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Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 18 - Témoignages du 15 avril 2013


OTTAWA, le lundi 15 avril 2013

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour faire une étude des meilleures pratiques en matière de politique linguistique et d'apprentissage d'une langue seconde dans un contexte de dualité ou de pluralité linguistique.

La sénatrice Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je me présente, je m'appelle Maria Chaput, sénatrice du Manitoba, présidente du comité.

Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'invite les membres du comité à se présenter en commençant à ma gauche.

Le sénateur McIntyre : Bonjour, je m'appelle Paul McIntyre, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Je suis le sénateur Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse. Je remplace la sénatrice Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je suis la sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, de Québec.

Le sénateur Mockler : Bonjour, je m'appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur De Bané : Bonjour, je m'appelle Pierre De Bané, sénateur du Québec.

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je m'appelle Fernand Robichaud, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick, de Saint-Louis-de-Kent.

La sénatrice Tardif : Bonjour, je m'appelle Claudette Tardif, je suis sénatrice de l'Alberta.

La présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

Aujourd'hui, le Comité permanent des langues officielles entreprend son étude des meilleures pratiques en matière de politique linguistique et d'apprentissage d'une langue seconde dans un contexte de dualité ou de pluralité linguistiques. Le comité est heureux d'accueillir des représentants des Canadian Parents for French, qui seront ses premiers témoins à parler de l'apprentissage d'une langue seconde au Canada.

[Français]

Au nom des membres du comité, je remercie les témoins de prendre le temps de nous présenter leurs points de vue et de répondre à nos questions. Le comité a demandé aux témoins de faire une présentation d'environ 10 minutes, et les sénateurs suivront avec des questions. J'invite maintenant Mme Perkins à prendre la parole.

[Traduction]

Lisa Marie Perkins, présidente, conseil d'administration national, Canadian Parents for French : Au nom des Canadian Parents for French, je remercie le Comité permanent des langues officielles de nous avoir invités à témoigner devant lui et à être, paraît-il, les premiers témoins, s'il vous plaît, qu'il entendra.

Je suis Lisa Marie Perkins.

[Français]

Je viens de Red Deer, Alberta, et je suis la présidente du conseil d'administration national de Canadian Parents for French.

[Traduction]

Je suis accompagnée de mes collègues, Mme Rita Parikh, qui vit dans la magnifique province de Colombie- Britannique, et de notre directeur général, M. Robert Rothon, qui voit à la bonne marche de l'organisation, chez nous.

[Français]

Comme la plupart d'entre vous le savent déjà, CPF est un organisme de parents avec plus de 22 000 membres, neuf bureaux provinciaux et territoriaux, et quelque 150 sections locales dans les communautés à travers le pays.

[Traduction]

Votre comité concentre son attention sur le français langue seconde ainsi que sur les réussites et les limites des programmes actuels, compte tenu, particulièrement, de notre évolution sociodémographique et de notre dualité linguistique.

Nous, les CPF, nous croyons fermement que l'enseignement du français langue seconde est une occasion à saisir pour tous les enfants. Il profite à nos enfants, à nos collectivités et à notre pays. Ainsi, aucun enfant ne devrait être lésé en n'ayant pas accès au programme de français langue seconde de son choix. C'est pourquoi, pour nos deux derniers rapports sur la situation du français langue seconde, nous avons commandé des études sur l'apprentissage du français langue seconde chez les enfants dont la première langue n'est ni le français ni l'anglais et chez les élèves aux besoins exceptionnels en éducation.

D'après des statistiques récentes, un Canadien sur cinq est un immigrant, cette immigration est et restera le principal facteur de croissance démographique au pays et, actuellement, 90 p. 100 des immigrants qui arrivent ici ne parlent ni anglais ni français à la maison. Les statistiques de nos inscriptions révèlent que c'est une population très peu représentée dans nos programmes d'études françaises.

Pourquoi nous en soucions-nous? Bien sûr, c'est une question d'équité. Nous croyons être obligés d'offrir à chaque segment de notre population une chance égale d'apprendre la deuxième langue officielle et de bien la parler, de faire partie d'un milieu de travail où on exige le bilinguisme, de connaître la richesse de la culture francophile et francophone et d'en profiter.

En plus, la dualité linguistique enracinée dans nos deux langues officielles est un élément essentiel de notre identité canadienne, et le maintien de l'exclusion de ce groupe démographique, par les politiques et les programmes d'éducation, finira par mettre fondamentalement en question la notion de dualité linguistique et, par conséquent, la notion même de ce que signifie être Canadien.

Rita Parikh, membre, conseil d'administration national, Canadian Parents for French : Comme vous le savez, ce sont les parents, le plus souvent, qui choisissent l'éducation de leurs enfants. Des études nous ont dit qu'ils n'inscrivent pas leurs enfants à l'immersion française ou aux cours de français en partie à cause de la priorité qu'ils accordent à l'anglais, en partie par crainte de l'échec de leurs enfants en français.

Le plus troublant, c'est qu'ils y sont directement conditionnés par les éducateurs eux-mêmes. Les études montrent que les enseignants et les directeurs d'école conseillent constamment aux parents de ne pas inscrire leurs enfants en immersion française, par exemple, parce que cela nuira à leur apprentissage de l'anglais, langue plus pratique et simplement plus utile pour eux.

Ils soulignent aussi, carrément, la difficulté de cet apprentissage. Une étude réalisée en Ontario, par exemple, a révélé que les éducateurs estimaient que l'apprentissage du français accablerait les enfants en anglais langue seconde. Cependant, les faits montrent clairement que les enfants dont la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français peuvent atteindre des niveaux de compétence ou obtenir des résultats égaux ou même supérieurs à ceux de leurs homologues anglophones des niveaux élémentaire et secondaire inscrits en immersion française ou en français de base.

Nous avons constaté que ces conclusions étaient constamment valides, même au niveau postsecondaire, même quand les élèves anglophones avaient reçu jusqu'à cinq années de plus d'enseignement du français que les enfants d'immigrants. En outre, une foule de faits montrent que ces enfants acquièrent la maîtrise de l'anglais pour autant qu'ils vivent dans des communautés où l'anglais est la langue prédominante.

En même temps, dans les ministères, des politiques favorisent l'exclusion. Par exemple, le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique exige que tous les élèves, entre la cinquième et la huitième année, apprennent une langue seconde, dans le cadre du programme, sauf ceux qui ont des besoins particuliers ou ceux qui sont en anglais langue seconde. Les arrondissements scolaires interprètent cette politique chacun à leur façon. À Victoria, d'où je viens, le coordonnateur linguistique exempte presque tous les élèves en anglais langue seconde et les astreint, à la place, à l'apprentissage de l'anglais langue seconde pendant le cours de français.

Des politiques ministérielles encouragent aussi l'apprentissage des langues ancestrales. Nous constatons que, sur ce plan, beaucoup de parents et d'éducateurs perçoivent le français et ces langues comme étant en concurrence mutuelle et non pas comme complémentaires, comme nous, nous les percevons.

Comme vous en avez discuté avec nos collègues, en 2012, le système d'éducation de la Colombie-Britannique offre une large gamme de langues ancestrales, notamment le mandarin, le japonais, le pendjabi, et ainsi de suite. Certains parents et enseignants estiment que ces langues sont aussi importantes ou même plus. Toutefois, beaucoup ne se rendent pas compte que, en général, parler une langue ancestrale facilite généralement la maîtrise du français. En fait, une étude montre que plus on parle la langue ancestrale à la maison, meilleur on devient en français. Bref, il est inutile de mettre ces langues en concurrence les unes avec les autres.

Ce n'est pas tout, cependant. Nous constatons à répétition que les parents d'enfants qui ne parlent ni le français ni l'anglais à la maison ignorent souvent, tout d'abord, l'existence de programmes d'études françaises. Nous savons que leur promotion varie d'un arrondissement à l'autre, certaines écoles offrant aux parents des journées d'initiation, tandis que certaines autres interdisent que les enfants rapportent chez eux, dans leur sac d'école, de l'information sur les programmes de langue française. Il y a toute une fourchette de comportements. La constante, c'est qu'aucune école, à ce que nous sachions, ne renseigne particulièrement les parents immigrants sur les programmes de français.

La première série de nos recommandations qui se trouvent dans les mémoires que vous recevrez d'ici quelques semaines insiste sur les contacts et la promotion, non seulement auprès des parents, mais aussi auprès des véritables portiers du système, les éducateurs et les directeurs d'école, d'après nous.

Notre deuxième série de recommandations, toutefois, touche de façon plus générale l'accès. Comme vous savez, nous aurons beau abattre les obstacles, informer les parents et mobiliser des milliers de Canadiens de plus pour qu'ils inscrivent leurs enfants aux cours de français, la plupart du temps, ça ne donnera rien parce que, tout simplement, il n'y a pas d'endroit pour les accueillir. Les recommandations que vous trouverez dans notre mémoire visent certains de ces obstacles de base à l'accès au français, la suppression des plafonds, le transport vers les programmes français et l'augmentation du nombre d'enseignants, de programmes et de places offertes à ces élèves.

Je cède maintenant la parole à Mme Perkins, qui parlera des moyens que vous pourriez employer pour nous appuyer dans ces efforts.

[Français]

Mme Perkins : Canadian Parents for French et le gouvernement fédéral sont des alliés de longue date dans cette lutte. Nous avons la même vision de la dualité linguistique canadienne. Nous devons travailler ensemble pour promouvoir cette vision et abolir les nombreux obstacles auxquels fait face la jeunesse immigrante, voire de nombreux enfants canadiens à travers le pays, peu importe leurs origines.

[Traduction]

Pour cela, nous pouvons collaborer à l'élaboration d'un programme exhaustif de promotion qui s'adresse directement à tous les Canadiens, aux familles immigrantes, aux éducateurs et, de façon plus générale, aux fonctionnaires provinciaux. Nous pouvons collaborer avec vous et avec nos nombreux partenaires francophones et partenaires de recherche pour cerner la recherche à faire pour ces efforts de sensibilisation et de prise de contact avec les clientèles.

Nous voudrions collaborer avec vous pour rendre plus efficaces ces accords dans le cadre du Programme des langues officielles dans l'enseignement qui présentent de véritables objectifs, des buts ambitieux mais atteignables pour augmenter le nombre d'enfants inscrits aux études françaises et, de préférence, aux programmes d'immersion précoce. Nous pouvons renforcer les efforts actuels pour le choix d'une norme commune de compétence linguistique que tous les enfants inscrits dans les études de français langue seconde pourront ambitionner d'atteindre.

Surtout, nous pouvons utiliser votre appui, votre financement, vos politiques, vos orientations et vos encouragements pour nous aider à servir les parents et les communautés de partout dans ce grand pays qui, après tout, sont en première ligne. Ils exigent plus de places en immersion, l'affectation de fonds pour le transport et les manuels, la recherche et l'embauche d'enseignants et le soutien de leurs enfants.

En ma qualité de présidente nationale de Canadian Parents for French, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé. Je suis une diplômée de l'immersion française et mon fils suit mes traces. Je sais que le don de l'enseignement du français langue seconde est l'un des plus durables et des plus significatifs qu'on puisse donner ou recevoir. Aucun enfant ne devrait en être privé à cause d'un manque de places dans les classes, d'enseignants compétents ou parce qu'on ne le juge pas admissible. Nos enfants méritent mieux et notre pays aussi.

Je vous remercie chacun de vous pour votre temps.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, j'aimerais vous réaffirmer que je suis bien contente que vous comparaissiez aujourd'hui devant le comité. Mes questions ne porteront pas nécessairement sur les difficultés, que vous nous avez décrites, que rencontrent les immigrants et enfants d'immigrants. La situation est pour eux difficile. Ils ne pousseront pas leurs enfants à apprendre alors qu'ils ont parfois l'obligation d'apprendre l'anglais de préférence.

J'aimerais toutefois vous citer une statistique. Des données ont été compilées en 2011 qui indiquent que près de 98 p. 100 de la population canadienne peut soutenir une conversation dans une langue ou dans l'autre. Par contre, 17,5 p. 100 des Canadiens seulement peuvent le faire dans les deux langues officielles.

Étant donné que vous recevez parfois des rapports qui viennent de partout au Canada, diriez-vous que le système scolaire actuel permet aux enfants de devenir bilingues?

Mme Perkins : Premièrement, merci beaucoup. Je répondrai d'abord à votre question à propos des immigrants.

[Traduction]

Nos études disent notamment que ces enfants et ces familles veulent recevoir un enseignement en français langue seconde. C'est une possibilité qui ne leur est tout simplement pas toujours offerte. C'est pourquoi nous mentionnerions la sensibilisation.

Selon la situation dans les différentes régions et la capacité de nos réseaux scolaires de rendre nos enfants bilingues, les programmes d'immersion et de français langue seconde varient énormément d'un bout à l'autre du pays quant au nombre de matières enseignées pendant l'année. Par exemple, dans certaines localités de l'Alberta, l'immersion française en 12e année n'offre aucun cours en français.

[Français]

Dans le système scolaire de Calgary, il faut prendre cinq cours en français, comme les sciences, les mathématiques, le français langue seconde.

[Traduction]

La capacité de faire sa 12e année en français langue seconde varie énormément, ce qui explique pourquoi il serait utile de disposer de tests d'évaluation des compétences qui seraient normalisés à l'échelle nationale et qui seraient utiles, pas seulement pour que, à l'extérieur, on sache de quel bilinguisme on parle, mais aussi à quelle norme il se rattache.

[Français]

Aussi, les jeunes doivent avoir confiance en leur habileté à s'exprimer dans leur langue seconde.

La sénatrice Fortin-Duplessis : À votre connaissance, a-t-on remarqué que certains territoires ou provinces performent mieux que d'autres dans l'enseignement d'une langue seconde?

Robert Rothon, directeur général, Bureau national, Canadian Parents for French : Il est difficile de faire une évaluation, vu que les normes varient tellement d'une province à l'autre. Un indicateur intéressant serait le pourcentage de la population étudiante inscrite à un programme d'immersion, par exemple. Ce n'est pas le seul programme de français langue seconde. À ce sujet, on peut regarder du côté du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Les provinces maritimes connaissent une belle réussite sur ce plan. Par contre, les chiffres ne suffisent pas, comme on a pu le voir lors de ladite réforme du programme d'immersion française au Nouveau-Brunswick, qui fut assez contestée par plusieurs parents.

[Traduction]

J'essaie d'être diplomate.

[Français]

Le sénateur Mockler : Mais pas la majorité.

M. Rothon : Non. Ceci dit, disons que ce fut un contentieux, et nous avons suivi la situation avec beaucoup d'attention. Toutefois, ce n'est qu'un indicateur. Nous avons déjà fait le commentaire qu'il faut faire d'autres recherches pour pouvoir vraiment évaluer la situation et répondre à cette question, qui pourtant est simple. À mon avis, pour arriver à une réponse complète, le processus serait relativement long côté analyse, évaluation et autres.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Rothon, ma troisième question s'adresse à vous. Connaissez-vous les pratiques instaurées dans d'autres pays où il existe une dualité linguistique, afin de favoriser l'apprentissage d'une langue seconde?

M. Rothon : Je peux vous parler de la Finlande, par exemple, qui a regardé de près le modèle canadien d'immersion. Mme Parikh pourra vous parler de l'Inde où on enseigne trois langues.

[Traduction]

C'est, je pense, durant les années du primaire, n'est-ce pas?

Mme Parikh : Selon l'école et la classe, mais l'anglais et l'hindi sont certainement les deux langues dans lesquelles les cours se donnent dans la plupart des écoles.

M. Rothon : Et, normalement, ils ajoutent une troisième langue de l'État.

Mme Parikh : Oui.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Et ont-ils du succès? Réussit-on?

M. Rothon : Oui. Dans le mémoire que nous comptons vous envoyer d'ici quelques semaines, nous pourrons certainement ajouter un petit volet, du moins une référence, quant au taux de réussite de ces deux programmes, si vous le souhaitez.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : À la page 7 de votre exposé, vous mentionnez un mémoire que nous avons reçu l'année dernière de la Colombie-Britannique et du Yukon. L'une des demandes vise la reconnaissance du droit d'apprendre le français à la grandeur du pays, comme langue officielle du Canada, plutôt que comme une langue étrangère d'enseignement, au même titre que l'enseignement dans la langue de la minorité est un droit reconnu dans l'article 23 de la Constitution. Pouvez-vous expliquer ce paragraphe?

Mme Parikh : Si j'ai bien compris votre question, la Colombie-Britannique a, en effet, fait savoir qu'elle assurerait l'enseignement en langue seconde dans la langue ancestrale et la langue exigée dans la communauté. Aucune politique ministérielle n'affirme que la langue seconde offerte doit être le français. Il faut apprendre une langue seconde de la cinquième à la huitième année ou de la quatrième à la huitième, selon l'arrondissement scolaire, mais on ne précise pas laquelle. Il incombe donc principalement aux parents et aux décideurs de l'arrondissement de choisir laquelle. Souvent, les écoles offrent les langues ancestrales plus le français. Certains arrondissements choisissent de ne pas offrir le français.

Mme Perkins : Canadian Parents for French reconnaît les droits des francophones de recevoir leur éducation en langue maternelle, particulièrement dans les situations de minorité linguistique. Je pense que lorsque nos consœurs et confrères de CPFBC ont fait cette proposition, c'était conformément à l'idée que nous exprimons dans le mémoire, c'est-à-dire qu'on ne devrait refuser à aucun enfant la possibilité d'être compétent dans les deux langues officielles du Canada. En fait, ce sont les langues officielles de tous les Canadiens, et quel meilleur endroit pour commencer à les apprendre que la maternelle, la porte d'entrée du système scolaire, que ce soit par droit ou par un choix en connaissance de cause.

Le sénateur De Bané : Comment, d'après vous, fait-on la promotion des langues secondes dans notre pays?

[Français]

Mme Perkins : Cela dépend énormément de la province ou du territoire au Canada. À Red Deer, notre système scolaire...

[Traduction]

... est l'un des principaux promoteurs de l'apprentissage d'une langue seconde. On ne ferme la porte à aucun enfant et on ouvre des classes chaque fois que c'est possible, pour s'assurer que chaque enfant pourra avoir accès à l'enseignement en français langue seconde. Partout ailleurs au pays, les parents, particulièrement ceux de familles immigrantes, ne sont pas mis au courant.

Encore une fois, il se peut que l'arrondissement ne fasse pas la promotion des options d'enseignement du français langue seconde parce qu'il manque de locaux ou de places, d'enseignants compétents, de ressources pour offrir le programme dans des conditions favorables. Voilà ce qui explique la promotion timide du programme.

[Français]

Cela varie énormément à travers le pays.

[Traduction]

Mme Parikh : Je suis d'accord.

Je préciserai que Canadian Parents for French est constitué de sections locales disséminées d'un bout à l'autre du pays et que ces sections sont constituées de parents. Dans certaines sections, ces parents présentent les possibilités qu'offre le français langue seconde dans les garderies et les établissements préscolaires, parce qu'ils veulent que tous les parents dont les enfants fréquentent ces établissements connaissent l'existence de points d'entrée pour l'immersion précoce de leurs enfants.

Je viens de l'arrondissement où le pourcentage de la population inscrite dans un programme d'immersion est, je crois, la plus forte du pays. Par chance, aussi, notre coordonnateur linguistique paie les brochures que les élèves rapportent à la maison, dans leur sac d'école. Nous savons aussi que, dans certaines provinces, notre organisation s'est adressée aux employeurs et les a convaincus des avantages d'embaucher des enfants bilingues; ces employeurs ont ensuite commencé à publier des annonces pour l'embauche d'enfants bilingues. Ce sont des signaux envoyés aux écoles et aux arrondissements pour qu'ils fassent connaître ces programmes aux enfants qui relèvent d'eux. On peut accéder aux programmes d'immersion de nombreuses manières, souvent très différentes.

Autre précision : nous offrons aussi aux immigrants un certain nombre de programmes particuliers. Pour les parents, nous avons fait imprimer des brochures en pendjabi, en mandarin et en japonais, sur les programmes d'études françaises.

[Français]

La sénatrice Tardif : Je tiens d'abord à féliciter les membres de Canadian Parents for French. Depuis de nombreuses années, cette organisation fait la promotion de l'apprentissage du français et du bilinguisme et apporte une réelle contribution à notre société canadienne. Je remercie votre organisme pour tout le travail accompli. J'ai eu l'occasion de travailler avec CPF à de nombreuses reprises et je peux vous assurer que cela a toujours été un plaisir de parler aux parents, aux enseignants et aussi de faire la promotion de cette cause avec vous.

Pouvez-vous nous indiquer dans quels provinces et territoires du Canada l'enseignement du français est obligatoire?

M. Rothon : Curieusement, une mère de famille m'a téléphoné la semaine dernière pour me poser cette question. Je vérifierai mes dires, mais de mémoire, l'étude du français n'est pas obligatoire en Alberta, en Colombie-Britannique et au Manitoba. Elle l'est par contre au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, mais pas dans les trois territoires. En Ontario, oui; au Québec, oui, avec une qualification. Pour le Québec, cela varie tellement d'un conseil scolaire à l'autre qu'on ose à peine dire que c'est offert à l'échelle de la province de façon consistante. Cela l'est à l'Île-du-Prince-Édouard, non en Saskatchewan et oui, au Yukon. En gros, peut-être la moitié des provinces exigent l'étude du français comme langue seconde à un certain moment. C'est souvent un cours de français de base et très rarement de l'immersion.

La sénatrice Tardif : D'accord. Pour les gens qui voudraient bien comprendre les termes, un cours de français de base équivaut à environ 40 à 50 minutes par jour, par exemple?

M. Rothon : Par jour, c'est déjà beaucoup. Oui.

La sénatrice Tardif : D'accord. Dans à peu près la moitié des provinces du Canada, l'enseignement du français, une des langues officielles du pays, n'est pas obligatoire à aucun moment?

M. Rothon : C'est cela.

La sénatrice Tardif : Que ce soit au niveau de la 10e, 11e et 12e années, de l'école élémentaire ou à d'autres niveaux. C'est une situation lamentable.

Certains organismes nous disent que, concernant les provinces qui reçoivent un certain financement selon les ententes entre le Canada et les provinces, c'est très difficile de suivre le fil de la reddition de comptes. C'est très difficile de savoir si l'argent envoyé par le gouvernement fédéral est réellement investi dans les conseils scolaires.

Êtes-vous familier avec cette situation? Recevez-vous des plaintes à cet effet?

M. Rothon : Je dirais que oui. C'est certainement l'une des préoccupations principales des parents dans les conseils scolaires, à savoir si les fonds sont dépensés de façon efficace et efficiente. Ce n'est pas toujours évident, car le ministère de l'Éducation n'exige pas toujours que les conseils scolaires rendent des comptes, en premier lieu, et si oui, les rapports ne sont souvent pas très détaillés.

Je peux citer l'exemple de la Colombie-Britannique, qui a une pratique que l'on pourrait qualifier d'exemplaire et qui pourrait servir de modèle. Les conseils scolaires doivent envoyer un rapport d'utilisation des fonds et ces rapports sont affichés sur le site Internet du ministère de l'Éducation et peuvent être consultés par le grand public. Où on pourrait voir de l'amélioration, c'est dans le détail de ces dépenses qui sont présentées de façon tellement générale et globale qu'il est difficile de savoir si l'argent a été vraiment dépensé de façon optimale. C'est quand même un excellent début. D'autres provinces — on pourra peut-être me corriger —, par exemple l'Ontario, ne rendent pas publiques les dépenses des conseils scolaires de leurs fonds supplémentaires pour le français langue seconde.

Donc, vous avez quand même la plus grosse province qui ne rend pas ses comptes publics.

[Traduction]

Mme Parikh : Nous avons fait parvenir aux parents une ventilation section par section, district par district, des montants fédéraux reçus dans leur communauté, en leur enjoignant de s'informer auprès de leur conseil scolaire sur la façon dont l'argent a été dépensé. Des parents demandent cette information à l'école de leurs enfants, mais les chiffres auxquels Robert fait allusion se situent à un niveau beaucoup plus élevé. Nous avons constaté, par exemple, qu'une école s'est procuré des microphones avec l'argent. C'est comme ça.

[Français]

La sénatrice Tardif : Le gouvernement vient d'annoncer une nouvelle feuille de route pour les langues officielles de 2013 à 2018. Est-ce que cette nouvelle feuille de route répond à vos attentes?

[Traduction]

Mme Perkins : Nous avons assisté à son lancement, en compagnie du ministre du Patrimoine canadien. Nous en applaudissons le ton. Nous devrions être fiers du bilinguisme officiel et nous devrions nous fixer des objectifs ambitieux. Le ton de la feuille de route est à l'augmentation de l'immersion française, aux programmes d'échange et, en grande partie, aux possibilités d'éducation. Cela concorde parfaitement avec nos inclinations et notre mandat. Nous sommes heureux du maintien du financement des accords dans le cadre du Programme des langues officielles dans l'enseignement. Notre organisme aimerait que le français soit davantage enseigné...

[Français]

... que ce soit français de base, immersion française ou quoi que ce soit d'autre...

[Traduction]

... et plus d'argent sera probablement nécessaire pour assurer ce type de promotion, pour que des classes, des enseignants et ainsi de suite soient à la disposition de la clientèle. Nous devrons travailler à ces détails.

M. Rothon : Pour la première fois, la feuille de route parle de l'immigration, à laquelle correspondent, je pense, 125 millions de dollars. Pour nous, c'est une nouveauté importante, parce que nous avons toujours eu l'impression que ce genre d'initiatives pour les langues officielles avait toujours manqué au ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté. On s'attendrait à ce que ce ministère joue un rôle de premier plan, et ce n'est que maintenant qu'il semble bien vouloir le jouer à fond. Nous nous sommes réjouis de le voir mentionné dans la feuille de route. Actuellement, cet argent n'est affecté qu'à l'immigration de langue maternelle française...

[Français]

... ce qui est très bien pour les communautés francophones en situation minoritaire. Nous avons le souhait que, à l'avenir, — et c'est ce que nous proposons — des sommes d'argent destinées à l'apprentissage du français langue seconde par les immigrants trouvent leur place dans une feuille de route ultérieure. Si nous revenons aux chiffres que Mme Perkins a cités en début de présentation ...

[Traduction]

On ne peut pas tenir un pourcentage si élevé de la population à l'écart des langues officielles; on ne peut pas faire cela.

[Français]

Si vous faites cela, on prévoit déjà, je crois, que vers 2030, 30 p. 100 de la population canadienne sera une minorité et visible, ce qui est un très gros chiffre et cela exclut d'autres communautés immigrantes. Quelle est l'implication de ceci pour les langues officielles, pour la viabilité des langues officielles?

[Traduction]

Quelle sera l'adhésion, aux langues officielles et à la dualité linguistique, de 30 à 40 p. 100 de la population dans moins de 20 ou 30 ans?

[Français]

Pour nous ce sont des enjeux qui sont énormes. Donc, nous félicitons vivement le gouvernement pour avoir inclus cette mesure portant sur l'immigration dans la Feuille de route, mais pour nous ce n'est qu'un début.

Le sénateur McIntyre : La sénatrice Tardif a soulevé avec vous la Feuille de route pour les langues officielles du Canada couvrant la période de 2013 à 2018. J'aimerais brièvement aborder avec vous le protocole d'entente entre le Conseil des ministres de l'Éducation au Canada, mieux connu sous le nom de CMEC, et le gouvernement du Canada.

Je comprends que le protocole d'entente est arrivé à échéance le 31 mars dernier. Est-ce que vous vous attendez à ce qu'un nouveau protocole soit établi bientôt?

[Traduction]

Mme Perkins : Le ministre Moore nous a dit alors qu'on élaborait les protocoles et que les ministres membres du Conseil des ministres de l'Éducation au Canada et leurs homologues provinciaux les signeraient, effectivement.

[Français]

M. Rothon : Je rappellerai que, par exemple, le dernier protocole d'entente avait été signé, je crois, avec une année de retard. On avait fait une extension d'un an. Il ne s'agit pas de savoir si les protocoles vont être renouvelés mais plutôt quand ils le seront et quel sera leur contenu.

Bien sûr, nous souhaitons toujours voir quelques changements.

[Traduction]

La pire éventualité, pour nous, c'est une reconduction pure et simple. La meilleure...

[Français]

... serait que nous voyions des choses que nous aimerions voir. Par exemple une meilleure reddition de comptes ou des exigences plus sévères sur la reddition de compte des conseils scolaires et des ministères de l'Éducation.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Je remarque avec plaisir que Canadian Parents for French est constitué de bénévoles de partout au Canada depuis 1977. Si j'ai bien compris, vous comptez entre 150 et 200 sections au Canada. Ai-je raison de croire que le recrutement des bénévoles n'est absolument pas difficile?

Mme Perkins : Il n'est pas difficile de trouver des parents et des familles au pays qui souhaitent voir leurs jeunes s'inscrire à un programme de français langue seconde ou célébrer leurs réalisations lorsqu'ils terminent la douzième année. Pour ce qui est du travail sur le terrain, nous avons malheureusement les mêmes défis que toutes les autres organisations. Cela signifie toutefois que nous sommes comme les autres.

Mme Parikh : C'est facile de trouver des bénévoles en situation de crise. Lorsqu'un programme est menacé ou lorsque les parents veulent implanter un nouveau programme dans leur collectivité, il y a beaucoup de volontaires. Lorsqu'un programme fonctionne bien, comme c'est le cas à plusieurs endroits, comme à Victoria, il n'y a plus de bénévoles. Cela dépend de la situation. Les gens saisissent les occasions.

Le sénateur McInnis : Parmi mes collègues, je suis le seul à ne parler qu'une seule langue. Je les envie. Lorsque j'étais en neuvième et en dixième année, il fallait rester après les classes pour apprendre le français et le latin. L'immersion française était à la mode lorsque mes deux garçons étaient à l'école, mais elle n'était offerte qu'aux élèves de la première à la sixième année.

Vous avez dit que les cours d'immersion française étaient obligatoires en Nouvelle-Écosse. Ce n'est certainement pas le cas dans l'ensemble de la province. En fait, ils ne sont pas offerts dans la plupart des régions rurales, et c'est dommage.

Les élèves qui terminent leurs études sans pouvoir communiquer dans les deux langues officielles sont désavantagés en matière d'emploi. Par exemple, il est très difficile d'obtenir un emploi dans la fonction publique fédérale si vous n'êtes pas bilingue. C'est le cas à la GRC et dans certaines sections des Forces canadiennes.

Cela m'intrigue, mais je comprends aussi qu'il y a un transfert du gouvernement fédéral vers les provinces. Je présume que le transfert se fait vers les provinces et non directement vers les conseils scolaires. Est-ce que quelqu'un surveille cela?

Je peux vous dire une chose : il n'y a pas d'immersion française sur la côte est de la Nouvelle-Écosse, d'où je viens. C'est peut-être qu'il est impossible de recruter des personnes qualifiées pour enseigner le français. Dans de nombreuses régions rurales de la Nouvelle-Écosse, l'immersion n'est tout simplement pas offerte. Je tiens à le souligner parce qu'il s'agit d'un volet très important de l'enseignement aujourd'hui. Je voulais simplement vous le rappeler, puisque je suis un visiteur.

Qui fait la surveillance?

Mme Perkins : Comme l'a mentionné M. Rothon, elle se fait par l'entremise des ententes en vertu du Protocole des langues officielles dans l'enseignement. Le niveau de transparence quant à l'utilisation des fonds du gouvernement fédéral dans les arrondissements scolaires varie grandement selon les régions du pays, malgré les efforts déployés par certaines organisations comme Canadian Parents for French et nos membres sur le terrain, qui posent ces questions. Où est l'argent? Les directions générales et les provinces tiennent un dialogue continu avec les ministres de l'Éducation et posent ces mêmes questions, puisque l'incapacité de parler les deux langues officielles pose problème. Je le dis souvent : lorsque je visite une classe de maternelle et que je vois tous ces beaux visages qui me regardent, je me dis que je suis peut-être devant un futur chef du Comité international olympique, membre de la GRC, fonctionnaire fédéral ou président de Canadian Parents for French...

[Français]

Moi, je suis bilingue.

[Traduction]

... un membre du Cabinet, un sénateur ou le premier ministre du Canada. Pourquoi empêcherait-on un enfant d'atteindre ces objectifs? Et, de façon plus importante, à quoi renonce-t-on, en tant que pays? J'en parle tout à fait simplement, de ce point de vue. Tous les enfants méritent d'exploiter leur plein potentiel.

M. Rothon : D'un point de vue plus technique, j'aimerais souligner que le bureau national de Canadian Parents for French est également en pourparlers avec Patrimoine canadien, qui négocie ces ententes avec le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada au nom du gouvernement fédéral; le conseil se charge à son tour des négociations au nom des ministères provinciaux et territoriaux. Nous avons également suggéré au commissaire aux langues officielles d'examiner ces négociations, à des fins de transparence et de responsabilité, pour assurer la meilleure utilisation des fonds du gouvernement fédéral. Il faut vérifier la façon de dépenser l'argent et de rendre des comptes. C'est très intéressant. Lorsque le protocole maître est approuvé par Patrimoine canadien et le Conseil des ministres, les provinces et les territoires négocient leurs protocoles, qui font référence au protocole maître, et produisent un plan d'action. La Colombie-Britannique peut recevoir 10 millions de dollars supplémentaires pour l'enseignement du français une année, et elle détermine la façon de dépenser les fonds. Qui les obtient, à quoi servent-ils et quelles sont les exigences en matière de reddition de comptes? C'est un processus fascinant et complexe à la fois. Nous faisons notre possible en tant que groupe sans but lucratif géré par les parents, mais les autres acteurs ont un rôle à jouer. Nous encourageons toujours Patrimoine canadien à exiger plus de transparence et de responsabilisation dans ses négociations avec le Conseil des ministres.

[Français]

La sénatrice Champagne : Tout d'abord, je m'excuse d'avoir été cinq minutes en retard. Je travaillais sur un autre dossier. Cinq minutes, c'est juste ce qu'il ne faut pas faire.

[Traduction]

Le sénateur McInnis a dit tout à l'heure que la langue seconde était enseignée après l'école, pendant la récréation ou avant le début des classes. En tant que mère, je voulais que mes enfants apprennent la musique. Les cours étaient offerts à ces mêmes périodes. Je peux vous assurer que mon fils n'a pas étudié la musique bien longtemps. Ma fille a été un peu plus patiente, mais si mon fils devait faire un choix entre le sport à l'extérieur et la musique, le sport l'emportait. Il adore la musique, mais il ne veut jamais pratiquer.

Au Canada, malheureusement, la langue est toujours un problème d'un côté ou d'un autre. Le Québec a exigé que tous les nouveaux immigrants fréquentent l'école française. Il vient de présenter le projet de loi 14 qui dit, par exemple, que certains francophones nés au Québec ne peuvent fréquenter un cégep ou un collège anglophone, ce qui est tout à fait ridicule. Mon fils est allé à l'école française puis a fait son cégep en anglais. Ma fille a fait ses études dans une université anglophone.

Mme Parikh ou Mme Perkins a dit que lorsqu'on parle aux parents, particulièrement s'ils viennent d'ailleurs et que l'enfant apprend l'anglais, ils pensent que l'apprentissage du français sera si difficile qu'ils n'y arriveront pas. Je crois qu'il faut leur dire que si l'enfant a déjà appris une langue seconde, l'anglais la plupart du temps, l'apprentissage d'une troisième langue sera beaucoup plus facile. On peut apprendre une deuxième, une troisième et une quatrième langue. La deuxième est la plus difficile, peu importe qu'il s'agisse du français, de l'anglais, de l'allemand, de l'italien ou du chinois. Après cela, c'est plus facile. Est-ce que vous le dites aux professeurs ou aux parents lorsque vous les rencontrez, pour qu'ils encouragent les enfants à apprendre les deux langues officielles du Canada?

Mme Parikh : C'est une bonne question. D'après notre expérience, il n'est pas difficile de vendre l'idée aux parents immigrants. Ils la comprennent. Ils parlent souvent déjà plusieurs langues avant d'arriver au pays. Ce ne sont pas eux qui trouvent l'apprentissage du français difficile. Ce message vient directement des directeurs et des professeurs; ils peuvent être favorables ou défavorables à l'apprentissage du français. Nous avons ciblé directement les professeurs, les coordonnateurs linguistiques et les arrondissements scolaires dans certaines campagnes de sensibilisation, puisque ce sont eux qui parlent aux parents et qui les découragent d'inscrire leurs enfants aux programmes de français.

La sénatrice Champagne : Vous voulez dire qu'ils n'ont pas encore été congédiés?

Mme Parikh : Nous préférons la sensibilisation, mais le message doit avoir une vaste portée. Les parents doivent connaître ces possibilités, mais les arrondissements scolaires et les professeurs doivent aussi comprendre que l'apprentissage d'une troisième ou d'une quatrième langue n'est pas plus difficile et ne nuira pas à l'apprentissage de l'anglais. Il faut partager les expériences. Les parents immigrants le comprennent déjà.

[Français]

M. Rothon : J'aimerais ajouter qu'il faut également des politiques des ministères de l'Éducation qui soient formulées de façon à ne pas pénaliser les jeunes qui doivent prendre des cours de langue seconde et qui, comme c'est souvent le cas, se voient empêchés de suivre des cours de français langue seconde.

[Traduction]

La sénatrice Champagne : L'un ou l'autre.

M. Rothon : L'un ou l'autre.

[Français]

Cela devrait être complémentaire et c'est cela qui est un peu difficile. Par exemple, un projet a eu lieu, je crois, en Colombie-Britannique.

[Traduction]

Nous devrons parler d'une autre province, bientôt. Je pense par exemple à l'intégration du français à la catégorie « autres langues parlées », avec les langues d'origine.

[Français]

L'anglais était la référence, mais ce projet contenait un deuxième volet, lequel était à mon avis plus perturbant; c'est- à-dire que si un jeune possédait une langue autre que le français ou l'anglais, soit une langue de son pays d'origine, la province dans ce cas avait proposé que cet enfant soit dispensé d'apprendre une deuxième langue puisqu'il en connaissait déjà une. On proposait alors, de notre côté, que sa deuxième langue soit le français, ce qui serait effectivement sa troisième langue et sa deuxième langue dans le système scolaire, soit le français. Le ministère n'était pas plus intéressé que cela.

Il y a des préjugés et des conceptions de base que l'on doit retravailler. On doit faire une mise à jour de tout cela.

La sénatrice Champagne : Je crois qu'on ne peut pas vivre en se disant qu'au Canada le français est une langue étrangère tel qu'on l'a vu annoncé; je me suis battue et je me battrai toujours au Québec pour faire en sorte que l'anglais ne soit pas une langue étrangère. C'est une des langues de notre pays.

Mille fois bravo pour ce que vous faites et si nous pouvons faire la moindre petite chose pour vous faciliter la vie, croyez-moi nous le ferons. Merci.

Le sénateur Robichaud : Merci d'être avec nous. Nous apprécions votre présentation. J'ai représenté, dans les années 1980 et 1990, une région du Nouveau-Brunswick, soit le sud-est. La population y était majoritairement francophone, alors que le sud était majoritairement anglophone. Je dois vous dire que j'ai eu de très belles expériences et je dois ces expériences aux efforts accomplis par les personnes qui travaillaient et œuvraient au sein de l'organisme Canadian Parents for French. Je me rendais dans des écoles qui se trouvaient dans un milieu complètement anglais et où on me demandait de faire ma présentation exclusivement en français. Les jeunes s'exprimaient bien en français et, dans la majorité des cas, lorsqu'ils finissaient leur formation scolaire, ils étaient parfaitement bilingues; du moins de ce que je pouvais voir.

Les gens qui travaillaient dans cette section de l'organisme Canadian Parents for French étaient des gens motivés comme on n'en trouvait nulle part ailleurs. Il n'était pas question de les repousser du revers de la main; ils allaient jusqu'au bout. Je crois que c'est grâce à leurs efforts que les gouvernements du Nouveau-Brunswick ont commencé à comprendre qu'il fallait en faire un peu plus concernant cette question d'une deuxième langue.

Vous avez parlé tout à l'heure des enseignants et avez dit que certains enseignants ne faisaient pas de promotion et disaient aux parents que cela ne valait pas la peine ou que les enfants allaient avoir de la difficulté. Mais savez-vous si les conseils scolaires avaient de la difficulté à trouver des enseignants qui pouvaient vraiment enseigner cette deuxième langue, soit le français, dans les régions de l'Ouest?

[Traduction]

Mme Parikh : Tout à fait. Je souris parce que je me souviens qu'il y a plusieurs années, moi et d'autres membres de Canadian Parents for French avions planté de nombreuses affiches sur le terrain d'un professeur d'immersion en français qui déménageait en Ontario, sur lesquelles on pouvait lire « Restez en Colombie-Britannique. On a besoin de vous ». Il y a une grave pénurie de professeurs, particulièrement dans les régions rurales. C'est très difficile de les y attirer. Cela peut paraître étrange, mais certains parents tentent de trouver un mari aux professeures de leurs enfants pour qu'elles restent dans leur collectivité. C'est comme La grande séduction. On parle de ces défis, c'est difficile.

Les arrondissements scolaires usent de stratégies créatives. Ils participent à des échanges de professeurs entre les provinces. Par exemple, un groupe de la Colombie-Britannique ira enseigner l'anglais dans les écoles du Québec. Les professeurs y seront en détachement pendant un ou deux ans. Nous tentons de trouver des solutions créatives, mais la pénurie est grave, cela ne fait aucun doute.

Mme Perkins : Comme dans toute profession, la mobilité entre les provinces représente un défi. La reconnaissance des titres de compétences dans l'ensemble du pays permettrait d'offrir l'enseignement du français langue seconde dans les régions qui en ont besoin.

J'ai remarqué que certaines administrations songeaient à la formation à distance. La téléconférence et les conférences web permettent aux étudiants des régions rurales et éloignées du Canada d'assister virtuellement à un cours pour apprendre le français langue seconde, peu importe où ils se trouvent. La distance ou la pénurie de professeurs à certains endroits ne constituent pas nécessairement un obstacle à l'apprentissage de la deuxième langue officielle.

Au Canada, on perçoit les langues comme un jeu à somme nulle. On apprend une langue au détriment d'une autre. J'ai vu un gazouillis du CLO, écrit par M. Fraser je crois, qui disait qu'apprendre le français et l'anglais était comme apprendre à courir et à faire du vélo : l'apprentissage de l'un ne nuit pas à l'autre. On peut faire les deux. Parfois, l'un des deux vous mène au bon endroit, différemment.

Si nous dissipions les mythes associés à l'apprentissage de la deuxième langue officielle, une multitude de gens s'y intéresseraient puisque les avantages sont évidents. La demande relative à l'enseignement du français langue seconde est énorme, particulièrement pour l'immersion à l'échelle du pays. Il y a des files d'attente; il nous faut seulement trouver des places.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé de l'éducation à distance avec les nouveaux moyens; les jeunes qui profitent de ces moyens le font-ils dans le cadre des heures de classe à l'école ou plutôt dans le cadre du temps personnel à la maison parce que leurs parents insistent sur le fait que c'est le seul moyen de le faire?

M. Rothon : C'est une question fascinante que vous nous posez. Je doute fort que les données que vous nous demandez aient été recueillies et analysées. Nous pouvons quand même poser la question à certains de nos partenaires, notamment le Réseau des collègues et cégeps francophones du Canada. On peut poser cette question à quelques conseils scolaires aussi.

Le problème c'est que le système scolaire canadien est très décentralisé. À l'intérieur même d'une province, les pratiques peuvent varier énormément d'un conseil scolaire à l'autre. Il faudrait presque que l'on mette sur pied un projet de recherche à ce sujet.

Je puis vous dire, par contre, et c'est une anecdote, que nous avons notre concours d'art oratoire, que vous connaissez peut-être, qui mobilise près de 100 000 jeunes à travers le pays à tous les ans. L'an dernier, un des gagnants de sa catégorie, lors de la finale nationale, était un jeune qui habitait une région très isolée de Terre-Neuve et qui avait fait son cours de français à distance.

Donc, ce n'est pas impossible. Ce n'est qu'un seul exemple. La méthodologie est un peu suspecte, mais c'est quand même prometteur.

[Traduction]

Mme Parikh : Je suis du même avis, en ce qui a trait à la diversité des programmes et aux possibilités offertes. Nous savons que les possibilités sont nombreuses et qu'elles n'ont pas été étudiées.

J'aimerais vous faire part de deux exemples très personnels. Je suis ici en tant que parent .J'ai deux enfants. L'un d'eux est en dixième année et est très doué. L'autre a des problèmes d'apprentissage. Ils n'ont pas pu suivre les programmes de l'école en français. Pour que ma fille continue d'apprendre la langue, le conseil scolaire offre un programme de formation à distance, un cours de planification, qu'elle suit en dehors des heures de classe. Il porte sur la santé personnelle et ce genre de choses. C'est ce qu'elle fera cette année. Elle continue d'apprendre le français à l'école, mais elle ne peut suivre l'ensemble des cours nécessaires pour obtenir ce qu'on appelle un diplôme Double Dogwood en Colombie-Britannique.

Mon fils a dû choisir entre poursuivre ses études en français — il était dans une école francophone — et obtenir de l'aide pour ses problèmes d'apprentissage. Soit dit en passant, le français était le seul sujet dans lequel il excellait. Nous avons dû le retirer du programme francophone. Pour qu'il continue d'apprendre le français, nous avons eu recours à une démarche particulière de formation à distance, qui n'est pas du tout appuyée par l'arrondissement scolaire.

Les situations varient grandement.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé des mythes qui existent à propos de l'une ou l'autre des langues officielles. Voyez-vous un changement d'attitude dans vos régions, à savoir qu'on leur donne la bonne information pour que les gens commencent à comprendre?

[Traduction]

Mme Perkins : Je vais parler de mon expérience en tant qu'élève d'immersion en français, surtout à Calgary. À mon école, les cours étaient offerts aux élèves « doués », c'est-à-dire les meilleurs élèves seulement. On nous traitait souvent de « petits génies ».

Dans ma collectivité, on ne fréquentait pas beaucoup nos homologues francophones. Je me souviens avoir participé à une réunion de Francophonie Jeunesse; les jeunes francophones nous disaient que ce n'était pas notre place, que nous n'étions pas des francophones, mais bien des francophiles... d'accord. J'ai également entendu des commentaires désobligeants des membres de ma communauté au sujet de l'utilisation du français en dehors de la classe.

Je suis fière de dire qu'aujourd'hui, à Calgary, les groupes d'immersion en français sont prometteurs et diversifiés. Ils sont composés d'athlètes, de musiciens et de minorités visibles. Il n'y en a peut-être pas autant qu'on le souhaiterait, comme le montre notre étude, mais la population est diversifiée.

En Alberta, notre relation avec nos homologues francophones est excellente. Je sais qu'à Red Deer, l'Association canadienne-française de l'Alberta est responsable de la majeure partie de la programmation culturelle francophone. Qui d'autre serait mieux placé pour représenter cette culture? La collaboration est de plus en plus importante, et cela fait chaud au cœur.

Encore une fois, en Alberta, on voit un grand nombre de nouvelles initiatives en la matière, comme Bonjour Alberta. Des partenariats de francophones et de francophiles se dressent pour faire valoir que le français est une langue parlée dans toute la province. De nombreuses personnes sont fières de le parler — peut-être pas toujours aussi bien qu'on le souhaiterait —, mais elles le parlent et elles en sont très fières.

[Français]

M. Rothon : À l'échelle nationale, on peut voir une évolution dans les perceptions vis-à-vis l'apprentissage d'une langue officielle seconde. Je suis Montréalais de souche. Et si je pense aux attitudes que j'ai connues il y a 50 ans, je constate une nette amélioration, une plus grande tolérance, voire un enthousiasme pour l'apprentissage des langues secondes. Il y a une reconnaissance du fait que le Canada n'est pas un pays anglophone qui tolère une minorité francophone, mais un pays qui a deux grandes communautés linguistiques qui sont en dialogue. Le dialogue est parfois difficile, il connaît des hauts et des bas, mais il existe. Globalement, on voit de très grandes améliorations. Sinon, on aurait du mal à expliquer pourquoi un quart des jeunes à l'Île-du-Prince-Édouard sont inscrits en immersion française, par exemple.

Cela dit, il faut comprendre que c'est un peu comme des campagnes de santé. Il faut toujours répéter le même message pour chaque génération et parler de choses telles le bilinguisme est additif, qu'il n'est pas soustractif. Il faut répéter que l'apprentissage d'une deuxième langue facilite l'apprentissage d'une troisième puis d'une quatrième langue. Il faut, pour ce faire, d'importants moyens financiers, parce qu'on parle d'une sensibilisation à l'échelle du pays que l'on doit répéter sur une base régulière. C'est quelque chose qui a besoin d'un appui de tous les ordres de gouvernement au pays si on veut que cela réussisse.

[Traduction]

Mme Parikh : Du point de vue de la Colombie-Britannique, j'aimerais juste ajouter que nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis le temps où l'un de nos premiers ministres, Wacky Bennett, disait : « Moi vivant, il n'y aura pas de français sur les boîtes de céréales. » La majorité des parents estiment maintenant que l'éducation en français de leurs enfants est un droit. Je crois que la plupart des parents que nous rencontrons considèrent que c'est un droit fondamental.

Je voudrais aussi dire que cela est dans une certaine mesure appuyé par la population immigrante, qui croit sincèrement que la capacité de parler les deux langues officielles du pays fait partie de la nouvelle identité qu'elle a accepté d'épouser en venant au Canada.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous me rassurez.

La sénatrice Champagne : Une des choses que je trouve extraordinaire est le fait que, lorsqu'on parle à de jeunes anglophones de l'Ouest du pays, ceux que vous représentez pour nous aujourd'hui, très souvent ils parlent une qualité de langue, et en français et en anglais, bien supérieure à celle qu'on entend au Québec, où nos jeunes parlent mal français et parlent leur anglais d'une façon un peu bizarre.

Vous disiez que vous manquiez de professeurs, que c'était une lacune. J'entendais à la télévision américaine, en fin de semaine, qu'autant on avait autrefois les jeunes filles au pair qui venaient d'Europe s'occuper des enfants, on a en ce moment aux États-Unis des grand-mères au pair, car les grand-mères sont occupées. Alors au lieu que ce soit les belles filles en jupe courte qui s'occupent des enfants, ce sont des femmes qui ont 65 ou 70 ans, qui sont en bonne santé et qui viennent jouer à la grand-mère avec des enfants qui, autrement, n'en auraient pas.

On pourrait peut-être faire la même chose avec des professeurs de français? Elles seraient peut-être un peu moins jeunes, un peu moins belles, mais elles parleraient un français d'une autre qualité. Ce serait peut-être un avantage de ne pas regarder l'âge du professeur, mais ce qu'il ou elle peut enseigner.

Accepteriez-vous que les professeurs de langue soient soudainement des personnes plus âgées, plus matures? Je m'engagerai, et peut-être pourrais-je faire ce travail.

Mme Perkins : Nous acceptons.

La sénatrice Champagne : Dans un an, je serai à la retraite, alors je vais me chercher du travail.

[Traduction]

Mme Perkins : Tout à fait. Il ne tient qu'à nos partenaires et à nos collègues des districts scolaires et des ministères de l'Éducation de fixer les compétences requises par les enseignants, et c'est peut-être à cela que nous devrions nous intéresser. Je pense que c'est une excellente idée.

Je pense aussi que c'est une bonne chose que Canadian Parents for French ne s'attarde pas seulement à ce qui se passe dans les salles de classe.

[Français]

Il n'y a pas que dans les salles de classe que l'on apprend notre deuxième langue officielle. On a des opportunités de jaser, après l'école, de jouer à des jeux, d'écouter de la musique.

[Traduction]

C'est parfois tout aussi important d'avoir quelqu'un de notre milieu francophone avec soi au moment d'apprendre cette deuxième langue officielle.

La sénatrice Champagne : Nounous pour le français!

Mme Perkins : C'est en plein ça, des nounous canadiennes pour le français. Je me mets à travailler là-dessus dès que je rentre au bureau.

Mon garçon a 16 ans. Quand nous venons à Ottawa, il me dit : « Maman, ici à Ottawa ils parlent le français et l'anglais, exactement comme moi. » Et ça me tire une larme, car j'aimerais que ce soit comme ça à Red Deer. En fait, le fait français existe, mais il faut creuser un petit peu plus pour le découvrir, c'est-à-dire pour trouver des occasions où les enfants pourront entendre le français comme langue vivante, le français comme une façon d'aimer, de manger et de faire ses tâches ménagères. Tout cela est très important. L'idée des Nounous canadiennes pour le français est excellente. Merci.

[Français]

C'est une belle idée.

Le sénateur Mockler : Tout comme mes collègues, j'aimerais vous féliciter, vous et votre équipe, pour le leadership dont vous faites preuve et dont vous devez continuer à faire preuve en ce qui a trait aux langues officielles.

[Traduction]

Je vous écoutais lorsque vous disiez que vous réagissiez toujours lorsqu'une menace se pointait à l'horizon. Je veux mentionner que je vous ai vue en action au Nouveau-Brunswick, en 2006, lorsque le gouvernement de l'époque voulait apporter des modifications à l'immersion. Nous l'avons aussi vu lorsqu'un certain premier ministre que je ne nommerai pas — et ce n'est pas « Wacky » — a affirmé que l'immersion était coûteuse. J'ai la citation ici. Je crois que vous avez fait du très bon travail. Je vous encourage à continuer dans cette voie, car je me rappelle ce qui s'est passé au Nouveau- Brunswick; c'était la première fois de ma vie et depuis que nous avons les langues officielles, donc depuis 1969, que je voyais...

[Français]

... les Acadiens et les Acadiennes qui ont fait une levée de boucliers mais c'est vous, la communauté anglophone pour le français. Je crois que vous devez continuer et je vous invite à continuer à le faire.

Deuxièmement, en ce qui concerne le protocole d'entente déjà abordé par la sénatrice Tardif et le sénateur McIntyre, c'est important de le suivre de près, surtout quant à l'imputabilité.

Lorsque j'étais ministre au Nouveau-Brunswick, vous nous avez donné des indications sur la façon de démontrer les bienfaits de ces investissements.

[Traduction]

Au final, si vous investissez dans l'éducation, vous faites reculer la pauvreté et de nombreuses autres choses dans nos petites collectivités.

Comment pouvons-nous faire pour aider ces gouvernements...

[Français]

... à démontrer de la transparence et de l'imputabilité pour s'assurer que ces investissements visent des secteurs précis afin d'aider nos deux communautés linguistiques dans notre pays?

La deuxième : est-ce que le Canadian Youth for French sont vos partenaires dans ce dossier?

Et ma troisième question : est-ce que les médias sociaux mettent en danger le développement de nos deux communautés linguistiques, francophone et anglophone?

Mme Perkins : Je vais laisser M. Rothon répondre pour commencer. Je continuerai pour la question concernant le Canadian Youth for French et les médias sociaux.

M. Rothon : La question est intéressante. J'aurais aimé réfléchir davantage pour donner une réponse aussi développée et intelligente que je le souhaiterais. Comme je l'ai mentionné il y a environ 30 minutes, le processus est relativement complexe.

Tout dépend des négociations et le problème c'est que le fédéral doit faire cause commune pour la bonne utilisation de ces fonds. Nous avons souvent encouragé le ministre de Patrimoine canadien à faire preuve de leadership, à ne pas avoir peur d'exiger ou de demander fermement aux ministères de l'éducation à travers le pays d'être transparents dans l'emploi de leurs fonds. Ceci revient à dire : quels sont les objectifs visés par le fédéral dans ces négociations? Quels sont les éléments les plus importants pour le gouvernement fédéral lors de ces dialogues qui s'échelonnent sur une bonne période de temps, comme vous pouvez vous l'imaginer, avec les provinces?

Avec CPF, nous sommes sur le terrain, nous avons une intervention immédiate. On serait bien content de savoir comment l'argent est dépensé au niveau des conseils scolaires. Point à la ligne. Honnêtement, il faudrait quasiment commencer par là et remonter un peu vers le haut, c'est-à-dire quels sont les principes de transparence, d'imputabilité voulus par le fédéral?

Si j'ai bien compris votre question, vous rattachez cela également à ce que j'appellerais des secteurs, des notions de développement, de pointer ces investissements dans les secteurs les plus précis que ceux que nous avons maintenant.

Dans ce cas, il faudrait peut-être que les ministères fédéraux responsables, par exemple, pour le développement de la main d'œuvre, se parlent, que les ministres conviennent qu'effectivement ces protocoles peuvent ajouter une action complémentaire à des objectifs d'un autre ministère. Je ne sais pas si les ministres se parlent de cette façon, mais ce serait bien.

Je vais cesser d'improviser une réponse, je vous donne mes premières réflexions. Mais nous y reviendrons d'ici quelques semaines dans notre mémoire, si vous le voulez bien.

[Traduction]

Mme Perkins : Canadian Youth for French est un organisme que nous connaissons et avec lequel nous échangeons. Nous avons aussi de solides partenariats avec des organismes comme la SEVEC, Le français pour l'avenir, l'ACPI, l'ACPLS. L'un de nos partenaires est le réseau FLS, dont les directeurs se réunissent ici, à Ottawa, pour examiner, eux aussi, comment nous pourrions travailler tous ensemble dans un esprit de collégialité et de coopération pour faire en sorte qu'un nombre croissant de jeunes Canadiens aient la chance d'utiliser le français à l'école, mais aussi après l'école, ce qui constitue une démarche intéressante. Des participants de Canadian Youth for French et Le français pour l'avenir se demandent : « J'ai fait ma 12e année, maintenant, qu'est-ce qui m'attend? Comment le fait d'être bilingue peut-il m'avantager dans mon choix d'orientation à l'université et sur le marché du travail? » C'est quelque chose dont ils peuvent être fiers.

[Français]

En ce qui concerne les médias sociaux, on a un partenariat avec l'ambassade de la France qui s'appelle Allons en France.

[Traduction]

Comme récompense, les étudiants peuvent gagner un voyage en France. Cette année, le concours porte sur les médias sociaux. C'est donc très intéressant de voir les étudiants se servir de leur deuxième langue officielle dans ces médias.

Cela donne une dimension très concrète et très applicable, et c'est une langue d'aujourd'hui. Ils s'aperçoivent de cela. C'est quelque chose que nous serions portés à encourager. Encore une fois, on revient à l'éducation. C'est important d'apprendre les maths, la science, les lettres et les sciences sociales en français. Il est tout aussi important d'apprendre à gazouiller, à écrire dans Facebook et à inviter un garçon à sortir en français.

[Français]

Il faut avoir toute la gamme.

[Traduction]

C'est ce qu'il faut pour devenir à l'aise dans les deux langues officielles.

M. Rothon : Je crois qu'il devient clair que...

[Français]

... la jeunesse canadienne est très branchée. Elle est branchée d'une façon qui lui rappelle qu'elle est branchée mondialement aussi.

[Traduction]

On pourrait dire qu'ils font partie de réseaux que notre génération ou celle de nos aînés n'a jamais connus. Je crois que les médias sociaux appuient la notion du plurilinguisme. Ces médias sont propices à cela, car ils viennent leur rappeler tous les jours qu'ils ne sont pas tout seuls dans le monde, qu'ils ne sont pas reclus, même quand ils restent dans un petit village.

[Français]

Quelque part au fin fond de la Gaspésie, ils sont branchés sur le monde. Ils ont des amis partout à travers le monde et le Canada. C'est donc une autre réalité linguistique qui commence à émerger, de façon quotidienne. Personnellement, je suis loin de voir les médias sociaux comme une menace pour l'apprentissage des langues officielles. Au contraire, je crois que c'est un support fort intéressant qu'on devrait développer et pousser dans la mesure du possible.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Rothon, parce que vous en avez parlé à plusieurs reprises, je tiens à vous signaler que, lors d'études antérieures, nous avons tenu des audiences au Québec pour voir si les anglophones y étaient aussi bien traités que les francophones. Peu importe l'endroit où nous étions au Québec, nous avons entendu le commentaire suivant : les anglophones étaient persuadés que le gouvernement du Québec ne leur donnait pas les fonds que le gouvernement fédéral leur accordait. Cela est revenu très souvent. On l'a entendu à Québec, on l'a entendu quand nous sommes allés à Sherbrooke, à Montréal, et ce, par plusieurs groupes. C'était mon commentaire.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé d'association avec d'autres groupes. Connaissez-vous les Jeux de la Francophonie canadienne où on invite aussi des francophiles à participer? Pour les jeunes, c'est toute une expérience de se rencontrer en faisant du sport et en échangeant sur les sujets de l'heure.

M. Rothon : Le commissaire Boileau de l'Ontario a raconté à maintes reprises une histoire très drôle à propos de l'intégration des francophiles aux Jeux francophones au fil des ans. La première année où on a permis aux jeunes francophiles de participer aux jeux, alors que les autres délégations étaient organisées sur le principe de leur identification provinciale ou territoriale, les francophiles comme groupe, n'étant pas reliés à une province ou un territoire en particulier, s'étaient affichés sous la bannière « English people speak French ». Au fil des ans, on les a intégrés peu à peu aux équipes provinciales et territoriales. Tout le monde parle français. Peut-être avec un accent, mais ils parlent français.

Je peux vous dire que plusieurs bureaux provinciaux de Canadian Parents for French collaborent étroitement avec des conseils jeunesse francophone de leur province respective. Dans un ou deux cas, on nous a dit qu'il y avait des activités où la majorité des participants sont maintenant des jeunes issus de l'immersion, et les résultats sont excellents. On ne peut en tirer une règle générale, parce que, bien sûr, cela varie beaucoup, mais oui, surtout dans l'Ouest, je crois que la communauté francophone commence à voir les francophiles ou les anglophones qui parlent français comme langue seconde ou autre, comme faisant partie de la grande famille francophone. C'est une évolution fort intéressante. On est loin d'être tout à fait au cœur de la famille, mais enfin.

Le sénateur Robichaud : C'est bien parti.

M. Rothon : Oui.

Le sénateur Robichaud : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Je suis toujours surprise de constater que 50 ans après que des recherches aient été faites sur les avantages de l'immersion en français, nous soyons encore obligés de répéter la même chose. Vous l'avez éloquemment souligné, monsieur Rothon. Dans les années 1960, les chercheurs comme Wallace Lambert faisaient valoir les avantages cognitifs du bilinguisme, et nous voilà aujourd'hui contraints de réitérer le message. Il est décevant de constater que les titulaires de postes clés — comme les directeurs des écoles, les orienteurs, les administrateurs et peut- être même les enseignants, comme vous l'avez dit — conseillent aux étudiants d'abandonner les programmes d'immersion et de français langue seconde.

J'ai deux questions. Le programme d'immersion a souvent été décrit comme un programme élitiste. Est-ce encore le cas aujourd'hui? Cela a-t-il une incidence sur sa popularité? Est-ce une des raisons pour lesquelles les enfants qui ont des besoins spéciaux se font conseiller de l'abandonner?

Quelle incidence les coûts de transport ont-ils sur la décision des parents d'inscrire leurs enfants aux programmes d'immersion? Je pense à cette situation, à Calgary, où un conseil scolaire a cessé d'assumer le coût du transport des enfants qui vont dans les écoles d'immersion française. Ce sont les parents qui doivent payer. Dans quelle mesure ces deux facteurs entrent-ils en jeu?

Mme Parikh : Je ne crois pas qu'un seul d'entre nous souhaite que vous ayez l'impression que l'histoire de l'enseignement du français au Canada est tout sauf une réussite. L'enseignement a eu un succès retentissant, qui doit être salué. Il y a aujourd'hui plus d'enfants inscrits aux programmes de français qu'il n'y en a jamais eu, à tout le moins, aux programmes d'immersion. Nous nous disons victimes de notre succès à plus d'un titre, car nous n'avons tout simplement pas assez de places pour répondre à la demande. Nous avons déjà donné des chiffres sur le nombre de personnes qui sont sur les listes d'attente. Par conséquent, malgré tous les défis, on peut quand même parler d'une formidable réussite globale.

Élitiste? Oui, tout à fait et bien malheureusement. Le programme est perçu comme étant élitiste pour de nombreuses raisons, mais en grande partie à cause du flux ininterrompu d'enfants avec des troubles d'apprentissage qui se font expulser du programme, ce qui découle directement de l'absence de professeurs en enfance en difficulté capables d'enseigner le français. Nous pouvons tous citer de nombreux exemples d'enfants qui nous arrivent de CPF, de parents qui viennent nous voir en disant : « Mon fils de deuxième année se fait dire d'aller en anglais parce qu'il ne sait pas encore lire. » Nous pouvons leur communiquer les nombreuses études montrant que les enfants qui ont des problèmes d'apprentissage réussissent aussi bien ou aussi mal en français qu'en anglais. Mais au moins, en finissant, ils auront appris les deux langues.

Les parents qui ont inscrit leurs enfants au programme en anglais ont, pour quelque raison, un certain ressentiment, car ils croient que ces classes sont remplies d'enfants qui ont des troubles d'apprentissage, et ils ont raison. Nous tentons de remédier à cela en travaillant avec un certain nombre de partenaires, dont les conseils scolaires et les organisations d'enseignants.

Quant aux coûts de transport qui peuvent devenir un obstacle, la situation varie selon les familles et les districts. Il y a certains exemples intéressants d'écoles francophones qui prévoient des places dans leurs autobus pour les enfants des programmes d'immersion. Il y a parfois un coût minimum quand ce n'est pas tout simplement gratuit. Cela dépend beaucoup des liens qui unissent les éducateurs et les décideurs du district de la collectivité visée.

Je crois que c'est un problème. Pour certains parents, c'est bel et bien un obstacle. Je ne dirais pas que c'est nécessairement une question de coût, car ça peut aussi être une question de distance. Il y a beaucoup de parents qui ne veulent pas voir leurs enfants faire des trajets d'une heure en autobus.

M. Rothon : Si je puis me permettre, il y a ce cas d'un certain district scolaire canadien — district dont je tairai le nom, par pur respect —, qui, pressions financières obligent, a tout bonnement décidé une année d'interdire ses autobus à tous les élèves du programme d'immersion en français. Cela s'est passé dans une région semi-rurale. On s'est donc soudainement retrouvé avec des enfants qui devaient marcher le long des routes à la tombée de la nuit, dans un coin où des cougars avaient été aperçus. Inutile de dire que les inscriptions ont chuté d'environ 60 p. 100 l'année suivante, ce qui a eu pour effet de fragiliser un programme qui, jusque-là, affichait une vigueur certaine. Oui, ces contraintes ont des répercussions.

Ailleurs, à Vancouver, par exemple, et à Toronto, si je ne m'abuse, les étudiants utilisent le transport en commun pour se rendre à l'école. Si le système fonctionne bien, la question du transport n'est pas une contrainte. Mais elle le devient dans les petites collectivités des régions rurales, vu la longueur des distances à parcourir.

Je connais au moins deux districts scolaires au Canada où l'on a décidé d'intégrer le programme d'immersion en français à des écoles à deux régimes pédagogiques, ce qui signifie qu'on offrait le programme anglais et le programme d'immersion en français dans la même école. Ils ont aussi créé des écoles à régime unique, qui présentaient de nombreux avantages, mais qui forçaient des étudiants qui, jusque-là, n'avaient que 10 minutes à faire pour aller à l'école, à faire un trajet d'une heure et demie pour se rendre à l'école à régime unique du district. Ici encore, cela a eu une incidence sur les inscriptions.

[Français]

La présidente : Mesdames, messieurs, au nom du comité des langues officielles, je vous remercie très sincèrement de votre présence et de vos témoignages.

Je suis toujours émerveillée du travail accompli par Canadian Parents for French. J'ai assisté au Manitoba, dimanche passé, à un festival de la chanson française organisé par Canadian Parents for French-Manitoba Chapter, où il y avait les finalistes de ce concours de chanson française. Ces finalistes avaient choisi des chansons en français de Cœur de pirate, du blues, du jazz; ils avaient traduit de l'anglais au français certaines chansons. C'était incroyable et c'était tout à fait spécial, et je tiens à vous féliciter encore une fois — et je sais que les membres du comité se joignent à moi — et vous remercier de contribuer à la francophonie canadienne telle qu'elle est maintenant. Je vous souhaite bon succès dans vos projets d'avenir. Merci.

Honorables sénateurs, nous suspendons la séance pour quelques minutes.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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