Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 1 - Témoignages du 6 octobre 2011
OTTAWA, le jeudi 6 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent de pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour faire une étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre Ashfield et à son personnel.
Je m'appelle Fabian Manning et je suis le président du présent comité. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et- Labrador. Avant de commencer, j'aimerais demander aux membres du comité de se présenter.
Le sénateur MacDonald : Mike MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Cochrane : Ethel Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Baker : George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
Le président : Le sénateur Don Oliver, de la Nouvelle-Écosse, vient tout juste d'arriver. Soyez le bienvenu.
Chers collègues, l'honorable Keith Ashfield, ministre des Pêches et des Océans, est ici ce matin.
Monsieur le ministre, au nom du Comité sénatorial permanent de pêches et des océans, je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître devant nous. Vos hauts fonctionnaires et vous êtes les premiers témoins à comparaître devant le présent comité au cours de la présente session et nous sommes impatients d'en savoir davantage sur les initiatives, les plans et les priorités du ministère. Le comité est actuellement en train de discuter de ses travaux futurs et de l'établissement de la liste des sujets d'étude potentiels pour l'avenir. À cet égard, votre comparution pourrait s'avérer des plus précieuses.
Monsieur le ministre, j'ai une liste des gens qui vous accompagnent. Cependant, beaucoup de gens ont de la difficulté à comprendre mon accent terre-neuvien, alors, je vous demanderais d'avoir la gentillesse de les présenter.
L'honorable Keith Ashfield, C.P., député, ministre des Pêches et des Océans :
Ils peuvent se présenter eux-mêmes, monsieur le président, si vous le permettez.
Le président : Mais certainement.
Marc Grégoire, commissaire, Garde côtière canadienne, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Marc Grégoire, commissaire de la Garde côtière canadienne.
David Balfour, sous-ministre adjoint principal, Écosystèmes et gestion des pêches, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle David Balfour; je suis sous-ministre adjoint principal, Écosystèmes et gestion des pêches.
Siddika Mithani, sous-ministre adjointe, Secteur des sciences, des écosystèmes et des océans, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Siddika Mithani, sous-ministre adjointe, Secteur des sciences, des écosystèmes et des océans.
David Bevan, sous-ministre délégué, Pêches et Océans Canada : Je suis David Bevan, sous-ministre délégué.
Richard Nadeau, sous-ministre adjoint par intérim, Ressources humaines et services intégrés, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Richard Nadeau, sous-ministre adjoint par intérim, Ressources humaines et services intégrés.
Roch Huppé, dirigeant principal des finances, Pêches et Océans Canada : Je suis Roch Huppé, dirigeant principal des finances.
Le président : Monsieur le ministre, avez-vous une déclaration liminaire à faire?
M. Ashfield : Oui, monsieur le président. Premièrement, je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui et de nous avoir accueillis, moi ainsi que mon personnel. Il s'agit d'un gros ministère et j'ai besoin de beaucoup de conseils; alors, il est agréable d'avoir certaines personnes ici pour m'aider s'il y avait des questions dont je n'ai pas la réponse.
Je suis honoré d'être parmi vous à titre de ministre des Pêches et des Océans et je me réjouis d'avoir le privilège de collaborer avec le comité afin de faire progresser des dossiers qui sont importants pour les Canadiens. J'aimerais remercier les sénateurs qui ont participé au débat sur la Loi sur la protection des phares patrimoniaux. Grâce entre autres à votre travail acharné, nous sommes maintenant en mesure de céder des phares à des tiers intéressés. Voilà un exemple important de la façon dont nous canalisons les ressources fédérales et assurons une meilleure utilisation de l'argent des contribuables canadiens. Nous demeurons convaincus que ces bâtiments iconiques doivent être préservés en raison de leur valeur historique et culturelle. Merci pour votre travail.
Ma présence aujourd'hui me permet de faire le point sur les plans, les priorités et les initiatives de mon ministère. J'aimerais tout d'abord reconnaître la Garde côtière canadienne et son travail quotidien visant à assurer la sécurité des Canadiens. La Garde côtière canadienne fait partie d'un réseau d'organismes gouvernementaux, de bénévoles et d'organismes privés qui forment le système de recherche et de sauvetage du Canada. La sßreté et la sécurité des navigateurs sont les principales priorités de la Garde côtière.
Le Canada est responsable de la surveillance du plus long littoral au monde et doit souvent composer avec des conditions maritimes et météorologiques sournoises. Malgré ces défis, le Canada possède l'un des systèmes de recherche et de sauvetage les plus efficaces au monde qui comprend un réseau de trois centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage composés de personnel de la Garde côtière canadienne et des Forces canadiennes. Nous travaillons constamment à améliorer les moyens en matière de recherche et de sauvetage, en faisant participer les officiers à des exercices d'entraînement sur une base régulière et en améliorant les outils et l'équipement destinés à nos officiers de première ligne afin de leur permettre de faire leur travail de façon efficiente.
La modernisation de notre gestion, l'adoption de nouvelles technologies et l'amélioration de la coordination avec nos partenaires de recherche et de sauvetage permettront d'offrir de meilleurs services aux Canadiens et aux navigateurs qui comptent sur nous. Par exemple, nous modernisons et augmentons la flotte, ajoutons des moyens de déglaçage et remplaçons ou modernisons bon nombre de nos navires les plus vieux. L'équipement désuet sera remplacé par une technologie moderne afin d'offrir à la Garde côtière et aux personnes qui comptent sur elle des services améliorés et une optimisation des ressources.
Conformément à l'engagement pris par notre gouvernement d'assurer la souveraineté et la sécurité du Canada, nous étudions également les options en matière d'application de la loi pour la Garde côtière. Ce renouvellement des activités de la Garde côtière arrive à un moment particulièrement bien choisi puisque nous célébrerons sous peu son 50e anniversaire.
En ce qui concerne l'aspect des pêches de mon portefeuille, j'ai passé la majeure partie de l'été à rencontrer des intervenants de l'industrie sur les quais et dans de petites collectivités, des représentants de divers gouvernements et des pêcheurs afin de me faire une meilleure idée de la situation des pêches canadiennes sur toutes les côtes. Lors de mes rencontres avec les intervenants et les représentants de l'industrie, je n'ai pas été étonné d'entendre que l'industrie de la pêche se heurte à des défis importants et généralisés.
La pêche commerciale est l'une des industries fondatrices du Canada. Le secteur connaît cependant des changements fondamentaux engendrés par les mutations importantes et sans précédent de l'économie mondiale, la demande des consommateurs, qui exigent des produits de la mer durables, et les réalités environnementales. II apparaît maintenant évident que Pêches et Océans Canada doit moderniser ses pratiques, ses politiques et ses règlements afin d'emboîter le pas au XXIe siècle.
Par exemple, nos pêches ont toujours été très orientées vers l'exportation. Aujourd'hui, nous exportons près de 85 p. 100 de nos produits du poisson. La valeur des exportations a toutefois diminué de façon constante au cours des cinq dernières années. Cela contraste vivement avec ce qui se passe en Chine, par exemple, où les exportations ont augmenté durant la même période.
L'industrie a exprimé clairement son opinion sur le système de gestion des pêches du Canada qu'elle croit désuet et compliqué. Il ne faut donc pas s'étonner que cela ait créé des obstacles gui freinent inutilement la croissance et la capacité concurrentielle de notre industrie à l'échelle mondiale. À l'échelon local, les pêcheurs m'ont indiqué que Pêches et Océans Canada contrôle pratiquement tous les aspects des activités de la pêche : où et quand les gens peuvent pêcher, quelle taille de bateau et quel type d'engin ils peuvent utiliser, et combien de poissons ils peuvent prendre et dans certains cas, quels types d'emplois ils peuvent occuper.
Au fil des ans, les décisions stratégiques en matière de pêches ont davantage été prises en fonction du court que du long terme. Nous nous retrouvons avec des politiques disparates qui varient d'une région à l'autre et d'une pêche à l'autre. Certaines de ces politiques freinent la croissance et bien franchement, sont peu logiques. De plus, le système actuel exige beaucoup de ressources et est coßteux à administrer. Dans la poursuite de mon mandat comme ministre des Pêches et des Océans, je continuerai de mobiliser l'industrie et les intervenants afin de collaborer à la recherche de solutions.
Avec nos intervenants, nous nous employons à régler ces défis complexes et interreliés. Jusqu'à maintenant, j'ai appris que Pêches et Océans doit travailler pour arriver à rééquilibrer les politiques de gestion des pêches et les programmes de conservation afin qu'ils correspondent mieux aux forces du marché; continuer à renforcer son Programme de certification des captures afin de maintenir et d'accroître l'accès du poisson et des produits connexes du Canada aux marchés internationaux; accroître la stabilité du contexte de fonctionnement et faire en sorte que la plupart des espèces soient attribuées selon un cycle pluriannuel et que les processus d'attribution soient prévisibles, cohérents et transparents; créer un système dans le cadre duquel les pêcheurs peuvent faire des plans et des investissements à long terme afin de rehausser leur compétitivité et de les amener à adopter des pratiques de pêche durable.
Malgré les défis que posent ces types de changements, les expériences vécues par le Canada et d'autres pays démontrent que la mise en oeuvre d'approches similaires de gestion des pêches axée sur les marchés a été concluante. D'autres nations et pêches ont adopté des changements et, de ce fait, des saisons de pêche souples et axées sur les marchés, des produits de meilleure qualité, une valeur économique accrue des droits de récolte, une diminution des cas de surpêche et une sécurité améliorée.
Je crois fermement qu'avec certains changements à Pêches et Océans Canada, l'industrie de la pêche canadienne a le potentiel de générer beaucoup plus de valeur. En modernisant le cadre de gestion des pêches, nous pourrions nous employer à maximiser la valeur et la qualité des produits plutôt que leur quantité, et à mieux positionner l'industrie pour qu'elle puisse contribuer de manière tangible et durable à l'avenir économique du Canada.
Le changement nécessitera un examen de l'ensemble des règles, des politiques et des règlements de Pêches et Océans Canada. En fin de compte, mon objectif est de les remplacer par un système de gestion cohérent avantageux pour les pêcheurs et les intervenants de l'industrie à court et à long terme.
Je désire voir Pêches et Océans Canada se concentrer sur la valeur. J'aimerais voir le ministère démêler, simplifier et normaliser les règles et les processus. Nous devons accroître la transparence de la prise de décisions et améliorer la viabilité environnementale dans les eaux canadiennes et internationales afin d'assurer l'avenir de la pêche.
De façon similaire, l'expérience que j'ai acquise ces derniers mois comme ministre m'a démontré que nous devons également corriger les lacunes de notre système de gestion de l'habitat. La modernisation de notre politique de gestion de 1'habitat nous permettra de gérer de manière plus efficace et efficiente les répercussions des activités humaines sur le poisson et son habitat, au moyen d'un processus d'examen de la réglementation moins fastidieux et plus opportun pour l'industrie.
Pêches et Océans Canada, grâce à son Programme de gestion de l'habitat, est le principal organisme fédéral de réglementation environnementale des projets qui se déroulent dans le milieu aquatique ou à proximité, partout au Canada. Les décisions réglementaires prises par mon ministère dans le domaine de l'habitat peuvent avoir des conséquences directes sur les activités de l'industrie, des fermiers, des propriétaires fonciers, des collectivités et des membres des Premières nations, et avoir des impacts tangibles sur le développement économique.
Notre politique est désuète. Elle est demeurée la même depuis sa rédaction, en 1986. Nous devons établir un système plus transparent, qui met à profit les partenariats existants avec les provinces et les territoires, qui est encadré par des normes nationales, et qui repose sur les outils et les lignes directrices nécessaires. Cela permettra d'améliorer l'uniformité, de simplifier la prise de décisions et d'offrir à tous ceux qui sont visés par la réglementation de PEO un climat de prévisibilité et de clarté.
Je ne me berce pas de l'illusion que le programme ambitieux que mon ministère s'est donné sera simple à réaliser. Une véritable réforme est par définition ardue, mais elle est incontournable pour relever nos défis actuels et futurs.
En ma qualité de ministre des Pêches et des Océans, je me réjouis de collaborer avec vous et avec les Canadiens de toutes les côtes pour obtenir des résultats qui sont à l'image de leurs priorités.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Comme vous le savez très bien, la fermeture du centre de recherche et de sauvetage de Terre-Neuve-et-Labrador a suscité des préoccupations il y a un certain temps. Une députée de Terre-Neuve a dit ce matin qu'elle avait obtenu un document ayant fait l'objet d'une fuite et daté du 12 au 14 septembre, qui indique que la fermeture du centre de recherche et de sauvetage du Québec, qui avait été annoncée en même temps que celle du centre de Terre-Neuve, n'aura maintenant plus lieu. C'est seulement le centre de Terre-Neuve qui sera fermé. Je veux vous donner l'occasion, à vous et à votre personnel, de parler de cette situation.
M. Ashfield : Nous avons examiné toutes nos politiques à PEO pour trouver des endroits où nous pensions que nous pourrions non seulement économiser de l'argent, mais également améliorer l'efficacité et l'efficience. Nous allons continuer de le faire lorsque nous le pouvons.
Je sais que cette annonce a causé beaucoup d'inquiétudes à Terre-Neuve, mais j'estime que cette décision n'aura pas d'effet sur le service offert aux navigateurs. Surtout avec la technologie qui existe aujourd'hui, il n'est pas difficile de déplacer les activités au centre de Halifax. En fait, il s'agit d'un accroissement d'efficacité, puisque cela réunit le MDN et la Garde côtière. Nous estimons que cette efficacité sera très avantageuse pour tout le monde.
J'ignore si mon personnel peut nous en dire davantage sur cette question.
M. Grégoire : Oui, monsieur le ministre. J'ignore d'où vient cette rumeur ou ce document, mais nous avons un plan qui est en place maintenant. Le plan progresse très bien et nous envisageons la consolidation des deux côtés pour avril 2012. Le plan prévoit le transfert de la plus grande partie de la charge de travail de Québec vers Trenton et d'une partie vers Halifax en avril 2012, de même que de toute la charge de travail de St. John's vers Halifax. Je ne suis pas au courant de l'existence d'une autre version de ce plan.
Le sénateur Cochrane : Je pense qu'une grande partie de la préoccupation récente est le résultat d'une émission de la SRC qui vient d'être diffusée sur les difficultés auxquelles sont confrontés les pêcheurs lorsque les vents se lèvent et qu'il n'y a pas d'intervention immédiate de la part de la Garde côtière. J'ignore si vous avez vu cette émission.
M. Ashfield : Je dois avouer que je n'en ai vu qu'une partie. Je sais que le temps d'intervention de la Garde côtière est inférieur à 30 minutes.
Monsieur Grégoire, j'ignore si vous avez autre chose à ajouter.
M. Grégoire : Partout au pays, nous avons plus de 40 stations d'embarcations de sauvetage. De plus, tous nos bateaux et tous nos navires sont équipés pour faire des opérations de recherche et de sauvetage; alors, nous avons un excellent temps d'intervention.
Pour en revenir à la fermeture du centre secondaire de sauvetage maritime, ou MRSC, j'insisterais sur le fait que les actifs, les navires et les postes d'embarcations de sauvetage, restent tous sur place. Nous ne déménageons rien. Le même service sera offert, mais nous croyons qu'il peut être rendu de manière plus efficace à partir du centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Halifax.
Le sénateur Cochrane : Je comprends qu'une demi-heure, c'est le temps limité dont vous disposez. Toutefois, c'était plus qu'une demi-heure, monsieur Grégoire. Ce qui est arrivé, c'est que le type au poste principal n'arrivait pas à prendre de décision. Il tergiversait, mais pendant ce temps, les conditions en mer étaient très mauvaises. Le frère du propriétaire du bateau de pêche était en danger. Il est mort à cause de l'absence d'intervention immédiate dans cet incident.
Je ne suis pas certain, il s'est peut-être écoulé deux heures avant que l'on intervienne. Je sais que ce n'était pas une demi-heure, comme vous l'avez dit.
M. Grégoire : Il ne faut pas une demi-heure pour se rendre sur les lieux. Nos navires sont prêts à prendre la mer dans un délai d'une demi-heure, 24 heures par jour, 7 jours par semaine.
Le sénateur Cochrane : Il s'agissait d'un rapport provenant des pêcheurs et des gens des médias. Le frère de l'homme qui a perdu la vie a dit la même chose lui aussi.
Le sénateur Hubley : Bienvenue, monsieur le ministre, et bienvenue aux membres de votre personnel. C'est une excellente façon de débuter nos réunions de comité.
En 2009, dans la foulée d'un rapport du comité des pêches, le gouvernement a lancé le programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique en réaction à la crise qui avait secoué la pêche au homard dans le Canada atlantique. Le but du programme était d'assurer la durabilité et la prospérité économique à long terme de la pêche au homard.
Dans ma province de l'Île-du-Prince-Édouard, l'industrie a pris les bouchées doubles en ce qui concerne les mesures de rationalisation et de conservation en retirant des permis de pêche au homard et en réduisant le nombre total de pièges, en plus de l'augmentation de la taille légale de la carapace. À votre point de vue, quel a été le succès de ce programme?
M. Ashfield : À mon point de vue, le travail qui a été fait, non seulement à l'Île-du-Prince-Édouard, mais également au Nouveau-Brunswick, a eu beaucoup de succès. On a retiré un certain nombre de permis au Nouveau-Brunswick également. Le programme a été très efficace et l'argent investi a été dépensé sagement. Nous voyons une réduction du nombre de pièges placés dans l'eau et, comme vous l'avez dit, la taille de la carapace a également été augmentée. Je pense que, globalement, le programme a été une réussite, mais je pense qu'il reste encore du travail à faire. Nous avons encore trop de pêcheurs et trop de pièges, et plus nous pourrons avancer dans ce dossier, mieux ce sera. Je pense que ce serait dans l'intérêt de tout le monde. Je pense que cela permettra également aux pêcheurs qui restent de gagner assez bien leur vie. C'était là l'objectif global du processus.
Le sénateur Hubley : Le délai du deuxième appel de propositions relatif au programme était le 30 septembre dernier. Pouvez-vous nous dire le nombre de propositions reçues?
M. Ashfield : Je devrais le demander à mes collaborateurs, car je ne l'ai pas vu moi-même. Mais vous avez tout à fait raison, le délai du deuxième appel était le 30 septembre. David Balfour peut probablement vous donner des détails à ce sujet.
M. Balfour : Nous avons reçu une quinzaine de propositions de pêcheurs de homard de la région. Jusqu'à maintenant, le programme a eu beaucoup de succès. On a mis en place 17 plans de durabilité et 24 ententes de financement. De la somme de 48 millions de dollars offerte dans le cadre du programme, on s'est prévalu jusqu'à maintenant d'environ 46 millions.
Nous évaluerons les propositions reçues afin de déterminer celles qui sont les meilleures, qui correspondent le plus aux critères de durabilité et qui renforcent la capacité de l'industrie de prospérer et de fonctionner dans l'économie mondiale. Dans le cadre du processus, nous présenterions ensuite des recommandations au ministre sur les meilleurs investissements à faire compte tenu des ressources limitées restant dans le programme.
Le sénateur Hubley : Il n'y aura pas de troisième appel, que je sache, ce sera le dernier.
M. Balfour : Le programme vise à ce que tous les projets soient en place de façon à pouvoir être terminés avant son expiration en 2014. Nous ne nous attendons pas à ce que les crédits restants soient suffisants pour financer un autre appel de propositions.
Le sénateur Poirier : Nous vous remercions, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs, de votre présence. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Comme vous l'avez mentionné au début de votre intervention, la Loi sur la protection des phares patrimoniaux — que le comité a étudiée il y a à peu près un an — a été très utile pour le ministère et de nombreux Canadiens de tout le pays.
Le comité envisage d'autres études et je sais que nous avons proposé à toutes les provinces de signaler toutes les préoccupations que leurs ministères respectifs pourraient avoir. À ce jour, quatre ou cinq nous ont envoyé des rapports; ce sont — si ma mémoire est bonne — le Nouveau-Brunswick, la Colombie britannique, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et l'Alberta. Ces rapports seront aussi utiles au comité.
Vous avez aussi mentionné au début de votre intervention certaines des difficultés auxquelles votre ministère fait face, par exemple dans l'industrie. Nous collaborons étroitement avec vos interlocuteurs afin de trouver différentes solutions.
Je suis curieuse de savoir si vous recommanderiez au comité d'examiner un ou deux thèmes qui pourraient être utiles à votre ministère, pour régler des problèmes ou vous fournir de l'information que vous recherchez?
M. Ashfield : Absolument, nous pouvons vous en proposer. Je vous remercie de votre offre, car je trouve important que nous travaillions avec le comité du Sénat. Je proposerai cet après-midi aux membres du comité de la Chambre des communes — s'ils le souhaitent — certains thèmes que nous aimerions étudier. Il faudra que j'y réfléchisse. Il y a des dossiers qui pourraient probablement être intéressants et que le comité pourrait proposer pour nous. Il est important que nous collaborions sur ce genre de dossiers.
Ma circonscription est plus ou moins enclavée. Nous avons du poisson d'eau douce et nous ne sommes pas au bord de la mer. Ainsi, le ministère était une sorte de défi pour moi. Nombre de mes parents vivent sur l'île Grand Manan. Étant jeune, j'ai travaillé dans les saurisseries et les usines à sardines, Mais je me suis vite aperçu que je ne voulais pas faire ce genre de travail le reste de ma vie. Ceci dit, je connais assez bien la mer, nos marins et les côtes du Canada atlantique.
Le ministère est difficile et complexe. Nous nous occupons de nombreux dossiers et je me réjouis à la perspective de collaborer avec le comité sur certains d'entre eux. Ce serait très utile.
Le sénateur Poirier : Je crois que ce sera formidable. Nous voulons nous assurer que le comité ne fait pas le même travail que d'autres groupes. Nous collaborons avec d'autres pour faire avancer les dossiers intéressant les gens de l'industrie de la pêche et tous ceux qui dépendent de nous.
Le sénateur MacDonald : Merci à tous de votre présence. Je sais que vous étiez ici mardi à cause des affaires du Sénat, mais nous ne nous sommes pas présentés parce que nous étions occupés ailleurs.
M. Ashfield : C'est aussi de ma faute, parce que j'étais occupé après cela, mais le président m'a gentiment offert une autre heure.
Le sénateur MacDonald : Merci de votre patience.
Les ports pour petits bateaux sont, à juste titre, un dossier important chez nous, important pour beaucoup de petites collectivités vouées à la pêche. Ces deux dernières années, leur financement a été augmenté de 10 millions de dollars. Nous voulons être rassurés sur leur avenir. Va-t-on maintenir leur financement aux mêmes niveaux? Quels sont les plans?
M. Ashfield : Certes, les ports pour petits bateaux sont importants. Ces derniers temps, nous nous sommes attachés à consolider certains d'entre eux et ceux qui sont les plus bénéfiques pour les pêches. Nous y avons fait des investissements considérables. Nous avons cherché à accélérer le dessaisissement des ports non essentiels en investissant 45 millions de dollars sur quatre ans pour procéder aux réparations nécessaires. Dans le cadre du Plan d'action économique du Canada, nous avons consacré d'importants crédits supplémentaires aux ports pour petits bateaux, ce qui nous a permis de nous rattraper un peu sur certaines priorités.
Nous reconnaissons que l'argent dont nous disposons pour les investissements est limité, voilà pourquoi nous procédons à ceux qui sont les plus bénéfiques à l'ensemble de la collectivité. Et nous continuerons de le faire.
Quant aux investissements consacrés aux ports pour petits bateaux, ils ne devraient pas être réduits dans le cadre du processus budgétaire normal. Nous ne verrons probablement plus certains des crédits supplémentaires qu'avait permis le Plan d'action économique du Canada. Mais ces investissements sont importants et nous le comprenons. Je m'en suis très bien aperçu lors de mon voyage au Labrador, où l'on compte énormément sur ces ports pour petits bateaux, qui sont très importants dans les toutes petites collectivités qui dépendent totalement de la pêche. Il est important de comprendre la nécessité d'investir dans ces ports.
J'ai visité également le petit port pour bateaux en cours de construction à Pangnirtung et certains des travaux m'ont beaucoup impressionné.
Le sénateur MacDonald : J'ai une question sur un sujet différent. Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez y répondre d'emblée, monsieur le ministre, mais peut-être que vos collaborateurs le pourront.
Je viens d'une communauté de pêcheurs, et on m'a signalé que certaines usines ou certains exploitants obtiennent des permis pour des espèces sous-utilisées. Ils obtiennent des permis qu'ils n'utilisent pas. Quelle est la politique du MPO concernant le retrait de ces permis et leur redistribution? Qu'en est-il des permis émis et non utilisés? Comment s'en occupe-t-on?
M. Bevan : Nous n'avons pas de politique par laquelle un permis non utilisé serait perdu parce que cela encourage la participation, ce que nous ne voulons pas forcément. Nous avons une politique sur les nouvelles pêches selon laquelle, si une pêche vous intéresse, vous utiliserez le permis pour déterminer si elle est commercialement viable. Si elle l'est, vous devrez communiquer de l'information scientifique à son sujet. Vous serez ensuite candidat à un permis lorsque cette pêche deviendra commerciale. Je ne crois pas que la compagnie soit tenue de poursuivre ses recherches si, au cours des étapes initiales, elle juge que cela est trop difficile pour en valoir la peine. Je ne sais pas si M. Balfour a quelque chose à ajouter à ce sujet.
M. Balfour : S'il advenait qu'il y ait une demande d'accès à une espèce sous-utilisée, que des quotas ne soient pas exploités et qu'il n'y ait pas de plan prévu pour leur exploitation, nous envisagerions alors d'offrir cette possibilité à d'autres. Il y a en effet des cas d'exploitation positive de ce que nous appelons des « espèces sous-utilisées » tels que la pêche au buccin au large de la Nouvelle-Écosse qui est passée par une étape de développement et qui est désormais normalisée. Notre approche consiste à donner à l'industrie des possibilités d'utiliser les ressources de façon durable, afin de contribuer à la prospérité de ses entreprises. C'est sur ce point que nous avons mis l'accent.
Il faudrait donner aux détenteurs de quotas des assurances quant à la prévisibilité et à la stabilité, pour qu'ils puissent élaborer des plans, procéder dans un environnement stable et évoluer à long terme, le cas échéant.
Le sénateur MacDonald : Y a-t-il des espèces sous-utilisées qui auraient pu être développées, mais ne le sont pas, et pourquoi?
M. Balfour : Pour revenir aux observations préliminaires du ministre, cela est déterminé par le marché, ses impératifs, les facteurs économiques entourant la pêche, le risque et l'incertitude. Si les possibilités commerciales et technologiques sont là pour les exploiter efficacement, leur nombre déterminera leurs possibilités de production et de pleine utilisation. Le fait qu'elles ne soient pas pleinement utilisées s'expliquerait essentiellement parce que le marché n'en voit pas l'utilité, que la technologie n'est pas là pour les exploiter efficacement et dans un souci de conservation, ou par une combinaison des deux facteurs.
Le sénateur MacDonald : Avez-vous en tête une ressource qui n'a pas été exploitée et qui aurait dß l'être?
M. Balfour : Je ne pense pas qu'il reste des espèces en attente de devenir la panacée ou d'être exploitées. Nous avons commercialisé tout ce qui pouvait être exploité. C'est plutôt dans les niches et les espèces mineures que des possibilités se présenteraient si les marchés et la technologie étaient au rendez-vous. Nous en sommes là, à un moment où l'industrie faciliterait les efforts destinés à développer la ressource.
Le sénateur Patterson : Bienvenue, monsieur le ministre, et bienvenue aux fonctionnaires qui vous accompagnent. J'aimerais revenir à vos commentaires sur l'approche adoptée concernant la gestion des habitats et l'affirmation selon laquelle les activités du ministère devraient être plus efficaces, moins lourdes et plus opportunes, et selon laquelle vos politiques sont périmées. J'ai aimé ces commentaires.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, après avoir récemment visité le Nunavut, tout le Nord regorge de projets de développement des ressources à hauteur de milliards de dollars, si l'on songe au prix élevé des matières premières. Au pays, le Nunavut vient au quatrième rang pour les activités d'exploration.
Pour être franc avec vous, les représentants des industries minières avec lesquels je travaille se sont dits exaspérés par votre ministère. Permettez-moi de vous donner un exemple concret.
Nous avons la chance d'avoir un secteur du diamant au Canada. Il y a trois mines de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest et une quatrième qui en est à l'étape de la réglementation. Toutes ces mines ont été autorisées sans cadre réglementaire. Votre ministère et Environnement Canada travaillent depuis des années sur une réglementation concernant les effluents minéraux dans le secteur du diamant. Il y a une réglementation pour les métaux, mais pas pour les diamants, qui sont en fait plus propres que les métaux de base parce que leur processus d'exploitation consiste essentiellement en une opération de concassage sans produits chimiques toxiques. La quatrième mine de diamants est en train d'être autorisée dans les territoires du Nord-Ouest et il y a encore un vide réglementaire. Cela suscite l'incertitude des investisseurs et met l'industrie à la merci des fonctionnaires. Voilà un exemple de dossier qu'il faut traiter de toute urgence afin de promouvoir l'investissement.
Cela est moins tangible, et je ne veux pas laisser entendre par là que la gestion des habitats n'a pas d'importance, mais j'aimerais dire qu'il y a un manque de capacité dans le Nord. Les fonctionnaires d'Industrie ne peuvent pas traiter avec les gens des Territoires. On dirait qu'ils doivent traiter avec Winnipeg, Sarnia ou d'autres villes. Mais ce qui est encore plus grave, les fonctionnaires semblent trop souvent vouloir ériger des obstacles et faire preuve d'un zèle excessif plutôt que collaborer avec l'industrie quand il est question d'eaux où vivent les poissons. Il faut à mon avis faire preuve de collaboration parce que c'est bon pour le Canada, sans pour autant mettre de côté la surveillance rigoureuse en matière d'environnement.
À cet égard, je tiens à vous féliciter, ainsi que vos agents, pour la collaboration dont vous avez fait preuve récemment dans le dossier du narval au Nunavut. Ce dossier avait donné lieu à des affrontements et à une poursuite. Votre sous-ministre et M. Balfour ont rétabli la situation en collaborant avec les Inuits. Je suis très heureux de l'approche qui a été adoptée.
Je pense que je n'ai pas de question. Je voulais faire une déclaration et je suis sßr que le ministre en a pris note.
M. Ashfield : Je vous remercie de vos commentaires. Je suis très heureux de la façon dont s'est terminé le dossier du narval. Il s'est très bien terminé. Le processus que nous avons finalement adopté a très bien fonctionné et nous en sommes arrivés à une excellente conclusion.
Quant à l'habitat, personne ne veut sous-estimer l'importance de l'environnement. Ce n'est certainement pas mon intention en tout cas. Il est très important que nous, en tant que Canadiens, reconnaissions et comprenions que l'environnement est crucial pour notre survie. Mais en même temps, nous avons beaucoup d'obstacles et de tracasseries administratives à surmonter. Nous cherchons donc à les réduire pour faciliter la vie de tout le monde.
Je reçois beaucoup de plaintes, pas nécessairement de l'industrie, mais de gens ordinaires qui veulent apporter de modestes changements. Certains des obstacles qu'ils ont à surmonter leur rendent la vie difficile. Nous devons examiner la politique dans son ensemble et mieux comprendre les besoins des gens, tout en protégeant notre environnement. Il s'agit de simplifier les choses et de les faciliter tout en maintenant l'engagement que nous avons pris de respecter l'environnement.
Le sénateur Patterson : Merveilleux.
Le sénateur Oliver : Merci de votre témoignage, monsieur le ministre. J'apprécie beaucoup la franchise avec laquelle vous avez exprimé vos points de vue. Je vous remercie en outre du tableau d'ensemble que vous nous avez donné de l'industrie, qui est complexe et difficile. En quelques minutes, vous nous avez présenté un excellent aperçu des dossiers courants. J'ai bien aimé en particulier votre déclaration à propos des quatre points sur lesquels le ministère devrait travailler. Votre avis est des plus encourageants.
J'aurais une question à vous poser à propos du passage de votre déclaration qui dit ceci :
Notre politique est périmée. Elle n'a pas changé depuis son élaboration en 1986.
Depuis 21 ans que j'étudie la fonction publique au Parlement d'Ottawa, le ministère le plus difficile a toujours été celui des Pêches et des Océans, qu'on a accusé de vivre dans une tour d'ivoire et d'avoir perdu contact avec la réalité. Vous dites dans votre allocution que vous continuerez de collaborer avec les intervenants. Si la politique est périmée et n'a pas changé depuis 1986, il me semble qu'un bon point de départ serait d'avoir l'avis des gens qui représentent le peuple du Canada, les parlementaires. Je suis ravi d'apprendre que vous collaborerez avec notre comité et celui des pêches à la Chambre. Il devrait, semble-t-il, y avoir un apport beaucoup plus large du public dans les politiques du ministère; et cela, à cause de sa réputation qui, me dit-on, remonte à des décennies. Tout cela est tout à fait encourageant.
Une des choses que vous pourriez envisager de demander aux deux comités des pêches du Parlement du Canada n'est-elle pas de collaborer à la refonte d'une politique qui est périmée et qui n'a pas été modifiée depuis 1986?
M. Ashfield : Oui, nous pourrions certainement nous pencher sur ce sujet. En effet, la politique de gestion de l'habitat a vraiment besoin d'être retouchée. En fait, les gens du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs au Canada nous parlent de certains des problèmes auxquels ils font face, et ils sont directement liés à notre politique de gestion de l'habitat, qui est très restrictive. Le comité du Sénat ou de la Chambre des communes pourrait certainement étudier la question. Je vais y réfléchir et vous revenir là-dessus.
Le sénateur Oliver : Ma deuxième question concerne les phoques. Je suis un agriculteur et je ne connais rien sur la mer ou les poissons, mais d'après ce que j'entends, l'un des plus gros problèmes du secteur des pêches, c'est que les phoques mangent un grand nombre de nos petits poissons avant qu'ils aient eu la chance de pondre, ce qui a nui à la morue et à certaines autres espèces de poissons de fond. Comment comptez-vous, ou votre ministère, intervenir, si vous y songez, au sujet de l'augmentation de la population de phoques sur la côte Est et sur la côte Ouest? Envisagez-vous un abattage à grande échelle?
M. Ashfield : Du côté des phoques, notre plus grand problème se situe probablement sur la côte Est; il s'agit du phoque gris. C'est, en effet, un animal énorme; il peut peser entre 60 et 100 livres et mange probablement 10 ou 15 livres de poissons par jour. Il préfère habituellement les plus grosses morues en âge de pondre. Sa population s'élevait à 50 000 bêtes dans les années 1960; aujourd'hui, on en compte entre 350 000 et 450 000. Ces animaux ne sont pas végétariens ou végétaliens; il est donc évident qu'ils auront des répercussions sur les stocks de poissons. La recherche scientifique a d'ailleurs confirmé qu'il s'agissait maintenant d'un problème.
Nous étudions présentement les moyens d'action qui s'offrent à nous, surtout en ce qui concerne le phoque gris. Il n'existe pas vraiment de marché pour cette espèce; nous devrons donc envisager un certain type de processus. Nous commencerions par un processus exploratoire, afin de vérifier si nous pouvons agir sur le troupeau. Nous viserions probablement un aspect en particulier. Il faut également tenir compte de l'aspect scientifique du processus; par exemple, si nous diminuons le nombre de phoques gris, quelles seront les répercussions sur la morue? Afin de nous permettre de bien comprendre le sujet, l'étude devrait se dérouler sur une période de 4 à 5 ans, peut-être même plus.
Le nombre de phoques gris augmente rapidement, et c'est pourquoi nous envisageons ce scénario.
Le sénateur Oliver : Le nombre de phoques du Groenland augmente-t-il aussi? Représentent-ils un problème semblable?
M. Ashfield : D'après ce que je comprends, ils représentent effectivement un problème analogue. Ils sont aussi très nombreux, mais je ne pense pas que leur population augmente au même rythme que celle du phoque gris.
M. Balfour : Le troupeau de phoques du Groenland s'est élargi d'environ 9,5 millions de bêtes. Comme l'a dit le ministre, on se concentre sur le phoque gris, car les recherches scientifiques ont démontré que même si la pêche à la morue a été suspendue dans le sud du golfe et que l'espèce fait l'objet d'un moratoire depuis trois ans, la prédation exercée par ce phoque pourrait entraîner sa disparition. Des recherches scientifiques examinées par les pairs ont démontré que si le troupeau de phoques gris diminuait dans le golfe du Saint-Laurent, cela permettrait aux stocks de morue du sud du golfe de se reconstituer. En ce moment, nous n'avons pas de telles données scientifiques en ce qui concerne le phoque du Groenland; c'est pourquoi nos travaux se concentrent sur les phoques gris.
Le sénateur Baker : J'aimerais féliciter le ministre de sa nomination. Il nous a décrit l'immense tâche qu'il est sur le point d'entreprendre, mais il en a déjà l'expérience au Nouveau-Brunswick et à l'échelle du pays; il ne fait donc aucun doute qu'il atteindra ses objectifs.
J'aimerais aussi, pour le compte rendu, féliciter le président du comité, car il possède une gigantesque connaissance directe des pêches, peut-être plus grande que celle de n'importe quel président des comités du Sénat ou de la Chambre des communes, si je m'exclus, je suppose. Vous vous souviendrez qu'il y a 25 ans, on m'avait renvoyé pour avoir rédigé un rapport contre le gouvernement.
Je voulais m'informer sur d'autres choses, mais je vais changer de cap pour un moment, monsieur le ministre, étant donné que le sénateur Poirier et le président nous ont demandé de trouver des idées de questions sur lesquelles le comité pourrait se pencher au cours des prochaines séances. Nous avons avec nous le sénateur Patterson, un avocat chevronné, et le sénateur Oliver, un ancien professeur de droit qui a enseigné dans le domaine dont je suis sur le point de parler. À votre gauche, se trouve le spécialiste en droit international, M. Bevan, qui est d'ailleurs reconnu à l'échelle internationale.
Monsieur le ministre, au cours des deux prochaines années — et d'après ce que je comprends, le travail préparatoire est déjà en cours —, le gouvernement canadien présentera une proposition visant à étendre son territoire de compétence au-delà de la zone de 200 milles, pour atteindre environ 350 milles, afin d'englober tout le plateau continental qui s'étend autour de la région de Terre-Neuve-et-Labrador, qui est aussi celle de notre président, pour aussi comprendre le nez et la queue du Grand banc, le Bonnet flamand et jusqu'au Nord, dans la région du sénateur Patterson. Je présume que vous consultez M. Bevan dans le cadre de votre travail préparatoire; on devrait certainement le consulter pendant l'élaboration de la proposition destinée aux Nations Unies.
Tous ceux qui sont ici se demandent, monsieur le ministre, quelles seront les répercussions sur la pêche. Votre poste ne vous permet pas de multiplier les poissons, mais vous pourriez augmenter la quantité de poissons fournie aux usines canadiennes si vous pouviez réduire les 24 pays qui ont toujours des contingents sur notre plateau continental.
Aujourd'hui même, des navires-usines font la pêche à la drague sur notre plateau continental, avec notre permission. Nous savons tous que la drague racle le fond de l'océan; le fond et le sous-sol sont donc touchés. Un grand nombre d'entre nous croit qu'étendre nos droits de propriété au sol et au sous-sol de l'océan nous permettrait d'empêcher la pêche à la drague; c'est un raisonnement plutôt logique, monsieur le ministre.
Je ne sais pas si le sénateur Bevan — certaines personnes prétendent qu'il devrait être le juge Bevan — peut parler de cette question délicate, surtout au beau milieu de ses préparatifs en vue de sa présentation devant les Nations Unies. Je ne sais pas si vous souhaitez répondre à la question, mais le comité se penchera certainement sur ce sujet.
M. Ashfield : Je vais passer la question au sénateur Bevan. Il pourrait avoir à se présenter aux élections.
M. Bevan : Je ne pense pas que je puisse prétendre être sénateur, ou avocat, mais j'ai certainement été très exposé à la question du plateau continental et des pêches.
Il est clair qu'en vertu de l'UNCLOS, le contrôle des espèces sédentaires vivant sur le plateau continental relève de nous; nous l'exerçons d'ailleurs. En effet, vous vous souviendrez peut-être que nous avons pris des mesures pour empêcher les autres pays de pratiquer la pêche aux pétoncles et au crabe, et cetera. Toutes les espèces sédentaires relèvent maintenant de nous, ce qui n'est pas le cas des autres pays. En effet, ils ne peuvent pas pêcher les espèces sédentaires autour du Bonnet flamand. Nous avons compétence, en ce qui concerne le fond marin, dans le domaine de l'extraction pétrolière et gazière, et cetera. Nous délimitons présentement, ou nous dirons que nous entendons délimiter, l'étendue de notre plateau continental; il ne s'agit pas d'insinuer que nous n'avons pas compétence, par exemple, pour la région du Bonnet flamand ou du nez et de la queue du Grand banc, car nous l'avons. Le but de l'étude est de se pencher sur la représentation cartographique du fond de l'océan de l'Arctique, de la côte Ouest et de la côte Est, afin d'établir la frontière de notre territoire; cela nous permettrait d'assurer la gestion des espèces sédentaires en question.
Le droit international est clair à ce sujet et concerne seulement les espèces non sédentaires qui se trouvent plus haut dans la colonne d'eau. Il exige aussi la création d'organismes régionaux, comme l'OPANO et la CICTA, pour gérer les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs. Nous avons l'obligation de tenir compte, entre autres, du passé.
Votre question sur l'interaction avec le sol marin est pertinente. Nous avons pris des mesures à l'intérieur et à l'extérieur de la zone pour empêcher le dragage dans certains endroits et ainsi protéger le fond océanique, mais nous ne sommes pas aux prises pour l'instant, et je dis bien pour l'instant, avec une situation en ce qui a trait au droit international qui justifierait une interdiction de draguer le fond marin. Il est vrai qu'on peut pêcher la crevette, par exemple, en se servant d'une chaîne à chevillot qui n'a qu'un effet minime sur le fond marin. Toutefois, nous ne sommes pas actuellement aux prises avec une situation qui nous permet de dire aux gens que, dans le cas de zones non vulnérables ou d'écosystèmes non protégés par des mesures nationales et internationales, ils ont le droit de pêcher, pourvu qu'ils ne touchent pas au fond marin. Pour l'instant, ce n'est pas le cas.
Ces aspects soulèvent des questions, parce que nous sommes beaucoup plus attentifs au fait que nous devons surveiller les conséquences de la pêche sur l'écosystème, tant sur les scènes nationale qu'internationale. Il faut comprendre l'effet de l'écosystème sur les stocks. Des questions sont actuellement mises de l'avant et notre compréhension pourrait évoluer au fil du temps.
Le sénateur Baker : Je sais que le président veut m'arrêter, parce que j'ai pris trop de temps ou que la réponse a été trop longue. Autrement dit, dans votre évaluation de la situation, vous n'avez pas vraiment répondu à la question. Donc, on pourrait en conclure, et j'imagine que M. Oliver serait d'accord avec moi, qu'on ne s'est pas encore prononcé sur la question.
Dans les années 1960, à l'époque où j'étais un stagiaire en droit, un tribunal international avait statué sur la question du prolongement du plateau continental dans la mer du Nord. Vos propos résument en fait la décision du tribunal.
En ce qui concerne le dragage du sol et du sous-sol, il n'y a aucune autre façon pour les pays étrangers de pêcher la crevette, le turbot ou les autres espèces des grandes profondeurs. Ils doivent draguer le fond marin, en raison de leur technologie. Le dossier n'est pas clos. Il serait pertinent que le comité se penche davantage sur le sujet. Une telle étude ne nuirait pas aux négociations en cours avec l'ONU. De plus, vous avez affirmé qu'il ne restait que deux ans pour présenter notre demande, parce que nous avons ratifié l'UNCLOS il y a huit ans et que nous avons 10 ans, si ma mémoire est bonne, pour étendre notre territoire.
Autrement dit, vous dites que le dossier est encore ouvert. C'est un domaine intéressant du droit. Il n'y a rien de définitif d'une façon ou d'une autre.
M. Bevan : Actuellement, nous comprenons que les autres pays ont le droit de draguer le fond marin.
Le sénateur Baker : D'où tirez-vous ça?
M. Bevan : Selon l'interprétation de l'UNCLOS et de l'ANUP, sont de notre ressort les espèces sédentaires, comme le crabe ou le pétoncle, qui se trouvent sur le fond ou au-dessous du fond.
Le sénateur Baker : C'est l'interprétation actuelle.
M. Bevan : En effet.
Le sénateur Baker : Si nous étendons le plateau continental, les droits du sol et du sous-sol appartiennent à l'État. Personne ne pourra les draguer dans le but de faire quelque chose au-dessus.
M. Bevan : Nous possédons déjà les droits sur les ressources minérales du sous-sol océanique et les espèces sédentaires vivant sur le fond ou au-dessous du fond. Voilà ce que nous avons déjà. Nous préparons actuellement une demande pour étendre nos droits sur le plateau continental au-delà des 200 milles marins, et la question est de définir nos frontières. Nos droits en vertu du droit international sont clairement établis dans la pratique actuelle.
Le sénateur Baker : C'est la pratique, mais ce n'est pas ce que le droit international dit.
M. Bevan : Non, c'est dans le droit international.
Le sénateur Baker : Où est-ce écrit?
M. Bevan : C'est l'interprétation de l'ANUP et de l'UNCLOS.
Le sénateur Baker : Pourriez-vous nous faire parvenir des renseignements à cet égard?
M. Bevan : Oui, je vais vous trouver l'information.
Le président : Fidèle à son habitude, le sénateur Baker met du piquant dans la discussion.
M. Ashfield : Il est très flatteur.
Le président : C'est sa façon de procéder. Il essaye de vous amadouer avant de vous cuisiner.
Le sénateur Poy : Les gens qui me parlent de notre industrie de la chasse au phoque sont toujours très émotifs. Dans la majorité des cas, ils sont contre cette pratique, et très peu pensent le contraire. Quel est l'avenir de ce secteur? Pourriez-vous m'en donner un aperçu et ainsi me permettre de donner une réponse pertinente aux gens qui m'en parlent?
M. Ashfield : De mon point de vue et de celui du gouvernement, nous appuyons l'industrie canadienne de la chasse au phoque et nous continuerons toujours de le faire. Selon nous, il s'agit d'un mode de vie important pour bon nombre de Canadiens, en particulier dans le Nord canadien, à Terre-Neuve-et-Labrador ou à Iqaluit, par exemple. Nous appuierons cette industrie.
Les pratiques ont évolué au fil des années. La chasse au phoque est certainement faite de manière très humanitaire. Elle n'est pas aussi cruelle que le laissent parfois entendre certains opposants à cette industrie. Il s'agit d'un mode de vie important pour bon nombre de gens.
L'été dernier, lorsque j'étais de passage à Iqaluit dans le cadre de la réunion des ministres FPT, nous avons assisté à une présentation très intéressante sur les vêtements faits en peau de phoque. C'était incroyable. Les vêtements étaient beaux, et on devrait pouvoir les commercialiser librement et facilement au Canada; c'est malheureux que certains ne le voient pas. En tant que gouvernement, il s'agit là d'une occasion d'épauler cette industrie, et nous le ferons.
Le sénateur Poy : Vers quels marchés les produits dérivés sont-ils commercialisés? Un grand nombre de pays européens s'opposent à l'industrie canadienne de la chasse au phoque. Quel est le principal marché?
M. Ashfield : Il existe certaines possibilités. Nous regardons du côté des marchés asiatiques pour commercialiser les produits dérivés du phoque, et nous poursuivrons nos efforts à ce sujet. Notre attention est actuellement tournée vers ces marchés. Le marché européen est un peu plus difficile à percer, en raison des politiques en place en ce qui concerne l'industrie de la chasse au phoque, mais nous continuons d'essayer de trouver d'autres marchés pour commercialiser ces produits.
Le sénateur Poy : Qu'en est-il de la viande de phoque? La commercialisons-nous?
M. Ashfield : Monsieur Balfour, qui est ouvert à la chasse au phoque? Nous avons essayé de commercialiser la viande de phoque en Chine. Pouvez-vous nous en parler?
M. Balfour : Nous avons aidé l'industrie à trouver de nouveaux marchés pour commercialiser la viande de phoque. L'objectif est vraiment de voir si c'est possible d'utiliser tout l'animal. Certains marchés asiatiques, en particulier la Chine, sont prometteurs. Selon nous, il s'agit d'une nouvelle possibilité très positive, et nous continuerons d'appuyer l'industrie en trouvant de nouveaux marchés.
Le sénateur Cochrane : Monsieur le ministre, j'aimerais vous féliciter de votre nomination en tant que ministre des Pêches et des Océans et vous exprimer la gratitude des gens de ma province, parce qu'ils sont très heureux que vous soyez venu visiter les usines de transformation du poisson, en particulier les petites usines. Je vous en remercie.
J'aimerais revenir sur le programme SAR; j'ai une question pour M. Grégoire et pour vous, monsieur le ministre. Le dossier a fait l'objet d'un reportage à l'émission The Fifth Estate auquel j'ai fait allusion au début, lorsque le sénateur Manning a parlé du programme SAR.
Les bateaux en question étaient le Melina & Keith II et le Ryan's Commander. Dans le cas du Melina & Keith II, le rapport du Bureau de la sécurité des transports du Canada indique que, lorsqu'il était évident que le bateau était en perdition, les gardes-côtes ont attendu presque 80 minutes avant de faire appel à un hélicoptère de sauvetage. Un temps précieux a été perdu pendant que le bateau était en mer. Selon le reportage de la SRC, après la demande des gardes-côtes, il s'est de nouveau écoulé 80 minutes avant que l'hélicoptère ne décolle.
Monsieur le ministre, je comprends que cette histoire est arrivée longtemps avant votre nomination, mais j'aimerais savoir ce que la Garde côtière a retenu de cette tragédie et j'aimerais que vous garantissiez aux gens qui gagnent leur vie sur la mer, en particulier dans les eaux déchaînées au large de Terre-Neuve, que la récente fermeture du sous-centre de recherche et sauvetage n'aura aucune conséquence sur leur sécurité.
M. Ashfield : Madame le sénateur, si je savais que cette fermeture mettait les marins en danger, je ne l'aurais tout simplement pas autorisée. Je ne l'aurais pas fait. Ce n'est pas mon objectif.
Nous croyons pouvoir offrir les services aussi efficacement, voire plus efficacement, à partir d'un autre endroit, surtout en combinant notre personnel avec les effectifs du MDN à Halifax. Nous avons maintenant la technologie qui nous permet de le faire.
Cette fermeture n'aura aucun effet sur la répartition de nos ressources. Nos navires, nos hélicoptères et les avions du MDN resteront aux mêmes endroits. Il n'y aura aucun changement de ce côté.
Je ne connais pas très bien le dossier que vous avez mentionné. Je ne sais pas si M. Grégoire a des renseignements à cet effet.
M. Grégoire : Je ne veux pas parler de dossiers précis, parce que certains sont encore devant les tribunaux. Toutefois, nous examinons très attentivement la situation, lorsque nous avons une opération de recherche et sauvetage et qu'une vie est perdue. Notre personnel est très professionnel. Les coordonnateurs SAR qui travaillent dans les sous-centres sont très dévoués et très professionnels. Nous examinons tous les éléments de l'opération de recherche et sauvetage pour essayer d'en tirer des leçons et ainsi améliorer les futures opérations.
Nous collaborons aussi très étroitement avec le Bureau de la sécurité dans les transports. Nous suivons très attentivement toutes ses recommandations et nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer nos opérations.
En ce qui concerne la fermeture des deux centres secondaires de sauvetage maritime et la consolidation des activités à Halifax et à Trenton, nous allons ainsi non seulement économiser de l'argent, mais aussi être capables d'améliorer la coordination des opérations, parce que nous regroupons notre coordonnateur SAR qui s'occupe de l'aspect maritime, avec les garde-côtes et les coordonnateurs SAR du MDN qui sont chargés de l'aspect aérien. Ils seront tous réunis, ce qui améliora la coordination, selon moi.
Le sénateur Cochrane : J'ai votre parole à ce sujet. Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur le ministre, de votre présence au comité. Nous avons eu une discussion fructueuse et nous aimerions assurer un suivi de certains dossiers. J'aimerais donc me réserver le droit de vous inviter de nouveau à témoigner devant le comité.
M. Ashfield : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation.
(La séance se poursuit à huis clos.)