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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 6 - Témoignages du 6 février 2012


OTTAWA, le lundi 6 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 4, pour étudier l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis la sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.

Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'aimerais inviter les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, Québec.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

Le sénateur Losier-Cool : Bonjour. Je suis Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La présidente : Canadian Parents for French est un réseau national de bénévoles qui estime que la langue française est partie intégrante du Canada et qui valorise l'apprentissage du français comme langue seconde auprès des jeunes Canadiens et Canadiennes. L'organisme a été fondé en 1977. Il est composé de 11 sections locales et de quelque 170 chapitres situés aux quatre coins du pays.

La section locale de la Colombie-Britannique et du Yukon a demandé à comparaître pour parler des réussites et des difficultés dans l'enseignement du français langue seconde en Colombie-Britannique. Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue aujourd'hui à Debra Pool, présidente, Victoria Vaseleniuck, vice-présidente, et Glyn Lewis, directeur exécutif. Bienvenue à notre comité.

J'aimerais maintenant inviter la présidente à dire quelques mots, et les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

Debra Pool, présidente, Canadian Parents for French — section de la Colombie-Britannique et du Yukon : Bonsoir et merci d'avoir accepté d'entendre la section de la Colombie-Britannique et du Yukon de l'Association Canadian Parents for French, la plus grande section locale de l'association, qui compte pour le tiers des membres à l'échelle nationale. Je suis honorée de présenter au comité le point de vue des résidents de la côte Ouest sur l'enseignement du français langue seconde et sur le rôle des diplômés des programmes de français langue seconde, comme les programmes d'immersion en français, dans le développement de la communauté francophone en Colombie-Britannique.

Je parlerai surtout de la Colombie-Britannique, mais je me dois de souligner aussi les besoins du Yukon, où l'on célèbre cette année le 30e anniversaire de la création des programmes d'immersion en français dans les écoles du territoire. Je suis heureuse de pouvoir vous faire part de mes vues sur ce qu'il faut faire pour que les gains enregistrés au chapitre de l'enseignement du français langue seconde dans les 40 dernières années soient préservés et non perdus, et sur la manière de les exploiter pour assurer l'avenir de nos communautés francophones minoritaires.

Voici, pour résumer le contenu de notre mémoire, les recommandations de la section de la Colombie-Britannique et du Yukon : des investissements additionnels de la part du gouvernement fédéral dans l'enseignement du français langue seconde; un élargissement de la définition officielle de francophones pour englober les francophiles; des initiatives fédérales privilégiant la notion d'espace linguistique de préférence à la notion de communauté linguistique; et un dialogue entre Ottawa et le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) sur la création d'un programme scolaire de langue française unique pour les enfants et les jeunes francophones et les enfants et les jeunes francophiles.

Je suis prête à répondre à vos questions, mais j'aimerais vous inviter à les poser à n'importe lequel de nous trois. Mme Vaseleniuck et moi-même, qui sommes membres du conseil d'administration, ne parlons pas le français, mais nous avons vu les avantages du français pour nos enfants il y a 20 et 30 ans. Heureusement, notre directeur exécutif, M. Lewis, est bilingue. Je lui demanderai de répondre à certaines questions d'ordre opérationnel.

La présidente : La première intervenante est le sénateur Fortin-Duplessis.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue. J'ai pris connaissance de votre rapport ce matin. À la page 3 de votre présentation — pas dans le résumé que vous venez de nous donner —, vous dites, et je cite :

En outre, le fait que deux ou trois générations d'une même famille apprennent la même langue seconde dans le même programme scolaire témoigne d'un intérêt certain pour la langue seconde et potentiellement pour les communautés qui la parlent, degré d'intérêt qui remet en question la manière dont on définit l'identité linguistique et culturelle au Canada.

Un peu plus loin dans la même page, vous dites :

La montée de la francophilie est un phénomène crucial pour la communauté francophone de la Colombie- Britannique.

Vous dites que la communauté francophone est plus forte que jamais, mais le temps et les tendances démographiques travaillent contre elle. Elle n'a d'autre choix que d'intégrer les francophiles pour conserver le poids démographique et surtout politique nécessaires à sa survie.

Personnellement, je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par « francophile ». J'aimerais que vous nous donniez une définition de francophile tel que vous l'inscrivez dans votre mémoire.

[Traduction]

Glyn Lewis, directeur exécutif, Canadian Parents for French — section de la Colombie-Britannique et du Yukon : Essentiellement, la distinction que nous faisons est plutôt descriptive que d'ordre juridique ou quoi que ce soit d'autre de cette nature, et c'est pour indiquer les familles et les citoyens de la Colombie-Britannique du Yukon qui appuient le français comme langue seconde, qui ont inscrit leurs enfants dans des programmes d'immersion en français, dans des programmes de français intensif, ou dans tout programme d'enseignement de notre deuxième langue officielle.

En ce qui concerne votre question, c'est-à-dire quelle est la distinction entre un francophile et un francophone, à l'heure actuelle un francophone est une personne qui est protégée par la Charte en tant que membre d'une communauté linguistique minoritaire au Yukon et en Colombie-Britannique et pour qui l'accès à l'enseignement en français est garanti, tandis que la communauté francophile n'a pas les mêmes droits et n'est pas reconnue de la même façon.

Mme Pool : Par exemple, en tant que parents nous pouvons choisir d'inscrire notre enfant dans des cours d'immersion français. Cependant, en Colombie-Britannique depuis les 13 dernières années, l'immersion n'a fait que croître et les conseils et districts scolaires ont beaucoup de difficultés à trouver de la place, des enseignants et des ressources. Naturellement, le financement n'augmente pas au même rythme que les inscriptions. Par conséquent, dans de nombreuses régions de la Colombie-Britannique certains parents doivent en fait camper à l'extérieur des écoles pour inscrire leur enfant dans des cours d'immersion française. Ils passent la nuit dehors devant les écoles et n'ont même pas la garantie qu'ils pourront inscrire leur enfant dans une école de leur région.

Je peux vous donner un exemple personnel. Mon aîné aura 21 ans le mois prochain. Il est né à Vancouver Nord. J'ai dû inscrire Andrew dans des cours d'immersion en français tout de suite après sa naissance. Il n'y avait qu'une seule école d'immersion française à Vancouver Nord à l'époque, et, pour lui garantir une place dès la maternelle, je l'ai inscrit tout de suite après sa naissance.

La croissance est phénoménale. Les parents veulent que ce soit un programme dans lequel ils ont le choix d'inscrire leurs enfants. Les francophiles n'ont pas toujours ce choix, étant donné que le nombre de place est limité. Cependant, la Charte garantit ce droit aux francophones. Nous aimerions que tous nos enfants aient eux aussi ce droit.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est pour cela que vous voulez intégrer les francophiles aux francophones? C'est ce que j'ai compris dans le mémoire que vous avez envoyé.

[Traduction]

Mme Pool : En ce qui concerne l'intégration dans certaines situations et dans certaines régions de notre province, par exemple, à Powell River il y a un programme d'immersion en français et un programme francophone. Ces deux programmes se font concurrence. Si on pouvait les combiner, ils ne se feraient plus concurrence. Nous avons constaté en Colombie-Britannique que nous travaillons très bien avec la fédération. Ils viennent nous voir et nous allons les voir. Nous combinons les programmes d'activités culturelles pour les élèves et il y a des réunions conjointes du conseil. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux de façon à ce que les enfants qui sont en immersion française puissent eux aussi avoir de nombreuses expériences culturelles.

Le sénateur Poirier : J'aimerais poser une question supplémentaire car je ne suis pas certaine d'avoir bien compris. Vous avez dit que les francophones avaient un avantage et que c'est pour cette raison que vous vouliez parler plutôt de « francophile »? Qu'est-ce que je n'ai pas compris? Un francophone n'irait-il pas à l'école française?

Le sénateur Losier-Cool : C'est la partie que je n'ai pas comprise.

Le sénateur Poirier : Avez-vous des écoles françaises en Colombie-Britannique ou au Yukon?

M. Lewis : Nous en avons.

Le sénateur Poirier : Pourquoi un francophone irait-il à une école d'immersion française?

M. Lewis : La communauté francophone en Colombie-Britannique, telle qu'elle est définie à l'heure actuelle, est de moins en moins nombreuse. Elle n'a pas le même poids politique par rapport à d'autres communautés ethniques ou d'autres communautés linguistiques.

Par ailleurs, une chose que nous ne mentionnons pas beaucoup dans notre mémoire, c'est qu'il existe en Colombie- Britannique certaines pressions socio-géopolitiques, étant donné les liens économiques que nous avons avec l'Asie. Cela ajoute un stress supplémentaire pour ce qui est des priorités et des valeurs que nous accordons au français comme langue seconde et au français en tant que langue minoritaire.

Ce dont nous parlons en réalité ici, c'est de renforcer la vitalité du français en Colombie-Britannique et au Yukon grâce à l'enseignement.

Nous avons un partenariat et nous travaillons en collaboration avec nos partenaires et associations francophones. Nous sommes une association francophile. Nous sommes une association de parents pour le français comme langue seconde. Il y a une différence, pour revenir à votre question initiale. En tant que francophile, nous aimerions travailler en plus étroite collaboration avec les associations francophones et que le gouvernement fédéral reconnaisse que nous occupons tous cet espace linguistique, sans faire de distinction entre les francophiles et les francophones. Si l'on considère que la dualité linguistique est une pierre angulaire de l'identité canadienne, alors on peut s'auto-identifier comme étant francophiles, ce qui aurait certaines conséquences sur le plan juridique, politique et stratégique.

Le sénateur Poirier : Je ne suis toujours pas certaine de vous suivre. Je comprendrai peut-être au fur et à mesure. Pour moi, si on est francophone, on va dans une école francophone. Je ne comprends pas pourquoi vous seriez en concurrence avec eux, car ils n'iraient pas dans une école d'immersion française. N'avez-vous pas accès aux écoles d'immersion française?

M. Lewis : Powell River est l'exemple parfait. C'est une communauté relativement petite située à deux heures au nord de Vancouver. Ils avaient un programme pour les francophones, mais ils voulaient mettre sur pied un programme d'immersion en français. Étant donné que la communauté était si petite et qu'il y avait si peu d'élèves, la masse critique d'élèves n'était pas suffisante pour avoir un programme viable. Du côté des écoles francophones, le programme n'était pas viable non plus. Le programme était à peine financièrement viable étant donné le nombre d'élèves inscrits dans ces programmes.

Nous disons qu'il faut repenser tout cela. Il y a des parents à Powell River qui veulent inscrire leurs enfants dans des cours de français langue seconde et qui tout à coup se retrouvent en concurrence avec un programme différent, c'est-à- dire le programme francophone, les écoles françaises, et nous tentons de créer un programme différent. Qu'arriverait-il si nous ne considérions pas ces deux communautés comme étant distinctes? Si nous n'avions qu'une seule communauté? La dernière recommandation est de créer un seul programme de français pour des situations uniques comme celle-ci, où les communautés francophones et francophiles ne sont pas viables séparément mais pourraient l'être ensemble.

La présidente : Savez-vous si ce genre de programme existe quelque part, dans d'autres provinces ou ailleurs?

M. Lewis : Nous avons rencontré ce matin notre directeur exécutif national. Le district des écoles francophones en Ontario a assoupli les critères concernant la définition d'un francophone, de sorte qu'il est possible d'inscrire son enfant dans leur programme. Ce n'est pas ce que nous cherchons. Il y a certains mouvements dans cette direction, mais ce dont nous parlons spécifiquement ici, c'est d'un nouveau modèle pour l'enseignement en français, qui serait offert aux francophones et aux francophiles.

Victoria Vaseleniuck, vice-présidente, Canadian Parents for French — Section de la Colombie-Britannique et du Yukon : Mes enfants ont grandi dans un foyer anglophone. Mon mari et moi ne parlons pas français, mais mes enfants sont bilingues. Mes petits-enfants grandissent dans un foyer bilingue. La demande est en train de changer pour le système scolaire. Dans une petite communauté comme la nôtre — je viens de Nelson en Colombie-Britannique — c'est là où la concurrence entre en jeu. Dans une petite communauté de 10 000 habitants, nous avons une école française et un programme d'immersion tardive en français.

Ce que nous aimerions, c'est pouvoir envoyer nos enfants à l'école francophone, afin qu'ils puissent avoir une immersion précoce; ensuite notre système doit les rediriger dans le système public, en immersion tardive en français, lorsqu'ils ont été dans une école française depuis la maternelle. Mes enfants sont bilingues, ils viennent d'un foyer anglophone, mais leur foyer est maintenant bilingue.

Le sénateur Losier-Cool : Nous venons toutes les deux du Nouveau-Brunswick. La raison pour laquelle nous sommes surprises de cela, c'est qu'au Nouveau-Brunswick les francophones n'ont pas le choix. Ils ont des écoles françaises et ils vont à l'école française. Ils ont des écoles anglaises. Les parents anglophones peuvent choisir d'inscrire leurs enfants dans des écoles d'immersion, mais pas à l'école française.

Avez-vous une idée du nombre de parents francophones qui enverront leurs enfants dans des écoles d'immersion? Avez-vous un pourcentage?

Mme Pool : Je vis à Vernon, en Colombie-Britannique. Nous avons la plus grande école qui offre uniquement le programme d'immersion en français en Colombie-Britannique, mais nous n'avons pas d'école française.

Par exemple, dans cette école élémentaire de 600 élèves, je pense que cela représente au moins 10 p. 100, car ils n'ont pas d'autre choix à moins qu'ils fassent une heure d'autobus pour se rendre dans une école francophone à Kelowna.

M. Lewis : Je vais ajouter quelque chose. Ici, nous ne parlons pas nécessairement d'ouvrir les programmes d'immersion française aux francophones, mais nous proposons l'idée de reconceptualiser le modèle d'exécution du programme. Il n'y aurait pas de programme francophone et de programme d'immersion en français. On aurait quelque chose qui se situerait entièrement entre les deux et qui aurait son propre modèle de gouvernance et son propre conseil scolaire.

Je reconnais que si j'étais un parent francophone, si je perdais mon école francophone — comme vous le disiez tout à l'heure — et que la seule autre possibilité était l'immersion en français, ma crainte serait de voir ma langue et ma culture diluées. Il ne s'agit pas d'un programme de même qualité. C'est pour cette raison que nous ne proposons pas cela.

Nous disons que si nous décidons de faire cela, et c'est l'idée que nous proposons au comité, peu importe le modèle que nous allons créer, il devra tenir compte de cela et être plus fort qu'un simple programme d'immersion en français.

Le sénateur Poirier : J'aimerais savoir si vous avez fait part de cette idée au gouvernement provincial de la Colombie- Britannique. L'éducation est un domaine qui relève de la compétence provinciale.

Avez-vous une idée des coûts que cela pourrait ajouter au ministère provincial de l'Éducation en mettant en place un troisième système d'enseignement? C'est essentiellement de cela dont il s'agit ici. Ce troisième système semble peut-être être mineur à l'heure actuelle, mais je me demande l'ampleur qu'il pourrait prendre s'il était en place et combien d'écoles anglophones se retrouveraient alors avec un problème alors que bon nombre de leurs élèves du programme d'immersion française choisiraient plutôt un tout autre niveau d'enseignement dans le système.

M. Lewis : Je vais mettre votre question dans un certain contexte pour ce qui est du ministère de l'Éducation.

L'une des premières choses que nous avons faite a été de communiquer avec nos partenaires français, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique et nous avons eu des entretiens avec eux. Nous avons eu une réunion conjointe du conseil d'administration, nous avons rencontré leurs administrateurs, et ce sont des représentants des associations francophones partout en Colombie-Britannique.

Ils nous ont proposé cette idée et nous avons dit que nous étions réceptifs à l'idée d'une redéfinition ou de l'élargissement de la définition du terme « francophone » pour inclure les francophiles. Il y a un dialogue national qui commence entre les groupes de francophones et de francophiles. Franchement, étant donné qu'il s'agit d'une question concernant les droits linguistiques et l'identité canadienne et la façon dont nous nous auto-identifions, nous estimons que cela concerne le gouvernement fédéral, Patrimoine canadien et des comités comme le vôtre. Si l'on était d'accord avec cette idée, alors le dialogue pourrait revenir au niveau du ministère de l'Éducation pour discuter de la façon dont cela pourrait se faire. Nous avons besoin d'une reconnaissance au niveau fédéral d'abord.

C'était une façon contournée de répondre à votre question.

Le sénateur Tardif : Je ne sais pas si j'ai des questions, mais j'ai certainement de nombreux commentaires en réaction à notre discussion ici.

Je voudrais dire jusqu'à quel point j'admire l'association Canadien Parents for French pour le travail que vous accomplissez en Colombie-Britannique, au Yukon et partout au Canada. J'ai souvent eu le plaisir de travailler avec l'association Canadian Parents for French pour faire avancer l'enseignement du français langue seconde pour les parents et les éducateurs et lorsque j'étais dans l'enseignement j'ai travaillé afin de promouvoir le français comme langue seconde et j'ai travaillé en collaboration avec votre organisme.

J'aimerais poursuivre dans cette veine pour donner un peu de contexte. Les programmes d'immersion française ont été établis probablement en 1967 ou en 1968, et ils se sont par la suite rapidement propagés partout au Canada. À cette époque, il s'agissait souvent du seul programme d'éducation disponible pour des parents francophones.

En Alberta, par exemple, la première école française a ouvert ses portes en 1984, en vertu de l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Auparavant, les parents — y compris mes enfants — allaient à l'école d'immersion française, parce qu'ils pouvaient au moins suivre des cours en français de 50 à 60 p. 100 du temps.

Lorsque les premières écoles ont ouvert leurs portes en 1984 par exemple en Alberta bon nombre de parents qui parlaient français mais qui s'étaient habitués à l'expérience d'immersion française ont probablement choisi de ne pas envoyer leurs enfants dans les écoles francophones parce qu'ils craignaient qu'ils n'apprennent pas l'anglais et c'était considéré comme étant problématique à l'époque, ou bien parce que leurs enfants avaient commencé un programme d'immersion française et voulaient continuer dans ce programme. Il a donc été difficile de mettre sur pied l'école francophone.

L'école francophone, et c'est ce que nous disions à l'époque, a été établie non pas seulement pour promouvoir la langue française et faire en sorte qu'elle survive, mais également pour renforcer l'identité culturelle. C'est ce qui faisait la principale distinction entre un programme d'immersion, qui visait à enseigner le français en tant que langue seconde mais pas lorsque c'était votre langue maternelle. Toute cette question de renforcement de l'identité culturelle était établie dans le conseil scolaire francophone, et personne n'essayait de changer l'identité des enfants anglophones qui apprenaient le français comme langue seconde. Toutefois, pour l'enfant francophone il s'agissait de renforcer son identité culturelle.

En Alberta, on estime toujours que bien des parents choisissent de ne pas inscrire leurs enfants dans les écoles francophones. C'est ce que nous avons constaté également lorsque nous avons fait une visite du Canada atlantique. Bon nombre de parents qui sont admissibles en vertu de l'article 23 ne sont pas inscrits dans les conseils scolaires francophones du Canada pour différentes raisons.

Nous avons de nombreuses personnes provenant du Québec en Alberta ainsi que d'autres provinces et les gens craignent toujours que leurs enfants risquent de ne pas apprendre l'anglais; par conséquent s'ils les inscrivent dans un programme d'immersion ils estiment qu'ils auront une meilleure chance d'apprendre l'anglais.

Cela étant dit, je pense que pour les écoles francophones à l'époque nous étions toujours soucieux de préserver la langue et la culture. C'est dans ce sens que de nombreux parents anglophones qui voulaient inscrire leurs enfants dans les écoles francophones ont été jugés comme n'étant pas admissibles et, constitutionnellement, ils ne l'étaient pas. Certains des conseils scolaires étaient beaucoup plus stricts que d'autres sur les enfants qui pouvaient fréquenter ces écoles ou pas.

Je pense maintenant que nous constatons un changement et qu'il y a un besoin de collaborer beaucoup plus et qu'il y a davantage de possibilités de renforcer les objectifs de chacun des conseils scolaires.

Je ne peux pas dire que je soutiens l'idée de nouveaux programmes que vous avez mis de l'avant, parce que je pense que cela soulève de nombreux défis à savoir pourquoi les conseils scolaires ont été établis et quels sont les objectifs et les mandats de chacun de leurs programmes d'enseignement.

Toutefois, j'estime que chaque Canadien devrait avoir le droit d'apprendre le français étant donné qu'il s'agit d'une des deux langues officielles du Canada. Je trouve ça dommage lorsque vous dites que des parents doivent faire la queue et se soumettre à un système de loterie pour que leurs enfants puissent s'inscrire à des écoles pour apprendre le français. C'est vraiment très dommage.

Dans cette optique, j'appuie certainement le droit d'un enfant d'apprendre une langue officielle ou l'autre, mais selon moi, pour l'instant, je n'envisagerais pas l'idée d'un programme de français partagé, parce que les buts et objectifs de chacun sont différents.

Cela dit, devrait-il y avoir plus d'argent et d'appui à une meilleure collaboration, des ressources partagées, des possibilités de perfectionnement pour les enseignants, pour les échanges étudiants, pour les échanges des associations professionnelles qui travaillent ensemble? Absolument.

Je ne sais pas si j'ai une question en tant que telle, j'avais seulement beaucoup d'idées en tête et je voulais vous en faire part.

Estimez-vous qu'il s'agit davantage d'une question de ressource financière? Est-ce que des fonds supplémentaires vous seraient utiles? S'agit-il d'un enjeu majeur? S'agit-il plutôt du nombre d'étudiants? Quels sont les principaux obstacles?

Mme Pool : Il existe de nombreux obstacles différents, mais je pense que vous tapez en plein dans le mille lorsque vous dites qu'il s'agit d'un droit. Ce n'est pas ce que nous disent nos arrondissements scolaires. Ils nous disent qu'il s'agit d'un programme de choix.

À titre de parents, nous voulons que nos enfants suivent ce programme, mais si on établit un maximum au programme ou qu'on adopte un système de tirage au sort, comme Mme Vaseleniuck l'a dit ce matin, on se retrouvera avec deux enfants qui ont suivi le programme d'immersion française, et un troisième qui s'inscrit mais qui n'y est pas accepté parce qu'il n'a pas été tiré au sort : désolé, vous n'avez tout simplement pas gagné. Dans une même famille, ça ne va pas. Je pense que tout cela vient du fait que nous voulons aussi avoir la même possibilité que les francophones et qu'il s'agit d'un droit en vertu de la Charte.

C'est une idée. La conversation évolue sans cesse. Il y a de nombreux aspects qui ont besoin que d'importantes mesures soient mises en œuvre pour faciliter les choses et pour que ça fonctionne pour tous, mais cela fait ressortir l'argument voulant que nous devrions aussi donner à nos enfants le droit d'étudier en français.

Le sénateur Tardif : Je suis tout à fait d'accord.

M. Lewis : Pour revenir à ce que sont nos demandes, et je pense que Mme Pool en a aussi parlé, il s'agit de la reconnaissance d'un droit. Nous comprenons qu'au niveau provincial, le gouvernement devrait légiférer, de sorte qu'un accès garanti où les chiffres le justifient serait assuré par le gouvernement provincial.

Pour ce qui est des ressources, pour revenir à votre autre question, comme bon nombre des sénateurs du comité le savent sans doute, il existe une entente entre Patrimoine canadien et tous les ministères de l'éducation; il s'agit du PLOE, le Programme des langues officielles dans l'enseignement. Il s'agit de l'enveloppe budgétaire qui permet au gouvernement fédéral d'influencer les décisions concernant l'éducation. Manifestement, il y a une séparation des pouvoirs; l'éducation ne relève pas des compétences du gouvernement fédéral, mais il s'agit de l'entente qui permet d'activer certains leviers. Lorsqu'on examine cette entente du PLOE, ce que nous faisons en fait ce matin, on constate qu'elle contient une formule une subvention pour la croissance. Cela revient aux questions portant sur le plafonnement. Lorsque nous sommes à Tofino, Chilliwack ou Powell River et que nous parlons aux conseillers scolaires parce qu'il y a 15, 20 ou 25 parents qui nous disent qu'ils veulent que leurs enfants suivent un programme d'immersion française à la maternelle et en première année, ils vont nous demander si nous avons les chiffres, s'il s'agit d'un programme viable et, s'ils le créent, si le programme va s'éteindre dans deux ou trois ans à cause de l'attrition, du décrochage et ainsi de suite. La deuxième question qu'ils vont nous poser c'est : « Combien cela va-t-il nous coûter? » Tout revient aux chiffres. Tous les conseillers scolaires de la Colombie-Britannique, voire du pays entier, ont l'obligation fiduciaire d'équilibrer leur budget à la fin de l'année. C'est la question qu'ils nous posent et qu'ils posent toujours aux parents.

Si votre comité ou les autorités compétentes par l'intermédiaire de votre comité pouvaient formuler des recommandations, il s'agirait de se pencher sur cette subvention pour la croissance et la façon d'ajouter des ressources financières supplémentaires dans cette formule de financement de sorte que lorsque des enfants de Coquitlam, Tofino ou Chilliwack cognent à la porte parce qu'ils veulent être inscrits au programme et que les conseillers scolaires disent qu'ils n'ont pas d'argent pour cela, nous fournissons des incitatifs par l'intermédiaire du PLOE pour faire changer d'idée les conseillers scolaires en leur disant : « Vous savez quoi? Créez ce programme immédiatement. En fonction des formules de financement, vous pourriez obtenir 13 000 $ à l'heure actuelle, disons, par exemple, mais si des fonds additionnels étaient proposés, il serait plus facile pour nous et pour les parents de recommander la création d'une nouvelle classe.

Le sénateur Segal : Excusez-moi d'être arrivé en retard. Je n'ai pas eu l'occasion de lire les mémoires avant d'arriver. J'ai été frappé par la mesure dans laquelle je suis d'accord avec ce que le sénateur Tardif a dit au sujet de la problématique. J'ai participé aux négociations entourant la Charte des droits et libertés au nom de l'Ontario; la question d'avoir des chiffres suffisants est très importante en ce qui concerne l'accès garanti à une éducation en langue française. Il ne s'agit en quelque sorte pas d'un choix, mais plutôt d'accroître la capacité dans les régions de notre province où la population est suffisante. Je pense que le chiffre normatif utilisé pendant les discussions était 10 p. 100 de la population qui parlait français, selon le recensement.

[Français]

Cela justifie, en effet, un système francophone disponible pour toute la population.

[Traduction]

Une partie du fardeau que vous portez en tentant de formuler une suggestion qui est, à mon avis, très réfléchie et courageuse, vient du fait qu'au Canada, on considère que toute la question tourne autour des droits, en fait, plutôt que des choix. Je ne dis pas que l'un est préférable à l'autre. Je dis simplement que c'est différent. Cela fait partie du défi que nous devons tous relever ensemble, parce que j'accepte le principe voulant que si un Canadien souhaite que ses enfants suivent une éducation en français, il devrait en avoir la possibilité, et le système devrait être suffisamment souple pour que ce soit possible, sans avoir à se plier à des conditions impossibles.

Je me souviens des négociations entourant l'école secondaire catholique Marie-Rivier, l'école secondaire du système catholique de Kingston à l'époque. Pendant des années, nos étudiants francophones catholiques étudiaient dans des bâtiments transportables installés à côté de l'école secondaire Regiopolis. On a demandé au système public de bâtir une école, ce qui a été refusé. Le système catholique romain a reçu une demande pour bâtir une école, et il a accepté. Une série de forces se sont réunies, mais il y a eu des désaccords concernant le zonage, imaginez-vous. Le premier ministre de l'Ontario à l'époque, que le sénateur Tardif appelle son chef de parti, m'a demandé d'assurer la conciliation entre la municipalité et la commission scolaire francophone, et il existe maintenant un bel établissement, une école à Kingston pour tous nos étudiants francophones. Ils viennent de toute la région. Il ne s'agissait pas d'un choix. C'était plutôt les droits de nos étudiants francophones d'avoir accès à une éducation.

Plus important encore, et je pense que c'est là où nous faisons face à un défi intéressant, un défi de conception, c'est qu'il s'agissait d'un endroit isolé; l'école se trouvait juste à côté de l'autoroute 401, près du boulevard sir John A. Macdonald, là où les élèves pourraient fréquenter un campus francophone. Les enseignants seraient francophones, et on parlerait français dans la cour d'école.

[Français]

Les enfants vont tous parler français.

[Traduction]

Cela étayait précisément l'argument du sénateur Tardif, concernant la survie et l'encouragement, l'épanouissement de la culture, de la langue et de la civilisation, et pas seulement dans une classe. Selon moi, c'est de là que vient le défi lié à la conception. J'aimerais connaître vos réactions. Je ne suis pas contre la notion selon laquelle il faut trouver une façon de faciliter pour plus de gens la prise de la décision concernant la langue officielle dans laquelle leurs enfants seront éduqués, mais il faut trouver une façon de concevoir un système en vertu duquel ce droit de choisir ne diminue pas le droit à la survie linguistique et culturelle de la part de nos frères et sœurs francophones. C'est la question centrale.

Si j'étais à votre place, je parlerais de demander du financement à Patrimoine canadien pour des projets pilotes partout au Canada, où nous avons les meilleurs esprits éducatifs, culturels et pédagogiques pour les concevoir. Comment créer une école qui profite d'une importante présence de la majorité francophone et qui tient compte de l'expérience culturelle, en quelque sorte, sans la diluer? Dans la collectivité, les gens qui appuient l'expérience francophone veulent que leurs enfants en fassent partie et ils ont des frères et des sœurs plus âgés qui en ont fait partie ou ils ont peut-être fréquentés des écoles d'immersion française eux-mêmes dans la même génération que notre premier ministre, par exemple, et ont eu cette expérience.

Il s'agit d'une question de conception très intéressante, et je sais que notre comité vous aidera dans ce processus grâce à sa bonne volonté, mais ce n'est pas facile. Ça ne se fera pas tout seul. Il y a une question, mais je vous laisse y répondre.

Mme Pool : Vos observations sont toutes entièrement vraies. Nous les avons toutes entendues, et je me moque de moi- même parce que je suis non francophone, je ne parle pas français et mon quatrième enfant est maintenant en immersion française, et j'ai eu de la chance que mes enfants puissent fréquenter uniquement l'école d'immersion française, et nous nous préoccupons toujours de l'affaiblissement, même en immersion française. Je sais exactement ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de ne pas diluer et de ne pas perdre cette expérience culturelle. En Colombie-Britannique, nous avons un bon camp d'été, et je fais partie d'un comité depuis 13 ans. Nous recrutons 18 moniteurs francophones du Québec. Depuis 13 ans, en famille, pendant trois semaines l'été, nous avons vécu, mangé, respiré, tout fait. Le fait d'embrasser cette culture est si fantastique. Nous voulons toujours aller un peu plus loin pour donner à nos enfants cette option.

Ce projet pilote est certainement une illusion merveilleuse. Ce serait l'idéal; pouvons-nous le créer? Nous connaissons certainement tous les petits accrocs. Comme M. Lewis l'a mentionné plus tôt, s'adresser aux grappes, à des régions comme Powell River, qui constituent une petite grappe, serait une option. Je vous donne matière à réflexion. Il s'agit de reconnaître que nous avons grandi en Colombie-Britannique, que nous continuons de croître en Colombie- Britannique. Il y a là-bas une demande pour de l'immersion française, et nous aimerions que ce soit un droit, pas un choix.

Mme Vaseleniuck : Pour ajouter à ce que Mme Pool dit, nous avons connu une croissance dans l'immersion française depuis 13 ans. La troisième génération entre en immersion française. Les parents nous disent qu'il faut plus, et pas deux systèmes distincts pour notre langue d'enseignement. Ils veulent que leurs enfants puissent choisir leur langue d'enseignement, pas seulement l'immersion française ou un programme de langue française, mais que la langue d'enseignement soit le français ou... personnellement, j'aimerais que ce soit la seule option.

M. Lewis : Revenons au fait que les familles d'immersion française de deuxième et troisième génération en Colombie-Britannique et au Yukon sont semblables à celles de l'Alberta et des autres provinces du pays; une nouvelle réalité politique apparaît. Nous nous sommes rendus à CKNW, une émission-débat de radio populaire à Vancouver, et ils ont pris les appels. On demandait aux gens ce qu'ils pensaient de l'immersion française. Cinq ou six intervenants étaient en faveur. Si on avait pris des appels il y a 20 ou 30 ans, il y aurait eu de la réticence de plus de personnes, qui nous auraient demandé pourquoi le français, pourquoi en Colombie-Britannique?

Cela revient à notre argument initial, c'est-à-dire que nous sommes une communauté en pleine croissance. Si on ventile les chiffres et qu'on examine le recensement en Colombie-Britannique, le français est la deuxième langue parlée en Colombie-Britannique, et c'est principalement en raison de tous les diplômés des programmes d'immersion française qui passent par le système. À l'heure actuelle, 44 000 enfants sont inscrits à un programme d'immersion française. Si on tient compte de deux ou trois générations, nous sommes entre 180 000 et 200 000 personnes déclarées qui parlent français. Il faut accroître ce nombre. Il faut parler et discuter de la communauté francophone et de la façon de se déclarer dans cette communauté de 200 000 personnes qui ont adopté la langue. Il s'agit maintenant d'une force politique. Il s'agit d'une communauté, d'un espace où les gens estiment que cela fait partie des fondements de notre identité. Comment interagissons-nous avec le gouvernement fédéral? Comment interagissons-nous avec le gouvernement provincial? Comment les services nous sont-ils fournis? Comment les programmes francophones nous sont-ils offerts? Les tendances changent, et nous devons l'appuyer. Selon nous, c'est l'orientation que nous devons adopter.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : J'apprécie beaucoup le commentaire du sénateur Segal, et j'aime bien l'option du projet pilote. Si c'est un projet pilote, cela ne proviendra pas des fonds et personne ne pourra dire aux Canadiens que le bilinguisme coûte trop cher. Ce serait vraiment un budget à part, et c'est le danger.

[Traduction]

J'aimerais revenir à votre question concernant la croissance. Votre association, Canadian Parents for French, a-t- elle des statistiques? Vous avez parlé des chiffres concernant le nombre d'élèves dans les cours d'immersion française. Qu'en est-il de ceux qui ont commencé il y a 30 ans? Ont-ils continué? Ont-ils suivi une formation universitaire en français? Travaillent-ils dans un milieu bilingue, dans la société? Avez-vous des statistiques, des chiffres indiquant s'ils sont demeurés bilingues, si l'on peut dire?

M. Lewis : Je n'ai pas les statistiques devant moi; mais elles existent, ça ne fait aucun doute. Nous savons qu'il y a toujours des programmes ici, à l'Université d'Ottawa, et à l'Université Simon Fraser, où les programmes sont solides et en pleine croissance, par exemple en administration publique, en sciences politiques et en administration des affaires; ces programmes acceptent les cohortes et les fonds avancés.

Mme Vaseleniuck : Tracadie, Saint John?

M. Lewis : Oui. Ce besoin a été reconnu par notre organisation, mais en quelque sorte, il va au-delà de nos compétences. Nous devons nous concentrer sur les programmes que nous pouvons contrôler et que les parents peuvent recommander. Il existe des organisations comme Le français pour l'avenir, qui examine alors ce qui se passe une fois qu'on sort de l'école secondaire et quelles sont les options et les possibilités qui s'offrent à nous à ce moment-là.

Le sénateur Losier-Cool : Le français pour l'avenir est une organisation?

M. Lewis : Le français pour l'avenir est l'une d'entre elles; il en existe d'autres. Cela m'amène à un excellent argument. Pourquoi suivre une formation en français si on ne voit aucun espoir à la fin, du point de vue des possibilités de parler français une fois qu'on obtient un diplôme?

Mme Pool : Les possibilités sont vastes, et ça ne signifie même pas seulement dans le système d'éducation. Mon quatrième enfant n'est pas mon fils biologique. Il s'agit d'un enfant né avec des handicaps considérables; on s'attendait à ce qu'il ne survive même pas à sa première année. Il a d'importants troubles d'apprentissage, mais c'est lui qui a le meilleur accent français chez nous. Tout le monde me disait — que ce soit le psychologue de l'école, tout le monde — « Cet enfant ne survivra jamais à l'immersion française; jamais. » J'ai répondu : « Mais j'ai déjà trois enfants en immersion française. » Je ne voulais pas qu'il aille dans une autre école. J'ai dit : « Vous devez essayer. » Il a une aide à cause de ses troubles d'apprentissage. Il a toujours une aide, et ses 70 p. 100 en français 9 le semestre dernier constituent sa plus haute note. Je ne me soucie pas de savoir s'il sera un éboueur bilingue. Il sera bilingue. Il mesure quatre pieds et il se tient bien droit quand il parle français et que quelqu'un le regarde et que personne ne comprend un mot de ce qu'il dit.

La présidente : Madame Pool, vos enfants parlent-ils français entre eux à la maison?

Mme Pool : Ils le font parfois. Je me souviens qu'à un moment donné, une étudiante coréenne en échange vivait à la maison, et les deux plus jeunes étaient ennuyés parce qu'elle parlait au téléphone en coréen. Ils étaient offusqués, alors ils se sont mis à parler français entre eux. Elle a compris ce que cela faisait. Ils ne parlent pas souvent, mais mes fils font de la compétition de ski acrobatique. Ils voyagent beaucoup; ils utilisent leur français lorsqu'ils voyagent et qu'ils font du ski tout le temps.

Le sénateur Mockler : Madame Pool, je suis impressionné. Vous avez besoin d'aide. Je pense que c'est tout un objectif. Je ne veux pas répéter ce qu'ont dit le sénateur Tardif et le sénateur Segal, mais je viens du Nouveau- Brunswick. Chaque jour, c'est toujours un défi. En 2007 et 2008, le gouvernement de l'époque a voulu apporter des changements à l'immersion, et je tiens à le dire publiquement. Aucun francophone...

[Français]

Aucun Acadien ou aucune Acadienne n'aurait cru...

[Traduction]

... que les gens qui ont exprimé leur appui — pas pour changer les programmes d'immersion mais pour les améliorer — étaient les anglophones de la Colombie-Britannique, ces loyalistes du nord, du sud, de l'est et de l'ouest, à ce qu'on raconte. Je me souviens très bien d'avoir reçu, et je peux en parler, sénateur Segal, un petit message pendant ce grand débat — c'est toujours un débat; agissons intelligemment et nous réussirons — du sénateur Segal. Essentiellement, j'ai adoré sa recommandation, parce que je pense que c'est un pas dans la bonne direction.

Je pense que nous devons être prudents de ne pas diluer le programme que nous avons d'un océan à l'autre. Ensuite, je pense que vous avez de nombreux alliés d'un océan à l'autre. J'aimerais porter à votre attention l'histoire de l'école Émilie-Tremblay à Whitehorse, au Yukon. C'est une vraie réussite.

Mme Pool : Oui, vous avez raison.

Le sénateur Mockler : C'est une réussite. C'est-à-dire que je pense que l'école francophone est une réussite.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : C'est la plus belle école du Canada, et j'ai vu beaucoup d'écoles!

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Vous avez des alliés qui vous sont proches pour atteindre votre objectif. Ce n'est pas un choix, c'est un droit, parce que nous sommes un pays bilingue. Je vous l'affirme.

[Français]

Ce qui est important ici, c'est que l'éducation est une responsabilité provinciale, d'où l'importance de retourner et d'aller voir le gouvernement de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Ils doivent passer un examen tous les quatre ans. Ça s'en vient. Je pense que nous ne devons pas nous cacher la tête dans le sable. Ce sont des faits. J'ai rencontré des représentants de l'Association des francophones de la Colombie- Britannique, et vous y avez aussi des alliés.

Je pense que vous devriez discuter avec le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique — parce que vous représentez en fait la Colombie-Britannique et le Yukon — avant de préparer un plan établissant un lien entre vos alliés et de le transmettre au principal gouvernement responsable. Soyez assurés que je l'appuierai.

Quelle sera la prochaine étape en vue d'établir des liens avec les parties intéressées dans votre région? Je prends l'exemple de l'école Émilie-Tremblay. Le directeur de l'école vient de ma ville natale. Nous en avons beaucoup discuté entre Noël et le nouvel An.

[Français]

C'est important que vous tendiez la main, que vous alliez chercher ces personnes. J'aimerais savoir quel sera votre plan d'action pour réaliser vos objectifs. On ne peut pas simplement dire que cela revient au gouvernement fédéral. Cette responsabilité est celle de la province en question.

[Traduction]

M. Lewis : Oui. L'un des objectifs stratégiques de notre organisation est d'établir de meilleurs partenariats avec les groupes et les associations francophones, tant au niveau culturel et éducatif que social. C'est un objectif stratégique régulier dont nous parlons à Patrimoine canadien chaque fois que nous refaisons une proposition de financement, tous les deux ou trois ans. Cela figure parmi nos cinq objectifs stratégiques. C'est l'un des principaux objectifs stratégiques.

En ce qui concerne le plan d'action, on crée actuellement le Council of French en Colombie-Britannique. C'est un groupe d'organisations francophones culturelles, sociales, éducatives et francophiles qui disent : « Laissez-nous créer un conseil qui deviendra une organisation de défense et qui pourrait faire avancer des causes comme celle-ci. » Nous ne savons pas encore quel sera le modèle de financement de l'organisation, mais il s'agit du type de relation que nous établissons. Nous reconnaissons qu'il faut travailler ensemble si nous voulons nous faire mieux entendre.

Pour revenir à un autre point, au niveau fédéral, d'après ce que comprennent les membres de votre comité sénatorial, le ministère du Patrimoine canadien et les ministres de l'Éducation se réunissent tous les quatre ans et déterminent les détails de ces ententes, y compris les formules de financement, et cetera. Par la suite, les gouvernements provinciaux négocient un plan d'action. Ils créent un plan d'action et disent : « Nous avons cette entente. Nous allons ensuite créer un plan d'action pour nous-mêmes. » Le plan de la Colombie-Britannique est très différent de ceux de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick.

Une chose que nous demandons toujours dans ces plans d'action, c'est que vous avez des objectifs qui disent, par exemple, qu'il faut augmenter le nombre d'étudiants du programme d'immersion française, pas seulement maintenir le statu quo; permettez-nous de faire face à cette demande de croissance. Cela revient aussi à ce que vous avez dit. Il y a du travail sur le terrain, au niveau provincial, pour établir les partenariats, mais il y a aussi du travail au niveau fédéral qu'il faut accomplir pour mettre en place des objectifs plus ambitieux.

[Français]

Le sénateur Mockler : Est-ce que je peux faire un commentaire?

présidente : Très brièvement, avant de passer au deuxième tour.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Je pense qu'il est important que vous frappiez à la porte du ministre de l'Éducation, avec vos partenaires.

[Français]

La présidente : Nous entreprenons le deuxième tour de table. La parole est à la sénatrice Fortin-Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai lu un article dans le Vancouver Sun qui m'a surprise et inquiétée. Je vous le résume très brièvement.

Le Vancouver Sun mentionnait que le gouvernement reconnaîtrait la valeur de toutes les langues dans le parcours scolaire. Les élèves auraient ainsi plus de choix.

De plus, ceux qui demandent des connaissances avancées d'une langue seconde pourraient être exemptés de cours linguistiques. Mais le gouvernement laisse une porte ouverte en disant que les établissements scolaires devraient encourager leurs élèves à poursuivre des études plus poussées de la langue ou en apprendre une nouvelle.

J'ai vu que la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique est inquiète que le français perde sa place au profit des autres langues. À son avis, le gouvernement devrait s'efforcer d'encourager l'enseignement du français, l'une des deux langues officielles du Canada. De plus, la fédération craint que les commissions scolaires qui éprouvent des difficultés financières n'offrent même plus le français comme option.

Avez-vous entendu parler des craintes des professeurs de la Colombie-Britannique et des propos qu'ils ont exprimés sur les changements prévus dans la révision des programmes scolaires?

[Traduction]

Mme Vaseliniuck : Le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique a rétracté cette affirmation.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ah oui, il a nié?

[Traduction]

Mme Vaseleniuck : Oui, ça été publié dans le Vancouver Sun, mais le ministère s'est rétracté. De plus, les enseignants en Colombie-Britannique exercent actuellement des pressions, et ce, depuis le début de l'année.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Tant mieux. Parce que ce serait vraiment très inquiétant. Si le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique encourageait comme langue seconde toutes les langues selon les nouveaux arrivants, je crois que le français aurait vraiment perdu sa place. Je suis bien contente d'apprendre cela. Cela me rassure.

[Traduction]

Mme Vaseleniuck : Nous avons fait plus que frapper à leur porte.

Mme Pool : Étant donné que l'arrivée, il y a environ six ans, du mandarin, du chinois et des autres langues constitue une préoccupation, Canadian Parents for French de la Colombie-Britannique et du Yukon ont lancé une campagne pour informer les parents qui sont des immigrants au Canada que si leur enfant apprend déjà l'anglais langue seconde, ils réussiraient très bien s'ils poursuivaient et apprenaient le français à titre de langue tierce, de sorte qu'ils seraient trilingues; nous leur disons de ne pas les dissuader de l'expérience de l'immersion française. Nous avons produit des brochures et des affiches. L'organisation nationale de Canadian Parents for French a aussi utilisé nos affiches et nos brochures.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais une petite question pour terminer.

La présidente : M. Lewis veut répondre à la question et la sénatrice Tardif a une question supplémentaire. Je vous donne la parole et le sénateur Tardif suivra.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Avez-vous des statistiques sur le nombre de nouveaux arrivants qui ne parlent ni anglais ni français? S'ils veulent apprendre une langue seconde, j'imagine qu'ils vont apprendre l'anglais dans les écoles, mais est-ce qu'ils sont intéressés à apprendre le français ou s'ils aiment mieux poursuivre dans leur propre langue?

Le sénateur Tardif : Je peux me tromper, mais je ne crois pas que l'enseignement du français est obligatoire en Colombie-Britannique. À un moment donné, il y avait une politique d'enseignement des langues où l'apprentissage d'une deuxième langue était obligatoire entre la cinquième et la huitième année mais ce n'était pas nécessairement le français, ce pouvait être, par exemple, le mandarin, l'allemand ou l'espagnol. Il y avait une politique obligatoire d'apprentissage d'une langue seconde mais pas nécessairement le français. Est-ce toujours le cas?

[Traduction]

M. Lewis : Les deux arguments sont interreliés parce que vous avez raison; à l'heure actuelle, la Loi sur l'éducation de la Colombie-Britannique stipule que les étudiants doivent suivre des cours en langue seconde et recommande que cette langue soit le français, mais ce n'est pas obligatoire.

La raison pour laquelle nous avons à l'heure actuelle, en Colombie-Britannique et au Yukon, 275 000 étudiants inscrits dans un programme de français langue seconde, soit dans un cours de base — ce qui est le cas pour un vaste nombre d'entre eux — ou une immersion ou un cours de français intensif, c'est que nous avons des fonds additionnels. C'est ainsi que nous pouvons offrir des incitatifs aux districts scolaires. Cela me ramène encore une fois au PLOE.

Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet des priorités et de la façon de considérer cela comme une langue, le gouvernement provincial offrait auparavant des cours en langue étrangère et des cours en français. Le français était reconnu comme une autre langue d'enseignement. Les langues étrangères, c'étaient l'allemand, le mandarin et toutes les autres. Il y a environ un an et demi, par souci d'inclusivité, ils ont placé le français dans la même catégorie que les autres langues.

Comme nous le disons à la CPF, en tant que groupe de revendication en Colombie-Britannique et au Yukon, le français n'est pas simplement une autre langue. C'est ce que disait aussi l'association des enseignants dans leur communiqué, qui ressemble à la citation que vous avez mentionnée, c'est-à-dire que ce n'est pas simplement une autre langue, c'est une des langues officielles du Canada et devrait être reconnue comme telle.

En septembre dernier, ils ont rendu public un nouveau document sur le programme d'études dans lequel le français était de nouveau traité autrement que les autres langues et placé dans une catégorie à part. C'est parce que les parents et les organismes francophones et francophiles ont exercé des pressions en disant que ce n'était pas ainsi qu'il fallait le reconnaître qu'il s'agissait d'une des langues officielles du Canada.

Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet de la langue maternelle, il y a une école à Burnaby, juste à l'extérieur de Vancouver, où 55 p. 100 des étudiants inscrits au programme d'immersion en français viennent de familles dont ni le français ni l'anglais n'est la première langue. Leur première langue est probablement le mandarin.

Une anecdote : je suis allé à la plage où j'ai vu des enfants qui couraient et j'ai parlé à leurs parents. L'un d'eux était d'origine ukrainienne et l'autre, britannique. De petits enfants couraient sur la plage, tout excités; c'était la fin de l'été. Ils allaient commencer la maternelle en immersion française. La maman me disait qu'ils avaient campé toute une nuit pour pouvoir inscrire leurs enfants au programme à Coquitlam, ce qui me ramène également à ce que racontait Mme Pool. J'ai dit : « Vous êtes de nouveaux immigrants, alors pourquoi le français? Pourquoi attachez-vous autant de valeur au français comme langue seconde? Pourquoi pas l'ukrainien, qui est votre langue maternelle? »

Elle m'a dit qu'en tant que nouveaux Canadiens, en tant que personnes qui sont venues dans ce pays, ils veulent adopter la culture, l'identité et les langues de ce pays.

Lorsque j'entends parler de plafonnement et de parents qui viennent au Canada et qui veulent assumer notre dualité linguistique et ne le peuvent pas simplement parce que nous ne pouvons pas répondre à la demande, il me semble qu'il y a quelque chose qui ne marche pas dans notre politique d'éducation et dans le financement de ces programmes.

Le sénateur Poirier : J'admire tout ce que vous faites et je tiens à vous féliciter, car je pense que votre action apportera des changements. Il reste encore du travail à faire pour réaliser tout ce que vous souhaitez, mais je crois que vous êtes sur la bonne voie.

Vous parlez de modifier la définition officielle du terme « francophone » dans votre espace linguistique, est-ce que vous le feriez seulement en Colombie-Britannique ou à l'échelle nationale?

M. Lewis : Franchement, il faut une reconnaissance nationale. C'est un dossier dans lequel la Colombie- Britannique, en collaboration avec nos partenaires francophones, fait preuve de leadership et donne l'impulsion. Il y a une tendance de plus en plus forte et un dialogue à l'échelle du pays. Lentement, dans des comités comme celui ci, nous commençons à parler de cette possibilité. Je pense que cette reconnaissance est importante. Nous rencontrerons le ministre Moore mercredi, et c'est une autre des questions que nous avons l'intention d'aborder avec lui.

Le sénateur Poirier : Un changement à l'échelle nationale pourrait être intéressant lorsque nous arrivons au Nouveau-Brunswick, ça je vous l'assure. Lorsque je pense à la collectivité et à la culture, c'est certainement quelque chose qui causerait des complications là-bas.

Je vous encourage vivement à continuer à travailler de près avec le gouvernement de la Colombie-Britannique afin de préparer vos arguments et élaborer votre profil dans cette province pour commencer, peut-être par un projet pilote.

Avant de devenir sénateur, j'ai été députée à l'assemblée législative et même ministre à un certain moment au Nouveau-Brunswick. Je me rappelle avoir travaillé avec divers ministères, et plus particulièrement avec le ministère de l'Éducation, pour essayer de constituer un dossier, pas nécessairement sur le français et l'anglais, mais, par exemple, pour une formation spéciale sur une certaine maladie ou un certain handicap, un défi ou autre chose du genre.

Vous devez toujours vous rappeler qu'un gouvernement voudrait bien pouvoir tout accepter, mais au bout du compte, c'est une question d'argent. Tout dépend ce que les provinces ont les moyens de faire et la rapidité avec laquelle elles peuvent le faire. Souvent, ce sont ceux qui font le plus de bruit pour faire connaître leurs besoins qui semblent avancer.

À l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, il n'y a pas assez de places d'immersion française ce qui donne lieu à un manque d'équité. Vous constatez qu'il n'y a pas assez de places offertes en immersion française et que les gens de la Colombie-Britannique ne sont pas traités de manière équitable, c'est-à-dire ceux qui veulent avoir la chance de suivre un enseignement dans la seconde langue officielle du pays.

Je recommande vivement que vous continuiez à travailler de près avec le gouvernement provincial pour préparer vos arguments et vous assurer d'être sur sa liste de priorité.

[Français]

Le sénateur Tardif : Je suis certainement d'accord avec les commentaires des sénateurs Mockler et Poirier, indiquant qu'il faut travailler de très près avec le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique parce que, évidemment, ce sont eux qui prennent ces décisions avec les conseils scolaires.

J'aimerais dire cependant que le gouvernement fédéral joue un rôle important.

[Traduction]

Je viens de l'Ouest canadien, de l'Alberta, et je sais à quel point il peut être difficile de faire accepter certains de ces programmes. L'excuse est toujours qu'il n'y a pas assez de ressources, qu'il n'y a pas assez d'argent. La seule raison pour laquelle certains de ces programmes ont été offerts c'est que les commissions scolaires ont obtenu de l'argent du fédéral. C'est la seule raison, et pas nécessairement parce qu'il y a un appui, mais simplement parce qu'il y a de l'argent du gouvernement fédéral. C'est la carotte, l'incitatif.

J'espère que les compressions budgétaires futures n'auront pas pour effet de réduire l'appui pour l'enseignement du français, soit comme langue seconde ou comme première langue. Je crois vraiment que le gouvernement fédéral et nous, avons beaucoup de travail à faire.

Je connais nos homologues provinciaux. Je ne sais pas si c'est le cas, mais certains ont dit que dans le passé il arrivait que l'argent du gouvernement n'ait pas été versé aux autorités provinciales. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.

Je voulais aussi aborder une autre question.

[Français]

C'est toute la question de la définition de « francophone ». Vous avez indiqué que, pour vous, il serait important d'élargir la définition de « francophone » afin d'englober non seulement les gens dont le français est la langue maternelle, mais aussi les autres qui parlent français, ce qui porterait la proportion des francophones de 1,7 à 7 p. 100 de la population provinciale, puisque vous parlez de votre province comme telle.

La sénatrice Chaput, présidente du comité, a mis de l'avant un projet de loi qui va en ce sens. Pourquoi cet élargissement de la définition de « francophone » est-il important dans votre situation? Qu'est-ce que cela représenterait pour vous, une définition élargie? Est-ce que cela augmenterait vos nombres dans les programmes d'immersion ou de français de base?

[Traduction]

M. Lewis : Une partie de la mission de CPF consiste à promouvoir et à appuyer une éducation de qualité, ce qui comprend l'organisation d'activités parascolaires et un appui pour les programmes à l'extérieur de la salle de classe. Nous croyons que plus l'espace francophone sera fort, c'est-à-dire plus il y aura de programmes offerts, plus il y aura de ressources disponibles, plus il y aura de services, plus nous pourrons renforcer la réalité de la dualité linguistique en Colombie-Britannique et au Yukon. C'est ainsi que nous pensons que c'est également dans notre intérêt. Si cet espace, si ce milieu, sont plus forts en Colombie-Britannique et au Yukon, si nous pouvons promouvoir un écosystème dans cet espace de dualité linguistique où le français sera une langue courante et utilisée et où il sera possible de la parler et d'avoir accès à des services offerts dans cette langue, alors cela renforcera l'enseignement que les enfants reçoivent en salles de classe. C'est une façon concrète pour nous d'en bénéficier également.

Le sénateur Tardif : J'imagine également, par exemple, qu'une augmentation dans le recensement du nombre de citoyens qui parlent le français serait une raison de plus de fournir davantage de fonds et d'autres ressources, car les décisions relatives au programme sont souvent fondées sur des chiffres. Si vous dites que nous ne sommes que 2 p. 100, ce n'est pas du tout la même chose que de dire 4 p. 100 ou 6 p. 100. Si vous augmentez le nombre de citoyens qui parlent français, cela ferait augmenter les ressources et permettrait peut-être d'offrir de meilleurs programmes. Ainsi, je comprends pourquoi vous dites que si nous pouvons modifier certaines définitions, cela entraînera un changement de conversation et de paradigme.

Mme Pool : En Colombie-Britannique, la fédération a invité le ministre à venir discuter avec elle et elle voulait également inviter d'autres intervenants. Il a été question de réductions, de culture, et j'ai appris beaucoup de choses au sujet de l'Association francophone grâce à cette réunion. Avant, je voyais la question de manière plus restreinte et je ne pensais pas aux néo-Canadiens qui sont francophones. Le français est leur première langue. Ils arrivent, et ont réduit leurs services sociaux et leurs activités culturelles. L'association francophone se sert également de nous et nous travaillons souvent en équipe. Cette collaboration est vraiment très bonne.

[Français]

La présidente : J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Tardif.

[Traduction]

Dans votre document, à la page 3 de l'anglais et à la page 4 du français, vous parlez de l'espace linguistique francophone et de la communauté linguistique francophone et de la communauté linguistique francophone. Vous nous avez fourni la définition de ces deux notions, mais j'aimerais que vous développiez un peu cette idée, s'il vous plaît.

M. Lewis : Très bien. Il n'y avait pas de doute sur la personne qui allait répondre à cette question.

Mme Pool : Nous en avions discuté auparavant et nous savions que vous alliez poser cette question.

M. Lewis : Tout au long de notre mémoire, nous parlons d'une nouvelle conception du milieu francophone. Traditionnellement, il s'agit d'un lieu avec des institutions et une école. Nous voyons les collectivités francophones comme des îlots isolés, en quelque sorte, qui doivent être protégés et appuyés et c'est le meilleur modèle que nous ayons trouvé pour aider cette collectivité à rester stable, viable et durable. En proposant une définition plus large du terme « francophone » nous voulons nous éloigner de ce modèle d'îlot isolé de collectivités francophones afin d'inclure les francophiles, c'est-à-dire ceux qui s'intéressent à la langue, à la culture, aux échanges et aux relations. On peut parler d'un espace. On peut également le considérer comme un écosystème que nous essayons d'élargir. Cela aidera à donner une nouvelle conception de ce que nous souhaitons pour cette collectivité et du rapport entre les deux langues et les deux collectivités linguistiques. C'est ce recadrage qui nous a amenés à parler d'espace plutôt que de collectivité.

La présidente : Est-ce que vous vous fondez sur quelque chose qui existe déjà? Est-ce que vous partez de quelque chose qui existe pour y ajouter des chiffres, des francophiles, des personnes qui parlent français? Vous partez de quelque chose qui existe déjà. Est-ce ainsi que vous voyez la chose?

M. Lewis : C'est une évolution naturelle, à mon avis. Par exemple, nous demandons de l'argent à Patrimoine canadien dans un certain volet. Pour leur part, les associations francophones demandent des fonds à Patrimoine canadien en passant par une filière différente. Il faut revoir cette conception, car nous avons de part et d'autre des objectifs culturels, sociaux, politiques et éducatifs semblables et nous travaillons déjà souvent la main dans la main, par exemple avec le Council of French, et c'est ainsi que je vois cette évolution. Nous ne nous voyons pas comme des îlots, mais comme des réseaux, en quelque sorte.

[Français]

La présidente : Y a-t-il des questions additionnelles? Mesdames, monsieur, merci beaucoup d'avoir répondu aux nombreuses questions des sénateurs. Cela a été très enrichissant; nous avons beaucoup appris. Au nom des membres du comité, je vous félicite et je vous encourage à continuer votre bon travail. Vous y croyez tellement. Merci et bonne chance.

(La séance est levée.)


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