Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 11 - Témoignages du 28 mai 2012
OTTAWA, le lundi 28 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 2 pour étudier l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à notre réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je me présente, sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.
Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'invite les membres du comité à se présenter.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis la sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, de la région de Québec.
Le sénateur Poirier : Je suis la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Losier-Cool : Je suis la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Ringuette : Je suis la sénatrice Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La présidente : Le comité poursuit son étude sur l'utilisation d'Internet et des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens. Nous entendrons aujourd'hui les représentants d'un journal local anglophone pour nous aider avec cette étude. Nous avons ainsi le plaisir d'accueillir M. Jim Duff, rédacteur en chef, et Mme Louise Craig, éditrice, du Hudson St. Lazare Gazette.
Au nom des membres du comité, je vous remercie tous les deux de votre présence aujourd'hui. Vous avez la parole. Les sénateurs pourront ensuite vous poser des questions.
Jim Duff, rédacteur en chef, Hudson St. Lazare Gazette : Nous sommes ici pour vous donner notre point de vue sur l'utilisation d'Internet et la façon dont cadre notre petit monde dans tout cela. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, je précise que nous publions un journal hebdomadaire dans la région de Vaudreuil-Soulanges. C'est une région en pleine expansion. La ville de Vaudreuil-Dorion a connu une croissance de 29 p. 100 depuis le recensement de 2006. Entre 2006 et 2011, la population est passée de 25 000 à 33 000 habitants.
Nous offrons un journal régional hebdomadaire de langue anglophone aux habitants de cette région, mais aussi à une vaste diaspora d'anciens résidents de notre collectivité mère, c'est-à-dire Hudson-St-Lazare. Au total, Hudson compte quelque 5 300 habitants, et St-Lazare environ 19 000. La diaspora regroupe probablement trois fois plus de gens. Il s'agit d'une population de passage, qui part et revient. Les anglophones sont plus mobiles que leurs homologues francophones. Ils s'installent dans la région, y restent un moment, puis repartent. Ils s'adaptent très facilement. Ils considèrent Hudson et St-Lazare un peu comme un chez-soi spirituel, là où se trouvent et où vont demeurer leurs racines, un endroit où passer leurs vieux jours. Beaucoup reviennent s'y installer à leur retraite d'ailleurs.
Nous sommes devenus une communauté virtuelle autant qu'une communauté réelle. La communauté réelle est formée d'environ 50 000 anglophones de la région de Vaudreuil-Soulanges, qui a une population d'un peu plus de 130 000 habitants à l'heure actuelle. Entre 35 et 40 p. 100 de la population est anglophone.
Pour un journal hebdomadaire, une des difficultés consiste à trouver la masse critique nécessaire pour servir tant la communauté virtuelle que la communauté réelle pour lesquelles nous publions notre journal chaque semaine. Pour la communauté réelle, c'est facile, le journal est publié sur papier. Les copies imprimées sont distribuées. Mais pour la communauté virtuelle, il faut établir une habitude. Les gens consultent Internet en sachant qu'ils trouveront ce qu'ils cherchent. Ils vont revenir toutes les semaines ou tous les jours. Cependant, si vous ne pouvez pas actualiser votre contenu tous les jours, il ne faut pas prétendre le contraire. Le Web est aussi étrange que cela. Les promesses non tenues sont mauvaises pour les affaires. Votre produit de base va en souffrir si vous ne remplissez pas votre contrat.
Une des questions que nous avons eu à nous poser est « jusqu'à quel point devons-nous étendre notre présence sur le Web? ».
Nous avons un site Web et une page sur Facebook. Nous n'allons pas nous lancer sur Twitter. C'est déjà difficile de suivre le fil avec Facebook. Quand j'ai commencé à écrire un blog pour la radio à Montréal, il y a 5 ou 10 ans, une fois par jour suffisait. Aujourd'hui, il faut intervenir 5 ou 10 fois par jour. J'ai des collègues à La Presse qui publient dans leur blog toutes les heures. Nous ne pouvons pas commencer à faire cela. Nous n'avons pas le personnel nécessaire.
Nous devons faire attention de ne pas promettre à la communauté virtuelle des choses que nous ne pouvons pas offrir sur papier. Jusqu'où pouvons-nous aller? L'éditrice et moi en avons discuté. Nous ne pouvons pas assurer une présence plus grande que ce que nous permettent raisonnablement nos moyens.
Louise Craig, éditrice, Hudson St. Lazare Gazette : La beauté d'utiliser Internet ou le Web pour publier des journaux communautaires, c'est que cela nous permet de diffuser l'information aux lecteurs aussi rapidement qu'il le faut. S'il y a un accident, un avertissement d'eau contaminée ou un problème à signaler avec une des écoles, nous pouvons afficher les renseignements sur-le-champ. Cela ne pose pas de problème pour nous d'afficher l'information en français ou en anglais. Je sais que l'étude porte sur le respect des droits linguistiques et l'utilisation du Web, mais les choses se compliquent grandement quand on ajoute l'aspect linguistique à l'équation. Comment régir l'utilisation des langues sur le Web? Il existe près d'un milliard de sites dans le monde en ce moment. Est-il vraiment possible de surveiller d'où arrive l'information dans ce contexte?
Si un site Web est chargé pour vous ici à partir d'un autre pays, ce qui peut très bien arriver, qui va contrôler tout cela? Le Canada? Le pays d'où l'information a été téléchargée? Il faut penser que si on devait choisir cette avenue, cela pourrait poser problème pour un journal anglophone de publier de l'information assujettie à la loi 101. C'est un réel problème. Notre MRC représente 23 municipalités, et je suis leur porte-parole en ce qui concerne la santé et les services sociaux. Beaucoup de ces services ne sont pas offerts en anglais. Selon la loi, ils devraient l'être, mais seulement là où ils sont disponibles. Si les services ne sont pas disponibles, sans que ce ne soit la faute à personne, mais simplement parce que le personnel n'est pas bilingue, ne serait-ce pas bien d'avoir un centre de référence qui peut offrir l'information en anglais? C'est ce que nous pouvons faire. Nous sommes en mesure de fournir ces renseignements. Cela nous donne l'occasion de le faire. Je pense qu'il serait difficile de donner un mandat francophone ou anglophone. Cela devient très compliqué.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis heureuse d'apprendre que la population anglophone de votre région a augmenté de façon très importante. Aussi, je trouve extraordinaire le fait de promouvoir le plus possible les activités anglophones qui se déroulent dans votre région. En d'autres mots, vous faites le pont entre deux cultures. Vous vous faites un devoir de publier une information de qualité, en anglais, sur les activités sociales et politiques.
Il y a une question que je ne serais pas supposée vous poser et qui fait un suivi de votre dernière comparution devant le comité. Vous aviez dit que vous aviez de grands défis à relever en matière de distribution et de concurrence avec les grandes chaînes de journaux. Est-ce que ça s'est amélioré?
Mme Craig : Ça existe toujours et ça va continuer d'exister. C'est clair qu'il y a un débat entre Transcontinental et Quebecor. Il s'agit de savoir qui conservera le marché de la publication et de la distribution. Soit qu'ils forment une concurrence qui n'était pas là auparavant, soit qu'ils achètent des journaux pour former une concurrence.
La publication des journaux telle qu'on la connaît aujourd'hui va-t-elle continuer? C'est difficile de le savoir. Aux États-Unis, les grandes villes ont maintenant des quotidiens qui n'en sont plus parce qu'ils ne sont publiés que trois jours par semaine. Qu'est-ce que cela indique pour les journaux communautaires?
Dans notre secteur d'activité, l'imprimerie, la distribution et Postes Canada coûtent très cher et nous n'avons accès à aucun fonds, qu'il soit gouvernemental ou d'assistance. Tout ce qui constitue une source de revenu du journal provient uniquement de la publicité, dans une économie qui n'est pas en croissance présentement.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Duff, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Duff : Comment valoriser Internet? Comment appliquer un modèle qui soit durable et qui puisse grandir avec le temps? Quel est l'avenir d'un journal comme le nôtre? Sera-t-il encore publié sur papier ou sera-t-il seulement disponible via Internet ou via une application iPhone?
Puisqu'il y a de plus en plus d'utilisateurs de téléphones intelligents, il faut développer différents modèles d'application et cela coûte cher. Est-ce que ce sera notre futur? On ne sait pas.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Sentez-vous qu'un journal comme le vôtre est désavantagé dans cette ère de communications instantanées et interactives, dans laquelle les gens utilisent davantage le Web et les nouveaux médias?
Mme Craig : Je dirais qu'on a plus un avantage qu'un désavantage. On est ultra local. Les gens veulent savoir ce qui se déroule dans leur communauté. C'est important pour eux de savoir ce qui va se passer s'il y a un problème avec une école ou quelque part d'autre. Ils veulent savoir si leur municipalité augmentera les frais. Voilà ce qui est important pour la population.
Pour nous, je crois que ce sera un atout d'être visible et de concurrencer sur le Web. Comme Jim l'expliquait tantôt, les grands quotidiens ont des employés qui bloguent et qui prennent des photos. Toutes les cinq minutes, ils publient de l'information et ce, pour essayer de conserver l'intérêt des gens intéressés sur leur site.
Comment amène-t-on les gens sur notre site alors qu'il y a près d'un milliard de sites Web dans le monde? Comment faire pour garder notre population? Par exemple, est-ce qu'on pourra survivre fiscalement en ayant seulement un mode d'entrée d'argent pour un site Web? Comment pourra-t-on payer les comptes?
Si c'est bel et bien ce qu'on va voir dans le futur, il y aura une très forte diminution du nombre de gens qui vont travailler pour les journaux. On verra davantage de gens qui sont techniques, qui pourront monter l'information pour les grandes chaînes de journaux. Il sera possible de se servir de l'information sur la base d'une province ou d'une ville et d'envoyer la même information à tout le monde.
M. Duff : La qualité de l'information est une autre préoccupation. De plus en plus je remarque que certains médias tels la radio et la télé prennent de l'information de notre journal. C'est pourquoi nous avons décidé de fixer un délai de 24 heures pour la publication de l'information sur notre site, simplement pour empêcher les gens de voler l'information que l'on publie.
On n'a pas le choix. Sinon, la journée même de notre parution, l'information sera déjà volée. Il y a deux ou trois autres journaux qui attendent 24 heures avant de publier pour pouvoir capturer l'information de notre journal et celle des autres qui publient le mercredi. On parle de piratage d'information. C'est un problème majeur qui fait que l'on perd la valeur de l'information. Deuxièmement, il manque la rigueur journalistique sur le plan de la vérification de la source de l'information.
Je fais des erreurs, j'avoue que je ne suis pas toujours efficace à 100 p. 100. Mais une fois par mois au moins, je vois une erreur que j'ai commise mais je la vois dans un autre journal. Je trouve ça bizarre. Et sur Internet, le piratage est multiplié par 1 000.
Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est la première fois que nous avons un témoin qui nous parle de piratage d'information. Je suis bien contente d'apprendre quelque chose de nouveau. Merci d'avoir répondu à mes questions.
[Traduction]
Le sénateur Poirier : Merci pour votre présentation. Je vais vous poser mes questions en anglais, si ça ne vous dérange pas.
Premièrement, s'agit-il d'un journal quotidien ou hebdomadaire?
Mme Craig : C'est un journal hebdomadaire. Il paraît tous les mercredis.
Le sénateur Poirier : Comment est financé votre journal? S'appuie-t-il essentiellement sur des revenus publicitaires?
Mme Craig : La totalité du financement provient des ventes publicitaires.
Le sénateur Poirier : Est-ce que les gens paient pour recevoir votre journal?
Mme Craig : Non, c'est gratuit; sauf hors province, où on exige des frais minimes.
Le sénateur Poirier : Si votre journal était vendu, est-ce que vous pourriez obtenir du financement quelque part? Y a-t-il moyen d'obtenir de l'aide financière?
Mme Craig : Ce serait encore trop peu en comparaison aux coûts de publication. Ce ne serait pas suffisant pour survivre.
Le sénateur Poirier : En ce moment, la population locale finance vos activités. J'en conclus que les ventes publicitaires vont bien?
Mme Craig : Tout notre financement provient des ventes publicitaires. Heureusement, nous sommes dans une région en pleine expansion. On observe une bonne croissance en Montérégie. C'est le segment qui grandit le plus rapidement, et c'est certainement le segment anglophone qui se développe le plus rapidement au cœur de la Montérégie. C'est donc important pour l'ensemble du Québec. Le secteur de la santé et des services sociaux reçoit un financement accru en raison de la forte croissance de la population. Les services ne sont pas disponibles en ce moment, alors nous devons en quelque sorte guider les gens qui sont venus s'installer dans la région.
Le sénateur Poirier : Le journal communautaire que vous publiez en ce moment est exclusivement anglophone?
Mme Craig : Il comporte également une petite section francophone.
Le sénateur Poirier : Est-ce que vous distribuez une version française de votre journal pour la population francophone de la région? Desservez-vous aussi la population francophone?
Mme Craig : Nous ne desservons pas la population francophone. Il existe déjà deux journaux de langue française dans la région, et c'est suffisant.
Le sénateur Poirier : Monsieur Duff, vous avez dit tout à l'heure qu'il était difficile pour votre petite organisation de suivre le fil et de répondre aux attentes des gens, en plus de faire de la promotion et de mettre à jour la page Web de votre journal chaque jour. Est-ce que la population que vous desservez réclame vraiment une plus grande interaction avec le journal dans les médias sociaux?
M. Duff : Oui, absolument. Nous avons un petit groupe de 500 ou 600 loyaux lecteurs qui « aiment » notre page sur Facebook. Nous utilisons Facebook comme première ligne d'information. L'interface de Facebook nous permet de publier de l'information instantanément. Il est possible d'ouvrir la page d'un peu partout, grâce à un iPad ou à un autre appareil, et d'afficher les renseignements immédiatement. Nous obtenons une réponse immédiate, dans les minutes qui suivent.
Avec le site Web, c'est beaucoup plus compliqué. Je n'ai pas les outils qu'il faut, et Mme Craig non plus d'ailleurs, pour le mettre à jour moi-même. Il faut faire appel à un technicien. Cela demande donc plus de travail, d'argent et de temps.
Nous avons appris qu'il est préférable d'utiliser les médias sociaux pour assurer une présence immédiate, comme le mentionnait Mme Craig. L'inconvénient avec les outils comme Twitter, c'est qu'on peut difficilement s'en passer après un certain temps. C'est vrai autant pour les journalistes que pour les lecteurs.
C'est la ligne que nous ne voulons pas franchir, car nous allons y consacrer tout notre temps. Nous passons tous des heures là-dessus. Qu'est-ce que cela signifie? On parle d'un millier de courriels par semaine, un déluge de messages qu'il faut passer au crible, même si 90 p. 100 d'entre eux ne s'avèrent pas importants.
C'est la même chose. Comment gérer une telle surcharge d'information de façon viable? C'est toujours la question qu'on se pose : qu'est-ce qui est viable?
Le sénateur Poirier : Vous parlez aussi dans les notes qui nous ont été distribuées des problèmes que vous avez rencontrés lorsqu'on vous a demandé de représenter la population anglophone de la région à l'égard de la prestation des services de santé et des services sociaux. Vous avez souligné le manque de bénévoles bilingues dans la région.
Est-ce que la situation s'est améliorée?
Mme Craig : Nous sommes aux prises avec un grave problème. Nous avons dû y voir nous-mêmes. Il s'agit d'une ligne de prévention du suicide. Dans notre région, un peu plus d'une centaine de personnes tentent de se suicider chaque année. Je pense que les statistiques en sont à 18 suicides par année dans la région. La plupart des victimes sont des hommes âgés entre 45 et 55 ans.
Un des problèmes que j'ai constatés depuis que je siège au conseil, et lorsque j'ai passé en revue les différents groupes sociaux en place, c'est qu'il manque de services offerts en anglais. Il manque aussi de services sociaux et de services en santé mentale pour les personnes âgées atteintes d'Alzheimer. Toutefois, pour ce qui est des suicides, il n'y avait que des bénévoles francophones à la ligne d'aide. À l'occasion, un bénévole bilingue pouvait retourner l'appel, mais il pouvait s'écouler trois jours entre les deux.
Notre comité a souvent parlé de la nécessité d'agir. Finalement, après avoir attendu une résolution de la part du conseil pendant un an et demi, nous avons décidé de prendre la situation en main. M. Duff a téléphoné au coordonnateur de la ligne de prévention du suicide et lui a demandé s'il était au courant que ce service n'était pas offert aux anglophones 24 heures sur 24.
M. Duff : Nous avons fait le test. On remarque de plus en plus que la chose à faire est de tester le système et de téléphoner en prétendant avoir besoin d'aide pour savoir si le service est disponible.
Ce n'est pas une question de mauvaise volonté. Ce n'est pas non plus parce que les autorités refusent d'offrir des services en anglais. Cependant, dans notre région par exemple, l'indicatif régional utilisé est le 450, qui s'applique à toute la Montérégie, mais aussi à la Côte-Nord et à Laval. La majeure partie de la région ceinturant l'île de Montréal utilise le 450.
Ils doivent trouver un moyen de trier automatiquement les appels. Un mécanisme est en place pour les acheminer au bon endroit, mais la technologie ne permet pas de savoir si l'appelant est francophone ou anglophone. Donc, si les appels sont acheminés à un centre de prévention du suicide à Valleyfield, mais qu'ils doivent être relayés à Saint-Jean-sur-Richelieu ou ailleurs parce que le personnel est en pause, il se peut qu'il n'y ait personne sur place pour répondre à l'appel en anglais.
On voit ce genre de choses régulièrement, et elles ne sont pas dues à un manque de volonté; c'est simplement qu'on ne met pas à l'essai la technologie pour vérifier qu'elle fonctionne vraiment.
C'est ce que nous faisons. Nous vérifions les taux de survie des patients transportés en ambulance, par exemple. Grâce aux demandes d'accès à l'information, nous tentons de comprendre pourquoi il faut 36 minutes pour répondre à un appel d'urgence à Rigaud, et 20 minutes à Vaudreuil-Dorion. Ces deux villes n'ont pas de défibrillateur, alors ces personnes vont mourir. Si leur cœur s'arrête, on ne pourra pas les ranimer à temps. Ils vont mourir.
Notre travail consiste à surveiller constamment ce qui se passe, et à sensibiliser la population de notre région. Personne d'autre ne le fait. La Gazette, à Montréal, ne le fait pas. Ce n'est pas son travail. C'est notre travail. C'est le mandat d'un journal régional hebdomadaire.
Le sénateur Poirier : Vous allez beaucoup plus loin que le mandat normal d'un journal.
M. Duff : Mme Craig et moi avons le sentiment que c'est notre devoir.
La présidente : Êtes-vous les propriétaires du journal?
Mme Craig : Oui.
La présidente : Est-ce que votre journal est considéré comme une petite entreprise?
Mme Craig : Pour ce qui du fonctionnement et des activités du journal, il serait considéré comme une petite et moyenne entreprise.
Le sénateur Losier-Cool : C'est la question et c'était aussi la question pour la publicité. C'est privé.
[Français]
Le gouvernement fédéral se sert-il de votre journal pour annoncer ses services?
Mme Craig : Pas régulièrement, je dirais seulement de temps en temps. C'est plutôt notre député fédéral, ce serait plutôt le département du député qu'on a.
Le sénateur Losier-Cool : Assez rarement.
Mme Craig : C'est rare, oui.
Le sénateur Losier-Cool : On a déjà reçu des plaintes à cet effet.
Mme Craig : On ne pourrait pas vivre de cela.
Le sénateur Losier-Cool : Dans vos commentaires ici, cet article a-t-il été préparé pour le comité ou s'il s'agit d'une page éditoriale de votre journal?
Mme Craig : Non, c'est pour le comité même.
Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais que vous précisiez votre pensée un petit peu au niveau de l'avant-dernier paragraphe, lorsque vous vous questionnez à savoir si le gouvernement devrait avoir la mainmise sur Internet. Également : « Il suffit d'observer la Chine pour constater les effets sur les résidents. » Expliquez-nous la différence entre les Chinois et les Canadiens qui sont sujets à une loi sur les langues officielles et sur les services essentiels. Qu'est-ce qui se passe en Chine?
Mme Craig : Si on bloque l'accès à l'information, si on ne donne pas le droit aux gens de savoir ce qui se passe, si le gouvernement bloque toutes les informations qui viennent de l'extérieur du pays, vous ne saurez pas ce qui se passe ailleurs, vous n'aurez pas l'information, les nouvelles ou les réseaux qui vous permettent d'avoir une bonne vie.
Le sénateur Losier-Cool : Vous parlez de la liberté d'expression, la liberté de presse et, au Canada, nous sommes protégés par la Charte.
Mme Craig : Oui.
Le sénateur Losier-Cool : On a une liberté d'expression différente de la Chine. Dans le paragraphe précédent, vous vous questionnez si le gouvernement fédéral devrait se mêler de droits linguistiques et seulement si les services essentiels ne peuvent être fournis. Quelle différence voyez-vous entre les services essentiels et les services égalitaires — je ne sais pas si c'est le bon mot — selon la Loi des langues officielles?
Mme Craig : Si cela concerne la santé, tout le monde a droit aux mêmes informations. Malheureusement, ce n'est pas le cas au Québec. Quand c'est la Loi 101 qui décide du droit de quelqu'un à mettre l'information sur un site anglais, cela devient sérieux. Pourquoi les Québécois anglophones n'auraient-ils pas l'accès aux mêmes informations que quelqu'un qui, lui, est capable de parler français?
Notre centre de développement local a bâti leur site en anglais et en français. Cela s'adresse à n'importe qui, que ce soit pour se trouver un emploi ou pour gérer un commerce. Aussitôt qu'ils ont mis un site anglophone, ils se sont fait taper sur les doigts par le gouvernement à cause de la Loi 101. Ce n'est pas correct. Tout le monde devrait avoir droit à cela. On ne devrait plus avoir à craindre que quelqu'un parle une langue différente de la nôtre. On devrait pouvoir publier ces informations en autant de langues possibles afin que tout les Canadiens y aient accès. Il faut que ces gens soient en mesure de comprendre. On ne devrait pas avoir ces craintes. Cela n'enlève rien à personne.
Le sénateur Losier-Cool : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais vous êtes aussi d'accord pour dire que le gouvernement fédéral ne peut pas appliquer la Loi 101.
Mais pour répondre à votre question à savoir si le gouvernement fédéral devrait se mêler des droits linguistiques, la réponse est oui, absolument. Il n'a pas le choix. Il y a une loi pour cela.
M. Duff : Nous avons une situation intéressante dans nos régions. Nous avons une population grandissante d'anglophones ou de gens qui s'expriment en anglais, les gens déménagent de Montréal vers l'Ouest. Ces villes doivent offrir des services en anglais. Mais officiellement, seulement trois municipalités de notre région ont le droit, d'après la Loi 101, d'accorder des services anglais ou des services bilingues officiels. Ces trois municipalités sont Hudson, Pincourt et la ville d'Île-Cadieux, pour un total de 80 familles. Mais il serait presque impossible, pour les autres municipalités, comme Saint-Lazare, avec une population égale de francophones et d'anglophones, ou comme Vaudreuil-Dorion, avec une population de 35, 40 p. 100 d'anglophones, de franchir la barrière de la langue maternelle anglaise. En 1999, la Loi 101 a été modifiée non pas pour les municipalités ayant 50 p. 100 d'anglophones, mais pour celles où 50 p. 100 de la population est de langue maternelle anglaise. Cela crée une barrière pour les municipalités comme Vaudreuil-Dorion, qui veulent offrir des services en anglais. Et cela pénalise de plus en plus les journaux, pas seulement le nôtre mais tous les journaux anglophones au Québec, qui veulent publier des avis spéciaux, comme à Vaudreuil-Dorion par exemple, en ce qui concerne le règlement sur l'arrosage. Comme ils n'ont pas le droit de mettre cet avis en anglais sur leur site Web, ils publient l'information dans leur journal parce qu'ils ont le droit de publier en anglais.
Mme Craig : Par exemple, il y aura une élection municipale bientôt, à Saint-Lazare, pour l'élection d'un nouveau maire. Toute la publicité faite pour indiquer aux citoyens où et quand se tiendra l'élection, qui seront les candidats, n'est faite qu'en français, bien que 50 p. 100 de la population soit anglophone. Mais la loi dit que cela doit être fait en français et qu'il n'y a aucun besoin de le faire en anglais.
Il y a beaucoup d'informations que les francophones tiennent pour acquis alors que les anglophones ne reçoivent pas ces informations. C'est nous qui devons, sur notre site, dire aux gens qu'il y aura une élection, où et quand elle se tiendra, et les informations à savoir.
Le sénateur Losier-Cool : C'est le défi que les minorités rencontrent partout à travers le Canada.
Le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles a entrepris la semaine dernière des visites de consultation sur la Feuille de route. Il est déjà allé au Nouveau-Brunswick. Savez-vous si les anglophones du Québec seront invités à rencontrer le ministre des Langues officielles?
Mme Craig : Pas que je sache.
Le sénateur Losier-Cool : Dans l'annonce, on disait qu'il irait au Québec. Mais l'autre langue officielle, au Québec, c'est l'anglais.
Mme Craig : Je n'en ai aucune idée. On siège sur plusieurs comités.
Le sénateur Losier-Cool : On va souhaiter que les médias soient invités à cette rencontre afin qu'ils puissent faire connaître les difficultés rencontrées en ce qui concerne la Loi 101, au provincial, et la Loi sur les langues officielles, au fédéral.
Mme Craig : Il faut siéger à des tables de concertation impliquées dans ce sujet. On siège sur deux de ces tables de concertation, mais vous m'apprenez quelque chose.
Le sénateur Losier-Cool : On va vérifier.
Le sénateur Poirier : Combien y a-t-il de journaux anglophones pour desservir la population anglophone au Québec?
M. Duff : Des journaux anglophones, quotidiens et hebdomadaires...
Mme Craig : Peut-être 40?
M. Duff : La Gazette, le Sherbrooke Record sont les deux quotidiens, et pas plus d'une vingtaine...
Mme Craig : Je dirais environ 40.
M. Duff : Il y a des chaînes qui sont des propriétaires des journaux.
Le sénateur Poirier : Quel serait approximativement le pourcentage de la population du Québec anglophone?
M. Duff : Qui s'exprime en anglais langue maternelle?
Le sénateur Poirier : Qui utilise l'anglais pour lire le journal?
M. Duff : Un million...
Mme Craig : Cela dépend des villes. À Montréal, c'est environ 30 p. 100.
La présidente : Un million qui s'exprime en anglais? Et langue maternelle, la moitié?
M. Duff : C'est difficile à dire. J'ai vérifié sur le recensement de 2011, mais les informations ne sont pas encore publiées. C'est une estimation.
Le sénateur Poirier : Quelle est la population totale de la population de la province de Québec, anglophone et francophone?
M. Duff : Autour de sept, huit millions.
Le sénateur Poirier : Donc si, sur une population de sept millions, un million de personnes sont anglophones, il me semble que vous devriez être suffisamment nombreux pour faire pression sur vos élus provinciaux afin de vous assurer de recevoir des services dans votre langue. Je suis surprise que les gens ne se regroupent pas pour s'assurer d'avoir accès à l'information dans leur langue. Ils sont quand même un million. C'est beaucoup de gens.
Mme Craig : Ils sont éparpillés un peu partout à travers le Québec.
Le sénateur Poirier : Ils ne sont pas dans une grosse communauté.
Mme Craig : Non, ils ne sont pas regroupés. Mais je dirais que les anglophones ont plus tendance à s'organiser en communautés, où ils font leurs propres levées de fonds pour recevoir le service. Mais ce n'est pas disponible pour tout le monde. Il y a des professions où il n'y en a pas.
Il y a un nouveau médecin qui a commencé à pratiquer à Saint-Lazare. On a écrit un article dans notre journal à ce sujet, et deux semaines après, la journée où il a commencé sa pratique, en février, 500 personnes ont attendu quatre heures afin d'être sur une liste d'attente pour pouvoir consulter ce médecin. C'est incroyable.
Le sénateur Poirier : Mais il n'y a jamais eu de démarche pour que toutes ces petites populations anglophones se réunissent autour d'une même table afin d'essayer de se faire entendre au lieu de travailler en petits groupes indépendants?
Si je prends comme exemple le peuple acadien, au Nouveau-Brunswick, c'est à force de se réunir qu'ils ont réussi à faire et à obtenir quelque chose.
M. Duff : L'industrie du camionnage a amené une importante population sikh à Vaudreuil-Dorion, parce que plusieurs hommes de cette communauté sont des camionneurs longue distance. Toutes les compagnies de camionnage à Vaudreuil-Dorion recherchaient des camionneurs expérimentés et trouvaient un réseau important de personnes qui étaient prêtes à venir d'Inde pour emménager ici.
Maintenant, je livre le journal dans ce secteur le mercredi matin avec mon équipe de distributeurs; de temps en temps j'engage des jeunes Indiens pour livrer les journaux, payés six cents la porte. Ils sont très contents de gagner cet argent, en passant.
La communauté est en plein changement. Cela change d'une année à l'autre, c'est incroyable, la différence, notamment les asiatiques à l'Île-Perrot. Il n'y a pas à proprement parler de notion de communauté qui se sert de la langue anglaise; il y a toutes sortes de communautés différentes. Chaque jour, chaque semaine on voit une nouvelle communauté, un nouveau groupuscule, qui recherche notre journal, par exemple des Philippins qui emménagent chez nous. C'est vraiment un écho de Montréal, un écho du centre ville, des gens qui recherchent la vie de banlieusard et qui emménagent chez nous.
La présidente : Ces gens parlent-ils anglais?
M. Duff : Oui, tous.
La présidente : Est-ce qu'ils parlent aussi le français?
M. Duff : Oui.
La présidente : Ils parlent les deux langues officielles?
Mme Craig : Pas tous. Beaucoup ne parlent que l'anglais.
[Traduction]
Pour répondre à votre question, bon nombre des anglophones ont peur de parler. C'est ce qu'ils nous disent. Ils craignent qu'on leur refuse l'accès à des soins de santé. C'est pour cette raison qu'ils ne se mobilisent pas. Les anglophones ne sont pas de nature combattive à cet égard. Ils se débrouillent par eux-mêmes pour remédier à la situation. Ils ont presque honte de demander de l'aide parfois.
Nous avons vu récemment, et c'est la première fois que cela se produit, un petit groupe s'organiser dans une ville près de chez nous. C'est à Vaudreuil-Dorion, une ville multiculturelle qui a une population de 33 000 habitants. Des résidents se sont réunis et ont insisté pour que la Ville leur fournisse de l'information en anglais. Ils se sont dit qu'ils étaient assez nombreux et qu'il était important qu'on leur donne l'information dont ils ont besoin. Avant cela, personne n'avait osé le réclamer. C'est nouveau. Nous entrons dans une ère toute nouvelle, car il y a de plus en plus de résidents anglophones dans notre région. Ils arrivent dans la région et réclament des services auxquels ils étaient habitués et pour lesquels ils n'ont jamais eu à attendre.
Pour un enfant anglophone de notre région, il est difficile d'établir un diagnostic d'autisme. Un enfant francophone attendra moins longtemps. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de services, mais plutôt parce que les spécialistes ne sont pas parfaitement bilingues. On a besoin de certaines conditions et de faire certaines choses pour qu'ils aient accès à cela.
En siégeant au comité, j'ai regardé les services offerts et j'ai découvert entre autres qu'il n'y a pas de ligne gaie dans notre région avant minuit. J'ai trouvé cela très étrange. À minuit, c'est un autre centre d'appel qui prend les appels. Nous tentons d'en discuter avec des groupes confessionnels pour voir s'ils peuvent faire quelque chose et rediriger les appels. Encore une fois, nous tentons de gérer une entreprise. Nous sommes entraînés de plus en plus dans les questions de soins de santé. Des gens de notre collectivité nous disent qu'ils ont besoin de telle ou telle chose. Nous avons besoin d'aide. Êtes-vous en mesure de communiquer avec ces gens? Comment pouvez-vous nous aider?
[Français]
Le sénateur Ringuette : Je comprends que vous avez besoin d'une masse critique pour aller chercher des recettes en publicité. C'est essentiellement cela. Mais je suis intriguée par deux éléments : comment peut-on réussir avec un journal hebdomadaire et avoir l'information sur un site Internet à jour? Il y a là une question temporelle.
[Traduction]
Vous gérez un hebdomadaire qui condense l'information et la publicité chaque semaine, alors que vous parlez de votre site Web et du sentiment d'appartenance de votre collectivité. Même si des gens ne font plus partie de la collectivité, ils vont sur votre site Web. Sur le plan financier, je pense qu'il est difficile de publier un article sur votre site Web le vendredi et de le publier en version imprimée le mercredi suivant seulement.
J'aimerais que vous m'expliquiez la situation, car je pense que cela fait partie de votre évaluation des coûts, de la faisabilité et de la durabilité.
[Français]
Comment soutenir à la fois deux données temporelles? Comment peut-on avoir un site Internet qui répond au quotidien et avoir un imprimé qui répond de façon hebdomadaire?
Mme Craig : Premièrement, un journal communautaire ce n'est pas du neuf à cinq. C'est du huit à je ne sais pas quand. On ne sait jamais quand on va finir la journée. Il n'y a pas que le journal et son impression; il y a aussi beaucoup de gens qui s'attendent à ce qu'on fasse part d'activités à venir, soit pour leur communauté, soit pour leur regroupement, soit pour un commerçant. Alors on ne compte plus les heures.
Comment le faire? Nous ne faisons pas le site Web pour faire de l'argent, car c'est une perte d'argent pour nous présentement. Nous le faisons pour garder le lectorat, qui est très important. En affaires, il faut maintenant donner beaucoup plus qu'auparavant pour essayer de garder la clientèle clé qui est là.
Le sénateur Ringuette : Si je comprends bien, vous me dites que, sans l'information quotidienne que vous ajoutez à votre site Web, vous auriez peut-être une perte de lecteurs de votre hebdomadaire.
Mme Craig : Je crois que oui. Ça les amène à lire l'article. Disons qu'un événement est arrivé, on le met immédiatement sur Facebook. Le jour suivant, quelqu'un va écrire l'article, on va le publier sur notre site Web. Si c'est quelque chose de très important on va le publier là. On va ensuite mettre l'article encore plus en valeur en publication imprimé le mercredi. C'est une façon de garder le lecteur.
Entre le jeudi et le mercredi suivant, il est certain que des évènements vont se produire, et le lecteur veut le savoir. Ce qui est important pour l'annonceur c'est d'avoir les lecteurs. Nous avons une distribution d'une trentaine de milliers de journaux, c'est donc un lectorat assez important. Si l'annonceur n'a pas de retombées sur sa publicité, il ne restera pas avec nous.
C'est là qu'il est important pour un petit journal comme le notre de savoir comment faire pour garder le lecteur et, par conséquent, l'annonceur. Mais c'est le lecteur qui vient en premier, car c'est lui qui fait entrer l'argent pour payer les factures.
M. Duff : La salle de rédaction, c'est du luxe. La plupart des hebdos n'ont pas de vraies salles de rédaction. Ils prennent des communiqués de presse, rédigent des communiqués de presse et les publient avec une photo envoyée par le service de presse ou par la publiciste. Il n'y a pas de vérification, c'est minime.
Il y a toujours un équilibre. Par exemple, il y a une certaine ville, que je ne nommerai pas, qui a depuis des années des problèmes sérieux d'eau potable. Elle est l'une des plus grandes villes du Québec qui sont desservies uniquement par des puits artésiens. Madame Craig a réussi à trouver le rapport d'un hydrogéologue qui disait que d'ici cinq, dix ou quinze ans la ville n'aurait plus d'eau. Ce serait un désastre à cause de la grandeur de la ville. On a publié une partie de ce que contenait le rapport grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Il y a eu des audiences et nous nous sommes rendus jusqu'au bout de cette affaire. Nous avons posé des questions aux autorités pour savoir ce qu'elles avaient l'intention de faire. Depuis, la ville a refusé de mettre ou de publier des annonces dans notre journal. Elle punit ce maudit journal pour avoir publié la vérité. C'est un danger constant.
Le sénateur Ringuette : Il y a certains gouvernements qui font cet exercice de politique, oui.
Êtes-vous abandonné à Canadien Press?
M. Duff : Non, parce que cela coûte trop cher.
Le sénateur Ringuette : J'ai parlé avec beaucoup de gens du milieu des communications, au Nouveau-Brunswick, et ils m'ont dit la même chose, que les services de la Presse canadienne étaient beaucoup trop dispendieux. Pourriez-vous nous donner une idée de ce que cela pourrait représenter pour une organisation comme la vôtre?
M. Duff : J'ai travaillé pour The Gazette et le Montreal Star. La Presse canadienne représente le tiers ou le quart du budget d'un grand quotidien. C'est cher, même pour un journal comme le Sherbrooke Record, il faut faire un choix. C'est un petit quotidien qui vend environ 12 000 copies par jour.
Alors selon le choix, serait-il mieux de tout investir dans une salle de rédaction purement régionale ou vous développeriez tout votre contenu vous-même ou y aurait-t-il intérêt à publier des informations concernant le reste du Canada? Le Hudson St. Lazare Gazette est un journal régional, hyper-régional, complètement régional. Pleins d'autres journaux livrent du contenu moins régional, mais pas nous. C'est primordial d'être ainsi.
Le sénateur Ringuette : J'aimerais revenir à votre commentaire sur le piratage d'articles journalistiques. Croyez-vous qu'il serait avantageux que toute la législation fédérale touchant les droits d'auteur encadre aussi les rapports journalistiques?
Mme Craig : Quand l'information devient publique, elle appartient à qui? On n'a qu'à faire un petit changement et elle appartient à tout le monde.
Avant que M. Duff travaille avec nous, il était animateur sur les ondes de CJAD. Il était aussi un amateur d'informations et s'en servait pour son émission.
M. Duff : Diffuse provenance.
Mme Craig : Je lui disais tout le temps qu'on avait travaillé vraiment fort pour avoir ces informations. Qu'il s'agisse de la presse écrite, de la télévision ou de la radio, ses collègues, tout le monde faisait cela. Mais la moindre des choses que vous puissiez faire, vous les grands, est de nous nommer, de dire d'où vient l'information. C'est tout ce qu'on demande. Prenez l'information, mais donnez-nous le crédit parce qu'on a travaillé fort pour l'avoir.
Le sénateur Ringuette : Exactement.
Le sénateur Mockler : Mon intervention portera sur deux volets.
Premièrement, j'aimerais vous informer que si vous allez sur le site de Patrimone Canadien, vous verrez que le gouvernement Harper lance des consultations sur la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne.
Sur la liste des régions qui seront consultées, il y aura les villes de Québec et de Montréal. Je vous inviterais à faire partie du groupe de consultation, car c'est important et que vous représentez une minorité à l'intérieur d'une grande et belle province.
Deuxièmement, le piratage m'inquiète. De quelle manière le gouvernement pourrait-il vous aider à contrer le piratage de l'information? Quelles sont vos recommandations?
M. Duff : Au moins au Québec, on a le Conseil de presse. À plusieurs reprises, je l'ai approché pour des problèmes. J'ai défendu des dossiers avec le Conseil de presse. C'est un chien de garde, mais qui n'a pas de dents. Il n'a pas le pouvoir de sanctionner, mais au moins il a celui de blâmer et de mettre en évidence le problème. Même avec le Conseil de presse, on n'a pas réussi à attaquer le piratage ou, si on veut utiliser le terme exact « le plagiat ». C'est du plagiat pur et simple.
La seule chose que je peux faire est de téléphoner mon collègue pour lui dire qu'il a volé notre article.
[Traduction]
Trouvez-vous que c'est acceptable sur le plan éthique? En tant que journaliste, n'avez-vous pas honte de voler mon contenu? Oh, « provenance diffuse ».
Le sénateur Mockler : Monsieur Duff, combien de fois avez-vous communiqué avec cette personne ou ce média pour soulever le problème?
[Français]
M. Duff : Constamment. Cinq à six fois par année depuis 20 ans. C'est constant et c'est partout : Radio-Canada, CBC.
J'ai des amis qui travaillent à La Presse et au Journal de Montréal. J'ai assez de relations pour leur dire d'au moins mettre le nom de notre journal dans leur journal. Les francophones le font, mais pas les anglophones.
[Traduction]
Mme Craig : J'ai dû communiquer avec CBC/Radio-Canada parce qu'elle se servait de notre contenu chaque mercredi. J'ai finalement téléphoné aux gens de la production des nouvelles pour leur demander s'ils auraient au moins l'obligeance de nous attribuer le mérite pour l'information qu'ils venaient de prendre. Nous avons finalement parlé à la bonne personne, qui m'a rappelée et m'a dit que notre journal allait être mentionné 10 minutes plus tard.
Nous n'avons pas le temps d'appeler les autres médias tous les jours pour leur demander s'ils ont utilisé notre information. Toutefois, nous n'avons pas non plus le temps d'appeler chaque jour pour savoir s'ils peuvent utiliser notre information.
Le sénateur Mockler : Madame Craig, vous soulevez une question que nous pourrions examiner. Par exemple, comment réagissaient les gens de CBC/Radio-Canada?
Mme Craig : Au début, ils étaient un peu étonnés que nous soyons aussi inflexibles à cet égard. Je leur ai dit que nous travaillions fort afin de payer nos reporteurs pour obtenir l'information, pour avoir les contacts qui nous permettent d'obtenir l'information, que nous payions leurs salaires et que nous nous attendions à ce qu'ils nous attribuent le mérite du travail que nous avons fait pour eux.
Le sénateur Mockler : C'est une excellente observation. Je pense que vous devriez approfondir la question dans le cadre du processus de consultation avec M. Moore, ainsi que celle du rôle que devrait avoir CBC/Radio-Canada. Il doit y avoir un mécanisme qui vous permet d'être reconnus et payés pour votre recherche.
M. Duff : Nous pouvons rêver.
[Français]
Le sénateur Mockler : On ne peut pas rêver sa vie, mais on peut vivre nos rêves.
Mrs. Craig : Peut-être, oui.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Selon vous, les francophones et les anglophones consomment-ils le même type de matériel sur Internet?
Mme Craig : S'ils sont bilingues, oui, ils peuvent le faire, mais s'ils ne le sont pas, comment peuvent-ils avoir accès à ces sites? Au Québec, je crois que cette situation va encourager la plus jeune génération à devenir bilingue. L'attrait de Twitter ou de Facebook les encouragera à apprendre l'anglais. Je crois que c'est une bonne chose, car cela va démystifier l'apprentissage de la langue anglaise et ainsi atténuer leurs craintes.
La présidente : Au nom du comité, je vous remercie sincèrement pour votre présentation et vos réponses à nos questions. Ce fut très intéressant. Nous avons beaucoup appris. Merci beaucoup et bon succès.
Mme Craig : Merci.
M. Duff : Merci.
La présidente : Je suspends la séance pour reprendre avec le prochain groupe de témoins dans quelques minutes.
Honorables sénateurs, nous reprenons la séance.
[Traduction]
Le comité veut entendre le point de vue des organisations anglophones du secteur de l'éducation sur l'utilisation d'Internet, des médias sociaux et sur les obligations de CBC/Radio-Canada. C'est avec plaisir que nous accueillons notre prochain groupe de témoins. Nous entendrons tout d'abord des représentants de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec : M. Frank Verrillo, vice-président, et M. David Birnbaum, directeur exécutif. Nous céderons ensuite la parole à Mme Suzanne Longpré, directrice des communications et des relations publiques de LEARN Quebec.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence. Vous avez maintenant la parole, et les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Frank Verrillo, vice-président, Association des commissions scolaires anglophones du Québec : Madame la présidente, mesdames et messieurs, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec aimerait tout d'abord remercier le comité du rapport détaillé et sérieux sur les collectivités anglophones du Québec qu'il a publié l'an dernier. Il a servi à mieux expliquer notre réalité aux gouvernements, aux bureaucraties et surtout, aux Canadiens de partout au pays.
Nous sommes ravis d'avoir été invités à participer à vos importantes discussions sur l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias et des médias sociaux et sur le respect des droits linguistiques au Canada. La façon dont les Canadiens communiquent entre eux et apprennent les uns des autres se transforme par la vitesse à laquelle les technologies évoluent et les possibilités qu'elles offrent. Il est important d'évaluer de quelle façon et pour quelles raisons ce phénomène a certaines répercussions sur les collectivités de langues officielles en situation minoritaire.
L'ACSAQ est le porte-parole des écoles publiques anglophones du Québec. Elle représente neuf commissions scolaires de la province qui comptent 105 000 élèves dans 340 établissements : écoles primaires et secondaires, centres de formation des adultes et écoles de formation professionnelle. Chaque commission scolaire est dirigée par un conseil des commissaires, qui sont élus par suffrage universel. Il est important de rappeler que les commissions scolaires anglophones du Québec constituent la seule administration responsable du milieu de l'éducation anglophone qu'elles servent.
L'ACSAQ étudie le cadre de référence de votre étude, et nous avons de brèves observations à faire à ce sujet. Nous serons ensuite ravis de parler des préoccupations que vous exprimerez lorsque vous nous poserez des questions tout à l'heure.
Il est important de souligner que l'ACSAQ fait un grand effort public pour présenter les nouvelles technologies de communication comme une possibilité intéressante pour l'apprentissage et l'épanouissement des élèves plutôt que comme une menace ou un obstacle. En 2008, nous avons organisé un groupe de travail présidé par l'ancien recteur de l'Université Concordia, M. Claude Lajeunesse, qui a produit un rapport intitulé Épanouissement, respect, responsabilités, Rapport et recommandations sur l'impact d'Internet et des autres technologies de l'information sur les écoles publiques anglophones du Québec. Nous serions ravis de vous fournir le rapport à la fin de notre session.
Le rapport contient une série de recommandations sur l'utilisation responsable d'Internet afin que les technologies changeantes soient employées pour améliorer et enrichir l'expérience de nos élèves en classe, tout en assurant qu'elles sont mises en œuvre de façon responsable et sécuritaire.
Parallèlement, nos neuf commissions scolaires ont tenté chacune à leur manière de composer avec les nouvelles difficultés et possibilités plutôt que de résister à leurs effets inévitables et à l'influence qu'elles ont. Les élèves ont maintenant des ordinateurs portatifs, des SMART Boards, des tablettes et même des téléphones intelligents. Oui, il y a des problèmes — utilisation inappropriée, accès non équitable, contraintes financières —, et il arrive que des élèves apprennent aux enseignants les subtilités de la technologie. Néanmoins, nous allons de l'avant et faisons des progrès importants.
David Birnbaum, directeur exécutif, Association des commissions scolaires anglophones du Québec : Pour ce qui est des préoccupations concernant la langue minoritaire au sujet de ces questions, permettez-nous de parler de quatre aspects principaux, et nous répondrons ensuite à vos questions.
Il y a tout d'abord l'accès à l'information, aux technologies et au soutien en anglais. Étant donné que l'anglais est la langue internationale d'Internet, notre communauté de langue minoritaire est relativement bien servie à cet égard. À l'occasion, nous avons de la difficulté à obtenir des renseignements et du soutien sur le site de notre ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport et divers sites de médias, de services gouvernementaux et d'entreprises du Québec, mais en général, ce n'est pas un obstacle infranchissable pour nos écoles ou nos élèves.
Il y a une préoccupation que nous et d'autres représentants de la communauté anglophone du Québec avons exprimée dans le passé, et nous continuerons à le faire, et c'est une dynamique qui, à notre avis, a rapport aux questions dont est saisi le comité. Je parle des services du gouvernement fédéral qui ont été transférés au Québec, souvent avec des garanties insuffisantes. Nous entendons parler de problèmes occasionnels à cet égard, par exemple, en ce qui concerne les renseignements et les services en ligne d'Emploi-Québec. Ces services d'emploi et d'embauche sont importants pour nos élèves, surtout pour ceux qui suivent une formation technique ou professionnelle.
Ensuite, il est essentiel de souligner l'importance particulière que revêtent les technologies Internet pour nos écoles, nos collectivités et nos régions périphériques.
[Français]
Un fort pourcentage de notre population vit en région, loin du Montréal métropolitain, dans des endroits où la population est éparpillée et où les écoles sont éloignées les unes des autres.
[Traduction]
Pour les élèves d'une petite école anglophone située à Bonaventure, à Gaspé ou à Chibougamau, établir des liens en temps réel avec un enseignant de Québec ou de Montréal peut être la seule façon de pouvoir suivre un cours de chimie de secondaire 5 ou un atelier sur la prévention de la cyberintimidation. L'apprentissage à distance, les vidéoconférences et le nouveau concept d'école virtuelle, un sujet dont j'espère parlera plus longuement notre collègue, Michael Canuel, sont d'autres exemples.
En terminant, de façon générale, nous avons toujours hâte que le gouvernement fédéral s'acquitte pleinement de ses obligations aux termes de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. À cet égard, le gouvernement fédéral peut certainement en faire davantage pour contribuer à la vitalité et au développement des collectivités de langue minoritaire au Canada. Garantir un plein accès équitable à Internet et aux technologies connexes fait sans aucun doute partie du travail à faire.
Michael Canuel, président-directeur général, LEARN Quebec : Je suis le PDG de LEARN. Je suis accompagné de Suzanne Longpré, qui en est directrice des communications. Je suis ravi d'être ici pour vous parler un peu de ce que fait LEARN, surtout dans le monde de l'éducation numérique et en ligne.
LEARN est un organisme sans but lucratif. Il a été créé il y a un peu plus de sept ans et compte un peu plus de 150 000 membres partout dans le Québec anglophone. Les membres incluent tout le monde, des administrateurs aux étudiants, en passant par les enseignants. Nous incluons pas mal tout le monde.
Nous obtenons notre financement en partie grâce à l'entente Canada-Québec relative à l'enseignement dans la langue de la minorité. Toutefois, nous nous sommes également lancés dans l'entrepreneuriat social — c'est-à-dire que nous vendons une partie des services que nous offrons à d'autres collectivités. L'argent obtenu grâce à ces activités est utilisé pour les services offerts à notre collectivité. Tous nos services sont évidemment offerts gratuitement à la collectivité.
En quoi consiste notre mandat de façon générale? Il s'agit de répondre aux besoins des anglophones du Québec en matière d'éducation, de la maternelle au cinquième secondaire. Nous fournissons des services aux commissions scolaires publiques. Comme M. Birnbaum et M. Verrillo viennent de le dire, cela inclut neuf commissions scolaires et une commission qui a un statut spécial, mais nous offrons également des services aux écoles privées, dont l'Association des écoles privées du Québec et l'Association des écoles juives de Montréal. Nous couvrons tous les niveaux, de la maternelle au cinquième secondaire.
Notre clientèle se trouve dans les régions urbaines, rurales et éloignées. Nous offrons des services à Montréal, à Québec, à Sherbrooke, dans les régions rurales et dans les Cantons de l'Est, mais également à des collectivités de la Haute-Côte-Nord et à Saint-Augustin. Nous travaillons également avec des élèves des écoles de Kuujjuaq et Jimmy Sandy. Nous avons des clients presque partout dans la province.
LEARN est un organisme bien connu qui a la réputation d'être innovateur sur le plan de la pédagogie et des ressources pédagogiques et technologiques. Nous sommes des chefs de file à bien des égards tout simplement parce que nous y avons été forcés au fil des ans. Que faisons-nous exactement? Comme on y a fait allusion tout à l'heure, nous offrons beaucoup de services d'apprentissage en ligne. Nous le faisons grâce à notre école secondaire virtuelle. Comme l'a déjà dit M. Birnbaum, nous offrons, par exemple, des cours à des élèves d'écoles secondaires dont le nombre d'élèves ne justifie pas l'embauche d'un enseignant de chimie, de physique ou de mathématiques avancées. Par conséquent, nous enseignons ces cours en ligne. Si ces services n'existaient pas, les élèves ne pourraient pas s'inscrire à des programmes spécialisés offerts par les cégeps ou certains collèges. C'est un service essentiel que nous offrons à notre collectivité.
De plus, quatre soirs par semaine, nous offrons des tutoriels en ligne. Les élèves et leurs parents sont capables de rencontrer un tuteur en ligne, en temps réel. Au primaire, il s'agit surtout de services d'aide aux devoirs. Les parents participent avec leurs enfants et posent des questions sur les devoirs. Souvent, les parents n'arrivent pas à suivre le contenu du programme. Nous avons embauché des enseignants pour aider les parents et les élèves. Au secondaire, pour toutes les matières, nous avons des tuteurs qui aident les étudiants, que ce soit pour la remédiation ou l'enrichissement. Il peut s'agir d'aide aux devoirs, de la préparation en vue des examens. Ils le font par cyberconférence sur le Web en utilisant notre plateforme, et ils sont en mesure de communiquer avec les enseignants. Bien entendu, tous nos enseignants sont certifiés.
Il s'agit de services offerts en temps réel, mais nous offrons également des services différés. Ce sont des ressources accessibles 24 heures par jour, tous les jours. Les gens n'ont qu'à se rendre sur notre site Web, qui n'est pas qu'un site Web. C'est un système de gestion de contenu, une base de données élaborée et ouverte. Le site contient plus de 300 000 pages de matériel, dont des ressources pour les enseignants, les élèves, de même que pour les parents, qui veulent souvent savoir ce qu'offre le programme. Nous leur offrons ces services.
Par exemple, nous avons du matériel didactique pour les élèves qui veulent en apprendre sur le français comme langue seconde ou sur l'enseignement de la langue anglaise. Tout le contenu du programme est sur notre site Web. Très souvent, nous constatons que des parents accompagnent leurs enfants ou consultent notre site seuls. Toutefois, bon nombre de nos enseignants n'ont pas enseigné la matière avant de se référer à notre site pour des ressources. Nous avons un outil de diagnostic auquel les élèves peuvent avoir accès 24 heures par jour, tous les jours. Ils font toute une série de tests qui génèrent automatiquement un cheminement d'études, et ils sont capables de le suivre quand ils le veulent, peu importe où ils se trouvent dans la province.
Nous avons également LEARNing Landscapes, un bulletin électronique qui est révisé par les pairs. Il est unique. On y a intégré du contenu multimédia. Des auteurs de partout dans le monde écrivent pour nous, de notre ancien premier ministre au gouverneur général actuel, en passant par Maya Angelou et bon nombre d'enseignants reconnus. Son rôle est de combler les écarts entre la recherche et la pratique. Souvent, des enseignants n'ont pas l'occasion de suivre ce qui se passe en recherche pédagogique. Ce bulletin est utile à cet égard.
Nous fournissons aussi du matériel autorisé aux étudiants et aux enseignants, comme les 5 000 vidéos de Discovery Channel qu'ils peuvent regarder en tout temps. Notre contrat de licence avec l'Office national du film leur permet non seulement de visionner des films, mais aussi de consulter bien d'autres ressources éducatives élaborées par l'ONF. Grâce à notre entente avec Media Awareness, les étudiants peuvent apprendre comment devenir des citoyens responsables dans le monde numérique et en savoir plus sur la cyberintimidation.
Nous travaillons aussi en partenariat avec des universités, des organisations et certaines écoles. Par exemple, l'école Giant Steps à Montréal est destinée aux enfants autistes et elle a beaucoup de matériel. Nous numérisons présentement les ressources qu'elle a accumulées durant 20 ou 30 ans pour les rendre accessibles sur Internet. Nous travaillons également avec Giant Steps pour créer des webinaires et des webémissions afin que les parents dans les régions éloignées et partout dans la province — on pense très souvent que ça ne concerne que les régions rurales, mais les parents qui habitent l'île de Montréal en profitent aussi — puissent poser des questions aux spécialistes et exprimer leurs préoccupations liées à l'autisme. Voilà un exemple de ce que nous faisons sur le plan des ressources numériques.
Pour ce qui est des chiffres, LEARN ne mesure pas son succès par le solde budgétaire, puisque nous sommes une organisation à but non lucratif. Nous examinons plutôt la façon dont les gens utilisent notre site, qui reçoit 134 000 requêtes ou plus par jour et près de 49 millions de visites par année. Nous sommes un des principaux intermédiaires au Canada en matière d'apprentissage.
Par ailleurs, nous offrons des ateliers en temps réel. En 2011-2012, nous avons déjà donné 68 ateliers à 1 758 enseignants. De plus, nos communautés en ligne permettent aux enseignants de collaborer à divers projets, en temps réel ou non. Plus de 4 000 enseignants, éducateurs et directeurs d'écoles collaborent sur notre site.
Si on recherche simplement le terme « learn » dans Google, on constate que notre organisation est un des deux ou trois premiers choix. Ça montre que les gens communiquent bel et bien avec nous.
Enfin, les parents nous demandent toujours si notre site est sécuritaire. Les élèves ont des noms d'utilisateurs et des mots de passe. Nous surveillons ces données en temps réel et nous avons les outils nécessaires pour vérifier que les élèves se comportent de manière appropriée et ne font pas de cyberintimidation.
Nous sommes fiers de connecter avec notre communauté sur le plan numérique. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Soyez tous les bienvenus. Nous sommes bien contents de vous recevoir. Je vais avoir des questions très brèves. Pouvez-vous nous dire le pourcentage des écoles anglophones qui font l'usage des nouvelles technologies?
M. Birnbaum : Il s'agit d'une géométrie variable. Chaque commission scolaire au Québec, comme ailleurs au pays, est une corporation publique gérée par les élus, mais autonome. Elles doivent suivre les grandes lignes des régimes pédagogiques prescrits par le gouvernement, mais à l'intérieur de cela, il y a une marge de manœuvre dont, d'ailleurs, comme minorité, on se sert au maximum. Par contre, il me serait difficile de vous donner un pourcentage. À titre d'exemple, le premier ministre du Québec, il y a 18 mois, a annoncé un programme panquébecois pour encourager l'achat de tableaux intelligents et d'ordinateurs portables pour chaque professeur. Il faut le dire, la plupart de nos neuf commissions scolaires ont réalisé à ce moment-là qu'elles étaient déjà rendues sur ce chemin. Est-ce qu'on va être en mesure de financer des achats plus pertinents pour nous? En général, on serait assez avancés là-dessus.
[Traduction]
M. Canuel : Toutes les écoles anglophones au Québec ont accès à Internet. Comme M. Birnbaum l'a mentionné, l'utilisation varie d'une école à l'autre et dépend en grande partie du leadership de l'école et de la communauté. La dépendance à Internet augmente beaucoup si les régions sont éloignées. Ce n'est pas surprenant, si elles n'ont pas accès à d'autres ressources. En principe, toutes les écoles ont accès à Internet. Environ 25 ou 30 p. 100 des écoles concernées emploient beaucoup le matériel numérique.
[Français]
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Oui. Je voudrais savoir également, puisque nous nous préoccupons beaucoup des minorités, si l'Internet, les nouveaux médias et les médias sociaux jouent un rôle décisif dans le domaine de l'enseignement des langues officielles dans les écoles de la minorité, en fait la langue seconde. Est-ce que cela peut être utile?
M. Birnbaum : J'aurais tendance à dire qu'en ce qui a trait à cette question spécifique, il n'y a pas vraiment une perspective unique pour nos communautés. Dans un premier temps, l'emphase qu'on met sur l'enseignement du français est d'une importance capitale, cela va sans dire, au Québec. C'est pour chaque école, une autre fois avec sa diversité, une des priorités en termes du curriculum. Est-ce que les médias électroniques jouent un rôle-clé là-dedans? Je ne suis pas pédagogue, mais j'aurais tendance à dire pas plus qu'ailleurs ou dans l'apprentissage des autres sujets.
M. Verrillo : Comme vous l'avez appris, nous avons 105 000 élèves dans notre système public, peut-être un autre 20 000 ou 30 000 dans le système privé, et pourtant, le nombre d'usagers du service LEARN est de 140 par jour. On parle des élèves qui y vont souvent. C'est seulement un aspect de ce projet et on voit l'utilisation. L'Internet, sûrement, tous les jeunes s'en servent, qu'ils soient à l'école ou pas, sauf certains sites qui ne sont pas accessibles à l'école, mais cela dépend de la commission scolaire. Par exemple, à notre commission scolaire, Facebook et Twitter ne sont pas accessibles aux élèves, mais de la maison, ils ont accès à un site de la commission scolaire sur Twitter et sur Facebook pour obtenir des nouvelles.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ils utilisent surtout Internet dans les écoles?
M. Verrillo : Dans toutes les écoles sauf certaines où l'accès est limité parce qu'ils n'ont peut-être pas l'infrastructure. Dans les petits villages — c'est une histoire que j'ai entendue il y a quelques mois —, les élèves se font emmener à l'école par leurs parents le samedi parce que l'Internet est disponible autour de l'école, et à la maison, ils n'ont pas l'Internet haute vitesse. Ils l'ont à l'école, mais pas à la maison. Pour avoir accès à l'Internet haute vitesse, ils se font reconduire à l'école et demandent qu'on vienne les chercher deux heures plus tard. Ils vont travailler sur un projet ou ils vont peut-être contacter des amis. Cependant, dans la ville, tout le monde a accès à l'Internet haute vitesse.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez des exemples de jeunes qui ne sont pas capables d'avoir accès à l'Internet haute vitesse à la maison. Vous avez également mentionné le nombre d'étudiants que vous avez dans toute la province du Québec. Est-ce qu'il y a beaucoup de villages éloignés qui n'ont pas l'Internet haute vitesse?
M. Canuel : Il y en a très peu. Ils ont tous accès, mais cela peut être par satellite, par micro-ondes ou par ligne directe. La bande passante varie d'un village à l'autre. À ma connaissance, on dessert pas mal tous les endroits du Québec. Cependant, c'est la bande passante qui va varier. Lorsque, à certains moments, la demande est très forte, il peut y avoir moins d'accessibilité à certaines ressources sur l'Internet. Mais en général, ils ont tout. Cela dépend toujours de la bande passante.
M. Birnbaum : Il y avait un programme initié par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec qui ne visait pas exclusivement les communautés de langue minoritaire, qui s'appelait Villages branchés du Québec, et un autre qui appuie l'instauration des réseaux de fibre optique partout. Le gouvernement a fait sa part là-dessus.
Suzanne Longpré, directrice, Communications et relations publiques, LEARN Quebec : Je me permets d'ajouter également que dans certains villages éloignés, ce service de l'Internet et des hautes technologies permet aux membres de la communauté de rester ensemble. Très souvent, quand on n'a pas de professeur en secondaire quatre ou cinq, les jeunes doivent quitter le village. Vous savez comme moi qu'à 14, 15 ou 16 ans, on n'est pas tout à fait prêt à faire cela. Cette technologie et les cours qu'on offre chez LEARN permettent justement d'apporter l'expertise nécessaire à ces étudiants et à appuyer la communauté pour ne pas avoir besoin de déplacer nos jeunes.
Il reste qu'il y a de grands écarts entre les régions et entre les commissions scolaires. Nos commissions scolaires ont réalisé des projets d'action-recherche mettant en valeur les nouvelles technologies, il y en a un, qui s'appelle Learning with Laptops, réalisé avec l'Université McGill. Le projet de la Commission scolaire Eastern Townships a été de fournir un ordinateur portable à chacun des élèves. Vous voyez qu'il y a beaucoup de flexibilité; on sent qu'il y a du mouvement.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je trouve merveilleux le fait de ne pas avoir à déplacer les étudiants de 14, 15 ans. C'est extraordinaire! Je crois que vous faites un merveilleux travail. Je tiens à vous féliciter et merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions.
Le sénateur Losier-Cool : Est-ce que les écoles privées sont plus branchées que les écoles publiques?
M. Canuel : On travaille beaucoup avec les écoles privées. Sans doute qu'elles sont en général beaucoup mieux équipées et qu'elles utilisent davantage les technologies.
Le sénateur Losier-Cool : LEARN est un très beau projet.
Dans les écoles anglaises du Québec, en quelle année commence-t-on à enseigner le français?
M. Verrillo : Dès la maternelle.
Le sénateur Losier-Cool : Dès la maternelle?
M. Verrillo : Oui. C'est différent d'une commission scolaire à l'autre. Dans certaines commissions scolaires, il y a des programmes d'immersion en français dès la maternelle jusqu'à la deuxième année. En troisième année, cela peut varier. D'autres écoles ont un programme bilingue, 50/50, qui commence à la maternelle jusqu'à la sixième année.
Le sénateur Losier-Cool : Cela dépend des commissions scolaires?
M. Verrillo : Cela dépend des programmes mis en place par les commissions scolaires. Selon le type de leur clientèle, elles peuvent avoir un programme d'anglais et peut-être un 30 p. 100 de français de la maternelle jusqu'à la sixième année. Cela dépend de la particularité de la commission scolaire.
Mme Longpré : Je vais me permettre d'ajouter ceci parce que j'ai l'expérience d'une directrice d'école, un travail qui demande beaucoup. Ce sont les parents qui, au conseil d'orientation, décident de l'allocation des programmes d'immersion.
À l'école où j'étais directrice, les parents voulaient avoir 55 p. 100 des matières enseignées en français. Cette allocation est votée par les parents, toujours en respectant un cadre plus large, celui du ministère de l'Éducation et de la commission scolaire. Cependant, les parents ont un rôle à jouer quand vient de temps d'allouer le nombre de minutes destinées à l'enseignement du français.
Le sénateur Losier-Cool : Alors il faut encore garder les commissions scolaires!
[Traduction]
Le sénateur Poirier : Facebook, Twitter et les téléphones intelligents n'étaient offerts qu'en anglais au départ. Certaines personnes nous ont dit qu'il était parfois difficile d'accéder à tous les contenus et de tout comprendre, surtout pour une minorité francophone dans une région anglophone, parce qu'une grande partie des technologies ne sont pas au point ou qu'elles commencent seulement à l'être.
En tant que commission scolaire anglophone, pensez-vous que le système scolaire anglophone au Québec est avantagé en ce qui a trait aux réseaux sociaux, par rapport à la minorité francophone ailleurs au pays?
M. Canuel : Oui, absolument. Une des réalités de la communauté anglophone au Québec, c'est que les éditeurs concentrent leurs ressources sur la communauté francophone, pour des raisons d'affaires évidentes. Les francophones constituent la majorité de la population.
Au fil des ans, nous avons constaté qu'il fallait plus de temps pour que la communauté anglophone reçoive des ressources, en particulier du matériel imprimé. Les choses ont changé un peu dernièrement, mais la communauté anglophone a dû improviser et trouver des solutions. Les ressources sur Internet et les réseaux sociaux nous ont bien sûr aidés. Nous avons recours à ce qu'on appelle l'instruction inversée en ligne. Twitter, Facebook et tous ces outils nous permettent de compléter une bonne partie des programmes, tout simplement parce que les ressources fournies par les éditeurs au Québec ne conviennent pas à nos besoins particuliers. C'est un grand avantage pour nous. Nous sommes très heureux d'avoir accès à ces ressources.
Le sénateur Poirier : Vous avez dit dans votre exposé que certaines écoles plus éloignées et comptant moins d'élèves offraient des cours en ligne au lieu de les donner en classe. Quel est le taux de réussite des élèves qui suivent les cours en ligne, par rapport aux élèves en classe?
M. Canuel : Ma réponse n'est jamais très populaire, mais les élèves qui étudient en ligne obtiennent toujours de meilleurs résultats que ceux qui assistent aux cours en classe.
Le sénateur Poirier : Le taux de réussite est supérieur pour les cours en ligne?
M. Canuel : Oui, tout simplement parce que nous pouvons réaliser différentes activités. Nous avons à cœur d'employer dans nos cours les meilleures pratiques d'éducation, fondées sur le socioconstructivisme. Nos élèves obtiennent toujours de meilleurs résultats, ni plus ni moins. Ça va à l'encontre de la pensée classique de ceux qui ne comprennent pas l'apprentissage et l'éducation en ligne, mais c'est dynamique et interactif. Les élèves ne restent pas devant l'ordinateur des heures d'affilée. Au contraire, ils participent aux cours et s'impliquent beaucoup; c'est une collaboration. En général, les élèves et les enseignants ont une grande préférence pour les cours en ligne par rapport aux salles de classe. Ça va à l'encontre de la pensée classique.
Le sénateur Poirier : Voyez-vous une différence dans le taux de réussite des élèves qui suivent des cours en ligne? Y a-t-il une différence entre eux et les élèves qui n'ont pas accès à Internet ou à un ordinateur à la maison?
M. Canuel : C'est clair que les élèves qui profitent d'un soutien à la maison obtiennent de meilleurs résultats. Nous l'avons constaté à maintes reprises. Le taux de réussite est supérieur, parce qu'en général, l'élève a non seulement accès à un ordinateur à la maison, mais il bénéficie aussi du soutien de ses parents.
La différence ne s'explique pas seulement par l'utilisation de la technologie. En général, le soutien et la participation des parents sont des facteurs de réussite, en plus de la technologie
Le sénateur Poirier : Dans les neuf districts scolaires — si je me souviens bien —, combien d'écoles au Québec doivent donner des cours en ligne plutôt qu'en classe, à cause du manque d'élèves?
M. Birnbaum : Environ 200 des 340 écoles comptent moins de 200 élèves. À chaque début d'année, les commissions scolaires doivent faire preuve de créativité dans l'élaboration du plan de dotation, une tâche essentielle. Des classes combinées sont créées, et cetera. Dans la plupart des cas, c'est possible d'offrir presque toutes les options dans la plupart des écoles primaires et secondaires.
M. Canuel : Au Québec, les 25 écoles secondaires anglophones qui ont besoin de nos services ne sont pas toutes établies dans les régions éloignées. Trois d'entre elles sont situées sur l'île de Montréal, comme l'école secondaire James Lyng.
En raison du déclin démographique des villes au profit des banlieues, nous constatons très souvent que les grandes écoles secondaires sont fréquentées par peu d'élèves et qu'elles ne peuvent pas embaucher de professeurs de physique ou de mathématiques. Il y a environ 25 écoles secondaires anglophones au Québec, dont une à Gaspé. Près de l'île Bonaventure, 80 élèves anglophones aux niveaux primaires et secondaires ont grand besoin de nos services.
Le sénateur Poirier : Il doit y avoir des élèves de différents niveaux dans les mêmes classes.
M. Canuel : Non, le cours de physique de 5e secondaire en ligne ne s'adresse qu'aux élèves de 5e secondaire. Nous devons toutefois offrir une gamme de services suffisante. D'ailleurs, la demande augmente dans bien des écoles situées dans les régions éloignées, où le nombre d'élèves diminue.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Depuis les sept dernières années, avez-vous remarqué une augmentation de parents francophones qui demandent à recevoir une éducation en anglais provenant de vos commissions scolaires?
M. Birnbaum : Oui, et j'imagine qu'ils font la même chose auprès de l'organisme LEARN. Dans un premier temps, il faut se rappeler que la Charte de la langue française est assez compliquée; il y a des familles dont un parent ou même un grand-parent a vécu son apprentissage scolaire en anglais et dont les enfants sont donc éligibles à l'éducation à l'école anglaise. Il y a souvent des Québécois francophones de souche qui ne sont pas tout à fait au courant des limites imposées, surtout aux francophones du Québec, en raison de la Charte de la langue française. Nous sommes souvent interpellés afin de savoir si nous pouvons accueillir des jeunes francophones. Un grand nombre d'élèves — il faut le dire — parmi nos 105 000 jeunes parlent le français une fois rendus à la maison, mais étudient dans nos écoles pour les raisons que j'ai mentionné plus tôt.
M. Verrillo : Il faut ajouter que 10 000 élèves fréquentant les écoles francophones ont un certificat d'admissibilité pour fréquenter l'école anglaise. On voit de plus en plus de jeunes qui, rendus à 18 ans, souvent décident qu'ils sont maintenant adultes et ils s'inscrivent à des cours de formation professionnelle ou veulent terminer leurs études secondaires en anglais. C'est quelque chose dont on ne parle pas souvent, mais le service donné à nos jeunes adultes est peut-être un service qu'on pourrait développer davantage pour ce type de clientèle.
Le sénateur Ringuette : Oui, et il pourrait s'agir de jeunes adultes qui ont dû décrocher pour des raisons quelconques ou des gens qui veulent faire ce qu'on appelle le GED en français.
Cela m'amène à poser une question aux représentants de LEARN. Je dois vous avouer que suis fascinée par ce que vous nous avez décrit concernant les services que vous offrez. Offrez-vous des services de langue seconde à certaines commissions scolaires francophones? Parce qu'il y a quand même une certaine formation linguistique.
M. Canuel : La réponse officielle, c'est non.
Le sénateur Ringuette : Et la réponse non officielle, quelle est-elle?
M. Canuel : En autant que cela ne nous engendre pas de coûts supplémentaires, nous allons leur donner accès à nos ressources sans hésitation.
Il est certain que notre mandat et les fonds que nous recevons visent à servir la communauté anglophone et qu'on ne peut pas prendre nos fonds et nos énergies pour cela. Cependant, si cela n'occasionne aucun frais ou coûts supplémentaires pour l'organisme; pourquoi pas? Il faut être plus démocratique en ce sens.
Mme Longpré : Nous avons LEARN du côté anglophone, mais du côté francophone ils ont organisé, il y a près de 9 ans, le réseau RÉCIT : le réseau des nouvelles technologies. Certains centres RÉCIT ont chacun leur spécialité. Alors nous, nous sommes tout pour tout le monde; un petit peu comme l'ADEP qui travaille au ministère de l'Éducation et qui agit à titre de ministère pour les anglophones, où toutes les fonctions et les services sont représentés. Le RÉCIT a pour mandat de subvenir aux besoins de la population francophone, ce qu'ils font d'ailleurs très bien.
Le sénateur Ringuette : Concernant cet apprentissage qui se fait grâce à vos programmes d'apprentissage à distance, par Internet ou autrement, avez-vous reçu des commentaires ou une rétroaction des écoles postsecondaires ou de la part des étudiants ayant vécu cette expérience au sein de votre organisme?
[Traduction]
M. Canuel : Sur notre site, vous pouvez consulter une vidéo concernant le tutorat en ligne. On peut y voir d'anciens élèves qui ont profité de nos services.
Je suis en train de vanter notre organisation, mais oui, nous avons en effet reçu beaucoup de commentaires positifs au fil des ans. Nous avons fait la promotion des services tutoriels, qui coûteraient 40 ou 50 $ de l'heure aux parents en temps normal.
Les parents et les élèves accèdent aux ressources en ligne le soir et disposent des services d'un enseignant. En général, nos professeurs travaillent dans les écoles primaires et secondaires et, très souvent, ils sont surchargés durant la journée. Les parents et les élèves ont accès à des services tutoriels personnalisés en ligne. À l'aide d'une plateforme de conférence sur Internet, ils peuvent interagir avec le tuteur et obtenir son appui.
Les élèves qui ont passé leurs examens officiels du secondaire et qui sont au cégep et à l'université nous ont émis des commentaires très positifs et encourageants.
Le sénateur Ringuette : Ce sont les commentaires des élèves, mais les écoles secondaires ont-elles remarqué une différence dans le taux d'adaptation des élèves qui passent au niveau postsecondaire?
M. Canuel : Non, nous n'avons pas reçu de commentaires à ce propos.
Le sénateur Ringuette : Pour ma part, je suis extrêmement impressionnée. En 45 minutes, vous nous avez montré tous les aspects positifs de LEARN. Cela dit, y a-t-il des inconvénients?
M. Verrillo : Puis-je aborder le sujet sous l'angle de la politique?
Le sénateur Ringuette : Tous les membres du comité sont des politiciens.
M. Verrillo : La plupart des gens qui travaillent dans les commissions scolaires sont des salariés. Je suis le seul qui ne reçoit pas de salaire. Nous examinons toutes les options au Québec, comme vous le faites sûrement à Ottawa. Si on réduit le financement, on réduit les services. Nous le constatons dans toutes les commissions scolaires au Québec, à l'heure actuelle. Nous ne pouvons plus supprimer de ressources.
Le sénateur Ringuette : Vous parlez du financement pour maintenir les services.
M. Verrillo : Les fonds versés à LEARN viennent directement d'Ottawa.
M. Canuel : Seulement une partie.
M. Verrillo : Oui.
M. Birnbaum : Je pense qu'il faut parler des fonds venant de l'entente Canada-Québec. On nous dit de ne pas nous inquiéter, mais nous serons inquiets jusqu'à ce que la question soit tirée au clair. Étant donné que l'éducation est un champ de compétence provincial, les ententes pourraient devenir de simples ententes de contribution. Il s'agirait d'une catastrophe pour les communautés minoritaires anglophones du Québec, sans parler de la question des soins de santé, et cetera. Avec tout le respect que nous devons au gouvernement du Québec, si les programmes de financement ne devenaient que de simples ententes de contribution, nous n'aurions plus les protections fédérales dont nous devons bénéficier en vertu de la Constitution et de la Loi sur les langues officielles. C'est notre grande préoccupation, concernant le maintien de ces importants programmes.
Le sénateur Ringuette : Merci.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Cela veut dire que vous ne recevez pas directement les fonds. Cela va au ministère à Québec et ensuite ils vous les distribuent, n'est-ce pas?
M. Birnbaum : Il y a deux aspects essentiels au régime actuel. Dans un premier temps, et c'est un montant très important, comme vous le savez, dans l'entente de cinq ans, la majorité, c'est-à-dire au moins 75 p. 100, est en bonne et due forme, il faut le dire, confiée au gouvernement du Québec pour gérer deux réseaux d'écoles, anglophone et francophone.
Les 25 p. 100 restant — bien que le chiffre risque de ne pas être correct — sont alloués au programme qui finance LEARN et qui finance toutes sortes d'aides pédagogiques, de services complémentaires pour les élèves en difficulté d'apprentissage, toutes sortes de programmes qui font en sorte que l'accès est équitable pour la minorité anglophone en ce qui a trait à l'éducation publique.
L'autre chose qui serait très en péril si l'entente bilatérale était mutée en accord de contribution, c'est le volet de consultation, dans lequel notre table des directeurs généraux et d'autres instances de la communauté anglophone sont consultées sur la répartition de fonds. Nous avons eu et nous avons notre mot à dire sur le pourcentage d'argent qui est confié à LEARN — nous sommes au conseil d'administration de LEARN également. En ce a trait aux portions de financement allouées par le gouvernement fédéral, cela passe à un moment donné, à l'étape de la consultation, devant nous et d'autres instances de la communauté anglophone.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Quand nous avons tenu nos audiences, quand nous sommes allés au Québec pour vérifier ce qui se passait au niveau de la communauté anglophone, nous avons souvent entendu les anglophones nous dire qu'ils n'étaient pas certains d'avoir eu les fonds qu'ils devaient avoir. Vous n'avez rien constaté de cet ordre? Je vous vois rire; en tout cas nous l'avons entendu souvent, madame la présidente peut en témoigner.
M. Birnbaum : C'est pourquoi je me suis permis de parler du volet de consultation. En ce qui nous concerne, il faut dire que nous parlons au nom des élus au suffrage universel qui gèrent toutes les dépenses en éducation publique, je ne crois pas que notre réponse serait que nous sommes écartés du processus. Ce qui est toujours difficile, c'est de voir, comme je l'ai dit, la vaste majorité de ces fonds alloués directement au gouvernement du Québec. En même temps, en ce qui a trait aux budgets discrétionnaires, nous sommes consultés de façon assez transparente et régulière.
Le sénateur Losier-Cool : Bravo.
Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est positif. Merci beaucoup.
Mme Longpré : Le plus grand danger c'est d'avoir cette épée de Damoclès qui est de ne pas savoir. En éducation, comme partout ailleurs, on sait le nombre d'étudiants qui vont nous arriver dans quelques années. On sait où on s'en va avec les nouvelles technologies, on sait quels sont les besoins de demain. Et ne pas savoir combien d'argent on aura à investir dans le développement, dans la formation pédagogique de nos professeurs par exemple, c'est un gros danger. Ne pas savoir, c'est presque pire que de ne pas avoir.
La présidente : S'il n'y a pas d'autres questions, j'ai une précision très brève à demander. Est-il vrai qu'environ 70 p.100 de la communauté anglophone résiderait à Montréal et qu'environ 30 p. 100 résiderait à l'extérieur de Montréal?
M. Canuel : C'est quand même assez précis, oui.
La présidente : Et dans le cas de vos écoles, quel nombre de ces écoles serait en région, à comparer à Montréal?
M. Birnbaum : Le nombre refléterait probablement les pourcentages que vous venez de dire. Ce serait probablement environ 250 pour Montréal.
[Traduction]
M. Canuel : En fait, il y a plus d'écoles à l'extérieur de l'île de Montréal, parce que les écoles sur l'île sont en général plus grandes. Nous nous occupons de bon nombre de petites écoles.
[Français]
La présidente : Si vous avez de l'information additionnelle à cet égard, pourriez-vous la faire parvenir à notre greffière?
Je vous remercie sincèrement pour vos présentations et aussi pour la discussion qui a eu lieu entre vous et les membres du comité. Ce fut très intéressant et même impressionnant de voir tout ce qui se passe.
Je tiens à vous féliciter et je vous remercie d'être venus nous rencontrer.
Mme Longpré : Si vous souhaitiez que nous revenions pour vous montrer notre plate-forme et comment les élèves et les enseignants gèrent cela, cela nous ferait plaisir, cela ferait une belle après-midi.
La présidente : Merci beaucoup. Sur ce, chers collègues, la séance est levée.
(La séance est levée.)