Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 2 - Témoignages du 25 octobre 2011
OTTAWA, le mardi 25 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 10, pour faire une étude de la gestion de la population de phoques gris au large de la côte Est du Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, la séance est ouverte. Je suis le sénateur Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador. Je vais d'abord demander aux membres du comité de bien vouloir se présenter, en commençant par le sénateur Cochrane.
Le sénateur Cochrane : Je suis le sénateur Cochrane, également de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Hubley : Je suis le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Frum : Je suis le sénateur Frum, de l'Ontario.
Le sénateur Baker : Je suis le sénateur Baker, également de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Harb : Je suis le sénateur Harb, de l'Ontario. Je ne suis pas membre de ce comité, mais j'assiste à cette séance.
Le président : Je crois que d'autres sénateurs se joindront bientôt à nous.
Cette séance est celle du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous commençons aujourd'hui notre étude de la gestion de la population de phoques gris au large de la côte est du Canada.
Comme c'est notre première séance, nous avons invité des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans à venir nous renseigner sur la situation actuelle de la population de phoques gris. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, après quoi nous pourrons commencer.
David Balfour, sous-ministre adjoint principal, Écosystèmes et gestion des pêches, Pêches et Océans Canada : Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour nous d'être ici ce soir. Je suis David Balfour, sous-ministre adjoint principal des Écosystèmes et de la gestion des pêches au ministère des Pêches et des Océans. Je suis accompagné de mes collègues, Siddika Mithani, sous-ministre adjointe, Secteur des sciences, des écosystèmes et des océans et Patrice Simon, directeur, Sciences de l'environnement et de la biodiversité au ministère des Pêches et des Océans.
Le président : Un autre sénateur vient de se joindre à nous; pouvez-vous vous présenter?
Le sénateur MacDonald : Je suis le sénateur MacDonald, de Nouvelle-Écosse.
Le président : Je crois, monsieur Balfour, que vous avez une déclaration à nous faire ou un exposé à nous présenter. Ensuite, nous inviterons les sénateurs à vous poser des questions. La parole est à vous.
M. Balfour : Je dirais d'abord que nous allons vous présenter, ce soir, un exposé sur les phoques gris de la région de l'Atlantique. Nous aborderons les effets de cette population sur le rétablissement des stocks de morue, et plus particulièrement dans la partie sud du golfe du Saint-Laurent.
Nous allons commencer par Mme Mithani qui va vous donner un aperçu général des données scientifiques concernant le phoque gris et qui parlera des recherches scientifiques évaluées par les pairs établissant le lien entre la prédation des phoques gris et le rétablissement des stocks de morue. Je parlerai un peu de la chasse commerciale au phoque gris et des perspectives de ce marché et je terminerai par quelques observations au sujet de l'avenir?
Siddika Mithani, sous-ministre adjointe, Secteur des sciences, des écosystèmes et des océans, Pêches et Océans Canada : Je voudrais remercier le comité de nous avoir invités à venir ici parler de certaines de ces questions. Comme l'a mentionné M. Balfour, nous examinons surtout la question du phoque gris du point de vue du rétablissement des stocks de morue; par conséquent, nos recherches portaient sur le rôle de prédateur du phoque gris pour mieux comprendre le rôle qu'il joue dans l'écosystème.
Avant de commencer, je dois mentionner que même si nous parlons aujourd'hui du phoque gris, il ne faut pas oublier qu'il y a six espèces de phoques au Canada. Il s'agit du phoque gris, du phoque à capuchon, du phoque du Groenland, du phoque annelé, du phoque commun et du phoque barbu. Dans la région de l'Atlantique, nous avons surtout des phoques gris ainsi que des phoques à capuchon et des phoques du Groenland.
Si nous examinons l'emplacement des troupeaux de phoques gris, il y a trois troupeaux canadiens. Le plus important est celui de l'île de Sable. Il y a un troupeau de 55 000 à 70 000 têtes dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Le troupeau de l'île de Sable compte 300 000 phoques et celui des côtes de Nouvelle-Écosse, environ 20 000. Il y a également des phoques gris en Europe, mais leur population est beaucoup plus limitée.
À la page 3, vous avez un petit aperçu des tendances observées dans la population de phoques gris au cours des 40 dernières années. Je dois souligner qu'on ne sait pas grand-chose au sujet de l'abondance historique des phoques gris. Nous avons des données à compter de 1960 ou 1970. La population actuelle est la plus importante qui ait jamais été observée de façon systématique. Il faut également souligner — et c'est important — que cette population est en expansion. Toutefois, son taux de croissance a ralenti ces dernières années. D'après les modèles que nous utilisons en science — pour estimer le taux moyen annuel de croissance d'une population — la croissance a été de 12 p. 100 dans les années 1980. Elle a été de 9 p. 100 dans les années 1990 et de 6 p. 100 dans les années 2000. Nous assistons à un ralentissement, mais la croissance est encore de 4 p. 100. Cela vous donne la tendance. La population augmente, mais son taux de croissance a ralenti un peu.
Pour vous renseigner un peu plus sur le contexte, dans les années 1960, nous avions environ 10 000 phoques. Dans les années 1970, il y en avait 30 000. En 2010-2011, nous avons 400 000 phoques.
Je voudrais parler un peu du programme scientifique du MPO. Avant de décrire les recherches scientifiques qui sont faites au ministère, je dois vous rappeler qu'il s'agit d'un écosystème très complexe. Il y a des interactions à divers niveaux fonctionnels entre un grand nombre de groupes d'organismes. Il n'est pas facile de déterminer le rapport de cause à effet entre deux populations, car il est difficile de distinguer les effets des multiples stresseurs présents dans un écosystème. Même si nous ne comprenons pas toutes les interactions des écosystèmes, notre programme scientifique nous a fourni de précieux renseignements ces dernières années. La science nous permet de faire certaines recommandations pour la gestion de la ressource.
Le programme de recherche sur le phoque gris du MPO comporte trois éléments. Il y a d'abord les dynamiques de la population. J'entends par là l'évaluation de la population de phoques gris. Nous faisons des relevés visuels tous les trois ans et nous tenons compte des taux de reproduction que nous estimons d'après les modèles. Sur cette base, nous pouvons dire qu'il y a environ 400 000 phoques en 2010-2011. La photographie représente un exemple des relevés visuels que nous effectuons et du comptage qui est fait pour évaluer la population de phoques gris.
Le deuxième élément du programme de recherche est le régime alimentaire. Le MPO a beaucoup étudié le régime alimentaire des phoques. Nous faisons une analyse des fèces, du contenu de l'estomac et des acides gras. À partir de ces études, nous avons établi que le régime alimentaire du phoque gris est varié. Il se compose généralement de poisson, notamment le lançon, la morue, le hareng, la raie et d'autres petits organismes aquatiques. Pour vous donner un exemple des renseignements tirés de nos études sur le régime alimentaire, la morue représente entre 1 p. 100 et 24 p. 100 de l'alimentation du phoque gris. C'est un chiffre qu'il ne faut pas perdre de vue.
Le troisième élément sur lequel porte notre programme de recherche est la répartition, la migration et le chevauchement avec les espèces proies. Pour comprendre où les phoques gris se nourrissent, nous faisons une agrégation, un marquage par satellite pour voir où les phoques se regroupent, où la morue se rassemble et où il y a chevauchement. Nous faisons certaines de ces études et cela nous permet de comprendre le rôle que le phoque gris joue dans l'écosystème.
Ces recherches ont permis de tirer certaines conclusions quant aux répercussions négatives de l'augmentation de la population de phoques sur les poissons démersaux. Les stocks de morue sont peu élevés et montrent peu de signes de rétablissement.
Comme je l'ai déjà mentionné, la morue est un élément important du régime alimentaire du phoque et il est donc essentiel de comprendre les échanges entre les deux populations. Les stocks de morue ont nettement diminué au nord du golfe, au sud du golfe, sur le plateau néo-écossais et dans la partie ouest de ce plateau au cours des décennies. Les stocks de morue sont si bas que le COSEPAC les a déclarés en voie de disparition.
Par contre, la population de phoques gris atteint un niveau record et continue de croître. Cela pose aussi le problème du vers du phoque. La teneur de la morue en vers du phoque augmente également, ce qui constitue un problème supplémentaire en ce qui concerne cette interaction.
Pour examiner les résultats de nos études, nous avons fait une évaluation — selon le processus d'évaluation zonale — qui consistait à examiner l'ensemble des données disponibles sur l'interaction morue-phoque.
Le processus d'évaluation zonale consiste à réunir des experts. Dans ce cas-ci, nous avons rassemblé 57 experts canadiens et internationaux pour une réunion de cinq jours pendant lesquels ils ont examiné les résultats et les conclusions des 31 documents étudiés dans le cadre de ce processus d'évaluation zonale.
Certains des documents étudiés portaient sur des sujets comme la production de jeunes phoques gris, le régime alimentaire, les estimations de la population, les tendances et la répartition de la population de poisson et le chevauchement géographique des aires d'alimentation du phoque gris et de la morue. Ce groupe a délibéré pendant cinq jours et a adressé des recommandations scientifiques au ministère.
L'avis scientifique émis au sujet des effets du phoque gris sur la morue était le suivant : à l'est du plateau néo-écossais, la prédation par le phoque a contribué à l'augmentation de la mortalité chez la morue, mais on ne connaît pas l'ampleur de cet impact comparativement à celui des autres sources. Pour le reste du plateau néo-écossais, il n'y a pas d'information comparative sur la mortalité causée par le phoque gris chez la morue dans ces régions. Au sud du golfe du Saint-Laurent, la prédation par le phoque gris a été le principal facteur d'augmentation de la mortalité chez les grosses morues du sud du golfe. Tels étaient certains des résultats du processus d'évaluation zonale.
On a demandé aux experts scientifiques de dire si la diminution de la prédation du phoque gris aurait des effets positifs sur le rétablissement des stocks de morue. À partir de ces analyses, nous avons conclu que seulement dans le golfe du Saint-Laurent, une réduction de la population de phoques gris diminuerait probablement la mortalité de la morue et favoriserait donc le rétablissement du stock. Telle est la conclusion que le processus d'évaluation zonale a permis de tirer.
Je vais céder la parole à M. Balfour, qui va vous parler de la gestion.
M. Balfour : Comme nous l'avons déjà mentionné, on estime que la population de phoques gris est d'environ 400 000 têtes. Cela représente une augmentation par rapport à une population totale d'environ 30 000 dans les années 1970. Pour 2011, le total autorisé de captures de phoques gris a été fixé à 60 000. Sur ce nombre, 200 phoques gris ont été chassés commercialement dans la région du Cap-Breton, l'hiver dernier. Les participants à la chasse commerciale au phoque gris sont en nombre relativement limité. Cela reflète les débouchés commerciaux qui s'offrent à eux. Il y avait 49 chasseurs professionnels dans la région du golfe, ce qui comprend le Cap-Breton, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, et 130 dans les régions maritimes de la Nouvelle-Écosse. Ce sont des personnes qui ont reçu une formation de chasseur professionnel de phoques gris sur un nombre total de 40 000 chasseurs de phoques professionnels dont la majorité a l'habitude de chasser le phoque du Groenland.
La dernière chasse commerciale d'importance a eu lieu en février 2008 sur l'île de Hay, où 16 participants ont abattu 1 200 phoques gris en trois jours. Toutefois, on peut dire que la chasse au phoque gris a été très limitée en raison du manque de débouchés commerciaux.
En ce qui concerne le marché pour le phoque gris, l'intérêt commercial visait principalement les peaux et le lard des phoques juvéniles. En raison de l'absence de marchés et du faible nombre de lieux de concentration de phoques accessibles, la chasse aux phoques gris reste une activité minime. Le manque actuel de marchés est une contrainte importante pour la chasse commerciale viable.
La chasse aux phoques gris qui a lieu a une très faible valeur commerciale. L'année dernière, les peaux de phoques du Groenland valaient environ 20 $. Les prix que les chasseurs obtiennent pour les peaux de phoques gris sont moins élevés.
Le ministère collabore avec les provinces pour favoriser l'investissement dans les domaines du développement des produits et des marchés. Le rôle du ministère consiste principalement à réglementer la chasse et à faciliter les projets qui permettront de créer des débouchés et des marchés.
Par exemple, en janvier 2011, nous avons paraphé une entente de coopération avec le gouvernement chinois pour l'importation de viande et d'huile. La Chine n'a pas encore finalisé l'entente, mais cela pourrait offrir certains débouchés aux chasseurs professionnels pour développer leurs marchés.
D'autre part, un groupe de travail fédéral-provincial a été établi sous le parrainage du Conseil des ministres des Pêches et de l'Aquaculture de l'Atlantique, afin de coordonner les efforts entre le ministère des Pêches et des Océans et les provinces pour le développement des produits du phoque. Ce groupe de travail centre actuellement ses efforts sur une stratégie de recherche-développement pour l'innovation de produits.
Le rôle du ministère dans la gestion de la chasse aux phoques consiste d'abord et avant tout à surveiller la chasse pour s'assurer qu'elle est durable, sans cruauté, ordonnée et bien gérée; à appliquer les règlements et à produire des rapports sur la chasse — c'est le principal rôle de nos agents des pêches; et de veiller à ce que le processus en trois étapes soit suivi entièrement et efficacement pendant la chasse.
Ce processus consiste à abattre l'animal en l'assommant ou par balle puis à palper le crâne pour s'assurer qu'il est bien fracassé. Il faut ensuite inciser la carotide pour saigner le phoque avant d'enlever sa peau.
Le ministère collabore également avec les chasseurs de phoques pour l'élaboration d'un plan intégré de gestion de la chasse au niveau à la fois des régions et de l'ensemble de la région de l'Atlantique. Il s'agit d'un plan qui couvrirait les trois espèces dont Mme Mithani a parlé soit le phoque gris, le phoque du Groenland et le phoque à capuchon.
Ce plan comprend également des mesures de gestion visant, par exemple, le total autorisé des captures pour chaque espèce, la fermeture de secteurs lorsque c'est nécessaire ainsi que les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Par exemple, pour le phoque gris, la saison est ouverte de la fin février à la fin décembre. Elle est fermée pendant la saison de mise-bas.
Pour ce qui est des autres questions à examiner, comme nous l'avons mentionné, l'hiver dernier, nous avons organisé un examen par les pairs des recherches concernant la prédation du phoque gris sur la morue au sud du golfe. Cet examen a débouché sur des recommandations portant sur le prélèvement ciblé de 70 000 phoques sur cinq ans. Il y a également eu des recommandations qui ont été incluses dans le dernier rapport du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, publié en septembre, qui préconisait une réduction de 70 000 phoques gris. La semaine dernière, le Comité permanent des pêches et océans de la Chambre a également recommandé, dans son rapport sur le crabe, des mesures pour réduire les populations de phoques gris.
En ce qui concerne la possibilité d'éliminer ce nombre de phoques, il faut mentionner que le ministère ne s'est jamais encore lancé dans ce genre d'entreprise et que ce serait entièrement nouveau. Il faudrait que nous nous dotions des moyens et des méthodes voulus pour pouvoir abattre un nombre important de phoques.
Il faudrait aussi que nous puissions prendre ces mesures de façon à ce que ce prélèvement vise les phoques qui se nourrissent de morue étant donné que le but de cette intervention serait de permettre à la morue du sud du golfe d'échapper à la prédation et de surmonter les obstacles à son rétablissement que représente actuellement la prédation des phoques gris. Nous devrions faire en sorte que ce soit fait sans cruauté. Il faudrait que cela respecte les normes internationales pour la chasse aux animaux marins et cela exigerait probablement de recourir à des chasseurs de phoques professionnels qui savent comment tuer les phoques.
Si ce genre d'intervention avait lieu, il faudrait qu'elle soit bien supervisée et contrôlée. Il faudrait pouvoir faire le travail scientifique de suivi afin de pouvoir établir si le prélèvement des phoques gris a eu un effet sur le rétablissement des stocks de morue. Ce serait le but de cette mesure et il faut que nous puissions établir s'il a été atteint.
Pour faire quoi que ce soit, il faudrait que nous obtenions la collaboration des associations de pêcheurs, des pêcheurs et des gouvernements provinciaux pour pouvoir réaliser ce genre d'entreprise sur des bases solides. Le ministère continuerait également de collaborer avec le secteur de la chasse aux phoques pour l'aider à exploiter les débouchés qui se présenteraient pour le développement des marchés ou des produits du phoque, afin qu'il soit possible d'établir une chasse aux phoques durable qui rapportera des avantages commerciaux.
Monsieur le président, nous allons nous arrêter là et répondre aux questions que vous voudrez nous poser.
Le président : Merci pour ces exposés. C'était très intéressant et nous avons hâte de vous poser des questions.
Avant de passer aux questions, pourriez-vous nous dire quelle est la situation à l'île de Sable? Je sais qu'on a proposé d'en faire une réserve de parc national; quels effets cela aurait-il? Je crois également que c'est peut-être là que se trouve la population de phoques gris la plus importante.
M. Balfour : La création d'un parc national à l'île de Sable se fait étape par étape. En ce qui concerne la chasse aux phoques gris, la chasse commerciale ne sera plus autorisée dans ce parc. Néanmoins, à notre connaissance, si nous menons une campagne de réduction de la population de phoques gris, nous pourrons cibler les phoques de l'île de Sable.
Le président : Je suis certain que nous en discuterons à l'avenir.
Le sénateur Hubley : En ce qui concerne la réduction ciblée dont vous parlez, qui est de 70 000 animaux sur cinq ans, quel pourcentage du troupeau cela représente-t-il?
M. Balfour : Le troupeau est estimé à 400 000 têtes et il s'agirait de 70 000 phoques sur cinq ans. Néanmoins, comme nous l'avons souligné, la taille du troupeau continue d'augmenter. Je ne sais pas si nous avons des chiffres à ce sujet. On estime que le prélèvement de 70 000 phoques donnerait à la morue la possibilité d'échapper à une lourde prédation. Je crois que la prédation touche les grosses morues qui auraient donc la possibilité de frayer.
Mme Mithani : Je dois mentionner que nous parlons seulement du sud du golfe. C'est précisément cette zone et non pas le reste qui est visé. Nous parlons d'environ 70 000 animaux dans le secteur du sud du golfe où les données scientifiques démontrent clairement un chevauchement. On constate également que, dans le sud du golfe, le régime alimentaire du phoque gris se compose à 25 p. 100 de morue. Également, les phoques gris du sud du golfe préfèrent les grosses morues, ce qui établit le lien. Voilà comment, par déduction, on en est arrivé à cette conclusion à l'issue du processus d'évaluation zonale.
Le sénateur Hubley : Ce qu'il faudrait savoir c'est si l'élimination de 70 000 animaux — l'objectif de réduction sur cinq ans — aura effectivement l'impact nécessaire?
Mme Mithani : Nous avons réuni 57 experts. Nous avons examiné toutes les données. La science est toujours incertaine. Cependant, à partir des données, ces délibérations ont permis aux chercheurs de conclure qu'une réduction de 70 000 individus sur cinq ans dans le sud du golfe contribuerait au rétablissement du stock de morue. Comme l'a dit M. Balfour, il va falloir être en mesure de suivre comme il faut l'évolution de la situation pendant ces cinq ans et apporter des modifications au fur et à mesure que nous obtiendrons des données scientifiques.
Le sénateur Hubley : Cette réduction ciblée est-elle un abattage? Vous n'utilisez plus cette terminologie?
Mme Mithani : Nous avons parlé de prélèvement.
Patrice Simon, directeur, Sciences de l'environnement et de la biodiversité, Pêches et Océans Canada : Le prélèvement de 70 000 phoques n'entraînera pas une diminution de la population globale de phoques gris. En général, les abattages sont faits pour réduire toute une population. Ce que l'on propose ici est une action très sélective dans certaines zones. Nous appelons cela une réduction ciblée de la population dans des zones précises où nous estimons que cela pourrait améliorer la survie de la morue.
Le sénateur Cochrane : Ma question concerne également le phoque gris. À la page 11 de votre mémoire, vous mentionnez que le MPO collabore avec les provinces pour favoriser l'investissement dans le développement des produits et des marchés. Pourriez-vous nous dire où en sont vos discussions avec les provinces?
M. Balfour : À la dernière réunion du Conseil des ministres des Pêches et de l'Aquaculture de l'Atlantique, qui a eu lieu à Iqaluit, en septembre, nous avons décidé et confirmé que nous allions nous entendre pour créer un comité conjoint composé de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. C'est pour travailler avec le secteur à l'élaboration de plans pour l'innovation de produits et l'accès aux marchés. Comme je l'ai mentionné, une stratégie est en cours d'élaboration. Cette stratégie ne viserait pas seulement le phoque gris. Elle s'appliquerait aussi au phoque du Groenland et aux possibilités d'ouvrir des marchés et d'innover du côté des produits. L'année dernière, le ministère a participé, avec la province de la Nouvelle-Écosse, à un projet avec la Northeast Coast Sealers Cooperative, à Terre-Neuve. Cela concernait le cœur de certains phoques gris du Cap-Breton qui a été utilisé pour tester et échantillonner la qualité de la viande destinée à la consommation humaine ainsi que pour l'élaboration de produits à base d'huile de phoque. Cette coopérative a mis au point des échantillons et cherche des débouchés sur divers marchés.
Nous avons cherché à répondre aux intérêts du secteur et à voir comment nous pouvions faciliter une collaboration avec les provinces — celles qui jouent un rôle dans le développement des produits et la promotion des marchés pour le poisson et les fruits de mer — de façon à soutenir l'élargissement des débouchés commerciaux pour les produits dérivés du phoque.
Le sénateur Cochrane : Ces discussions se poursuivent et n'ont pas encore eu de résultats définitifs?
M. Balfour : Oui, ces discussions se poursuivent.
Le sénateur Cochrane : Les provinces sont-elles d'accord pour l'élimination de 70 000 phoques gris?
M. Balfour : Nous n'avons pas discuté avec les provinces de ce qu'elles pensaient de l'élimination de 70 000 phoques. Nous n'avons pas encore commencé à élaborer un programme pour réaliser une élimination ou une réduction. Toutefois, si nous donnons suite à ce projet, il faudrait, selon nous, que ce soit en collaboration avec les provinces. Nous demanderions qu'elles participent à la conception et à l'exécution de ce programme, nous travaillerions avec elles pour rallier les associations de chasseurs de phoques et de pêcheurs, afin qu'elles puissent jouer un rôle dans l'exécution du programme.
Le sénateur Cochrane : Pensez-vous qu'une décision définitive pourrait être prise à l'égard de cette chasse aux phoques à temps pour l'hiver prochain?
M. Balfour : Pas pour cette année.
Le sénateur Harb : Comme vous le savez, j'ai essayé à de nombreuses reprises de présenter un projet de loi au Sénat, mais je n'ai pas pu avoir la parole. Je tiens à remercier le comité d'avoir eu la bravoure de m'autoriser à exprimer mes opinions et à poser quelques questions.
Ma position à l'égard des phoques et de la chasse aux phoques n'est un secret pour personne. D'après ce que vous dites, madame Mithani, le régime alimentaire du phoque gris est complexe. C'est intéressant. En fait, ces phoques mangent un certain nombre de choses et notamment du hareng. Les phoques gris mangent-ils les prédateurs des stocks de morue ou des stocks de poisson?
M. Simon : Comme l'a dit Mme Mithani, c'est un écosystème très complexe. Le phoque mange du hareng et on sait que le hareng mange des œufs de morue. L'avis scientifique en a tenu compte. Malgré cela, et même si nous décidons de procéder à la réduction de la population de phoques, nous examinerons les effets secondaires que cela pourrait avoir. Nous restons convaincus que cette mesure pourrait réduire la mortalité de la morue et donc permettre son rétablissement.
Notre évaluation scientifique nous permet de conclure que si la mortalité de la morue reste aussi élevée, surtout dans le sud du golfe du Saint-Laurent, le stock disparaîtra. Nous concluons également que la principale raison de cette forte mortalité est la prédation du phoque.
Le sénateur Harb : Il faut souligner que lorsque le ministère a invité ces experts, c'était pour qu'ils se penchent sur les effets négatifs du phoque gris sur la morue. Le ministère a-t-il étudié l'impact positif du phoque sur la morue? Le ministère ne devrait-il pas étudier cette possibilité ou le comité, ne pourrait-il pas inviter certains témoins qui pourraient lui parler des effets positifs des phoques gris sur la morue?
Avant de terminer, je mentionnerais que le protocole du programme des Nations Unies pour l'environnement concernant l'évaluation scientifique des projets d'abattage de mammifères marins est en place. Le ministère a-t-il fait, ou compte-t-il faire l'analyse scientifique appropriée décrite par les Nations Unies avant de prendre toute décision d'abattre des phoques gris?
M. Simon : En ce qui concerne les participants à la réunion consultative scientifique qui a eu lieu, nous avons pris soin d'inviter des personnes ayant des champs de spécialisation divers et des antécédents différents. Nous avions un bon nombre d'experts du phoque, du Canada, du milieu universitaire et du monde entier. Nous avions des gens de divers secteurs de la pêche et des personnes qui travaillent davantage sur le terrain. Il y avait aussi des représentants d'ONG qui souvent abordent cette question sous un angle différent.
J'ai assisté à cette réunion et les points de vue étaient équilibrés. Il y a eu quelques vives discussions et les participants ont eu l'occasion d'exprimer leurs opinions et de présenter leurs données. C'est à partir des données qui ont été présentées, avec cette participation équilibrée, que cette conclusion a été tirée.
Pour ce qui est de votre deuxième remarque, vous avez raison de dire que le PNUE a établi un protocole à suivre pour la réduction d'une population de mammifères marins. Dans l'avis scientifique qui a été donné, nous avons dit que si cette mesure était prise, il serait important de mettre en place un processus de surveillance pour vérifier l'efficacité de la mesure en question.
Le protocole du PNUE dit trois choses : premièrement, vérifiez si vos mesures ont les effets désirés, alors surveillons la population de morue; deuxièmement, vérifiez si vos mesures ne mettent pas une espèce en péril, dans ce cas-ci le phoque gris, et troisièmement, mettez en place un système de surveillance qui pourra vous signaler les autres effets qui pourraient survenir.
Le sénateur Harb : Le sénateur Baker a posé une question très importante au cours de la dernière séance du comité au sujet de la limite de 200 milles en demandant si ce n'était pas la surpêche de 24 pays qui épuisait le stock. J'ai cherché dans le procès-verbal, mais personne ne semble avoir répondu à la question du sénateur Baker concernant la surpêche de la communauté internationale à la limite de 200 milles.
J'ai la nette impression que nous cherchons la solution de facilité. Nous tuons les phoques gris, non pas pour leur viande ou pour leur fourrure, mais parce que nous pensons — sans en être certains — que cela pourrait résoudre le problème.
Le ministère y a peut-être pensé, mais le ministre a-t-il réfléchi aux conséquences terribles que cette tuerie aura sur la réputation internationale du Canada et l'embarras que cela causera pour le Canada sur la scène internationale? C'est une chose à laquelle le comité et le gouvernement devraient songer très sérieusement avant de prendre une décision fondée non pas sur des connaissances et des données scientifiques, mais sur une opinion non étayée et fondée sur des considérations politiques, simplement pour répondre à la position politique du ministre. Les personnes qui ont participé à cet atelier n'étaient pas là pour donner un avis objectif.
Le président : Posez votre question.
Le sénateur Harb : Ma question est la suivante : Le ministre a-t-il pensé au tort considérable que l'abattage inutile et injustifié de centaines de milliers de phoques gris causera pour la réputation du Canada?
M. Balfour : Je vais commencer et je vais demander à mes collègues de compléter ma réponse.
Premièrement, nous avons bien précisé que le prélèvement des phoques gris se ferait au sud du golfe du Saint-Laurent. Il y a là un stock de morue qui a été fermé depuis 2009 et qui fait actuellement l'objet d'un moratoire.
Nous avons pris toutes les mesures possibles et nous éliminons maintenant toute mortalité résultant de la pêche. Néanmoins, comme nous l'avons dit ici ce soir, nous sommes encore confrontés à la prédation des phoques gris qui risque d'entraîner l'extinction de la ressource.
Le stock de morue du sud du golfe du Saint-Laurent est également un stock dont la pêche est entièrement réservée aux Canadiens et cela depuis l'élargissement de la ZEE. Nous faisons le maximum en imposant un moratoire et en veillant à réduire le plus possible les captures accessoires. Néanmoins, nous en sommes au point où en l'absence d'autres mesures, il n'y aura pas de rétablissement de la morue. Cela signifie que toutes les collectivités dont le gagne-pain a toujours reposé sur cette ressource ne pourront pas espérer un rétablissement du stock et une reprise de la pêche et elles ne pourront pas non plus transformer la ressource.
Mme Mithani : Il y a eu un processus d'évaluation scientifique indépendant d'une rigueur irréprochable. Il y avait également là des experts internationaux. Tel est l'avis scientifique qui a été donné et c'est un avis indépendant et objectif.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Tout d'abord, j'aimerais avoir des informations générales : quelle est la taille des phoques gris adultes? Quelle est leur durée de vie? Et quels sont leurs prédateurs? Parce que pour n'importe quel animal, normalement, il y a un prédateur qui permet d'avoir une croissance équilibrée n'allant pas au-delà des limites de l'espace ou de l'écosystème.
Après ces trois renseignements, j'aurai d'autres questions mais je crois qu'on doit établir effectivement la durée de vie de ces animaux et la grosseur d'un phoque adulte. On s'attendrit beaucoup sur le phoque naissant mais à taille adulte, ils sont beaucoup moins comme un animal de compagnie.
Finalement, j'aimerais savoir quel danger courent-ils lorsqu'ils mangent du poisson ayant été contaminé par un parasite? Parce qu'un problème de santé par contamination pourrait peut-être empêcher la commercialisation de la viande de phoque.
J'aimerais avoir ces données de base, parce que si on veut discuter intelligemment, il faut connaître la composition de cette population.
M. Simon : Je peux vous répondre. Le phoque mâle gris va peser environ 300 kilos et la femelle environ 200 kilos. Ils vivent de 30 à 40 ans, ça varie beaucoup. Ils n'ont pas beaucoup de prédateurs. Dans le passé, il y avait les épaulards, qui ne sont pas très abondants présentement dans l'Est du Canada. Il y a aussi différentes espèces de requins qui sont également peu nombreux. Donc les prédateurs du phoque gris sont assez limités.
En ce qui concerne les parasites, ce problème est surtout présent pour la morue. On ne pense pas que cela affecte négativement la santé de la morue, mais c'est un parasite qui va se loger dans la chair de la morue. C'est surtout quand vient le temps de faire les filets et tout, ce n'est pas un produit qui se vend bien. Cela augmente les coûts de transformation.
Le sénateur Hervieux-Payette : Mais pour le phoque en question, est-ce que cela enlève ses propriétés alimentaires? Parce que lorsqu'on parle de 300 kilos, on parle d'un animal de 600 livres, c'est plus gros qu'une vache. J'ai vu des petits phoques au Nunavut, qui eux, ne représentent pas plusieurs repas de viande. Mais si on prend la chair d'un phoque adulte pour nourrir d'autres animaux, est-ce que ce serait une viande qui est contaminée?
M. Simon : Au point de vue des parasites, c'est un parasite plutôt intestinal qui n'a qu'un cycle de vie à l'intérieur du phoque. Cela ne va pas endommager la viande.
Du point de vue contaminant, d'après ce que j'ai lu des études, il n'y a pas un haut niveau de contaminant. Mais je crois qu'on fait encore des travaux là-dessus pour connaître la contamination dans différents groupes d'âge et de phoques provenant de différents endroits.
[Traduction]
M. Balfour : J'ajouterais brièvement que le ver du phoque qui se retrouve dans la morue ne pose pas un problème de salubrité alimentaire. C'est un problème esthétique. Cela veut dire que pour vendre le poisson, lors de la transformation, il faut examiner à contre-jour les filets de morue pour pouvoir détecter le ver. On doit ensuite enlever la partie du filet où se trouve le ver, ce qui réduit le poids du produit à vendre.
Cela pose un problème du point de vue commercial. Cela réduit le prix payé aux pêcheurs et les prix que les transformateurs et les commerçants peuvent obtenir pour la morue qui contient ce parasite.
Dans le cadre des projets auxquels le ministère a participé — comme celui dont j'ai parlé qui a eu lieu l'hiver dernier, au Cap-Breton — des échantillons de viande ont été prélevés. Ils ont été testés en laboratoire et les tests ont confirmé que la viande ne contenait pas de contaminants ou de métaux lourds et qu'elle était bonne pour la consommation humaine. C'était une étape critique que le secteur devait franchir pour pouvoir promouvoir la vente de ce produit sur les marchés.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : J'aurais une dernière question. Je pense que nous avons une ressource naturelle harmonieuse qui permet de continuer à préserver toutes les espèces, pas juste une sorte d'espèce. Parce que si on a seulement des phoques, on n'aura peut-être, à un moment donné, plus assez de poissons pour les nourrir. Donc, il faut garder un certain équilibre entre les différentes espèces animales.
Au Québec, on a un endroit qui s'appelle l'île d'Anticosti où la chasse aux chevreuils est permise afin de contrôler la population de façon scientifique, parce que l'espace peut nourrir seulement un certain nombre de chevreuils. Il y a des quotas déterminés. Je vois ici une comparaison entre les deux populations.
Ce qui m'intéresse, c'est l'utilisation maximale du produit une fois les 70 000 phoques tués. Cela ne fait pas beaucoup par année, et si on ne regarde pas les produits qui peuvent en émaner, le marché est beaucoup moins intéressant. On parle ici de la peau pour la fourrure, le gras.
J'aimerais savoir s'il y a le même pourcentage de gras, parce que c'est quand même très important chez certains phoques. Le phoque gris contient énormément de gras qui donne des oméga-3 ainsi que de la viande qui pourrait éventuellement être utilisée comme nourriture pour animaux. Est-ce que quelqu'un dans votre ministère ou un autre ministère s'intéresse à l'utilisation optimale de l'abattage de ces phoques, qui pourrait à la fois contrôler la population mais en même temps faire un bon usage des phoques qui seraient abattus?
[Traduction]
M. Balfour : Il serait très souhaitable qu'un marché soit ouvert pour qu'on autorise la chasse. Pour ce qui est de la recherche de débouchés, nous y avons travaillé avec les provinces et nos autres partenaires du gouvernement fédéral. Le secteur a été confronté à un sérieux problème sur ce plan-là.
Le total autorisé des captures de 60 000 animaux actuellement disponible permettrait à la population de se maintenir à son niveau actuel, mais il est probable que ce niveau augmenterait. Ce que l'on envisage pour la morue dans le sud du golfe — si nous suivons l'avis des scientifiques — c'est un prélèvement ciblé. Le stock de morue obtiendrait un répit et pourrait peut-être cesser de diminuer comme c'est le cas actuellement. La morue pourrait peut-être aussi se reproduire à un rythme qui lui permettrait de faire face à la prédation des phoques gris et de redevenir une ressource exploitable si les choses revenaient à la normale. C'était, je pense, le but de cet avis plutôt que la possibilité de commercialiser le phoque gris. C'est une chose qui restera une priorité. Il serait également important d'avoir une ressource durable, qui peut être exploitée sans cruauté et de façon raisonnable, et qui peut servir à apporter des avantages économiques aux localités côtières.
Le sénateur Patterson : Monsieur le président, comme vous le savez, je représente le territoire du Nunavut au Sénat. Une chose qui m'inquiète lorsqu'on parle du phoque au Canada est que ceux qui participent à la discussion sont souvent influencés par leurs émotions et les discours extrémistes du mouvement pour la défense des droits des animaux. L'aspect scientifique mis à part — et nous en avons vu un exemple ce soir au comité — je pourrais parler avec beaucoup d'émotions des torts causés aux sentiments et à la fierté du peuple inuit qui dépendait du phoque pour survivre, pour se nourrir et pour se vêtir. Je me garderai toutefois de suivre cette voie.
Je voudrais remercier les témoins et leur souhaiter la bienvenue. Premièrement, pouvez-vous décrire cet animal et sa taille? Je sais qu'il est parfois difficile de donner une réponse précise à cette question, mais quel poids de nourriture une de ces créatures consomme-t-elle dans une journée? Est-il possible de l'évaluer?
M. Simon : Oui. Je peux vous dire que sa taille est beaucoup plus grande que celle du phoque annelé. Un mâle adulte pèse environ 300 kilogrammes. Ce sont de gros animaux. Ils vivent environ 30 à 40 ans. Ils commencent à se reproduire vers l'âge de cinq ans.
Ce qu'ils mangent varie beaucoup selon l'âge de l'animal. On estime qu'ils mangent à peu près cinq kilos de poisson par jour. Cela revient à environ une ou deux tonnes par phoque et par année. Ce sont des estimations très approximatives. S'ils mangent une nourriture très énergétique, ils en consomment moins et vice versa. On nous demande de préciser les quantités, mais celles que je vous donne sont très approximatives car c'est très variable.
Le sénateur Patterson : J'ai compris, d'après ce qu'a dit M. Balfour, que la sauvegarde de nos stocks de morue, surtout dans le golfe où la pêche est interdite, a déjà été examinée par le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques et je crois que vous avez désigné un comité de la Chambre par un acronyme. Pourriez-vous nous dire quelles recommandations ont été formulées?
M. Balfour : Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, qui est une entité du secteur de la pêche établi pour examiner les questions de conservation et de durabilité et conseiller le ministre, a été chargé de donner son avis sur les moyens de rétablir les stocks de poissons de fond et plus particulièrement de morue. Le conseil a mené son examen et ses consultations et a produit un rapport en septembre. Je pense qu'il a tenu compte des résultats des évaluations scientifiques dont il a été question tout à l'heure, et qui recommandaient l'élimination de 70 000 phoques gris sur une période de cinq ans. Cela faisait donc partie des recommandations figurant dans son rapport.
Le Comité permanent des pêches et océans de la Chambre des communes a publié son rapport sur le crabe des neiges la semaine dernière. Il y a également inclus une recommandation similaire en vue du prélèvement de 70 000 phoques gris.
Le sénateur Patterson : Un organisme des Nations Unies, le PNUE, a été mentionné ce soir. Le Canada fait-il partie de cette organisation et nous dicte-t-elle comment nous devrions gérer notre pêche? Pourriez-vous me donner quelques renseignements au sujet de cet organisme, s'il vous plaît?
M. Simon : Je n'ai pas beaucoup de renseignements au sujet du PNUE et du rôle que le Canada y joue. Il en a été question ici parce qu'un des documents du PNUE donne des lignes directrices aux pays qui veulent réduire ou abattre une population d'animaux. Cet organisme a réuni un groupe d'experts qui examine la gestion de l'abattage, quand il doit être fait et comment, et quel type de surveillance doit être mis en place.
Il ne supervise pas l'abattage; il se contente de produire des lignes directrices que divers pays peuvent envisager de suivre s'ils décident de mettre en œuvre ce genre de mesure de gestion.
Le sénateur Patterson : Que signifie ce sigle?
M. Simon : Programme des Nations Unies pour l'environnement.
Le sénateur Frum : Y a-t-il d'autres pays européens qui ont mis en place ce genre de programmes?
M. Simon : Il y a eu des abattages d'animaux marins dans diverses régions du monde au cours des dernières décennies. Le programme de surveillance mis en place pour déterminer si cela a été un succès ou non a donné des résultats mitigés. Il est difficile, surtout pour les mammifères marins, de dire que ce qui a été fait dans un pays est un exemple à suivre.
Il y a eu des programmes de réduction de populations terrestres et il y a de bons exemples de réussite. Le PNUE s'est basé sur les renseignements disponibles pour établir des lignes directrices. L'une d'elles prévoit une surveillance. Si quelqu'un décide d'investir du temps et des ressources pour prendre ce genre de mesure, il est important de vérifier si les objectifs souhaités sont atteints ou non.
Le sénateur Frum : Y a-t-il d'autres pays qui ont d'importantes populations de phoques gris?
M. Simon : Pas pour ce qui est du phoque gris. Il y a une chasse aux phoques importante au Canada, mais la plupart des pays scandinaves chassent également le phoque. La Namibie a des phoques à fourrure et récolte environ 70 000 animaux par année. Je ne suis pas un expert de la récolte de cette ressource en Namibie. Certaines personnes parlent d'abattage, mais je sais qu'on essaie également d'exploiter le phoque, car je vois qu'on cherche à commercialiser sa fourrure et son huile.
Le sénateur Frum : À quoi attribuez-vous cette explosion de la population de phoques? Est-ce parce que nous avons cessé de les chasser? Pourquoi y a-t-il autant de phoques?
M. Simon : Nous ne comprenons pas entièrement le phénomène, mais deux raisons ont été avancées. L'une est la fin de la chasse; il y a eu divers programmes de primes pour la chasse au phoque gris. L'autre est l'amélioration de leur habitat. L'état actuel des glaces dans le golfe et l'île de Sable leur fournit un excellent habitat. Nous croyons que ces deux facteurs contribuent, ensemble, à l'augmentation de la population, mais il y a peut-être d'autres facteurs que nous n'avons pas encore entièrement établis.
Le sénateur Frum : Monsieur Balfour, vous avez mentionné les efforts de commercialisation en Chine. Quel organisme ou groupe de gens dirige ces efforts et comment cela fonctionne-t-il?
M. Balfour : Ces activités sont dirigées par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. C'est en collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le MPO et les associations de chasseurs de phoques pour que les produits du phoque puissent, à partir de ce protocole, être exportés vers la Chine en répondant aux normes chinoises de salubrité pour la consommation humaine.
Le sénateur Frum : Ce doit être difficile.
Le sénateur MacDonald : Je dirais d'abord qu'en ce qui concerne la faune en général, je trouve ce sujet très difficile à aborder. J'aime beaucoup les animaux. Je n'aime pas voir tuer un animal. D'un autre côté, je ne chasse pas, mais j'aime le gibier et il faut accepter certaines réalités de la vie.
L'une d'elles est qu'en ce qui concerne la vie marine, nous devons être très prudents. Si vous prenez l'histoire de la vie marine sur la côte est, c'est difficile à croire aujourd'hui, mais nous avions des morses au Cap-Breton. C'était une aire de reproduction pour ces animaux il y a 300 ou 400 ans. Ils ont disparu de la région de l'Atlantique et sont maintenant confinés à l'archipel Arctique oriental.
Prenez également le grand pingouin. Il y a tellement de cas où la destruction ridicule des animaux a entraîné leur extinction. Il y a de fortes pressions sur les animaux marins sur l'ensemble de la planète à l'heure actuelle.
Toutefois, pour ce qui est du phoque, non seulement le phoque gris, mais le phoque du Groenland, leur population a explosé sur la côte est, jusqu'à l'Arctique. Il y a maintenant environ 9, 11 ou 12 millions de phoques du Groenland. Pourquoi la population de phoques, pas seulement de phoques gris, explose-t-elle alors qu'il y a tellement de pression sur les autres animaux, que ce soit les baleines ou les autres? Pourquoi subissent-ils cette pression à la baisse alors que les populations de phoques semblent si florissantes? Ce ne doit pas être seulement à cause de la glace et de quelques autres facteurs.
M. Simon : Il y a de nombreuses inconnues quant aux raisons de leur augmentation si rapide, mais nous savons que le rythme de croissance de ces deux populations, celles des phoques du Groenland et des phoques gris a commencé à ralentir. Il semble qu'il pourrait se stabiliser à ce niveau ou diminuer. Il est difficile de le savoir. Parfois, les populations fauniques atteignent un niveau très élevé qui retombe très rapidement. Nous l'avons constaté pour le caribou dans le Nord du Québec; les troupeaux s'accroissent rapidement et retombent à un bas niveau.
Il y a de nombreuses choses que nous ne comprenons pas entièrement. Nous avons suivi ces populations depuis 30 ou 50 ans et même si nous possédons des renseignements à leur sujet, nous ne voyons qu'un côté de l'équation. Je crois que pour certaines de ces populations, nous avons besoin de très longs programmes de surveillance pour commencer à comprendre ce qui influence leur croissance, mais aussi ce qui influence leur déclin, à un moment donné.
Le sénateur MacDonald : En ce qui concerne le total autorisé des captures et les débarquements, il y a un écart assez important entre ce qui est autorisé et ce qui est débarqué. En 2010, sept phoques gris ont été abattus. Chez moi, je connais des pêcheurs qui abattent autant de phoques en une journée parce qu'ils déchirent leurs filets et restent autour de leurs bateaux. Pourquoi la chasse est-elle aussi limitée? Pourquoi les TAC sont-ils aussi peu utilisés?
M. Balfour : C'est parce que le marché ne s'intéresse pas à ces animaux et que ce n'est donc pas payant pour les chasseurs.
Le sénateur MacDonald : Devons-nous instituer une prime? Y en a-t-il déjà eu une?
M. Balfour : Il y a eu des primes par le passé, mais c'est une autre variante de la régulation des populations.
Le sénateur MacDonald : Vous dites qu'il y a eu des primes par le passé?
M. Balfour : Il y a très longtemps.
Le sénateur MacDonald : Compte tenu de l'absence d'un marché, il semblerait que la seule façon de réduire cette population serait d'offrir une prime, n'est-ce pas?
M. Balfour : Une prime ou, comme l'ont suggéré les chercheurs, on pourrait procéder à un prélèvement ciblé des animaux pour rétablir le stock de morue dans le sud du golfe où les données scientifiques démontrent clairement un rapport de cause à effet entre la prédation des phoques et l'état de ce stock.
La situation n'est pas la même que celle qui était décrite dans notre exposé à l'égard des stocks de morue du plateau néo-écossais. Nous ne sommes pas en mesure d'obtenir les mêmes preuves scientifiques pour l'établissement d'un programme visant à réduire la taille des troupeaux. D'autre part, comme je l'ai déjà dit, nous voulons collaborer avec les chasseurs de phoques professionnels au développement de produits qui répondent aux intérêts du marché et développer des marchés pour utiliser les ressources disponibles et créer une source de revenus supplémentaires pour les chasseurs professionnels et leurs collectivités.
Le sénateur MacDonald : Apparemment, si rien n'est fait, le stock de morue de la côte va disparaître. Quelle échéance envisagez-vous? Si ces phoques anéantissent les stocks de morue, que vont-ils anéantir ensuite? Où iront-ils après? Ils doivent manger. Vont-ils s'attaquer au homard, au hareng, au maquereau ou à la goberge?
Mme Mithani : À la merluche et à la raie tachetée.
M. Simon : Ils ont un régime alimentaire très diversifié. Si le stock de morue est moins abondant, il leur est facile de passer à autre chose.
En plus des effets négatifs que les phoques gris ont sur la morue dans la partie sud du golfe du Saint-Laurent, il y a deux autres espèces en péril, la merluche blanche et la raie tachetée. Nous les avons moins étudiées, mais il semble que la mortalité causée par le phoque gris soit suffisante pour maintenir ces populations à un bas niveau qui pourrait encore baisser.
C'est une situation complexe. Cependant, cette complexité ne concerne pas toutes les régions de l'Atlantique, mais la partie sud du golfe et pas toutes les espèces, car certains efforts ont été faits en ce qui concerne le rôle du phoque du Groenland et, dans d'autres zones, le rôle du phoque à capuchon. La science n'a jamais pu tirer de conclusion comme celle que nous avons tirée dans la partie sud du golfe du Saint-Laurent où il était suffisamment évident que le groupe de chercheurs pouvait donner l'avis scientifique qu'il a donné.
Le sénateur MacDonald : Je suppose que nous aurons d'autres questions à vous poser plus tard. Merci.
Le sénateur Oliver : J'ai reçu, cet après-midi, un courriel de Sheryl Fink, du Fonds international pour la protection des animaux, au sujet de l'étude de la gestion de la population de phoques gris au large de la côte est du Canada. Dans son message, elle dit notamment ceci : « L'abattage est recommandé selon l'hypothèse que l'élimination des phoques gris facilitera le rétablissement des stocks de morue. Cet abattage, qui porte sur des centaines de milliers d'animaux, sera forcément cruel et, contrairement à ce que prétend le rapport, il n'est pas justifié par des preuves scientifiques ». Pourriez-vous répondre à ses affirmations selon lesquelles ce sera « forcément cruel » et ce n'est pas « justifié par des preuves scientifiques »?
Ma deuxième question concerne le fait que vous nous avez dit qu'un phoque gris pèse 300 kilos, vit 30 à 40 ans, se reproduit à compter de l'âge de cinq ans et mange cinq kilos de poissons par jour. À partir de quel âge une morue peut-elle se reproduire? Un an, deux ans, trois ans, quatre ans? Les phoques mangent-ils des jeunes morues avant qu'elles ne puissent se reproduire ou attendent-ils simplement qu'elles atteignent leur taille adulte?
Ma troisième question est la suivante. Dans votre rapport, à propos des questions à examiner pour l'avenir, vous dites que le MPO est ouvert à la possibilité de faciliter d'autres arrangements qui appuieraient la création d'une chasse aux phoques prospère sur le plan économique. Quelle forme cela revêtirait-il, de quelle sorte d'arrangement s'agirait-il et pour la vente de quels types de produits?
M. Simon : Mme Fink, de l'IFAW, a également fait part d'opinions similaires au ministère à de nombreuses reprises. Je tiens à souligner que deux membres de cet organisme ont participé au processus d'évaluation scientifique. L'un d'eux était le conseiller scientifique de la fondation. Ces personnes font partie du groupe qui émet des objections, mais elles ont été d'accord avec la conclusion finale.
En ce qui concerne la cruauté de la chasse, la réglementation prévoit le processus en trois étapes dont M. Balfour a parlé. Un groupe de vétérinaires a étudié cette façon de tuer les animaux et ce groupe était également bien équilibré, composé à la fois d'Européens et d'Américains. Ces vétérinaires ont aussi conclu que si c'est fait comme il faut et conformément à la réglementation, cette façon de tuer les animaux est sans cruauté.
Pour ce qui est de l'absence de justification scientifique, je pense qu'il s'agit d'un environnement complexe. Nous ne pouvons pas faire des recommandations avec 100 p. 100 de certitude. Nous avons parlé du processus qui a été suivi : 31 documents de recherche différents ont été examinés par une cinquantaine d'experts internationaux qui ont discuté entre eux des résultats. La conclusion qu'ils ont tirée est ce que nous appelons un avis scientifique. C'est un avis scientifique évaluée par les pairs qui ont suivi un processus établi à Pêches et Océans pour donner cet avis.
En ce qui concerne la morue plus précisément, je connais moins bien ce domaine, mais les morues commencent à se reproduire vers l'âge de cinq ans. Les phoques les mangent quel que soit leur âge. Dans certaines zones, ils mangent surtout les juvéniles. Les secteurs qui nous inquiètent vraiment sont ceux où ils s'attaquent aux adultes reproducteurs. C'est là que le phoque a le plus d'impact en éliminant les sujets importants pour la productivité de la morue.
Le sénateur Oliver : Le résultat ne serait-il pas le même si les phoques mangeaient toutes les jeunes morues, avant l'âge de cinq ans, avant qu'elles ne puissent se reproduire?
M. Simon : L'impact est important, mais pas autant, car la croissance de la population dépend davantage des animaux reproducteurs que des juvéniles. Les juvéniles ne survivent pas tous jusqu'à l'âge adulte, mais une fois que nous avons des animaux reproducteurs, ce sont eux qui sont les plus précieux, si vous voulez, pour la productivité du stock de morue.
M. Balfour : Pour être clair, en ce qui concerne la mention de centaines de milliers d'animaux dont l'abattage a été recommandé par les scientifiques, en ce qui concerne la partie sud du golfe, il s'agit de 70 000 phoques sur une période de cinq ans.
Si nous procédions à un programme de réduction, il serait essentiel de veiller à ce que le prélèvement des phoques soit fait sans cruauté en suivant le processus en trois étapes. Ce processus a également été examiné par un groupe international de vétérinaires qui ont confirmé qu'il s'agissait d'une méthode permettant de tuer les phoques sans cruauté.
Nous devrons aussi nous assurer que les participants respecteront une norme professionnelle et que nous pourrons exécuter cette opération de façon très ordonnée et sous une surveillance étroite pour être certains de nous conformer aux normes internationales. Bien entendu, il sera important pour nous de démontrer que nous procédons de façon raisonnable et prudente.
Pour ce qui est du développement des produits de phoques gris, ils revêtiraient la forme de peaux, qui est un produit traditionnel, de viande ou d'huile. Le phoque est riche en acide gras oméga dont il pourrait devenir une excellente source. Une entreprise du Québec a étudié, par exemple, la possibilité d'utiliser les valvules cardiaques du phoque pour remplacer celles du cœur humain au lieu d'utiliser les valvules cardiaques du porc. Des recherches sont également réalisées dans ce domaine.
Le travail a commencé, mais il s'agit de trouver un marché, d'informer ce marché sur le plan de la qualité du produit et de le développer. Cela ne se fait pas du jour au lendemain et ce n'est pas sans difficulté.
Le sénateur Baker : Comme l'a dit le sénateur Patterson, il vient d'une région semblable à la mienne. Je représente la côte nord-est de Terre-Neuve d'où viennent tous ceux qui chassent régulièrement le phoque. Sur la Colline du Parlement, certains d'entre nous, pas très nombreux, ont l'habitude de manger de la viande de phoque. Nous savons, comme le sénateur Patterson, combien la viande de phoque est nutritive et quels sont ses effets sur les gens. Nous sommes également au courant de la découverte récente de ce qu'on appelle la protéine antigel dans le sang des poissons qui vivent en eau profonde et dont on se sert maintenant pour faciliter la transplantation d'organes. Cette protéine allonge la période de temps pendant laquelle les organes peuvent être conservés avant d'être transplantés.
Je m'étonne de voir Mme Mithani ici ce soir, car c'est un expert en psychopharmacologie de réputation internationale.
Mme Mithani : Oui.
Le sénateur Baker : Vous devez travailler à Pêches et Océans depuis peu de temps.
Mme Mithani : En effet, je suis là depuis deux ans.
Le sénateur Baker : C'est incroyable, monsieur Balfour. Si j'étais à votre place, je la chargerais immédiatement d'examiner les propriétés de la viande de phoque et ce qui lui permet de produire des résultats que le sénateur Patterson et moi avons constatés chez les gens du Nord.
Madame Mithani, je ne sais pas si vous avez eu le temps de vous familiariser avec le ministère. Vous étiez à Santé et Bien-être Canada, n'est-ce pas, et avant cela, vous avez travaillé sur la scène internationale?
Mme Mithani : Oui.
Le sénateur Baker : Allez-vous jouer un rôle sur ce plan? Le ministère va-t-il agir intelligemment en vous laissant établir quelle est la valeur réelle des produits du phoque?
Mme Mithani : Le mandat du secteur des sciences, des écosystèmes et des océans dont je suis chargée n'a pas le pouvoir ou la responsabilité de se pencher sur les utilisations médicales des produits du phoque et j'ai donc bien peur que ce ne soit pas ce que je vais faire. Néanmoins, je peux vous dire que les conclusions scientifiques résultant du processus consultatif sont tout à fait valides.
Le sénateur Baker : C'est très encourageant. Vous avez des doctorats et une grande crédibilité. Vous êtes une spécialiste des effets que les médicaments ou les aliments peuvent avoir sur votre cerveau et votre organisme.
Monsieur Balfour, je pense vraiment que vous devriez songer à confier une nouvelle mission à Mme Mithani.
Comme le sénateur Patterson pourra vous le dire, après avoir mangé du phoque, vous sentez votre énergie augmenter presque instantanément.
N'est-ce pas exact, sénateur?
Le sénateur Patterson : Oui, rien d'autre ne vous réchauffe autant quand il fait froid.
Le sénateur Baker : Oui, c'est une des propriétés incroyables de cet aliment.
Monsieur Balfour, si je comprends bien, une coopérative de pêcheurs de la côte nord-est de Terre-Neuve-et-Labrador, que le président, le sénateur Manning, connaît très bien, a offert de se charger d'une partie de la viande. L'ancien ministre des Pêches n'était-il pas allé en Chine afin d'ouvrir des marchés pour ce produit?
M. Balfour : Notre ancien ministre est allé en Chine, en janvier dernier, pour parapher une entente de coopération que le gouvernement chinois est maintenant en train d'examiner. Lorsqu'il aura terminé son examen, nous espérons qu'il autorisera les importations de viande et d'huile de phoque qui seront utilisées en Chine.
Le ministère et la province de Nouvelle-Écosse ont collaboré à un projet avec les chasseurs de phoques de la côte nord-est, l'année dernière. Ils ont pris des dispositions pour qu'environ 200 phoques gris soient abattus sur l'île Hay et transportés à Terre-Neuve où ils ont été utilisés pour faire des tests portant sur l'huile et la viande de phoque. Il y a eu une certaine participation du collège vétérinaire de l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a joué un rôle pour confirmer qu'il n'y avait pas de contaminants dans la viande et qu'elle était de haute qualité et propre à la consommation humaine. Cette coopérative a préparé des échantillons et cherche la possibilité de pénétrer le marché chinois et les autres marchés asiatiques avec ces produits. C'est assez prometteur.
Le sénateur Baker : Comme le sait le président, les pelleteries de phoque servent à fabriquer des vêtements et des chaussures. Les golfeurs professionnels de Floride et d'ailleurs portent des chaussures en peau de phoque qui coûtent environ 2 000 $ la paire parce que c'est la matière idéale pour le golfe. Le phoque peut être utilisé entièrement, comme le président l'a déclaré si souvent.
Le président : Merci, sénateur Baker. Il est très agréable de parler du phoque gris en écoutant vos commentaires imagés.
Pour ce qui est des marchés, vous avez mentionné les efforts qui sont actuellement déployés pour ouvrir le marché chinois à la viande de phoque et aux autres produits dérivés du phoque. Dirige-t-on les mêmes efforts vers d'autres pays que la Chine pour créer un marché?
M. Balfour : Je ne suis pas au courant d'autres initiatives pour le moment. Comme je l'ai mentionné, un groupe de travail a été constitué pour collaborer avec les provinces sous l'égide du Conseil des ministres des Pêches et de l'Aquaculture de l'Atlantique. C'est pour élaborer une stratégie d'innovation et de commercialisation avec le secteur pour qu'il puisse poursuivre ses efforts — en ce qui concerne le phoque gris et le phoque du Groenland — afin de trouver d'autres formes de produits et d'autres débouchés commerciaux.
Le président : Y a-t-il quelqu'un au ministère qui s'occupe des valvules cardiaques et des autres produits dérivés du phoque? Fait-on des efforts de ce côté-là, au ministère?
M. Balfour : Pour ce qui est du développement, de la promotion ou de la commercialisation du poisson ou des fruits de mer, ce n'est pas le genre de travail pour lequel le MPO est mandaté. Nous avons joué un rôle de facilitateur, dans la mesure du possible, pour coordonner les efforts avec les provinces qui possèdent ces moyens. Il y a une collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Agriculture et Agroalimentaire Canada a un programme de promotion des fruits de mer et, bien entendu, il y a le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Pour ce qui est d'essayer de réunir le tout, nous nous concentrons sur notre rôle qui est de gérer la pêche au phoque et la recherche scientifique. Notre ministère ne s'occupe pas du développement des produits, que ce soit pour n'importe quelle espèce de poisson ou pour les mammifères marins.
Le président : Votre ministère ou un autre a-t-il été contacté au sujet des valvules cardiaques? Savez-vous si quelque chose a été fait à cet égard?
M. Balfour : Le ministère n'a pas été contacté à part une demande de quota de développement pour le phoque du Groenland. Ce quota doit permettre d'abattre des phoques du Groenland en dehors de la saison normale de pêche et d'avoir ainsi une source d'animaux pour mettre au point ce genre de produits. Nous sommes intervenus sur ce plan-là et nous nous sommes efforcés d'être coopératifs. Je dois dire que le secteur de la chasse commerciale aux phoques en a fait autant. Il a accepté de prélever un quota de développement pour la mise au point de produits d'innovation sur le TAC disponible pour le phoque du Groenland.
Le sénateur Raine : Veuillez m'excuser pour mon arrivée tardive. Je lirai le procès-verbal de la réunion.
J'espère que cette question n'a pas déjà été posée, mais d'après ce que j'ai lu, j'ai l'impression que nous devons réduire la population pour équilibrer la nature. Si nous éliminons 73 000 phoques gris, combien d'emplois cela va-t-il créer? Quelle serait la meilleure façon de procéder? Je ne pense pas que nous puissions lever une armée pour le faire. Il semble plus logique de recourir aux personnes qui savent déjà comment chasser le phoque et de les payer pour chasser. Pourrions-nous le faire rapidement? Nous avons du rattrapage à faire car la situation est intenable.
M. Balfour : Je suis d'accord avec vous. Si nous procédons à l'élimination de phoques gris dans la partie sud du golfe du Saint-Laurent, nous devrons avoir une stratégie ciblée afin de concentrer nos efforts sur les prédateurs de la morue. Nous avons l'intention de recourir à des chasseurs de phoques professionnels pour l'exécution de ce programme. Ils ont la formation et l'expérience voulues pour tuer des phoques sans cruauté, ce qui est un élément essentiel.
Cela se ferait à une échelle permettant au ministère de s'assurer lui-même de la bonne gestion, de la bonne surveillance et du contrôle de l'opération. Nous devrons veiller à ce que l'élimination soit ciblée là où nous estimons qu'elle donnera les meilleurs résultats pour atteindre les objectifs visés.
Le sénateur Raine : Que deviendront les carcasses une fois que cette élimination des phoques aura eu lieu?
M. Balfour : Lorsque le phoque aura été tué et saigné, il faudra lui ouvrir le ventre afin qu'il puisse couler au fond de l'eau. Il fera alors partie de l'écosystème.
S'il était possible d'utiliser ces animaux pour produire un repas quelconque ou un produit dérivé, c'est une chose que nous serions prêts à envisager si c'était exploitable sur des bases commerciales.
Le sénateur Raine : Même si nous éliminons 73 000 phoques, il en restera sans doute beaucoup pour établir une chasse commerciale et développer de nouveaux produits. Nous ne risquons pas d'en manquer.
M. Balfour : Absolument pas. Je vais laisser les scientifiques en parler, mais le prélèvement de ces 70 000 phoques sur cinq ans n'aurait aucune incidence sur le total autorisé des captures établi pour la chasse commerciale. Le TAC est actuellement de 60 000 animaux. La population pourra se remplacer. Notre but est de donner un répit à la morue. Il est probable que les phoques repeupleront les zones du golfe où nous allons les éliminer. Nous espérons que ce sera lorsque la morue se sera rétablie et pourra se reproduire et faire face à la prédation des phoques.
Le sénateur Hervieux-Payette : Comme vous le savez, Mme Bardot m'a traitée de toutes sortes de noms parce que j'appuyais les chasseurs de phoques. Peu m'importe la belle réputation qu'elle m'a faite. Néanmoins, je crois que les Européens limitent la population de phoques avec le gouvernement danois. Ils font de l'abattage à grande échelle et c'est pourquoi je suis ici ce soir. Je ne siège pas habituellement à ce comité. J'aimerais peut-être continuer d'étudier cette question. Je suis beaucoup plus scandalisée par les Européens qui vont devant l'Organisation mondiale du commerce pour s'opposer au Canada sur cette question pendant qu'ils autorisent qu'on tue toutes sortes d'animaux. Je ne pense pas que ce soit une façon très acceptable de le faire, mais cela se fait dans tous les pays d'Europe.
J'espère que notre gouvernement continuera de se battre et que nous dénoncerons les autres gouvernements qui ne le font pas. Je ne mets pas en doute la façon dont les animaux sont tués. Je ne sais pas comment les Européens les tuent. Je sais seulement qu'ils ne les utilisent pas. Voilà ce qui me préoccupe. Je suis ici pour m'assurer que si ce n'est pas votre ministère ce sera un autre ministère qui s'efforcera d'utiliser ces animaux de façon durable.
Je voudrais avoir le graphique de vos prévisions, année par année, après l'abattage de 70 000 phoques, ainsi que leur taux de reproduction afin de voir comment cette population évoluera, son taux de natalité, son taux de mortalité et le fait que nous éliminerons 14 000 animaux par année. Nous avons besoin de ces données. Les gens savent que je ne suis pas très conservatrice, mais je vais défendre cette politique et également féliciter votre ministère pour le travail que vous accomplissez. Nous comptons sur vous pour les données scientifiques.
Je sais que le gouvernement du Nunavut va venir ici. J'espère qu'il signera également l'entente pour que l'abattage soit fait sans cruauté. Nous avons établi un code de conduite avec le secteur et les provinces qui va au-delà de votre réglementation. C'est un état d'esprit; les gens comprennent ce qu'ils font et c'est fait au mieux des intérêts de toutes les espèces vivantes de cette planète, y compris nous-mêmes.
Êtes-vous d'accord avec moi? Allons-nous obtenir ces renseignements?
Mme Mithani : Nous avons des arguments scientifiques parfaitement valides pour faire un prélèvement ciblé d'un certain nombre de phoques dans une zone donnée. On a étudié si le prélèvement de 70 000 animaux causerait des dommages collatéraux aux phoques gris. Le processus d'évaluation zonale a également délibéré à ce sujet. La conclusion des participants est qu'ils ne s'attendent pas à des dommages collatéraux pour la population de phoques, d'après leurs calculs et les preuves directes et indirectes de notre programme scientifique.
Il est également important de souligner que si nous suivons l'avis des scientifiques et que nous prenons cette mesure de gestion, il y aura une surveillance scientifique et des modifications seront apportées selon les besoins, au fur et à mesure que nous recueillerons des données scientifiques.
Nous avons mis en place un bon nombre de filets de sécurité pour donner suite à ces recommandations et cela s'appuie sur des arguments scientifiques valides.
Le sénateur Patterson : Je voudrais rendre hommage au sénateur Hervieux-Payette pour sa compréhension de la chasse au phoque traditionnelle dans le Nord. Je trouve également formidable que nous ayons au comité un sénateur qui a mangé du phoque et qui comprends sa valeur nutritive considérable. Néanmoins, je m'écarte du sujet.
Vous avez mentionné qu'il y a six espèces de phoques dans ce que j'appellerais les eaux du sud. Nous avons parlé de la prédation du phoque gris à l'égard de la morue. En ce qui concerne les autres phoques des autres espèces, savons-nous ce qu'ils mangent? Savons-nous s'ils mangent également de la morue?
M. Simon : Oui, nous avons certaines données. Les deux autres espèces qui sont les plus abondantes dans la région de l'Atlantique sont le phoque à capuchon et le phoque du Groenland dont nous avons beaucoup étudié le régime alimentaire. Nous n'avons pas tiré les mêmes conclusions pour ces deux espèces que pour le phoque gris. Le phoque du Groenland et le phoque à capuchon ont été étudiés par un groupe de chercheurs nommé par un ministre précédent. Ils ont examiné la situation, mais en raison de sa complexité, ils n'ont pas pu tirer de conclusion. Ils ont dit que le phoque du Groenland mange une grande quantité de poisson, y compris une grande quantité de morue, mais qu'ils n'avaient pas suffisamment de renseignements pour conclure que si la population de phoques du Groenland était réduite, la morue en bénéficierait. L'incertitude est due à d'autres facteurs qui contribuent à la mortalité de la morue.
Le phoque à capuchon est un très gros animal. Il mange également du poisson, mais nous sommes un peu moins renseignés sur son régime alimentaire. Nous savons ce qu'il mange, mais pour savoir quel est son impact sur les populations dont il est le prédateur, nous aurions besoin de plus de données.
Le sénateur Patterson : Le phoque à capuchon et le phoque du Groenland sont plus gros que le phoque gris à l'âge adulte, n'est-ce pas?
M. Simon : Non. Le phoque à capuchon est le plus gros et vous avez ensuite le phoque gris, puis le phoque du Groenland.
Le sénateur Oliver : Combien pèsent-ils?
M. Simon : Vous mettez mes connaissances à l'épreuve. Le phoque du Groenland pèse environ 200 kilos et le phoque à capuchon pèse jusqu'à 460 kilos.
Le président : Je tiens à remercier les témoins d'être venus ce soir. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements. Comme je l'ai dit, c'était notre première séance. Nous nous réservons le droit de vous rappeler si nous avons besoin d'éclaircissements sur certaines questions. Nous pensons que nous aurons un débat intéressant au cours des deux prochains mois pour essayer de trouver une solution satisfaisante. Comme vous l'avez vu aujourd'hui, les gens ont des opinions bien arrêtées dans un sens ou dans l'autre. Nous comptons sur le sénateur Harb pour nous parler des effets positifs que les phoques gris ont sur la morue. La seule chose à laquelle je peux penser c'est qu'ils les font nager plus vite. Nous verrons où cela nous mènera.
Je vous remercie pour votre présence ici aujourd'hui.
(La séance est levée.)