode d'élevage et de culture pour réduire leurs émissions de carbone d'une façon pouvant être mesurée et légitimement approuvée, contrôlée, suivie et vérifiée. Cela se fait déjà. De grandes sociétés comme TransAlta achètent ces crédits. C'est tout à fait faisable et raisonnable.
Surtout, autour de 2008, quand le gouvernement du Canada a décidé que, en matière de changement climatique, sa politique serait axée sur un régime de plafond et d'échange, il a fait beaucoup de recherche sur la création d'un système d'échange de crédits. Il a produit trois documents intitulés Système canadien de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre; le premier décrit l'approche générale et les deux autres, qui sont très détaillés, contiennent les règles du programme et les lignes directrices à l'intention des promoteurs de projets. Il s'agit des particuliers, des entreprises, des courtiers fournisseurs et des groupes fournissant des crédits. Les critères sont là, ils ont été élaborés par le gouvernement du Canada. Il y a aussi des lignes directrices exhaustives à l'intention des vérificateurs; on y précise qui procède à la vérification, comment on procède à la vérification et qui serait disponible pour ces vérifications.
Il est intéressant de noter que, dans ce système tel que le gouvernement l'a conçu, la vérification et l'établissement du processus d'examen relèvent du ministère de l'Environnement, mais ce n'est pas nécessairement le ministère qui remplit ces fonctions ou, s'il le fait, ce n'est que de façon limitée.
Les représentants de la Bourse de Montréal ont comparu devant notre comité il y a trois ou quatre ans et nous ont dit qu'ils étaient prêts pour la création d'un marché du carbone. Ils ont aussi déclaré qu'ils seraient heureux de l'administrer car cela serait rentable.
Dans le cas de l'Alberta, c'est la société d'État quasi indépendante Climate Change Central, dont le conseil d'administration est composé de représentants du gouvernement et du secteur privé, qui s'est vu confier la tâche de surveiller le système de crédits compensatoires. Le Pacific Carbon Trust est aussi une société d'État indépendante et pourrait même un jour atteindre l'autonomie financière. En l'occurrence, ce n'est probablement pas le cas.
Cette initiative est tout à fait réalisable. Elle nous offre des occasions en or de sensibiliser la population. Je vois déjà des familles qui ont le sentiment d'apporter une contribution importante à la création d'un avenir meilleur en voyant les effets concrets de leurs efforts. Nous n'avons pas 10 000 $ pour changer toutes les fenêtres de notre maison, mais nous avons 500 $. Nous allons montrer à nos enfants, en collaborant avec vous, comment nous pouvons contribuer à régler le problème du changement climatique, comment nous pouvons bâtir un avenir meilleur et comment nous pouvons stimuler l'économie en investissant dans les fermes et les petites entreprises, qui se trouvent bien sûr généralement dans les régions rurales, là où les localités rurales sont menacées, là où les agriculteurs ont bien besoin de nouveaux revenus. C'est une façon de les aider. Nous pouvons faire beaucoup par le biais de cette mesure.
C'est une petite mesure dont les effets peuvent être immenses. Elle ne sera pas nécessairement très coûteuse et une bonne part du travail a déjà été faite. Ma proposition n'a que des avantages. Je vous recommande de voter pour.
Le président : Merci beaucoup, sénateur Mitchell.
J'indique à l'intention des nouveaux membres du comité que nous dressons une liste des sénateurs qui veulent intervenir. Si vous voulez participer à la discussion ou poser une question, faites-moi signe et je mettrai votre nom sur la liste. Je cède habituellement la parole au premier nom sur ma liste et je continue dans l'ordre, mais je tente aussi d'assurer un certain équilibre entre les deux côtés de la table. Selon le temps dont nous disposons, je vous indiquerai, le cas échéant, que votre temps de parole est presque écoulé.
Mais auparavant, pourriez-vous préciser une chose au sujet de la famille qui investit 500 $? Elle a droit à un crédit d'impôt de 75 $ et la satisfaction de savoir qu'elle a réduit son empreinte carbone, mais l'entreprise dans laquelle elle a investi lui remettra-t-elle une part de ces 500 $?
Le sénateur Mitchell : Non. La famille n'achète pas de parts dans l'entreprise, ce n'est pas un investissement dans ce sens-là. Il ne s'agit pas d'obligations ou d'actions. En revanche, cet investissement n'entraîne aucun risque, ce qu'il est important de comprendre. C'est en quelque sorte un investissement dans l'économie. C'est une façon d'encourager un entrepreneur ou un agriculteur à acheter une pièce d'équipement permettant le labour de façon moins polluante et, du coup, la réduction de l'empreinte carbone. L'investisseur aura droit à son crédit d'impôt de 75 $. Les 500 $ sont essentiels pour ces entrepreneurs.
Le président : Ils récupéreront 75 $ s'ils paient de l'impôt.
Le sénateur Mitchell : S'ils sont imposables, en effet.
Le président : C'est non remboursable, c'est-à-dire qu'il faut être imposé pour voir baisser le montant de l'impôt qu'on verserait.
Le sénateur Mitchell : C'est exact.
Le président : C'est une précision utile. Envisagiez-vous que, éventuellement, on adopte une loi pour encourager les familles à participer à cette initiative, ou est-ce que cela restera une bonne action de la part des familles?
Le sénateur Mitchell : C'est une bonne question car, bien sûr, si le gouvernement fait de la publicité, cela entraînera des coûts, que j'ai anticipés.
En Alberta, par exemple, il y a des groupes appelés courtiers-fournisseurs qui vendent les crédits compensatoires pour les agriculteurs. Ils sont aussi heureux de s'occuper de la publicité.
Je présume, du moins j'espère, qu'ils vont dans les écoles et font de la publicité dans les médias pour informer la population de l'existence d'un crédit d'impôt pour ceux qui achètent des crédits compensatoires. On encouragera donc la publicité par le secteur privé. Le crédit d'impôt pour le conditionnement physique a fait l'objet beaucoup de publicité dans les médias et je m'attends à ce qu'il en aille de même pour ce crédit d'impôt-ci. Ce serait une bonne façon de lancer l'initiative sans que cela coûte quoi que ce soit au gouvernement.
C'est l'industrie qui assumerait cette dépense puisque c'est elle qui veut vendre ces crédits.
Le président : Si je comprends bien le fonctionnement du crédit d'impôt pour le conditionnement physique, il s'applique à un abonnement à une patinoire, à l'achat de jambières de hockey ou d'une paire de patins de figure. Il s'applique à une dépense que vous avez faite pour obtenir quelque chose. Ce que votre projet de loi prévoit, c'est que vous investissez 500 $, que vous récupérez 75 $ et que vous avez le sentiment agréable d'avoir fait votre part.
Le sénateur Mitchell : Si je fais un don de charité de 500 $, qu'est-ce que j'en retire? J'en retire la satisfaction d'avoir aidé autrui.
Le président : Chers collègues, avez-vous des questions?
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais féliciter mon collègue pour son imagination et son engagement à l'endroit la question de l'environnement.
Comme mon collègue, si on compare le crédit d'impôt à un genre de société de charité, je pense que cela sera plus difficile à vendre que s'il y avait un retour ou, au moins une possibilité de retour. Car s'il y a une bourse de crédit de carbone, pourquoi est-ce que ce serait quelqu'un d'autre qui toucherait le bénéfice? Pourquoi est-ce que la personne qui met les 500 $ perdrait ses 425 $ et quelqu'un d'autre ferait de l'argent avec la bourse de carbone?
Je ne sais pas comment vous pourriez appeler cela, mais il pourrait y avoir une « unité » de 500 $ qui donnerait droit à 75 $; ces unités pourraient être éventuellement regroupées et, si elles étaient vendues à des entreprises comme TransCanada, celles-ci auraient le droit d'avoir un retour sur cet investissement.
Je soulève la question : si on veut vendre cela aux Canadiens, l'idée est bonne mais je pense que, même si nous avons de bons parents qui veulent éduquer leurs enfants, ils vont plutôt leur acheter des patins avant de faire cette dépense de 500 $.
Si c'est juste pour se sentir bien dans le contexte économique actuel, c'est peut-être un peu difficile, mais pourquoi n'y aurait-il pas une entente avec la bourse du carbone pour que ces gens aient une unité, qui se regroupe avec d'autres, et qui pourrait éventuellement avoir une valeur monétaire sur le marché?
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : C'est tout à fait possible. Toutefois, cela devient compliqué car il y a différents types d'unités. Moi, je me limite aux crédits qui n'ont pas nécessairement de valeur de revente parce qu'ils ne sont octroyés que de façon ponctuelle. Cela pourrait toutefois mener à ce que vous décrivez. Le système que je propose est beaucoup plus simple, et je l'ai voulu ainsi.
Quant à savoir si les gens participeront, si cela ne les intéresse pas, ils ne participeront pas et cela ne coûtera rien. Alors, pourquoi ne pas essayer? Moi, je crois que cela intéressera la population. Je pense qu'il y a toute une génération de Canadiens, surtout les jeunes, qui voient le monde bien différemment de ma génération. Ils s'inquiètent beaucoup du changement climatique, bien plus que beaucoup de gens de ma génération. Je pense qu'on peut les inciter à agir. J'ai l'impression que les gens ne savent trop quoi faire ou qu'ils n'ont pas assez d'argent pour apporter des changements importants comme changer les fenêtres de leurs maisons, parce que c'est très coûteux et que cela ne réduit pas nécessairement de beaucoup l'empreinte carbone.
De plus, ces crédits compensatoires vous permettent de prendre des mesures faciles et peu coûteuses. Ils orientent les gens vers les mécanismes de marché qui constituent la façon la moins coûteuse de réduire l'empreinte carbone. Je ne sais pas si, après 10 ou 15 ans de succès, le marché du carbone continuera d'exister car, justement, une bonne part des mesures les plus faciles à prendre l'auront été, mais c'est une bonne façon d'amener les entreprises à concevoir leurs propres technologies pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans les domaines les plus coûteux. D'ici là, c'est une bonne façon, une façon peu coûteuse et efficace, de nous amener de A à B.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Pour les fermiers qui voudraient participer à ce projet, comment est-ce qu'ils obtiendraient l'argent?
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Ça proviendrait du revenu de chacun, comme quand vous et moi faisons des dons à des organismes de charité ou à un parti politique. Avec leur argent, les gens achèteraient ces crédits compensatoires parce que ce serait pour eux une façon d'apporter leur contribution et de sensibiliser leurs enfants.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je parle de celui qui reçoit l'argent. Quelqu'un reçoit ces 425 $ : qui? et pour en faire quoi? Vous avez parlé de fermiers, mais quelqu'un, quelque part, va utiliser ces 425 $.
Le président : C'est 500 $ plutôt, non?
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Je vous donne un exemple. Westport Trucking est l'une des principales sociétés mondiales de la transformation de moteurs diesel en moteurs au gaz naturel liquide. Avec un camion au gaz naturel liquide, vous réduisez vos émissions de carbone d'environ 30 p. 100. Or, les exploitants de camions diesel — ils ont témoigné devant notre Comité de l'environnement — hésitent à faire la transition car pour ces camions elle coûte plus de 80 000 $ chacun. En fait, on peut recouvrer cette somme assez rapidement, mais ils ne voient que le prix par camion. Westport Trucking ou une autre entreprise de camionnage pourrait mettre sur pied un système pour réduire ses émissions de carbone en changeant le moteur de 50 de ses camions. Cela nécessiterait une somme assez importante et, par conséquent, l'entreprise pourrait décider de vendre des crédits compensatoires à ceux qui voudraient l'aider. Ce serait toute une percée.
Il y a un exemple qui m'inspire beaucoup, et c'est celui des agriculteurs, car je crois que les agriculteurs ont désespérément besoin de revenu et de stabilité à long terme. En Alberta, on a documenté et approuvé 21 façons de réduire les émissions de carbone, notamment la culture sans labours. Il s'agit d'ensemencer la terre sans d'abord la labourer. Cela nécessite toutefois de l'équipement qu'il faut acheter. Il y a aussi des façons de traiter le fumier de façon à ce qu'il produise moins de méthane. Mais cela nécessite aussi de nouvelles pièces d'équipement et une nouvelle méthodologie. Les agriculteurs vendent donc des crédits compensatoires pour acheter ce nouvel équipement et peut- être même faire des profits. Cela se fait couramment en Alberta. Les entreprises le font. Elles obtiennent des crédits, réduisent leurs émissions nettes et, du coup, leur empreinte carbone. Je pense que les familles et les particuliers pourraient en faire autant.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui, mais celui qui reçoit l'argent, celui qui va faire de l'argent en bout de ligne, ce que je dis, c'est que ça peut être un investissement à long terme; cela peut être pour cinq ans, 10 ans. Il me semble que ce serait censé pour une personne qui déciderait, chaque année, d'investir 500 $, comme elle achèterait 500 $ d'actions d'une entreprise, et qui aurait chaque année 75 $ de crédit d'impôt. Mais il faudrait qu'elle devienne partenaire avec quelqu'un, quelque part, pour pouvoir réaliser les bénéfices de cet investissement. Imaginons une famille qui gagne sa vie honorablement, sans être riche, et qui investit chez quelqu'un qui fait de l'argent — une compagnie de camionnage, par exemple — et qui a effectivement peut-être besoin d'un capital important; je pense que ce serait plus pratique, du point de vue marketing, que la personne garde un lien avec cette entreprise et puisse profiter également de retours sur l'investissement qu'elle a fait.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Oui, je comprends ce que vous dites.
Il a été prouvé que c'est une idée qui intéresse les gens. Déjà, les gens achètent des crédits compensatoires sans qu'on les encourage à le faire. Les gens peuvent acheter de tels crédits par l'entremise des transporteurs aériens, par exemple. Il y a des gens qui sont motivés à poser ce geste. Ma mesure législative pourrait les motiver encore davantage et donner à tous une occasion de plus d'agir. Bien des gens voient le monde bien différemment de vous. Et si ça ne fonctionne pas, personne n'en souffre, cela ne coûte rien.
Le sénateur Buth : Merci beaucoup de nous avoir expliqué votre projet de loi. Je cherche la définition de ce qui serait jugé admissible, et je ne la vois pas dans votre projet de loi. Il devient alors difficile d'évaluer les coûts et avantages de votre mesure ainsi que les coûts de son administration. Que pouvez-vous nous dire sur les définitions?
Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas le genre de choses qu'on définirait dans un projet de loi, ce serait trop restrictif. J'espère qu'un marché s'ouvrira et que bien des gens seront intéressés, à différents endroits.
Votre gouvernement a déjà envisagé un tel système. Il a mis sur pied un processus permettant de définir les crédits, définir ceux qui les produiraient et les organisations qui feraient la vérification. Le projet de loi est tout à fait conforme à cela et à ce qu'inclurait votre éventuelle loi sur un régime de plafond et d'échange. Vous y viendrez peut-être. Tout ce travail a déjà été fait. Il ne serait pas indiqué de prévoir dans le projet de loi que seul Westport Trucks est admissible. Il ne serait pas non plus indiqué d'exiger que les agriculteurs ne puissent prendre que certaines mesures. Ce n'est pas le genre de choses qu'on définit dans une loi.
Le sénateur Buth : Je comprends que vous ne vouliez pas définir les entreprises admissibles, mais je m'attendais à ce qu'on définisse le genre de choses qui seraient admissibles.
Le sénateur Mitchell : La compensation de carbone est définie dans le projet de loi qui confère aussi au ministre de l'Environnement le pouvoir de créer et de définir le processus de détermination de ces compensations, ainsi que le processus de vérification et le fonctionnement du marché. C'est déjà là, et cela me rassure. Votre gouvernement a déjà fait le gros du travail. Nous n'avons pas à réinventer la roue. Mon projet de loi n'existe pas dans le vide. Mon projet de loi table sur d'importants travaux qui ont été faits par votre gouvernement.
Le président : Sénateur Buth, à la première page, l'article 118.06 proposé comprend la définition de « projet de compensation » et de « fournisseur de titres de compensation de carbone », et cetera
Le sénateur Buth : Oui, et c'est selon ce que désigne le ministre. On laisse le soin au ministre de définir ces projets et ces fournisseurs. Je trouve donc difficile d'évaluer les coûts réels. Vous nous avez donné des exemples, mais vous avez aussi dit qu'il en coûterait 75 millions de dollars aux contribuables. C'est une somme considérable.
Le sénateur Mitchell : Je peux répondre à cette question. Quand vous avez créé le crédit d'impôt pour le conditionnement physique, vous ne saviez pas combien cela coûterait. Quand vous avez créé le compte d'épargne libre d'impôt, vous n'aviez pas la moindre idée de ce que cela coûterait.
Le président : Sénateur Mitchell, il serait peut-être utile que vous nous disiez plutôt comment le gouvernement a procédé.
Le sénateur Mitchell : Oui, vous avez raison.
Quand le gouvernement a créé le crédit d'impôt pour les usagers du transport en commun, il ne savait pas combien cela coûterait. Quand les gouvernements précédents ont créé le REER, ils n'avaient pas la moindre idée de ce que cela coûterait. On a toujours l'impression de prendre un risque, mais moi, je crois que le coût serait plus facile à gérer que dans le cas d'autres crédits d'impôt, car vous pouvez mesurer les coûts quotidiennement. Vous pouvez obtenir des données directement de ceux qui vendent ces titres de compensation. Chaque jour, vous pouvez regrouper les données et ainsi savoir ce qui a été vendu, et le multiplier par 15 p. 100 pour savoir combien cela nous coûte. Cependant, si vous réduisez les émissions de carbone de 20 millions de tonnes à l'aide de ce programme et que cela vous coûte 75 millions de dollars, ce sont 75 millions de dollars que le gouvernement n'aura pas à consacrer à un autre programme pour atteindre sa cible de réduction des émissions de 17 p. 100 par rapport au niveau de 2005 d'ici 2020. C'est cela, la compensation, et c'est une façon pour les particuliers d'investir dans l'économie et de stimuler l'économie.
Le sénateur Buth : Je viens d'un milieu agricole, alors je connais très bien les agriculteurs et les opérations de travail du sol, et ce qu'ils sont en train de faire en ce moment. Vous avez même dit que l'Alberta le fait. Pourquoi voudrions- nous instaurer des lois fédérales s'il existe déjà un système qui est relativement efficace?
Le sénateur Mitchell : L'Alberta a déjà pareil régime à l'échelon commercial. Elle n'a pas voulu le faire à l'échelon des particuliers. Je ne travaille pas à l'échelon provincial, vous non plus, mais nous avons le pouvoir de faire ceci. Le gouvernement fédéral assume des responsabilités à l'égard de l'environnement et du changement climatique, et il a une cible. Les provinces ne font pas toutes ces choses que fait le gouvernement fédéral au chapitre de la réglementation, et ce que je dis, c'est que le gouvernement peut instaurer ce régime, qui présentera toutes sortes d'autres avantages. Ainsi, il inciterait les jeunes gens et les jeunes familles à faire quelque chose pour leur communauté, leur avenir, l'environnement. Ce serait un investissement, qui stimulerait l'économie; ce serait un investissement dans les agriculteurs et les petites entreprises; ce serait un moyen d'appuyer et de stabiliser les communautés rurales; ce serait un moyen d'appuyer les sources d'énergie renouvelable — rien que des avantages. Cela peut se faire très facilement à l'échelon fédéral, sans presque rien coûter alors que l'économie en serait très certainement nettement stimulée.
Le sénateur Buth : Alors quel est le critère d'évaluation, en ce qui concerne l'incidence sur l'environnement?
Le sénateur Mitchell : De nos jours, de façon générale, sur les marchés internationaux, et même ceux d'ici, c'est environ 20 $ la tonne. Ce peut être beaucoup moins cher. En Alberta, le coût était aussi peu que 6 $ la tonne pour les agriculteurs, parce qu'ils peuvent faire certaines choses à peu de coûts, mais disons 20 $. Il y a un lien entre ce montant et le coût de réduction d'une tonne de façon plus ou moins efficace — l'un des moyens les plus efficaces dans notre industrie ou notre économie — en ce moment. Une évaluation du marché dira : « Nous sommes disposés à vous aider à réduire les émissions d'une tonne de carbone pour le cours du marché actuel », c'est-à-dire de façon générale une vingtaine de dollars. Nous laissons le marché décider.
Le sénateur Buth : Cela m'amène à ma deuxième question, c'est-à-dire pourquoi ne pas laisser cela aux provinces? S'il existe déjà un régime de marché efficace, et que des titres de compensation de carbone s'échangent déjà, laissons le système faire ce qu'il fait.
Le sénateur Mitchell : On pourrait dire que les provinces pourraient faire toutes sortes de choses qu'elles ne font pas, mais la Colombie-Britannique le fait à l'échelon fédéral; l'Alberta à l'échelon industriel; et le Québec en collaboration avec certains pays du Nord, à l'échelon commercial et industriel. C'est une lacune du marché.
Si nous suivons votre logique jusqu'au bout, on pourrait soutenir que le gouvernement fédéral ne devrait absolument rien faire. Pourquoi ne pas laisser le gouvernement provincial faire tout ce qu'il y a à faire pour atténuer le changement climatique et, ainsi, atteindre vos cibles? Vous n'êtes pas allés jusque-là. Vous parlez de normes d'émissions pour les voitures et pour les centrales au charbon. L'Alberta pourrait en avoir. Il y a des centrales au charbon dans cette province. Vous parlez de normes d'émissions pour les sables bitumineux; ils sont en Alberta. Ce que je dis, c'est qu'on pourrait en avoir pour pousser les familles à réduire leurs émissions et créer un crédit du carbone.
L'autre chose, c'est qu'on peut pousser d'autres secteurs dans le même sens, comme les commissions des valeurs mobilières. Celle de Montréal, à un moment donné, était toute prête à le faire. Je ne pense pas que ce soit irréconciliable. Je crois que nous devons tous unir nos efforts et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour résoudre ce problème, parce que c'est un problème de taille.
Le sénateur Peterson : Je vous remercie pour votre exposé. Je crois que les deux structures actuelles, celle de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, ne figurent pas dans votre plan. Elles sont à l'échelon commercial. Pour réaliser votre plan, il faudrait créer de nouvelles structures pour qu'il puisse y avoir un mécanisme de surveillance.
Le sénateur Mitchell : Oui.
Le sénateur Peterson : Si quelqu'un doit se retrouver avec une facture de 100 millions de dollars, il voudra savoir ce qui se passe et où ça s'en va.
Le sénateur Mitchell : Exactement. Ce serait une nouvelle structure. C'est une version de cette structure, une possibilité, qui a déjà été décrite en long et en large par l'actuel gouvernement en 2008. Il y en a une que pourrait mettre en place le ministère de l'Environnement. Il semble que c'est ce que le ministère préférerait, bien que je croie qu'il y a moyen de le réduire. On pourrait certainement avoir un mécanisme de surveillance au ministère, mais on pourrait trouver des organisations, des commissions des valeurs mobilières. Peut-être que Climate Change Central, en Alberta, serait disposé à prendre en charge le régime fédéral aussi, si bien qu'il y aurait une structure distincte.
Le sénateur Peterson : Pour ce qui est de votre exemple d'Air Canada, je peux payer plus pour mon billet, et, paraît- il, réduire mon empreinte écologique. Pour cela, Air Canada doit acheter des crédits de quelqu'un.
Le sénateur Mitchell : Oui.
Le sénateur Peterson : C'est donc une démarche à valeur nulle; quelqu'un touche un revenu et quelqu'un encourt une dépense?
Le sénateur Mitchell : Pas pour Air Canada ou pour le voyageur qui en achetant son billet, achète le crédit pour son voyage. L'argent est probablement versé à un parc d'éoliennes du sud de l'Alberta, qui construira une éolienne pour produire de l'électricité en remplacement de celle produite par une centrale au charbon. C'est ainsi que cela fonctionnerait.
Le sénateur Peterson : J'aimerais bien être sûr qu'Air Canada ait versé cet argent. À quoi bon leur donner plus d'argent s'ils ne font que le garder?
Le sénateur Mitchell : Exactement. C'est une part du problème. On peut aller trouver des crédits maintenant, mais on ne peut pas vraiment savoir. Ce serait comme acheter un titre auprès d'une bourse qui n'est pas correctement réglementée, ou peut-être pas accréditée. C'est une part du problème. Les gens ne sont pas absolument convaincus de pouvoir trouver un crédit dans lequel ils peuvent avoir pleinement confiance, et ils devraient pouvoir le trouver.
Pour vous donner un exemple, le gouvernement fédéral lui-même a acheté des crédits. C'est un peu une réponse au commentaire de tout à l'heure du sénateur. Le Canada a acheté pour 225 000 $ de crédits en contrepartie de l'empreinte de carbone du gouvernement fédéral lors des Jeux olympiques de 2010. Votre gouvernement, le gouvernement du Canada, a payé 225 000 $ en 2011 justement pour cela. C'est tout à fait faisable. Et le gouvernement comprend que c'est faisable, et il a dépensé 225 000 $ de l'argent des contribuables justement pour cela.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, sénateur Mitchell. On sait que, depuis quelques années, il y a beaucoup de projets de crédits de carbone dans l'air, mais jusqu'ici on n'a pas vu de résultats impressionnants comme tels. Ma question aura deux volets.
Premièrement, avez-vous des exemples à nous donner en ce qui concerne une idée semblable qui aurait été implantée à l'échelle nationale avec succès, et pour les petits investisseurs et le gouvernement? Si oui, est-ce que cela a bien fonctionné?
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Il existe maintenant de nombreux exemples de structures qui ont été efficaces à l'échelle nationale, et même très efficaces, pas nécessairement pour les particuliers. L'un des cas les plus étonnants d'emploi de crédit, un domaine où une bonne part des premiers travaux s'est faite, avec beaucoup de succès, c'est celui de la pluie de soufre. Le problème de la pluie de soufre a été résolu dans l'Est du Canada et des États-Unis surtout grâce au recours aux crédits, et de cela est née toute une nouvelle industrie.
Je sais que le marché européen s'est fait discréditer parce qu'il est parti du mauvais pied. Cependant, sur le marché européen, des crédits sont attribués à l'industrie. C'est très différent. Nous ne donnons de crédits à personne, pour commencer. Cependant, même ce marché-là fonctionne très efficacement. Des millions de dollars, littéralement, y sont investis.
Il y a de nouveaux marchés en Nouvelle-Zélande et en Australie, et pratiquement partout dans le monde. Je crois que nous y arriverons aussi, et que même les Américains emboîteront le pas, la solution étant tellement à portée de main et les mécanismes du marché étant si efficaces pour y arriver. C'est ce que j'aime de cette option : il s'agit d'un mécanisme du marché, et non pas d'un quelconque bureaucrate qui essaie d'établir un prix. C'est le marché qui établira le prix.
C'est extrêmement efficace. Cette solution n'a pas été largement adoptée chez les particuliers parce que personne n'y avait pensé, mais il suffit parfois d'une idée novatrice pour que cela fonctionne. Je pense qu'il faut commencer par s'intéresser aux simples citoyens. Il faut leur faire comprendre qu'on peut vraiment changer les choses, qu'on peut véritablement régler ce problème, si on travaille ensemble. Ce peut être un processus très inspirant, qui donne un objectif au pays, aux particuliers, aux enfants qui ramassent des bouteilles et reviennent à la maison en se demandant : « Comment peut-on régler ce problème environnemental? »
[Français]
Le sénateur Dagenais : Pour ce qui est du deuxième volet de ma question, vous avez aussi parlé de projets plus petits comme en Colombie-Britannique et en Alberta. Avez-vous des résultats qui peuvent démontrer que les résultats ont aussi été concluants?
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Absolument. Les plafonds imposés par l'Alberta aux grands émetteurs ont représenté une réduction de 12 millions de tonnes en 2011. La moitié de cette réduction est attribuable à des crédits; le reste, à des changements technologiques. Cette moitié, soit 6 millions de tonnes, achetée à un prix variant probablement de 6 $ à 14,99 $ la tonne — il y a une raison à cela — a été attribuée à des agriculteurs et à des petites entreprises de l'Alberta. C'est un montant non négligeable, puisqu'il s'élève au total à 60 ou 70 millions de dollars dans ce cas-ci. L'année précédente, on a atteint 3,6 millions de tonnes, soit 30 ou 35 p. 100 de la réduction imposée. On obtient là des résultats tangibles.
L'année dernière, Pacific Carbon Trust a traité 1,25 million de tonnes, mettant ainsi de côté quelque 25 millions de dollars. L'organisme travaille d'arrache-pied pour trouver des entreprises pouvant produire suffisamment de crédits, puisqu'il en anticipe la demande.
Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup, sénateur, d'être ici. Il s'agit d'une mesure législative intéressante. Mes questions vont dans le même sens que celles du sénateur Peterson. Elles portent donc sur le processus, et visent à mieux comprendre comment cela fonctionnerait.
Si une famille décide d'investir 500 $, vous dites qu'elle pourrait toucher un crédit d'impôt de quelque 75 $. Supposons qu'elle souhaite l'investir dans une exploitation agricole qui fera l'acquisition d'une nouvelle technologie lui permettant de réduire les gaz à effet de serre. Qui déterminera dans quel projet cette famille peut investir?
Le sénateur Mitchell : On prévoit ici des critères très détaillés que devrait respecter un agriculteur, par exemple — et en Alberta, c'est très détaillé —, afin de produire un crédit qui serait reconnu par, dans le cas de l'Alberta, le Climate Change Central — il s'agit, comme je le disais, d'un groupe quasi gouvernemental, qui relève en partie du gouvernement et en partie du secteur privé —, qui dirait : « Cette exploitation agricole a respecté tous les critères; par conséquent, on l'autorise à vendre tant de crédits. » Les détails sont très techniques, mais puisque le crédit est lié à des coordonnées GPS, on peut voir la portion de territoire où s'applique la réduction.
Le sénateur Callbeck : Qui s'en charge en Alberta? S'agit-il d'un groupe du secteur privé? D'une organisation qui relève du gouvernement?
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement de l'Alberta a établi le système, puis s'est tourné vers un groupe appelé Climate Change Central, ce qui est intéressant. L'un des membres fondateurs de Climate Change Central était le sénateur McCoy. L'organisme travaille fort sur divers dossiers environnementaux et produit notamment des études. Il est formé de professionnels extrêmement qualifiés qu'on a chargés de superviser l'homologation des producteurs de crédits et le processus de vérification de ces crédits. Le gouvernement de l'Alberta a délégué ce pouvoir à l'organisme, et a établi des critères clairs afin de garantir l'intégrité du processus.
Le sénateur Callbeck : S'agit-il d'un groupe qui déciderait des projets dans lesquels une famille pourrait investir?
Le sénateur Mitchell : Oui.
Le sénateur Callbeck : Un seuil a également été établi; avec 500 $ chacune, 10 ou 20 familles peuvent investir, voire plus, n'est-ce pas?
Le sénateur Mitchell : Non. La seule chose qui soit fixée, c'est le prix, si l'agriculteur dit : « Je ne peux pas produire ce crédit pour ce que vous êtes prêt à payer. » À quel prix peut-on le produire? L'agriculteur pourrait répondre que c'est faisable pour 6 $. La famille s'adresse aux intervenants du marché — des marchands accrédités font la liaison —, transfère l'argent, qu'on donne à l'agriculteur, et la famille sait maintenant qu'elle est à l'origine d'une réduction de 6 $, appliquée au montant investi, réduisant ainsi les émissions d'un certain nombre de tonnes.
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il un suivi? Comment la famille sait-elle que l'agriculteur a effectivement dépensé l'argent?
Le sénateur Mitchell : Elle reçoit un certificat confirmant que cela a été fait. On effectue en outre des vérifications chez les agriculteurs pour s'assurer que cela a été fait de façon appropriée.
Le sénateur Callbeck : Qui s'en charge?
Le sénateur Mitchell : Le Climate Change Central. Au Canada, il existe un livret qui porte sur la vérification et qui explique comment procéder, comment mener une vérification; les explications sont très détaillées. C'est un peu comme un marché boursier. On vend des actions et des obligations dans le monde occidental depuis 150 ans : on peut investir tant d'argent à la banque XYZ, et les banques n'ont même plus d'argent physique. Tout est numérique. Comment savoir qu'on est véritablement propriétaire en partie de cette banque et qu'elle a une certaine valeur? On le sait grâce aux processus de vérification et aux marchés boursiers qui nous rassurent en confirmant qu'il s'agit d'entreprises de qualité qui sont adéquatement réglementées.
À plus petite échelle, c'est exactement la même chose. Il suffit de déterminer la façon la plus efficace d'établir des mécanismes du marché et d'échanges d'actions ou de crédits qui fonctionnerait. C'est ce qu'on fait, et avec succès : l'Alberta est un très bon exemple. Vous pourrez peut-être faire fond sur ces efforts. L'Alberta en sera peut-être ravie.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé plus tôt d'Air Canada. Si une personne paie Air Canada pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, comment peut-elle savoir si l'argent a vraiment été investi à cette fin?
Le sénateur Mitchell : Ai-je parlé d'Air Canada? Les entreprises aériennes le font. Supposons qu'un transporteur aérien indique sur son site web, par exemple, qu'elle investit dans des parcs éoliens. C'est peut-être la seule garantie que vous aurez. C'est une partie du problème. Si vous connaissiez un marchand autorisé, qu'il s'agisse d'un organisme gouvernemental ou, mieux encore, d'une commission des valeurs mobilières — la Bourse de Montréal, par exemple, s'y intéresse, et celle de Chicago le fait déjà. C'est une bourse énorme. Les bourses européennes le font aussi. Vous pourriez alors avoir pleinement confiance et sauriez vers qui vous tourner et vous auriez la certitude que la réduction est effectuée, et vous pourriez voir sur votre GPS où elle s'applique, à quels lopin de terre ou entreprise particulière, ce qui vous rassurerait.
Les gens ont besoin qu'on les rassure que c'est en train d'être fait et que le problème est en partie dû au fait qu'il y a eu tellement de presse négative là-dessus, ce qui est très fâcheux. Je crois que les crédits sont une façon d'atteindre les cibles les plus faciles, de réduire les émissions de manière très efficace et d'investir dans des industries qui ont besoin d'aide pour stimuler les économies. C'est une excellente façon d'y arriver.
Le sénateur Callbeck : Dans les documents que vous avez, a-t-on examiné le coût de la mise sur pied de ce régime ou de ce processus?
Le sénateur Mitchell : Je suis certain que ce gouvernement n'aurait jamais proposé quelque chose sans en avoir établi les coûts. Je ne suis pas au courant de ces coûts, mais j'ai du mal à imaginer qu'ils aient envisagé de faire cela sans en établir les coûts. Je suis certain que nous pourrions nous procurer ces chiffres, mais j'imagine que quels que soient les coûts qui soient avancés, nous pourrions le faire car ils se concentrent sur le ministère de l'Environnement. Je crois que vous pourriez en fait procéder comme nous le faisons avec les titres. Vous pourriez avoir des échanges au sein du secteur privé, des opérateurs du secteur privé pour s'en occuper, et ils gagneraient de l'argent, car ils pourraient imposer des frais ou des droits ou même une prime là-dessus. Je crois que cela peut être fait à moindre coût. Vous auriez besoin d'une fonction de vérification fiable, mais je crois qu'il y a pas mal d'intérêt au sein des marchés pour le faire. L'industrie est de plus en plus à la recherche de ce genre de leadership, car ils savent qu'au fur et à mesure que cela devient international, par exemple, il y a de plus en plus de pression à leur égard pour réduire les émissions. Parfois, c'est moins cher de procéder en demandant à quelqu'un d'autre de le faire pour vous, tout comme nous demandons des services à un grand nombre de personnes qui peuvent faire les choses mieux que nous — fabriquer notre voiture, réduire notre carbone.
Le sénateur L. Smith : Le concept est fascinant. Pour revenir au sénateur Callbeck et au sénateur Peterson, vous nous avez montré un document qui faisait partie d'un programme qui était en train d'être mis sur pied il y a trois ou quatre ans de cela. J'ai lu le très court texte de loi. Vous avez mentionné la somme de 500 $ pour les particuliers. S'agit- il d'un chiffre que vous avez vous-même calculé ou s'agit-il de quelque chose qui a été proposé auparavant?
Le problème que j'ai ici est que d'un côté le concept, en soi, est très positif, mais de l'autre côté, le problème est le cadre et la structure organisationnelle autour. C'est bien beau de dire que votre gouvernement a fait ceci ou que le gouvernement de l'époque a fait cela, mais vous avancez quelque chose pour qu'on l'examine. À mon avis, cela ne suffit pas de soumettre quelque chose, mais il faut un cadre autour, afin de pouvoir l'analyser et comprendre les implications de l'analyse coût-bénéfice. Le concept est extraordinaire.
Le sénateur Mitchell : Merci. Je sais ce que vous voulez dire. J'imagine, et c'est ironique, que j'ai davantage confiance en votre ministre de l'Environnement que vous ne semblez en avoir, à l'heure actuelle. Je suis convaincu que le ministre de l'Environnement, qui a reçu ce projet de loi et qui a fait ce genre de travail, pourrait y arriver, qu'ils pourraient y arriver et qu'ils pourraient s'inquiéter des coûts.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles j'ai choisi la somme de 500 $. D'abord, parce que je savais que les coûts poseraient problème et qu'il y a trois ou quatre façons dont on peut limiter les coûts. On pourrait dire que vous pourriez investir tout ce que vous voulez dans ces crédits. Vous pourriez investir 1 million de dollars et nous vous donnerons 150 000 $ en retour; cela n'irait pas. Je me suis dit : « Allons-y avec 500 $ », car c'est une façon de limiter les coûts et, comme par hasard, cela correspond à la limite de 500 $ pour le crédit d'impôt pour le sport. Il y a donc un précédent.
J'ai également dit que nous pouvions limiter les coûts en raison des 15 p. 100, plutôt que d'augmenter et de passer au troisième niveau, donc les 15 p. 100 limitent les coûts. C'est vraiment là-dessus que je me suis basé.
Essentiellement, il vous faut commencer quelque part et je crois que très rapidement nous pourrions ajuster et voir si les 500 $ ne suffisent pas ou si c'est trop ou si les 15 p. 100 ne sont pas suffisants ou si c'est trop, ou peut-être que les choses fonctionneront si bien que nous pourrons l'éliminer graduellement, car les gens comprendront et ils n'auront même pas besoin d'octroyer un crédit d'impôt, mais nous aurons quand même lancé la chose.
Dans un projet de loi comme celui-ci, nous accordons beaucoup de pouvoir au ministre et il y a certainement un précédent avec le gouvernement actuel. Dans ce cas-ci, je crois que c'est ce qu'il faut faire, car nous sommes en train d'innover. Je me sens tout à fait à l'aise, car beaucoup de travail a été fait pour trouver la bonne façon de procéder.
Il y a d'autres précédents au Canada car d'autres gouvernements font la même chose actuellement. J'ai été très impressionné par ce que le ministre Prentice a fait, par le processus qu'il vient de terminer pour évaluer le groupe auprès duquel il achèterait 225 000 $ de crédits pour compenser les Olympiques. Il y a un précédent là aussi. Cela a été très bien fait. Ils se sont adressés au marché, ont fait un appel d'offres et ont obtenu le meilleur prix et ils ont fait quelque chose qui était vraiment innovateur. En fait, je pourrais même citer :
Le Canada est fier d'être le premier pays hôte de l'histoire à aider à compenser les émissions de gaz à effet de serre de ses Jeux olympiques.
En rendant à César ce qui appartient à César, en crédits.
Le sénateur L. Smith : Je suis en affaires depuis toujours et lorsque quelqu'un vient nous faire un exposé, je comprends le concept, lequel me semble extraordinaire, mais ensuite il y a une seconde partie, où vous n'avez pas la structure. Vous dites que le gouvernement a travaillé là-dessus auparavant, « très bien, messieurs, j'ai l'idée, il vous suffit de l'adopter et de la mettre en œuvre. » Je n'ai simplement pas connu beaucoup de situations, dans ma vie, dans une perspective d'affaires, où j'ai assisté à un exposé où quelqu'un ait dit cela.
Ma première réaction, c'est que lorsque vous faites quelque chose, il faut avoir un marché-test et il y a un certain niveau et ensuite vous faites vos essais. Vous avez un certain niveau et, ensuite, si c'est concluant, vous passez à l'étape suivante. Maintenant, vous avez mis au point toute la trousse et vous dites « bon la voici, messieurs. » Comment notre comité peut-il analyser cela?
Le sénateur Mitchell : C'est une bonne question. Je crois que j'utilise le modèle dont s'est servi le gouvernement avec son crédit d'impôt pour les sports. Il n'y a eu aucun marché-test. Le marché-test, c'est que vous essayez et ensuite vous voyez et, dans le cas présent, il n'y aurait pas beaucoup de pertes si cela ne fonctionnait pas, car cela ne coûterait pas beaucoup à mettre en œuvre. Dans ce cas-ci, il n'y aurait pas beaucoup de pertes si cela ne fonctionnait pas, car si personne n'utilisait le programme, cela ne coûterait pas grand-chose à mettre en œuvre.
Il y a ce modèle. Le gouvernement l'a fait avec le crédit d'impôt pour les pompiers. C'est très fréquent. Dans ce cas- ci, je ne m'attends pas à ce que ça se fasse du jour au lendemain. Je dis que cela nécessiterait les ressources du gouvernement.
Le sénateur L. Smith : Si vous présentez quelque chose qui vous tient évidemment à cœur et qui, à mon sens, semble raisonnable aux yeux de la plupart des gens, il pourrait être utile, c'est une suggestion, d'ajouter certains paramètres autour du concept. S'il s'agit d'un crédit de 500 $, dites alors qu'il s'agit d'un crédit de 500 $, de manière à ce que ce soit précis pour que quelqu'un puisse ensuite examiner la chose de plus près.
Le sénateur Mitchell : J'apprécie vraiment cette suggestion. Merci.
Le sénateur Buth : Merci pour vos explications, sénateur Mitchell. Elles sont très utiles.
Lorsque j'entends parler de « certificats », « vérifications » et « systèmes de vérification », je sais que tout cela va coûter cher. De quelle manière est-ce que ces coûts sont intégrés à ce système?
Le sénateur Mitchell : C'est un élément essentiel, car bien que je me félicite du travail effectué sur ce système de plafonnement et d'échange, je pense que le gouvernement avait l'intention d'en confier la responsabilité au ministère de l'Environnement.
Je dis cela, car il y a des coûts, parce qu'il y a un échange de valeurs sur le marché, l'agrégateur ou le marché vont demander un paiement, non pas une taxe, mais un paiement en contrepartie de leurs services, tout comme le fait la commission des valeurs mobilières. Nous ne donnons pas d'argent à la Bourse de Toronto ni à la Commission des valeurs mobilières pour qu'elles gèrent cet immense et important marché qui stimule et dirige notre économie de bien des façons. Nous ne leur donnons pas d'argent parce qu'elles s'autofinancent.
Nous innovons. C'est quelque chose de nouveau, cela est clair, mais les changements climatiques sont un nouveau phénomène et...
Le sénateur Buth : Les crédits d'échanges de carbone ne sont pas nouveaux. Nous avons parlé de la Colombie- Britannique; nous avons parlé de l'Alberta.
Le sénateur Mitchell : C'est vrai, mais il s'agirait de le faire à une plus grande échelle. Je pense que la nouveauté au Canada serait d'amener le secteur privé à s'en charger. Je pense que tout cela c'est formidable, excellent, mais si la Commission des valeurs mobilières, par exemple, s'en chargeait — et la Bourse de Montréal s'est montrée très intéressée —, alors ça ne coûterait pas grand-chose, voire rien du tout, au gouvernement.
Le sénateur Buth : Sauf pour le crédit.
Le sénateur Mitchell : En effet, sauf pour le crédit d'impôt. Encore une fois, je le répète, vous voulez atteindre votre cible, et le ministre a dit que la moitié du chemin est fait, il en reste donc 50 p. 100 à faire. Ce que je dis, c'est que ce programme nous aiderait à réaliser l'autre moitié. De toute manière, vous allez devoir dépenser de l'argent.
En fait, l'imposition de règlements aux sables pétrolifères plutôt qu'un système de plafonnement et d'échange coûte beaucoup plus cher. Vous voulez parler des vérifications que le gouvernement va faire. La solution la plus coûteuse, c'est la réglementation, et c'est pourtant ce que ce gouvernement a choisi de faire. Un système de plafonnement et d'échange et une taxe sur le carbone sont de bien meilleures solutions et il est de loin préférable de permettre au marché de s'en charger, Il y a la possibilité d'une mise de fonds dans un créneau du secteur privé que le gouvernement n'a pas à financer pour que ce soit fait, tout comme la bourse.
Le sénateur Buth : C'est ce que disait le sénateur Larry Smith, il est difficile d'évaluer et de déterminer où les coûts sont engagés et aussi quels sont les bénéfices.
Le sénateur Mitchell : Absolument. J'apprécie beaucoup l'intérêt que vous portez à la question. Il s'agit de savoir comment y arriver. Il faut, dans une certaine mesure, prendre une décision arbitraire. Mon approche, ma philosophie, c'est que je ne veux pas imposer de limites au ministre. Et si le ministre décide que c'est une si bonne idée qu'il veuille fixer une limite de 1 000 $? S'il décidait de le faire et de mettre une limite de 1 000 $, nous serions obligés de modifier la loi.
Choisissez un montant, mais j'ose croire qu'un gouvernement qui recevrait ce projet de loi trouverait que c'est une bonne idée et voudrait que ça marche et cela s'est déjà vu.
Être plus précis ou laisser au gouvernement le soin de fixer la limite : les deux positions se défendent. Je pense que vous trouverez que dans bien des cas les gouvernements — y compris celui-ci — optent pour un processus plus souple qui laisse une place à la créativité ou au jugement plutôt que d'adopter des projets de loi trop rigides ou restrictifs.
[Français]
Le sénateur Dagenais : On sait, sénateur Mitchell, que le gouvernement aime toujours travailler avec des budgets connus et des coûts prévisibles. Or, ce n'est pas nécessairement le cas ici.
Si on avait le choix entre votre projet ou tout simplement de hausser les budgets de Développement économique du Canada, entre autres pour les projets à caractère environnemental, pourquoi devrait-on choisir votre idée?
Le sénateur Mitchell : Excusez-moi?
Le sénateur Dagenais : On sait que le gouvernement aime avoir des coûts prévisibles. Développement économique Canada a des projets à caractère environnemental où ils peuvent prévoir les coûts. Pourquoi devrait-on aller vers ce que vous suggérez?
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Il y a un programme qui a existé pendant un certain temps et qui a été annulé et qui offrait un remboursement aux personnes qui remplaçaient leurs fenêtres ou faisaient des réparations à leur maison. Les coûts de ce programme étaient absolument imprévisibles car il fallait faire ce travail, puis il fallait faire faire une vérification avant de présenter les reçus. Il n'y avait aucun moyen de savoir combien de personnes allaient participer.
Pour ce que je propose, les coûts sont absolument prévisibles 24 heures après son entrée en vigueur. C'est facilement gérable et très prévisible. Je dis bien 24 heures, pas 12 mois ou 15 mois ou deux ans comme c'était le cas pour l'autre initiative. Il n'y avait aucun moyen de savoir combien de Canadiens allaient remplacer combien de fenêtres ni combien d'isolant tant qu'ils n'avaient pas présenté leurs reçus.
En ce qui concerne ce projet de loi, on le saurait le lendemain. Chaque fois qu'on appuierait sur un contrôle à un endroit central, on saurait que les ventes de la veille s'élevaient à 10 millions de dollars et que le crédit d'impôt est de 150 000 $. On le saurait. C'est très prévisible et gérable. On pourrait également imposer des limites. Le ministre pourrait dire : « Voilà, c'est fini; après 321 jours, nous savons que cela va nous coûter trop cher. »
Le président : Cela tombe pile. Nous allons suspendre bientôt, puis nous accueillerons les représentants du ministère des Finances. Ils sont ici depuis le début, ils ont donc entendu votre exposé, ce qui devrait faciliter la discussion. Nous vous invitons à rester pour observer, si vous voulez.
Avant de suspendre, nous avons votre projet de loi et des amendements. Avez-vous l'intention de proposer ces amendements avant notre étude article par article ou comptez-vous les présenter lors de la troisième lecture au Sénat?
Le sénateur Mitchell : Je laisse cette question de procédure au président. Ce sont des amendements de forme qui s'imposent car depuis que nous avons élaboré et rédigé ce projet de loi, la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée et nous devons modifier en conséquence les numéros des dispositions, alors je m'en remets à votre recommandation.
Le président : Ils concernent tous la loi?
Le sénateur Mitchell : Oui. Il n'y a aucun amendement de fond.
Le président : Nous pourrons en reparler. Cette explication nous suffit. Merci.
Nous examinons le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone) et nous venons d'entendre le parrain.
Nous sommes heureux d'accueillir maintenant les fonctionnaires. Ils sont présents depuis le début de la séance de sorte qu'ils ont entendu le premier témoignage et je présume qu'ils ont eu le temps de lire le projet de loi S-205.
Je suis ravi de souhaiter la bienvenue à M. Sean Keenan, qui est déjà venu nous voir alors que nous étudions un autre projet de loi. Il est directeur de la Division de l'impôt des particuliers dans la Direction de la politique de l'impôt au ministère des Finances. Il est bon de vous revoir et merci d'être venu.
M. Keenan est accompagné de Suzanne White, chef, Ressources, énergie et environnement au ministère des Finances.
Merci à vous deux d'être ici. Est-ce que l'un d'entre vous aimerait faire une déclaration préliminaire avant que nous passions aux observations?
Sean Keenan, directeur, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Je présenterai quelques remarques seulement puisque nous sommes déjà venus ici.
Du point de vue de la politique fiscale, au ministère des Finances, lorsque nous examinons un projet de loi comme celui- ci, pour qu'il soit mis en œuvre, nous aimerions connaître de nombreuses choses qu'a déjà mentionnées le sénateur Smith, c'est-à-dire, les paramètres associés à un tel crédit et la façon de mettre en œuvre le programme, certains des concepts dont on tiendrait normalement compte et le type de projets qui seraient admissibles aux crédits. Quelles sont les conditions en vertu desquelles une personne ou une organisation peut être acceptée en tant que fournisseur agréé de crédits compensatoires de carbone? Quel serait le mécanisme qui ferait en sorte que les crédits compensatoires de carbone seraient bien évalués afin d'être certain que le crédit soit fourni de façon rentable et présente la meilleure utilisation de l'argent des contribuables?
Une grande partie de ces choses a été mentionnée lors des discussions. Elles ne font pas vraiment partie du projet de loi. Lorsqu'il y a un crédit, on se demande également quel sera l'investissement nécessaire. Est-ce que les investisseurs investiraient afin d'avoir un crédit qu'ils pourraient ensuite échanger, auquel cas le gouvernement fournirait un crédit d'impôt pour ce qui serait, essentiellement, un investissement dans le marché? Par exemple, si j'achète 500 $ de crédits, et que je les vendais à profit, j'obtiendrais alors 75 $ d'allégement fiscal pour cet investissement. Ce n'est pas la même chose que si une famille achetait 500 $ de crédits non échangeables et qui seraient une réelle mesure compensatoire de carbone, c'est-à-dire qu'elle réduirait d'une certaine façon les émissions de carbone.
Certains de ces concepts ne sont pas clairs. Je sais que le sénateur Mitchell a parlé d'une limite, qui aurait des conséquences sur le coût final du projet de loi et sur le montant qu'une famille pourrait recevoir grâce à ce crédit. Ces limites ne se trouvent pas dans le projet de loi en tant que tel. Pour le ministère des Finances, pour calculer le coût final, il nous faut connaître certains de ces paramètres.
L'Agence du revenu du Canada administre le système d'impôt sur le revenu, alors les personnes présenteraient des demandes de crédits et auraient besoin d'un reçu qui démontrerait qu'ils ont acheté ce crédit d'un groupe quelconque. Conséquemment, l'ARC aurait besoin de beaucoup d'expertise pour faire la vérification et s'assurer que les projets qui étaient admissibles à cet investissement soient connus et correspondent réellement à des réductions de carbone. C'est l'ARC qui aurait besoin de l'expertise pour faire une grande partie des évaluations nécessaires pour mettre en œuvre un tel crédit, et présentement, cette expertise n'existe pas. D'un point de vue administratif, je pense que cela représenterait un coût important. Il devrait être intégré au coût du programme.
Nous l'examinons du point de vue de la politique fiscale. Voilà certaines des questions qui nous sont venues à l'esprit, et qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Keenan.
J'aimerais savoir si vous ou Mme White avez participé à ce qui nous a été expliqué plus tôt concernant le rééquilibrage de crédits d'impôt et de carbone qui a eu lieu pendant les Olympiques de Vancouver. Êtes-vous au courant de cela?
M. Keenan : Il ne s'agit certainement pas d'une question dont nous nous serions occupés à la Division de l'impôt des particuliers, non.
Suzanne White, chef, Ressources, énergie et environnement, Direction du développement économique et finances intégrées, ministère des Finances Canada : Je crois que s'ils achetaient des crédits compensatoires pour compenser certaines des émissions provenant des Olympiques, cela n'a probablement pas été fait à l'aide du crédit d'impôt, puisqu'il n'existait pas encore.
Le président : On nous a parlé de cette publication du gouvernement du Canada qui s'intitule Le système canadien de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre. Est-ce que l'un d'entre vous a participé aux discussions sur les politiques contenues dans ce document?
Mme White : Je suis arrivée peu après que ce document ait été présenté. Il faisait partie du plan Prendre le virage du gouvernement en 2007. Il devait y avoir un système de plafond et d'échange des émissions, alors Environnement Canada a préparé des documents qui comprenaient un système de crédits compensatoires. Ils se seraient appliqués aux domaines qui n'allaient pas être couverts par la réglementation, par exemple, le secteur agricole. Je pense que les documents étaient encore à l'état d'ébauche à cette époque, et le gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec une approche différente.
Le président : Pour ceux qui lisent la transcription ou qui regardent notre séance ce soir, la décision concernant le type de programme, s'il y en a, à mettre en œuvre relève du gouvernement, c'est-à-dire, du Cabinet; c'est l'exécutif qui prend cette décision stratégique.
Ce n'est pas votre domaine. Vous mettez en œuvre les décisions stratégiques. Est-ce exact?
M. Keenan : Si vous parlez d'un crédit d'impôt, au ministère des Finances, nous nous occupons de la politique fiscale, mais au bout du compte, un crédit d'impôt est mis en œuvre par l'Agence du revenu du Canada. Mais c'est le gouvernement qui en fin de compte décide s'il veut procéder de cette façon.
Le président : La décision stratégique visant à savoir quel programme doit être mis en œuvre, s'il y en a un, peut être fondée sur des conseils que vous fournissez au gouvernement, mais c'est le gouvernement qui décide, et non le ministère.
M. Keenan : Absolument.
Le président : Je pense qu'il est important que tous le comprennent. Vous êtes ici en tant que représentants du ministère.
Mme White : Le ministère des Finances surveille ses choix en matière de politiques. Cependant, la politique en tant que telle étant la responsabilité du ministère de l'Environnement, c'est lui qui élaborerait la politique et les conseils qui s'y rattachent.
Le président : C'est très utile à savoir.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous disiez que l'ARC n'a pas l'expertise pour s'occuper de ce genre de choses, mais comment l'agence a-t-elle obtenu l'expertise pour savoir si les reçus des leçons de ballet ou d'équipement de sport étaient valides? Pourquoi serait-ce difficile si on a une liste légitime? Ils n'ont sûrement pas une liste de tous les magasins de sport et les professeurs de piano à l'ARC. Comment l'ARC a obtenu l'expertise pour tous les autres crédits d'impôt?
M. Keenan : Je pense qu'il s'agit de deux choses différentes. Pour le crédit d'impôt pour la condition physique, les gens doivent suivre certaines règles; il y a des critères d'admissibilité. Les parents doivent inscrire leurs enfants à certains programmes pour lesquels ils reçoivent un reçu du fournisseur, et ils peuvent ensuite présenter leur demande. Ils doivent garder leur reçu qui pourrait être exigé lors d'une vérification.
Il y a une petite différence, en ce sens que, selon la proposition de compensation des émissions de carbone, il vous faudrait savoir certaines choses. D'après ce qu'a dit le sénateur Mitchell, il y aurait un nombre limité de fournisseurs qui vendraient des crédits. Si cela fait partie de votre programme environnemental, est-ce que ces projets sont conformes à vos objectifs? Est-ce un usage optimal de votre argent? En avez-vous pour votre argent?
La différence, c'est qu'il faudrait qu'un fonctionnaire, selon un mécanisme quelconque, dise : « ce sont des projets approuvés; ils figurent sur la liste ». L'évaluation des projets nécessiterait une expertise qui n'existe pas actuellement.
Le sénateur Nancy Ruth : Savez-vous combien d'employés cela nécessiterait, s'il fallait recruter de nouveaux employés, s'il fallait les former et combien cela coûterait?
M. Keenan : Je ne connais pas les coûts comme tels. Il y a déjà un crédit d'impôt pour les activités de recherche scientifique et de développement expérimental, le crédit RS&DE, que peuvent demander les entreprises qui font de la recherche et de l'innovation.
Je sais qu'il y a toute une direction générale au sein de l'ARC qui fournit des informations aux entreprises et qui souhaite investir dans un projet en particulier; on leur explique quelles sont les questions qu'elles doivent examiner et quelles informations elles doivent fournir à l'ARC pour réclamer ce crédit. Ce service compte probablement 40 à 50 employés. J'ignore combien exactement; je ne sais pas non plus quel est son budget.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous ne pouvez déterminer avec certitude ce que l'adoption de cette mesure entraînerait comme coût pour l'ARC, n'est-ce pas?
M. Keenan : J'ignore quels seraient les coûts, mais je sais que cela entraînera des coûts.
Le sénateur Buth : Merci d'être venus répondre à nos questions, bien qu'il soit difficile de le faire en l'absence d'information sur les coûts.
À l'heure actuelle, celui qui fait un don d'argent à une organisation comme Canards Illimités Canada peut-il obtenir un crédit d'impôt pour don de bienfaisance?
M. Keenan : Il y a des organismes de protection de l'environnement qui ont le statut d'organismes de charité. En vertu de la common law, on considère que leurs activités de protection de l'environnement se font à des fins de bienfaisance. Par conséquent, certains organismes de bienfaisance enregistrés auprès de l'Agence du revenu du Canada ont pour objectif la protection de l'environnement dans le cadre d'activités diverses.
Un particulier qui voudrait faire un don à un organisme caritatif à vocation environnementale dans le but de réduire les émissions de carbone pourrait recevoir un crédit d'impôt pour don de bienfaisance. Ce crédit est de 15 p. 100 pour les dons allant jusqu'à 200 $ par année, puis de 29 p. 100 pour les dons supérieurs à ce montant.
Le sénateur Neufeld : Je sais que le sénateur Mitchell n'a pas établi ce que coûteraient toutes les mesures prévues dans son projet de loi. À sa décharge, il n'emploie qu'une ou deux personnes, beaucoup moins que le gouvernement qui, lui, définit ses mesures en détail avant de les inclure dans son projet de loi.
Le sénateur Mitchell : Mes deux employés sont très compétents.
Le sénateur Neufeld : Il faut des centaines de gens pour établir les coûts avec précision, alors, je peux comprendre la situation du sénateur Mitchell. Je pense qu'il propose un concept que le gouvernement pourrait examiner attentivement et, par la suite, étoffer et traduire en termes plus concrets.
Je ne suis pas sûr qu'il incomberait nécessairement à l'ARC de vérifier tous les titres de compensation. Cela pourrait se faire au ministère de l'Environnement. Je crois que, en Colombie-Britannique, c'est le ministère de l'Environnement qui détermine ce qu'est un titre de compensation. Si le ministère de l'Environnement, qui a déjà des informations sur les titres compensatoires, déterminait lesquels de ces titres étaient acceptables, je suppose que l'ARC ferait siennes ces décisions et ne referait pas la vérification, mais je me trompe peut-être.
Voici donc ma question : est-ce que vous revérifiez le statut d'organismes comme Canards Illimités Canada qui reçoivent des dons de charité? Si je faisais un don de 10 000 $ à Canards Illimités Canada, que j'obtenais un reçu aux fins d'impôt et que je déclarais ce don dans ma déclaration de revenus, est-ce que l'ARC s'assurerait que Canards Illimités Canada a véritablement dépensé cette somme à des activités qui respectent les critères de ce qui constitue une activité de bienfaisance au sens où l'entend le gouvernement?
M. Keenan : Tout organisme de bienfaisance doit remettre un formulaire d'information, le formulaire T3010. Dans ce formulaire, l'organisation donne des informations sur ce à quoi a servi l'argent reçu, comme l'administration et les activités à des fins caritatives. Ces informations sont publiques de sorte que ceux qui souhaitent faire un don à un organisme de charité peuvent savoir à quoi il consacre son argent.
L'Agence du revenu du Canada fait des vérifications auprès des organismes caritatifs comme auprès des entreprises. Elle vérifie un pourcentage donné d'organisations de bienfaisance afin de s'assurer que leurs activités ont véritablement une fin caritative.
Le sénateur Neufeld : Voulez-vous dire que, si le ministère de l'Environnement déterminait quels titres compensatoires sont acceptables aux fins d'investissement, l'ARC ferait à son tour une vérification ou considérerait-elle que ces titres ont été approuvés par le gouvernement?
M. Keenan : Si le ministère de l'Environnement jugeait que certains projets constituent des projets de compensation des émissions de carbone, que ces projets sont conformes à certains critères, et que le ministère de l'Environnement publierait une liste qui servirait ensuite à l'ARC, je ne crois pas que cela réduirait les coûts puisque le ministère de l'Environnement devrait faire une vérification. Que ce soit au ministère de l'Environnement ou à l'ARC, il faut d'abord déterminer quels sont les projets qui sont conformes aux critères.
Le sénateur Neufeld : Je ne nie pas que cela devra se faire quelque part. Je veux seulement savoir si l'ARC ferait une deuxième vérification pour s'assurer qu'il s'agit bien de titres compensatoires.
Vous avez répondu à ma question. L'ARC reconnaîtrait la validité du processus d'approbation de cet autre ministère, qui aura déterminé ce qui, du point de vue juridique, constitue un titre compensatoire. Je comprends cela.
À moins que je me trompe, je crois que vous avez dit, au début de vos remarques, que le fisc voudra connaître le coût final. Je crois que ce sont les mots que vous avez employés. Dans son exposé, le sénateur Mitchell a évoqué le crédit d'impôt pour le conditionnement physique. Comment avez-vous déterminé le coût final de ce crédit? Ce coût a-t-il été établi d'avance? Vous avez dit devoir connaître le coût final avant de prendre une décision. Avez-vous établi le coût final du crédit d'impôt pour le conditionnement physique et comment l'avez-vous fait?
M. Keenan : En règle générale, au moment d'évaluer des propositions soumises au gouvernement ou de faire lui- même des propositions, le ministère procède à l'estimation des coûts de cette proposition. Dans le cas du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, je ne travaillais pas au ministère à ce moment-là. Je sais qu'on aurait pris connaissance des données publiques sur la participation des enfants à des activités sportives et à toutes les études publiques de Statistique Canada sur la question; ensuite, à la lumière de ces données, on aurait extrapolé la taille de la population, combien d'enfants participent à ce genre d'activités pour ensuite présenter une estimation du coût de ces activités et de ce que la famille moyenne y consacre.
Dans un deuxième temps, on aurait évalué les dépenses possibles et le nombre de contribuables en mesure de profiter de cet avantage fiscal et qui pourraient, dans ce cas, recevoir un crédit d'impôt non remboursable, afin d'évaluer le coût de cette mesure. Ces coûts auraient figuré dans le Budget des dépenses 2007, au moment de l'instauration du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants. Il y a assurément dans les tableaux une estimation du coût de ce crédit d'impôt, qui n'est cependant qu'une estimation. Plus tard, on reviendrait au véritable coût au moment de disposer des données fiscales montrant le nombre de contribuables s'étant prévalus de ce crédit d'impôt.
Le ministère produit chaque année un rapport sur ces dépenses fiscales contenant l'estimation du coût de ces crédits pour le fisc.
Le sénateur Neufeld : Merci. J'imagine que c'est une estimation approximative, car le gouvernement voulait encourager les gens à faire participer leurs enfants à des activités sportives; il faut également en tenir compte. J'imaginerais que le coût qu'on a évoqué représentait un plafond, mais vous dites qu'il s'agit d'un montant approximatif; j'imagine qu'il en va de même pour ce projet de loi. Après avoir déterminé les compensations de carbone acceptable, vous estimeriez le nombre de personnes ayant les moyens d'assumer de telles dépenses, soit 500 $ par année comme l'a indiqué le sénateur Mitchell. On peut probablement obtenir ces données auprès de Statistique Canada aussi. Vous pourriez alors estimer le coût réel de la mesure.
M. Keenan : Nous nous efforcerions de présenter une estimation. Évidemment, dans le cas du crédit pour la condition physique, si on fixe un plafond de 500 $, cela pourrait représenter un crédit d'impôt maximal de 75 $.
S'il n'y a aucune limite, il est difficile de le savoir. L'estimation serait assortie d'un intervalle de confiance mais il faudrait connaître les paramètres pour établir la meilleure estimation.
Le sénateur Neufeld : J'en conviens.
Le président : Toujours dans cette veine, monsieur Keenan, vous devez également évaluer le nombre de personnes qui se prévaudraient de cette mesure et comme il faudra un certain temps pour que la population soit informée de l'existence de ce crédit d'impôt, il pourrait y avoir moins de participants pendant la première année que pendant la troisième ou la quatrième.
M. Keenan : D'une façon générale, nous nous fondons sur des données existantes. S'il s'agit d'un produit tout à fait nouveau, d'un nouveau crédit d'impôt et qu'on veut inciter les familles à participer, il me serait difficile de savoir comment on procéderait pour en évaluer les coûts. Toutefois, nous ferions certaines hypothèses au sujet de la participation des contribuables au cours de la première année, et le montant croîtrait avec le temps. Au fur et à mesure qu'on aurait plus d'expérience avec ces données, on arriverait à mieux évaluer les coûts.
Le président : Avez-vous travaillé sur le récent crédit d'impôt pour les pompiers volontaires qui est entré en vigueur tout dernièrement?
M. Keenan : Oui, j'ai travaillé sur cela.
Le président : Il s'agit d'un des nombreux crédits d'impôt non remboursable qui figure après l'article 118 dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Vous avez pu prendre connaissance du projet de loi?
M. Keenan : Le projet de loi S-205?
Le président : Oui.
M. Keenan : Oui.
Le président : À votre avis, si on oublie le coût des mesures proposées dans le projet de loi S-205 et le fait que c'est le gouvernement qui décidera en dernier ressort s'il s'agit d'une bonne politique gouvernementale, supposons que c'est le cas, et que le gouvernement a décidé que ce projet de loi permet d'atteindre l'objectif souhaité. Et qu'il crée un autre crédit d'impôt non remboursable qui serait inséré dans la loi, juste après le crédit d'impôt pour les pompiers volontaires.
M. Keenan : Du point de vue de la forme, du point de vue de la rédaction législative? Est-ce là le sens de votre question? Je ne suis pas un des rédacteurs législatifs qui s'occupe des mesures fiscales, mais il n'y a que je sache aucun vice de forme dans ce projet de loi, puisqu'il fait ce qu'il est censé faire. Il prévoit un crédit d'impôt non remboursable dont le montant est équivalent au taux d'imposition multiplié par un déboursé donné.
Le président : C'était bien le sens de ma question. Vous estimez que ce projet de loi fera bien cela, si le gouvernement décide de l'ajouter aux autres crédits d'impôt non remboursables.
M. Keenan : Je crois comprendre que le sénateur propose également des amendements qui devraient tenir compte des modifications que l'on a apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu depuis son adoption. Je n'ai pas examiné ces modifications.
Le président : Nous ne les avons pas étudiées de manière approfondie non plus, mais il semble qu'elles ne font que faire avancer un peu les choses, car ce projet de loi a été rédigé avant l'instauration du crédit d'impôt pour les pompiers volontaires, si bien qu'il repousse un peu plus loin les autres mesures. Une année s'est écoulée, et cet allégement fiscal entrera en vigueur en 2003 et non en 2012, puisque nous y sommes déjà. C'est ce que j'avais cru comprendre, en termes très simples, mais c'est vous qui vous occupez des politiques et nous nous en remettons à vous. Nous voulons simplement nous assurer que le projet de loi sous sa forme actuelle atteindra bien l'objectif souhaité.
M. Keenan : Vous avez mentionné la date d'entrée en vigueur. C'est un autre facteur dont il faudrait tenir compte. L'infrastructure est-elle déjà en place? Sera-t-on en mesure d'administrer ce crédit d'impôt dans les délais prévus?
J'ai entendu le sénateur mentionner qu'une personne qui habite la province X ne pourrait réclamer le crédit que pour un projet dans la même province. Par conséquent, si on décidait de limiter ainsi le crédit d'impôt, il faudrait qu'il y ait des projets admissibles dans toutes les provinces pour que tous les Canadiens puissent y participer. Voilà certains des aspects du projet de loi qui sont pour l'instant inconnus.
Le président : Effectivement. Pour permettre au gouvernement de réfléchir à cela de même qu'à toutes les conséquences et répercussions de cette politique et des coûts afférents, on pourrait laisser la date d'entrée en vigueur du projet de loi à la discrétion du gouvernement ou bien prévoir un certain délai avant cette date.
M. Keenan : Une date d'entrée en vigueur discrétionnaire pourrait avoir des répercussions sur le coût. Si on fixe une limite, elle serait précisée dans la loi. Le Parlement indiquerait la valeur du crédit d'impôt. À mon avis, si on retardait l'entrée en vigueur du projet de loi, cela permettrait sans doute d'aplanir certains obstacles administratifs.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais remercier le sénateur Neufeld d'avoir demandé d'autres clarifications. C'est une question importante.
Si un membre du conseil des ministres, en l'occurrence le ministre de l'Environnement, voulait franchir cette étape avant de rédiger un projet de loi qu'il déposerait à la Chambre, il pourrait vous demander de chiffrer la mesure, n'est-ce pas? C'est ce que vous recommanderiez qu'il fasse? Je crois que c'est ce que vous avez dit. Il présenterait sa proposition, vous la chiffreriez, il la modifierait pour finalement peaufiner le projet de loi, le présenter à la Chambre et entamer le processus. J'ai bien compris le fonctionnement? Il vous ferait plaisir, en tant qu'expert-conseil...
M. Keenan : Nous travaillons en général pour notre propre ministre. Si une entente était conclue entre les bureaux des deux ministres, nous pourrions travailler pour l'autre ministre.
Le sénateur Mitchell : Mais si je vous présentais ma proposition, vous ne pourriez probablement pas travailler pour moi. Si j'allais vous voir demain pour vous dire : « Merci, c'est une excellente idée, j'aimerais la chiffrer », y jetteriez-vous un coup d'œil pour me dire ce que je dois faire? M'aideriez-vous? Non.
Je ne fais que réitérer l'argument du sénateur Neufeld. Le mieux que je pourrais obtenir, et je serais fou de joie si ça m'arrivait, c'est que le gouvernement me dise que ce n'est pas une mauvaise idée et qu'il faudrait la concrétiser. C'est presque inespéré, mais aux fins de notre discussion actuelle, rappelons-nous que le plafond du crédit d'impôt pour la condition physique est de 500 $. Était-ce précisé dans la Loi de l'impôt sur le revenu? Par ailleurs, si le gouvernement déterminait que le montant est trop élevé et qu'il voulait le réduire à 400 $ du jour au lendemain, pourrait-il l'indiquer dans la Loi de l'impôt sur le revenu ou pourrait-il faire le changement par voie de règlement?
M. Keenan : Je crois que la loi précise que le crédit maximum est fixé à 500 $.
Le sénateur Mitchell : Cependant, le gouvernement pourrait le réduire à 400 $.
M. Keenan : Il faudrait modifier la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le sénateur Mitchell : Ça pourrait se faire par voie de règlement. La Loi de l'impôt sur le revenu comprend toutes sortes de mesures — des limites et des détails — établies par voie de règlement et non pas grâce à un texte de loi. Ne serait-il pas impossible de gérer le régime d'impôt sur le revenu si, comme vous le suggérez, tout devait passer par des textes de loi?
M. Keenan : Si une mesure est énoncée dans la réglementation, elle pourrait être modifiée par règlement; mais si elle se retrouve dans la loi et qu'elle détermine les plafonds, cette mesure devrait alors être modifiée par voie de...
Le sénateur Mitchell : Comment une mesure peut-elle se retrouver dans la réglementation avant d'être énoncée dans la loi? C'est ce que j'essaie de vous faire comprendre. Le crédit d'impôt de 500 $ ne peut pas figurer dans la réglementation avant d'être énoncé dans une loi qui permet au ministre d'inclure tout ce qu'il veut dans la réglementation. Je trouve inconcevable qu'il n'y ait jamais eu auparavant de projets de loi aussi ouverts puisque le ministre a beaucoup de souplesse et peut inclure tout ce qu'il ou elle veut dans la réglementation. Votre ministère accepte cette réalité.
M. Keenan : Je ne suis pas certain que ça fonctionne ainsi.
Le sénateur Mitchell : J'ai aussi une question quant aux organismes responsables de vérifier le statut d'entité. Prenons un autre exemple du monde de la fiscalité, disons un petit fonds commun de placement assez peu connu autorisé par la Commission des valeurs mobilières ou tout autre organisme qui autorise ce genre de choses. Ce petit fonds commun de placement est légitime et a donc un statut fiscal. Je peux investir dans le fonds, obtenir mon crédit d'impôt et un reçu d'impôt ou tout autre document que la compagnie de fonds commun de placement délivre.
Vous ne téléphonez pas à la Commission des valeurs mobilières pour demander : « Pouvons-nous aller voir la société de fonds mutuels pour nous assurer que leurs permis sont en règle? » Vous ne mettez pas en doute les permis du fonds commun de placement. Je crois que vous avez laissé entendre que la loi doit déterminer pour vous les critères d'efficacité de ces crédits. Par contre ce n'est pas ce que vous faites pour un fonds commun de placement. Vous vous assurez simplement que ces fonds sont approuvés et que les reçus d'impôt sont correctement émis.
Le président : S'agit-il d'une question?
Le sénateur Mitchell : Oui.
M. Keenan : Je crois que, dans le cas des fonds communs de placement, les particuliers peuvent faire certains types d'investissements dans les régimes enregistrés de leurs REER ou de leurs comptes d'épargne libres d'impôt.
Je ne connais pas ces règles sur le bout de mes doigts, mais en général ces fonds doivent être autorisés auprès d'une province, et ce que vous dites est donc vrai. Je crois qu'il faudrait quand même avoir un moyen de déterminer quels projets sont admissibles. Il faudrait s'en remettre à quelqu'un, soit un organisme du secteur privé ou du gouvernement. Il faudrait, d'une façon ou d'une autre, faire cet examen. Quelqu'un devrait déterminer si un projet est admissible.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous précisé que...
Le président : Sénateur Mitchell, il ne nous reste plus beaucoup de temps. Pourrirez-vous conclure?
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Ça m'intéresse énormément et je suis heureux d'avoir eu cette discussion. Je l'ai trouvée très stimulante.
La loi régissant le crédit d'impôt de 500 $ pour la condition physique ne dresse pas la liste de tous les sports, n'est-ce pas? Elle ne précise pas tous les types de jambières de hockey ou tous les styles de danse? La loi n'est pas aussi précise. La description générale d'une activité sportive vous conviendrait et le fait que des patins se retrouvent dans la catégorie du hockey vous suffirait. La loi ne précise pas qu'il faut acheter des patins de hockey, alors je n'aurai pas à préciser...
M. Keenan : J'aimerais préciser un détail technique : le crédit d'impôt pour la condition physique ne s'applique pas à l'équipement sportif mais seulement à l'activité elle-même. On a créé un groupe d'experts pour établir certains critères pour le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, et ce groupe a proposé des règles. La loi précise le type d'activités admissibles. L'activité doit avoir une durée déterminée et doit être supervisée par un adulte. En vertu de ces balises, l'Agence du revenu du Canada communique des lignes directrices aux fournisseurs puis aux contribuables pour leur indiquer qu'ils peuvent demander le remboursement du crédit pour des types d'activités précis. Il ne s'agit pas de vérifier que l'Association de hockey mineur d'Ottawa se trouve sur la liste.
Le président : Cher sénateur Mitchell et chers collègues, je vous remercie pour vos questions pertinentes qui nous ont permis de mieux comprendre le projet de loi S-205. Madame White et monsieur Keenan, merci de vous être déplacés. Votre aide et vos explications sur le processus quelque peu différent que doit suivre un texte de loi comme celui dont nous sommes saisis nous ont été très utiles.
Nos questions ont mis en lumière que le processus d'un projet de loi d'initiative parlementaire est différent que celui que doit suivre un projet de loi émanant du gouvernement qui a l'appui de l'exécutif. Très bien. Le gouvernement et l'opposition travaillent tous deux au sein de notre système, et votre présence nous a été très utile. Nous vous remercions au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Voilà qui met fin à notre séance. Je crois que vous voudrez peut-être assister au débat de ce soir; nous vous libérons donc pour que vous puissiez vous y rendre.
(La séance est levée.)