Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 8 - Témoignages du 26 mars 2012
OTTAWA, le lundi 26 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 3, pour faire l'étude de l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et du respect des droits linguistiques des Canadiens; ainsi que l'étude des obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénatrices et sénateur, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je me présente, je suis la sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.
Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'aimerais inviter les membres du comité à se présenter.
Le sénateur Tardif : Je suis Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur Robichaud : Je suis Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis Suzanne Fortin-Duplessis, de la ville de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
[Français]
La présidente : Le comité poursuit son étude sur l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens. Il débute également son étude sur les obligations de CBC/Radio- Canada, en vertu de la Loi sur les langues officielles, et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.
Le comité entendra d'abord le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, suivi de CBC/ Radio-Canada, dans le cadre de ses études.
Nous accueillons maintenant des représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Nous avons avec nous M. Scott Hutton, directeur exécutif de la radiodiffusion, Mme Paulette Leclair, directrice des affaires publiques, Mme Véronique Lehoux, conseillère juridique, et M. Paul Comeau, agent principal des communications. Je vous souhaite la bienvenue.
J'invite maintenant M. Hutton à prendre la parole. Les sénateurs suivront avec des questions.
Scott Hutton, directeur exécutif de la radiodiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Honorables sénateurs, nous tenons à vous remercier de l'occasion que vous offrez au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles.
J'aborderai tout d'abord la première étude, celle qui porte sur l'utilisation d'Internet, des médias numériques et des médias sociaux dans le contexte des droits linguistiques des Canadiens.
Depuis la fin des années 1990, Internet a imposé des changements profonds dans les activités de communications tant au Canada qu'ailleurs sur la planète. Les Canadiens utilisent de plus en plus les médias numériques pour accéder au contenu audiovisuel et musical.
Voici quelques chiffres éloquents. Par semaine, on note que les anglophones passent un peu plus de 18 heures en ligne, et les francophones passent 13 heures en ligne. De plus, 38 p. 100 des anglophones et 41 p. 100 des francophones regardent des émissions de télévision en ligne. De même, 63 p. 100 des anglophones et 60 p. 100 des francophones écoutent de la musique en continu, ou streaming.
Comme vous le notez dans l'argument qui sous-entend votre étude, tous les secteurs de l'économie sont influencés par ces nouveaux modes de communication. Pour les gouvernements, ces changements posent de nombreux défis, notamment en ce qui touche les droits linguistiques.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est tenu de respecter les lignes directrices du Conseil du Trésor en ce qui touche les sites web. Dans la foulée de ces directives, le conseil a entièrement refait son site en 2009, lequel souscrit toujours aux exigences de la loi en matière des langues officielles. En effet, nous affichons simultanément les versions anglaise et française de tous les documents publics, après nous être assurés que la qualité du texte est équivalente dans les deux langues.
Depuis 2009, le conseil a lancé cinq consultations en ligne, permettant à la population canadienne de participer plus facilement aux enjeux qui la touchent directement. Pour chaque consultation, le CRTC a produit une courte vidéo, en français et en anglais, pour attirer l'attention sur les enjeux suivants : les pratiques de gestion du trafic Internet; la valeur des signaux de télévision locale; les services téléphoniques et Internet de base; les services d'accès haute vitesse de gros; et le renouvellement des licences de la Société Radio-Canada.
Le CRTC a aussi élargi ses activités de communication, en utilisant les médias sociaux, afin de rejoindre un plus grand nombre de Canadiens dans les deux langues officielles.
De fait, le CRTC a mené un projet pilote pour l'utilisation de Twitter lors d'une audience publique en juin dernier. Toutes les communications du CRTC étaient dans les deux langues officielles, y compris les mots clics et les réponses en temps réel que le personnel donnait aux questions qui nous étaient posées. Nous y avons vu aussi l'occasion d'améliorer les connaissances du public sur notre mandat et de corriger mythes, rumeurs et informations erronées rapidement. Suite à ce projet pilote, le CRTC jouit aujourd'hui d'une présence active sur Twitter.
Cette présence s'appuie sur les lignes directrices que le Conseil du Trésor a diffusées en novembre dernier.
Nous avons fait une analyse détaillée et avons modifié nos pratiques afin de nous assurer que ces dernières répondent aux lignes directrices en vigueur. Par exemple, depuis quelques semaines, le CRTC a un compte Twitter dans chacune des deux langues officielles.
[Traduction]
J'aimerais maintenant parler du rôle du CRTC dans le contexte de l'étude que vous avez entreprise à l'automne sur la SRC. Dans le cadre de son mandat, le CRTC veille à ce que le système de radiodiffusion canadien reflète la dualité linguistique du pays. En tant que tribunal administratif avec des fonctions quasi judiciaires, le conseil contribue à la réalisation des objectifs de la politique énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion. Il voit ainsi à l'atteinte de tous les objectifs définis dans la loi, dont celui de la dualité linguistique.
À titre de radiodiffuseur public national, la SRC doit respecter les objectifs de Loi sur la radiodiffusion pour bien desservir l'ensemble de la population canadienne, y compris les communautés de langue officielle en situation minoritaire, soit les CLOSM.
Puisque la SRC est une institution fédérale au sens de la Loi sur les langues officielles, tout comme le CRTC, elle rend compte annuellement de quelle façon elle s'acquitte de ses obligations découlant de l'article 41 de la loi et offre un bilan de l'année à l'antenne. De plus, le CRTC exige que la société dépose, dans les trois mois suivant la fin de chaque année de radiodiffusion, un rapport visant précisément la télévision de langue française. Ce rapport décrit entre autres les ajustements apportés pour répondre aux besoins des Canadiens d'expression française vivant hors Québec.
Nous devions tenir des audiences en juin prochain sur le renouvellement des licences radio et télévision de la SRC. Toutefois, en raison du dépôt du budget, la société a demandé au CRTC de remettre ces audiences à une date ultérieure afin de lui permettre d'établir son budget opérationnel avant l'imposition de conditions de licence. Le conseil a accédé à cette demande et a reporté le processus jusqu'à nouvel ordre.
J'aimerais profiter de l'occasion pour vous informer de certaines décisions que nous avons prises l'an dernier.
Tout d'abord, en mars 2011, le CRTC a approuvé l'acquisition de CTVglobemedia par BCE. Cette transaction permettra notamment d'accroître l'accessibilité du système canadien de radiodiffusion par l'entremise d'un nouveau fonds indépendant de 5,7 millions de dollars. Cette décision appuie notre politique réglementaire de 2009 qui exige que les télédiffuseurs de langue française et de langue anglaise améliorent la qualité du sous-titrage et offrent davantage de programmation en vidéodescription.
Ensuite, le CRTC a accordé en août dernier une année supplémentaire à Radio-Canada pour convertir certains de ses émetteurs de l'analogique au numérique, alors que les autres radiodiffuseurs devaient parachever cette conversion au 31 août 2011. La raison de cette décision est la suivante : la SRC exploite le plus grand nombre d'émetteurs au pays, soit 66 émetteurs dans les marchés tenus de se convertir au numérique et 413 émetteurs dans les marchés non tenus de se convertir.
Parmi ces émetteurs, il y en a 22 qui rediffusent les signaux de ces stations locales dans d'autres collectivités. Les collectivités sont considérées comme des marchés tenus de se convertir, mais la SRC ne prévoit pas remplacer les émetteurs actuels par des émetteurs numériques. En accordant ce sursis, le conseil a ainsi veillé à ce que les CLOSM dans certains marchés ne perdent pas l'accès aux signaux des stations de télévision dans la langue de leur choix. Sur la question des émetteurs analogiques en direct, le CRTC a l'intention d'examiner les plans à long terme de la SRC avant le 31 août 2012.
[Français]
Finalement, étant très conscients de la question de l'accès des Canadiens aux services de la SRC dans leur province, nous avons modifié l'automne dernier notre politique de distribution par satellite. Dans le cas de Bell TV, nous avons imposé la distribution d'au moins 43 stations de télévision supplémentaires d'ici le 31 août 2012; et dans celui de Shaw Direct, l'entreprise devra distribuer toutes les stations de télévision conventionnelles admissibles au Fonds pour l'amélioration de la programmation locale d'ici le 1er janvier 2013.
Le CRTC travaille étroitement avec les CLOSM, et ce, à plusieurs niveaux. Dans un premier temps, nous avons créé en 2007 un groupe de discussion qui réunit des représentants des communautés et du personnel du conseil. Les rencontres, qui ont lieu deux fois par année, permettent au personnel de se familiariser avec les besoins, les priorités et les réalités des CLOSM. Elles permettent aussi aux représentants des communautés de cerner les processus publics du conseil qui peuvent avoir une incidence sur leur épanouissement et leur vitalité, et auxquels les CLOSM peuvent participer pour faire valoir leurs points de vue.
Nous sommes heureux de noter que les travaux du groupe de discussion ont permis une participation accrue des CLOSM aux processus publics du conseil, et que la qualité de leurs interventions s'est grandement améliorée. Cette participation permet au conseil une mise en œuvre systématique d'un outil interne qui contient les étapes de l'analyse d'impact des options et de l'éventuelle décision du conseil sur les CLOSM. Cet outil est affiché sur le site interne du conseil et permet au personnel du CRTC de mieux s'acquitter de leurs obligations en vertu de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles.
Messieurs et mesdames les sénateurs et sénatrices, je viens de vous donner un aperçu des nombreuses activités qui reflètent l'engagement du CRTC envers le respect de la Loi sur les langues officielles. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur.
[Traduction]
Le sénateur Buth : Vous avez donné un exemple de l'utilisation des médias sociaux comme Twitter. Utilisez-vous d'autres types de médias sociaux?
D'autre part, comment mesurez-vous le succès des médias sociaux et, selon vous, existe-t-il des différences entre le français et l'anglais à cet égard?
M. Hutton : Nous utilisons surtout Twitter, bien que nous soyons à réévaluer la possibilité d'utiliser d'autres médias sociaux comme Facebook et LinkedIn.
Madame Leclair peut vous fournir quelques précisions et statistiques.
Paulette Leclair, directrice, Affaires publiques, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Merci pour cette question. Nous avons commencé par Twitter, parce que c'était la meilleure façon de rejoindre le plus grand nombre de Canadiens possible. Comme vous le savez, notre principal outil de communication est notre site web, mais nous avons considéré que, pour les besoins du CRTC, Twitter s'avérait le meilleur outil. Nous envisageons également d'utiliser Facebook. Nous élaborons actuellement un plan axé sur les médias sociaux pour 2012-2013. Une fois que ce plan sera établi, nous nous pencherons sur les mesures qui s'imposent.
Il est cependant trop tôt pour vous donner des statistiques car nous n'utilisons Twitter que depuis juin dernier. Conformément aux directives du Conseil du Trésor à l'égard des médias sociaux, nous avons tout récemment créé notre compte Twitter en français. Il nous serait donc difficile de vous fournir des statistiques pour l'instant.
[Français]
Le sénateur De Bané : Merci, madame la présidente. Monsieur Hutton, comment interprétez-vous vos obligations relativement à la Société Radio-Canada? Vous importe-t-il que la SRC remplisse le mandat qui lui est confié, de :
(ii) refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions.
J'ai deux autres questions liées à celle-là. Prenez-vous des mesures pour voir à ce que la SRC remplisse son mandat à cet égard?
D'après vous, est-ce que la SRC remplit cette partie de son mandat? Si ce n'est pas le cas, qu'avez-vous l'intention de faire à ce sujet?
Cette question m'a été inspirée par une étude de 250 pages faite par la docteure Marie-Linda Lord, de l'Université acadienne de Moncton, auteur et ancienne journaliste à Radio-Canada. Le titre de cette étude est The National, pour le Canada; le Téléjournal, pour le Québec. Ce titre résume bien la première question que je vous pose.
M. Hutton : Merci, monsieur le sénateur. Le rôle que joue le CRTC envers Radio-Canada est semblable et en même temps différent de celui qu'il prend auprès des diffuseurs privés.
Le CRTC supervise l'ensemble de l'industrie, il s'assure et voit à ce que tous les radiodiffuseurs atteignent l'ensemble des objectifs de la loi. Dans le cas de la SRC, il y a une petite différence parce que comme vous l'avez précisément noté, cette dernière a un mandat précis d'inscrit à la loi.
Le sénateur De Bané : Mandat qui justifie que tous les contribuables canadiens paient pour ce service?
M. Hutton : Effectivement. Dans l'ensemble, on veille à ce que les objectifs de la loi soient atteints par l'ensemble du système et plus précisément par la SRC.
De quelle façon le CRTC voit traditionnellement à l'ensemble des objectifs et plus précisément ceux de la SRC? C'est par la voie d'imposition de conditions de licences ou de renouvellement de licences. À toutes lesdites périodes, nous avons une discussion, une audience concernant les licences de Radio-Canada.
C'est dans le cadre de ces audiences que nous discutons des objectifs ou que nous demandons à la SRC de rendre compte de leurs différents objectifs.
La dernière fois où nous avons procédé à cet exercice, c'était en 2000, et c'était justement afin de demander à la SRC de bien remplir son mandat, que ce soit aux niveaux national, régional ou local. Nous avons imposé diverses attentes et conditions de licences qui variaient de celles imposées sur les stations individuelles quant au nombre d'heures d'émissions locales à être produites. Nous avons aussi demandé que l'ensemble de la CBC/Radio-Canada présentent un certain nombre d'heures pour les émissions produites en région.
Nous avons également demandé, moins au niveau d'une condition de licence mais plus au niveau de questions plus générales pour combler des attentes, de projeter un meilleur reflet de l'ensemble du pays. C'est un peu à ces trois niveaux que nous utilisons nos méthodes réglementaires.
Dans votre deuxième question, vous voulez savoir si nous demandons aux entreprises de rendre des comptes. Effectivement. Dans le cas de CBC/Radio-Canada, nous demandons un rapport annuel sur l'ensemble des attentes et des conditions de licence. Le nombre d'heures est identifié, que ce soit local ou régional; on identifie aussi les productions d'ordre régional et les productions des divers endroits. On permet aussi à l'entreprise de nous démontrer de quelle façon ils vont chercher ou cherchent à répondre à cette demande de projeter le reflet du pays.
Dans votre troisième question, vous me demandez de juger si nous sommes d'avis qu'il remplit les diverses conditions à cet effet. Je peux vous dire qu'à prime abord, sur les données quantitatives, il semble relativement bien performer, et même dépasser, dans plusieurs cas, les attentes ou conditions de licences que nous avons mises en place.
J'aimerais indiquer que les dernières séries de conditions relèvent d'une période couvrant un peu plus d'une décennie. Alors parmi les actions à accomplir lors du prochain renouvellement, on espère annoncer, pour reprendre l'exercice bientôt, que nous tenterons de regarder un peu plus la question de reflet au-delà des pures questions empiriques et parler un peu plus du qualitatif.
Je pense que c'est à cet effet que votre question a été soulevée.
Le sénateur De Bané : Êtes-vous d'avis que cette conclusion de la docteure Lord selon laquelle au National, on a une couverture du Canada et qu'au Téléjournal, on a une couverture du Québec, n'est pas juste?
M. Hutton : Je ne peux pas donner un avis exact parce que dans le cadre du processus, nous devons donner la chance aux coureurs de mettre leurs positions en place.
Le sénateur De Bané : Est-ce que cela vous étonnerait si je vous disais que beaucoup de francophones, tant au Québec que dans le reste du Canada, vont syntoniser CBC Newsworld s'ils veulent savoir ce qui se passe au Canada?
M. Hutton : Au début de notre processus de renouvellement, on a indiqué qu'on a fait une consultation en ligne avec les Canadiens. Un des points soulevés lors de cette consultation est le manque de reflet dans les diverses régions. Votre commentaire ne me surprend donc pas.
Le sénateur De Bané : On a demandé à Mme Céline Galipeau, lors d'un récent passage en Acadie, comment il se faisait que la thèse de la Dre Marie-Linda Lord mentionnait que la CBC couvrait quatre fois plus la société acadienne que la Société Radio-Canada. Mme Galipeau s'est dite surprise de voir que cela les étonnait, puisque, comme les Québécois ne s'intéressent pas à ce qui se passe dans le reste du Canada, ce sujet n'est donc pas couvert.
Cela dit, j'aimerais que vous nous disiez comment vous interprétez les intérêts, les besoins, les droits des francophones vivant à l'extérieur du Québec. Est-ce que ces francophones ont le droit, comme les autres, de savoir ce qui se passe au niveau national? On va leur donner des stations, à grands frais, qui couvriront leurs affaires régionales mais ils ne peuvent pas passer sur le réseau national?
Donc, on va montrer à ces francophones hors Québec ce qui se passe chez eux, en Acadie, au Manitoba, en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta. Mais de là à passer ces actualités sur tout le réseau à 22 heures, non, ces heures ne sont pas pour eux. Ces heures sont pour le Québec.
J'aimerais savoir ce que le CRTC pense de cette façon de faire.
M. Hutton : Qu'on l'appelle la « régionalisation » ou la « montréalisation » des ondes, ou que la SRC reflète simplement le Québec, est certes une question qui intéresse le CRTC. Le Conseil a déjà lancé l'avis public, et bien que l'audience n'ait pas encore eu lieu, nous avons quand même publié notre avis d'audience.
Le sénateur De Bané : Elle aura lieu quand? À l'automne?
M. Hutton : Cela peut être à l'automne ou au printemps 2013, ce sont deux options que nous étudions. Il est au plan de travail pour la présente année ou l'année fiscale qui va commencer au 1er avril pour le CRTC. La question de la régionalisation et du reflet de l'ensemble du pays est certainement un point qui va être discuté à cette audience. Nous l'avons déjà identifié dans l'avis public et nous demandons des comptes à cet effet.
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai deux questions à vous poser. En premier lieu, à l'été 2011, vous avez lancé une consultation en ligne pour le renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada. Les informations recueillies dans le cadre de cette consultation, j'imagine, vont être prises en ligne de compte en vue de la prochaine audience sur le renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada qui aura lieu plus tard cette année. Je note aussi que le CRTC a mené d'autres consultations en ligne dans le passé.
Une chose m'a surprise un peu : vous avez reçu plus de réponses de la part des anglophones à travers le pays que de la part des francophones. Je sais quand même qu'il y a moins de francophones au Canada que d'anglophones, mais est- ce que vous pouvez nous dire pourquoi, selon vous?
M. Hutton : Dans ce cas précis, je ne peux pas dire pourquoi, auprès du CRTC, on a moins d'interventions. Je peux donner une réflexion plus générale, et nous avons fait un peu exprès de le mentionner dans nos statistiques, dans le discours; il y a probablement différentes raisons, mais le marché anglophone, les Canadiens anglophones, utilisent Internet et les médias sociaux beaucoup plus que les francophones. Pour nous, que ce soit l'utilisation de notre site web, c'est à peu près du cinq pour un. Nous n'avons pas encore de statistiques fermes avec notre compte Twitter, mais les premières statistiques nous montrent quand même que nous avons un bon nombre d'abonnés anglophones et un beaucoup plus petit nombre d'abonnés francophones. C'est un peu un reflet du fait que — et nous avons fait aussi exprès de mentionner certaines données — lorsqu'il y a un service offert, les francophones le consomment autant, mais le marché est moins développé au Canada français qu'au Canada anglais. C'est peut-être un peu à cause de la pure disponibilité des services sur Internet.
Le sénateur Fortin-Duplessis : À la page 4 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous mentionnez :
Parmi ces émetteurs, il y en a 22 qui rediffusent les signaux de ces stations locales dans d'autres collectivités. Les collectivités sont considérées comme des marchés tenus de se convertir, mais la SRC ne prévoit pas remplacer les émetteurs actuels par des émetteurs numériques.
Est-ce que vous avez le pouvoir de les obliger à les remplacer — et ils prendront leur argent dans d'autres postes?
M. Hutton : Le CRTC est un organisme qui accorde des permissions d'opérer. C'est souvent difficile, à la pièce, d'obliger quelqu'un à faire quelque chose, d'obliger quelqu'un à diffuser à partir d'un certain endroit.
Pour répondre strictement à la question, nous n'obligeons personne à faire quoi que ce soit. C'est plutôt dans l'ensemble d'une discussion lors du renouvellement. Notre intention était, lors du renouvellement, de discuter pour savoir quelles sont les diverses options qui existent pour répondre aux besoins de la Loi sur la radiodiffusion, qui impose de rendre les services de la SRC disponibles au plus grand nombre de Canadiens. Notons quand même que la loi leur demande un maximum d'effort, mais ce n'est pas une obligation absolue.
Le sénateur Champagne : Avant de poser ma question, vous me permettrez deux très courts commentaires. Le premier est que je vous prie d'excuser mon retard, on n'a pas mis d'hélicoptère à ma disposition.
Je voulais en profiter pour remercier le CRTC qui, suite à des audiences auxquelles la majorité d'entre nous avons participé, a décidé de donner un répit à TV5 Québec-Canada. Je pense que le fait que ce soit encore possible pour les francophones en situation minoritaire d'avoir accès à TV5 sans frais supplémentaires et sans que ce soit inclus dans un bouquet avec les Italiens, les Espagnols et Al Jazeera, a été beaucoup apprécié et je voulais vous remercier.
Ma question est celle-ci : je vous avoue mon ignorance totale, mais quelles peuvent être les restrictions que le CRTC impose aux deux sociétés de la Couronne qui tombent sous sa tutelle au niveau de la collaboration et de la coopération? Il y a sûrement des restrictions quelque part. Je pourrais vous donner une anecdote, mais peut-être que vous pouvez me répondre tout de suite, ce qui nous épargnerait du temps.
M. Hutton : Si je comprends bien votre question sur les restrictions, la loi demande au CRTC de consulter la SRC/CBC avant d'imposer des conditions de licence. Quand nous nous apprêtons à procéder à un renouvellement, nous allons avoir une audience, nous allons proposer certaines conditions de licence en audience, nous allons tenir des discussions. Une fois la décision prise à l'intérieur du CRTC, il y a une obligation de consulter la SRC/CBC sur les conditions que nous mettons en place. C'est une obligation : avant de les rendre public, nous consultons. C'est un élément qui est différent des radiodiffuseurs privés. Lorsque nous imposons une condition de licence à un radiodiffuseur privé, ce n'est pas une question absolue, mais nous prenons la décision, tout est sous notre regard. Ici, nous avons une obligation de consultation, il s'ensuit, pour la Société Radio-Canada ou la CBC, qu'ils peuvent ensuite faire appel au ministre sur ces questions précises. Alors, il y a un peu une différence dans les restrictions ou les conditions de licence que nous pouvons imposer.
Le sénateur Champagne : Si vous me le permettez, madame la présidente, je voudrais vous raconter une anecdote bien récente, mais qui va peut-être préciser ce que je veux dire.
Nous sommes, à la maison, des auditeurs réguliers de CBC Radio 2; nous adorons l'émission que présente Julie Nesrallah qui s'appelle Tempo. Elle présente toujours un choix de musique varié et d'une grande qualité. Le vendredi, elle a une chronique particulière à son émission qui s'appelle Music that rocked your world, pendant laquelle elle invite les auditeurs à partager des moments précieux de leur vie musicale.
Dernièrement, nous lui envoyions une histoire bien particulière. Elle a eu lieu à Barcelone, alors que des circonstances nous ont permis de passer deux heures avec la fille survivante du compositeur Enrique Granados. Nous avons eu l'occasion de passer deux heures dans la maison familiale, le privilège d'aller visiter leur musée personnel dans lequel nous avons vu, par exemple, une énorme urne en argent qui lui avait été remise par le président Wilson des États- Unis.
Vous vous souviendrez peut-être que, au moment de la guerre, la première de l'opéra Goyescas devait avoir lieu à Paris. À cause de la guerre, elle a eu lieu à New York. Alors que M. et Mme Granados s'apprêtaient à retourner en Europe, le président a invité le compositeur/pianiste à venir donner un concert à la Maison-Blanche, où il lui a remis cette énorme urne bien inscrite, qui était pleine de pièces d'or et d'argent. Ils ont donc retardé leur voyage de deux semaines et ont pris le bateau vers l'Angleterre. De l'Angleterre, ils ont pris le traversier Sussex pour rejoindre les côtes de la France. Le Sussex fut détruit par les u-boats. Enrique Granados et sa femme Amparo furent tous deux noyés.
Nous avions proposé cette idée pour le 23 ou 24 mars, car c'était le jour de l'anniversaire de la mort de M. et Mme Granados. Nous leur avons offert le CD d'un concert, que mon mari avait enregistré à Radio-Canada, en 1985, mettant en scène une œuvre intitulée Escenas Romanticas, une suite merveilleuse de Granados. Nous avons reçu une réponse, et j'ai les courriels devant moi.
[Traduction]
Aussi étrange que cela puisse paraître, il y a des questions de droits liées à la diffusion d'un enregistrement de 1980 de Radio-Canada.
[Français]
Il ne s'agissait sûrement pas de droits pour l'interprète, car à cette époque, tous les contrats étaient ce qu'on appelait des « phonogrammes » où Radio-Canada se réservait les droits à vie. La musique de Granados a plus de 50 ans, donc il n'existe plus de droits à cet égard. Quelles sont donc les restrictions? J'ignore s'il s'agit d'aspects légaux ou des questions de programmation qui empêcheraient la CBC de diffuser. Il n'est pas question de piratage. On nous a remis une cassette, après le concert en direct à Radio-Canada. Quand la technologie l'a permis, nous l'avons fait transférer sur un CD pour en conserver la qualité.
Pourquoi CBC refuserait de diffuser quelque chose qui a été enregistré à Radio-Canada la même année, soit 1985, de cette œuvre de Granados, qui coïncidait avec le jour du 24 mars? C'est une question que je me pose.
M. Hutton : Je ne peux répondre à votre question. Tout ce que je peux dire, c'est qu'aujourd'hui, les questions de droits sont au jour le jour.
Le sénateur Champagne : La Société Radio-Canada et la CBC sont des sœurs jumelles.
M. Hutton : Je ne peux répondre car, à ma connaissance, les droits sont un domaine très compliqué. Il existe divers droits. Une même pièce peut comporter plusieurs droits. Dans le cas échéant, on parle d'un droit de diffusion à la SRC. Il y a les droits relatifs au compositeur.
Le sénateur Champagne : Le compositeur est décédé aux alentours de 1914, soit depuis plus de 50 ans.
M. Hutton : Je ne peux vous répondre. Je sais que la question est compliquée. Le CRTC ne s'implique pas dans cet aspect de la radiodiffusion.
Le sénateur Champagne : Quelles sont donc les restrictions qui existent entre ces deux sœurs jumelles? On ne parle pas de langue lorsqu'on parle de musique instrumentale.
Le pianiste était un francophone, soit. Toutefois, il était un des cinq pianistes que Harry Summers a choisis pour faire toute son œuvre et un disque qui a été réalisé en collaboration avec Radio-Canada et la CBC. À ce moment-là tout fonctionnait bien. Or, soudainement, on ne peut l'utiliser car il y a des droits. C'est plutôt bizarre.
M. Hutton : Je répondrai que ce n'est pas une règle du CRTC qui l'empêche.
Le sénateur Champagne : Mais elle devrait le permettre.
M. Hutton : Dans le dernier renouvellement, nous avons encouragé le partage de diverses émissions, de divers reportages entre les deux, du côté de la CBC et de Radio-Canada. Nous l'avons encouragé et nous ne l'empêchons pas.
Le sénateur Champagne : Merci beaucoup. J'enverrai le tout à mes amis de l'émission Tempo, Michael Morreale, assistant à la production, qui nous a répondu. Quels sont les droits?
Comme j'ai reçu ceci, on l'a fait pour le 24 mars, date de l'anniversaire de la mort de Granados, et je savais que je vous verrais aujourd'hui, j'ai conservé les notes.
Le sénateur Tardif : Le commissaire aux langues officielles a publié une étude en 2009; je crois que le titre était Ombre sur le paysage télévisuel canadien : Place du français sur les ondes et production en contexte minoritaire. Cette étude contenait plusieurs recommandations qui visaient le CRTC.
La recommandation 2 était la suivante :
a) d'élaborer une politique précise qui : clarifie la notion de reflet régional; établit la distinction entre la production d'émissions régionales de langue officielle majoritaire et la production d'émissions régionales de langue officielle minoritaire;
b) d'encourager tous les services canadiens à prendre des engagements quant au développement et à l'acquisition d'émissions de langue française produites à l'extérieur du Québec et d'émissions de langue anglaise produites au Québec, dont un certain pourcentage à l'extérieur de Montréal.
La recommandation 3 encourageait le CRTC :
[...] de définir les engagements minimums que doivent prendre les grands groupes de propriété de stations multiples [...] afin de refléter la réalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire et de répondre à leurs besoins.
Pouvez-vous nous dire si ces recommandations ont été appliquées?
M. Hutton : Les recommandations ont certes été considérées. Nous avons invité effectivement le commissaire aux langues officielles à comparaître à nos diverses instances de politique ainsi que de renouvellement des grands groupes dont faisaient mention ces recommandations. Nous n'avons pas élaboré une politique de distinction, tel que suggéré. Nous avons par contre évalué auprès de tous les grands groupes les questions de production régionale, les questions de reflet régional ainsi que les diverses conditions de licence, leur demandant justement de produire des émissions à l'extérieur des grands centres et de refléter les communautés de langues officielles en milieu minoritaire.
Nous avons donc imposé des attentes et des conditions de licence sur les divers grands groupes afin de mieux desservir les communautés francophones à l'extérieur du Québec et anglophone à l'intérieur du Québec.
Le sénateur Tardif : Pourquoi procédez-vous au cas par cas plutôt que d'établir une politique qui définit les termes comme tels, les engagements minimums nécessaires, clarifier la notion de reflet régional?
M. Hutton : La façon dont nous l'avons mis en œuvre, c'est par voie d'attentes et de conditions précises aux grands groupes. Les grands groupes, c'est maintenant des entreprises qui desservent non seulement une région, mais l'ensemble du pays. La réglementation que nous mettons en place, surtout dans le domaine de la télévision, quitte le local et s'en va de plus en plus vers ces grands groupes. Nous avons donc mis des attentes au niveau supérieur, au niveau national, sur les grands groupes à cet effet. Cela reflète un changement dans la réglementation que nous imposons dans le domaine de la télévision.
Le sénateur Tardif : Quel mécanisme de suivi mettez-vous en place pour vous assurer que ces grands groupes, lorsqu'ils reçoivent une licence, respectent leurs engagements?
M. Hutton : À chaque année, nous demandons aux grands groupes de faire rapport au CRTC sur l'ensemble de leurs conditions, plus particulièrement sur des questions de production locale, mais aussi sur la façon dont ils interagissent avec, par exemple, les producteurs indépendants à l'extérieur des grands centres et les producteurs indépendants reflétant les communautés.
Le sénateur Tardif : Si je comprends bien, vous leur demandez un rapport?
M. Hutton : Oui.
Le sénateur Tardif : Et si le rapport démontre qu'il y a une insuffisance, qu'est-ce qui se passe?
M. Hutton : Au CRTC, nous émettons des licences, nous émettons des attentes et des conditions de licence. On vérifie à toutes les années, ou à certaines périodes précises, si les entreprises rencontrent ces attentes ou ces conditions de licence. À toutes les années, on répond aussi aux plaintes. Si les gens trouvent que les entreprises ne répondent pas très bien aux attentes ou aux conditions de licence, on peut faire appel aux entreprises et leur demander de rendre compte.
Cependant, lorsque nous sommes dans une période de licence, mis à part une demande de rappel à l'ordre, c'est principalement lors du prochain renouvellement que nous avons l'occasion de demander des comptes. Si nous concluons qu'il y a eu un manque, nous émettons alors des licences plus courtes ou des conditions plus sévères. On n'a pas l'option, en tant qu'organisme, d'intervenir sur-le-champ.
Le sénateur Tardif : Est-ce que vous avez vécu cette situation, où vous avez émis des conditions plus sévères à certains de ces grands groupes relativement à toute cette question du reflet régional dans les productions?
M. Hutton : Je pense que lors du dernier renouvellement, si on parle des grands groupes, nous avions émis des conditions et des attentes auparavant. Les entreprises semblaient les avoir rencontrées, mais suite aux audiences, les positions qui ont été mises en place ont appelé à un certain raffinement des conditions. Nous les avons alors modifiées, mais nous ne les avons pas trouvées en faute.
Le sénateur Tardif : Est-ce que vous pouvez nous identifier quels seraient certains de ces grands groupes? Je pense qu'il est important de savoir de qui nous parlons lorsqu'il est question de ces grands groupes qui rejoignent 70 p. 100 de l'auditoire.
M. Hutton : Au Canada anglais, le principal est CTVglobemedia. Il y a aussi l'entreprise Shaw Media, qui est propriétaire des stations de l'ancien groupe Canwest, ainsi que Corus Entertainment. Cependant, nous avons traité Corus et Shaw de façon différente en vertu d'une certaine synchronisation et aussi à la demande de l'entreprise. Ce sont trois grands groupes anglophones, avec l'entreprise Rogers Media.
Au Canada français, les deux grands groupes sont le Groupe TVA, ainsi que le Groupe Astral. Dans le cas des deux derniers, nous venons de compléter le processus public et le conseil est en instance décisionnelle à leur sujet.
Le sénateur Robichaud : Lorsque vous émettez des licences, vous avez parlé d'attentes. Vous avez aussi parlé de reflet, de ce que la SRC doit faire dans le cadre de la Loi sur les langues officielles. Comment établissez-vous ces attentes ou ces reflets régionaux?
Vous parlez d'un groupe de discussion. Cela comprend quoi? Est-ce que ce sont les gens qui font partie des associations des communautés en situation minoritaire?
M. Hutton : Je crois qu'il y a deux volets à votre question. Les groupes de discussion sont un outil que nous utilisons face à nos obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Je vais demander à Mme Lehoux de vous expliquer un peu le processus impliqué parce qu'elle participe à ces groupes.
Cependant, pour répondre précisément à votre question, l'émission des attentes ou des conditions de licence se fait en fin de processus. C'est la décision du conseil. Avant cela, il y a un processus public qui implique une audience et des interventions écrites du public où on considère les opinions. Il y a alors un droit de réplique des diverses entreprises et une délibération du conseil à ce sujet. Si on recule encore dans le temps, tout cela est cerné dans un avis public qui annonce le processus à suivre.
Là où les groupes de discussion ont leur importance, c'est avant que tout le processus formel ne commence. C'est plus informel. Il s'agit de partager les plans à venir du conseil et de discuter des besoins des diverses communautés. C'est un peu là que les groupes de discussion s'insèrent dans notre processus. Je vais demander à Mme Lehoux de compléter.
Véronique Lehoux, conseillère juridique, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Les groupes de discussion ont été créés en 2007 et il y a environ deux rencontres par année. Il y a cinq coordonnateurs qui aident le coordonnateur national au CRTC, et il représente chacun des secteurs du CRTC, soit la distribution, la télévision, la radio, du côté français et anglais, et le contentieux. Cela, c'est du côté du CRTC.
Il y a énormément de participants du côté des communautés de langues officielles dans ce groupe de discussion. Il y a la FCFA, la FCCF, l'Assemblée communautaire fransaskoise, la Société franco-manitobaine et plusieurs autres. Si vous voulez, il me ferait plaisir de vous envoyer la liste par la suite.
Le sénateur Robichaud : Non, c'est bon, en autant qu'il y en a de partout au Canada.
Mme Lehoux : C'est ça. Pour le CRTC, l'objectif de ce groupe de discussion est vraiment de se mettre au parfum des enjeux, des besoins et des préoccupations des communautés. Pour les communautés, il s'agit vraiment d'un forum où on peut discuter avec eux de la meilleure façon de participer à nos processus. Il ne faut jamais perdre de vue qu'on est un tribunal administratif avec des fonctions quasi judiciaires. C'est notre façon de leur dire : « Écoutez, il y a tel processus qui s'en vient, ce serait un bon forum pour vous d'y participer, de déposer un mémoire et de demander à comparaître. Le conseil sera en mesure de vous entendre et de prendre en considération votre intervention. »
En tant que tribunal administratif, on ne peut pas prendre des interventions qui n'ont pas été déposées dans le cadre de nos processus publics. C'est pour cette raison qu'on a créé ce groupe, qui discute des enjeux et qui est très efficace. Je ne sais pas si vous avez déjà eu des échos de ce groupe, mais nous en sommes fiers. C'est informel, mais il y a un bel échange d'informations qui se fait. Des informations aussi utiles pour le CRTC que pour les communautés.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que ces groupes de discussion sont aussi impliqués dans l'évaluation qui suit l'émission de la licence et qui dicte les attentes qu'on doit rencontrer?
Mme Lehoux : Je ne dirais pas « évaluation ». Lorsque le conseil aura rendu sa décision, on peut en discuter, mais le conseil aura rendu sa décision à ce moment-là. On va en discuter en termes de contenu pour savoir quelles sont les conclusions du conseil et qu'est-ce que cela veut dire. Des fois, il n'est pas toujours facile de bien comprendre tout ce qu'on fait. Les membres du groupe peuvent partager avec nous certaines de leurs réserves par rapport à des décisions du conseil. Par contre, c'est vraiment un groupe qui n'est pas dans le processus du conseil. C'est en marge du conseil.
Le sénateur Robichaud : Je comprends, mais il y a une évaluation qui est effectuée suite à la décision afin de savoir si les gens qui sont concernés rencontrent les conditions. À ce moment-là, est-ce que ces groupes de discussion sont impliqués?
M. Hutton : Le conseil procède à l'évaluation de ses diverses politiques sur un cycle d'environ sept ans. Nous menons des discussions informelles avec les communautés avant de lancer le processus. Nous émettons un avis et avons une audience concernant une politique à venir.
Suite à ces politiques, nous pouvons quand même discuter avec les groupes une fois la décision prise. Les politiques sont mises en œuvre lors d'autres audiences additionnelles concernant le renouvellement des diverses sociétés. C'est une autre occasion pour les communautés d'intervenir et de faire des ajustements. Ce cycle se répète toutes les années. Si on retourne au début du cycle, lorsqu'on est rendu aux sept ans suivants, que fait le conseil? Il fait l'évaluation de la dernière politique à laquelle les communautés participent. C'est sur une période de longue haleine, mais c'est de cette façon que nous procédons.
Le sénateur Robichaud : Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Le sénateur Buth : J'ai quelques questions concernant les émetteurs analogiques. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris l'enjeu.
Je suppose que les émetteurs analogiques sont utilisés dans les petites collectivités ou dans des collectivités plus isolées. Est-ce exact?
M. Hutton : En fait, il y a tout juste quelques années encore, toute la transmission — nous parlons ici de transmission télévisuelle — était analogique. Nous avons demandé à l'industrie d'effectuer la transition de la télévision analogique à la télévision numérique dans certains marchés, principalement les grands marchés. Nous l'avons en quelque sorte obligée. Cette conversion était essentielle au respect des politiques d'utilisation du spectre et des ententes de partage avec les États-Unis. Les politiques d'utilisation du spectre ont changé. Le spectre, autrefois réservé à la télévision, sert aujourd'hui à d'autres fins, notamment les téléphones intelligents et les services d'urgence. Par conséquent, dans l'intérêt du public, il fallait disposer d'une plus grande largeur de spectre. Les stations ont donc commencé à diffuser en numérique, ce qui a fait en sorte de libérer les ondes dans la plupart des grands marchés.
Nous avons demandé aux radiodiffuseurs — certains diront même que nous les avons obligés — de se convertir au numérique dans les grands marchés, notamment les capitales provinciales et les marchés desservis par plus d'un radiodiffuseur, de façon à ce que les Canadiens puissent être une minute en mode numérique et l'autre en mode analogique. Par conséquent, la plupart des grandes villes se sont toutes converties, ce qui n'est pas le cas des régions plus rurales. Les 22 émetteurs dont nous avons parlé dans la déclaration se trouvent tous dans des marchés relativement grands, que nous appelons les marchés tenus de se convertir au numérique.
Le sénateur Buth : Les téléspectateurs pourraient-ils perdre l'accès aux signaux en direct après le passage à la télévision numérique dans les petits marchés?
M. Hutton : Lorsqu'un radiodiffuseur passe de l'analogique au numérique, il y a naturellement un processus à suivre afin que tout le monde en soit informé. Si vous recevez les signaux par le câble ou le satellite, le passage au numérique n'entraîne pas de changement pour vous. Le passage au numérique pourrait toucher les téléspectateurs qui captent les signaux des stations de télévision en direct au moyen d'une antenne. Ces téléspectateurs risquent d'avoir besoin d'un téléviseur équipé d'un syntoniseur numérique. Si vous avez une télévision à écran plat et un syntonisateur numérique, vous n'avez probablement rien à faire. Toutefois, si vous avez une télévision plus traditionnelle et pas de syntonisateur numérique, vous devrez envisager l'achat d'un convertisseur numérique-analogique que vous insérerez entre votre antenne et votre téléviseur et qui captera des signaux de télévision numérique par ondes hertziennes et les convertira en signaux analogiques affichables sur votre téléviseur analogique ordinaire.
Le sénateur Buth : On fait de la discrimination à l'endroit de ceux qui ne possèdent pas d'équipement télévisuel moderne. Toutefois, si vous êtes équipés, il ne devrait y avoir aucun problème, n'est-ce pas?
M. Hutton : Cela ne devrait pas. Il est ici question de physique et d'ondes radioélectriques. La transmission analogique est obstruée par les montagnes, contrairement à la transmission numérique. Il y a des changements sur les plans de la réception et possiblement de la force des signaux émis par le radiodiffuseur. Il peut arriver qu'on perde le service. Le conseil prend cette question très au sérieux et en a avisé la population. Elle a proposé d'autres options permettant aux Canadiens qui perdraient autrement leurs signaux d'avoir accès à un service par satellite gratuit.
Le sénateur Buth : Dans ce cas, pourquoi la SRC ne commence-t-elle pas à diffuser en numérique dans ses 22 marchés?
M. Hutton : Étant donné que des représentants de la société vont comparaître plus tard, je vais les laisser s'exprimer sur cette question. Je dirais que de façon générale, tous les radiodiffuseurs ont fait la conversion dans les marchés tenus de se convertir et, dans certains cas, ils ont choisi d'arrêter la diffusion. C'est une question de rentabilisation. Compte tenu du nombre d'abonnés aux services de télévision par câble ou par satellite, la proportion des téléspectateurs qui seront touchés par le passage au numérique est plutôt petite. Il faut toutefois réaliser une analyse de rentabilisation dans le cas d'une grande ville, parce que 5 p. 100 de la ville de Toronto, cela fait quand même beaucoup de gens. En revanche, dans une ville de 50 000 habitants, il est plus difficile de justifier les 200 000 $ à 1 million de dollars nécessaires pour mettre à niveau un émetteur.
[Français]
Le sénateur De Bané : M. Hutton, si on fait une ventilation des nouvelles à Radio-Canada en quatre groupes, il y a les nouvelles concernant le Québec, les nouvelles internationales, les nouvelles concernant le Canada et les nouvelles concernant les provinces canadiennes hors Québec. Avez-vous une idée approximative du pourcentage de temps alloué à chacun de ces quatre groupes?
M. Hutton : Dans le cadre d'une émission particulière?
Le sénateur De Bané : Sur une année, parce que tous les jours cela change.
M. Hutton : Nous les avons dans certaines situations. Nous avons effectivement posé des questions non pas selon la ventilation que vous avez indiquée mais nous les poserons dans le cadre d'une autre instance qui commencera bientôt sur la programmation locale.
Le sénateur De Bané : Je parle du bulletin national.
M. Hutton : Nous n'avons pas cette information pour l'instant. Si on se fie à nos pratiques lors de deux instances récentes, nous allons poser justement ces questions lors du renouvellement de Radio-Canada.
Le sénateur De Bané : J'aurai l'honneur, lors des auditions, de déposer une étude basée sur le bulletin de nouvelles 365 jours par année ainsi qu'un échantillonnage scientifique sur ce sujet entre les nouvelles concernant le Québec, les nouvelles internationales, les nouvelles canadiennes et les nouvelles concernant toutes les provinces canadiennes.
Deuxième question : avez-vous idée du nombre de francophones de langue maternelle française ou de locuteurs français — il y a des millions de Canadiens anglophones qui comprennent le français ou même le parlent. Il y a des Néo-Canadiens qui viennent d'Europe, d'Asie, d'Afrique qui parlent français également — qui syntonisent CBC Newsworld pour savoir ce qui se passe au Canada?
M. Hutton : Nous ne suivons pas la syntonisation des francophones à CBC Newsworld.
Le sénateur De Bané : Croyez-moi, il y en a beaucoup, au Québec et ailleurs. Quand ils veulent savoir ce qui se passe au Canada, ils syntonisent CBC Newsworld. Croyez-vous qu'il y ait au CRTC quelques personnes qui soient au courant de l'étude de Mme Marie-Linda Lord sur les différences entre The National, le Canada et le Téléjournal, le Québec?
M. Hutton : Je me souviens que lorsque l'étude a été publiée, elle a été circulée à l'interne par un de nos commissaires qui, comme vous, partage les opinions et des craintes identiques concernant la disponibilité des nouvelles pancanadiennes à la SRC, et même régionales à la SRC, et reflétant les diverses provinces.
Nous avons été mis au courant de l'étude et comme je l'ai indiqué plus tôt, dans le cadre du renouvellement, et vous avez déjà manifesté votre intention d'y participer et je vous en remercie. Je vous invite à le faire. C'est un sujet que nous allons évaluer lors des audiences.
Le sénateur De Bané : Si vous me permettez, madame la présidente, je voudrais, comme le sénateur Champagne, raconter également un incident à M. Hutton.
Un animateur populaire à la radio de Radio-Canada — que j'aime bien écouter — lorsqu'il est incapable d'exprimer ce qu'il veut dire, a recourt à une expression anglaise. Et là, il dit : « comme on dit en chinois ». Il peut le dire une fois, deux fois, trois fois, quatre fois dans la même émission. À un moment donné, je me suis tanné et j'ai écrit au représentant sénior de la société CBC/Radio-Canada au Parlement pour lui dire que c'était incorrect, qu'il avait, en vertu de la loi, l'obligation de refléter les valeurs communes. Nous avons deux langues en vertu de la loi suprême du pays, et de la Constitution. J'ai dû écrire à plusieurs reprises, je n'ai jamais reçu de réponse.
À un moment donné, ce fonctionnaire responsable des relations avec les parlementaires me téléphone. Il me dit : « Monsieur le sénateur, le directeur de la radio française de Radio-Canada aimerait vous parler au téléphone. J'ai dit : « Non. » Cela fait suffisamment de courriels que j'envoie, je veux une réponse écrite. J'ai fini par en recevoir une et je vais la déposer en temps utile lors de l'audition. Il me dit que c'est un homme de talent extraordinaire, mais évidemment, il n'est pas parfait. L'expression dont vous vous plaignez avec tant de lettres, est un « tic de langage inconscient ». Voilà pourquoi il emploie cette expression depuis des années. Bon. Il s'agit d'un tic de langage inconscient. Qu'est-ce que j'ai fait, moi? Je ne suis pas psychologue, je suis avocat.
J'ai été voir une psychologue qui a obtenu un doctorat de l'Université d'Ottawa qui a une expérience clinique de plus de 20 ans. Durant quelques semaines, elle a écouté l'émission et elle m'a donné toute une opinion. Ce n'est pas ce qu'on appelle un « tic de langage inconscient ». Il s'agit d'un gars qui coordonne dans son émission une pléthore de correspondants, et cetera. J'ai envoyé cela à Radio-Canada. Tout de suite, cela a arrêté. Cela a été fini. Mais j'ai dû voir un psychologue pour montrer à la haute direction qu'elle se fait berner depuis des années et qu'elle a bu comme du petit lait ce qu'on lui racontait.
Après, j'ai reçu une lettre me disant de ne plus écrire au correspondant parlementaire à Ottawa, qu'il ne me répondrait plus. Je ne l'ai pas cru. Je lui ai écrit, il ne m'a jamais répondu. Jamais. J'ai osé leur dire qu'il était inacceptable de rire d'une langue qui est une des deux langues officielles ici.
Le sénateur Champagne vous a raconté un incident qui l'a étonnée et je vous en raconte un qui m'a choqué. Tant l'action elle-même que la réaction de la direction qui me dit qu'on ne me répondra plus jamais et que je dois écrire au service des auditeurs de Radio Canada. Et pour me prouver qu'il s'agissait d'une vision unanime, on l'a envoyé au président, au directeur, à tout le monde. C'est tout. Fini. The comedy is over.
Voilà comment ils ont réagi parce que je leur ai dit qu'il y avait une limite au mépris; un service fondamental de Radio-Canada de se conduire d'une façon arrogante parce qu'un parlementaire a été voir une docteure en psychologie qui leur a expliqué l'ABC, qu'un « tic de langage inconscient », ce n'est pas cela, pas une miette; c'est bien d'autres choses que cela. Ils ont été pris les culottes baissées et ils m'ont dit de ne plus écrire et qu'on ne voulait plus jamais me voir. Voilà ce qui est arrivé, madame la présidente.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pour faire suite aux questions que je vous ai posées tout à l'heure concernant Radio- Canada qui doit remplacer les émetteurs actuels par des émetteurs numériques, je voudrais savoir où en est rendu CBC/ Radio-Canada dans la mise en œuvre de son plan de transition au numérique? Est-ce qu'ils vont vous donner la réponse prochainement lorsque vous allez les rencontrer?
M. Hutton : Il y a les transmetteurs qui ont dû se convertir et pour lesquels ils nous avaient donné des plans. On fait le suivi de ces plans et faute de quelques petits détails de construction, ils ont presque tous été convertis au 31 août 2011. Quelques-uns ont pris un certain retard; il y en a quand même un bon lot chez CBC/Radio-Canada. Tout comme pour d'autres radiodiffuseurs, il y a des difficultés de construction comme on entend parler, mais on a fait un suivi et tous les transmetteurs qui devaient se convertir au Canada l'ont été.
Du côté des 22 transmetteurs à venir, notre intention était d'en discuter lors du renouvellement et de demander des comptes sur leur projet de conversion lors de l'audience. Nous n'avons pas, pour l'instant, d'information additionnelle sur ces 22 transmetteurs en région.
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai une autre question dans un autre domaine. Des études récentes que vous avez fait faire avec le CEFRIO ont démontré que la webtélé connaît une popularité grandissante. Existe-t-il un moyen de mesurer la popularité de la webtélé? Si oui, comment? Et sinon, pourquoi?
M. Hutton : Il existe divers moyens de mesures. C'est donc possible. Par l'entremise du metteur en ondes, si par exemple, Radio-Canada utilise Tou.tv, ils sont capables de mesurer l'écoute de façon assez précise. Ils ne peuvent pas dire s'il y a quatre personnes dans la maison qui écoutent, mais ils savent qu'il y a au moins une personne qui écoute. Il y a moyen de connaître les cotes d'écoute via la webtélé.
Aussi dans le cadre de l'audiométrie, il y a une nouvelle façon. Lorsque BBM faisait les cotes d'écoute, on remplissait un petit calepin indiquant l'heure et le canal écouté. Maintenant ce sont des petits bidules électroniques, les PPM. Il s'agit d'une technologie américaine, People Meter; on le porte sur soi et il reconnaît un certain codage qui est inscrit à même la programmation que vous l'écoutez via votre téléviseur ou votre ordinateur, elle reconnaît, dans la plupart des cas, ce signal. Il y a moyen de reconnaître, mais dans ce cas, il n'y aura pas de distinction si l'écoute s'est faite via les ondes télévisuelles ou via l'ordinateur. Ce sont deux façons générales de le faire.
Le sénateur Tardif : Monsieur Hutton, dans votre réponse aux questions que j'ai posées, vous avez indiqué que certains de ces grands groupes diffuseurs avaient demandé un allégement des règles. J'aimerais revenir sur ce point.
Devant le CRTC, des représentants de Québécor ont demandé un allégement des règles imposées à TVA, notamment pour ce qui est des pourcentages du contenu canadien. Ils ont aussi demandé d'éliminer la condition de licence au sujet du réinvestissement des profits pour la distribution hors Québec. Si je comprends bien, lorsque TVA a reçu sa licence, en 1990, ils s'étaient engagés à réinvestir 43 p. 100 des profits réalisés hors Québec dans la programmation destinée aux francophones en situation minoritaire. Maintenant, ils demandent un allégement et l'élimination de cette condition. Comment voyez-vous cette situation?
M. Hutton : C'est un dossier qui est ouvert devant nous. Nous avons procédé aux audiences en décembre dernier, et le conseil est en train de délibérer sur la question. Je dois donc me garder sous réserve d'émettre une opinion à ce moment-ci.
Pour être précis sur la question en cause, le conseil a accordé un statut de distribution obligatoire à TVA, dans le cadre de son dernier renouvellement que vous avez cité. L'effet est essentiellement de rendre disponible, sur le service de base gratuitement, soit par câblodistribution ou satellite, le service de TVA. L'objectif premier était de rendre une deuxième option disponible aux francophones à l'extérieur du Québec ou à l'extérieur de la zone traditionnelle desservie par TVA. Dans le cadre de cette permission ou distribution obligatoire, des conditions ont été mises en place : une condition de consultation avec les groupes minoritaires, une condition de licence de réinvestissement, et une condition ou une attente concernant un minimum d'heures de production régionale. TVA est revenu et a demandé un allégement concernant la condition de réinvestissement des revenus attribuables à l'extérieur du pays. Nous sommes donc en délibéré.
La position prise par l'entreprise est qu'ils n'ont pas pu monétiser l'écoute à l'extérieur du Québec de la part de leurs annonceurs. Ils se sont dit que les revenus étaient de zéro. Or, 43 p. 100 de zéro donne zéro; la condition n'est donc pas nécessaire. C'est ce qui a été mis de l'avant par TVA.
Le sénateur Tardif : Quel était le minimum exigé lorsque vous avez indiqué le nombre d'heures de production?
M. Hutton : Je l'ai lu la semaine dernière car on a délibéré, mais le chiffre m'échappe pour le moment.
Le sénateur Tardif : Pourriez-vous transmettre cette information au comité?
M. Hutton : On pourra vous la faire suivre.
Le sénateur Tardif : Ma prochaine question concerne une autre recommandation du commissaire aux langues officielles, qui touchait l'importance de mettre sur pied des incitatifs pour encourager la diffusion d'émissions canadiennes et de tournages en langue française pour les jeunes. Quel poids avez-vous accordé à cette recommandation? Est-ce que quelque chose a été mis sur pied?
M. Hutton : Nous avions, par le passé, un incitatif particulier de programmation prioritaire. On parle de huit heures de programmation prioritaire par semaine en heures de grande écoute. C'était notre outil d'incitatif principal.
La programmation pour les jeunes n'était pas incluse à cette programmation prioritaire. Lors des audiences de renouvellement des grands groupes, nous avons modifié notre façon de faire. Nous avons identifié la programmation d'intérêt national. En reformulant la programmation d'intérêt national, ce n'est plus un nombre d'heures mais un montant d'investissement. Environ 5 p. 100 des revenus doivent être réinvestis dans la production d'intérêt national. Qu'il s'agisse de contenu dramatique pour les jeunes ou de documentaire concernant les jeunes, ces questions sont maintenant incluses à l'intérieur de la programmation d'intérêt national.
Le sénateur Tardif : Vous n'êtes pas sans savoir que la jeunesse est la clé importante pour assurer l'épanouissement de nos communautés francophones en situation minoritaire.
Le sénateur Mockler : Ma question fait suite à celle du sénateur De Bané. Vous avez dit, monsieur Hutton, que vous aviez, à l'intérieur de votre bureau de direction, un commissaire qui a soulevé l'étude de Mme Lord?
M. Hutton : Effectivement.
Le sénateur Mockler : Avec ce suivi du commissaire, le CRTC a-t-il pris cette étude au sérieux? A-t-on vérifié ce qui avait été énoncé?
M. Hutton : Notre intention était de vérifier, lors du processus de renouvellement. Or celui-ci devait avoir lieu en juin et il a été remis. Nous avions l'intention de poser des questions concernant l'ensemble du reflet. Nous avons identifié le sujet comme partie prenante de l'audience à venir. Il n'est pas bien qu'on n'ait pas pu vérifier, depuis toutes ces années, l'exactitude de toutes les données. Nous sommes bien au fait de la situation. Nous avons entendu ces commentaires de diverses sources, incluant les groupes de travail, et des interrogations des consommateurs. Ces choses sont également ressorties de nos instances en ligne. Nous sommes bien au fait du sujet, et ces points seront considérés et évalués lors de l'audience.
Le sénateur Mockler : Pouvez-vous rassurer le comité aujourd'hui que vous ferez un suivi et le déposerez auprès de la présidente du comité?
M. Hutton : Vous parlez de l'étude?
Le sénateur Mockler : Je parle de l'étude soulevée par Mme Lord.
M. Hutton : Nous tenterons d'en obtenir une copie formelle et on pourra la déposer. Je puis vous assurer que, sur l'ensemble du sujet, il y aura un suivi. C'est inscrit dans notre avis public. Nous avons la ferme intention d'évaluer la performance de l'entreprise ou de la corporation en vertu de ses obligations de reflet — car je crois qu'ici on parle d'une obligation de reflet.
Le sénateur Mockler : Ai-je bien entendu que vous n'avez pas une copie officielle?
M. Hutton : Nous avons une copie. Toutefois, avant de faire des photocopies, c'est peut-être une question de droits, mais nous aimerions trouver moyen de vous en faire suivre une copie.
Le sénateur De Bané : Monsieur Hutton, quand je lis la Loi sur la radiodiffusion, ce qui y est expliqué est exactement ce qu'il nous faudrait. On doit refléter le national, le régional, les valeurs communes. Je regarde les nouvelles et je sais que vous devez également les regarder. Je comprends votre devoir de réserve. Toutefois, récemment, un train a déraillé dans le sud de l'Ontario. Il s'agissait d'un accident très grave. Cet événement faisait la première nouvelle sur le réseau anglais, mais pas sur le réseau français.
Puis, il y eut ce jeune, à Terre-Neuve, qui est mort parce qu'on a attendu trois ou quatre jours avant d'envoyer un hélicoptère pour tenter de le sauver. Cet événement faisait la première nouvelle sur tout le réseau anglais, mais pas sur le réseau français.
En d'autres termes, bien que la loi me semble pleine de sagesse, ce sont deux mondes complètement différents et ces nouvelles ont l'air de venir de deux pays différents, et ce, même dans la terminologie. Comme vous le savez, le choix des termes en radiodiffusion, c'est un peu comme le choix des terrains dans le domaine militaire.
Pas plus tard qu'hier, M. Pierre Nadeau, grand reporter — parmi les plus grands au monde — était à l'émission Tout le monde en parle. Cette question lui a été posée : « Monsieur Nadeau, parmi les grandes personnalités que vous avez interviewées au Québec et au Canada... ». Cette formule revient toujours : « Au Québec et au Canada ». J'ai déjà entendu « l'industrie militaire au Québec et au Canada ». Est-il possible que, aux États-Unis, on dise : « l'industrie au Texas et aux États-Unis »; ou encore « l'industrie en Bretagne et en France »?
Ne soyons pas naïfs. J'espère que le CRTC prendra note de toutes nos observations. Ce sont des choses que tout le monde entend, que tout le monde interprète. J'en dirai davantage lorsque je ferai ma présentation. Je comprends votre devoir de réserve, mais je vous demande de passer à l'action.
La présidente : J'aurais aimé vous demander une information, que vous pourriez peut-être nous faire parvenir par écrit : Auriez-vous des recommandations à faire au comité pour son étude sur l'utilisation d'Internet et des médias sociaux? Si vous aviez des recommandations à nous faire, et je suis certaine que vous en avez quelques-unes, pourriez- vous les faire parvenir au comité?
M. Hutton : Oui, nous allons le faire.
La présidente : Merci beaucoup. Nous en avons donc terminé avec notre premier groupe de témoins. Mesdames et Messieurs, je vous remercie beaucoup d'êtres venus comparaître au comité.
M. Hutton : Merci à vous, madame la Présidente, et merci à tous les sénateurs et sénatrices.
La présidente : Je vous remercie encore une fois. Honorables sénateurs, nous suspendons quelques minutes, et nous reprendrons avec le deuxième groupe de témoins.
Honorables sénateurs, nous poursuivons maintenant notre rencontre. Nous accueillons maintenant les représentants de CBC/Radio-Canada : Mme Patricia Pleszczynska, directrice générale et directrice de la programmation, Services régionaux; et Mme Diane Laflamme, chef de la planification, Services régionaux, Services français.
Bienvenue mesdames. J'invite Mme Pleszczynska à prendre la parole, les sénateurs suivront avec des questions.
Patricia Pleszczynska, directrice générale et directrice de la programmation, Services régionaux, CBC/Radio-Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir. Je suis responsable de l'ensemble des services et de la programmation régionale radio, télévision et Internet offerte aux francophones d'un océan à l'autre. J'ai également le mandat de veiller au rayonnement sur l'ensemble de nos programmations réseau, de la réalité des communautés telle qu'elle est vécue dans toutes les régions du pays. Je suis accompagnée aujourd'hui de Diane Laflamme, chef de la planification aux services régionaux de Radio-Canada.
Avant de répondre à vos questions, j'aimerais d'abord vous donner un aperçu de nos services envers les communautés linguistiques en milieu minoritaire, particulièrement envers les communautés francophones, puisqu'il s'agit là de l'essentiel de mes responsabilités.
[Traduction]
Je vais également vous exposer quelques faits saillants sur la façon dont CBC dessert les communautés anglophones en situation minoritaire au Québec.
[Français]
À plusieurs occasions au cours des derniers 75 ans, CBC/Radio-Canada a fait la preuve de son engagement à mieux servir les communautés régionales, notamment en milieu minoritaire. Cet engagement a été renouvelé l'an dernier avec le dépôt de notre stratégie 2015 : Partout, pour tous. Il s'agit d'un plan quinquennal dans lequel nous identifions trois priorités : offrir une programmation distinctive, renforcer notre présence régionale et élargir notre offre numérique. Aujourd'hui, Radio-Canada en région a un total de 12 centres de production multiplate-formes radio, télévision, Internet, dont sept desservent les communautés francophones en milieu minoritaire. À cela, s'ajoutent, en milieu minoritaire uniquement, quatre stations de radio et 18 bureaux journalistiques.
En télévision, nos centres de production en milieu minoritaire produisent en moyenne entre six et 11 heures de programmation locale chaque semaine. L'essentiel de cette programmation est en information, mais nous avons aussi réussi à élargir et à diversifier la production régionale à d'autres genres, incluant la production indépendante.
En radio, nous avons aussi un ancrage régional très fort. À la Première chaîne, 100 p. 100 des heures de grande écoute, soit le matin et l'après-midi au retour à la maison, sont des productions régionales ou locales.
Cette forte présence régionale nous permet également de mieux refléter sur nos programmations nationales la vie démocratique, économique et culturelle de ces communautés. À la Première Chaîne radio, signalons le déplacement à l'extérieur du Québec de plusieurs émissions réseau. Parmi les exemples les plus récents, l'émission culturelle nationale Bouillant de culture, qui était à Vancouver le 10 mars pour marquer le lancement du Prix des lecteurs de Radio-Canada, qui met en valeur les œuvres littéraires d'auteurs de la francophonie canadienne hors Québec. Et cette année, la finale du Prix des lecteurs sera diffusée en heure de grande écoute à la télévision, le 17 avril, à l'émission de Pénélope McQuade.
La télévision de Radio-Canada diffuse dans sa programmation réseau une émission quotidienne produite à Ottawa et dont le mandat spécifique est de rendre compte de la vie des communautés francophones de partout au pays. Diffusée du lundi au vendredi, C'est ça la vie en est à sa cinquième année de diffusion.
Évidemment, Radio-Canada joue également un rôle très important en information pour les francophones de ce pays. Faut-il le rappeler, Radio-Canada est le seul média d'information présent dans toutes les régions du pays et ce, sur des plate-formes radio, télévision, Internet et mobile.
RDI, Le Réseau de l'information, s'appuie sur la force journalistique de Radio-Canada pour rendre compte en temps réel de l'actualité du pays et du monde. Aucun autre réseau d'information continue au pays ne peut égaler la capacité de RDI de couvrir en français les événements marquants dans les communautés francophones en milieu minoritaire.
En plus de cette couverture en continu, RDI présente chaque soir en semaine Le National, un bulletin qui réunit en 30 minutes les nouvelles qui ont dominé l'actualité dans les grandes régions du pays, à partir notamment de reportages diffusés sept jours sur sept dans les éditions régionales du Téléjournal 18 h.
Au-delà de la stratégie 2015, qui réitère notre engagement régional, incluant les communautés linguistiques vivant en milieu minoritaire, nous avons bénéficié d'un autre outil pour enrichir notre présence régionale. Le fonds pour l'amélioration de la programmation locale, le FAPL, mis sur pied par le CRTC.
À Radio-Canada, nous avons utilisé le FAPL comme levier pour étendre l'offre de nouvelles régionales en français sept jours sur sept. Grâce au FAPL, les téléspectateurs de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba bénéficient désormais de nouvelles locales et régionales les samedis et dimanches.
Cette présence sept jours sur sept se manifeste par notre capacité à rendre compte aux antennes régionales et nationales d'événements importants qui surviennent comme les inondations au Manitoba l'an dernier ou les récentes perturbations du service aérien.
Depuis l'été dernier, des magazines culturels d'été ont aussi été conçus spécifiquement par chacune des 12 stations régionales du pays, des centres de production. À Ottawa, le magazine Changer d'air s'est poursuivi en saison régulière le samedi à 18 h 30. Tous ces magazines reprendront l'antenne et la route des festivals à l'été 2012.
Le FAPL nous a aussi permis de développer des émissions régionales qui contribuent au rayonnement de la réalité des francophones sur notre réseau. Par exemple, depuis trois ans, nous aurons produit 34 épisodes de la série Tout le monde en parlait, dont 19 par nos stations en milieu minoritaire. Ces émissions portent sur des sujets comme la cloche de Batoche, la bataille pour l'école française à Penetanguishene ou le groupe musical franco-ontarien CANO. Ces histoires locales ont eu une résonance chez les autres francophones du pays, car ces émissions ont généré des niveaux d'auditoire inégalés pour des productions régionales.
La diffusion régionale réseau, sans compter les rediffusions, a rejoint une portée moyenne de 840 000 téléspectateurs ces deux derniers étés. Il s'agit d'un beau succès que nous espérons pouvoir rééditer et que nous allons présenter au CRTC parmi les exemples de réussite du FAPL lors des audiences que le conseil tiendra sur ce fonds dès le 16 avril prochain.
[Traduction]
J'aimerais maintenant vous faire part de quelques faits saillants sur la présence de CBC au Québec. CBC est très fière de desservir les communautés anglophones au Québec. Depuis les deux dernières années, et dans le cadre de la stratégie 2015, CBC a accru sa présence régionale et va continuer de le faire au cours de l'année 2012.
À l'heure actuelle, CBC produit, à la radio, 12 heures de programmation quotidienne et sept heures de programmation hebdomadaire, dont cinq heures produites quotidiennement à Québec, afin de mieux desservir les communautés anglophones situées à l'extérieur du Grand Montréal. CBC produit aussi, à la télévision, 100 minutes de nouvelles quotidiennes qui couvrent les nouvelles essentielles pour les communautés anglophones du Québec.
En mai, CBC va élargir son service de nouvelles à la télévision les samedis et dimanches soirs ainsi qu'à la radio les fins de semaine. En décembre 2011, CBC a lancé une nouvelle page web régionale qui est plus interactive et qui reflète les réalités régionales. Plus tard cette année, CBC va lancer une page web distincte pour les programmes offerts à l'extérieur de la ville de Québec aux communautés anglophones.
Récemment, CBC a créé un nouveau poste, soit celui d'un journaliste itinérant qui couvrira plusieurs communautés anglophones au Québec. D'ailleurs, le journaliste a déjà visité les villes de Baie-Comeau et de Fermont. À travers des émissions nationales à la radio comme À propos, avec Jim Corcoran, et C'est la vie, avec Bernard St-Laurent, CBC expose aussi la réalité francophone au reste du Canada anglais.
De plus, CBC travaille avec plusieurs partenaires qui représentent les intérêts des communautés anglophones au Québec, dont le Quebec Community Groups Network, la Townshippers' Association, la Quebec Writers' Federation et la Quebec English School Boards Association.
Comme vous pouvez le constater, CBC est très résolue à remplir son mandat. CBC est au service de près d'un million d'anglophones au Québec et offre des nouvelles locales ainsi qu'une programmation culturelle sur toutes les plateformes : télé, radio et web.
[Français]
Un dernier mot, avant de répondre à vos questions, pour vous parler de notre utilisation à Radio-Canada d'Internet, de la mobilité et des réseaux sociaux. Sur Radio-Canada.ca, les internautes retrouvent une importante composante de nouvelles locales et régionales. S'ils le souhaitent, ils peuvent personnaliser la page d'accueil du site afin de mettre en valeur les nouvelles de leur région. Cette page est géo-régionalisée et ce, peu importe où ils se trouvent au pays. D'ailleurs, le volet régional de l'information est une des sections du site qui génère beaucoup d'achalandage. De plus, tous les contenus régionaux, notamment les éditions régionales du téléjournal peuvent être réécoutées sur demande.
Nous offrons aussi une application mobile de la radio de Radio-Canada qui permet aux usagers de choisir d'écouter un signal régional de la Première Chaîne de son choix sur son iPhone ou sa tablette électronique. Le principal défi des Canadiens, particulièrement des francophones de ce pays, est d'assurer une présence forte dans l'univers numérique en créant des espaces capables de mettre en valeur un contenu francophone original, riche et pertinent. C'est exactement l'approche adoptée par Radio-Canada lorsqu'elle a créé Tou.tv, la plus importante webtélé francophone en Amérique du Nord, imaginée, initiée et opérée par Radio-Canada. Tou.tv est un partenariat qui regroupe plusieurs producteurs et diffuseurs francophones d'ici et de partout dans le monde.
Je suis très fière de dire que Tou.tv propose également, dans sa programmation, un choix intéressant de productions régionales, les rendant accessibles à un plus large auditoire encore que la diffusion seule sur les antennes régionales.
Comme vous pouvez le constater, Radio-Canada accorde beaucoup d'importance à son rôle et ses obligations envers les francophones en milieu minoritaire en développant une stratégie qui mise sur la force combinée de la radio, de la télévision, d'Internet et de la mobilité, et en faisant de la présence régionale une priorité dans son plan stratégique.
Radio-Canada offre aux francophones de partout au pays un espace où ils se retrouvent et se reconnaissent. Je crois également que, grâce à notre stratégie régionale, les francophones de toutes les régions ont aujourd'hui une voix plus forte sur nos antennes nationales.
Je suis maintenant prête à accueillir vos questions.
Le sénateur Champagne : Bonjour, mesdames. Sur le site web de Radio-Canada, il y a un tableau 1 qui s'appelle « Normes et principes journalistiques de CBC/Radio-Canada en matière de langues ». Vous nous dites que vous utilisez une langue de niveau courant, de bonne qualité et accessible.
Au niveau journalistique, je suis à peu près d'accord et même presque constamment d'accord avec votre énoncé.
Pour ce qui est des séries télé — les continuités, comme on les appelait dans mon temps —, c'est autre chose. Et je vous avoue qu'à certains moments, il y a une situation qui me met en rogne même au niveau des informations. Il est bien évident qu'on n'a jamais pu remplacer les bons vieux chiens de garde. Je pense au vénérable Miville Couture, à Jean-Marie Laurence, à Henri Bergeron. Ils doivent se retourner dans leur tombe bien souvent.
Je ne vous parle pas seulement de mauvaises prononciations de mots ou de noms à consonance un tant soit peu étrangère. Je vous parle tout simplement de Mme Jean-Louis Audet, à qui je dois tout, qui a été mon professeur pendant des années, et qui appelait ça des « liaisons dangereuses ».
On nous parle de tel artiste qui fait carrière depuis neuf « z » années, ou des quatre « z » athlètes canadiens qui ont la malchance de ne pas être Québécois et qui ont osé gagner une médaille. L'été dernier, je regardais l'émission Les Chefs, à Radio-Canada, où j'ai entendu l'animatrice demander aux quatre « z » autres concurrents de se retirer pendant le duel, le moment décisif.
Et plus récemment encore, une jeune femme offrait une critique culturelle du dernier spectacle du Cirque du Soleil en nous parlant des cinq « z » artistes qui représentaient les Jackson Five. Le sénateur De Bané dirait peut-être que c'est du chinois, moi je trouve que c'est une sainte horreur sur les ondes de Radio-Canada. Est-ce que vous pouvez y faire quelque chose? Est-ce que vous essayez de faire quelque chose?
Mme Pleszczynska : Je vous remercie pour vos commentaires. Il est certain que pour nous, l'utilisation d'un français correct et du maintien d'une qualité du français est une priorité. Cette priorité se traduit chaque année par des normes qui sont établies et que chacune de nos équipes doivent respecter, normes que nous avons encouragées par la création d'un groupe d'employés, à travers le pays, qui veillent au maintien de la qualité de la langue ou à l'amélioration de la qualité de la langue de leurs collègues.
Le sénateur Champagne : On ne pense même pas aux mauvais accords des participes passés. On oublie ça, on sait que c'est fréquent. Mais les cinq « z » artistes qui représentent les Jackson Five, ce spectacle du Cirque du Soleil, est tout récent. Je me suis dit que ce n'était pas écoutable, c'est une horreur qui ne devrait pas s'entendre sur les ondes de Radio-Canada.
Mme Pleszczynska : Je comprends votre intervention.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Et les « si j'aurais ».
Le sénateur Robichaud : Les « si » n'aiment pas les « rais ». C'est ce qu'on a appris à l'école.
Le sénateur Champagne : J'aimerais revenir sur un autre sujet. Pouvez-vous me dire quel est le manque de coopération qui existe entre les deux sœurs que sont Radio-Canada et la CBC? J'ai entendu, par exemple, que la CBC ne peut pas jouer un enregistrement d'un concert fait à Radio-Canada sur son réseau anglais. Est-ce que vous pouvez répondre à cette question?
Mme Pleszczynska : Je ne connais pas le contexte spécifique dans lequel cette impossibilité était créée. Je peux vous dire, par ailleurs, que les captations de concerts qui se font à CBC ou à Radio-Canada sont effectivement partagées de façon régulière sur les chaînes de CBC Radio 2.
Le sénateur Champagne : Je vous laisserai copie de la réponse du producteur associé de Tempo à CBC2.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Mesdames, soyez les bienvenues. J'étais bien contente d'entendre votre mémoire.
Les licences de CBC/Radio-Canada feront l'objet d'un renouvellement cette année. En février dernier, le CRTC a rendu public un avis indiquant que les audiences pour le renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada étaient reportées jusqu'à nouvel ordre. Les audiences publiques du CRTC seront l'occasion de discuter des questions de programmations locales et régionales ainsi que du rôle changeant du radiodiffuseur public.
J'aimerais savoir quels sont les principaux changements proposés par CBC/Radio-Canada dans le cadre du renouvellement de ses licences?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais vous répondre à ce stade avant la présentation de notre renouvellement de licence au CRTC, au moment où nous serons convoqués.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pensez-vous tenir compte des commentaires du public lorsque vous allez intervenir ou si vous allez laisser tomber?
Mme Pleszczynska : Nous avons un processus de consultation qui est en place depuis déjà plusieurs années et où nous entendons des citoyens à travers le pays en les regroupant. Nous avons d'ailleurs une réunion annuelle avec des représentants, des citoyens de chaque province du pays qui interviennent auprès de nous sur les sujets d'intérêt dans leur région. Le panel des régions se réunit régulièrement.
Nous avons aussi, par l'entremise d'associations francophones, des réunions régulières où nous entendons leurs questions ou leurs enjeux et où nous leur faisons part de notre programmation et de nos interventions auprès des communautés, que ce soit des communautés représentant des associations culturelles, musicales ou autres.
Chacune de nos directions a aussi tenu et continue de tenir des réunions régulières avec la communauté pour entendre les questions, les enjeux, les besoins de ces communautés et pour être à l'affût de ce qui se trame dans chacune de nos régions pour que nous puissions y répondre avec la programmation que nous mettons de l'avant, soit à la radio, à la télévision ou sur Internet.
Oui, nous sommes à l'écoute de l'auditoire, des citoyens, des téléspectateurs pour répondre à leurs besoins dans l'élaboration de nos émissions.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pourquoi avez-vous demandé le report des audiences publiques?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais répondre à cette question de façon officielle. Par ailleurs, nous sommes en renouvellement, nous allons comparaître dans deux semaines devant le CRTC pour les audiences concernant le renouvellement du Fonds d'amélioration de la programmation locale, qui est un enjeu majeur pour Radio-Canada et CBC en ce qui concerne sa capacité de continuer de produire et de développer la programmation en région.
Il est important pour nous d'avoir cette opportunité de faire la représentation devant le CRTC à ce sujet et d'avoir la réponse du CRTC concernant le renouvellement de ce fonds qui est primordial pour la continuité des activités en région.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pour faire suite à des questions que j'ai posées précédemment aux représentants du CRTC, concernant les avantages de la transition en mode numérique pour les stations régionales de CBC/Radio-Canada, où en êtes-vous rendus pour la mise en place de votre plan pour le numérique?
Mme Pleszczynska : Les installations sont en cours et, à ma connaissance, nous sommes en train de répondre aux exigences et à ce sur quoi nous nous sommes engagés auprès du CRTC.
Le sénateur De Bané : Vous avez fait allusion tantôt au nombre de journalistes que vous avez à travers le Canada. Auriez-vous l'amabilité de transmettre à notre présidente une répartition géographique de tous les journalistes des deux réseaux, par province et par municipalité, à l'intérieur de chacune des provinces? Est-ce que vous pouvez le faire?
Mme Pleszczynska : Oui, c'est possible.
Le sénateur De Bané : Si vous aviez l'amabilité de les transmettre à notre présidente; moi j'ai les chiffres pour l'année 2010, mais je préférerais évidemment avoir les chiffres les plus récents, pour chaque province, dans chacune des villes, combien vous en avez, et également ceux de la société CBC.
Deuxièmement, si vous me permettez, je voudrais poser des questions qui, sans doute, devraient aller à la société nationale, mais peut-être que vous êtes à l'aise pour y répondre. La première : D'après vous, quel est votre auditoire à la radio et à la télévision? Veuillez expliquer votre réponse avec ces deux sous-questions : considérez-vous que votre auditoire principal se situe au Québec? Si c'est le cas, dites-nous ce que cela signifie, à la fois pour votre auditoire québécois et pour votre auditoire hors Québec. C'est ma première question.
Mme Pleszczynska : Vous me posez la question, si je comprends bien, pour les émissions nationales, n'est-ce pas?
Le sénateur De Bané : Oui.
Mme Pleszczynska : D'accord. Si on regarde la répartition de la population francophone au Canada, il est certain que la majorité de la population des citoyens de langue française se situe au Québec; c'est un fait incontestable. Il est donc essentiel pour nos émissions nationales de servir cet auditoire du Québec. Cela n'empêche pas, par ailleurs, que les auditoires hors Québec aient un besoin et un droit de reflet sur les antennes nationales et cela n'empêche pas non plus que les auditoires québécois aient un intérêt quant à ce qui se produit hors Québec. Alors nos antennes nationales ont un devoir de refléter l'auditoire québécois où se situe la majorité de la population francophone, et un devoir de refléter les auditoires francophones de partout au pays, et de refléter les réalités du pays et du Québec aux auditoires nationaux.
Le sénateur De Bané : Supposons qu'on regroupe le bulletin de nouvelles national en quatre groupes : les nouvelles concernant le Québec, les nouvelles concernant les nouvelles internationales, les nouvelles concernant le Canada dans son ensemble — c'est-à-dire le gouvernement fédéral — et les nouvelles concernant les provinces canadiennes. Avez- vous une idée de la façon dont c'est réparti actuellement?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas faire ce partage pour vous.
Le sénateur De Bané : D'accord. Vous parlez des locuteurs francophones. Les locuteurs francophones, c'est plusieurs catégories : ceux dont la langue maternelle est le français; ceux qui ont appris le français, et il y a quelques millions de Canadiens de langue maternelle anglaise qui ont appris le français; il y a les néo-Canadiens qui viennent des Amériques, des États-Unis, de Haïti, d'Europe, de l'Asie, du Moyen-Orient, de l'Afrique. Pour les locuteurs francophones, avez-vous une idée de combien ils sont à l'extérieur du Québec?
Mme Pleszczynska : Nous avons accès à ces chiffres.
Le sénateur De Bané : Allez-y.
Mme Pleszczynska : Mais les chiffres que nous utilisons sont ceux qui sont retenus et compilés par Statistique Canada, nous n'avons pas d'autres informations.
Le sénateur De Bané : Ce sont ceux qui m'intéressent, c'est ce que j'ai moi aussi.
Mme Pleszczynska : La distinction faite par Statistique Canada est langue maternelle, première langue officielle parlée. Il y a ces définitions; ce ne sont pas nos définitions mais les définitions établies à même les statistiques.
Le sénateur De Bané : J'ai des chiffres officiels également. Les histoires anecdotiques ne m'intéressent pas. D'après vous, ceux qui comprennent le français, les locuteurs francophones de l'extérieur du Québec, il y en a combien?
Mme Pleszczynska : Un million.
Le sénateur De Bané : En tout?
Mme Pleszczynska : En tout, un million.
Le sénateur De Bané : Non, madame. Je déposerai mes chiffres avec les sources. J'ai un document officiel de la Bibliothèque du Parlement me donnant les chiffres officiels.
La présidente : Je voudrais poser une question. Le million que vous venez de nous annoncer, madame, s'agit-il de français langue maternelle?
Mme Pleszczynska : Oui.
Le sénateur De Bané : Il y a le million d'anglophones qui ont appris le français; il y a ceux qui viennent d'ailleurs, peut-être de Roumanie ou d'Algérie, et qui parlent français. Ce n'est pas leur langue maternelle. Vous n'en tenez pas compte, de cela.
Mme Pleszczynska : Nous tenons aussi compte de la première langue officielle parlée. Là encore, on parle de 1,53 million. Nous avons effectivement des chiffres qui se ressemblent.
Le sénateur De Bané : Vous ne tenez pas compte de celui qui a appris le français et qui n'est pas de langue maternelle française.
Mme Pleszczynska : Nous tenons compte des chiffres dont nous disposons.
Le sénateur De Bané : Les chiffres dont vous disposez reflètent la langue maternelle, n'est-ce pas?
Mme Pleszczynska : Tout à fait.
Le sénateur De Bané : Et vous ne tenez pas compte des locuteurs francophones dont la langue maternelle n'est pas le français, n'est-ce pas?
Mme Pleszczynska : Nous tenons compte de tous les citoyens qui parlent français sans nécessairement en tenir compte de façon chiffrée.
Le sénateur De Bané : Vous venez de me donner un chiffre disant, d'après vous, qu'il y a un million de personnes langue maternelle française. Arrêtons de jouer avec les mots. Je ne parle pas de ceux dont c'est la langue maternelle, mais je vous demande si vous avez une idée du nombre de locuteurs français qui vivent à l'extérieur du Québec. Cela comprend ceux dont le français est la langue maternelle, les anglais qui ont appris le français et les immigrants qui ont appris le français dans leur pays d'origine.
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas vous donner ce chiffre à ce moment.
Le sénateur De Bané : Bon. Merci de me le concéder. Une chose qui m'a frappé c'est que, pour vous, comme la majorité de la population francophone est au Québec, vous dites : « notre premier devoir est de leur donner les nouvelles du Québec ». Est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Pleszczynska : Non.
Le sénateur De Bané : Pouvez-vous nous répéter ce que vous avez dit?
Mme Pleszczynska : Sachant que la population francophone est majoritairement au Québec, nous avons une responsabilité de servir cet auditoire autant que nous devons servir l'auditoire de tout le pays. C'est tout ce que j'ai dit.
Le sénateur De Bané : D'accord, mais ce que je vous demande, c'est que signifie servir l'auditoire québécois? Est-ce qu'on commence avec les nouvelles du Québec ou si on commence avec le Canada?
Mme Pleszczynska : Le processus éditorial change selon la nouvelle, chaque jour, chaque moment de la journée. Nous avons en place, à toutes nos émissions, des équipes dont le devoir est de trouver la séquence la plus pertinente pour l'auditoire, pas seulement en fonction de l'origine de l'histoire et des citoyens qui l'écouteront, mais de la pertinence ou de l'intérêt de la décision éditoriale qu'ils prennent en ce sens.
Le sénateur De Bané : Vous vous y connaissez en tant que directrice régionale de la programmation. Sur une base de 365 jours par année, d'après vous, sur le réseau national, le Québec a quel pourcentage de temps aux nouvelles nationales?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas vous dire.
Le sénateur De Bané : Parfait. Les nouvelles internationales?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas vous donner un pourcentage.
Le sénateur De Bané : Les nouvelles du Canada comme pays, c'est-à-dire les nouvelles fédérales?
Mme Pleszczynska : Je ne peux pas vous donner un pourcentage.
Le sénateur De Bané : Les nouvelles concernant les neuf provinces hors Québec, avez-vous une idée du pourcentage?
Mme Pleszczynska : Nos émissions d'information ne sont pas basées sur des pourcentages, mais sur des choix éditoriaux qui sont faits par nos équipes éditoriales, nos pupitres et nos « affectateurs » selon la nouvelle et l'importance de la nouvelle du jour.
Le sénateur De Bané : Une question concernant la communauté anglaise au Québec. Le comité devant lequel vous êtes aujourd'hui — et je vous remercie toutes les deux d'être avec nous — a passé une semaine complète au Québec pour rencontrer les Québécois de langue anglaise. Nous nous sommes promenés. Nous avons rencontré un tas de monde : des recteurs d'université, ceux qui s'occupent des artistes, la société civile, et cetera. Avez-vous une idée du nombre de minutes de couverture de nos travaux sur le réseau français pour une semaine?
Mme Pleszczynska : Je n'ai pas ce détail.
Le sénateur De Bané : Je vais vous le dire : même pas une seconde. Pas une seconde! Alors dans un pays où les deux solitudes constituent un problème, trouvez-vous normal que la Société Radio-Canada, en ce qui concerne le Québec, ignore totalement la communauté de langue anglaise? Qu'est-ce que vous en pensez? Nous avons passé une semaine où nous avons rencontré une pléthore de témoins de toutes les catégories. Pas une minute à la SRC.
Mme Pleszczynska : Je ne peux pas juger de la décision éditoriale qui a été prise pendant cette semaine et quels autres...
Le sénateur De Bané : Moi, je peux la juger, et les membres du comité peuvent la juger.
Pouquoi, grâce à ce Fonds pour l'amélioration de la programmation locale — non pas de Radio-Canada, c'est le CRTC qui vous donne cet argent, et vous avez dit que vous aviez des sessions là-dessus dans les jours qui viennent —, vous en déduisez que parce que vous donnez à chacune des régions, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba, en Acadie, en Ontario, ce qui se passe chez eux, qu'eux, on ne les voit jamais aux nouvelles nationales? Pourquoi en est-il ainsi?
Mme Pleszczynska : Je vous dirais d'abord que le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale nous a permis de faire des choses merveilleuses.
Le sénateur De Bané : Très bien, et j'ai entendu de très belles choses là-dessus, mais ils sont absents des nouvelles nationales.
La présidente : Pouvez-vous laisser madame répondre?
Le sénateur De Bané : Oui, mais c'est parce que je lui parle de l'absence sur le plan national et elle dit qu'ils font de belles choses sur le plan local. C'est sûr, cela, mais les Québécois ne savent pas ce qui se passe en Acadie.
Mme Pleszczynska : Une des émissions que nous avons pu diffuser grâce au Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, c'est la diffusion de 34 éditions de Tout le monde en parlait. Ces 34 éditions ont été diffusées principalement au réseau. Quelques-unes ont été diffusées seulement en région, d'autres ont été diffusées d'abord en région puis reprises sur l'antenne nationale, justement pour raconter ces histoires qui sont d'importance dans nos communautés minoritaires de langue française et qui méritent d'être connues à travers le pays. Il en a été ainsi pour l'histoire des expropriés du Vieux-Hull, pour l'histoire de la bataille pour la langue française à Penetanguishene, il en sera ainsi cet été pour l'émission concernant le groupe CANO, l'émission concernant la cloche de Batoche, l'émission touchant la disparition des Jets à Winnipeg et ce que cela a impliqué dans la transformation du hockey. Ces histoires sont extraordinaires, non seulement parce qu'elles ont un ancrage profond dans chacune des régions, mais parce qu'elles nous apportent un regard nouveau sur ce qui se passe aujourd'hui et qui permet, à travers un visionnement privé souvent avec des auditeurs de la place, de donner un endroit pour que les citoyens qui ont vécu ces moments importants dans la communauté puissent se retrouver et ajouter au contenu que nous pouvons diffuser par la suite sur nos téléjournaux. Ce sont des émissions qui sont vues au réseau.
Le sénateur De Bané : Madame, si vous voulez me dire que ce que fait Radio-Canada actuellement satisfait la population qui vit hors du Québec, leur visibilité sur le réseau national, et que les Québécois, eux, sont au courant de ce qui se passe à Radio-Canada, vous faites illusion, madame. Je vous ai donné plus tôt un exemple sur la solitude au Québec où Radio-Canada va raconter n'importe quoi sauf parler de la communauté anglaise du Québec.
Je vais vous le dire de cette façon. Premièrement, en ce qui concerne votre auditoire hors Québec, estimez-vous avoir l'obligation de lui refléter l'ensemble du pays ou seulement ce qui concerne la région et la localité des intéressés? Deuxièmement, pensez-vous que les nouvelles du Québec intéressent beaucoup votre auditoire hors Québec? Même les nouvelles les plus mineures, les plus franchement locales? Si ce n'est pas le cas, pourquoi présentez-vous à votre auditoire hors Québec tant d'informations sur le Québec et si peu au sujet du reste du Canada? Voilà mes questions. Si vous ne voulez pas répondre, ne répondez pas, mais s'il vous plaît, donnez-moi des vraies réponses.
Mme Pleszczynska : Merci, monsieur le sénateur. Il est certain que pour les francophones hors Québec, leur intérêt est d'apprendre et de recevoir de l'information sur leur localité, mais aussi sur ce qui se passe dans la communauté majoritaire, ainsi que sur ce qui se passe partout au pays.
Chacun de nos téléjournaux offre à ses auditeurs et téléspectateurs du contenu local, national et international, qui est rendu disponible justement par un partage de contenu à travers le pays. Nos auditoires en région ont ce service et reçoivent le contenu qui reflète le pays ainsi que leur localité.
Le sénateur De Bané : Madame la directrice de la programmation et madame Laflamme, chef de la planification, ce que vous dites n'a rien à voir avec la réalité. Pour résumer ma perception et celle de tant de gens, je vais employer l'expression anglaise it's a Quebec view of the world.
L'illustration la plus frappante est lorsque Mme Céline Galipeau s'est rendue à Winnipeg, pour le 50e anniversaire de l'implantation de la Société Radio-Canada au Manitoba. Ce qu'elle a trouvé comme question à des jeunes francophones, qui luttent pour leur langue, elle leur a dit : Voyons donc! Quessé ça, apprendre le français et parler français? Mais voyons donc! Vous êtes au Manitoba.
Voilà ce que j'ai entendu. It's a Quebec view of the world.
Ce que j'ai vécu avec le comité, lorsqu'on a visité le Québec, alors qu'on a voulu ignorer complètement ce comité parce qu'il s'intéressait à la communauté anglophone est un autre exemple. Ou pensons à ce que madame a fait au Manitoba en les insultant, ce qu'elle a fait en Acadie lorsqu'elle leur a dit qu'on ne parle pas des autres provinces — parce qu'eux, évidemment, se plaignaient que CBC parle plus de la société acadienne que la Société Radio-Canada. Mme Galipeau leur a dit, à Moncton : « Voyons donc! Les Québécois ne s'intéressent pas à vous. »
C'est drôle, car pour d'autres communautés, là elle voit les choses autrement.
À un moment donné, elle était interviewée sur la couverture par la Société Radio-Canada de ce qui se passe en Haïti. Elle a dit : « Mais oui, Haïti, c'est extrêmement important et nous l'examinons, nous faisons des reportages à partir du point de vue de la communauté haïtienne à Montréal. »
Regardez la situation au Manitoba, du point de vue des Manitobains de Saint-Boniface. Elle leur a dit, dans sa question : je vous la pose comme les Québécois la posent, pourquoi vous apprenez le français? Ne perdez pas votre temps avec ça.
Voilà, madame, ce que je voulais vous dire.
Le sénateur Tardif : Dans votre présentation d'aujourd'hui, vous avez réitéré à plusieurs reprises votre engagement à mieux desservir les communautés régionales, et en particulier les communautés francophones en milieu minoritaire. Vous avez déposé l'an dernier un plan stratégique quinquennal. Ce plan a trois axes : la programmation nationale, la programmation régionale et la programmation numérique. Pour chacun de ces trois axes, pouvez-vous indiquer de quelle façon CBC/Radio-Canada intègre le développement des communautés de langue officielle en milieu minoritaire? Comment vous répondez à leurs attentes? Pourriez-vous nous dire également si elles ont été consultées lors du développement de ce plan stratégique?
Mme Pleszczynska : Je vais d'abord vous parler de ce que veut dire pour nous le développement en région.
En grande partie grâce au FAPL, la priorité pour nous a été de nous assurer que le service en télévision se fasse sept jours sur sept. Ce manque existait dans nos communautés à travers le pays. Certaines communautés n'avaient pas de nouvelles locales ou régionales la fin de semaine. Notre première priorité fut donc de nous assurer que chacune de nos éditions du téléjournal était disponible sept jours sur sept; ou, si ce n'était pas sous forme d'un téléjournal de 30 minutes, qu'il y avait de l'information télévisuelle disponible pour chacune de nos communautés à travers le pays et ce, sept jours sur sept.
Nous avons aussi mis la priorité sur l'accessibilité à un service Internet numérique dans chacune de nos communautés, par une transformation de notre site Internet, que vous avez peut-être remarquée, qui est maintenant géolocalisé. Ce qui veut dire que, où qu'on soit, on peut regarder une édition du téléjournal ou écouter notre station de radio, soit celle où on se trouve ou celle d'une région autre et que l'on choisit de syntoniser. Si vous êtes à Ottawa, vous pouvez choisir de regarder et écouter la programmation du Manitoba, de la Gaspésie ou de l'Acadie. Chacun de nos sites contient aussi une programmation spécifique de cette région et la rend disponible aux téléspectateurs, aux auditeurs ou aux internautes.
L'emphase pour nous, en développement régional, a été d'offrir un service d'information sept jours sur toutes nos plateformes : radio, télévision et Web. Ce processus continue dans notre plan quinquennal, au fil du progrès de ce plan, pour les cinq prochaines années.
Nous avons aussi, dans chacune de nos régions, identifié une programmation qui puisse servir l'auditoire et offrir une diversité de contenu au-delà de l'information pure et simple des bulletins de nouvelles. Cette programmation se traduit par certains documentaires historiques, mais aussi pertinents aujourd'hui, comme Tout le monde en parlait. Elle se traduit aussi par une présence accrue pendant les étés, à tous les festivals, à tous les regroupements et rencontres culturelles partout en région. Ce besoin ou ce désir se traduit par des émissions hebdomadaires qui sont diffusées non seulement dans la région où ces émissions sont produites, mais dans d'autres régions également. La plupart sont reproduites pour un auditoire national à RDI afin qu'ils puissent voir ce contenu à l'antenne.
Nous avons aussi élaboré une stratégie avec nos producteurs indépendants pour nous assurer que chacune de nos actions avec la production indépendante soit ancrée dans la région et qu'elle reflète les réalités régionales. Ces productions sont diffusées en heures de grande écoute dans les régions, mais aussi à travers le pays, sur l'antenne de la Première chaîne de la télévision, à différentes heures ou différents moments. Je cite par exemple la série Pour un soir seulement, que nous produisons en collaboration avec ARTV. Des captations d'artistes sont produites avec un producteur indépendant au Manitoba chaque hiver et diffusées sur les antennes d'ARTV et de la Première chaîne de la télévision, de même que plusieurs autres séries.
Ce sont des stratégies pour la diffusion et l'élaboration de notre présence en région, mais aussi pour la croissance et l'investissement que nous faisons sur nos sites et plateformes numériques.
Par ailleurs, d'autres stratégies touchent le numérique. Je vous mentionnerais le lancement, la semaine dernière, de la chaîne Explora, qui fait partie de notre stratégie justement de rayonner sur toutes les plateformes et d'apporter du contenu aux francophones de tout le pays. Idéalement, nous voulons être disponibles sur toutes les antennes et distribués à travers le pays.
Ces initiatives font donc partie de nos stratégies 2015.
Le sénateur Tardif : Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale fut mis sur pied par le CRTC, n'est-ce pas?
Mme Pleszczynska : Oui.
Le sénateur Tardif : Il est prévu pour combien d'années?
Mme Pleszczynska : Il a été mis en place il y a trois ans avec un plan de révision trois ans plus tard. Nous arrivons donc à ce moment de révision.
Le sénateur Tardif : Quel montant avez-vous reçu?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas vous dire le montant total du fonds disponible. Je pourrais vous dire qu'il représente 1,5 p. 100 des profits des câblodiffuseurs. Ce montant change d'une année à l'autre.
Le sénateur Tardif : Si l'argent n'y était pas, comment cela affecterait-il votre programmation régionale numérique et nationale? Nationale moins peut-être, mais régionale certainement.
Mme Pleszczynska : Nous sommes à préparer notre présentation au CRTC qui aura lieu dans deux semaines et il est certain que les impacts seraient majeurs.
Le sénateur Tardif : Vous vous fiez sur cela pour essayer d'assurer un meilleur reflet régional, n'est-ce pas?
Mme Pleszczynska : Tant pour la quantité que pour la qualité de notre information et de la diversité de notre programmation. Il est certain que les améliorations de notre programmation ont bénéficié et utilisent les fonds du FAPL.
Le sénateur Tardif : Vous avez parlé de la place des productions indépendantes et des producteurs. Faites-vous aussi appel à des producteurs régionaux?
Mme Pleszczynska : Tout à fait. Les producteurs indépendants sont des partenaires dans notre programmation en région. J'ai mentionné tout à l'heure Les productions Rivard, au Manitoba. Nous encourageons aussi la relève. Nous sommes en train de travailler avec une nouvelle équipe de producteurs indépendants, les frères Clément, qui ont pour mentor Les productions Rivard parce qu'ils sont nouveaux sur le marché et qu'ils préparent pour nous une série sur les Métis.
Nous travaillons avec les producteurs hors Québec qui ont accès à un fonds pour les producteurs hors Québec et nous les encourageons à nous présenter des projets. Nous avons des projets de la Colombie-Britannique jusqu'en Acadie en passant par toutes les provinces de l'ouest de l'Ontario et du Québec aussi pour les producteurs indépendants du Québec. Il est certain que pour nous, la production indépendante hors Québec est un investissement et un besoin.
Le sénateur Tardif : Vous avez parlé de toute cette question numérique et des initiatives que vous entreprenez en ce sens. Pensez-vous que les nouveaux médias sociaux, l'Internet, vous avez aussi fait référence, je crois, à la webtélé, offrent davantage de chances aux francophones en milieu minoritaire? Est-ce qu'ils ont plus accès? Est-ce que c'est une possibilité d'utiliser ces nouveaux médias et de rejoindre davantage de communautés en situation minoritaire?
Mme Pleszczynska : Il est certain que l'accès à la programmation et au contenu de Radio-Canada sur toutes les plateformes est un avantage pour les citoyens en milieu minoritaire comme en milieu majoritaire. Il est certain aussi que la possibilité pour tous les citoyens en milieu minoritaire d'avoir accès et de pouvoir rejoindre des enjeux qui peuvent être élaborés ou qui peuvent être diffusés dans d'autres régions, qui peuvent les rejoindre aussi, qui peuvent les intéresser, est un avantage. Il est certain pour nous que la capacité aussi de diffuser des émissions régionales sur Tou.tv augmente le rayonnement de certaines émissions uniquement régionales qui ont été produites pour un auditoire régional et qui sont maintenant disponibles non seulement pour un auditoire national, mais au-delà, à tous ceux qui peuvent s'abonner.
Le sénateur Robichaud : Je vais vous amener sur une scène tout à fait locale, à Saint-Louis-de-Kent.
Un comité avait entrepris différentes démarches, qui avait été annoncées, pour remplacer un foyer de nursing et qui, n'aboutissaient pas. Suite à un communiqué émis par le député, Radio-Canada et CBC sont venus sur les lieux et ont fait un reportage qui a été diffusé aux bulletins de nouvelles et qui, je dois vous dire, a eu toute une influence. Le dossier s'est réglé, non seulement parce que Radio-Canada et CBC avaient agi, mais parce que plusieurs personnes avaient pris connaissance du dossier.
Vous réalisez qu'au niveau local, vous avez toute une influence et que les communautés, dans certains cas, peuvent dépendre des services que vous pouvez leur procurer. Je vous dis merci. Je dis merci à Radio-Canada et à CBC.
Aussi, dernièrement, on s'est réjoui de la nomination de Michel Cormier au niveau régional, à Moncton, mais là, on a entendu dire qu'il y avait un transfert à Montréal.
Mme Pleszczynska : Tout à fait.
Le sénateur Robichaud : Cela nous a causé un certain malaise à savoir si Moncton perdait de la place parce qu'on transférait une personne qui était tout à fait bien pour le poste de Moncton. J'espère que ça n'aura pas de conséquence pour les services qu'on reçoit de Moncton. C'est un commentaire et je comprends que vous ne pouvez probablement pas commenter sur ce sujet.
Puisqu'on s'intéresse à l'utilisation d'Internet, et des nouveaux médias, vous dites que Radio-Canada est le seul média d'information présent dans toutes les régions du pays et sur les plateformes de radio, télévision, Internet et mobiles. Qui accède à ces services, surtout de l'Internet et du mobile? Cela m'intéresse. Est-ce que vous avez une grande fréquentation?
Mme Pleszczynska : Pour ce qui est des chiffres que j'ai présentement pour le site corporatif de CBC Radio-Canada, je pourrais vous dire qu'il y a eu 90 000 visites uniques le mois dernier et qu'un tiers des visiteurs sont francophones. Pour les médias sociaux, le tiers des utilisateurs sont francophones et les deux tiers sont anglophones.
Le sénateur Robichaud : Avez-vous une idée de l'âge des gens qui fréquentent ces sites? Lorsqu'on parle des réseaux sociaux, les gens de mon âge hésitent un peu plus à s'en servir, n'est-ce pas?
Mme Pleszczynska : Peut-être, mais je vous dirais que nous sommes surpris de voir à quel point l'utilisation de l'Internet traverse tous les âges et toutes les régions. Et plusieurs villes et villages les plus éloignés des grands centres ont maintenant accès à des bandes passantes de haute vitesse et se servent effectivement des plateformes numériques justement pour s'alimenter en contenu et pour participer de façon active à l'élaboration et au partage de leurs opinions sur des sujets d'intérêt.
Nous avons effectivement observé que ça traverse tous les âges, bien que l'agilité avec les médias sociaux est probablement acquise par les plus jeunes plus rapidement, mais certainement les citoyens de tous les âges se servent de nos plateformes.
Le sénateur Robichaud : Je pose la question parce que les jeunes des fois vont vers un accès facile — d'ailleurs pas seulement les jeunes, on ne devrait pas les pointer — et souvent l'accès est plus facile pour certains en anglais. On parle de MuchMusic. On parle de toutes ces émissions. C'est la raison pour laquelle je suis intéressé à savoir comment les jeunes peuvent y accéder? Chez nous, cela peut avoir une influence sur l'utilisation de la langue française, la bonne utilisation, si on peut accéder à ces sites et s'il y a des moyens d'encourager les jeunes à aller vers ces plateformes.
Mme Pleszczynska : Il est certain que nous devons être là où les usagers se trouvent.
La plupart de nos émissions ont un compte Facebook, utilisent Twitter, les médias sociaux, non seulement pour encourager la conversation, le débat, l'échange d'opinions, la diversité des voix sur toutes sortes de sujet, mais aussi pour rejoindre des gens qui potentiellement ne sauraient pas que Radio-Canada existe ou que certaines émissions ou certains contenus sont disponibles.
J'ai une petite anecdote moi aussi. Il y a deux ans, nous avons diffusé une émission d'une productrice indépendante de la région de Vancouver. C'était un documentaire qui avait pour titre Ouest qu'on parle français?, qui se penchait justement sur la francophonie de la Colombie-Britannique. Avant la diffusion, nous avons voulu tenir une avant-première et inviter une communauté francophone qui n'était peut-être pas nécessairement la même que celle qui se présente à nos portes tous les jours et que nous connaissons à travers les communautés, les organismes et les institutions francophones de la région.
Nous avons recruté l'auditoire pour notre visionnement par Facebook. L'invitation a été lancée par Facebook. Ce fut un grand moment d'avoir une salle comble avec pas beaucoup de têtes blanche, mais de toutes les couleurs, rouge, bleu, vert, toutes sortes de jeunes qui sont venus nous regarder et participer à cette émission spéciale, et à ce débat que nous avons tenu devant public et enregistré pour diffusion sur la place du français en Colombie-Britannique, et la transformation de la réalité francophone en Colombie-Britannique, justement le passage entre une francophonie locale, celle de Mayarville, et celle qui devient de plus en plus une francophonie composée d'Africains, de gens de tous les continents qui s'installent en Colombie-Britannique et qui parlent français, et qui fait partie du rajeunissement et du renouvellement de cette population.
Le sénateur Robichaud : Bravo!
La présidente : Merci beaucoup. Avant de passer au deuxième tour de table, j'aurais peut-être quelques questions à vous poser.
Il y a une loi au Canada, la Loi sur les langues officielles. Il y a deux communautés de langue officielle en milieu minoritaire au Canada, la communauté francophone et acadienne hors Québec et la communauté anglophone au Québec. La Société Radio-Canada, par l'entremise de l'article 41, la partie VII de la Loi sur les langues officielles, a, à mon avis, des obligations à l'égard de ces communautés.
Maintenant, vous faites de belles choses. Vous nous l'avez dit aujourd'hui. C'est évident, et personne ne pourrait dire autrement. Toutefois, il y a tellement de préoccupations qui ont été énoncées dans les dernières années à travers le Canada, pas juste dans le vent, mais des préoccupations fondées sur des rapports, des études et des recherches qui ont été faites, que ce soit à la SNA, au Nouveau-Brunswick, par le commissaire aux langues officielles et même les rapports du CRTC, et ce sont toujours les mêmes préoccupations qui reviennent.
Puis il y a la Société Radio-Canada/CBC et ses obligations à l'égard de sa contribution au développement et à l'épanouissement de nos communautés. Et lorsqu'on entend comment se développe le plan quinquennal de la Société Radio-Canada, sur quoi il est basé, c'est très difficile à comprendre comment la Société Radio-Canada reconnaît ses obligations à l'égard de sa planification. Je trouve cela très difficile de voir que, dans un premier temps, il y a un plan quinquennal qui est présenté parce qu'on demande le renouvellement de la licence au CRTC; d'autre part, dans les communautés de langue officielle en milieu minoritaire, on a cet outil qui est primordial, qui est tellement important, mais qui ne répond pas nécessairement à nos besoins et qui ne contribue pas suffisamment à notre développement et à notre épanouissement, et là, on est à la merci d'un fonds mis sur pied par le CRTC, qui provient de sources telles que celles que vous nous avez mentionnées et s'il n'est pas renouvelé, on aura encore moins de programmation.
Alors comment peut-on se retrouver dans tout cela, lorsqu'il y a vraiment deux points de vue et que je ne vois pas comment ils peuvent se rejoindre. Il y a tellement de préoccupations et elles sont tellement basées sur des études et des recherches sérieuses et approfondies. Et ce n'est pas nécessairement pris en considération.
Mme Pleszczynska : Madame la présidente, je suis à Radio-Canada depuis plusieurs années, en passant par CBC avant de me joindre à Radio-Canada. Je n'ai jamais vu une stratégie où la place des régions est aussi claire. Il y a trois priorités : une programmation canadienne forte; un ancrage dans les régions; et un avenir et un investissement sur toutes les platesformes numériques. C'est un plan qui est assez simple mais qui en dit long sur les priorités de Radio- Canada. Je crois que ces priorités elles-mêmes, ce plan quinquennal, sont un gage de l'investissement et de la priorisation que fait Radio-Canada dans ces communautés et les régions, incluant les régions en milieu minoritaire comme les régions en milieu majoritaire, qui parfois aussi s'investissent ou veulent s'assurer de leur présence ou du reflet soit de leurs besoins à leurs propres antennes ou aux antennes nationales.
La présidente : Et on pourrait voir une différence dans ce nouveau plan quinquennal qui va jusqu'en 2015?
Mme Pleszczynska : Je crois que le plan est très directionnel et qu'il nous donne tous un élan vers une priorisation dont nous allons tenir compte à chacun des grands événements auxquels nous devrons faire face.
Le sénateur Tardif : Utilisez-vous une lentille article 41 dans les décisions que vous prenez par rapport au plan quinquennal? C'est peut-être en ce sens que Mme la présidente posait sa question. Vous avez le plan quinquennal mais vous avez aussi vos obligations par rapport aux langues officielles et surtout à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, l'épanouissement des communautés en situation minoritaire. Est-ce que vous utilisez, lors de vos décisions du plan quinquennale, une lentille article 41?
Mme Pleszczynska : Il est certain que nous utilisons la lentille du respect de toutes nos obligations, que ce soit en fonction de la Loi sur la radiodiffusion ou en fonction de la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Tardif : Et qui fait cela dans les régions?
Mme Pleszczynska : Nous avons tous la responsabilité, chacune des directions a une responsabilité mais il est certain qu'aux services régionaux, nous sommes un peu les récipiendaires du résultat de ces efforts et de ce travail qui se fait à travers la Société Radio-Canada, et pour CBC, naturellement, la responsabilité réside au réseau anglais. Elle se manifeste dans les régions par la direction, soit au Québec ou dans l'ouest de l'Ontario.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Bientôt nous saurons si le Fonds de l'amélioration de la programmation locale sera maintenu ou modifié ou aboli par le CRTC.
Chaque année, les gens demandent à Radio-Canada de penser aux francophones hors Québec ou devrais-je dire hors Montréal parce qu'au Québec il y a aussi beaucoup de régions qui se sentent marginalisées par rapport à la programmation.
Tout récemment, j'entendais un Acadien se plaindre que Radio-Canada arrive à peine à donner la météo régionale aux francophones hors Québec. Selon cette personne, pour Radio-Canada, l'Acadie semble se résumer à Moncton, St- John's ou Halifax, alors que le nord du Nouveau-Brunswick est peuplé majoritairement de francophones, ainsi que la Péninsule, Restigouche, Madawaska. Ces gens doivent donc se contenter d'une météo approximative qui est celle du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie parce que c'est plus rapproché de leur terre.
Cette personne a souvent protesté. Elle a envoyé des lettres, des courriels, et elle n'a jamais obtenu quelque succès que ce soit. Cela ressemble un peu à ce dont notre collègue, le sénateur De Bané, vous parlait tantôt.
Ma question est la suivante : croyez-vous que l'autonomie financière en région pourrait être une façon de renouveler Radio-Canada?
Mme Pleszczynska : Madame la sénatrice, j'ai envie de vous répondre en disant que l'organisation de Radio-Canada est un peu à l'image du pays, dans le sens où nous avons dans chacune de nos régions, dans chacune de nos provinces, une direction, des priorités, des objectifs, des stratégies qui sont regroupés au centre pour s'assurer qu'il y ait une cohérence à travers le pays.
Cependant, pour la question spécifique que vous posez sur le besoin en information locale, j'ai peine à comprendre pourquoi votre collègue, votre ami ou votre interlocuteur n'arrive pas à trouver l'information locale, parce que nous avons, dans les deux dernières années, augmenté de façon assez substantielle toute l'information locale, le contenu local à même nos émissions locales. Il y a maintenant de la météo locale dans chacun de nos téléjournaux en région, de Vancouver jusqu'à Moncton, pour l'Acadie; et chacun de nos téléjournaux présente cette information plusieurs fois dans le courant de l'heure du téléjournal.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Informez-vous donc pour savoir si le nord du Nouveau-Brunswick est couvert aussi.
Mme Pleszczynska : Il est là. Toute la péninsule acadienne et les maritimes sont présentes, au téléjournal local par ailleurs.
Le sénateur De Bané : Madame, combien de journalistes travaillent dans les services régionaux de la Société Radio- Canada hors Québec?
Mme Pleszczynska : Je pourrais vous envoyer l'information.
Le sénateur De Bané : Je vous dirais que c'est plus de 200.
Mme Pleszczynska : Absolument.
Le sénateur De Bané : Sur ce contingent de plus de 200 journalistes qui travaillent dans les neuf provinces hors Québec, combien sont des jeunes journalistes talentueux qui ont fait leurs études et qui viennent de ces neuf provinces? Et combien sont des Québécois qui ont été envoyés dans ces provinces?
Mme Pleszczynska : Je vous dirais qu'il y a un équilibre entre les journalistes et les animateurs, parce qu'il y a une croissance, une évolution dans la carrière d'un journaliste.
Le sénateur De Bané : Combien y a-t-il de Québécois parmi ce contingent de 200 journalistes?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas vous donner un pourcentage.
Le sénateur De Bané : Maintenant, au sujet des journalistes de la Société Radio-Canada au Québec, combien sont- ils?
Mme Pleszczynska : Je peux vous envoyer ces chiffres.
Le sénateur De Bané : Est-ce que ça vous étonnerait si je vous disais qu'ils sont plus nombreux que les journalistes de la CBC dans la province de l'Ontario, qui est évidemment une population bien plus importante que celle du Québec?
Mme Pleszczynska : Je ne pourrais pas faire la comparaison.
Le sénateur De Bané : Madame, ce fut une rencontre extrêmement profitable. J'ai appris des choses, comme par exemple que madame la directrice de la programmation connaît le nombre exacte des francophones hors Québec dont la langue maternelle est le français, mais n'a aucune idée des locuteurs francophones venant des Amériques, de l'Europe, du Moyen-Orient, de l'Afrique, dont la langue maternelle n'est pas le français, mais qui parlent le français.
C'est ainsi que pour ma part, ma langue maternelle, madame la directrice de la programmation, c'est l'arabe. Mais je m'identifie comme francophone et je ne suis pas dans le groupe restreint de ceux dont la langue maternelle est le français. Et je vous soumets respectueusement que votre clientèle potentielle ce sont tous les locuteurs francophones qui parlent le français, qui comprennent le français, particulièrement les centaines de milliers d'anglophones, mes compatriotes, qui, soit à l'école, soit à d'autres moments, en immersion ou autrement, ont appris le français. Je pense, entre autres, au ministre titulaire de Patrimoine canadien, qui est votre porte-parole au Parlement.
Nous avons également appris que madame la directrice de la programmation n'a aucune idée, sur une période d'un an, du pourcentage des nouvelles qui concernent le Québec sur le réseau, sur les nouvelles internationales, les nouvelles concernant le Canada tout entier ou les provinces canadiennes.
Madame la présidente, si vous me permettez, comme nous avons avec nous deux personne très compétentes des services régionaux, j'aurais une série de questions que, avec la permission du comité, je voudrais envoyer à la haute direction de tout le réseau, tant de Radio-Canada que de CBC, à travers vous, madame la présidente, pour avoir des réponses écrites à ces questions écrites. J'ai plusieurs questions que je voudrais leur poser. Est-ce que j'ai la permission du comité?
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pourquoi pas?
Le sénateur De Bané : Je vous remercie, je vous soumettrai ma liste de questions.
La présidente : Et on va les faires parvenir, c'est bien cela?
Le sénateur De Bané : Oui, à travers vous, si vous aviez l'amabilité de les envoyer à la direction de Radio-Canada. Je remercie madame la directrice de la programmation qui va nous envoyer la liste des journalistes — moi je l'ai ici mais elle n'est pas à jour — et, évidemment de Shared Services Centre Business Intelligence, de la société CBC/Radio- Canada.
Si je pouvais vous en dire davantage, ce qui m'étonne, madame la présidente, c'est que le nombre de journalistes à la Société Radio-Canada, est supérieur à celui de la CBC. Le nombre de journalistes au Québec de la SRC est plus important que celui de la CBC en Ontario.
La présidente : Merci, sénateur De Bané. Mesdames, au nom du comité, j'aimerais très sincèrement vous remercier d'être venues vous présenter ici à titre de témoins et d'avoir tenté de répondre aux nombreuses questions qui vous ont été posées. Vous voyez que nous avons beaucoup d'intérêt, et nous croyons beaucoup à CBC/Radio-Canada et à l'importance du développement et de l'épanouissement de nos communautés de langues officielles en milieu minoritaire. C'est la raison pour laquelle nous procédons à cette étude et pour laquelle nous vous avons posé tellement de questions. J'espère que vous comprendrez notre intention de, justement, comprendre un peu mieux de quelle façon vous développez la programmation et comment vous répondez à vos obligations à l'égard de la Loi sur les langues officielles, plus précisément la partie VII.
Mme Pleszczynska : Tout à fait, merci, madame la présidente, merci à tous les sénateurs, bonne soirée.
La présidente : Honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)