Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 13 - Témoignages du 26 novembre 2012
OTTAWA, le lundi 26 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour faire une étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis la sénatrice Maria Chaput du Manitoba, présidente du comité. Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'invite les membres du comité à se présenter et je commencerai par ma gauche.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, Québec.
Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier, Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Comeau : Sénateur Gérald Comeau, Nouvelle-Écosse. Bonjour.
Le sénateur Tardif : Sénatrice Claudette Tardif, Alberta.
Le sénateur Charette-Poulin : Sénateur Marie Charette-Poulin, Ontario.
Le sénateur De Bané : Sénateur Pierre De Bané du Québec, et qui a été très inspiré par cette communauté si dynamique du Nouveau-Brunswick. Bravo!
La présidente : Merci. J'aimerais également vous faire part du fait que deux membres réguliers du comité : les sénateurs Mockler et Robichaud, tous deux de la province du Nouveau-Brunswick, ne sont pas présents aujourd'hui. Ils participent à des réunions dans les provinces de l'Atlantique avec le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Ils m'ont demandé de saluer en leur nom les témoins et de les remercier d'être présents devant le comité.
Le comité poursuit son étude sur les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.
Nous accueillons aujourd'hui, des représentants d'organismes francophones du Nouveau-Brunswick, soit M. René Légère, président de la Société nationale de l'Acadie. Il est accompagné de Mme Amely Friollet O'Neil, vice-présidente de la Société nationale de l'Acadie et de Mme Marie-Linda Lord, titulaire de la Chaire de recherche en études acadiennes de l'Université de Moncton; Mme Carmen Gibbs, directrice générale de l'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick, qui est accompagnée de Jean-Pierre Caissie, responsable des communications à l'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick. Et par vidéoconférence, nous accueillons M. Pascal Raiche-Nogue, président intérimaire de l'Association acadienne des journalistes, qui est accompagné de M. Patrick Lacelle, trésorier et de Mme Karine Godin, conseillère. Bienvenue.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de prendre le temps de nous présenter votre point de vue dans le cadre de notre étude et de répondre à nos questions.
J'invite maintenant M. Légère et Mme Lord à prendre la parole. Ils seront suivis de Mme Gibbs et de M. Raiche- Nogue. Les sénateurs suivront avec des questions.
René Légère, président, Société nationale de l'Acadie : Madame la présidente, honorables sénateurs et sénatrices, mesdames et messieurs, merci de nous accueillir.
La Société nationale de l'Acadie, communément appelée la SNA, est l'organisme de représentation du peuple acadien. Créée en 1881, elle est aujourd'hui, un organisme fédératif regroupant huit associations membres, un membre privilégié et six membres associés. Porte-parole officiel du peuple acadien, la Société nationale de l'Acadie assure la promotion des droits et intérêts du peuple acadien de l'Atlantique et le rayonnement de l'Acadie au Canada et par le monde.
Parmi les dossiers prioritaires qu'elle défend se trouvent les communications et c'est à ce titre qu'elle présente ce mémoire aujourd'hui devant vous.
La Société Radio-Canada est au cœur des préoccupations de la SNA. Dans les 13 années qui séparent le dernier renouvellement de licence de la SRC, la SNA est intervenue à plusieurs reprises pour aider Radio-Canada, plus récemment pour appuyer sa demande de renouvellement du FAPL, mais aussi pour lui rappeler les exigences de son mandat.
Les Acadiens et Acadiennes, comme tous les francophones au pays, sont en effet très conscients de l'importance du diffuseur public dans leur vie. Ils savent qu'aucun diffuseur privé ne serait prêt à effectuer les immobilisations nécessaires pour servir les régions éloignées pour diffuser radio, télévision et pour maintenir une présence sur le Web.
Pour l'Acadie, il est clair que le mandat national de la SRC et son financement public, auxquels les citoyens d'Acadie participent au même titre que tous les Canadiens et Canadiennes, sont les seuls garants de ces services et qu'ils doivent être préservés à tout prix.
D'entrée de jeu, la Société nationale de l'Acadie souligne l'importance de cette institution au sein du Canada, mais désire émettre quelques mises en garde. À l'heure où la lutte fait rage entre diffuseurs publics et privés, il convient d'insister sur l'importance d'un diffuseur public au Canada. La Société Radio-Canada est seule apte à réunir les diverses régions du pays, à offrir à ses citoyens où qu'ils vivent un contenu varié et indépendant, sans égard aux intérêts économiques des uns ou des autres, afin de leur permettre de confronter des visions et des idées diverses pour se faire leur propre opinion, sans lesquelles notre démocratie ne vaudrait pas grand-chose.
Dans un pays immense qui est le nôtre, une couverture radio, télévision et aujourd'hui, Web, véritablement nationale, ne sera économiquement jamais rentable pour l'industrie privée. Souvenons-nous que Radio-Canada et CBC diffusent en français, en anglais et en huit langues autochtones, du Nord au Sud et d'Est en Ouest et que la société publique joue un rôle primordial dans nos communautés.
Radio-Canada Acadie est un instrument incontournable de la société acadienne depuis plus de 25 ans, tout comme les autres stations et bureaux à travers le pays qui assurent aux francophones un rayonnement et de l'information. S'il fallait ne diffuser que là où les revenus publicitaires et les cotes d'écoute le justifient, il n'y aurait pas grand signal radio, onde télé ou couverture Web hors du triangle doré Montréal-Ottawa-Toronto.
Nous le répétons, et ce, malgré les critiques qui vont suivre, Radio-Canada doit avoir les moyens de continuer son travail pour tous les Canadiens et Canadiennes.
En Acadie, comme dans toute la Francophonie canadienne, on s'inquiète au plus haut point des compressions budgétaires au financement de la CBC/SRC dont on annonçait tout récemment qu'elles pourraient atteindre 200 millions de dollars au cours des trois prochaines années. Acadiens et Acadiennes, contribuables comme les autres, craignent à juste titre les répercussions de ces coupures sur les services essentiels qui leur sont offerts actuellement. Quel poste de vidéojournaliste, en région, va-t-on supprimer?
Le poste de journaliste national de la SRC à Saint-Jean, Terre-Neuve, vacant depuis des mois? Celui de Chéticamp, également vacant? À quelle émission devrons-nous couper les ailes? À l'émission Le Réveil, Nouvelle-Écosse et Terre- Neuve? Ou tentera-t-on de tout regrouper en une seule émission du matin privant ainsi les citoyens d'actualités spécifiques à leur coin d'Acadie?
À cet égard, la décision du CRTC de ne pas renouveler le FAPL n'a fait qu'aggraver une situation déjà inquiétante. Le FAPL représentait deux millions de dollars de fonds supplémentaires à Radio-Canada-Acadie, assez pour porter Le Téléjournal Acadie de cinq à sept jours par semaine, pour produire quelques émissions régionales et embaucher quelques journalistes en région, en Acadie.
Voilà toutes ces initiatives mises en péril et voilà l'Acadie et les autres régions du pays marginalisées d'autant, car on se doute bien que ce n'est pas dans les zones de grande écoute que s'effectueront les coupes les plus sombres, si elles ont lieu.
Autre exemple : au niveau national, le FAPL avait permis à l'émission nationale Le Club des Ex de s'assurer les services de commentateurs politiques de la Francophonie canadienne et de l'Acadie. Qu'adviendra-t-il de cette initiative?
Une partie du mandat de Radio-Canada concerne tout particulièrement l'Acadie et les communautés francophones dans leur ensemble : a) refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national que du point de vue régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions, et b) contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationale.
À cet égard, le moins qu'on puisse dire c'est que nous sommes insatisfaits. Si la société répond aux besoins particuliers des régions, avec des stations comme Radio-Canada-Acadie, les couvertures électorales provinciales, les journalistes en région, et cetera, la globalité canadienne et la diversité régionale sont pour autant écartées de la programmation de Radio-Canada sur le plan national.
La SNA, comme d'ailleurs toutes nos institutions francophones au pays, ne cesse de le répéter depuis des années. En 2007 puis en 2009, la Société nationale de l'Acadie a rendu publiques des études sur la présence des régions au réseau national, radio et télévision. Le bilan n'était pas rose. Il indiquait clairement que nouvelles, intervenants, experts, commentateurs politiques et sujets traités dépassent rarement le Québec voire même Montréal.
Un exemple concret plus récent illustre ce propos. Le 18 septembre dernier, Le Téléjournal national consacrait ses 18 premières minutes de nouvelles au Québec. Ne se passait-il rien au Canada, ce pays dont la SRC tire son nom? Qu'en est-il alors du mandat de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales? Le plan stratégique actuel de Radio-Canada s'intitule : Partout, Pour Tous. Vraiment? On peut se poser la question.
Permettez-nous de souligner que si nous sommes convaincus de la volonté, au niveau de la haute direction, de faire de cet énoncé une réalité, elle n'est pas partagée par les échelons inférieurs de la Société Radio-Canada, par les animateurs, recherchistes, réalisateurs et autres qui, en règle générale, ne connaissent pas suffisamment le pays qu'ils se sont engagés à servir pour chercher plus loin que les professionnels à côté d'eux.
En fait, il semble que tous ces artisans considèrent Radio-Canada comme une station régionale bien plus que comme le réseau national qu'il est censé être. C'est ainsi que des émissions comme L'Épicerie, La Facture et autres ne sortent pratiquement jamais, intellectuellement et physiquement, de la Belle Province et que des événements d'envergure nationale ou internationale ne sont commentés qu'à partir de Montréal, avec des experts québécois. Il n'y a pas plus d'artistes acadiens ou francophones dans les émissions culturelles que d'économistes francophones dans les émissions sur les finances ou de commentateurs politiques acadiens dans les émissions d'affaires publiques.
Cette situation est très dommageable pour l'Acadie qui a le sentiment d'être une citoyenne de deuxième classe à laquelle on ne sollicite pas l'opinion. Ce n'est pas en voyant uniquement des Québécois à l'antenne que les Acadiens, Acadiennes et francophones se sentiront valorisés ou, comme l'exprimait un auditeur acadien, auront le sentiment de faire partie d'un pays en regardant les nouvelles.
À plus long terme, enfin, c'est la mémoire québécoise dans toute sa diversité qui est préservée au détriment de la nôtre et de celle de la Francophonie canadienne dans son ensemble. En plus du manque de connaissances canadiennes, d'intérêt et de bonne volonté à l'égard du pays, au sein du siège social de Radio-Canada à Montréal, s'ajoutent des dilemmes structurels et financiers qui aggravent la situation que l'on vit actuellement.
De plus en plus, par manque de ressources, la SRC est simple diffuseur d'émissions produites par des compagnies privées et, bien entendu, ces dernières sont québécoises. À chaque fois que nous demandons une plus grande participation au réseau national, on nous répond que Radio-Canada n'est pas responsable du contenu des émissions de Guy A. Lepage ou de Fabienne Larouche. La situation est à ce point grave que lorsqu'on voit au réseau une série tournée en Acadie, comme Belle-Baie ou lorsque La petite séduction vient nous voir, l'Acadie a un peu l'impression d'avoir gagné le gros lot.
Dans le reste de la grille horaire, le Canada dont on répète qu'il est hors Québec — en passant, moi je suis hors rien, je suis en Acadie — se contente d'habitude du Jour du seigneur ou de la météo.
La présidente : Monsieur Légère, vous serait-il possible de résumer en une minute le reste de votre présentation? Votre temps est presque écoulé.
M. Légère : Parfait, je vais passer à la conclusion.
Il est clair que si Radio-Canada n'était pas si essentielle à l'épanouissement de l'Acadie et de la Francophonie canadienne, il y a longtemps que la Société nationale de l'Acadie et tant d'autres organismes auraient abandonné la lutte. Pourtant, nous croyons en la nécessité d'un diffuseur public et au potentiel de Radio-Canada, tant dans nos régions que sur la scène nationale. Nous croyons au désir de ses responsables que la société devienne véritablement l'outil de concertation nationale que son mandat exige.
C'est pourquoi depuis plus de 20 ans, étude après étude, rencontre après rencontre, comparution après comparution, nous n'avons jamais cessé de croire en la possibilité de voir un jour la Société Radio-Canada réaliser le virage tant souhaité et réclamé pour qu'elle devienne et qu'elle s'affirme comme étant le diffuseur de toute la Francophonie canadienne, un diffuseur qui s'intéresserait à ce que nous faisons, à ce que nous vivons et à ce que nous pensons. Et pourquoi pas un diffuseur qui nous permettrait de rêver, de se voir, de s'entendre et même de se faire voir et de se faire entendre?
Imaginez qu'à la soirée des Gémeaux, la grande fête de la télévision de langue française, des producteurs, voire même des artistes et des artisans de la télévision de chez nous, acadiens ou franco-manitobains, seraient en nomination ou gagneraient des prix. Est-ce qu'il n'y aurait pas là une indication qu'un changement s'est produit?
Lors de la dernière cérémonie des Gémeaux, plus d'une centaine de productions émanant du Québec ont été mises en nomination, mais aucune ne provenait de chez nous. Cette grande fête de la télévision de langue française ne devrait- elle pas être, en quelque sorte, le bulletin de fin d'année de la Société Radio-Canada qui confirmerait les progrès réalisés? Je vous remercie de votre écoute.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur. La parole est maintenant à Mme Lord.
Marie-Linda Lord, ancienne titulaire de la Chaire de recherche en études acadiennes, Université de Moncton, à titre personnel : Merci beaucoup, madame la présidente. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je veux vous dire à quel point je suis heureuse d'être devant vous aujourd'hui. Et je le suis à titre de chercheure de l'Université de Moncton, n'étant plus la titulaire de la Chaire de recherche en études acadiennes, étant devenue, depuis, vice-rectrice de l'université. C'est donc bien à titre de chercheure que je me présente devant vous aujourd'hui.
Pour faire suite aux propos de M. Légère, je vais vous présenter aujourd'hui, un bref aperçu de cette étude que vous connaissez tous sur Le Téléjournal, étude que j'avais effectuée il y a trois ans et demi, mais aussi d'autres études que j'ai dirigées avec des étudiants de l'Université de Moncton sur la radio de Radio-Canada qui, vous vous en douterez bien, abonde dans le même sens. On arrive toujours à la même conclusion soit la montréalisation des ondes, que ce soit à la radio ou à la télévision.
Le mandat national dont faisait état M. Légère est fortement contesté par les francophones canadiens. On remarque une centralisation de l'information des reportages sur le Québec et plus particulièrement sur Montréal où est situé le siège social. Les régions se sentent donc souvent délaissées au profit du Québec et même de Montréal.
Par contre, une mise en contexte s'impose sur le plan démographique. C'est souvent l'argument qu'utilise Radio- Canada pour se défendre. Nous l'avons encore entendu la semaine dernière de la bouche du vice-président des services français, Louis Lalande, devant le CRTC, à savoir que 83 p. 100 de la population francophone du pays est située au Québec, dont plus de 34 p. 100 à Montréal, mais il faut quand même souligner que le Québec ne compte que 23 p. 100 de la population canadienne.
Je voudrais rappeler les propos de l'ancien ombudsman de Radio-Canada, Julie Miville-Dechêne, alors en fonction en mars 2008, qui admettait que le téléjournal national était :
[...] un enjeu difficile pour Radio-Canada, déchirée entre la réalité démographique — les francophones, et donc le public visé, sont en très grande majorité au Québec — et son mandat national.
J'aimerais revenir sur les grandes lignes de cette étude que j'avais effectuée, qui s'intitulait Un pays, deux téléjournaux nationaux : le Québec en français — le Canada en anglais et qui posait la question quant à savoir où sont les régions au réseau national de la Société Radio-Canada.
On pouvait constater dans cette étude comparative, qui donnait une bonne perspective qui permettait de prendre toute la mesure de ce que pourrait être un mandat national et de connaître à quel point ce mandat n'était pas respecté par la Société Radio-Canada. Si on regardait, par exemple, les nouvelles qui provenaient des provinces atlantiques, à CBC, elles étaient trois fois plus élevées que Radio-Canada pendant la même période, pendant le mois de janvier et février 2009. CBC avait accordé 4 p. 100 de sa couverture totale aux provinces de l'Atlantique alors que cette proportion n'était que de 1,4 p. 100 à la Société Radio-Canada. Durant ces quatre semaines d'étude, les journalistes avaient fait appel dans leurs reportages, au cours des entrevues, à 41 personnes des provinces Atlantique à la CBC et cinq seulement à la SRC.
J'aimerais maintenant vous parler des résultats d'une autre étude — et on entre dans trois études qui ont porté sur la radio. Cela vous donne des statistiques et on va au-delà de la perception. C'est ce que ces études nous permettent d'obtenir. — effectuée par un étudiant, David Richer, et elle portait sur l'émission quotidienne Christiane Charette, un magazine diffusé cinq jours par semaine en avant-midi à la radio de Radio-Canada. Dans les Maritimes, cette émission était diffusée entre 10 heures et midi. Même si elle était diffusée à travers le pays, elle était tout à fait centrée sur la province de Québec voire même sur Montréal.
L'étudiant, David Richer, s'était intéressé entre autres à l'angle de traitement des sujets ainsi qu'à la provenance des invités. Chaque semaine, il y avait un tour de table des sujets ayant marqué l'actualité, et les commentatrices n'étaient autres que Nathalie Petrowski, chroniqueuse pour le journal La Presse de Montréal et Josée Legault, chroniqueuse au journal The Gazette, tous deux situés à Montréal. L'étudiant avait discuté par téléphone avec le réalisateur de l'émission qui lui avait expliqué que chaque jour, lors de la réunion de production, les cinq recherchistes et lui-même, tous d'origine québécoise, relevaient les sujets de l'actualité qui intéressaient les recherchistes et capteraient l'attention de l'auditoire, il faut comprendre ici auditoire montréalais et québécois, alors que l'émission est canadienne.
Les statistiques quant aux semaines sur lesquelles cette étude a eu lieu, à l'automne 2009, la presque totalité des intervenants était à 95 p. 100 Montréalais. Je ne dis pas Québécois ici, je dis Montréalais. Sur 151 intervenants, 144 étaient de Montréal, sept de France et zéro de la Francophonie canadienne.
Une autre étude, menée par l'étudiante Julie Robichaud, toujours à l'automne 2009, portait sur l'émission qui suivait celle de Christiane Charette, Maisonneuve en direct, et qui était diffusée à l'heure du midi dans les Maritimes. Cette émission comportait différentes portions, dont la première où on entendait des correspondants de partout à travers le pays. Il faut quand même reconnaître que dans cette émission, fort critiquée lorsqu'on a annoncé le retrait d'émissions régionales du midi qui devaient être remplacées par une émission nationale, on a voulu faire un effort pour essayer de représenter le Canada. Mais faut-il savoir qu'on consacrait 15 minutes de l'émission à cette portion nationale, et que les correspondants disposaient d'en moyenne deux minutes 24 secondes pour parler de leur région respective.
Dans le reste de l'émission des sujets étaient développés avant qu'on ouvre les lignes téléphoniques, parce qu'il y avait la section tribune téléphonique. À Maisonneuve en direct, on faisait appel à de nombreux intervenants pour parler des sujets d'actualité et peu importait le sujet, la population canadienne avait toujours un point de vue essentiellement montréalais des sujets traités, qui ne respectait pas évidemment le mandat de Radio-Canada qui est de représenter la globalité canadienne. Nous n'avions pas la chance d'entendre des points de vue variés pendant cette émission.
Enfin, je vous parlerai de l'émission Vous m'en lirez tant, magazine littéraire diffusé une fois la semaine le dimanche après-midi, animé par Lorraine Pintal. L'étude a été menée à l'automne 2009 par l'étudiante Mélissa Boivin-Chouinard et dans ce cas-ci c'était bien pertinent parce que l'automne est la période de la rentrée littéraire. C'est une période très importante et très chargée pour les maisons d'édition. Il faut savoir que des livres avaient été lancés en Ontario, en Acadie et aussi Québec, dans les villes de Québec et de Montréal. Mais à écouter l'émission, ce n'est pas tout à fait le même paysage littéraire qui se révélait de semaine en semaine.
Un détail à ne pas négliger est que l'animatrice de l'émission d'alors, Lorraine Pintal, était la présidente, depuis 2003, de la Vitrine culturelle de Montréal. Pour résumer, cet organisme a pour but principal de promouvoir le grand Montréal et insiste pour augmenter la visibilité de tous les secteurs d'activités composant l'offre culturelle du grand Montréal ainsi que de contribuer à l'achalandage des lieux culturels et artistiques de cet endroit. Cette personne était à la tête d'une émission nationale.
La montréalisation était bien présente dans cette émission et même on peut parler d'une bulle montréalaise sur les ondes de la radio. Dans cette émission, pour vous donner encore une fois des statistiques, le Québec occupait 55 p. 100 des entrevues, chroniques, reportages, tables rondes et actualités du livre, mais à l'intérieur de cela, 43 p. 100 était de Montréal. Donc 12 p. 100 était laissé au reste de la province de Québec, dont principalement la ville de Québec. L'Acadie a eu 3 p. 100, l'Ontario, 1 p. 100, Paris 23 p. 100. Puisque c'est une capitale littéraire francophone, oui, cela peut intéresser la Francophonie canadienne. On ne veut pas nier cela, sauf qu'il y a des auteurs acadiens qui ont publié des livres et, comme vous le savez, tout récemment, il y a l'auteure acadienne francophone qui vient de remporter le prix de la Gouverneur générale, car cette année, il y avait eu des prix pour les livres lancés durant l'automne et dont il n'a pas été question à l'émission de Vous m'en lirez tant.
Donc, tout cela est un panorama bien triste de la Francophonie canadienne qui brille par son absence. On a fait d'autres études aussi, dont celle de Julien Chabot-Paquet, qui a analysé les fils de nouvelles RSS lors de l'épidémie de la grippe H1N1.
Et dans le fil qui passait pour les nouvelles de Montréal et le fil pour les nouvelles de l'Acadie, on avait eu exactement le même nombre de nouvelles au sujet de la grippe H1N1, mais lorsque venait le temps de passer dans le fil national RSS, on n'a pas eu de grippe H1N1 en Acadie. Il n'y en a eu qu'à Montréal dans le fil national. Voilà ma conclusion.
Carmen Gibbs, directrice générale, Association acadienne des artistes professionnels.les du Nouveau-Brunswick : Bonjour, madame la présidente, honorables sénateurs. L'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick tient à remercier le comité sénatorial de nous donner l'occasion de vous adresser la parole, au nom des artistes de l'Acadie.
L'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick est un organisme de services aux arts qui regroupe plus de 250 artistes professionnels actifs principalement au Nouveau-Brunswick, mais aussi en Nouvelle- Écosse, à l'Ile-du-Prince-Edouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Québec. Elle a pour mission de promouvoir et défendre les droits et les intérêts des artistes et de faire reconnaître leur contribution au développement de la société.
Comme vous le savez, le rôle des artistes est multiple : raconteurs d'histoire, façonneurs de réalité, éclaireurs et veilleurs au service des communautés franco-canadiennes, mais aussi de tous les Canadiens et Canadiennes.
Jean-Pierre Caissie, responsable des communications, Association acadienne des artistes professionnels.les du Nouveau- Brunswick : La Société Radio-Canada est un joueur incontournable dans le paysage médiatique canadien et elle doit recevoir un financement gouvernemental adéquat qui lui permet de répondre à toutes les composantes de son mandat complexe.
En tant que radiodiffuseur public, la société favorise l'émergence d'une expression culturelle canadienne distincte et participe à son rayonnement dans le monde entier. Puis elle facilite un dialogue culturel d'un océan à l'autre, une meilleure connaissance entre Canadiens et Canadiennes et contribue à développer une unité canadienne.
Le Canada a besoin d'un radiodiffuseur public. À cause de son mandat, seule Radio-Canada peut être présente dans toutes les régions du pays, et ce, dans les deux langues officielles. La SRC est le seul média canadien véritablement national capable de refléter toutes les composantes de la mosaïque canadienne dans sa pleine diversité.
Mme Gibbs : Radio-Canada constitue la première source d'information, mais aussi de production, de coproduction et de diffusion de contenu audiovisuel en Acadie.
Les nouvelles, les documentaires, les émissions dramatiques de variété et pour l'enfance ainsi que les événements diffusés sur toutes les plateformes du diffuseur public constituent un miroir essentiel de notre société et représentent également une fenêtre vers les autres communautés et provinces canadiennes. Cette vitrine témoigne de notre identité, de nos artistes, de nos images chez les autres et en même temps nous ramène les images d'ailleurs.
Comme la Loi sur la radiodiffusion le stipule, Radio-Canada a pour mandat de proposer une programmation qui doit refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions.
Avec un respect sans faille de son mandat, Radio-Canada proposerait une communication à multiple sens entre les communautés canadiennes, dont celles qui sont en situation linguistique minoritaire. Selon nos observations, ce n'est pas toujours le cas. Les régions, dont l'Acadie, ne font toujours pas leur poids au sein du réseau national.
Au fil des ans, l'Acadie rayonne et se manifeste par l'entremise de ses artistes. Du groupe musical acadien 1755, Angèle Arsenault ou, plus récemment, France Daigle, Lisa LeBlanc et Radio Radio, nombreux sont les artistes acadiens qui ont reçu, à une étape ou une autre, un appui de Radio-Canada dans leur démarche professionnelle. Malgré tout, nos artistes, dont certains réussissent pourtant très bien ailleurs dans le monde, se retrouvent encore très rarement au réseau national sous prétexte que, et je cite, « les artistes acadiens ne sont pas assez connus au Québec », présumant par là que les auditeurs québécois ne les écouteront ou ne les regarderont pas. C'est précisément le cas de la Soirée des Éloizes produite par notre association et diffusée par Radio-Canada seulement dans les provinces Atlantique.
Les galas produits au Québec sont diffusés chaque année sur le réseau national, que ce soit celui de l'ADISQ ou des Gémeaux.
M. Caissie : L'AAAPNB est d'avis qu'il y a place à amélioration pour faire en sorte que les préoccupations, les talents artistiques et les enjeux culturels des communautés acadiennes soient davantage présentés et pris en compte au réseau national de la SRC. Il y a encore beaucoup trop de contenus spécifiquement montréalais qui sont diffusés sur les diverses plateformes qu'anime la SRC.
Il est, en effet, très important que le téléspectateur qui choisit de regarder les nouvelles se reconnaisse autant au réseau que dans les stations locales. Il est primordial que les nouvelles voyagent dans les deux sens, soit du réseau vers les stations locales et des stations locales vers le réseau. La notion du reflet de toutes les communautés dans les émissions du réseau est primordiale pour la survie des communautés franco-canadiennes, et ce, tant au niveau local qu'au niveau national. Nous n'avons pas encore atteint ce niveau de représentativité, et l'Acadie ainsi que la Francophonie canadienne ne bénéficient pas encore du niveau d'accès aux arts et à la culture souhaité sur les ondes du diffuseur public national.
Mme Gibbs : Nous pourrions aussi souligner que la différence de fuseau horaire semble ne pas toujours être prise en compte, lorsqu'on constate notamment que le Téléjournal Acadie débute chez nous à 23 heures pour se terminer à 00h30. Une heure plus tard dans les Maritimes? Peut être, mais il y a des limites. Devons-nous vous rappeler que nous aussi nous travaillons le lendemain matin.
Il reste beaucoup de progrès à faire au niveau du reflet de la globalité canadienne et en ce qui a trait à rendre compte de la diversité régionale.
Les communautés acadienne, franco-manitobaine et saguenéenne ont énormément en commun, davantage qu'elles ne le croient, cependant, le pupitrage et la sélection des nouvelles à la télévision au réseau national se font par la station de Montréal qui décide ou pas de rediriger les nouvelles et les émissions.
M. Caissie : Le radiodiffuseur public ne devrait pas avoir les mêmes contraintes de cote d'écoute que le secteur privé. En ce sens, il devrait donc s'acquitter, entre autres, plus activement à refléter la situation et les besoins particuliers des communautés franco-canadienne et acadienne sur le réseau national aux heures de grande écoute. C'est pourquoi nous ne sommes pas en faveur de la présente demande de Radio-Canada de diffuser de la publicité à Espace Musique et Radio 2.
Radio-Canada ne devrait pas se retrouver dans une situation où la publicité dicte encore davantage le choix de ses émissions et de ses intervenants au détriment bien sûr des régions et des minorités linguistiques vivant en situation minoritaire.
Mme Gibbs : La station Acadie de Radio-Canada est un partenaire incontournable dans la vie artistique de la communauté acadienne des provinces de l'Atlantique, cela va sans dire. Cependant, la place de l'Acadie au sein du réseau national soulève chez nous des préoccupations, préoccupations que nous soulevons ici.
L'administration de Radio-Canada semble concevoir le réseau davantage comme un pilier central qui émet vers les régions. L'exemple d'Internet nous permet dorénavant de concevoir le réseau autrement. L'interconnexion entre des pôles, des régions, des émetteurs et des stations, l'information et le contenu produit devraient se promener davantage entre les régions sans devoir transiter par le centre qui juge de l'importance de l'information et aiguille le contenu. Nous croyons fermement que l'amélioration du reflet de nos artistes et de notre culture au réseau national passe par une plus grande capacité de prise de décision dans les régions. Le Canada s'étend au-delà des frontières de Montréal. En écoutant Radio-Canada, il est clair que le diffuseur public devrait contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationale.
M. Caissie : Bien sûr, pour pouvoir diffuser du contenu régional à l'antenne nationale, il faut avoir accès à du contenu régional. Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale a réussi en peu de temps à redonner un souffle nouveau à la production locale d'émissions, de documentaires, de séries dramatiques et de nouvelles qui reflètent qui nous nous sommes. Malheureusement, nous sommes persuadés que l'élimination progressive de ce fonds, parallèlement à l'absorption d'une réduction de budget de l'ordre de 10 p. cent, couperait le rayonnement de nos régions, notamment des communautés de langue officielle en situation minoritaire, sur les ondes de notre diffuseur public.
Le remplacement du FAPL est une nécessité, qu'on le nomme ainsi ou autrement. Ce fonds, qui représentait pour la station Acadie de Radio-Canada un petit deux millions de dollars par année, a pu avoir si rapidement un impact significatif sur la production en Acadie. Sa disparition fragilisera la place de la production locale en Acadie.
Mme Gibbs : Finalement, nous croyons que le radiodiffuseur public est un joueur indispensable dans l'espace médiatique canadien, notamment pour l'Acadie. Nous croyons que la SRC contribue au développement et au rayonnement des arts et de la culture de la Francophonie et pourrait le faire mieux à l'avenir. Nous souhaitons qu'à l'avenir, la Société Radio-Canada dispose de moyens suffisants pour servir de véritable phare culturel partout au pays pour tous les Canadiens.
En terminant, nous exigeons de Radio-Canada une plus grande décentralisation de la prise de décision et du contrôle du temps d'antenne national.
De plus, nous souhaitons que l'esprit de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la radiodiffusion soit respecté pour favoriser l'essor des arts, de la culture, de la Francophonie canadienne et acadienne, et la vitalité de nos communautés partout au Canada. Nous recommandons également que le gouvernement réserve au moins un siège à un représentant de la Francophonie canadienne au conseil d'administration de la société.
Radio-Canada est une institution incontournable pour le milieu artistique et culturel acadien. Elle permet de transmettre à la population, à chaque citoyen, des informations de qualité; elle suscite des réflexions et des discussions, et contribue à l'élargissement des espaces francophones en sensibilisant la communauté à l'importance des arts Acadie et ailleurs au pays.
La Société Radio-Canada est un agent de l'identité collective, elle agit comme un véritable passeur culturel et alimente le vivre-ensemble qui caractérise la société canadienne.
Pour aider Radio-Canada à remplir son mandat à l'égard des communautés de langues officielles en situation minoritaire, nous souhaitons l'appui du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Merci de votre attention.
Pascal Raiche-Nogue, président par intérim, Association acadienne des journalistes (par vidéoconférence) : Madame la présidente, honorables sénateurs, merci de nous accueillir aujourd'hui. Je suis ici à titre de président par intérim de l'Association acadienne des journalistes, aussi connue sous le nom de l'AAJ.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je me permets de présenter rapidement l'organisation que je représente. L'Association acadienne des journalistes est une association professionnelle qui regroupe les journalistes œuvrant dans les médias francophones des provinces de l'Atlantique.
Si l'AAJ a accepté de témoigner aujourd'hui, c'est parce que la Société Radio-Canada joue un rôle de premier plan pour l'information en français dans les provinces de l'Atlantique.
Dans plusieurs régions de l'Est du pays, le diffuseur public est la seule source de nouvelles régionales en français à la télévision. Dans certaines régions, c'est aussi la seule source de nouvelles radiophoniques en français.
Nous tenons à le répéter, l'information de qualité en français dans les provinces de l'Atlantique dépend très largement de l'apport de Radio-Canada.
Comme nous voulons profiter au maximum du temps que vous nous accordez aujourd'hui, nous nous contenterons de vous donner notre avis sur les questions qui nous touchent de près. Les représentants des organismes qui sont à nos côtés aujourd'hui, à Ottawa, ont à cœur les enjeux identitaires et culturels. De notre côté, nous parlerons de l'élément qui nous concerne, c'est-à-dire la qualité de l'information.
La Loi sur la radiodiffusion du Canada stipule que la SRC doit, je cite :
[...] refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions.
Or, selon nous, le diffuseur public ne respecte pas entièrement cette obligation.
Nous pourrions aborder le travail effectué par les journalistes de la station régionale de la SRC dans les provinces de l'Atlantique, Radio-Canada Acadie, mais nous estimons qu'il est plus pressant de se pencher sur l'information diffusée à la radio et à la télévision dans le cadre des bulletins et des émissions nationales.
Nos commentaires touchent donc les bulletins d'information, les émissions d'affaires publiques, les émissions généralistes et spécialisées qui sont diffusées à la fois à première chaîne, à la télévision de Radio-Canada, et au réseau de l'information, le RDI.
Des études très ciblées ont clairement démontré, comme nous l'a expliqué Marie-Linda Lord, que l'extérieur du Québec occupe une place marginale dans les bulletins de nouvelles télévisés de fin de soirée. Mais selon nous le problème est beaucoup plus large.
La place accordée au Québec est écrasant, à la fois dans les bulletins de nouvelles et dans les émissions d'information. Les nouvelles québécoises sont immanquablement présentées en début de bulletin et sont analysées en profondeur dans les émissions d'affaires publiques. Cela laisse peu de places aux nouvelles d'ailleurs au pays.
Lorsqu'on parle de ce qui se passe dans les provinces de l'Atlantique, c'est aussi, souvent, à la sauvette ou pour ajouter un peu d'exotisme ou de pittoresque sur les ondes. Par exemple, lorsque la nouvelle du jour en provenance de l'Atlantique au Réseau de l'information est la découverte d'une tortue échouée, on peut se demander s'il n'y avait pas de nouvelles plus pertinentes de l'extérieur du Québec ce jour-là.
L'absence de nouvelles provenant d'ailleurs au pays, de l'Ontario, des Prairies, de la Colombie-Britannique et des territoires, se fait aussi sentir dans les provinces de l'Atlantique.
De l'information de qualité, dans le fond, c'est de l'information diversifiée. C'est un des critères de la qualité de l'information parmi tant d'autres. Ce déséquilibre ne sert pas non plus les Québécois, parce que si la SRC ne leur parle pas des nouvelles de l'extérieur de leur province, on peut se demander comment ils peuvent comprendre la globalité canadienne.
Le traitement des nouvelles nationales pose également problème sur les ondes de Radio-Canada à l'échelle nationale. Par exemple, lorsque des données sont publiées par un organisme comme Statistique Canada, les animateurs et les journalistes basés à Montréal cadrent la nouvelle afin qu'elle intéresse un auditoire québécois. Les nouvelles d'intérêt national sont souvent présentées pour cet auditoire. On y explique les enjeux, les conséquences et les particularités pour le Québec.
En agissant ainsi, ils réussissent, à partir d'une nouvelle nationale de nature intéressante, à la rendre inintéressante pour les auditeurs et les téléspectateurs des 12 autres provinces et territoires de l'extérieur du Québec. Tout cela fait en sorte que plusieurs francophones se tournent vers d'autres médias. C'est inquiétant parce que l'alternative est, plus souvent qu'autrement, anglophone, surtout dans les provinces de l'Atlantique,
Ces critiques, comme d'autres intervenants l'ont dit, ne datent pas d'hier. Cela fait des années qu'on les répète et que des études les confirment. Pour corriger le tir, des mesures doivent être adoptées. Les bonnes intentions ne suffisent pas.
D'après nous, Radio-Canada pourrait mieux respecter ses obligations en décentralisant la production d'information. Aucune émission nationale d'information ou d'affaires publiques en français n'est produite par Radio-Canada Acadie, que ce soit à la radio ou à la télévision.
Pour bien comprendre la réalité d'une communauté, ce n'est pas compliqué, il faut s'y trouver; il faut y être et y vivre. Il serait irréaliste de demander à des journalistes, à des recherchistes et à des réalisateurs de Montréal de comprendre quelles nouvelles touchent les gens de chez nous. C'est pourquoi Radio-Canada doit créer davantage de postes nationaux dans les provinces de l'Atlantique et décentraliser la production de ses émissions.
Nous croyons aussi que l'antenne régionale de la SRC chez nous, Radio-Canada Acadie, devrait prendre plus de place dans les provinces de l'Atlantique. En effet, non seulement il n'y a pas d'émission diffusées à l'échelle nationale, mais il y a très peu d'émissions qui sont produites localement. Donc, en réduisant le nombre d'heures de production nationale au profit du contenu régional, la Société Radio-Canada respecterait mieux son mandat.
On peut rêver à toutes sortes de moyens de faire progresser la qualité de l'information offerte par la Société Radio- Canada mais, en conclusion, ces idées n'iront pas loin sans un financement public adéquat. Afin de respecter ses obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les langues officielles, le diffuseur public, la SRC, a besoin d'un financement stable et suffisant.
Les compressions des dernières années se font sentir chez nous, nous pouvons vous l'assurer, et sont inacceptables. Cette tendance doit être inversée afin que la SRC puisse offrir aux Canadiens et aux Canadiennes les services auxquels ils ont droit. Merci d'avoir pris le temps de nous écouter aujourd'hui.
Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je tiens à vous dire que j'ai écouté avec attention la présentation de vos mémoires, et c'est vraiment très touchant. Et ce n'est pas parce que je viens du Québec que je ne me rends pas compte; je ne suis pas complètement aveugle, je me rends compte de la façon dont Radio-Canada agit envers toutes les communautés francophones en milieu minoritaire dans le pays tout entier. On s'aperçoit parfois, sur le réseau anglais, qu'il a été question d'un événement très important qui n'a jamais été mentionné sur le réseau français.
Je vais vous poser une question que j'ai également posée aux organismes que nous avons accueillis la semaine dernière et qui représentaient les communautés francophones de l'Ontario. Je souhaiterais avoir vos réactions également à ce sujet.
Pouvez-vous nous parler des mécanismes actuels de consultation utilisés par la Société Radio-Canada pour les communautés francophones en situation minoritaire, ainsi que leur taux de participation?
M. Légère : Je peux peut-être commencer avec un début de réponse. À la Société nationale de l'Acadie, nous avons, de manière sporadique, des rencontres avec la direction générale. Il y a des souhaits exprimés que ces rencontres soient régulières. Mais trouver le moment opportun pour que cela se fasse est un défi. Dans le contexte actuel, je crois que ces rencontres sont devenues essentielles et nécessaires.
L'intention est de permettre au directeur de la station d'écouter les éléments de discussion que la communauté apporte sur la place publique. Ces éléments de discussion sont également amenés au sein de notre organisme. Je parlerai alors plus pour la Société nationale de l'Acadie, qui gère le dossier des communications pour l'Acadie.
Lors des réunions du conseil d'administration, il y a des gens de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, de l'Ile-du- Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick qui discutent de la façon dont les services sont offerts. On entend les critiques qui proviennent de partout. On essaie de faire le bilan de tout cela et on le présente au directeur de la station en souhaitant que ce dernier puisse faire bouger les choses.
Aussi, il y avait à l'époque un Acadien au sein du conseil d'administration de Radio-Canada qui était Clarence LeBreton. Ce dernier n'est plus là, il n'a pas été remplacé par personne d'autre. Il était aussi un véhicule auquel on fournissait des informations pour lui dire que la situation n'avait plus de sens et qu'il fallait qu'il fasse quelque chose au sein du conseil d'administration.
Et nos réponses étaient toujours : « Oui Monsieur LeBreton, on va tout faire pour s'assurer que les régions soient mieux représentées au niveau de la programmation nationale », mais c'est resté au même niveau, ça n'a jamais changé de niveau. C'était très difficile de faire descendre ça d'un ou de deux échelons.
Parce qu'à un moment donné ça devient pratiquement impossible à cause du poids du nombre. Il faudrait parler à tous les recherchistes, tous les réalisateurs, tous les animateurs et à tous les réalisateurs. Ça devient un exercice quasi impossible. À moins qu'il y ait une stratégie bien établie pour que ça puisse se faire.
Amely Friollet O'Neil, vice-présidente, Société nationale de l'Acadie : J'aimerais ajouter aux propos de mon collègue et dire que oui, la Société nationale de l'Acadie organise une rencontre annuelle avec les dirigeants de Radio-Canada.
Mais cette question se divise en deux parties. Oui, il y a parfois consultation, mais il n'y a pas toujours réceptivité adéquate des doléances formulées par la communauté acadienne. Je pense que c'est important de comprendre la question dans son entièreté et dans ses deux sens.
Le sénateur Fortin-Duplessis : En somme, vous n'avez pas l'impression d'être écoutés lorsque vous demandez quelque chose. Est-ce que c'est exact?
Mme Lord : J'ai assisté à cette première rencontre qui a été provoquée à la suite de la publication de mon étude exhaustive sur les deux téléjournaux nationaux, en anglais et en français. Au cours de la discussion, on en était rendus au point où il fallait dire aux trois directeurs de Radio-Canada qui s'étaient déplacés à Moncton que nous, en Acadie, — comme c'est le cas en Ontario et en Alberta — nous sommes des francophones au même titre que les francophones du Québec.
Il y avait un point d'interrogation sur leur visage, je vous le dis comme je suis là. Je crois vraiment que le mot « minoritaire » crée une perception comme si on était moins francophones, alors que c'est faux. Oui, nous sommes francophones.
Le sénateur De Bané : Vous l'êtes davantage.
Mme Lord : Je suis d'accord avec vous, sénateur De Bané, parce que nous sommes au front quotidiennement. Je le dis aussi parfois à des Québécois. La journée qu'en Acadie, notre front va tomber, les Québécois vont devenir le front. Ce sera la même chose en Ontario et en Alberta.
Mme Gibbs : Moi ça fait 13 ans que je suis en poste et à chaque changement de direction, on est appelés à des rencontres à Moncton pour qu'ils nous annoncent la bonne nouvelle. Ça fait 13 ans que nous annonce la bonne nouvelle au sujet de l'intention de Radio-Canada de bien servir l'Acadie. On revient toujours à la charge au sujet de demandes qu'on juge assez raisonnables. Ils sont là. Ce n'est pas qu'ils ne nous entendent pas. Je crois qu'ils nous écoutent, mais il y a une vraie méconnaissance de l'apport que l'Acadie peut avoir aussi au Québec.
C'est comme s'ils croyaient nous rendre un service tandis que nous, on essaie de leur dire qu'on contribue à l'État et au dynamisme. Les Québécois ont besoin d'entendre tout ça aussi. Il y a quelque chose qui ne passe pas sur la tour de Montréal.
Mme Lord : Aussi, le fait d'avoir une couverture nationale ne cadre pas avec le projet de société québécoise. Radio- Canada a été un acteur majeur dans toute cette construction de la société québécoise telle qu'on la connaît. C'est ce que nous avons vu au cours des 60 dernières années. Et toute la place est prise par ce projet à Radio-Canada. Radio- Canada n'est plus le projet de la société canadienne. Radio-Canada est le projet de la société québécoise.
Évidemment, on a parlé un peu de la situation financière. Et depuis presque 20 ans, on a vu que les budgets de Radio-Canada ont fait l'objet de restrictions. C'est là où est entrée une logique marchande à Radio-Canada. On a vraiment oublié l'esprit fondamental d'un service public. Il faut comprendre aussi la dynamique montréalaise. À la télévision, Radio-Canada se sent en compétition directe avec sa principale rivale qui est TVA. Ils surveillent l'un et l'autre les cotes d'écoute. Ils se sont laissé prendre dans ce tourbillon, mais aussi pour justifier à l'aide d'une cote d'écoute que le financement public en valait la peine. Et ils ne s'en sortent plus.
Mme Gibbs : Le taux de participation est très élevé. Pourquoi? C'est parce qu'on a toujours espoir. On espère pouvoir influencer. Donc on est au rendez-vous, on ne rate pas les occasions lorsqu'on est convoqués. Donc le taux de participation est élevé.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Madame Lord, je crois que vous avez mis le doigt dans le bobo. Moi qui suis une Québécoise, je suis fédéraliste mais je suis aussi nationaliste. On a l'impression que Radio-Canada fait tout pour provoquer la séparation du Québec en n'unifiant pas le pays.
Au Québec, ce n'est pas drôle pour nous non plus. On n'a jamais d'information des francophones des autres provinces et de tout ce qui se passe. Cela nous fait quelque chose. Quand on veut rester Canadien et qu'on voit comment ils travaillent à défaire tout ça, c'est difficile.
Mme Lord : Mais ils ont quand même contribué à l'identité québécoise, qui est une bonne chose. Ils ont aidé à la construire telle qu'on la connaît. Parce qu'on sait que l'identité québécoise à l'époque était canadienne-française. Elle est devenue québécoise. Radio-Canada a été un des acteurs principaux qui ont contribué à cet état de fait.
Je crois que c'est même au-delà du projet politique d'une partie de la population québécoise. Les fédéralistes, même sur le plan de l'identité québécoise, sont fiers de leur identité provinciale.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Oui.
Mme Lord : Je dirais que Radio-Canada contribue à la valorisation de cette identité québécoise et aussi tout le Star System qui existe au Québec, n'a pas son équivalent du côté du Canada anglais.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je m'excuse, mais je vais devoir quitter étant donné que je me présente quelque part. Je lirai avec beaucoup d'intérêt le compte rendu de la réunion d'aujourd'hui. Merci beaucoup et je vous souhaite bonne chance pour votre présentation devant le CRTC.
La présidente : Monsieur Caissie, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Caissie : La Fédération culturelle canadienne-française a conclu une entente avec plusieurs agences fédérales liées à la culture, dont Radio-Canada.
Dans le cadre de cette Entente pour le développement des arts et de la culture de la Francophonie canadienne, nous rencontrons les hauts fonctionnaires de Radio-Canada une fois par deux ans; la rétroaction est donc un peu difficile lorsqu'échelonnée sur cette période.
Le sénateur Tardif : Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à vous remercier pour vos excellentes présentations. Je suis de l'Alberta, une province n'ayant pas un poids démographique imposant et qui doit lutter continuellement afin que le visage des francophones de la région soit très bien représenté et que ces derniers soient entendus. Je suis donc très touchée par les commentaires et les propos que vous avez émis aujourd'hui et je vous en remercie.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, à savoir que Radio-Canada est trop centrée sur le Québec et principalement sur la ville de Montréal et je suis aussi d'accord sur le fait que Radio-Canada ne reflète pas la diversité de nos régions ni la globalité canadienne, que ce soit au niveau des animateurs, des bulletins d'information, des émissions produites de la représentativité de nos artistes.
Jusqu'à quel point croyez-vous que la situation actuelle décrite sera exacerbée par les compressions budgétaires imposées à Radio-Canada? On parle de compressions budgétaires de l'ordre de 200 millions de dollars au cours des trois prochaines années; la situation que vous décrivez risque-t-elle d'être exacerbée par ces compressions budgétaires?
M. Légère : Je pense que oui. Si je me fie à ce qui s'est produit dans le passé, c'est évident qu'on va devenir la cible assez facile. Il y a différentes manières d'effectuer des compressions budgétaires, mais la centralisation, habituellement, est un thème qui revient souvent. On centralise davantage pour éviter d'avoir des administrations multipliées un peu partout à travers le pays. Je vois là un danger important. Également, concernant le choix des productions, ils vont cibler davantage les productions qui seront les plus porteuses. Et comme nous n'avons pas un volume de production tel celui du Québec, on sera encore sujet à des compressions budgétaires. Le risque était énorme, il n'y a aucun doute là- dessus; il ne faut pas être naïf, là.
Mme Gibbs : Je crois que les compressions budgétaires actuelles s'ajoutent à celles des 20 dernières années. À mon avis, au-delà des commentaires et des préoccupations énoncés tantôt concernant la place de l'Acadie ou des régions à Montréal, il est clair que si l'on veut que la société d'État joue son rôle, il faut arrêter de la saigner. Parce qu'en fait, on est en train d'enlever le peu de graisse qu'il y a sur l'os; on est en train d'amputer la société d'État de sa capacité à bien jouer son rôle. Si on a encore l'espoir qu'elle puisse jouer son rôle, il ne faut pas poursuivre dans cette veine parce que tantôt il ne restera presque plus rien à Radio-Canada pour lui permettre de jouer ce rôle.
M. Raiche-Nogue : Plusieurs personnes ont remarqué aujourd'hui, que l'information, le choix des intervenants et le lieu de production des émissions sont beaucoup influencés par les cotes d'écoute. Ceci parce que Radio-Canada cherche à plaire à un auditoire québécois. En réduisant les subventions accordées à Radio-Canada, on ne fera qu'amplifier le problème. Radio-Canada dépendra de plus en plus des revenus publicitaires, et ce n'est pas de bon augure pour nous parce que plus les revenus publicitaires prennent de la place, plus ils vont aller chercher de l'auditoire, et ce dernier se trouve majoritairement au Québec. Ça ne peut donc pas être bon pour nous. Moins il y aura de subventions, moins on aura de place à l'antenne nationale. C'est certain.
Le sénateur Tardif : Si je comprends bien, vous dites que les communautés francophones sont très vulnérables dans le cadre de ces compressions budgétaires et que nous risquons de perdre des services essentiels pour nos communautés. Est-ce bien ce que vous dites?
Mme Lord : Oui; et de façon concrète, lorsqu'on a vu l'apparition de ce fonds il y a quelques années, on a pu remarquer, entre autres, l'ajout de journalistes, notamment en Nouvelle-Écosse et dans d'autres régions également, ainsi que l'ajout d'émissions régionales. Par exemple, dans la région de l'Acadie, comme partout ailleurs nous avons Le Téléjournal qui est un indispensable. Nous l'avons sept jours par semaine, mais nous savons que ce n'est pas le cas pour toutes les régions canadiennes. C'est un gain, mais va-t-il demeurer?
Les compressions budgétaires risquent de nous réduire à ce rendez-vous quotidien du Téléjournal à 18 heures et c'est tout ce que nous aurons, alors qu'on a, à l'heure actuelle, une revue acadienne qui est une émission humoristique; on a un talk-show qui s'appelle Luc et Luc. On bénéficie donc d'une diversité au plan culturel aussi, alors que là, nous allons nous retrouver dans le carcan exclusif de cette information tout à fait indispensable. C'est le choix à faire s'il ne nous reste que ça, mais ce n'est certainement pas assez pour démontrer le reflet d'une population francophone dans sa spécificité culturelle, et ce, dans une des régions du Canada. Et ce sera la même chose pour les autres francophones du pays qui perdront également leurs productions régionales, sauf probablement Le Téléjournal.
Mme Gibbs : En fait, en Acadie, parmi des téléséries dramatiques et des documentaires produits en Acadie et qui sont vraiment à risque, il y a : Le Téléjournal, La Revue Acadienne, La soirée des Éloizes, la télésérie Belle-Baie, les documentaires Éloge du chiac, Cayouche Le temps d'une bière; tous nos documentaires, en fait. C'est un enjeu pour toutes les régions de la Francophonie canadienne et acadienne, et je dirais même qu'il y a des enjeux qui touchent les régions oubliées du Québec.
Le sénateur Tardif : En plus s'ajoute l'élimination du Fonds pour la programmation locale. Le CRTC, si je comprends bien, a décidé, d'ici 18 mois, d'éliminer les fonds octroyés aux régions pour essayer d'améliorer la programmation locale; une initiative qui avait été très bien appréciée par l'ensemble des régions du pays.
Mme Gibbs : Cela leur permettait de mieux respecter leur engagement au niveau des langues officielles. Cela contribuait au développement des communautés en milieu minoritaire. Comme vous le savez, cela représente deux millions de dollars en Acadie pour les quatre provinces de l'Atlantique. C'est un petit montant considérant l'impact pour nos communautés et notre rayonnement à l'extérieur de nos frontières. C'était vraiment un enjeu majeur pour très peu.
Le sénateur Poirier : Merci d'être ici. C'est toujours plaisant de voir des gens de chez nous venir nous parler. La présentation était fantastique. Ça nous ouvre vraiment les yeux. Madame Lord, vous avez mentionné tantôt — et on l'a entendu à plusieurs reprises par d'autres personnes — qu'après toutes les recherches, la même réponse semblait toujours revenir, à savoir que Le Téléjournal national est trop concentré sur la ville de Montréal. Vous avez mentionné qu'une partie du problème tenait peut-être au fait que nous sommes minoritaires dans une région de langue officielle minoritaire et qu'ils ne nous considèrent peut-être pas comme étant aussi francophones qu'eux le sont.
Étant donné que le Nouveau-Brunswick est la seule province qui s'assure du respect des deux langues officielles, j'ai de la difficulté à croire que Radio-Canada ne pourrait pas comprendre qu'on n'est pas moins francophones chez nous que ceux qui vivent à Québec ou à Montréal.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Mme Lord : On ne peut pas se départir de l'idée que le Canada anglais, qui englobe les neuf autres provinces, incluant le Nouveau-Brunswick, est bilingue. Combien de fois faut-il leur rappeler? On dirait qu'on a eu une vague, dans les années 1970, avec des artistes telles qu'Édith Butler, Antonine Maillet et Angèle Arsenault avec lesquelles on a découvert l'Acadie. Cela s'est un peu calmé après. On a maintenant une nouvelle vague avec d'autres artistes acadiens.
Il y a moins d'étonnement sur le fait qu'on existe. Mais on ne parle tellement pas de nous à Radio-Canada. Combien de fois voit-on à des gens surpris que nous parlons français? On se le fait dire régulièrement, mais on n'a pas de tribune pour le dire.
C'est sûr que les Québécois sont majoritaires sur leur territoire provincial. Nous ne le sommes pas, même si nous avons l'égalité reconnue dans la Charte canadienne. Cela ne correspond pas non plus au projet d'une société québécoise qui est le seul porte-flambeau de la francophonie. C'est comme si on ne voulait pas reconnaître l'archipel canadien francophone. C'est sûr que le Québec en est la principale île; l'Ontario est une bonne île, l'Acadie également. Mais on ne veut ni le reconnaître ni l'accepter.
Mais on n'est pas visible non plus. C'est là tout le problème au niveau social : nous sommes continuellement invisibles à Radio-Canada. Alors comment peut-on être reconnu alors que nous-mêmes ne nous voyons pas?
J'ajouterais que dans nos revendications, on demande à être beaucoup plus présents sur les ondes mais c'est au-delà de cela. C'est le Canada dans son ensemble : oui, il faut faire une place aux francophones mais il faut également faire une place aux enjeux canadiens. Cela nous intéresse comme citoyen.
Le sénateur Poirier : Étant donné qu'on est une province officiellement bilingue, cela ne nous avantage pas à travers le Canada où on est quand même reconnu comme province minoritaire francophone.
Mme Gibbs : Les décisions se prennent par des gens qui n'ont pas d'intérêt dans ce que l'on fait. Et je ne parle pas de la haute direction. Il y a un problème entre la volonté de la haute direction et les personnes qui prennent les décisions sur le contenu.
Nous avons la certitude d'être dynamiques, nous nous comportons comme des gens qui contribuent à cette société, on ne se comporte pas comme des agneaux, on peut apporter une contribution. Mais effectivement, comme l'a dit Mme Lord, pour pouvoir contribuer, il faut pouvoir contribuer. Mais en Acadie, comme dans les autres communautés de la Francophonie canadienne, on a énormément à ajouter.
En fait, Montréal aurait beaucoup à apprendre sur nos façons de faire, notre façon de dire et sur notre résilience.
Le sénateur Poirier : Vous parliez de 20 ans tout à l'heure. Pensez-vous qu'aujourd'hui, en ce qui concerne Radio- Canada, on est beaucoup mieux ou en est-on au même niveau qu'il y a 20 ans?
M. Légère : Selon moi, on est au même niveau. Je me rappelle très bien d'une intervention que j'ai faite dans les années 1990 où j'avais dit que la journée où Radio-Canada aura une télésérie qui provient de l'Acadie, qui sera produite en Acadie — cela aurait pu être en Ontario, en Alberta ou au Manitoba —, on pourra alors commencer à dire que Radio-Canada est vraiment une télévision nationale.
On a eu Belle-Baie, qui était une télésérie produite en Acadie, mais c'est fini. Alors quel projet nous propose-t-on actuellement sur les ondes? Je n'en connais pas. Y en a-t-il un? Quelqu'un pourrait me le dire? Mais pour l'instant, il n'y en a pas. On se retrouve donc exactement dans la même situation. Radio-Canada commencera à être une télévision nationale lorsqu'elle permettra à nos artisans, à nos artistes de s'exprimer dans le cadre, par exemple, d'une télésérie ou un projet important qui sera vu dans l'ensemble du territoire.
J'ai vécu l'expérience de rencontres à Montréal où, autour de la table, il y avait une douzaine de réalisateurs qui étaient venus nous entendre parce qu'à ce moment-là, on réclamait presque la fermeture de Radio-Canada. Parce que la journée où le reste de la Francophonie canadienne dira que le modèle actuel ne correspond plus à nos aspirations, ne répond plus à nos besoins et fait abstraction de son mandat, il faudra penser à une autre forme de télévision publique qui serait, par exemple, répartie sur l'ensemble du territoire canadien avec chacun sa programmation et un partage de programmation, en fin de compte.
Donc lors de cette rencontre, les réalisateurs et les gens assis autour de la table m'ont dit que lorsqu'on a, au sein d'une équipe, un Acadien, un Franco-Ontarien, un Franco-Manitobain, ou quelqu'un de l'extérieur du Québec, cela a un impact majeur sur l'ensemble de l'équipe. Parce que ces gens qui viennent de ces communautés sont capables de dire aux autres membres des équipes de recherchistes qu'il y a quelque chose qui se passe à Halifax, ou à Baie-Sainte-Marie ou à Shipagan, et que ce serait intéressant pour le style d'émission que l'on fait. Il n'y a pas de stratégie actuellement pour permettre cela. Je ne sais pas ce qu'il faut faire.
Le sénateur Poirier : Est-ce que cela ferait partie de vos recommandations?
M. Légère : C'est difficile de recommander une telle obligation.
Le sénateur Poirier : Cela pourrait faire partie de la solution?
M. Légère : Je pense qu'il devrait y avoir une ouverture en ce sens.
Mme Lord : Il faudrait mieux se servir des ressources en région. Radio-Canada a des ressources partout.
Lors de la publication de mon étude, j'avais été invitée à l'émission de Michel Desautels. C'était à la veille de l'installation de Barack Obama et on avait fait des tables rondes de jeunes Noirs du Canada, en anglais et en français. À la différence qu'en anglais, les quatre jeunes venaient de quatre villes différentes du pays qui couvraient les grandes régions, alors qu'en français, ai-je besoin de vous dire leur provenance? Les quatre venaient de Montréal. Et M. Desautels m'a dit qu'il était difficile de passer six heures dans une journée pour trouver des Noirs dans les villes canadiennes. Il y a des communautés noires francophones à Calgary, à Winnipeg, à Moncton, à Halifax. Les stations régionales sont là, ils auraient pu fournir les noms très rapidement. C'est ce que je lui ai répondu.
Le fait que la tête de réseau soit à Montréal est un problème. Quand il y a des émissions nationales, il faudrait se demander si l'équipe ne devrait pas être à l'extérieur de la province de Québec ou, du moins, à l'extérieur de Montréal. Ce pourrait être à Ottawa, ici, où déjà il y aurait une plus grande sensibilité. Cela dénoyauterait Montréal qui domine les ondes.
Vous avez posé la question à savoir si c'était pire, la réponse est oui, à deux niveaux. On se rappellera que sur le plan régional, à l'époque, après Le Téléjournal que nous avions, chaque soir, il y avait un magazine différent. Par exemple, il y avait déjà eu Clin d'œil. Il y avait toutes sortes d'émissions d'intérêt régional très variées en début de soirée. C'est quelque chose que nous avons perdu.
Une autre chose qui est en train de revenir partiellement c'est qu'il y avait des correspondants nationaux dans les régions. On vient d'annoncer deux correspondants, un à Moncton et l'autre dans l'Ouest. C'est quelque chose que nous avions déjà eu. Certains disent que c'est même une stratégie de Radio-Canada qui est, en ce moment, devant le CRTC pour montrer les efforts qui sont faits. Mais c'est du réchauffé, ce n'est rien de nouveau, les correspondants, il y en avait même plus que deux, à l'époque.
Mme Gibbs : Une petite chose par contre. Cela dit, ce qui ne change pas c'est l'importance de Radio-Canada comme diffuseur public national. Nous réitérons, au niveau de l'association, que c'est quelque chose qu'il faut protéger et accroître. Donc, malgré nos critiques, c'est important qu'on investisse davantage, tout en rappelant les obligations. Comme réseau national, Radio-Canada peut s'améliorer pour effectivement faire son travail et remplir le mandat qui est le sien.
Le sénateur Poirier : On parlait plus tôt de budget, notamment des compressions sur les 20 dernières années et des conséquences qu'on en a vues dans les régions minoritaires. Dans vos recherches, avez-vous des données qui montrent — ou êtes-vous simplement au courant — si des compressions ont été effectuées dans la région de Montréal et de Québec seulement, ou si cela touche toute la province? Est-ce que tout se passe à Montréal, quand on leur demande de revoir leur budget, ou est-ce que c'est toujours à l'extérieur?
M. Légère : Un élément de réponse est qu'ils ont coupé Radio Canada international. Effectivement, quand on les amène sur ce terrain, ils ont des réponses, mais c'est assez difficile d'approfondir. Est-ce Tout le monde en parle a moins d'argent pour faire son émission? Est-ce que Les enfants de la télé ont moins d'argent pour faire leur émission? Permettez-moi d'en douter, mais je n'ai pas ces livres-là. C'est extrêmement difficile. Est-ce que la Loi sur l'accès à l'information nous permettrait d'avoir tous les détails des budgets et de voir lesquels ont été coupés, par exemple, dans les 15 ou les 20 dernières années? Je serais curieux de voir. Pour ma part, j'ai le sentiment que les pourcentages sont plus élevés dans les coupures qui ont été effectuées dans les régions comparativement au réseau.
Le sénateur Poirier : C'est ce que je voulais savoir et voir si on en avait une idée.
Mme Lord : J'ajouterais aux commentaires de M. Lalande, la semaine dernière, qui a brandi les coûts de la série Belle-Baie en disant que c'est la série qui avait coûté le plus cher. Il l'imputait au fait que c'était fait à l'extérieur du Québec. Mais il omettait de dire que c'était une série où il y avait beaucoup d'extérieurs, et ça, ça coûte cher, qu'on soit à Montréal, à Québec, à Ottawa. Si on est à Bouctouche ou à Caraquet, ça coûte cher, alors que les séries produites à Montréal sont faites généralement plutôt en studio, ce qui coûte moins cher. Mais j'ai trouvé que c'était vraiment un argument déplorable. Je ne doute pas que ce soit la série qui coûtait le plus cher, mais la raison principale n'est pas que c'était parce qu'elle était produite à l'extérieur du Québec, c'est aussi parce qu'il y avait beaucoup de scènes à l'extérieur, et ça coûte très cher.
Le sénateur Poirier : Pensez-vous que, en allant de l'avant, on va voir beaucoup plus d'engagement communautaire à travers nos radios communautaires, nos postes de télévision communautaire et des choses comme ça?
Mme Lord : Déjà, la radio communautaire au Nouveau-Brunswick est un succès inégalé au Canada, toutes langues confondues. La radio communautaire du sud-est du Nouveau-Brunswick, c'est CJSE avec BeauFM. Toucher deux tiers de l'auditoire possible, c'est inégalé dans le pays, en anglais, en français ou en toute autre langue. Même chose pour la radio communautaire CKRO dans le nord-est.
Pourquoi sont-elles si populaires? On revient toujours à cette notion, c'est que, entre autres, les gens de CJSE, au moment où ça a été lancé, en 1994, ont été des visionnaires. Ils ont dit : « nous voulons entendre l'accent d'ici ». Donc ce ne seront pas des Québécois, ni même des gens de Caraquet qui vont venir animer pour le sud-est. Vous connaissez bien cette radio, sénateur Poirier; les gens l'ont écoutée parce que, pour la première fois, ils s'entendaient avec leur accent. Radio-Canada, malheureusement, n'offrait pas encore cet accent en Acadie à ce moment-là. Quand les gens se reconnaissent, ils peuvent s'identifier. Radio-Canada n'a pas perdu d'auditoire avec ça. Les gens sont passés des radios de langue anglaise à une radio communautaire de langue française. C'est là qu'on voit toute l'importance d'être visible, de se voir, de s'entendre. Cela change tout pour une communauté.
M. Raiche-Nogue : Je veux juste mentionner une chose rapidement. Je suis d'accord avec Mme Lord pour dire que les radios communautaires au Nouveau-Brunswick ont une popularité écrasante. Beaucoup plus de gens écoutent les radios communautaires qu'il n'y a de gens qui écoutent ou regardent Radio-Canada, c'est certain.
Par rapport à la production d'émissions à partir de l'extérieur du Québec, on parle de recul ou de progrès, mais il y a déjà eu des émissions nationales produites à Moncton. Par exemple Bande à part, une émission de musique émergente et d'actualité musicale, a été créée à Moncton. Lorsqu'elle est devenue un peu populaire, elle a été rapatriée à Montréal. C'est possible de le faire et il y a des artisans qui sont prêts à créer des émissions et faire du contenu. C'était diffusé à l'échelle nationale et c'était une excellente émission — ça l'est toujours. Mais elle est née à Moncton. C'est un exemple de contenu national qui peut être produit de l'extérieur du Québec. Donc c'est possible. Pour ce qui est de l'excuse des coûts et de la difficulté, si ça a pu être fait dans les années 1990, avec les moyens technologiques de l'époque, en 2012 c'est tout aussi possible, sinon plus.
Mme Friollet O'Neil : Je voulais rajouter un commentaire sur l'impact des coupures. Je pense que c'est important également d'être conscient — et je suis certaine que nous le sommes tous, autour de la table — qu'on ne peut calculer l'impact des coupures, que ce soit en région ou à Montréal, en chiffres absolus. Je pense que le FAPL en est un bon exemple. Une coupure de deux millions n'aura pas le même impact à Montréal que dans les régions. Cela influencera à la fois la présence de Radio-Canada au sein de nos régions et la production locale, mais également la place de nos régions au sein de Radio-Canada national, ce qui affectera, à mon sens, grandement le mandat de créer une cohésion nationale au sein de l'ensemble des communautés francophones du Canada. Je pense qu'on ne peut pas parler en termes de nombres absolus ici pour calculer les impacts et les retombées des coupures au cours des dernières années à Radio-Canada.
Mme Gibbs : Au sujet des radios communautaires, il faut se rappeler une chose. Le rôle des radios communautaires et celui de Radio-Canada ne sont pas les mêmes. On a besoin des deux, et que les deux soient forts. Même s'il y a succès au niveau des radios communautaires, ça n'entraîne pas que le mandat et la fonction de Radio-Canada comme diffuseur public n'est pas le même. Donc on doit absolument préserver les deux, quels que soient les succès.
Le sénateur McIntyre : Merci de vos présentations que j'ai trouvées très intéressantes. J'ai vécu au Nouveau- Brunswick toute ma vie, et soyez assurés que, en tant que citoyen de la province du Nouveau-Brunswick et en tant que nouveau sénateur, je comprends très bien l'importance de Radio-Canada, non seulement dans nos milieux francophones au Nouveau-Brunswick, mais partout à travers le Canada.
Il semblerait que nous sommes tous et toutes sur la même longueur d'onde quant à la programmation hors Québec au Téléjournal. Comme vous le savez, deux études très importantes ont été effectuées sur ce sujet, d'abord votre étude, madame Lord, et, en second lieu, l'étude d'un professeur de l'Université Carleton, étude faite à la demande du sénateur De Bané. Ces deux études arrivent sensiblement à la même conclusion, à savoir que Radio-Canada est principalement axé sur la couverture de l'actualité québécoise au détriment des autres communautés francophones.
Décidément, les deux études ont porté fruit. Peu après, on a assisté à la nomination de Michel Cormier au poste de directeur général de l'information de Radio-Canada, et à la création de deux postes de journalistes nationaux, l'un à Edmonton et l'autre à Moncton.
Tout cela est bien beau, cependant, pour que cette belle initiative ait un impact réel, encore faut-il que le personnel chargé de préparer l'édition nationale juge pertinent d'utiliser les sujets préparés par les journalistes en poste, soit à Edmonton ou à Moncton. Pour cela, il faut que le personnel de l'édition nationale du Téléjournal accepte de changer la manière ou la façon de faire les choses. Autrement dit, il faut que la culture du personnel au Téléjournal change d'une façon dramatique.
Ce changement est-il possible? Si oui, de quelle façon?
Mme Lord : Si nous attendons ce changement de Montréal, c'est impossible, à mon avis. Je ne suis pas optimiste que cela puisse changer. Ils vont continuer à demeurer dans leur bulle montréalaise, ils auront encore à faire face à leur rivale de l'autre côté de la rue, TVA, et les choses vont demeurer telles quelles. Si on veut un vrai bulletin canadien, il faut retirer cela de Montréal.
Aussi, il serait heureux de développer le réflexe de faire appel aux ressources des régions. Je vous donne l'exemple — et le sénateur Poirier s'en souviendra sûrement — de l'annonce de la nouvelle Loi sur les langues officielles, en juin 2002. C'était un grand événement au Nouveau-Brunswick, cela faisait une trentaine d'années que cette loi n'avait pas été dépoussiérée un petit peu. En soirée, au Téléjournal des deux chaînes de la Société Radio-Canada, on a eu droit à ce qu'on appelle une voix hors champ. On nous présente quelques images résumées par un animateur. Pas de reportage. Radio-Canada Acadie a toujours eu un journaliste en poste à Fredericton, un correspondant parlementaire, mais elle avait dépêché quand même d'autres journalistes, parce que c'était quand même un grand jour pour le Nouveau- Brunswick. Du côté anglophone, The National avait présenté un plein reportage sur cette nouvelle. Chez CBC, je crois qu'on utilise beaucoup mieux les ressources en région. Radio-Canada n'a pas ce réflexe, contrairement à CBC.
Si on veut que le Téléjournal change au-delà des deux nouveaux correspondants nationaux qui ont été annoncés, je pense que s'il se passe quelque chose à Vancouver, les ressources de Vancouver devraient être utilisées. Il y a des ressources à Winnipeg. Il y a des ressources à Sudbury. Il y a des ressources à Chicoutimi. Il y a des ressources à Terre- Neuve-et-Labrador. On ne les utilise pas. Parce qu'ils n'ont pas le qualificatif national, on ne pense pas à les utiliser pour le bulletin national, alors qu'ils sont tout à fait compétents. En plus, ils connaissent bien leur région.
Également, lorsque les correspondants d'Ottawa couvrent l'actualité parlementaire à Ottawa et livrent leurs reportages, c'est toujours fait dans une optique québécoise. Ils ne s'adressent pas aux citoyens canadiens sur les incidences d'une décision du gouvernement dans un sens ou dans l'autre. On n'en a que pour la préoccupation québécoise. Cela pourrait se corriger facilement, mais les directives ne sont pas là. On n'est pas dupes, on voit le produit en ondes. Tant que les directives ne seront pas changées, rien ne se produira.
Le sénateur McIntyre : Je comprends que la SNA et l'Association des artistes ont soumis des mémoires au CRTC dans le cadre du renouvellement des licences du radiodiffuseur public et que vous devez vous présenter au CRTC cette semaine pour faire une présentation. Dans votre présentation d'aujourd'hui, vous avez fait plusieurs recommandations telles que remplacer le FAPL par un autre organisme, créer un fonds régional équivalant au montant alloué auparavant par le FAPL, décentraliser Radio-Canada sur sa prise de décision et son contrôle du temps d'antenne nationale, fournir des données plus précises sur la Francophonie canadienne et, finalement, comme vous le disiez, réserver un siège à un représentant de la Francophonie canadienne au conseil d'administration de la Société Radio- Canada.
En vous présentant au CRTC, cette semaine, avez-vous des attentes à ce sujet? Si oui, lesquelles?
Mme Gibbs : Je suis une éternelle optimiste. Est-ce que l'impossible peut être possible? J'y croirai toujours. Par contre, il y a des conditions. Il y a des conditions et Mme Lord en a nommé quelques-unes au niveau de la décentralisation du pouvoir et de la production en région. C'est clair. On va se présenter devant le CRTC et on veut que le mandat national de Radio-Canada soit respecté.
Vous parliez tantôt d'une culture, il faut que la culture de la boîte change. Il faut une volonté de travailler ensemble et il faut que nous fassions partie de la solution. Nous devons absolument faire partie de la solution. On a des solutions à proposer qui ne vont pas du tout enlever aux Québécois leur vitrine; on va seulement améliorer celle de toute la francophonie canadienne.
Je suis une éternelle optimiste qui croit qu'il y a toujours quelque chose à faire, sinon on ne déposerait pas de mémoire, on ne se présenterait pas devant le CRTC et on ne serait pas ici aujourd'hui.
Donc, oui, on croit que des choses peuvent se faire, mais on sait que parfois il faut semer aujourd'hui pour récolter dans 20 ans.
M. Raiche-Nogue : On va laisser les autres commenter parce qu'on ne participe pas aux audiences du CRTC.
M. Caissie : Le CRTC a quand même le pouvoir d'émettre des conditions. Si, il y a quelques années, le CRTC a décidé de mettre sur pied le FAPL à partir des revenus des câblodistributeurs, le CRTC peut le faire à nouveau. On est des éternels optimistes, oui, mais en même temps, on va s'essayer mercredi.
M. Légère : Le pouvoir appartient entièrement au CRTC. Il a tous les pouvoirs, c'est-à-dire que, en octroyant ses licences, il a le pouvoir d'émettre des conditions et de s'assurer qu'elles soient respectées. Je veux dire, à un moment donné, c'est continuel, cela n'arrête jamais. Je crois que je vais assister aux audiences du CRTC pour la troisième fois et c'est toujours la même chose. Le CRTC leur tape sur les mains un petit peu en leur disant d'essayer d'être plus efficaces dans leur mandat de refléter la diversité canadienne et, aux audiences suivantes, on s'aperçoit qu'ils n'ont rien fait. Il faut absolument que le CRTC émette des conditions, sinon on n'a pas de chance de voir la culture interne de la boîte changer. Sans cela, la vie continue, ils ont passé à travers la petite bourrasque de la critique de la Francophonie canadienne et dans trois mois, on n'en entendra plus parler.
S'il y a une volonté de la part des gens du CRTC, je crois qu'ils ont les moyens, les pouvoirs de faire changer les choses, et je crois que si les conditions sont là, ce changement, en fin de compte, sera positif pour toute l'équipe à Montréal. Malheureusement, ils vont s'en apercevoir seulement après.
La présidente : Je veux être juste pour M. Raiche-Nogue. Aviez-vous une observation ou un commentaire à l'égard de la question précédant celle du CRTC?
M. Raiche-Nogue : De quelle question s'agit-il?
La présidente : Je crois que vous vouliez parler avant cette question, mais je ne me souviens pas de la question non plus.
M. Raiche-Nogue : C'était un commentaire, pour revenir sur les propos de Mme Lord qui parlait de la Loi sur les langues officielles au Nouveau-Brunswick. Demain, au Nouveau-Brunswick, à Fredericton, il y a le discours du Trône, la reprise des travaux parlementaires. Je ferai l'exercice de regarder et d'écouter Radio-Canada et le Réseau de l'information demain pour voir s'il y aura mention du discours du Trône, qui est un événement important ici, en politique.
Je peux presque vous garantir que soit il n'y aura pas d'espace d'accordé ou que s'il y a une place, ce sera en toute fin de bulletin et il n'y aura presque pas d'analyse dans les émissions d'affaires publiques, alors qu'au Québec il suffit d'un remaniement mineur, d'un rapport ou peu importe, même pas un discours du Trône ou un budget, et on en beurre épais, on analyse et on suranalyse.
Demain, ce discours du Trône représente un événement important pour le Nouveau-Brunswick mais on ne va pas beaucoup en parler.
Le sénateur Charette-Poulin : Je remercie nos témoins d'être venus de si loin et d'avoir pris le temps de venir discuter d'un sujet qui nous tient tous à cœur.
Je me sens obligée de vous divulguer que j'ai œuvré pendant plus de 20 ans à Radio-Canada. J'ai été vice-présidente des régions francophones de 1983 à 1988, sous la direction de M. Pierre Juneau.
Lorsque ce dernier a pris la prise de décision de Montréal et l'a déménagée à Ottawa, il a pris le risque de nommer une petite fille de Sudbury qui serait responsable de la radio/télévision régionale. Et cette radio/télévision a pu bénéficier de budgets autonomes pour réaliser un progrès au plan des installations et ce, dans toutes les régions.
Je ne me cacherai pas pour vous dire que M. Juneau a regretté sa philosophie. Il est malheureusement décédé cette année. Cet homme avait vraiment compris ce qu'était la vie francophone en situation minoritaire. Il était convaincu que c'était les régions francophones du pays qui sauveraient Radio-Canada parce que, comme vous l'avez tous si bien dit, la Société Radio-Canada est une nécessité.
Ce n'est pas un ajout, ce n'est pas une complémentarité aux diffuseurs privés. C'est vraiment une nécessité. En 1978, j'ai ouvert les services de Radio-Canada dans le nord de l'Ontario avec la création d'une station de production munie de 35 réémetteurs.
Vous savez que l'un des plus gros obstacles auxquels nous faisons face au pays, ce sont les distances géographiques. C'est la nature même de notre pays. Et Radio-Canada, tant du côté anglais que du côté français, est vraiment le seul lien vivant et quotidien qui unit le pays.
Cela dit, je dirais que depuis 1979, les fonds publics ont diminué de façon graduelle. Entre 1985 et 1988, il y a même eu des diminutions importante alors que l'entreprise dépendait de plus en plus des revenus publicitaires et ce, au grand désespoir de nos entreprises privées en radio/télévision privée. Radio-Canada devenait alors un joueur dans la tarte des revenus publicitaires.
J'aimerais répondre à la question de savoir s'il y a eu un recul. Madame Lord, si vous faites l'analyse mathématique des cases régionales de 1980 à aujourd'hui, vous constaterez la diminution des cases régionales, tant à la radio qu'à la télévision. Vous allez voir une autre réduction, soit celle du nombre d'émissions nationales produites en région alors qu'au temps de M. Juneau il y avait eu une augmentation des émissions nationales produites en région.
J'ai une question à poser, mais Mme Gibbs a commencé à y répondre. D'une part, on est tous d'accord avec le fait que la Société Radio-Canada est essentielle à la survie du pays. D'autre part, il y a des insatisfactions factuelles réelles qui sont basées sur des données mathématiques.
Comment faire pour relever les deux défis sans utiliser les insatisfactions pour dire qu'on va peut-être cesser les activités de la télévision de Radio-Canada pour ne garder que la radio parce que c'est trop dispendieux? Comment faire pour éviter cela?
Vous allez bientôt comparaître devant le CRTC. Monsieur Légère, comment allez-vous faire pour éviter le danger qui nous guette en tant que Canadiens et Canadiennes partout au pays, incluant le Québec?
M. Légère : Il faut d'abord rappeler la nécessité de cet outil de communication et le travail que cet outil peut réaliser s'il est bien utilisé. N'oublions pas que nous avons quand même des stations régionales qui produisent des bulletins de nouvelles quotidiens et certaines émissions. Le bulletin national c'est une chose, mais les bulletins régionaux sont essentiels pour nous permettre de mieux connaître les défis auxquels nous sommes confrontés au quotidien.
Je vais vous le dire. On va le répéter. Lorsqu'on dit qu'il faut absolument que le CRTC oblige Radio-Canada à remplir son mandat, il faut dire au CRTC d'y aller avec des mesures qui vont faire en sorte que les dirigeants et les équipes du réseau national de Radio-Canada vont se dire que c'est peut-être vrai qu'ils ne font pas le nécessaire et qu'ils serait temps qu'ils le fassent. Et à défaut de le faire, il y a des conséquences.
Mme Gibbs : Une chose est claire. On ne se présente pas devant vous comme on va se présenter devant le CRTC. On discute devant vous des malaises avec beaucoup plus de transparence qu'on va le faire devant le CRTC.
Devant le CRTC, on ne va pas passer une heure ou deux à parler de toutes nos doléances. On va parler de certaines doléances, mais on va aussi parler de certaines choses que le CRTC pourrait faire pour améliorer le positionnement et la production régionale. Effectivement, un des problèmes que l'on constate, c'est qu'il y a moins d'émissions de case régionale ou d'émissions nationales faites au régional.
Nous en Acadie, on a évolué et grandi. On se comporte comme des majoritaires, on a quelque chose à apporter. Donc il y a quelque chose qui ne fonctionne plus. Parce que si un jour on était de petits pêcheurs, aujourd'hui on a vraiment quelque chose à apporter au pays, pas plus que les Manitobain, pas plus que les Fransaskois, mais tout autant. Il faut dire aussi qu'on est un peuple qui a besoin d'être respecté comme le peuple québécois.
Le sénateur Charette-Poulin : En réponse à une question qui vous a été posée, vous avez dit qu'on ne pourrait pas imposer de quotas à Radio-Canada. Pourriez-vous expliquer pourquoi?
La présidente : Qui veut répondre?
Mme Gibbs : À mon avis, on pourrait en imposer un. Et je crois que si on ne le fait pas, l'espoir va vraiment s'estomper. À mon avis, le CRTC a l'obligation de permettre un certain pourcentage de production locale et une certaine portion de nos productions au national. N'étant pas statisticienne à Radio-Canada, je n'irai pas dans les chiffres. Mais c'est certain qu'il va falloir qu'un jour quelqu'un mette ses culottes et détermine qu'on a besoin de quotas chez nous.
M. Légère : Je ne voulais pas parler d'imposer, parce que, alors, on parlait d'équipe, donc d'imposer une personne qui vienne des régions au sein de l'ensemble des équipes, parce que c'est toujours possible, dans les mesures qui viennent du CRTC qu'il dise à l'ensemble de ces émissions et des responsables de ces émissions qu'il est important qu'elles reflètent les réalités canadiennes.
Il est fort possible qu'on respecte les quotas pour des productions mais au sein des équipes, si deux personnes postulent pour l'emploi, habituellement sera recruté le meilleur des deux. Ce n'est pas simple.
Mme Lord : Prenons en compte les technologies dont nous disposons. Je suis dans une université qui a trois campus dans trois régions différentes. J'ai une équipe de recrutement avec des membres de cette équipe dans les trois campus.
On se parle au téléphone par vidéoconférence. Nous tenons nos réunions et nous avons nos stratégies de recrutement. Radio-Canada peut faire cela très facilement. Je vous parlais plus tôt de l'équipe de Christiane Charette qui avait cinq recherchistes. Il aurait pu y en avoir deux à Montréal ou même un à Montréal, un autre à Québec ou à Chicoutimi et un autre en Ontario, un dans l'Ouest et un autre en Acadie. Il y a moyen de se parler le matin. De toute façon, nous avons été journalistes en même temps, René et moi, à Radio-Canada le matin. Je me rappelle très bien qu'on avait des gens de Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l'Île-du-Prince-Édouard avec nous à Moncton, en réunion, les correspondants dans les autres régions du Nouveau-Brunswick.
On le faisait en Atlantique pour le bulletin de nouvelles régional. Donc cela peut certainement se faire pour les émissions nationales. Cette idée peut être certainement imposée, c'est ce que je veux dire.
Mme Gibbs : On a besoin de faire du rattrapage. Lorsque les femmes ont voulu prendre leur place, il a fallu mettre des politiques de discrimination positive. Ce fut la même chose pour les Noirs. Nous avons donc besoin d'un plan de rattrapage pour nos régions et avoir des politiques de discrimination positive, sinon on y arrivera jamais.
Le sénateur Poirier : Mme Gibbs a dit tout à l'heure que lorsqu'ils comparaîtraient devant le CRTC, leur discours ne serait pas tout à fait le même que celui d'aujourd'hui. Pourquoi ne pas partager avec eux ce que vous partagez avec nous?
Mme Gibbs : On va dire essentiellement les mêmes choses, mais peut-être pas nécessairement de la même façon. On a besoin de l'appui du Sénat, mais votre pouvoir est différent de celui du CRTC. On ne veut pas par nos propos, même si on va parler de nos malaises, qu'on tire la plug de notre diffuseur public. Donc, on va dire la même chose mais on va le dire pour être sûr que le CRTC comprenne l'importance qu'on accorde à un diffuseur public.
Le sénateur Poirier : Je veux juste m'assurer qu'ils vous entendent, car c'est important ce que vous dites, parce que ce qui est important, je l'entends aussi, mais peut-être d'une manière plus douce, mais ils ont besoin de l'entendre quand même.
Le sénateur Charette-Poulin : Pour revenir aux propos de Mme Gibbs lorsqu'on a du rattrapage à faire. J'ai été responsable, auprès des régions, de l'implantation du plan sur la présence des femmes aux antennes. Je ne vous cacherai pas qu'en tant que vice-présidente je suis allée m'asseoir, confidentiellement, avec chacun des vice-présidents des réseaux. On avait établi des cibles très claires. Et ils ont atteint leurs cibles, parce qu'on les a convaincus. Savez-vous comment? On se parlait seul à seul, que les cotes d'écoute augmenteraient lorsqu'il y aurait à l'antenne une proportion d'hommes et de femmes plus équilibrée qui représente notre population d'aujourd'hui, soit 50-50. Et cela a marché.
La responsabilité que vous avez sur vos épaules en tant que groupe représentant notre culture acadienne est tellement grande. Et c'est pour cette raison que nous apprécions tellement votre présence aujourd'hui, parce que vous en avez beaucoup sur vos épaules et qu'on est à un moment tournant dans notre pays pour nous assurer que le pays, dans sa complexité et ses défis, nous est présenté visuellement et auditivement à tous les jours sur nos antennes à la radio et à la télévision et sur le Web de la Société Radio-Canada. C'est une grande responsabilité et merci.
Le sénateur De Bané : Il est certain que le premier objectif, la première raison d'être d'un radiodiffuseur public national, financé en grande partie par les contribuables, est de permettre aux Canadiens de se voir, de s'entendre, d'avoir une voix, un visage et petit à petit de développer des valeurs et une identité communes. Ce sont de loin les premiers objectifs pourquoi on demande à tout le monde de payer afin que nous puissions nous voir.
Qu'est-ce que cela représente pour une personne qui est en situation minoritaire de voir d'autres personnes également en situation minoritaire se battre pour conserver leur identité francophone qu'ils soient à Vancouver, à Saint-Boniface, à Edmonton ou à d'autres endroits à travers le pays? Qu'est-ce que cela donne au point de vue psychologique de se voir et d'entendre d'autres qui doivent relever le même défi que nous?
Mme Lord : La première chose est que cela brise l'isolement. Cela permet de communier ensemble. S'il y avait un meilleur bulletin national en français, on aurait à l'occasion cette nouvelle à savoir que les écoles franco-albertaines débordent, qu'il manque d'école française en Alberta. Nous ne recevons pas ces nouvelles chez nous. Cela serait encourageant et stimulant. C'est sûr qu'il y a toute cette représentation de la Francophonie dans son ensemble, mais il y a plus que cela. Radio-Canada n'interpelle pas le citoyen canadien.
Je vais vous donner un exemple qui vient de mon étude. Lors de la présentation du budget fédéral, il y a eu neuf reportages dans les deux bulletins. Au bulletin de Radio-Canada, sept reportages émanaient du Québec. Pendant toute la durée de l'étude, il n'y a rien eu de l'Alberta, mais cela aurait été tout à fait intéressant, en tant que citoyenne canadienne, d'avoir un point de vue de l'Alberta qui joue un rôle déterminant dans la péréquation canadienne. C'est la seule province qui n'a pas de dette provinciale. Donc comment cette province, tout à fait singulière sur le plan budgétaire au Canada, réagit-elle au budget fédéral? En français, nous n'en avons que pour le Québec alors qu'en anglais on va donner cette parole. Pourtant, une semaine plus tard, débutait l'épidémie de grippe H1N1. On découvre alors que le médecin hygiéniste à la tête du service de la santé publique en Alberta est un francophone qui parle un excellent français. Donc là, on l'avait à la télévision nationale.
C'était un enjeu national le H1N1. J'étais ravie de voir qu'on avait un francophone de l'Alberta qui pouvait nous parler en français sur la grippe H1N1. C'est le genre d'exemple que, malheureusement, nous ne voyons pas assez souvent. Si on les voyait plus souvent, pour revenir à ma première réponse, cela briserait l'isolement et c'est ce qui est important.
Mme Friollet O'Neil : Mon commentaire va dans le même sens que celui de Mme Lord. Je prends souvent l'exemple de ma propre famille pour expliquer cette situation, où tout comme Obélix, je suis tombée dedans quand j'étais petite, je me suis engagée. Mais ce n'est pas le cas de l'ensemble des gens dans ma famille, qui ne sont pas conscients de cette Francophonie canadienne plurielle. Pourquoi? Parce quand on allume la télévision, rien ne dit qu'il y a des francophones qui se battent au quotidien comme nous, au Nouveau-Brunswick, ou au Manitoba, rien ne dit qu'il y a une communauté francophone à Maillardville, en Colombie-Britannique, qui vit des enjeux semblables à ceux des communautés de Dieppe, de Moncton ou de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, pour parler de ma province.
Donc oui, il est valorisant de voir que notre communauté a une importance et du poids aux yeux de la Francophonie canadienne et du Canada au complet, mais également de savoir qu'il y a des communautés francophones, comme la nôtre, qui sont présentes dans l'ensemble du territoire. Donc cela démontre tout simplement qu'on existe toujours et ensemble.
Mme Gibbs : Pour aller dans le même sens, je crois que s'entendre, se voir, c'est se connaître. On a besoin de se connaître entre gens de la Francophonie canadienne et acadienne. Mais j'ai aussi besoin d'entendre parler des Madelinots, des Gaspésiens, des Saguenéens. On n'entend pas parler d'eux non plus. Donc a besoin de parler des régions. Les régions de ce pays ne sont pas bien couvertes. Je trouve fondamental que lorsqu'on parle de production régionale, de regard sur nos régions, on parle aussi des régions du Québec qui sont parfois aussi orphelines que nous le sommes.
Pour moi, le jour où on va créer le dialogue entre toutes les communautés de la Francophonie canadienne, acadienne et québécoise, là on va parler d'une voix d'une grande nation.
Le sénateur De Bané : Nous sommes le deuxième plus grand pays dans le monde, six fuseaux horaires, trois océans. Notre pays est aussi grand que toute l'Europe.
Radio-Canada n'arrête pas de dire qu'elle n'a pas d'argent. À la mi-octobre, la Presse canadienne a interviewé le directeur des communications de la Société Radio-Canada. Nous avons appris qu'il y a 1 300 journalistes à CBC/ Radio-Canada. Mille trois cents! Je vous enverrai l'article qui a paru dans le Globe & Mail.
Sur ces 1 300, environ 600 sont à Radio-Canada. Sur ces 600 — pas tout à fait, c'était 587 —, les deux tiers, donc 62 p. 100, sont au Québec. Une province où il y a huit millions d'habitants dont six millions de francophones. C'est à eux que Radio-Canada s'intéresse évidemment.
Je dis qu'elle s'intéresse puisqu'au Sénat canadien, on a fait une étude de plusieurs mois à Ottawa, au Québec sur les inquiétudes, la nervosité de la communauté anglo-québécoise. Pas un mot à Radio-Canada. Cela ne les intéresse pas.
Il y a six millions de francophones au Québec. Ajoutez ceux qui ne sont pas de langue maternelle mais qui parlent français, vous arrivez à sept millions et demi. Ils ont près de 400 journalistes. En Ontario, province de 13 millions de personnes, donc 60 p. 100 plus importante, ils ont à peine le tiers de leurs journalistes en Ontario, CBC — le tiers. Au Québec, ils ont les deux tiers dans une seule province.
Donc, quand vous me parlez argent, je pense aussi qu'il faut changer la culture de Radio-Canada. Si pour eux la seule chose qui compte c'est le Québec, si pour eux les francophones qui ne vivent pas au Québec sont des ennemis, des adversaires parce qu'ils ont choisi le Canada, et donc qu'il ne faut pas les couvrir.
C'est pour cette raison que j'ai eu énormément de peine le 24 juin, lorsque j'ai regardé la télédiffusion des célébrations de la Saint-Jean, à Montréal. Il n'y a pas eu un mot des francophones dans le reste du Canada qui fêtaient la Saint-Jean, pas une allusion. Et ensuite, la loi nous dit qu'ils sont là pour essayer de créer une globalité canadienne et ils ne veulent même pas mentionner un instant, durant un spectacle qui aura duré deux heures et quart, pas une fois les communautés francophones qui elles, se battent ailleurs. Et comme vous l'avez dit tantôt, et tel que Lionel Groulx l'a déjà dit, ce sont les communautés francophones à l'extérieur du Québec qui sont la première ligne de défense. Si celles- là tombaient, le Québec tomberait aussi.
Alors je me dis, oui, il faut parler argent, mais c'est plus profond que cela. Avoir 400 journalistes au Québec pour six millions d'habitants, franchement! Regardez CBC qui a un bulletin efficace, ils n'ont pas 400 journalistes dans une province 60 p. 100 plus grande. Donc c'est un ratio trois fois plus important au Québec qu'en Ontario.
Donc je comprends la question de l'argent, mais je ne suis pas convaincu que c'est là l'obstacle premier. Non. Vous en avez-vous même donné des exemples comment, pour eux, it is a Quebec view of the world. Voilà. N'hésitez pas à réagir.
La présidente : Réactions?
Mme Gibbs : J'aimerais effectivement ajouter quelque chose. Le déséquilibre est peut-être impardonnable, et cela reflète exactement ce qu'on vient de vous présenter comme malaise.
Cela n'empêche pas que, depuis 1979 — comme on le disait plus tôt —, il y a une cure d'amaigrissement à Radio- Canada. Je crois que la saignée doit arrêter. Même CBC a sa cure d'amaigrissement. Il y a deux choses : il y a la culture et la tour d'ivoire montréalaise — j'appelle d'ailleurs cela Radio-Montréal, pas Radio-Québec. Par contre, effectivement, il faut nous donner les moyens. Si on est pour donner une vitrine importante sur ce qui se fait de bien sur nos territoires, il faut avoir les moyens de le faire. On ne veut pas faire des productions avec des budgets moindres. On veut avoir les moyens de faire de bonnes productions et être fier de ce qu'on fait. Et effectivement, les artistes pourraient très bien contribuer mais on a besoin d'avoir tous les moyens.
Le sénateur De Bané : Je comprends ce que vous dites. La semaine dernière, nous avons reçu un témoin qui possédait un Ph.D. en journalisme et qui a travaillé à Radio-Canada, qui a eu un accès extraordinaire. Elle a publié un livre pour dire qu'à Montréal, où elle a assisté à la confection du Téléjournal durant plusieurs mois, qu'ils ont près de 600 personnes dans le domaine de la confection du Téléjournal. Les gens au Conseil du Trésor à Ottawa doivent avoir noté cette information, 600 personnes. Ils doivent se dire qu'il y a des limites. Pour ne parler uniquement que du Québec. Parce qu'évidemment, il n'est pas question de parler du Canada; il faut toujours dire « le Québec et le Canada ».
Il y a eu la fête de l'Action de grâce il y a quelques jours aux États-Unis. Qu'est-ce que j'ai entendu, à Radio- Canada? Les gens vont faire beaucoup d'emplettes, au Québec et au Canada.
L'expression « au Québec et au Canada » est lourde de sens. Ils ne parlent plus du Québec sans parler du Canada, jamais. S'ils veulent réellement ne pas parler du Québec, ils disent « le pays ».
Mme Gibbs : Ou l'Europe.
Le sénateur De Bané : Mais si on dit « au Canada », il faut ajouter « le Québec », toujours; même pour les emplettes de l'Action de grâce.
Le sénateur Comeau : Merci beaucoup, madame la présidente.
Quand j'assiste à des réunions de comités, j'aime conclure en demandant quel est le message principal qui est ressorti des échanges. Je comprends deux messages ce soir; un message bien clair selon lequel la Société Radio-Canada ne parle pas de nous et qu'elle ne remplit pas son mandat.
Par contre, chacun de vous nous avez dit ce soir qu'il y avait un grave problème, à savoir celui des compressions budgétaires. C'est peut-être une chose que le comité doit examiner, à savoir quel est le montant exact des compressions budgétaires dont on parle. Je ne connais pas le montant exact, mais on va examiner cela. Cela fait suite à un commentaire paru aujourd'hui dans Le Droit dans lequel il était fait état que la semaine dernière, devant le CRTC, le vice-président des services français, Louis Lalande, comprenait que les auditeurs francophones de l'extérieur du Québec souhaiteraient se retrouver encore davantage dans l'offre de services. Mais il ajoutait que le contexte financier actuel rendait les choses difficiles. Ce défi sera toujours là.
Il est donc d'accord avec vous sur le fait que la racine du problème provient du manque de financement. S'agit-il simplement de dire cela maintenant au gouvernement? Lui dire qu'ils n'ont qu'à donner plus d'argent à la Société Radio-Canada pour que les problèmes soient réglés? Est-ce le message que vous voulez qu'on leur transmette? Parce que c'est le message que je comprends ce soir. Je suis d'accord avec le sénateur De Bané; d'après moi, on a des symptômes de problèmes, mais je ne suis pas d'accord sur le fait que la racine du problème soit le manque de financement. On va examiner cela, bien sûr. Mais moi, je crois que ce sont des symptômes. Parce que la nouvelle de la tortue échouée qui fait les nouvelles de Radio-Canada comme étant quelque chose de spécial pour l'Atlantique, est suivie par la prochaine nouvelle concernant une crevaison sur le boulevard Décarie à Montréal. Le problème est bien plus important qu'un manque de financement. Vous nous avez transmis un message ce soir et j'en retiens que c'est un problème d'argent. Est-ce bien cela?
Mme Lord : Au-delà du problème d'argent, il y a le problème de la culture même de la tour de Radio-Canada à Montréal.
Le sénateur De Bané : Bravo!
Mme Lord : C'est la bulle montréalaise. C'est le problème numéro un pour le contenu national qui n'en est pas un. Mais pour assurer de la production en région, oui, c'est un problème de financement.
Le sénateur Comeau : C'est le message qui était un petit peu confus ce soir.
Mme Lord : Oui.
Le sénateur Comeau : Je n'aimerais pas vous voir aller au CRTC et transmettre le message que M. Lalande est correct et que c'est seulement un problème d'argent. C'est ce qu'il est en train de dire. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Soyez prudents.
M. Légère : Il faudra dire les choses de la bonne manière. Mais une chose est certaine, le message principal est d'amener Radio-Canada à respecter son mandat. C'est écrit noir sur blanc.
Le sénateur Comeau : Absolument.
M. Légère : Du moment qu'ils réussissent à faire cela, oui, des fonds additionnels permettent cette réalisation selon le mandat de production un peu partout au pays et qui reflète les réalités des régions.
Le sénateur Comeau : Tout à l'heure, monsieur Légère, vous avez fait le commentaire que, à un moment donné dans le passé, vous avez comparu devant le CRTC et vous avez presque transmis le message clair de changer le mandat ou de créer quelque chose de différent.
M. Légère : C'était à la rencontre des réalisateurs. On avait tenu une rencontre avec plein de réalisateurs et puis on était en train de leur dire qu'il y avait un problème quelque part. On voulait qu'ils nous expliquent pourquoi il était tellement difficile au sein de leurs émissions de refléter l'ensemble des réalités régionales. C'est là que certains réalisateurs ont dit que lorsqu'ils ont, au sein de leurs équipes, des francophones issus de nos communautés, inévitablement dans les réunions de production ça a un impact. Parce que ces gens sont capables de dire qu'il y a peut- être une histoire qui se passe à Chéticamp, à Saint-Boniface ou à Sudbury. Et ceux qui travaillent sur le terrain à Montréal n'ont peut-être pas eu la chance de découvrir ou de connaître cela. Il y a un peu de paresse intellectuelle à ce niveau, mais c'est un petit peu de ça dont j'avais parlé.
M. Caissie : Ce n'est pas seulement de l'argent. C'est une culture de boîte. Par exemple, il y a le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale pour lequel on s'est aperçu que l'argent destiné aux régions et qui ne transitait pas par une décision centralisée nous permettait d'avoir beaucoup plus de productions qui parlent davantage de nous. C'est peut-être un exemple à garder en tête.
Mme Gibbs : C'est clair que si on ne veut pas avoir 600 journalistes ou 587 journalistes à Montréal et que l'on veut avoir des productions qui se font à travers le pays, avec le vaste pays que l'on a, il faut faire deux choses. Effectivement, il y a une culture de boîte qui doit être changée. Il y a des obligations qui doivent être respectées. Radio-Canada a des obligations. Cela dit, comme M. Caissie l'a dit concernant le fonds, il y a une somme de deux millions de dollars en Acadie qui a fait toute la différence. Tout n'est pas qu'une question d'argent, mais si on veut que Radio-Canada puisse travailler avec nos communautés, il faut et on voudrait avoir les moyens de faire de bonnes productions. On veut avoir les moyens de bien se positionner et nous on n'a pas du tout les moyens de rater notre coup.
M. Raiche-Nogue : Il est certain que l'argent ne réglera pas tout, mais en réduisant les crédits accordés à Radio- Canada, cela aura un effet pervers sur la qualité de l'information et sur la représentation des régions. L'argent ne règle pas tout, mais moins d'argent va causer des problèmes. C'est peut-être dans la façon de dépenser l'argent, parce que l'argent dépensé en région pour embaucher des journalistes, des recherchistes et des réalisateurs peut faire une énorme différence. Il est certain que de donner 50 p. 100 plus de financement à Radio-Canada qui peut ensuite décider elle- même de faire ce qu'elle veut, comme investir à Montréal, ne réglera pas le problème. Mais peut-être qu'un investissement dans les régions pourrait faire une grosse différence.
Quand le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale a été supprimé, on a senti les effets de cette décision dans notre salle de nouvelles ici à Moncton, à Radio-Canada Acadie. Un recherchiste a perdu son emploi, une animatrice a perdu son emploi. L'argent, quand il y en a moins, on en ressent l'effet. C'est marquant. C'est des gens de moins dans la salle des nouvelles qui sont là pour travailler. L'argent, ça reste quand même très important. Le financement, c'est un outil majeur.
Le sénateur Comeau : Il y avait une expression aux États-Unis, il y a quelques années, qui disait que de lancer un peu d'argent vers quelque chose pourrait aussi avoir des retombées sur les régions en situation minoritaire.
Soyez clair sur votre message. Soit que la racine du problème est l'argent ou une culture dans la boîte. C'est à vous de prendre la votre.
Mme Gibbs : Le problème est double. Quand on sort des grands centres urbains, le Nouveau-Brunswick est une province rurale. Il y a bien des communautés de la Francophonie canadienne qui se retrouvent dans des provinces très rurales. Si on ne veut pas faire des insatisfaits, de Moncton à Caraquet, il faudra que la vitrine de l'Acadie soit multiple, qu'elle ne vienne pas seulement de Moncton ou de Halifax. On a besoin d'avoir les deux discours, et je ne suis pas sûre qu'ils se contredisent, mais cela fera de nous des personnes plus averties et on va faire attention sur la façon de présenter les choses.
Le sénateur Comeau : Je vous ai passé mes recommandations. Prenez-les comme vous le voulez.
M. Raiche-Nogue : Le problème n'est pas si simple. Il n'est pas question que d'argent ou de culture de la boîte. Le Canada est complexe, Radio-Canada est complexe, et il ne suffit pas simplement de changer la culture de la boîte ou autres. L'argent et la culture ne se contredisent pas, l'un peut venir avec l'autre. Il ne faut pas trop simplifier la solution non plus.
Le sénateur De Bané : Pourquoi dit-elle « mon collègue le sénateur Comeau »? Cela vaut la peine de réfléchir à cela. Le Fonds d'amélioration de la production locale est un programme qui a été pensé, voulu, décidé, imposé par le CRTC. Il vient de l'abolir, sachant très bien que cela coûtera 40 millions de dollars de moins par année. Pourquoi la majorité des commissaires sont indépendants, c'est un tribunal administratif. Quand ils ont tout vu, ils ont dit que, non, on ne peut pas charger 40 millions à tous les consommateurs du Canada qui ont le câble pour verser cette somme pour des stations qui ne nous ont pas prouvé que réellement, ils en avaient besoin et qu'ils allaient faire quelque chose avec, et cetera. Pourquoi la majorité des commissaires du CRTC ont voté pour ne pas reconduire un programme qu'eux-mêmes avaient fait? Si vous avez des contacts avec ces gens, cela vaut la peine que vous les confessiez. Qu'est-ce qu'il y avait dans ce programme qui n'était pas bon? Et demandez-leur de les modifier, si c'est tel ou tel petit détail qui fait que vous n'êtes pas content de la façon dont l'argent a été dépensé, faites les modifications, on a besoin de ce programme. Parce que c'est les mêmes personnes qui l'ont accompli, qui l'ont aboli. Quelque chose me fatigue.
Mme Gibbs : On n'est pas dans le secret des dieux. Par contre, on sait quand même qu'il y a eu beaucoup de pressions, qui ne viennent pas de notre milieu, qui ne viennent pas des stations en régions pour ne pas nommer le privé. On ne sait pas pourquoi ils l'ont aboli, mais je puis vous dire que la raison pour laquelle cela avait été mis sur pied, c'est parce que c'était un fonds de rattrapage et pour cela vous avez un pouvoir de décision. S'il était bon il y a trois ans passés, il est tout autant pertinent maintenant, malgré une décision pas sage des commissaires.
La présidente : Vous recommanderiez que le fonds soit remis sur pied?
Mme Gibbs : Effectivement, qu'on l'appelle comme on voudra, ce n'est pas important. Mais le besoin d'un fonds de rattrapage est essentiel pour soutenir les communautés en milieu minoritaire.
Le sénateur McIntyre : Il faut retourner à l'essentiel, qui est que Radio-Canada a deux mandats : son premier est de respecter la Loi sur la radiodiffusion et son deuxième mandat est de respecter la Loi sur les langues officielles. Depuis 1991, la Loi sur la radiodiffusion est claire. Radio-Canada doit offrir une programmation qui renseigne, éclaire et divertit. C'est le mandat de Radio-Canada. Et présentement, Radio-Canada, le diffuseur public, ne remplit pas son mandat. Nous assistons de plus en plus à la montréalisation du diffuseur public et c'est là que le correctif du tir doit se faire.
La présidente : La vice-présidente du comité, le sénateur Champagne, ne pouvait pas être avec nous cet après-midi mais elle m'a fait parvenir une question qu'elle voulait que je pose à madame Lord. Alors je vais me permettre de poser sa question.
Une rumeur persistante nous laisse croire à la possibilité de deux nouveaux réseaux de télévision en langue française dont la programmation serait faite exclusivement d'émissions venant de régions francophones hors Québec. Selon vous, madame Lord, quelles sont les possibilités que le CRTC accorde une licence à au moins un de ces nouveaux réseaux? Vous pouvez y répondre maintenant ou plus tard par écrit si vous préférez.
Mme Lord : Je suis au courant de ce dossier. Il faut savoir que c'est le CRTC qui a décidé de faire une place pour une nouvelle chaîne francophone à travers le pays qui serait en distribution obligatoire. On sait que depuis le premier septembre 2011, il y a déréglementation au niveau de la câblodistribution au Canada. Donc Radio-Canada reste toujours en distribution obligatoire à travers le pays. TV5 Québec Canada a eu un sursis de deux ans qui se terminera le 31 août de cette année. Donc deux projets ont été présentés.
Il y a une différence entre les deux projets contrairement peut-être à ce que le sénateur Champagne a écrit dans sa question, à savoir qu'il y a un projet qui se nomme la Chaîne Accents où le Québec est complètement absent de la production et de la programmation, et l'autre, c'est TV5 Québec Canada où le Québec est présent avec la Francophonie canadienne à la nuance qu'il y aurait des coproductions qui augmenteraient au fil des ans avec des producteurs franco-canadiens et les producteurs québécois, mais hors Montréal. Ce serait une chaîne interrégionale pour aussi pouvoir montrer toutes les régions francophones du Canada y compris celles du Québec, qu'on ne voit pas non plus, comme on l'a dit un peu plus tôt aujourd'hui, sur les ondes de Radio-Canada.
Mme Gibbs : Sur ce point, effectivement, c'est clair qu'on nous demande des appuis que ce soit aux plans de TV5 ou Accents. Au plan de la Francophonie canadienne, et j'arrive d'un forum il n'y a pas si longtemps, et au plan de l'Acadie, on examine toutes les possibilités qui sont devant nous. On peut avoir un diffuseur public qui s'appelle Radio- Canada et aussi, à mon avis, il y aura une licence donnée par le CRTC, et une autre chaîne complémentaire qui donnera une autre vitrine régionale. Cela pourrait être bienvenu et pourrait même être une des étincelles qui fera en sorte que Radio-Canada à Montréal devienne plus Radio-Canada Canada.
M. Légère : Essentiellement, ce que nous comprenons, c'est que dans le bouquet de réseaux, de chaînes offertes sur le câble, les gens du CRTC ont énoncé un manque au niveau de l'ensemble des chaînes de langue française. Il a donc émis le souhait que des projets soient présentés et c'est ce qui est en train de se faire. Ceci se ferait en complémentarité avec Radio-Canada. Il s'agirait d'un ajout pour permettre particulièrement à nos producteurs d'avoir accès à un nouveau diffuseur, ce qui aurait comme effet d'augmenter le nombre de productions émanant des communautés acadienne et francophone du pays.
Si cela se produit, c'est une excellente nouvelle. Ce n'est pas négatif du tout. Cela n'aurait aucun impact, à mon avis, sur le mandat de Radio-Canada. J'ai une petite crainte de voir Radio-Canada se déresponsabiliser de desservir les régions sachant que cette nouvelle chaîne le ferait, mais je garde confiance. Je ne voudrais surtout pas entendre cela.
Karine Godin, conseillère, Association acadienne des journalistes : Je voulais ajouter quelque chose, dans le même sens que M. Légère, pour dire que l'arrivée d'une nouvelle chaîne vient se faire en complémentarité, parce que Radio- Canada a quand même un mandat de globalité canadienne et je crois que c'est très important qu'elle garde son mandat et continue de desservir les régions et les francophones en situation minoritaire. On a encore besoin de Radio-Canada qui se veut quand même une référence en matière d'information ici, au Nouveau-Brunswick, mais aussi dans d'autres provinces canadiennes.
La présidente : Au nom des membres du comité, j'aimerais remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Vous avez sûrement vu, par les questions posées, que le comité a à cœur de faire des recommandations à Radio-Canada pour l'aider à mieux répondre aux besoins — ceux que vous nous avez formulés, ceux qui sont évidents ou moins évidents. En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité de poser les questions qui nous préoccupent le plus, et vous, les témoins, c'est de nous faire part de vos préoccupations les plus importantes. Cela a été fait et je vous en remercie tous.
Honorables sénateurs, la semaine prochaine, le comité entendra, en panel et par vidéoconférence, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse et l'Association canadienne-française de l'Alberta.
De plus, la semaine prochaine, nous avons une réunion hors du créneau habituel, soit le mercredi 5 décembre à 15 h 30, pour entendre le ministre du Patrimoine canadien et des langues officielles.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)