Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 26 - Témoignages du 25 octobre 2012
OTTAWA, le jeudi 25 octobre 2012
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 10 h 30 pour étudier le projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, ce matin nous continuons notre étude du projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires.
[Traduction]
Nous tenons notre deuxième réunion sur le projet de loi C-46. Hier soir, nous avons rencontré des fonctionnaires et aujourd'hui, pour la première fois, nous avons la chance d'entendre un témoin qui n'est pas directement touché par la loi. Nous accueillons ce matin M. Gregory Thomas, le directeur fédéral et ontarien de la Fédération canadienne des contribuables.
Monsieur Thomas, nous sommes ravis que vous soyez venu malgré un si court préavis. Nous tentons d'étudier ce projet de loi de la façon approfondie dont les sénateurs ont l'habitude d'étudier des dossiers, mais aussi de façon expéditive parce que nous savons ce qui s'en vient, le projet de loi C-45 — le projet de loi omnibus, la deuxième loi de mise en œuvre du budget — dont nous devons terminer l'étude avant Noël, en plus de l'étude du Budget supplémentaire des dépenses (B).
Notre étude est déjà bien avancée sur différentes questions, mais nous nous concentrerons aujourd'hui sur le projet de loi C-46 et la modification de la pension des parlementaires. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous pour nous aider à comprendre votre point de vue à cet égard. Avez-vous des observations préliminaires à faire?
Gregory Thomas, directeur fédéral et ontarien, Fédération canadienne des contribuables : Oui. Merci, monsieur le sénateur. C'est un grand jour pour la Fédération canadienne des contribuables. Nous sommes très reconnaissants au Sénat et au comité de nous inviter à participer.
Le processus par lequel nous en sommes arrivés au consentement unanime de la Chambre et à l'adoption en quelques jours d'une réforme majeure du régime de pension des parlementaires est absolument renversant pour les membres de notre organisation qui ont travaillé sur le dossier pendant des dizaines d'années.
Nous croyons que nous devons en donner le mérite au premier ministre Harper qui, semble-t-il, a littéralement traîné ce projet de loi sur son dos pour l'amener au stade où il en est. Il est la seule personne qui est rétroactivement touchée par le projet de loi. C'est le même premier ministre qui a refusé sa pension de parlementaire après son passage comme recrue au Parlement, de 1993 à 1997, après avoir fait campagne sur une promesse solennelle de ne pas toucher de pension. Lui et trois collègues de son parti sont les seuls dans cette position. Les quelque 50 autres n'ont pas tenu la promesse solennelle qu'ils avaient faite aux électeurs du Canada.
Il est essentiellement le seul de cette classe de 1993 qui tente de tenir son engagement. On dit que le mieux est l'ennemi du bien. Le projet de loi à l'étude ici est loin de cet idéal qui avait été exprimé en 1993, mais il est beaucoup plus avantageux pour les contribuables du Canada.
Je comparais devant vous dans un rôle que j'assume depuis un peu plus d'un an, et, littéralement, des centaines et des milliers d'employés, d'agents et de partisans de la Fédération canadienne des contribuables ont signé des pétitions, sont passés de ferme en ferme, de magasin en magasin et de maison en maison pour recueillir des signatures sur des pétitions. La réaction à la réforme du régime de pension des parlementaires s'est intensifiée au fil des ans. Nous avons calculé que compte tenu de l'intérêt trimestriel de 2,5 p. 100 qui était versé dans le fonds, tandis que celui-ci grossissait et dépassait le milliard de dollars d'actifs, les contribuables ont versé 24 $ dans l'exercice 2010 et probablement plus de 25 $ dans l'exercice en cours pour chaque dollar que les parlementaires ont cotisé à leur régime de pension. Nous avons demandé à ceux qui nous appuient de nous envoyer 24 $ pour mettre en place des panneaux d'affichage et faire voler un avion au- dessus de la Colline parlementaire et la réponse a été tout simplement incroyable.
Nous avons réussi à réunir des milliers et des milliers de dollars en très peu de temps, ce qui montre que ce dossier touche viscéralement les Canadiens. Nous sommes ravis que le Parlement ait agi.
Comme vous pouvez le comprendre, nous analysons en profondeur le régime de pension des parlementaires, les rapports actuariels et certaines de ses subtilités depuis un certain temps. La transparence et la responsabilisation de même que la façon dont les résultats du régime sont divulgués à la population canadienne suscitent chez nous des questions qui devraient vous intéresser.
Nous avons aussi quelques réserves au sujet des aspects transitionnels du projet de loi. Je peux peut-être terminer ici mes observations préliminaires pour que nous puissions en examiner quelques-unes dans le temps qui nous est imparti.
Le président : J'aimerais clarifier quelque chose. Vouliez-vous dire que le premier ministre ne reçoit pas ou n'accumule pas de droits à pension dans le régime de pension en vigueur?
M. Thomas : Oui. On avait offert aux parlementaires de façon ponctuelle en 1997 d'adhérer au régime ou de s'en retirer. À l'époque, trois membres de la Chambre des communes avaient refusé tous leurs droits à pension; trois seulement l'avaient fait.
Le président : Est-ce que vous vous rappelez de qui il s'agissait, simplement pour satisfaire notre curiosité?
M. Thomas : Oui, c'étaient Preston Manning, Lee Morrison et Werner Schmidt.
Le président : Deborah Grey n'en faisait pas partie à l'époque?
M. Thomas : Pas Deborah Grey, non.
Il y a une hypocrisie épouvantable de la part de certains de ceux qui ont harcelé à mort les députés sortants dans les élections de 1993. Ces députés avaient honorablement servi le Canada pendant des dizaines d'années, avec efficacité, et on les dépeignait comme des moins que rien parce qu'ils touchaient la pension à laquelle ils avaient légalement droit. Puis, ces mêmes accusateurs ont fait volte-face et sont partis des années plus tard avec des millions de dollars de droits à pension en poche. C'est un triste chapitre dans l'histoire canadienne qui mérite d'être rappelé aux gens de temps à autre.
L'honneur et l'intégrité des personnes qui ont quitté le Parlement sans leur pension simplement parce qu'elles avaient dit qu'elles le feraient méritent aussi d'être soulignés.
Le premier ministre Harper était un député recrue, il a servi un seul mandat puis a quitté ses fonctions. À ce jour, il n'a jamais réclamé ses droits à pension, bien qu'il y soit admissible. Il a affirmé publiquement...
Le sénateur Mitchell : Il n'avait aucun droit à pension.
Le président : Laissons le témoin terminer puis nous aurons une période de questions.
Sénateur Mitchell, je vous en prie; je ne veux pas de discussion. Je vais donner la parole aux sénateurs concernés.
Le sénateur Mitchell : Veuillez m'excuser.
Le président : Si vous pouviez adresser votre réponse au comité dans son ensemble, ce serait apprécié.
M. Thomas : Ce n'était pas une question, n'est-ce pas?
Le sénateur Mitchell : Monsieur Thomas, je suis désolé. C'était ma faute.
M. Thomas : Je suis désolé, moi aussi.
Le président : Je m'apprêtais à vous demander si votre fédération souscrirait à l'option pour les parlementaires d'adhérer à un régime de pension ou de se retirer? Seriez-vous favorable à une telle option?
M. Thomas : Oui.
Le président : Êtes-vous d'avis que le régime actuel n'offre pas cette option?
M. Thomas : Oui.
Le président : Merci.
Je vais maintenant donner la parole au vice-président du comité, le sénateur Smith, de la région de Montréal.
Le sénateur L. Smith : Merci, monsieur le président.
Vous avez parlé d'une transition transparente. Vos observations ont été assez brèves en guise d'introduction. Êtes-vous satisfait que le premier ministre et le Parlement ont fait avancer l'adoption du projet?
M. Thomas : Oui. C'est l'un des plus beaux jours des 22 ans d'histoire de notre organisation. Nous sommes très...
Le sénateur L. Smith : Il y a donc un sourire sur votre visage, vu la bonne nouvelle? Vous me semblez d'humeur très sombre.
Si je me souviens bien, vous avez mentionné deux points au sujet de la transparence de la transition. De quelles questions aimeriez-vous discuter avec nous aujourd'hui?
M. Thomas : Comme nous ne disposons pas des ressources juridiques et techniques dont vous disposez ici, vous pourriez peut-être nous aider à éclaircir certains points au cours de notre discussion. Ainsi, nous croyons comprendre que le projet de loi vise essentiellement à reconnaître pour les parlementaires en poste les droits en vigueur comme des droits acquis, de telle sorte qu'un député pourrait prendre sa retraite et commencer à toucher des prestations à 55 ans, en utilisant les droits accumulés à ce jour.
Un point reste à éclaircir : si des élections devaient avoir lieu, le projet de loi renferme une certaine garantie qu'à la dissolution du Parlement, au moment où le Parlement suivant sera assermenté, les députés élus pour la première fois dans le prochain Parlement ou les gens qui entrent au Sénat dans le prochain Parlement seront assujettis à la date ultérieure de 65 ans. Si des élections devaient avoir lieu prématurément, la loi aurait-elle pour effet de créer une toute nouvelle catégorie de droits à pension qui n'était pas prévue dans les dispositions législatives? C'est l'une de nos questions.
L'autre question se rapporte aux membres qui pourraient siéger sous les deux régimes. Un jour, il n'y aura plus que des députés élus après l'entrée en vigueur de cette loi, mais comment l'ancienneté et les droits à pension accumulés seront-ils touchés? Les parlementaires pourront-ils toucher des prestations à 55 ans pour les années de service accumulées jusqu'à la date de transition, puis les droits accumulés par la suite n'entreraient en jeu qu'à 65 ans? C'est une question.
Par ailleurs, nous savons qu'il sera possible d'accepter une pénalité et de toucher une pension anticipée. Nous préférerions que ces dispositions correspondent exactement à celles qui régissent le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse. Dans le Régime de pensions du Canada, les pénalités applicables en cas de retraite anticipée ont augmenté et les bonifications applicables si le versement des prestations est reporté ont aussi augmenté. Nous aimerions que ce projet de loi accorde le même traitement aux parlementaires.
Nous aimerions aussi que les parlementaires soient sur un pied d'égalité avec tous les autres Canadiens en ce qui concerne le report de l'âge donnant droit aux prestations de la Sécurité de la vieillesse. Nous ne croyons pas que le saut à l'âge de 67 ans sera le seul; nous pensons qu'il est le premier de plusieurs autres changements à mesure que la population vivra plus longtemps et en meilleure santé.
Ce serait bien, mais il est si difficile d'amener les parlementaires à se concentrer sur la réforme du régime de pension. Nous serions très heureux si le Sénat pouvait répondre à certaines de ces questions au cours de son examen. Nous croyons comprendre que ce souhait risque de ne pas être exaucé.
Nous ne sommes pas non plus solidaires de ce qui pourrait être décrit comme le consensus dominant à Ottawa sur la forme que pourrait prendre la pension ou l'épargne-retraite des parlementaires. Ce serait bien d'avoir une chance d'en parler. Nous sommes conscients que notre philosophie n'a pas été retenue dans ce projet de loi, lequel représente un compromis.
Si vous me le permettez, je prendrais quelques minutes de mon temps d'antenne pour parler de la philosophie d'un très grand nombre ou d'un nombre substantiel de contribuables canadiens au sujet de l'épargne-retraite pour les politiciens, nous vous en serions reconnaissants.
Le président : Voilà votre chance.
M. Thomas : Nous sommes très satisfaits des récents changements apportés au Régime de pensions du Canada. Le régime représente une lourde charge pour tous les Canadiens qui y cotisent et pour les employeurs. Néanmoins, selon les normes actuarielles, il est bien approvisionné, ce qui donne confiance à tous les Canadiens. Les produits des cotisations sont bien investis, de façon professionnelle et indépendante.
Des deux côtés de l'échiquier politique, on s'entend pour dire que la politique ne devrait pas s'immiscer dans les décisions d'investissement de ces professionnels. De fait, des fonds du Régime de pensions du Canada sont investis dans différentes choses qui ne conviennent pas à tout le monde, mais l'objectif sous-jacent est de produire des liquidités pour couvrir les chèques que les retraités canadiens reçoivent.
Le régime de pension des parlementaires est un régime non capitalisé à prestations définies similaire à tous les autres régimes du secteur public et aux régimes des membres de la GRC, des militaires et des juges retraités, mais il pose toutefois quelques problèmes. Nous avons acquis une très grande visibilité en prenant les dispositions du projet, en les appliquant aux personnes qui quittent le Parlement et en estimant le montant que pourraient atteindre leurs prestations de retraite à vie et le chiffre qui représentera leur revenu de retraite annuel. Il s'agit de renseignements du domaine public sur des fonds publics. Il n'y a aucune raison que la loi ne prévoit pas que ce calcul soit communiqué au grand public. Nous croyons qu'une telle disposition devrait être appliquée dans l'ensemble de l'administration publique. Le Canada fonctionnerait mieux avec un marché du travail plus efficace et des renseignements exacts sur la rémunération, non seulement sur les traitements mais aussi sur les avantages sociaux, les salaires et les gains à vie découlant de l'accumulation des rentes de retraite. Les Canadiens devraient tous avoir plus facilement accès à ces renseignements. Les employeurs, l'administration publique y compris, pourraient ainsi recruter plus facilement les meilleurs candidats. Ces renseignements aideraient aussi les Canadiens à prendre des décisions éclairées sur l'endroit où ils devraient travailler et le genre de travail qu'ils devraient faire. Nous estimons que l'opacité avec laquelle les prestations de pension sont traitées sert à garder le grand public et les contribuables dans l'ignorance de ce que les fonctionnaires gagnent. Nous estimons aussi que cette façon de faire ne sert pas les intérêts du marché du travail ni des Canadiens.
Nous sommes d'avis que ces renseignements devraient être versés sur Internet. Nul besoin d'associer des noms aux renseignements, mais on devrait pouvoir aller sur Internet et voir le genre de pension qu'un gardien de prison ou un agent de la GRC, un sénateur ou un député toucherait. Cela contribuerait à créer un marché du travail plus efficace. C'est mon premier point au sujet de l'information.
Les régimes de pension publics représentent un segment substantiel de l'économie. Nous créons deux économies : une économie non gouvernementale et une économie gouvernementale. Dans l'économie gouvernementale, le retraité bénéficie d'une rente indexée garantie à vie, qui crée une responsabilité financière pour le gouvernement du Canada ou la province. Exception faite des prestataires, le reste de la population ne sait pas ce qu'elles représentent.
Prenons deux chercheurs ou deux ingénieurs. L'un va travailler pour le Conseil national de recherches et l'autre pour Nortel. Ces deux amis ont obtenu leur diplôme la même année, ils ont des réalisations équivalentes à leur actif et ils ont probablement versé des cotisations équivalentes. Le premier peut avoir mis au point une technologie brevetable et l'autre peut avoir joué un rôle en s'associant à Nortel pour mener le projet à bien, mais l'un des deux s'est fait déposséder de sa pension. Ils sont maintenant octogénaires. L'un des deux a perdu une énorme part de son revenu de retraite. Les pensions sont importantes.
J'en arrive à l'essentiel : étant donné la nature de ces régimes de pension, le fonctionnaire qui aurait voulu entrer chez Nortel, qui a peut-être reçu une offre et qui aurait pu apporter une contribution incroyable à Nortel a décidé de ne pas le faire parce qu'il voulait garder sa pension du gouvernement. L'employé de Nortel, qui aurait pu entrer dans la fonction publique et y apporter une énorme contribution en amenant le Nortel du jour à collaborer avec le gouvernement n'a pas non plus fait la transition. Nous voyons la même chose chez des enseignants qui ne veulent pas changer de district scolaire.
Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Notre examen porte sur les sénateurs et les députés. M. Thomas parle de fonctionnaires, qui relèvent d'une autre loi. Nous entendrons ces arguments une autre fois. Nous ne parlons pas de la fonction publique aujourd'hui, mais bien des parlementaires. En réalité, ça ne me dérange pas d'entendre les arguments du témoin, mais il pourra les présenter plus tard. Pour le moment, nous devrions nous concentrer sur le projet de loi dont nous sommes saisis.
Le sénateur Mitchell : C'est juste.
Le président : Les sénateurs sont conscients que le gouvernement attend avec impatience la fin de notre examen. Les comparaisons sont utiles, bien honnêtement. Vous pourriez peut-être faire en sorte que vos comparaisons ciblent le projet de loi qui nous occupe.
Je retiens de vos observations le commentaire sur la responsabilité à l'égard des régimes de pension capitalisés et non capitalisés. C'est un point très important que nous devrions examiner plus à fond. Nous vous remercions de l'avoir soulevé.
Le sénateur L. Smith : Comme le sénateur Hervieux-Payette l'a suggéré, concentrons-nous sur le projet de loi. Ce que j'entends est très intéressant, mais cela tient davantage d'une critique nationale des pensions de façon générale. Je ne pensais pas que c'était l'objectif de la séance et du témoin. J'aimerais que le témoin se concentre sur notre objectif. C'est un pas énorme de la part du gouvernement et de tous les parlementaires, députés ou sénateurs, d'exiger une cotisation plus élevée au régime de pension des sénateurs et des députés. Il est à espérer que le grand public verra l'initiative d'un bon œil. Concentrons-nous sur ce que nous essayons d'accomplir.
Le président : Merci, et nous avons eu assez d'interventions sur ce point.
Sénateur Hervieux-Payette, merci de votre commentaire et de votre intervention.
Monsieur Thomas, essayons de nous concentrer sur ce projet de loi et sur les changements qui, à votre avis, permettraient de l'améliorer. Nous sommes toujours intéressés à examiner un projet de loi sous l'angle des conséquences involontaires qu'il pourrait avoir et des répercussions imprévues qu'un élément d'un projet de loi peut avoir sur le pays ou les personnes concernées.
Le sénateur Buth : Le sénateur Smith a posé les questions que j'allais poser, je n'ai donc rien à dire pour le moment.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Thomas, je me dois de défendre vos comparaisons parce qu'elles sont importantes. Votre thèse et celle du gouvernement reposent en partie sur la comparaison avec les régimes de pension du secteur privé, lesquels et à quel niveau.
Pour préciser, M. Harper a été élu pour la première fois au Parlement de 1993 à 1997, il n'aurait donc pas acquis de droits à moins de remporter deux élections en six ans. Il a démissionné avant la fin de son mandat et provoqué une élection complémentaire, une décision inutile qui a probablement coûté 300 000 $. Si ce montant avait été investi et économisé, il représenterait environ 1 million de dollars aujourd'hui. Merci de le défendre, mais il n'est pas le saint dans ce scénario qu'on voudrait nous le faire croire. J'aimerais savoir s'il a racheté ses quatre années. Il se pourrait bien qu'il ait eu la possibilité de le faire.
Le sénateur L. Smith : Sénateur Mitchell, je croyais que nous étions censés parler des députés et des sénateurs et voilà que vous soulevez un cas particulier. Nous ne parlons pas d'individus, nous parlons du régime de pension.
Le sénateur Mitchell : Il l'a soulevé.
Le sénateur L. Smith : Pourquoi ne laissez-vous pas tomber ce sujet de discussion personnel?
Le sénateur Mitchell : Il l'a soulevé. Vous n'étiez peut-être pas ici.
Le président : À l'ordre!
Le sénateur Mitchell : Il l'a soulevé, aux fins du compte rendu. Bon, poursuivons.
Le sénateur L. Smith : Pourquoi ne vous en tenez-vous pas au sujet?
Le sénateur Mitchell : La question est que le premier ministre nous coûte 1 million de dollars.
Le sénateur L. Smith : Vous humiliez, vous dénigrez et vous parlez vraiment en termes négatifs d'un individu. Nous ne parlons pas d'individus.
Le sénateur Mitchell : C'est ce qu'il faisait.
Le sénateur L. Smith : Oui, d'accord, mais il ne devrait peut-être pas le faire. Ne parlons-nous pas des conséquences pour un député ou un sénateur? Pourquoi devons-nous nous mêler d'identifier chaque citoyen canadien et de découvrir exactement ce qu'il gagne? Que faites-vous de la vie privée de chacun?
Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir à ce que vous disiez sur la gestion prudente des pensions, parce que je suis tout à fait d'accord avec vous sur la question de la divulgation. Je crois que c'est très important, surtout en ce qui concerne les pensions des députés et des sénateurs.
J'ai siégé à l'Assemblée législative de l'Alberta. Si on consulte les comptes publics de l'Alberta, on s'aperçoit que ces renseignements sont divulgués chaque année. Ils divulguent probablement mon revenu et ma pension. Aux fins du compte rendu, c'est 25 000 $ par an. Ils divulguent probablement cette information pour tout le monde, et c'est fantastique.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ceci : l'absence d'un fonds commun est l'un des problèmes que nous posent les pensions des sénateurs et des députés. L'argent ne va pas dans un fonds. Le gouvernement ne paie pas sa part. Il ne l'a jamais fait. Ma cotisation pour ma pension va dans les recettes générales et les paiements versés à ceux qui reçoivent des prestations proviennent des recettes générales. Ne serait-ce pas une gestion beaucoup plus prudente, beaucoup plus valable et financièrement responsable de mettre notre part dans un fonds commun et la contrepartie du gouvernement dans un fonds commun? Nous pourrions voir comment l'argent est géré. Nous pourrions comprendre les hypothèses et voir si les rendements sont raisonnables. De fait, nous pourrions en établir le prix exact. Nous pourrions montrer à tout le monde l'état de la situation.
L'inconvénient, l'envers de la médaille, c'est qu'il y a un passif non capitalisé assez énorme au titre du régime de retraite qui découle des pensions accumulées des députés et des sénateurs, une dette non capitalisée que le gouvernement ne reconnaît pas.
M. Thomas : Je comprends ces points de vue, sénateur Mitchell. Nous sommes préoccupés par le fait que le Bureau du surintendant des institutions financières, l'actuaire en chef du Canada, ne présente un rapport sur le régime de pension des parlementaires qu'aux trois ans. Nous avons là un vaste atelier rempli de personnel hautement qualifié. Les Canadiens sont vivement intéressés à connaître l'état de santé du régime. Pourquoi devons-nous attendre à 2017, ou peu importe l'année, pour consulter le prochain rapport?
Le rapport annuel du Régime de pensions du Canada était prêt 90 jours après la fin de son exercice financier. Le président du Conseil du Trésor l'a présenté cinq jours après l'anniversaire de la fin de l'exercice, ce qui signifie que nous obtenons des renseignements sur le régime de pension des parlementaires avec un an de retard. La loi devrait prévoir que le régime présente des rapports selon les mêmes normes que n'importe quelle autre société privée ou n'importe quel autre régime de pension au pays. Pourquoi le Régime des enseignantes et enseignants de l'Ontario doit-il dire la vérité à ses membres dans les 90 jours suivant la fin de l'exercice financier et les Canadiens doivent-ils attendre près d'un an pour la découvrir?
Comme groupe de défense des intérêts des contribuables, l'un des problèmes que nous éprouvons par rapport à l'information tient au fait que nous ne savons pas encore comment les retraites prises par suite des élections de 2011 ont influé sur le coût du régime de pension des parlementaires. James Fitz-Morris, du réseau anglais de la Société Radio- Canada, a rapporté qu'au cours des cinq dernières années, le gouvernement du Canada a dû verser trois paiements actuariels spéciaux pour la portion du régime compensatoire du régime de pension des parlementaires parce que cette portion était sous-capitalisée, même après le versement de 10,4 p. 100 d'intérêt dans ce régime.
Le président : Dans la loi qui prévoit que l'actuaire en chef conseille le gouvernement, le ministre prend une décision d'après les projections actuarielles et verse dans le fonds les montants prévus sur une base annuelle. En cas d'apport excédentaire, il est possible d'en retirer. Changeriez-vous quelque chose à cette façon de procéder? Cela se fait annuellement.
M. Thomas : Soyons clairs : lorsque les régimes de pension vont mal dans le secteur privé et que l'employeur doit l'approvisionner en versant un ajustement spécial qui ampute son bénéfice trimestriel, les PDG se font montrer la porte pour avoir pris des mesures qui se répercutent ainsi sur les gains. Nous applaudissons le Parlement d'avoir réduit son taux d'intérêt effectif de 10,4 p. 100 composé trimestriellement à quelque chose comme 4,7 p. 100. Dans son rapport de 2010, l'actuaire en chef a dit que le taux d'intérêt était injustifié et le Bureau du surintendant des institutions financières a interpelé à plusieurs reprises le Parlement en lui rappelant avec véhémence que nous sommes en 2010, et non en l'an 2000.
Le sénateur Mitchell : Nous devrions approfondir la question parce que nous avons reçu hier le Conseil du Trésor. La pertinence de ce taux d'intérêt n'est pas très claire puisqu'aucun fonds commun n'est investi pour couvrir notre pension. Notre cotisation va dans les recettes générales et les prestations sont versées à même les recettes générales.
Cela soulève la question de la détermination du prix. Je présume que vous n'avez rien contre l'idée que nous devrions payer 50 p. 100 de la pension, et je ne crois pas que nous sommes contre non plus. Nous ne savons pas vraiment ce que vaut la pension. D'aucuns ont très clairement laissé entendre que la pension du Sénat coûte moins cher étant donné que nous la touchons moins longtemps parce qu'en général, nous la touchons plus tard puis nous mourons tandis qu'en général, les députés la touchent plus tôt et vivent plus longtemps. La véracité de cette affirmation est parfois mise en doute, mais examinons les chiffres.
Par exemple, prenons un sénateur qui cotiserait 25 ans au régime aux nouveaux taux. Ce n'est pas 32. Ce sera en réalité environ 35, parce que le RPC entrera en jeu. Cela représente environ 800 000 $. Vous ajoutez ensuite les gains sur ce montant pendant 25 ans à 5,2 p. 100, ce qui représente les nouveaux gains. Le montant accumulé sur 25 ans s'élève à environ 2,3 millions de dollars. Le sénateur est alors âgé de 75 ans et le régime détient environ 2,3 millions de dollars en cotisations du sénateur. Il touchera une pension de 100 000 $. Il devra vivre jusqu'à 98 ans pour récupérer son argent et le gouvernement n'aura pas versé un sou.
Avez-vous vraiment estimé la valeur? Détenez-vous des renseignements auxquels nous n'avons pas accès pour estimer concrètement la valeur? Je ne crois pas que les sénateurs ou les députés doivent payer moins de 50 p. 100 et nous devrions peut-être même leur demander de payer un peu plus, mais je préférerais éviter de tromper la population sur la mesure dans laquelle le gouvernement pourrait ne rien payer si le régime était bien géré et notre argent était rassemblé dans un fonds commun bien géré. Le coût pour le gouvernement serait nul et vous en seriez ravis. Avez-vous établi un prix?
M. Thomas : Nous disons à la blague qu'il faudrait peut-être rebaptiser la nouvelle loi. La Loi de l'Amérique du Nord britannique a été rebaptisée Loi constitutionnelle de 1867 et il faudrait peut-être rebaptiser l'ancienne Loi sur les pensions, la Loi de Maygan, parce que la conjointe de 23 ans d'un sénateur jouissant du droit à la pension sa vie durant, représentant 60 p. 100 de la rémunération d'un sénateur de 69 ans, serait la grande gagnante dans l'ancien régime.
On pourrait soutenir que la cotisation excédentaire payée par les sénateurs est l'une des conséquences involontaires de cette loi. Parmi les améliorations que vous devriez examiner avec vos conseillers et recommander au gouvernement figure une forme de remboursement optionnel des cotisations, ou des cotisations et du revenu. Lorsqu'un premier ministre tente de recruter un sénateur d'un âge avancé, ce serait vraiment dommage pour ceux qui croient en la fonction du Sénat et le travail qu'il accomplit qu'un conseiller financier de ce candidat lui dise : « Vu l'importance des cotisations que vous allez verser et votre espérance de vie, vous feriez mieux de rester dans le secteur privé et ne même pas y penser parce que vous y perdriez au change ».
Le président : Prévoyez-vous que ce sera l'une des conséquences de ce projet de loi? Est-ce bien ce que nous devons comprendre?
M. Thomas : Je réagis simplement à l'observation que le sénateur Mitchell a faite, lorsqu'on prend en compte la possibilité de tripler les cotisations et l'habitude du premier ministre Chrétien de nommer beaucoup de sénateurs de 70 ans et plus...
Le sénateur Mitchell : De fait, la moyenne d'âge de ses nominations était d'environ 55 ans.
Le président : Sénateur Mitchell, je vais vous inscrire pour le deuxième tour.
Sénateur Mitchell, je vais devoir vous demander de sortir si vous ne respectez pas la présidence. Vous perturbez la séance. Nous n'accomplirons rien. Je suis désolé d'avoir à vous le dire.
Le sénateur Marshall : Monsieur Thomas, je vous remercie de votre présence ce matin.
Vous parliez plus tôt des capacités de recherche de votre organisation. Avez-vous fait une analyse détaillée du projet de loi?
M. Thomas : Non, il n'a été déposé que la semaine dernière. J'étais à l'extérieur du pays et la Chambre des communes l'avait déjà adopté avant même mon retour.
Le sénateur Marshall : Vous avez parlé de la transparence, de la nécessité d'obtenir de l'information sur les différents parlementaires — pas de façon nominative — et que l'actuaire en chef devrait présenter le rapport actuariel plus souvent. Si je ne m'abuse, vous avez dit qu'il devrait avoir une fréquence annuelle. Quels autres problèmes avez-vous soulevés au sujet de la transparence?
M. Thomas : Nous croyons que si une personne se présente aux élections, il va de soi que les Canadiens connaissent la rémunération d'un politicien. À mon sens, la rémunération à vie d'un membre du Parlement canadien est du domaine public.
J'ai mentionné que nous devrions pouvoir consulter un rapport annuel en temps opportun, peu de temps après la fin de l'exercice financier au lieu de devoir attendre une année complète. Je regrette de m'être écarté du sujet pour parler du marché du travail dans son ensemble, mais je voulais dire qu'une pension devrait être transférable et que cela devrait même s'appliquer aux parlementaires.
Nous croyons que les Canadiens et Canadiennes méritent un régime d'épargne-retraite dans lequel les parlementaires et les sénateurs pourraient occuper un autre emploi, transférer leurs droits à pension et recevoir le même traitement fiscal que n'importe quel autre Canadien. Ils obtiendraient les mêmes déductions et droits en fonction de leurs gains antérieurs. Le fait d'avoir gagné 132 000 $ comme sénateur, comme enseignant ou comme policier ne devrait pas entrer en ligne de compte; une portion établie de ces gains serait retenue aux fins de l'épargne-retraite.
Votre épargne-retraite serait conservée pour vous dans un fonds à votre nom et vous pourriez décider de quitter le Sénat, de retourner dans le secteur privé ou de faire partie d'un groupe de réflexion. Vous ne diriez pas : « Je ne peux pas quitter le Sénat parce que je n'ai pas de droits acquis ». Ce genre de considérations sème le désordre dans le marché du travail. Voilà où je voulais en venir.
Le sénateur Marshall : Le site Web du Conseil du Trésor renferme des renseignements sur les pensions des parlementaires. Votre organisation en a-t-elle pris connaissance en vue de déterminer si l'information est utile ou si elle devrait être présentée différemment?
M. Thomas : Oui. Nous sommes probablement responsables de la plupart des appels de fichiers sur le site Web du Conseil du Trésor. Nous avons produit notre propre rapport que nous avons versé dans notre site Web. Un directeur de la recherche a autographié un exemplaire et l'a remis au président du Conseil du Trésor. Nous en avons longuement discuté. Nous en avons surtout contre les délais pour obtenir des renseignements opportuns parce qu'il y a tellement de rouages dans ces régimes de pension de l'État.
Le gouvernement a suscité beaucoup de controverse ces derniers jours parce qu'il aurait pillé les régimes de pension pour éponger des déficits et payer ceux qui monnaient leurs prestations de retraite. Dans les années 1990, les employés de l'État recevaient des chèques parce que le marché boursier était tellement favorable. Les employés recevaient des remboursements parce qu'on jugeait leurs cotisations excessives. Le tout était fondé sur des hypothèses actuarielles complètement idiotes, notamment au sujet de l'espérance de vie, des taux de croissance économique et des projections des taux d'intérêt. Soudainement, l'oracle déclare qu'il y a trop d'argent et des gens en santé au milieu de leur vie active reçoivent des chèques et s'en vont s'acheter des véhicules récréatifs et ainsi de suite. Il s'ensuit un bouleversement de l'économie parce que cela fait surchauffer encore plus une économie déjà en surchauffe.
Nous croyons que l'existence de ces régimes de pension nuit beaucoup à l'épargne-retraite de tous les Canadiens et à leur participation au marché du travail. Ces régimes ont perturbé nos marchés du travail et le régime de pension des parlementaires en est un exemple parfait. Les parlementaires ne peuvent pas vivre leur vie et prendre des décisions sur la pertinence de partir ou de continuer à servir à cause de ces règles arbitraires.
Le sénateur Marshall : En gros, je retiens de votre témoignage que vous aimez la teneur du projet de loi, ce que vous en avez vu jusqu'à présent et vous croyez que nous allons dans la bonne direction. Toutefois, vous avez mentionné plus tôt certains domaines qu'il serait possible d'améliorer un peu et par ailleurs, vous aimeriez que les rapports soient plus fréquents et plus étoffés.
Quand je vous ai demandé si votre organisation avait fait une analyse détaillée, c'est que j'avais l'impression qu'elle pousserait plus loin l'analyse du projet de loi et que celui-ci ne représente pas le dernier mot en matière de réforme des pensions pour votre organisation, que vous allez poursuivre vos travaux.
M. Thomas : C'est exact. Ce qui nous agace, c'est que le processus prendra des années. Il faudra attendre en mars prochain pour avoir le premier aperçu de l'effet des retraites de 2011 sur la viabilité du plan. Il faudra des années avant que l'actuaire en chef se prononce, et il a l'équipe et les gens qui s'y connaissent vraiment. Nous savons que même à ces taux d'intérêt théoriques de plus de 10 p. 100, le gouvernement a encore dû y verser plus d'argent des contribuables trois fois au cours des cinq dernières années. C'est James Fitz-Morris du réseau anglais de la Société Radio-Canada qui l'a révélé.
Ce n'est pas une façon idéale de fonctionner. Nous devons attendre après l'actuaire, nous ne possédons ni le savoir- faire ni les renseignements nécessaires pour faire une telle prédiction. Cependant, je ne serais pas du tout surpris que l'actuaire revienne et demande au Parlement d'obliger les contribuables à verser des fonds supplémentaires dans les années à venir afin de garantir la viabilité actuarielle du plan, même si les parlementaires devaient tripler leurs cotisations à cause de la réduction du taux d'intérêt. En d'autres mots, je dis qu'il se peut très bien que le projet de loi ne livre pas ce qui est annoncé, c'est-à-dire une contribution égale des parlementaires et des contribuables.
Le sénateur Marshall : Je ne peux pas vous contredire en ce qui concerne la présentation de rapports. En repensant à la nouvelle loi, je crois qu'elle ne dit rien sur l'augmentation de la fréquence des rapports. Vos commentaires sont notés et je vous remercie beaucoup.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je voudrais resituer dans son contexte la question des pensions. Permettez-moi avant tout de mentionner que j'ai beaucoup de sympathie pour mes collègues à la Chambre des communes.
Pour commencer, les organisations comme la vôtre parlent comme si tous les députés, dès la minute où ils mettent un pied au Parlement, étaient assurés de recevoir des pensions faramineuses. Vous n'insistez pas sur le fait qu'il faut siéger 15 ans et, pour cela, passer pratiquement cinq élections. On parle donc quand même d'un défi assez grand. Quant au nombre de personnes qui se qualifient pour cela, le public en général a l'impression que ce sont 300 personnes qui vont recevoir un gros montant d'argent à la fin de leur carrière.
Mes collègues à la Chambre des communes travaillent en moyenne 60 heures par semaine; pour le travailleur moyen c'est 35 à 40 heures par semaine — les gens avec lesquels vous les comparez. Les députés ne prennent à peu près pas de vacances et n'ont même pas le temps d'être malades. À moins d'être mourants, mes collègues viennent travailler — et je parle des députés, tant conservateurs que libéraux ou NPD. Au niveau des salaires, je n'ai pas besoin d'aller chercher très loin. J'ai été députée, et lorsque je suis arrivé à la Chambre des communes mon salaire a baissé de 50 p. 100. Lorsque je suis arrivée au Sénat mon salaire a aussi baissé de 50 p. 100. Il y a des gens qui croient que servir le pays a plus de valeur que ce que cela leur coûte. Je ne suis pas la seule, il y a énormément de gens, autant au Sénat qu'à la Chambre des communes qui voient leur revenu diminuer.
Quand vous comparez nos pensions aux pensions du secteur privé, j'ai toujours l'impression que ce n'est pas nécessairement fait avec toute la franchise, la transparence et l'honnêteté que l'on attend d'une organisation comme la vôtre, car vous comparez des pommes et des oranges.
Je n'ai pas parlé des journées de maladie, des vacances, des pensions et des salaires. Ce sont les quatre points qui se trouvent dans un contrat de travail.
Une fois élu, nous avons un contrat de travail avec des centaines de milliers de personnes. On travaille de façon tout à fait différente, et notre emploi devient incertain tous les quatre ans. Ces dernières années, les parlements ont duré au maximum deux ans. Vous n'attribuez donc pas de facteur de risque à ces circonstances. Vous laissez supposer que tous ces gens se retireront et abuseront des fonds de l'État de façon excessive.
Je tiens à exposer ces faits sur la place publique, et je vous défie de regarder le reste. Pourquoi une personne, qui gagnerait 200 000 $ par année ailleurs, viendrait-elle travailler ici pour 130 000 $ ou 150 000 $ par année? Par contre, si on est élu à l'âge de 22 ans, on touchera 40 000 $ par année, alors qu'on en touchera 150 000 $. Il aurait lieu d'améliorer la question. Peut-être devrions-nous avoir un plancher pour tous les parlementaires, quel que soit leur salaire avant d'arriver ici. Toutefois, il devrait y avoir un ajustement pour tous les Canadiens qui veulent contribuer.
J'aimerais entendre vos commentaires sur le fait que la pension va avec le salaire et les conditions de travail, car vous n'en tenez pas compte. J'aimerais que vous en teniez compte. Lorsque vous faites vos études et que vous vous adressez au public, il serait bon qu'on ait l'impression que vous reconnaissez que ces personnes consacrent une partie de leur vie à leurs concitoyens.
Lorsqu'on travail chez McDonald's, on consacre également une partie de sa vie aux citoyens, mais la partie est un peu moindre et on ne travaille pas 60 heures par semaine — à moins de faire du temps supplémentaire, dans lequel cas on est payé en conséquence. Alors de deux choses l'une. Il suffirait que les parlementaires de la Chambre des communes soient payés pour les 25 heures de temps supplémentaire par semaine.
Vous créez une mythologie qui consiste à dire, en fin de compte, que vous avez gagné votre point, car votre association le prône depuis longtemps. Or, je vous dis simplement qu'il y a injustice par rapport aux collègues de la Chambre des communes. Il faudra se présenter et siéger pendant 25 ans afin d'être éligible à la pleine pension. On n'aura alors probablement qu'un demi de un p. 100 de députés qui vont se qualifier. Vous parlez d'une chose qui n'existera pas.
J'aimerais donc entendre vos commentaires.
[Traduction]
M. Thomas : Merci, madame le sénateur. Je suis tout à fait sensible à la nature capricieuse du régime précédent et du régime actuel. Le sénateur Mitchell a mentionné la durée du service du premier ministre qui n'avait pas complété son mandat dans le Parlement de 1993. S'il n'avait jamais été réélu au Parlement, il n'aurait jamais eu droit à quelque prestation que ce soit. Un député de Terre-Neuve compte cinq ans et demi de service — il lui manque 38 jours — et il a remporté plusieurs élections, dont une élection complémentaire. Toutefois, à cause de sa malchance et des caprices du régime, il ne reçoit rien. James Moore, qui a 37 ans, a déjà accumulé une rente de pension de 2,8 millions de dollars, qui pourrait grossir à 3,8 millions de dollars lorsqu'il aura 41 ou 44 ans.
C'est une façon capricieuse et injuste de rémunérer des gens pour le travail qu'ils font, une façon non transparente.
Comme je l'ai dit, nous avons posé la question plusieurs fois au premier ministre et il a dit publiquement, et son cabinet l'a confirmé par écrit, qu'il n'a pas racheté ses droits à pension pour ce premier mandat et qu'il n'a aucune intention de le faire. Aujourd'hui, il a littéralement craché personnellement un ou deux autres millions de droits à pension pour traîner cette réforme jusqu'à la ligne d'arrivée. Par conséquent, nous félicitons encore le premier ministre de prêcher par l'exemple.
Nous disons que chaque parlementaire devrait avoir droit à une certaine somme en guise d'épargne-retraite — une somme qui devrait être mise à sa disposition comme n'importe quel autre Canadien jouissant des mêmes protections fiscales sous la forme d'un pourcentage de son revenu, une somme qu'il peut apporter avec lui. Si on rappelait le sénateur Smith pour qu'il sauve la Ligue canadienne de football une nouvelle fois, il ne devrait pas avoir à dire : « Eh bien, je dois attendre d'avoir fait six ans au Sénat pour y aller ». L'argent qu'il a accumulé devrait être son argent et il devrait pouvoir partir avec lui.
Nous avons parlé de députés qui pourraient mettre 23 000 $ dans leurs REER — ils pourraient maximiser leurs REER comme n'importe quel autre Canadien. Après un mandat, selon la façon dont l'argent a été investi, ils auraient quelque part entre 85 000 $ et plus de 100 000 $ d'économies et après deux mandats, ils pourraient avoir un quart de million de dollars d'épargne-retraite après avoir passé huit ans en poste. Cette mesure remplacerait la barrière magique des six ans de service qui détermine si vous êtes couvert ou non par le régime. Si oui, vous obtenez une rente à vie, sinon, vous n'avez rien.
À mon sens, chaque parlementaire pourrait regarder ses électeurs en face et leur dire : « Oui, je bénéficie d'une cotisation de contrepartie à mon REER comme vous. Je maximise mes REER. Tout est investi, et c'est prélevé sur chaque chèque. Voilà ce que j'ai ». Je crois que les Canadiens auraient beaucoup plus de respect pour le Parlement si le régime fonctionnait ainsi.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis désolée, mais si nous faisons les six ans et mon collègue quitte — il devrait peut-être sauver le Canadien d'abord — il toucherait 18 p. 100 de la pension totale après six ans.
Comme vous dites, j'avais siégé cinq ans et sept mois. Je suis partie avec ma cotisation — au revoir — et je l'ai investie dans mon REER, comme vous l'avez dit. Pourquoi? Je l'ai fait parce que le rendement de l'investissement était si faible qu'il ne valait pas la peine de laisser la somme là, je l'ai donc retirée parce qu'il n'y avait aucun avantage à l'y laisser. À mon retour au Sénat, on m'a demandé : « Voulez-vous racheter ces années? » et j'ai dit « non, parce que le rendement n'est pas assez bon ».
N'entretenez pas ce mythe que lorsque l'argent est entre les mains du Parlement et qu'il est géré au Parlement, nous en tirons un avantage énorme. J'ai demandé à l'analyste de vérifier quelque chose. La réalité, c'est 18 p. 100 après six ans puis vous ajoutez un certain pourcentage chaque année jusqu'au maximum après 25 ans.
Il n'y a pas des millions de dollars — les millions de dollars dont vous parlez pour une personne. La plupart des membres de la Chambre n'atteindront jamais le maximum; la grande majorité — 90 p. 100 — n'y parviendra pas, nous parlons donc d'un petit nombre de personnes. Vous en parlez comme d'une enveloppe gigantesque que le pauvre contribuable devra payer.
Je vous dis que pour le travail qu'ils font actuellement, à mon avis, ils ne sont pas assez rétribués. Leur régime, dans son ensemble, équivaut à celui de n'importe quel autre travailleur.
Quant à Nortel, je peux vous dire que nous avions des points de vue variés ici au sujet de la rémunération de son personnel, qui aurait dû être traité différemment.
Soyez transparent comme vous nous demandez de l'être et soyez juste aussi et dites que les députés ne toucheront que le cinquième de leur pension après deux élections. Au moins, vous saurez que ce sera juste et que les gens comprendront. Pour ceux qui travaillent dans le secteur privé, nous avons effectivement recommandé au gouvernement de prévoir une pension transférable de sorte que malgré un changement d'employeur, vous continuez à bâtir votre pension tout du long. Ce choix m'a été offert et je sais que si nous partons après sept ans, nous pouvons toucher seulement les 18 p. 100 — ou le pourcentage à ce stade sera probablement passé à 22 p. 100.
Toutefois, le budget du gouvernement comporte des trous théoriques gigantesques et, à mon avis, même avec 300 députés dans la Chambre, nous ne verrons jamais un montant aussi énorme. Hier, on nous a dit que c'était au-delà de cinq ans et 29 millions de dollars sur un budget de plus de 250 milliards de dollars.
Si l'objectif est de faire des économies, il vaut peut-être mieux chercher ailleurs.
M. Thomas : Puis-je réagir? Est-ce dans vos règles?
Le président : J'ai la discrétion de vous permettre de réagir, avec justification.
Le sénateur Mitchell : Oh oui, c'est sûr. Nous sommes d'accord là-dessus.
M. Thomas : J'écoutais la traduction quand madame le sénateur Hervieux-Payette parlait de l'honnêteté de nos arguments à un certain point et de l'intégrité de notre organisation dans son approche du dossier. Les chiffres que nous avançons sur le régime de pension des parlementaires n'ont jamais été publiquement réfutés. Le calcul est assez simple en ce qui concerne le 20 p. 100 du salaire d'un député après six ans. Pour les six dernières années de service au Parlement, ils ont cotisé environ 11 000 $ par an. Nous avons les noms de tous ceux qui sont partis et la plus petite pension est d'environ 28 000 $.
Le président : Ce projet de loi fait passer la cotisation de 11 000 $ à 38 000 $.
M. Thomas : Selon l'ancien régime, vous pouviez cotiser environ 66 000 $ et dès que vous aviez mis ce montant, vous commenciez à toucher 28 000 $ par an. Eh bien, c'est une sacrée bonne affaire. C'est impossible de le cacher.
Le sénateur Hervieux-Payette a parlé des parlementaires qui travaillent 60 heures par semaine tandis que le Canadien moyen travaillerait 37 à 40 heures par semaine. Voyons, c'est ridicule. De quelle planète parlons-nous? Ma femme était courtière en hypothèques. Elle a amené notre fille à un rendez-vous de négociation d'hypothèque deux jours après la naissance de ma fille.
Le président : Nous nous éloignons pas mal du projet de loi.
M. Thomas : Mon père était agriculteur. Il se levait à 5 heures pour préparer la jachère estivale; il rentrait à la maison et faisait une sieste d'une demi-heure; et nous lui apportions son souper dans le champ à 21 heures. Les Canadiennes et les Canadiens ne travaillent pas entre 37 à 40 heures par semaine. Les gens travaillent d'arrache-pied. Une année, nous avons perdu toute la récolte à cause de la grêle et notre famille a vécu avec 800 $. Mon père ne travaillait pas 37 heures par semaine cette année-là, je peux vous le dire.
Le président : Nous comprenons votre point de vue. Nous parlons des pensions des parlementaires.
M. Thomas : Ma sœur a 63 ans. Elle travaille pour le Conseil national de recherches à contrat. Elle travaille les soirs et les fins de semaine.
Le président : Merci, monsieur Thomas.
[Français]
Le sénateur Bellemare : Je remercie les témoins de comparaître devant le comité aujourd'hui. Dans les régimes de retraite, il y a énormément de problèmes d'équité. De plus, avec le vieillissement de la population, il y aura de plus en plus de problèmes d'équité qui vont transparaître entre le secteur privé et le secteur public; entre le fédéral, les provinces et les municipalités; entre les générations aussi.
Sur le plan des règles de transition, ce projet de loi va régler les problèmes d'équité en faisant en sorte que les parlementaires paient 50 p. 100 du coût de leur pension et je crois que c'est une bonne chose.
Le projet de loi prévoit que les parlementaires atteindront la contribution à hauteur de 50 p. 100 en 2017. Est-ce que vous croyez que la période de transition est trop courte et qu'elle devrait être plus longue?
[Traduction]
M. Thomas : La Fédération canadienne des contribuables n'utiliserait pas la formule de la période de transition. Dans les années 1990, il y a eu une rébellion en Alberta au sujet des pensions des députés. Le premier ministre a tourné les talons en plein milieu d'une discussion qu'il avait devant les médias avec le directeur de l'époque de la Fédération canadienne des contribuables, il a réuni son caucus et a mis au rancart le régime de pension dans son ensemble de façon rétroactive. Des députés qui siégeaient à l'Assemblée législative de l'Alberta ont quitté sans aucun droit à pension, même s'ils étaient entrés dans la vie publique en s'attendant d'en avoir.
Je ne viens pas de l'Alberta, le sénateur Mitchell pourra donc me corriger si j'ai mal relaté ces faits historiques.
Le sénateur Mitchell : Je peux répondre si le président me le demande, mais il ne le fera pas.
Le président : Poursuivez, monsieur Thomas, et veuillez ne pas inviter d'autres sénateurs à commenter vos propos.
M. Thomas : Il y a quelques mois, les travailleurs d'Aveos à Montréal sont arrivés au travail; ils ont trouvé les portes verrouillées et la compagnie en faillite. Il n'y a pas eu d'indemnité de départ, de prestation d'aide à la transition, de subvention d'aide à la compétitivité, ni d'allocation de formation. Ils n'ont eu rien, zéro, nada.
Cette réforme était attendue depuis longtemps. Nos membres n'auraient pas été aussi généreux à l'égard des dispositions de transition, mais il s'agit de la plus importante réforme des pensions parlementaires de toute notre histoire. Nous le reconnaissons, nous la saluons et nous remercions les parlementaires de tous les partis de l'avoir appuyée.
[Français]
Le sénateur Chaput : Monsieur Thomas, je comprends l'objectif de ce projet de loi et je comprends que pour le régime de retraite des parlementaires, il est équitable que ces derniers contribuent à 50 p. 100. Par contre, ce qui me préoccupe, parce que je ne comprends pas, c'est que le projet de loi va aussi loin que de recommander l'harmonisation du Régime de pensions du Canada avec celui des parlementaires.
Dans mon esprit, je me dis que tous les Canadiennes et Canadiens ont contribué et contribuent à ce régime depuis le premier jour où ils ont occupé un emploi rémunéré. Ils y ont mis de leur argent et cela leur revient. Pourquoi avoir ajouté cette harmonisation? Pourquoi avoir inclus cette façon de faire dans le projet de loi?
Au moment où le parlementaire reçoit sa pension et le CPP, pourquoi le montant de la pension est-il réduit du montant qu'il reçoit du CPP? Pourquoi avoir fait cette harmonisation? Sans être économiste, il me semble que c'est injuste.
[Traduction]
M. Thomas : Vous voudrez peut-être inviter un actuaire ou un spécialiste des pensions pour en discuter avec vous. L'une de nos préoccupations...
[Français]
Le sénateur Chaput : Qu'en pensez-vous, monsieur Thomas?
[Traduction]
M. Thomas : Je peux exprimer des opinions, mais je ne peux pas vous fournir des analyses poussées parce que je ne suis ni actuaire, ni familier avec les interactions des droits à pension.
Le président : C'est une question d'orientation, n'est-ce pas? On les traite comme deux pensions distinctes ou on les combine. Nous n'avons pas besoin des commentaires de l'actuaire sur le sujet, même s'il se pouvait bien qu'il nous en fasse part lorsqu'il comparaîtra ici.
De votre point de vue, vous examinez différents régimes de pension et vous vous montrez plutôt sévère à l'égard du régime de pension des parlementaires. Comme le sénateur Chaput l'a souligné, selon la nouvelle proposition, la prestation versée au titre du Régime de pensions du Canada sera déduite de la pension des parlementaires. Du point de vue des politiques, qu'en pensez-vous? Je crois que c'est ce que le sénateur Chaput voulait savoir.
Le sénateur Chaput : Oui, merci, monsieur le président.
M. Thomas : On voit assez souvent cette disposition dans les régimes de pension de la fonction publique et dans le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. La plupart des régimes de pension des employés de l'État prévoient l'harmonisation avec les prestations du Régime de pensions du Canada, la Sécurité de la vieillesse et les pensions du secteur privé. Ces dispositions sont très complexes, ce qui nous complique la tâche d'expliquer les régimes de pension dans un forum public, comme nous le faisons, parce que ça fait bailler les participants.
Le président : Merci. Nous sommes d'accord.
M. Thomas : Dans le passé, les parlementaires touchaient leur pension de parlementaires et leurs prestations du Régime de pensions du Canada. La plupart des régimes de pension des employés de l'État et du secteur privé s'harmonisent avec les prestations du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse et c'est à l'avantage fiscal du bénéficiaire. Comme nous nous employons à établir un meilleur régime de pension qui soit équitable, à la fois dans l'administration publique et dans le secteur privé, je crois que les parlementaires devraient adopter la pratique courante. Si je ne m'abuse, la pratique courante en matière de pension est l'harmonisation avec les différents programmes de prestation.
Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Thomas, je suis très fière du gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. Je n'ai pas très bien compris plusieurs choses que vous avez dites.
Vous avez soulevé la question du droit à pension acquis après six ans. Pouvez-vous me nommer d'autres grandes sociétés dans lesquelles la période d'acquisition du droit à pension n'est pas de six ans? N'est-ce pas une norme plutôt bien établie dans l'industrie?
M. Thomas : Le fait est qu'en dehors de l'administration publique, les régimes de pension de ce genre sont en voie de disparition. La Banque Royale vient d'abandonner le sien. Bell Canada a abandonné le sien quand elle a pris le contrôle de CTV. La Société canadienne pour l'expansion des exportations, une société en propriété exclusive du gouvernement fédéral, vient d'abandonner son régime de pension.
En ce qui concerne les dispositions relatives à l'acquisition du droit à pension et la teneur des pratiques courantes, le fait est que la proportion de la population active, hors de la fonction publique, dotée d'un tel régime est passée du quart à 11 p. 100. Je dirais que sans aucun doute de notre vivant, mais tout probablement d'ici une dizaine d'années, la proportion des Canadiens qui ne travaillent pas dans le secteur public et qui bénéficient de ce genre de régime va diminuer — et assurément pour les nouveaux employés. Aucune recrue n'aura un régime de pension comme ceux du secteur public, parce qu'ils sont un cauchemar.
Le sénateur Nancy Ruth : Néanmoins, c'est la tradition dans le secteur privé d'acquérir le droit à pension après six ans. Vous laissez entendre que ce serait bien de changer cette tradition, mais historiquement, ce n'était pas inhabituel. C'est exact?
Le président : Monsieur Thomas, sur ce point, un oui ou un non, si vous le pouvez, ou « je ne sais pas ».
M. Thomas : Je m'en remets au savoir-faire que le sénateur Nancy Ruth a acquis au cours de ses longues années de service comme directrice de société.
Le président : C'est votre seule source d'information?
M. Thomas : Nous sommes la Fédération des contribuables, pas la Fédération de l'entreprise privée.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous soulevez des questions intéressantes au sujet de la transférabilité : ce serait sans doute avantageux pour certaines personnes. J'ai tendance à très bien comprendre ce que le sénateur Hervieux-Payette disait. Cependant, s'il n'y avait pas de régime de pension, n'est-il pas vrai qu'il faudrait augmenter les salaires pour compenser les régimes de pension privés que les députés et les sénateurs pourraient décider de constituer, auquel cas cela représente encore un coût pour le contribuable; c'est simplement une autre façon de l'acquitter?
M. Thomas : C'est un argument qu'on nous sert souvent. Nous répondons que si nous nous fions au laboratoire que représente le monde réel, l'Alberta a eu un éventail de régimes de pension. L'Assemblée législative de l'Alberta n'avait pas de régime, puis des allocations de transition de plusieurs millions de dollars ont été votées et la population s'est rebellée. Au bout du compte, après un long débat, les députés se contenteront de cotisations régulières à des REER tout simples. Je ne peux pas dire que la qualité des législatures de l'Alberta a beaucoup varié, peu importe le nombre de millions de dollars que les politiciens albertains ont réussi à soutirer des poches des contribuables en contrepartie de leur service.
Si nous voulons prendre en compte une autre excellente expérience de laboratoire, nous avons la province de l'Ontario, dans laquelle nous avons non seulement une Assemblée législative et un Parlement, mais aussi des frontières électorales identiques et un nombre identique de politiciens. Les politiciens ontariens n'ont aucune pension et les politiciens fédéraux ont le régime de pension le plus lucratif du secteur public.
Si nous remontons au milieu des années 1990, lors de l'instauration de cette réforme, je défie quiconque de me dire que les 108 députés fédéraux faisaient la barbe aux 108 députés provinciaux sur les plans du savoir-faire, des titres de compétence, de la scolarité, des heures de travail, du dévouement à se faire élire ou de n'importe quel autre indicateur.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous avez tout à fait raison. Aucun d'entre nous ne contesterait ce point.
Cependant, vous conviendriez donc qu'il y aurait probablement, en guise de compensation de l'employeur, une hausse de salaire s'il n'y avait plus de régime de pension, auquel cas le contribuable supporterait encore un fardeau? Est-ce exact?
M. Thomas : L'Ontario réussit à remplir son Assemblée législative de députés sans régime de pension et avec des salaires inférieurs à ceux qu'offre la Chambre des communes.
Le sénateur Nancy Ruth : Les salaires ont-ils augmenté depuis que Mike Harris a éliminé les régimes de pension en Ontario?
M. Thomas : Oui, mais je ne pense pas que l'augmentation a été aussi rapide que celle des salaires des députés fédéraux.
Le sénateur Nancy Ruth : C'est encore le contribuable qui paie. À mon avis, nous pouvons le faire d'une façon, et nous pouvons le faire d'une autre façon, mais il n'y aura probablement pas d'avantage pour le contribuable. Nous payons de toute façon.
Merci beaucoup, monsieur Thomas.
M. Thomas : Merci, madame le sénateur.
Le sénateur McInnis : J'aimerais revenir sur ce que le sénateur Hervieux-Payette disait. J'ai passé 15 ans au sein d'un gouvernement et d'un cabinet à l'échelon provincial et je voulais simplement insister sur ce que deux ou trois sénateurs ont dit aujourd'hui, en réaction à ce que vous avez dit il y a quelques instants.
Il devient de plus en plus difficile d'attirer des candidats de qualité. D'après mon expérience — et je ne prétendrai pas que j'étais moi-même hautement qualifié ou quoi que ce soit de la sorte — mais j'avais 32 ans quand j'ai été élu et que je suis entré au Cabinet. J'avais du succès comme avocat. J'avais une entreprise qui faisait des affaires avec le gouvernement. À l'époque, il n'y avait pas de fiducie sans droit de regard. Il y a en a aujourd'hui, mais elles posent problème. J'ai dû me retirer pendant 15 ans. À 47 ans, j'ai perdu mon siège aux élections de 1993.
Je veux que vous sachiez qu'en tant qu'avocat, il n'est pas facile de retourner à la pratique du droit. Pour une quelconque raison, tous ces dirigeants d'entreprise et ces professionnels avec qui vous aviez affaire quand vous étiez ministre du Cabinet ne vous connaissent plus aussi bien qu'ils vous connaissaient quand vous étiez un représentant élu. J'ai fait cette observation devant une commission d'examen des pensions qui a conclu ses travaux un peu plus tôt cette année en Nouvelle-Écosse, parce que bien entendu, les pensions posent un gros problème.
Le juge en chef qui présidait cette commission m'a demandé : « Monsieur McInnis, diriez-vous que vous avez été contaminé en tant que politicien? » Je lui ai répondu : « Eh bien, ``contaminé'', le mot est fort, mais c'est exact ».
Là où je veux en venir, c'est que nous pouvons être sommairement écartés par les électeurs après six ans, après quatre ans, après dix ans et il nous faut reprendre notre carrière. Par conséquent, les pensions doivent en tenir compte, d'une quelconque façon. Comme l'a dit ma savante collègue à ma gauche, est-ce que cela se traduira par une augmentation de salaire? Il y aura un coût. Ce sont des points que la commission de la Nouvelle-Écosse a soulignés et commentés.
Je vous demanderais d'en tenir compte, parce que ce n'est pas comme la personne qui s'en va travailler pour une société d'État ou le secteur privé. Oui, elle peut être congédiée, généralement pour un motif valable, et bien entendu les politiciens sont aussi congédiés pour un motif valable, mais ils le sont sommairement et leur siège est soumis aux voix lorsque les élections sont déclenchées, et c'est là toute la différence.
Je veux aussi soulever un autre point. Je connais votre collègue Kevin Lacey du Canada atlantique, un chic type. On dirait que lorsque nous apportons des modifications comme celle-ci, et que c'est une bonne modification, comme vous l'avez reconnu, ça ne semble jamais suffisant. Il faudrait toujours aller plus loin. Je comprends que vous êtes le porte- parole de votre organisation. Dans le cas qui nous occupe, c'est un jalon. C'est un pas important. J'aimerais que lorsque M. Lacey et vous-même en parlez à l'extérieur de cette enceinte, vous le reconnaissiez. J'aimerais aussi que vous reconnaissiez le sort du politicien. Ce n'est pas facile. Il n'y a pas beaucoup de situations analogues où l'on doive composer avec de telles conditions.
Monsieur le président, ce sont mes commentaires.
Le président : Merci. Ce sont des commentaires très utiles.
Monsieur Thomas, voulez-vous réagir?
M. Thomas : En 2008, dans la débâcle financière, 417 000 personnes ont perdu leur emploi. Je travaillais dans une société de placement. J'y ai travaillé près de 10 ans. La société a décidé de se débarrasser de 30 p. 100 de son personnel. J'ai eu deux semaines d'avis. Ce fut éprouvant. Ce fut un peu déchirant. Je travaillais fort, de longues heures, plus de 37 heures par semaine, les fins de semaine, tôt le matin. Certains de mes clients ont perdu des millions. Ce n'était pas ma faute. Par suite de décisions qu'ils avaient prises et de conseils que je leur avais donnés de bonne foi, ces personnes ont vu leur épargne-retraite amputée d'énormes sommes d'argent en très peu de temps. C'est un coup dur à encaisser. Ces gens n'avaient pas un revenu indexé à vie pour les protéger.
J'ai beaucoup de sympathie. J'ai connu beaucoup de représentants élus, des gens au caractère exceptionnel, d'une immense détermination — des gens dévoués, publics, dynamiques. Leur service mérite absolument d'être reconnu. Toutefois, des membres de la fonction publique entretiennent cette idée que leur parcours est plus difficile ou que leur cheminement est différent. C'est un cheminement et un parcours et ils s'accompagnent de déceptions, de sacrifices et de reculs déchirants, mais vous ne pouvez pas faire comme si vous étiez différents de tout le monde.
Le président : Je vous remercie de vos observations.
Pour le deuxième tour, je n'ai qu'un nom jusqu'à présent, et il nous reste peu de temps. Sénateur Mitchell, si vous voulez bien vous concentrer sur le projet de loi.
Le sénateur Mitchell : C'est promis. Je serai bref.
Je veux revenir à ce que vous disiez au sujet de James Moore, un fin politicien et un bon représentant. Vous avez dit qu'il a 2,8 millions de dollars de...
Le sénateur L. Smith : Ce n'est pas pertinent.
Le président : Je ne suis pas d'accord. Laissez-le poser sa question.
Le sénateur Mitchell : Je reviens sur le point de l'évaluation. Je vous demande de tenir compte de ces chiffres. Une fois encore, comme mon collègue l'a dit, pourriez-vous prendre en compte ce que nous disons quand vous présentez vos arguments?
Sous ce nouveau régime, sur une période de 25 ans, James Moore aura accumulé son propre argent à raison de 42 000 $ par an, parce que son RPC entrera en jeu, et il aura accumulé plus de 2,8 millions de dollars à 5,2 p. 100 d'intérêt. Il n'y a aucune contribution du gouvernement dans ce montant, c'est seulement ce qu'il aura accumulé. Il aura droit à une pension de 118 000 $. À 5 p. 100, sans même puiser dans le capital, ces 2,8 millions de dollars donneraient 145 000 $, donc en réalité, il aura...
M. Thomas : Sous le nouveau régime.
Le sénateur Mitchell : Sous le nouveau régime. Le gouvernement n'aura rien à débourser pour James Moore. De fait, au taux de base de 5 p. 100, James Moore laissera 2,8 millions de dollars au gouvernement — voire un peu plus. Il ne touchera même pas 5 p. 100. À sa mort, il laissera au gouvernement environ 3 millions de dollars, bien que sa femme puisse lui survivre et en toucher une partie. Là où je veux en venir, c'est que sans même puiser dans le capital, il touchera sa pension à 5 p. 100 sans contribution que ce soit de la part du gouvernement. Ce ne sera pas un fardeau pour le contribuable.
Il vaudrait la peine que vous et votre organisation examiniez de près la question de l'établissement du prix et de l'évaluation, et je vous enjoins de le faire, de façon raisonnable. Vous pouvez évoquer comment l'Ontario s'en est bien tiré avec les politiciens. C'est bien possible, mais ils ont fait des déficits consécutifs sous Harris et sous McGuinty. Prenons les résultats du gouvernement fédéral sous les libéraux : ils n'ont pas fait de déficit. Si vous preniez en compte les résultats, vous pourriez commencer à établir le bien-fondé de vos arguments.
Je veux appuyer ce que mon collègue a dit au sujet des pressions. Il faut veiller à attirer de bons candidats et ce, de façon durable. À un certain niveau, nous commencerons à le prouver. C'est ma première question : je vous demande de tenir compte des chiffres et de ce qu'il en coûtera vraiment.
Ma deuxième question, qui ressemble davantage à une question, renvoie à ce que vous nous demandiez : comparé à quoi? Je dis : « C'est parfait, jouons un peu avec cette idée de comparer ». Eh bien, on pourrait comparer un député au plus bas salarié. Les députés devraient tous gagner 10 $ de l'heure, sans avantages sociaux. Pour ma part, je vois le gouvernement comme une société ayant 300 milliards de dollars de chiffre d'affaires. À mon sens, quand nous prenons des décisions au sujet de notre économie, de nos relations avec la Chine et de la pertinence de vendre Nexen, des mesures que nous prenons en matière d'environnement, d'énormes questions qui auront une incidence sur vos enfants et votre sœur qui travaille pour peu importe le salaire qu'elle fait, les enjeux sont extrêmement élevés. À quel niveau faudrait-il les comparer?
On pourrait dire que les v.-p. de la CIBC n'ont plus de régime de pension. Croyez-moi, ils touchent toutes sortes d'autres rémunérations. À mon sens, c'est à un v.-p. de la CIBC qu'il faudrait comparer les députés parce que les enjeux, la qualité des décisions et la complexité de ce avec quoi ils doivent composer sont aussi importants les uns que les autres. Bien entendu, dans le cas des députés, il est question de fonds publics. Les v.-p. toucheront probablement un salaire annuel largement supérieur à un million de dollars, ils recevront d'énormes options d'achat d'actions, d'énormes paiements de rachat d'actions et d'énormes primes de maintien. Il n'y a aucune comparaison entre les 157 000 $ qu'ils font et leur salaire net qui sera de 5 800 $ par mois. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut savoir avec qui se comparer.
M. Thomas : Je crois que les déficits consécutifs en Ontario au début des années 2000 ont été faits sous l'administration d'Ernie Eves.
Le sénateur Mitchell : Non, c'était bien Harris, mais peu importe.
Le président : Nous nous penchons sur un texte de loi. Avez-vous quelque chose à ajouter en guise de conclusion, sur des éléments de ce projet de loi que nous devrions analyser? Nous ne sommes pas très habitués à examiner ce genre de projet de loi. Nous avons entendu vos commentaires, le pour et le contre, mais si vous pensez qu'il faudrait ajouter des points particuliers dans ce projet de loi, ou les modifier, c'est le moment de nous en faire part, ou dans un jour ou deux. Si vous voulez nous envoyer une lettre détaillée, nous vous en serions bien sûr reconnaissants également.
M. Thomas : D'accord.
Le président : Merci.
Mesdames, messieurs, merci beaucoup. À mon sens, la discussion a été utile et nous avons remercié le... Oui, sénateur Marshall?
Le sénateur Marshall : Qu'avez-vous prévu pour aujourd'hui?
Le président : Premièrement, j'ai prévu remercier le porte-parole de la Fédération canadienne des contribuables de s'être présenté dans un si court préavis.
Nous avons la confirmation de la présence de deux témoins à notre séance du mardi matin, dont l'actuaire en chef. Beaucoup de questions ont été soulevées qu'il serait préférable de poser à l'actuaire en chef. Il a confirmé sa présence pour mardi matin, à 9 h 30.
Les représentants du Conseil du Trésor reviennent aussi nous aider dans notre étude article par article. Selon leurs dires, ils sont les mieux placés, plutôt que les représentants du ministère de la Justice, pour nous aider à mener à bien cet examen. J'avais prévu qu'après une courte pause pour permettre aux honorables sénateurs de rassembler leurs esprits, ce qui est notre façon de faire habituelle, nous ferions l'étude article par article mardi matin et nous pourrions la poursuivre mardi après-midi.
Le sénateur Marshall : Bien.
Le sénateur L. Smith : Monsieur le président, je pense que le témoin a terminé. Sommes-nous en train de régler des détails administratifs?
Le président : Je l'ai déjà remercié. La séance est levée. Merci.
(La séance est levée.)