Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 4 - Témoignages du 6 décembre 2011
OTTAWA, le mardi 6 décembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 17 h 12 pour étudier la gestion de la population des phoques gris au large de la côte est du Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis ravi de vous accueillir à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Mon nom est Fabian Manning, je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside ce comité.
Avant de laisser nos témoins nous dire quelques mots, j'aimerais les inviter à se présenter au comité, s'il vous plaît.
Dion Dakins, directeur, NuTan Furs Inc. : Je m'appelle Dion Dakins, de NuTan Furs Incorporated, à Trinity Bay, à Terre-Neuve. Je suis également président du comité de la chasse au phoque de l'Institut de la fourrure du Canada, dont je suis membre du conseil d'administration.
Rob Cahill, directeur exécutif, Institut de la fourrure du Canada : Je suis Rob Cahill, directeur exécutif de l'Institut de la fourrure du Canada, ici, à Ottawa.
Pierre-Yves Daoust, professeur de pathologie anatomique et de pathologie de la faune, Collège vétérinaire de l'Atlantique, Université de l'Île-du-Prince-Édouard : Je m'appelle Pierre-Yves Daoust. Je suis vétérinaire de la faune au Collège vétérinaire de l'Atlantique de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, et je suis membre du conseil d'administration de l'Institut de la fourrure du Canada en tant que représentant de l'Association canadienne des vétérinaires de zoo et de la faune.
Le président : Merci beaucoup. Le comité poursuit son étude sur la gestion de la population des phoques gris au large de la côte est du Canada. Les témoignages que vous présenterez aujourd'hui s'ajouteront aux discussions que nous avons depuis quelques semaines et que nous souhaitons poursuivre au cours des prochains mois. Nous espérons être en mesure de présenter un rapport au Sénat au plus tard en juin 2012. Au nom des membres du comité, j'aimerais remercier les témoins d'être venus nous parler aujourd'hui. Je demanderai maintenant aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur MacDonald : Je suis Michael MacDonald, de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Hubley : Je suis Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Sénatrice Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Ethel Cochrane, de la côte ouest de Terre-Neuve.
Le sénateur Raine : Je suis Nancy Raine, de la côte ouest du Canada.
[Français]
Le sénateur Poirier : Je suis Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Poy : Je suis Vivienne Poy, de Toronto, en Ontario.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.
Le président : Comme vous voyez, les membres viennent de partout au pays. Qui vient de se joindre à nous?
Le sénateur Watt : Le sénateur Watt, du Nunavik.
Le président : Nous avons commencé notre étude il y a quelques semaines et nous avons entendu quelques excellents exposés. Nous sommes impatients d'en entendre d'autres au fil des prochains mois et pour ce faire, nous irons faire un tour sur la côte est du Canada.
Nous avons demandé aux témoins de présenter leurs observations préliminaires. Ensuite, nous aurons une période de questions avec les sénateurs, qui devrait durer une heure ou une heure 45 minutes. Si vous êtes prêt à passer en premier, allez-y. Nous avons hâte de vous entendre.
M. Dakins : Merci beaucoup. En tant que président de notre comité, j'aimerais remercier tout le monde pour cette occasion de parler d'un enjeu qui est sans doute en train de devenir un défi écologique pour les provinces de l'est du Canada, et j'aimerais souligner que certains membres de notre comité viennent de la Colombie-Britannique, et ils travaillent d'arrache-pied sur des initiatives de gestion des populations de phoques sur la côte ouest du Canada. À ce sujet, ils sont toujours en communication avec le gouvernement.
À mon avis, à l'échelle planétaire, la question relative à la gestion des interactions entre les phoques et les poissons est plus importante que jamais; c'est de même pour la question de la gestion future des ressources en phoques par les pays où ils sont présents. Les enjeux concernant les phoques gris sont capitaux. Au large de la côte est du Canada, nous respectons à la lettre la recommandation du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques relativement à la chasse au phoque gris. Notre comité se concentre sur le phoque gris et discute des options liées à leur gestion depuis quelques années maintenant avec nos membres situés au large de la Nouvelle-Écosse. Notre entreprise, celle pour laquelle je travaille, NuTan Furs Incorporated, participe aux efforts de mise sur pied d'une industrie liée au phoque gris dans la région de la Nouvelle-Écosse, en particulier sur l'île de Hay, depuis une dizaine d'années.
Vous remarquerez que j'ai apporté quelques fourrures avec moi. Il s'agit de jeunes phoques ou de phoques faisant partie du groupe d'âge le plus jeune. Nous les achetons de pêcheurs de Nouvelle-Écosse, nous les corroyons et mettons les produits en marché de manière à en connaître l'acceptabilité sur le marché. Nous produisons également des capsules d'huile de phoque oméga-3 de marque Terra Nova, que nous mettons en marché partout dans le monde, y compris ici même, au Canada. L'huile du phoque du Groenland a également été évaluée pour ce type de produit et elle convient à cet usage. Même si notre entreprise n'était pas directement impliquée, j'ai cru comprendre que d'autres entreprises avaient étudié la possibilité de vendre la viande des phoques, jeunes et moins jeunes, comme produits, et en fait, il y a un marché pour ces produits.
Nous examinons cette ressource abondante que constitue le phoque gris et nous voyons là une occasion. Nous ne le considérons pas nécessairement comme un parasite, même s'il constitue un défi pour nous. Le débat concernant les interactions entre les phoques et les poissons est de plus en plus vigoureux en ce moment dans les provinces de l'Atlantique parce que les pêcheurs, qui voient leurs quotas diminuer chez presque toutes les espèces, vivent des moments difficiles sur le plan économique. Pendant ce temps, les phoques gris, dans la même région, leur font concurrence pour les mêmes ressources.
En tant que Canadiens, nous croyons que nous devrions respecter les principes de base établis par la commission Malouf il y a quelques années. Le gouvernement fédéral a mis du temps, de l'argent et des efforts pour comprendre les principes qui régissent l'exploitation des mammifères marins. À l'époque, on avait conclu que tant que nous ne mettions pas une espèce en danger, que nous en faisions la conservation, que les pratiques exemplaires étaient utilisées du point de vue du bien-être de l'animal, et que l'utilisation finale des produits était pragmatique ou pratique, que ce soit la fourrure, la viande ou l'huile, nous aurions l'appui de la communauté internationale pour ces produits. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), tous les pays visent l'utilisation sage et durable des ressources naturelles de la planète.
Je suis à votre disposition pour répondre à toute question sur nos initiatives de développement. Lorsque notre directeur exécutif Rob Cahill, ainsi qu'un de mes collègues de l'Institut de la fourrure parleront du bien-être des animaux et de leur point de vue général sur l'utilisation de la fourrure, en particulier par rapport au phoque gris, je pense que nous pourrons aisément réaliser que nous ne sommes pas les seuls intervenants dans le débat.
Si vous jetez un coup d'œil à cet ouvrage, vous constaterez que celui-ci a été approuvé par l'Union européenne il y a à peine cinq ans; il y a constamment des initiatives au sein de l'Union européenne pour commercialiser les produits de leur propre récolte du phoque gris. Au verso de la couverture et dans d'autres documents promotionnels, vous verrez que le parlement européen a versé une contribution des plus importantes, ayant fourni 500 000 euros dans le cadre d'un programme de trois ans. Tous les produits obtenus venaient des phoques gris. En fait, nous pourrions peut-être prendre de l'avance en utilisant le travail qu'ils ont déjà fait pour nous; nous ne partons donc pas de rien.
Par ailleurs, lorsque nous parlons à nos pêcheurs, il est difficile de comprendre pourquoi le phoque est à ce point scruté à la loupe quand nous avons déjà prouvé que nos efforts sont durables et que nos pratiques sont exemplaires. Nous encourageons le comité à explorer toutes les avenues. Nous voulons participer en tant qu'industrie — nous comptons des associations de chasseurs et des experts du bien-être des animaux — et nous aimerions voir cette ressource être mise en valeur tout en trouvant un moyen d'aller de l'avant afin de définir quelle doit être la population de phoques pour que les poissons jouissent d'un écosystème optimal et que nos collectivités de l'Est du Canada obtiennent les meilleurs résultats économiques possible.
Je vous remercie encore de nous avoir donné l'occasion de témoigner. Je cède la parole à mes collègues.
M. Cahill : Bonsoir à tous. Je suis ravi d'être ici. Merci de nous donner le temps de vous présenter une partie des travaux réalisés par l'Institut de la fourrure du Canada relativement à la question de la chasse au phoque et à d'autres questions connexes concernant l'utilisation sage et durable des ressources canadiennes dans le domaine de la fourrure.
Nous sommes un organisme non gouvernemental national qui compte de nombreux intervenants au sein des gouvernements et de l'industrie parmi ses membres, notamment les organismes provinciaux et territoriaux de protection de la faune, des joueurs de l'industrie, des associations de chasseurs-pêcheurs-trappeurs, ainsi que des vétérinaires. Les groupes de protection des animaux sont membres et peuvent étudier les problèmes liés à l'utilisation des animaux. Notre organisme a été mis sur pied en 1983 par ordre du Conseil des ministres de la Faune du Canada afin de mettre sur pied une table ronde d'intervenants qui avait pour mandat de composer avec ce dossier difficile que constituait la fourrure. En fait, 1983 se situe juste après la première grande guerre contre la chasse au phoque, qui était un problème épineux à l'époque et au sujet duquel le Canada croyait avoir besoin d'un organisme qui s'occuperait des nombreux problèmes entourant la fourrure.
L'Institut de la fourrure du Canada a mis sur pied un comité sur la chasse au phoque en 2005. Les membres qui avaient un intérêt dans la chasse au phoque sentaient le besoin de traiter des questions concernant la gestion, les pratiques et le commerce international.
Des chasseurs de phoques, des groupes d'Inuits et de non-Inuits, des transformateurs et commerçants de produits liés au phoque, M. Dakins, des vétérinaires, des gouvernements provinciaux et territoriaux de l'est et du nord du Canada ainsi que de la Norvège participent au comité sur la chasse au phoque.
Les objectifs du comité ne se limitent pas à observer les questions qui touchent le Canada; ils sont aussi internationaux : où sont les phoques et comment en fait-on la gestion, l'interprétation et l'utilisation dans les autres régions où ils se trouvent? Le Canada n'est pas seul. Il est même indiqué clairement dans l'interdiction de commerce de l'Union européenne de 2009 qu'on chasse le phoque à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne. Nous le savons. J'en parlerai un peu plus tard. Nous ne sommes pas seuls. Nous avons tendu la main à quelques-uns des autres pays où on chasse le phoque pour comparer nos travaux et nos pratiques exemplaires et trouver des pistes de collaboration.
Nous voulons regrouper tous les intervenants qui s'intéressent à la question de la chasse au phoque et trouver des solutions aux nombreux problèmes auxquels ils sont exposés, notamment en matière de communication et d'élaboration de stratégies. Nous croyons fermement en la promotion du professionnalisme et des pratiques exemplaires. L'Institut de la fourrure du Canada a été fondé en tant qu'organisme officiel d'essai au Canada pour la mise en œuvre de l'Accord sur les normes internationales de piégeage sans cruauté, une norme fondée sur les pratiques exemplaires en matière de piégeage et de gestion des animaux à fourrure sauvages. Nous offrons ce contexte scientifique et une coordination pour régler cet enjeu de façon professionnelle et nous sommes le point de contact principal, en collaboration avec les intervenants des gouvernements, de l'industrie et du milieu scientifique, pour les questions concernant la chasse au phoque.
En 2010, nous avons présenté une proposition au ministère des Pêches et des Océans en réponse aux études de faisabilité qui ont été rendues publiques en 2009 au sujet d'un programme de gestion des phoques gris par incinération des phoques gris ou par immunocontraception. Aucun de ces deux programmes n'a été jugé par nos membres comme constituant une approche raisonnable pour gérer cette ressource abondante. Nous croyons également qu'il existe une troisième option qui n'a pas été prise en compte. Il s'agit, à notre avis, d'un plan de gestion axé sur le marché, utilisant les gens sur le terrain qui sont actuellement des chasseurs de phoque ainsi que les entreprises de transformation et l'industrie, qui utilisent les divers produits que la récolte du phoque pourrait générer, et qui sont prêtes à accroître leur utilisation.
Nous évaluons la durabilité d'un plan. Un programme d'incinération est peut-être irresponsable, mais nous l'examinons en considérant qu'il s'agit d'un programme durable; si on examine son coût, soit environ 20 millions de dollars, il ne s'agit pas d'un programme raisonnable ou efficient.
Nous étudions la logistique nécessaire dans le contexte de la mise en œuvre d'un plan de gestion des phoques gris axé sur les pratiques exemplaires, le bien-être de l'animal, l'usage responsable, la valeur marchande et l'utilisation complète de toutes les ressources prises. Bien entendu, les éléments de communication sont très importants en ce qui concerne cette question, qui est controversée et délicate, mais doit être réglée; nous devons donc consulter tous les secteurs.
Les partenaires visés par la présentation que nous avons faite pour entreprendre cette étude de faisabilité sont les communautés scientifique et universitaire, les représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les associations de chasseurs de phoques, l'industrie et le secteur privé. Nous avons cru que ce type d'étude de faisabilité pourrait être réalisé dans une période de trois mois.
Nous avons présenté une autre proposition au ministère des Pêches et des Océans pour relever ce grand défi visant à améliorer le bien-être des animaux relativement à la récolte des phoques et à ce qui l'entoure. Nous pourrions peut-être, une fois de plus, observer ce qui a été fait en Europe. Là-bas, on s'est concentré sur le bien-être des animaux, mais l'enjeu, c'était la commercialisation. Nous avons cru, avec notre expérience du respect du bien-être des animaux dans ce qui entoure la chasse aux animaux sauvages, que nous pouvions transposer cette expérience à la chasse au phoque, et en collaboration avec les vétérinaires, l'industrie et le gouvernement, nous avons préparé un plan exhaustif qui pourrait être réalisé à long terme et qui, à notre avis, pourrait idéalement être utilisé par le gouvernement du Canada pour l'élaboration de normes concernant la chasse au phoque.
Une fois de plus, nous ne sommes pas les seuls au monde à entreprendre ce genre de pratique. Nous ne sommes pas les seuls au monde dont les pratiques sont critiquées. Nous croyons que de nouvelles évaluations scientifiques doivent être réalisées. Je vais laisser mon collègue, M. Daoust, vous donner plus de détails à ce sujet.
Nous croyons que cette proposition s'inscrit dans la lignée des autres initiatives canadiennes entourant le bien-être des animaux, l'établissement des normes du Conseil national pour le soin des animaux d'élevage, l'Accord international sur les normes de piégeage sans cruauté, ainsi que de nombreuses autres dans l'utilisation des animaux à des fins agricoles. Cette proposition est cohérente.
Elle vise une crainte tout à fait légitime du public qui exige que nous entreprenions ces travaux de la meilleure manière possible.
Nous croyons également que ce type de travail peut être important pour nous assurer des appuis et des marchés internationaux pour les produits issus d'une telle récolte.
Les grandes lignes de ce plan sont fondées, en règle générale, sur l'application des principes liés au bien-être des animaux. Nous avons étudié la possibilité d'étendre la base de données sur le bien-être des animaux à la chasse au phoque, aux pratiques et aux outils traditionnels de chasse qui sont utilisés, aux comparaisons morphologiques entre les phoques, à l'utilisation d'autres outils de chasse et à la question de savoir si des technologies similaires peuvent être utilisées d'un phoque à l'autre. Y a-t-il d'autres outils plus efficaces, plus efficients et peut-être même plus acceptables? Nous avons eu l'appui de tous les secteurs pour répondre à ces questions.
En ce qui concerne l'aspect professionnel des chasseurs de phoques, la formation, ainsi que la communication, sont importantes.
Une autre question ayant fait l'objet de débats au sein du comité sur la chasse au phoque, et que nous examinons plus particulièrement relativement à la question du phoque gris, touche la définition du terme « abattage sélectif ». Quelle est sa définition? Souvent, lorsqu'on entend ce terme, on parle de réduire une population d'animaux et d'élimination.
Du point de vue de l'Institut de la fourrure du Canada et de nos membres, il ne s'agit pas d'une façon raisonnable ou durable d'aller de l'avant. Nous croyons que les principes d'utilisation durable constituent la marche à suivre, conformément à l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, ainsi que la Convention sur la biodiversité, deux organisations dont fait partie le Canada. Ces principes respectent l'opinion publique, comme M. Dakins l'a souligné à partir du rapport Malouf, et nous avons toujours confiance. Selon les sondages que nous avons menés auprès de la population, nous avons constaté que lorsque les gens comprennent les questions entourant la conservation, le bien-être des animaux, ainsi que les questions socio-économiques, on accepte mieux le produit et la pratique.
Nous constatons que cette idée de contrôle parasitaire visant à réduire la population, ou à en faire l'abattage sélectif est une approche de gestion de la faune très prisée au sein de l'Union européenne. Plus d'un million de rats musqués sont piégés chaque année en Europe de l'Ouest. Ils sont ensuite incinérés. Dans certains pays, plus particulièrement aux Pays-Bas et en Belgique, il est illégal d'utiliser ce qui pourrait être produit à partir d'un rat musqué qui a été piégé. Pour ces deux seuls pays, on parle d'environ 500 000 rats musqués annuellement.
Nous avons constaté qu'en ce qui concerne le renard roux dans de nombreux pays d'Europe, même si le piégeage n'est pas permis parce qu'on ne considère pas ce geste comme étant correct, la chasse est autorisée. Cependant, dans certains pays comme la Suisse, la fourrure ne peut pas être utilisée.
Il n'est pas question de la relation entre les humains et les animaux et le fait de tuer un animal. Il semble que le problème concerne l'utilisation finale. Le fait de tuer l'animal ne change rien, c'est permis. On ne peut juste pas l'utiliser. De notre point de vue, c'est une vision complètement arriérée. Nous gagnerions tous, les gens comme les collectivités, à utiliser ces ressources.
On pourrait également utiliser l'exemple de l'écureuil gris au Royaume-Uni. Le ministère des Forêts s'est doté d'un plan visant à piéger un million de bêtes par année au cours des prochaines années pour réduire la population d'écureuils gris, une espèce qui a été importée et qui est en train de chasser l'écureuil roux, qui était déjà là et qui est en voie de devenir une espèce en péril. Ils ont même préparé un tableau de la manière qu'ils croient appropriée pour piéger et frapper l'écureuil sur la tête afin de l'éliminer. C'est leur plan. Il est documenté. Il s'agit d'un autre pays qui considère qu'il est immoral d'utiliser les produits du phoque.
Jetons un coup d'œil à un exemple légèrement différent en Allemagne. Les statistiques allemandes sont très intéressantes : on y chasse environ 1,2 million de chevreuils et 500 000 sangliers par année. La viande produite par cette chasse entre dans la chaîne alimentaire : elle sert à fournir les restaurants. Cette chasse constitue une valeur économique d'environ 40 millions d'euros par année.
On trouve ces grandes incohérences partout dans le monde, particulièrement chez nos amis européens. Nous croyons que si l'abattage sélectif des phoques gris prend cette voie, nous utiliserons le mauvais modèle. Nous croyons que nous devrions utiliser toutes nos ressources et faire appel à des pratiques exemplaires pour faire une gestion correcte.
Comme je l'ai mentionné, d'autres pays chassent le phoque, comme la Norvège et l'Islande. L'Écosse a récemment révisé sa réglementation en matière de chasse au phoque pour que les pêcheurs puissent en faire la chasse là où les phoques ont une incidence sur les stocks de poisson ou sur l'équipement de pêche.
En 2006, les ministres suédois, finlandais et norvégiens ont signé une déclaration commune selon laquelle ils croyaient que la population de phoques gris de la mer baltique, évaluée alors à 40 000 phoques, constituait un problème qui devait être géré. Ils se sont dotés de plans de gestion permettant la chasse au phoque dans ces pays.
Ce livre de recettes a été publié dans le cadre du programme finlandais, suédois et norvégien afin que les gens utilisent les ressources tirées de la chasse au phoque. Malheureusement, l'interdiction du phoque en place en Europe ne permettra plus aux restaurants d'en acheter la viande à moins que ce ne soit fait de façon non lucrative, ce qui ne permet pas le maintien de la récolte des phoques.
Nous croyons qu'en travaillant avec ces partenaires étrangers afin d'élaborer un plan stratégique exhaustif à l'échelle internationale, en collaboration avec divers groupes — des scientifiques et d'autres pays —, nous pourrons trouver une solution à ce problème que nous avons ici au Canada, et que doit régler le présent comité.
Cela dit, je vais conclure. Merci de m'avoir donné la chance de présenter mon exposé, et je suis prêt à répondre à vos questions et à discuter plus en détail.
[Français]
M. Daoust : Je vous remercie de m'avoir invité. J'ai distribué un texte au préalable qui inclut beaucoup de détails. Je n'ai pas l'intention de passer à travers tous ces détails, mais je crois qu'il est important de faire le tour un peu pour vous démontrer tout le travail qu'il reste à faire au point de vue du bien-être animal et d'une meilleure compréhension de la santé de la population de phoques.
Il est très important que les gouvernements fédéral et provinciaux, avec la coopération de scientifiques et de l'industrie investissent dans une meilleure connaissance de ces populations du point de vue de leur santé et du bien-être animal.
Cela fait plus de dix ans maintenant que je travaille comme observateur indépendant, et j'insiste sur le mot « indépendant », de la chasse aux phoques. J'ai eu l'occasion d'observer la chasse autour des Îles-de-la-Madeleine, du Cap-Breton et de Terre-Neuve et Labrador. Mon intérêt en tant que vétérinaire était mon grand respect envers les animaux, surtout les animaux sauvages, et l'importance de m'assurer que si nous allons exploiter nos ressources naturelles que nous le fassions de manière respectueuse.
Très tôt, après avoir commencé à travailler dans ce domaine, j'ai réalisé l'ampleur des connaissances que détenaient les chasseurs sur leur environnement et le fait qu'ils ont à cœur de profiter des ressources naturelles dans leur région pour pouvoir en obtenir une source de rémunération. J'ai développé un grand respect pour ces personnes et de là vient une grande partie de la satisfaction que j'ai à travailler dans ce domaine.
Je me suis concentré sur le bien-être animal, et la raison pour laquelle j'ai commencé à être intéressé à la chasse au phoque, c'est que je voulais avoir une perspective personnelle sur ce qui se passait vraiment sur la glace.
C'est vrai qu'il y avait des améliorations à apporter et, selon moi, depuis dix ans, nous avons beaucoup contribué à améliorer la manière dont nous exploitons les phoques.
Je crains beaucoup, avec la proposition d'abattage sélectif des phoques gris, que tout le travail fait depuis dix ans en soit gravement affecté. Dans mon texte, je dis que je ne suis pas d'accord avec un abattage sélectif de cette population, d'une part parce que cela produit du gaspillage, et d'autre part parce que je n'ai aucune connaissance de discussions précises sur la manière dont on a l'intention d'abattre ces animaux de manière sélective. Cela m'inquiète beaucoup.
J'ai des questions importantes de ce point de vue. Je doute encore que cela puisse se faire de manière appropriée pour le bien-être des animaux. Avant de pouvoir le faire, nous avons besoin d'études importantes. Dans mon texte, juste comme exemple, je mentionne l'emploi d'un silencieux, mais au Canada, comment employer un silencieux?
Si nous proposons une méthode draconienne d'aménager notre population de phoques gris, il faut employer des outils appropriés. Cela veut dire déployer des efforts suffisants pour voir si l'emploi d'un silencieux ne pourrait pas résoudre beaucoup de problèmes quant au bien-être animal. Encore là, il y a des questions qu'on a besoin de se poser.
J'ai mentionné aussi l'immunocontraception. Je suis au courant qu'à l'Université Dalhousie, au début des années 1990, beaucoup d'études ont été faites en ce domaine.
Et même qu'on a essayé d'administrer le vaccin sur le terrain, mais cela n'a pas fonctionné aussi bien qu'on le voulait. Le projet a été abandonné. Est-il possible de revenir à ce projet? C'est possible, selon moi. Cela va demander beaucoup d'efforts, de travail et de recherche, avec une perspective de résultats incertains.
La troisième option que je suggère, j'en suis venu à cette option indépendamment de la perspective de l'Institut de la fourrure du Canada, encore là, ayant à cœur les besoins de rémunération de nos communautés côtières dans les Maritimes et à Terre-Neuve. Avant de faire cela, il va falloir faire de la recherche sur les manières appropriées d'abattre ces animaux parce que les défis sont passablement différents entre les jeunes phoques gris et les phoques adultes. Je donne des précisions à ce sujet dans mon exposé.
Également, si nous voulons profiter autant que possible des produits de ces phoques, ce qui inclut le pannicule adipeux — la graisse — et la viande, encore là, il va falloir répondre à des questions importantes qui ont trait à la santé publique. Cela veut dire développer des méthodes appropriées d'examen des carcasses, et fort probablement de la part des chasseurs eux-mêmes, cela veut dire des ateliers d'information pour leur expliquer les critères à examiner pour s'assurer que les carcasses sont en bonne santé. Il faut également considérer de manière objective la présence possible d'agents infectieux qui pourrait causer un problème du point de vue de la santé humaine, comme on le fait pour les animaux domestiques d'ailleurs.
Donc, plusieurs étapes doivent être franchies avant de pouvoir utiliser pleinement les produits de ces phoques et les abattre d'une manière appropriée. Cela peut prendre du temps, et je suis conscient que l'industrie de la pêche n'a peut- être pas la patience pour cela, mais selon moi, c'est très important de travailler avec l'industrie pour nous assurer que cette information va s'accumuler aussi rapidement que possible pour qu'en fin de compte nous puissions employer nos ressources d'une manière qui reflète vraiment nos valeurs canadiennes.
[Traduction]
Le président : Merci à tous pour ces commentaires intéressants. J'ai hâte de passer aux questions.
Le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse, membre permanent du comité, se joint maintenant à nous.
Le sénateur Hubley : Bienvenue, et merci pour vos exposés enrichissants présentés ce soir.
Les témoins que nous avons entendus jusqu'à maintenant, ce qui comprend les chasseurs et les membres de l'industrie de la chasse au phoque, sont unanimes à considérer le phoque comme une ressource. Ils ne sont pas en faveur d'un abattage sélectif. Ils croient qu'il s'agit d'une ressource dont le potentiel est élevé. Leur premier choix consisterait à essayer de développer les marchés et à explorer d'autres avenues. Le comité a eu l'impression qu'ils ne voulaient pas assister au gaspillage d'une ressource de cette importance, qu'il fallait la gérer.
Monsieur Daoust, selon ce que vous comprenez du comportement des animaux, quelle a été, à votre avis, la contribution de la communauté scientifique à la résolution de ce problème et comment voyez-vous la situation évoluer à l'avenir?
M. Daoust : Il s'agit d'une proposition relativement nouvelle pour des gens à mon poste. D'un point de vue indépendant, je suis désolé de dire qu'aucune étude concertée sur les méthodes appropriées de récolte de ce groupe d'animaux n'a été réalisée. Nous parlons surtout des animaux adultes, qui semblent avoir un effet important sur nos pêches.
L'Association canadienne des médecins vétérinaires a toujours appuyé mon engagement envers l'industrie de la chasse au phoque parce qu'à titre d'organisation professionnelle nationale, elle croit qu'il est important que les vétérinaires, qui sont les mieux placés pour évaluer les questions liées au bien-être des animaux, s'impliquent au sein de l'industrie et en aient une meilleure compréhension afin de nous permettre de trouver des façons pragmatiques d'aider les chasseurs de phoque à utiliser ces ressources.
J'espère que j'ai réussi à exprimer dans mon exposé que nous devions aller de l'avant. Ce que je propose aurait dû être entrepris il y a 10 ans. Il est maintenant temps d'agir avec sérieux.
Le sénateur Hubley : On nous a dit que beaucoup de travail avait été effectué pour le compte des organismes liés aux chasseurs de phoque. On a trouvé de nombreuses utilisations possibles du phoque, y compris des applications médicales, les fourrures ou les oméga-3, qui sont toutes bénéfiques. On a suggéré que les irritants au commerce pourraient être ce qui empêche la commercialisation des produits de la chasse au phoque. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
M. Dakins : Je vous ai distribué une étude de marché pour la North of Smokey Fishermen's Association, que j'ai rédigée pour eux en 2008 afin de les aider à développer un marché. À l'échelle internationale, les difficultés auxquelles sont confrontés les chasseurs de phoque sur le plan de la mise en marché ont augmenté depuis. À l'époque, un des problèmes liés au développement des marchés pour certains produits était l'accès à une ressource suffisante. L'accès à la ressource deviendra plus difficile pour nous à l'avenir parce que le gouvernement du Canada envisage actuellement d'établir l'île de Sable, où se trouve la plus grande population de phoques, comme point d'accès principal à une ressource suffisante permettant de stimuler et de maintenir une industrie. En tant que promoteurs ou propriétaires des produits du phoque, nous ne voulons pas être inondés de ressources pour ensuite devoir composer avec un approvisionnement instable à long terme. Pour encourager les gens à investir dans la création d'un secteur et pour favoriser la demande des consommateurs, un approvisionnement stable est utile.
On doit travailler plus longuement sur la compréhension des différents groupes d'âge. Un élément intéressant au sujet de cette étude et des mesures proposées à ce jour, c'est qu'il n'y a pas de plan à long terme. Il a été recommandé de réduire la population de 70 000 phoques dans une période d'entrée de deux ans. Comment maintenir la population à un niveau aussi bas? Reviendra-t-il au gouvernement du Canada de dépenser des sommes additionnelles au cours des cinq prochaines années pour réduire encore une fois la population de 70 000 phoques, ou pouvons-nous mettre sur pied une industrie viable, axée sur le long terme, qui maintient la population de phoques à un niveau bas qui permet le rétablissement des poissons?
Le sénateur Poirier : Je vous remercie pour votre exposé. L'étude sur le phoque gris est un sujet délicat pour de nombreuses personnes partout dans le monde. Nous recevons des tonnes de courriels, de 80 à 90 p. 100 d'entre eux viennent de gens de l'extérieur du Canada.
Dans mes notes d'avril 2010, j'avais indiqué que l'Institut de la fourrure du Canada avait commandé un sondage avec l'aide des gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nunavut, du Québec et de la Nouvelle-Écosse pour connaître l'opinion des Canadiens relativement à la chasse au phoque. Pouvez-vous nous résumer les résultats de ce sondage d'opinion?
M. Cahill : Je ne suis pas sûr d'avoir une copie de ce sondage avec moi. Oui, j'en ai une.
Beaucoup de monde nous a dit plein de choses en Europe et en Amérique du Nord : on nous disait que les Canadiens étaient contre ce produit et qu'ils ne voulaient pas qu'il soit utilisé. Nous étions d'avis que ces déclarations n'étaient pas représentatives de l'opinion des Canadiens. Nous avons donc commandé une étude à un organisme indépendant. Nous avons travaillé avec cet organisme pour établir les questions de manière à ce qu'elles soient justes pour nous, et appropriées pour l'organisme, pour qu'elles soient posées d'un point de vue indépendant. Bien entendu, quand on commande un sondage, on peut guider les questions dans le sens qu'on veut, mais nous voulions savoir ce que les gens ressentaient.
Nous pensons qu'il était intéressant de constater que les gens considéraient que l'utilisation du phoque était généralement acceptable. Ils pensaient que si la population des phoques était élevée et qu'elle avait des effets sur le poisson, la chasse au phoque était alors appropriée. Ils pensaient aussi que lorsque nous chassons ces phoques, nos pratiques doivent être exemplaires.
Nous avons posé la question suivante : « Croyez-vous que les populations de phoques devraient être gérées pour maintenir ou préserver l'abondance des importants stocks de poisson? » Cette activité semblait raisonnable pour 85 p. 100 des répondants.
Ce que j'ai aussi trouvé très intéressant, c'est le fait que le Canadien moyen n'avait absolument aucune idée de la taille relative de la population des phoques au Canada. Nous avons même vu, dans la documentation et dans les rapports, que l'exploitation des phoques au niveau que celui que nous avons eu pendant des années pourrait mettre en danger la viabilité future de la population des phoques. Lorsque nous avons demandé aux Canadiens d'évaluer cette population, seulement 6 p. 100 des répondants reconnaissaient qu'il y avait 6,9 millions de phoques du Groenland à l'époque. On ne connaît pas la nature du problème, ni les enjeux, ni la réalité.
Il était également intéressant pour nous de constater que 47 p. 100 des répondants savaient qu'on pouvait en produire de la fourrure, alors que seulement 25 p. 100 savaient qu'on pouvait en produire de la viande. Nous avons commandé cette étude juste après la dégustation de la viande de phoque au Parlement, il y avait donc plus de gens au courant. Pourtant, seulement 14 p. 100 de la population canadienne savait qu'on retrouve des oméga-3 dans l'huile de phoque. Nous croyons que si la population canadienne était mieux informée au sujet des questions de conservation, de bien-être et de production, ainsi que sur les incidences de la population des phoques sur les autres sources de nourriture, l'appui général envers cette production serait plus élevé.
Le sénateur Poirier : Certains des groupes à qui nous avons parlé ont dit qu'ils croyaient que le fait que les gens avaient le droit d'observer la chasse au phoque et qu'ils n'avaient pas le droit de faire de même pour la chasse à l'orignal, au chevreuil ou d'autres animaux, aurait pu jouer un rôle sur le fait que les gens aient exprimé leurs doléances. Certains ont cru que la comparaison n'était pas juste. Ils disent que les gens ne s'opposent pas aussi fermement qu'on le pense. Ce qui se passe, c'est que les opposants sont très bons pour crier haut et fort leurs préoccupations. Le résultat du sondage, que j'ai lu au complet, et au sujet duquel vous avez commenté, reflète plutôt cette opinion. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Daoust : Puis-je dire quelques mots?
Le sénateur Poirier : Bien sûr.
M. Daoust : Nous savons que les ressources fauniques sont utilisées partout dans le monde. Si on jette un coup d'œil à la documentation disponible et qu'on la compare à la chasse au phoque, personnellement, en tant qu'observateur indépendant, j'ai beaucoup de mal à voir une différence, sauf peut-être dans le fait que la chasse au phoque est concentrée sur une courte période et qu'elle se fait au grand jour.
Des millions de cerfs de Virginie sont abattus en Amérique du Nord chaque année; un certain nombre d'entre eux, probablement autour de 10 p. 100, ne meurent pas immédiatement. Jusqu'à 40 millions de sauvagines sont tuées chaque année par les chasseurs sportifs. Bon nombre d'entre elles seront grièvement blessées, certaines survivront, d'autres, non. En Écosse, 75 000 wapitis sont tués annuellement. Environ 10 p. 100 de ces bêtes ne sont pas abattues à la première tentative. Par conséquent, si vous observez toutes ces formes d'exploitation de la faune et les comparez au peu que nous savons, j'en conviens, sur la chasse au phoque, personnellement, je ne vois aucune différence. Ce que j'ai observé de la manière la plus objective possible, c'est qu'environ 5 p. 100 des phoques ne sont pas tués d'une manière aussi appropriée que je l'aurais souhaité, pour diverses raisons. Ce n'est pas nécessairement une question de négligence; on parle de chasse. Je ne veux pas critiquer les Écossais qui chassent le wapiti ou les chasseurs sportifs nord-américains qui chassent la sauvagine et le cerf de Virginie. Ça fait partie de la chasse. Par conséquent, j'essaie d'avoir l'œil le plus objectif possible, et je ne vois pas de différence entre la chasse au phoque et les autres formes d'exploitation de la faune.
M. Dakins : Puis-je ajouter un commentaire de la part de notre comité? Nous encourageons le gouvernement du Canada à augmenter le nombre de recherches vétérinaires et scientifiques évaluées par les pairs dans le domaine de la chasse au phoque. En ce moment, nous avons la chance d'avoir un vétérinaire membre de l'Association canadienne des médecins vétérinaires prêt à donner de son temps, gratuitement, au gouvernement du Canada et à l'industrie, pour faire l'évaluation de ce qui constituerait la plus grande et exhaustive recherche sur la chasse au phoque. Les opposants à la chasse au phoque ne peuvent s'appuyer sur aucune étude scientifique évaluée par les pairs. Ce dont nous avons besoin, c'est moins d'observation et plus de communication et de recherche scientifique sur ce que nous faisons. Nous avons cette ressource fantastique. Il devient très évident que nous sommes forcés d'en faire la gestion de concert avec d'autres ressources qui se trouvent dans nos eaux. Nous encourageons présentement les pêcheurs et les transformateurs parce que nous avons également besoin d'une inspection vétérinaire pour rassurer le marché et à des fins de salubrité alimentaire.
M. Cahill : Je pense qu'un grand nombre d'entre nous qui ne sommes peut-être pas des chasseurs — et la majorité de ceux qui voient ces photos ou vidéos ne seront pas des chasseurs, des agriculteurs ou des pêcheurs —, nous n'avons pas eu d'expérience avec le fait de tuer. Il est difficile de voir quelqu'un tuer un animal ou d'y participer. Quand on est inondé par ce genre d'images, on a du mal à composer avec celles-ci. Après avoir discuté avec de nombreuses personnes ici ou en Europe, nous savons que tout ce qu'on souhaite, c'est que ces vidéos cessent d'être diffusées à répétition.
De nombreux groupes qui filment et diffusent ces vidéos sont des firmes de relations publiques qui utilisent ces images pour se financer. Ils ont la possibilité d'observer la chasse. Notre organisme, comme l'a indiqué M. Dakins, favorise une observation accrue. Nous ne croyons pas que cette observation doive être faite par des organismes qui s'en servent à des fins de relations publiques. On doit envoyer des professionnels, des vétérinaires et des observateurs officiels. Si on sent qu'un plus grand nombre d'observateurs est nécessaire pour surveiller cette chasse, en comparaison avec la chasse d'autres animaux sauvages, nous encouragerons la venue d'un plus grand nombre de vrais représentants qui pourront rédiger des rapports officiels et présenter des recommandations.
Je discutais avec une représentante du ministère roumain de l'Environnement pendant les discussions que nous avons eues en Europe. Elle m'a demandé si nous avions des ours ici. J'ai répondu que nous en avions beaucoup. Elle m'a répondu ceci : « Nous avons tellement d'ours, maintenant. Nous devons en chasser un grand nombre, des ours différents, en toutes sortes d'endroits, pour éviter qu'ils entrent dans nos villages et ailleurs. » Nous avons en quelque sorte commencé nos discussions de cette manière.
Je lui ai demandé : « Avez-vous des observateurs derrière chaque chasseur d'ours? » Elle m'a répondu : « Non, bien entendu, nous ne pouvons pas faire ça! », puis, comme les autres Européens l'ont fait, elle a exigé que nous augmentions le nombre d'observateurs tout en se plaignant que notre gestion et notre surveillance n'étaient pas assez serrées. J'ai trouvé cela plutôt étrange.
Le sénateur Poy : Merci pour votre exposé. À partir de ce que vous avez dit au sujet de ce que font certains pays européens avec le phoque gris, je considère qu'il s'agit d'une grande contradiction s'ils pensent qu'ils peuvent faire l'abattage sélectif de leurs phoques gris pendant que nous ne pouvons pas les chasser en tant que ressource.
Est-ce en raison de toute cette publicité entourant l'observation de la chasse et les célébrités? Est-ce que c'est ce qu'ils font au Canada?
M. Cahill : De mon point de vue — j'ai été exposé pour la première fois à l'Institut de la fourrure du Canada en 1991 comme membre du conseil d'administration — les groupes opposés à l'utilisation des animaux sont ceux qui ont du pouvoir et de l'influence sur les politiques, les lois et les règlements dans les pays européens et ailleurs dans le monde. Ils ne favorisent en rien les meilleures pratiques pour les animaux ou une réduction des prises, ils favorisent seulement une non-utilisation de ce qui a été pris, et ce, aux frais des contribuables.
Le sénateur Poy : Est-ce qu'ils critiquent les gouvernements européens pour l'abattage sélectif de phoques ou d'autres animaux tels que le rat musqué? Ces autres gouvernements subissent-ils le même traitement que les Canadiens?
M. Cahill : Je n'ai pas eu vent de campagnes de relations publiques au sujet des activités d'abattage sélectif en Europe.
Le sénateur Poy : Ces campagnes de relations publiques qui obligent les Canadiens à justifier l'utilisation des phoques comme ressource. Est-ce exact?
M. Dakins : Comme l'a indiqué M. Cahill concernant ce qui nous a menés à la situation actuelle ou la perception du public, particulièrement en ce qui a trait aux produits de la fourrure — dont le phoque fait partie —, le problème, c'est que cette activité est lucrative. En faisant de l'argent avec cette activité, celle-ci devient soudainement immorale. Il faut faire ajouter une clause dérogatoire à la réglementation européenne pour ce produit qui découle de la nécessité de gérer la population des phoques parce que ceux-ci ont des répercussions sur nos ressources en poisson — voilà qui résume la situation. Si on jette un coup d'œil aux principes directeurs de l'UICN, les meilleurs exemples de bonne conservation dans le cadre de l'utilisation d'une espèce ou d'une ressource abondante sont justement ceux où une valeur monétaire est associée à la ressource. On est plus respectueux de l'animal lorsqu'il a une valeur monétaire, et sa conservation devient essentielle.
Le sénateur Poy : Lorsque vous parlez d'incinération, qu'est-ce que vous voulez dire? Qu'ils font simplement brûler ces animaux? C'est de cela qu'il s'agit?
M. Dakins : Oui.
Le sénateur Poy : En grand nombre, bien entendu?
M. Cahill : Par centaines de milliers.
Le sénateur Poy : À leurs yeux, il n'y a rien de mal à tuer les animaux et à les incinérer plutôt qu'à s'en servir. Ce que nous tentons de prouver, c'est qu'il vaut mieux s'en servir comme ressource.
M. Dakins : La première étude de faisabilité qui a été rendue publique dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information portait également sur l'incinération des phoques gris chassés à l'île de Sable. Cela a provoqué la colère des Canadiens parce que nous croyons que nous devons utiliser ce que nous produisons. Si nous tuons l'animal pour des raisons environnementales — pour encourager le rétablissement des poissons —, pourquoi devrions-nous prendre cet excellent produit et le brûler?
En tant que personne de l'industrie qui voit les défis et la quantité de propagande lancée à notre sujet depuis 40 ans — contre laquelle l'industrie a résisté en se remodelant —, je dois me demander pourquoi un tel rapport a été demandé. Est-ce parce qu'on sentait qu'une approche de ce type serait acceptable pour le reste de la planète? Nous devons passer moins de temps à nous préoccuper de l'opinion du reste du monde et commencer à réfléchir sur la façon dont le reste du monde nous étudiera. Nous devons commencer à lancer des messages forts pour conscientiser non seulement nos compatriotes — qui ne comprennent pas les problèmes et les défis qui nous attendent en ce qui concerne les phoques et les poissons dans nos eaux —, mais aussi à envoyer des messages autant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, pour que les gens comprennent l'ampleur de la question.
Le sénateur Poy : Monsieur Daoust, puis-je vous poser une question? Vous avez parlé de vaccins. Pouvez-vous en dire plus sur l'utilisation du vaccin aux fins de contrôle?
M. Daoust : Le vaccin vise à empêcher les femelles de concevoir un fœtus. Cette approche immunocontraceptive a été utilisée avec d'autres ressources, dont les chevaux sauvages. Dans certaines parties de l'ouest des États-Unis, on a un gros problème avec les chevaux sauvages. Les Américains ont tenté d'utiliser cette méthode pour contrôler la population. On a également tenté d'utiliser cette méthode pour contrôler le cerf de Virginie en Nouvelle-Angleterre, et le succès n'aurait pas été uniforme partout. En gros, on administre à une femelle adulte un vaccin comprenant des extraits d'ovaires de truies destinées à l'abattoir. En injectant ce vaccin dans la masse musculaire de la femelle phoque, il en résulte une production d'anticorps qui gêneront la fertilisation de l'œuf. Le problème que nous avons avec ce vaccin, c'est que les phoques gris ont une peau dure et une épaisse couche de gras. Les balles utilisées ne traversent pas ces couches épaisses. La recherche a donc été abandonnée.
Le sénateur Poy : Vous avez dit des balles. On n'essaie pas d'attraper les femelles, on se contente de tirer dessus?
M. Daoust : C'est exact. L'autre solution étudiée consistait à les capturer et à les retenir. Je peux dire, par expérience, que le phoque gris a mauvais caractère. Ce sont de gros animaux qui peuvent être dangereux. Ça aurait demandé beaucoup d'effort physique. J'ai beaucoup de mal à concevoir comment ce serait possible.
Le sénateur Patterson : Je suis ravi d'avoir pu entendre vos exposés. Je suis familier avec les travaux de l'Institut de la fourrure depuis mes premiers rapports avec l'organisme dans les Territoires du Nord-Ouest, où ils ont réussi à sensibiliser le public et élaborer des méthodes de piégeage sans cruauté.
Notre comité conseillera le ministre des Pêches et des Océans. Malgré le grand respect que nous avons envers le ministère, le fait d'entendre parler de ces études de faisabilité qui ont été menées aux dépens du ministère — des études qui vont directement à l'encontre de la durabilité et de l'utilisation d'une ressource de grande valeur, qui est nutritive et utile sur le plan médical, qui peut être utilisée pour confectionner des vêtements utiles et attrayants, et qui permettrait de mettre de l'avant une économie fondée sur les ressources renouvelables —, je pense qu'on a besoin de quelques conseils de notre part.
Je crois que la plupart des membres du comité réalisent qu'un abattage sélectif serait un désastre sur le plan des relations publiques et irait à l'encontre de ce que nous soutenons comme comité : la durabilité et le développement de notre économie maritime.
Je crois que vous avez dit qu'en 2010, vous avez proposé au ministère des Pêches et des Océans une approche durable. Pourriez-vous donner plus de détails sur le contenu de cette proposition, à quel moment vous l'avez présentée et quelle a été la réponse? Partageriez-vous une copie de votre proposition avec nous?
M. Cahill : J'en ai glissé quelques mots dans ma déclaration préliminaire. Lorsque nous avons vu ces études de faisabilité, les deux qui ont été commandées et publiées, comme M. Dakins l'a dit, dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information, nous étions plutôt en colère. Le ministère avec lequel nous tentions de travailler sur diverses questions comme la professionnalisation, l'éducation et la formation de chasseurs de phoques, le bien-être des animaux, en collaboration avec tous les intervenants concernés, ce ministère n'a pas tenu compte de ce que nous considérions être la troisième option, soit l'utilisation des personnes qui sont déjà en place, des chasseurs qui étaient formés, des vétérinaires engagés dans l'avancement des pratiques exemplaires, et la modification des conditions d'octroi de permis selon des règlements pour refléter ces pratiques exemplaires. On n'a pas pensé à nous pour présenter cette proposition, on nous a encore moins invités.
Nous avons rencontré les représentants du ministère en juillet 2010. On nous a demandé de présenter nous-mêmes une étude de faisabilité sur ce que nous voulions entreprendre. Dans cette étude de faisabilité, je vous renvoie aux notes de ma déclaration, il y avait un besoin pour un plan à grande échelle, à long terme et durable pour la gestion de cette ressource, comme nous le faisons pour à peu près toutes les autres. On devra régler certains problèmes logistiques tels que, comme l'a mentionné M. Dakins, l'accès à la ressource et les pratiques utilisées. Les pratiques que nous connaissons peuvent-elles être utilisées efficacement pour gérer une telle quantité de ressources? Qu'en est-il de l'utilisation du produit? Pourra-t-on l'utiliser au bout du compte? Lorsque les chasseurs de phoques prendront ces ressources dans la mer, pourront-ils se retrouver dans les systèmes des transformateurs? Quels sont les marchés disponibles? Il est évident que le marché européen n'est pas ouvert, mais il y en a d'autres. Ces autres marchés sont-ils prêts à accepter ces produits? C'est une question de communication similaire à ce que nous avons exprimé dans notre sondage. Nous avions besoin d'une approche consultative à laquelle participeraient tous les intervenants, notamment les scientifiques, le gouvernement, les associations de chasseurs de phoques et l'industrie. C'est en gros ce que nous avons présenté au ministère en ce qui concerne notre volonté de faire une étude de faisabilité, et le ministère pourrait nous aider à mener cette étude, à communiquer avec les intervenants et lui présenter un rapport pour montrer quels sont selon nous les défis à relever, où se trouvent les possibilités, combien coûterait un tel programme, semblable à ce qui a été fait avec l'étude de CBCL, où on a indiqué qu'il en coûterait entre 20 et 30 millions de dollars aux contribuables pour un programme d'incinération. Nous avons cru que notre plan serait en fait axé sur le marché. Le résultat serait axé sur le marché, il serait durable et il constituerait un revenu net plutôt qu'une dépense nette. C'est le concept que nous avons présenté.
Franchement, notre proposition n'a pas suscité beaucoup d'intérêt. Il y a eu un peu de mouvement au sein du MPO. Nous avons eu de la difficulté à faire examiner certaines de nos propositions. Mais, il y a quelque temps, nous avons reçu un appel du ministère, qui souhaitait examiner de nouveau cette proposition. Nous avons rencontré les ministres Ashfield et Fast ce matin, et nous avons une fois de plus soulevé la question; le ministre Ashfield nous a dit que notre proposition était de nouveau sous une pile de dossiers et qu'on l'examinait. Nous espérons qu'on la considérera comme un autre moyen d'aller de l'avant, une troisième solution qui, dans notre esprit, n'a pas encore été examinée à juste titre.
Le sénateur Patterson : Je crois que l'Institut de la fourrure du Canada joue un rôle essentiel en collaborant avec des vétérinaires dans le but de mettre au point la proposition en trois étapes pour que la récolte des phoques se fasse sans cruauté. Vous avez travaillé à la création d'ateliers avec les gouvernements provinciaux et les associations de chasseurs de phoque, si je ne m'abuse. Pouvez-vous nous en parler et nous dire si, à votre avis, il serait possible d'en faire plus à cet égard dans le but de persuader les Européens et l'opinion publique internationale que, en effet, nous pouvons chasser le phoque sans cruauté et nous le faisons?
M. Cahill : Je ne vais pas parler du processus en trois étapes. Nous n'avons pas pris part à l'élaboration de cette recommandation issue de rapports préparés par un groupe dont fait partie M. Daoust.
Nous avons toutefois utilisé ce rapport et ces recommandations dans le cadre de nos travaux et consulté des vétérinaires pour pouvoir présenter ces concepts sous la forme d'un atelier, décrire la façon dont on les met en pratique, parler du moment où ils sont devenus une condition préalable à l'obtention d'un permis, une condition préalable ou un règlement au regard du processus en trois étapes. Notre démarche consiste à réunir le plus grand nombre de gens possible pour s'attaquer à ces questions. Nous avons présenté des ateliers partout à Terre-Neuve-et-Labrador, sur la Basse-Côte-Nord et aux Îles-de-la-Madeleine. M. Daoust, M. Dakins et moi-même avons voyagé partout à Terre- Neuve, et d'autres personnes se sont rendues ailleurs pour parler de ces questions aux chasseurs de phoque et favoriser la mise en œuvre de ces pratiques exemplaires. C'était en 2008. Je suis heureux de constater que le fruit de notre travail fait maintenant partie des programmes de formation présentés par l'entremise des associations de pêcheurs professionnels à l'échelle provinciale. Nous nous réjouissons d'avoir pu contribuer à cette solution. Je m'en remets maintenant aux connaissances de M. Daoust, qui pourra vous en dire plus sur le sujet.
M. Daoust : J'ai contribué directement à ces ateliers d'information, comme nous les appelons. Notre but n'est pas de former les chasseurs de phoque qui font leur travail depuis des années; nous voulons les informer. Ces ateliers sont l'exemple d'une collaboration parfaite entre le ministère des Pêches et des Océans, d'une part, et l'industrie de la chasse au phoque, d'autre part, en ce sens que nous ne proposons pas de réglementation pour dire aux chasseurs de phoque ce qu'ils doivent faire. Nous sommes plutôt venus leur donner de l'information sur l'anatomie et la physiologie de ces animaux pour les amener à comprendre que l'utilisation de certaines méthodes d'abattage, comme le processus en trois étapes, est pratique et sensée. Après avoir été informés, les chasseurs sont plus disposés à accepter la réglementation imposée par le MPO.
J'ai fait deux grandes tournées à Terre-Neuve; je suis allé présenter ces ateliers dans différentes petites collectivités, en collaboration avec M. Dakins et le MPO. Personnellement, j'ai été étonné de la réponse que nous avons reçue de la part des chasseurs de phoque. Ils étaient intéressés par ce que nous avions à offrir. Ils ont écouté ce que nous avions à proposer. Je ne dis pas que leur comportement à bord de leur embarcation ou sur la glace est devenu tout d'un coup exemplaire. Je crois qu'il y a encore du travail à faire à cet égard. Par contre, je pense que les progrès que nous avons réalisés dans l'Est du Canada en ce qui a trait au bien-être des animaux dans l'industrie de la chasse au phoque constituent un secret bien gardé. Il y a encore du travail à faire.
Je n'exagère pas en disant que le Canada pourrait devenir un modèle à suivre en ce qui a trait au bien-être des animaux dans le cadre de l'exploitation des ressources fauniques, notamment le phoque, sans toutefois exclure les autres espèces. Je voudrais que le Canada devienne un modèle de sorte qu'il puisse transmettre ses connaissances à d'autres pays qui pratiquent la chasse au phoque partout dans le monde.
Le sénateur Patterson : Nous sommes privilégiés de compter un vétérinaire parmi nos invités. À mon avis, les défenseurs du bien-être des animaux croient à tort que les phoques sont écorchés vifs. Pourriez-vous expliquer, en tant que vétérinaire, de quelle façon ce processus en trois étapes permet de garantir que l'animal est mort avant d'être vidé de son sang et avant qu'on en fasse quoi que ce soit? Pourriez-vous aussi nous dire pourquoi il arrive qu'on voie ces animaux bouger après qu'ils ont été tués, nous donnant l'impression qu'ils ne sont pas morts? Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus, s'il vous plaît?
M. Daoust : En tant que pathologiste de la faune, je vais décrire le processus de façon très explicite. Ce processus en trois étapes est simple. Il peut s'intégrer très facilement dans les pratiques d'abattage habituelles des chasseurs de phoque. Il s'agit simplement d'utiliser un outil ou une arme réglementaire, le hakapik. Au fait, je préconise l'utilisation du hakapik en tout temps pour ce groupe d'animaux, c'est-à-dire les jeunes phoques du Groenland qu'on appelle les brasseurs. Il peut s'agir d'un hakapik, d'un gourdin ou d'une carabine à haut calibre. Le but est idéalement d'assommer l'animal pour le tuer d'un seul coup. Mais, comme c'est de la chasse, cela ne fonctionne pas toujours. L'animal ne meurt pas chaque fois du premier coup.
Pour mes collègues et moi-même, l'étape la plus importante est ce que nous appelons la palpation du crâne. C'est très simple. Pour le chasseur, il s'agit simplement de toucher le dessus de la tête de l'animal avec une main gantée. Si l'animal a été tué, si son crâne a été broyé — j'utilise un terme très explicite — alors l'hémisphère cérébelleux, la partie du cerveau qui se trouve juste en dessous du crâne, est très endommagé. Nous savons que, essentiellement, le centre de perception de la douleur se trouve immédiatement sous le crâne. Si on défonce le crâne, on détruit le cerveau, et l'animal ne perçoit plus la douleur.
Quand les chasseurs n'utilisent pas le hakapik ou une carabine à haut calibre — il ne s'agit pas ici d'instruments chirurgicaux. Quoi qu'il en soit, certaines personnes diront que, parfois, l'animal n'est pas tout à fait mort, notamment parce que la partie du cerveau qui se trouve à la base de la cavité crânienne est toujours intacte et qu'il peut ou non reprendre connaissance. La troisième étape consiste à vider l'animal de son sang le plus rapidement possible, parce que, lorsque le sang n'irrigue plus le cerveau, on sait que l'animal est vraiment mort.
Pour nous, il est primordial de reconnaître l'importance de la sécurité pour le chasseur, sinon, notre message n'irait nulle part. Nous comprenons qu'il est possible que le processus soit retardé en raison des conditions, comme la glace, qui rendent le travail difficile. Nous demandons aux chasseurs de procéder à la deuxième étape le plus rapidement possible après la première, et de procéder à la troisième étape le plus rapidement possible après la deuxième.
Cette méthode est simple, et pourtant, je suis convaincu qu'elle a contribué et qu'elle contribuera largement à garantir que ces animaux souffrent le moins possible.
Ce processus en trois étapes ne s'applique pas nécessairement à l'abattage des phoques adultes. C'est un autre aspect sur lequel nous devons nous pencher, et c'est ce que j'ai laissé entendre dans ma présentation. Si, dans le contexte de la gestion de la chasse au phoque gris, vous souhaitez cibler les animaux adultes, vous devez réexaminer la question et analyser la logistique nécessaire pour mettre en œuvre un processus en trois étapes ou un processus comparable.
Le sénateur Patterson : Ces renseignements sont très utiles. Merci.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Je serai très brève puisque vous avez répondu à plusieurs de mes questions, comme celle sur l'inoculation contraceptive. Je croyais que c'était une option que l'on pouvait considérer, mais vous m'avez fait comprendre que ce serait assez difficile.
Ma question s'adresse à M. Cahill et porte sur l'opinion des Canadiens, à savoir qu'il existe des lacunes par rapport à l'éducation des Canadiens sur la chasse au phoque. Je lisais cette semaine que les pêcheurs d'éperlans, dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, étaient envahis par les phoques gris. À qui appartient la responsabilité de faire connaître la chasse au phoque aux Canadiens et que pourriez-vous conseiller au comité à ce sujet afin que les gens soient en mesure de bien connaître les dangers du phoque gris?
[Traduction]
M. Cahill : C'est un défi. Lorsqu'on essaie de sensibiliser les gens à propos de l'exploitation des animaux, comme je l'ai mentionné plus tôt, on constate qu'ils sont nombreux à ne pas connaître les nuances et à n'avoir aucune expérience, aucun point de référence. Ce n'est pas facile de trouver le temps d'informer les gens sur les nombreux aspects de ce dossier, notamment la complexité des écosystèmes, les relations entre le prédateur et la proie, le bien-être des animaux, la population, les niveaux historiques des populations animales, les données socio-économiques, les avantages et la disponibilité des ressources. Cela prend du temps, et la personne à qui l'on parle doit nous accorder plus de trois secondes. Cependant, nous savons qu'il ne faut que quelques secondes pour faire comprendre un message au citoyen ordinaire; de nos jours, surtout avec Facebook et Twitter, c'est probablement moins.
Nous croyons que tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer, de même que l'industrie et l'ensemble des professionnels. Nous essayons, d'une certaine façon, de rassembler de l'information sur ces questions. Mais, je le répète, nous ne sommes pas une agence de relations publiques. Nous n'avons pas de budget pour mener des campagnes éducatives à l'intention du citoyen moyen.
Nous croyons, cependant, qu'il y a de bons exemples à suivre. À Terre-Neuve, par exemple, sans doute dans des endroits où l'on a de bons points de référence, on offre des programmes scolaires pour informer les gens.
De façon générale, je dirais que ce dossier touche principalement la côte, surtout en ce qui a trait aux phoques. C'est différent des castors ou des écureuils, qui causent des problèmes à presque tous les Canadiens; la plupart des gens ont perdu des arbres à cause des castors, par exemple. Il est difficile de parler de ce dossier complexe sur une grande échelle.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Concernant la mise en marché du phoque, recevez-vous, par certains programmes, des fonds du gouvernement fédéral? Je pense à l'APECA, par exemple.
[Traduction]
M. Dakins : À la fin de 2009 et en 2010, nous avons en effet formé un groupe — notre entreprise et deux autres entreprises concurrentes — pour essayer de mettre en marché certains produits génériques du phoque à l'échelle internationale. Nous sommes très heureux d'avoir été appuyés par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, par l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, par Innovation Norvège, par le ministère des Pêches de la Norvège ainsi que par les ministères des Pêches de la province de Terre- Neuve-et-Labrador et de la province de Québec.
Tous les ministères, tant au niveau provincial, territorial que fédéral, reconnaissent que la mise en marché des produits du phoque, bien qu'elle soit contestée, est préférable à une inertie qui entraînerait la mort de l'industrie et qui réduirait notre capacité de la gérer. Nous n'avons pas demandé de fonds supplémentaires parce que, à notre avis, la mise en place d'une stratégie plus vaste et plus importante s'impose. Lorsqu'on parle de sensibilisation et qu'on s'interroge à savoir de qui relève cette tâche, nous croyons que chaque Canadien a la responsabilité de s'informer ou d'informer les autres à cet égard.
Pas plus tard qu'aujourd'hui, nous avons demandé au gouvernement fédéral de nous aider à formuler une stratégie qui engloberait tous les partenaires — le milieu universitaire, le secteur privé, les chasseurs et les autres. Le but serait de mettre au point une stratégie coordonnée pour gérer ce dossier non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale. L'industrie est l'objet de contestations depuis maintenant 40 ans, et la situation n'est pas sur le point de changer. Si nous ne procédons pas à la mise en marché des produits du phoque, nous allons devoir justifier l'abattage nécessaire et la perte de revenus d'une ressource aussi importante, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, soit une population de phoques du Groenland qui est évaluée à un nombre impressionnant de 10 millions d'individus sur la côte est et la côte nord-est du Labrador, mais aussi la population de phoques gris.
Le sénateur Losier-Cool : Ce plan stratégique pourrait-il reprendre une recommandation que le comité aurait formulée dans son rapport?
M. Dakins : Absolument. C'est une approche que nous favoriserions. Nous souhaitons toutefois ne pas avoir à attendre la recommandation du Sénat pour aller de l'avant, parce que c'est une démarche que nous essayons de coordonner avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral depuis un bout de temps. Nous espérons obtenir une réponse rapidement.
Le sénateur Oliver : Bienvenue à vous trois, et merci pour vos exposés, ils étaient excellents. C'est très utile pour nous.
De tous les renseignements que vous avez fournis, ce qui a le plus retenu mon attention, c'est que vous nous dites, à nous, au Canada, que certains pays d'Europe récoltent actuellement le phoque. Je voudrais d'abord m'assurer d'avoir bien compris. Avez-vous dit que l'on récoltait actuellement le phoque en Norvège, en Islande, en Écosse, en Suède et en Finlande? Est-ce exact?
M. Cahill : On chasse actuellement le phoque dans ces pays. En fait, on peut ajouter l'Estonie à la liste. Quelques mois après l'entrée en vigueur de l'interdiction décrétée par l'Union européenne, l'Estonie a annoncé qu'elle allait prendre des mesures pour gérer la population de phoques gris et son écosystème.
Le sénateur Oliver : J'ai utilisé le mot « récolter » et vous avez utilisé le mot « chasser ». Ces pays ne font-ils pas la récolte du phoque? Ils ne font que chasser et tuer ces animaux. Est-ce exact?
M. Cahill : Dans les pays du Nord, on les chasse et on les tue. La Norvège, ne faisant pas partie de l'Union européenne, a la possibilité de chasser à des fins commerciales. Les pays européens peuvent utiliser le produit comme aliment local seulement.
Le sénateur Oliver : Peuvent-ils exporter?
M. Cahill : Ils ne peuvent pas vendre le produit commercialement. Par exemple, ils ne peuvent vendre la viande à un restaurant ni utiliser les huiles à des fins commerciales.
Le sénateur Oliver : Avez-vous des renseignements sur les méthodes que les chasseurs utilisent pour tuer les phoques? Est-ce qu'ils satisfont aux critères et aux normes en ce qui a trait au bien-être des animaux? Ont-ils recours à des méthodes sans cruauté?
M. Cahill : M. Daoust a fait partie d'un comité d'examen en Europe dont les travaux portaient sur les méthodes de chasse employées partout dans le monde. Je m'en remets à lui pour répondre à cette question.
M. Daoust : La Norvège dispose d'un processus semblable à notre processus en trois étapes. La ressemblance vient du fait que les chasseurs chassent ces animaux à des fins commerciales. Je crois comprendre que, dans de nombreux autres pays, la chasse est principalement un sport. Par conséquent, la récolte est limitée et on cible des animaux seuls. La chasse se fait principalement au moyen d'une carabine. Dans bon nombre de ces pays, la chasse se pratique davantage dans le contexte du sport.
N'oublions pas la Namibie, sur la côte ouest de l'Afrique. Après le Canada, c'est la Namibie qui fait la plus grande chasse au phoque à des fins commerciales. Ce que je trouve intéressant en Namibie, c'est que, comme nous le faisons pour le phoque du Groenland, on y chasse les jeunes phoques. L'animal ciblé est le phoque à fourrure du Cap, les jeunes et les adultes. J'étais membre de l'Autorité européenne de sécurité des aliments en 2007 lorsque celle-ci s'est penchée sur diverses formes de chasse au phoque partout dans le monde. Nous avons eu l'occasion de voir quelques vidéos, dont celle d'une partie de chasse qui se déroulait en Namibie. La façon dont on chasse les jeunes phoques là-bas ne m'a pas impressionné; il y avait encore beaucoup de progrès à faire. Fait intéressant, les chasseurs utilisent des carabines munies de silencieux pour tuer les phoques adultes parce que, en tirant sur un animal avec une carabine à haut calibre, ils font fuir tous les autres individus, qui se réfugient dans l'eau; c'est le branle-bas général, essentiellement. Il est alors impossible de tuer d'autres phoques sans les blesser. C'est la raison pour laquelle les chasseurs en Namibie sont autorisés à utiliser des silencieux lorsqu'ils chassent. Nous pouvons exporter nos connaissances, et nous pouvons apprendre des autres pays.
Le sénateur Oliver : Nous étions au courant de la situation en Namibie, mais je m'interrogeais à propos de l'Europe, car on sait ce que le Parlement européen a fait et a dit à propos de nos pratiques, au Canada. On sait aussi quelles en ont été les conséquences pour l'industrie de la pêche sur la côte est. Y a-t-il des études que nous pourrions consulter pour savoir si les phoques mangent une partie de leurs poissons de fond, comme la morue? Seriez-vous en mesure de nous fournir ces études?
M. Daoust : Je vais laisser M. Cahill vous répondre.
M. Cahill : Nous allons vous mettre en relation avec les organisations ministérielles que nous avons contactées.
Le sénateur Oliver : Dans des pays comme la Norvège, l'Islande, l'Écosse, la Suède et l'Estonie?
M. Cahill : Oui.
Le sénateur Oliver : Ma dernière question est semblable à celle que vous a posée le sénateur Losier-Cool, mais la mienne est hypothétique.
Si vous aviez la possibilité de rédiger les recommandations que le comité formulera à l'intention du gouvernement du Canada, quelle serait l'une des deux premières recommandations que vous proposeriez?
M. Cahill : J'aimerais que le phoque gris soit considéré comme une ressource précieuse; je voudrais qu'un plan soit mis en place pour que les personnes les mieux formées utilisent cette ressource en se fondant sur des pratiques exemplaires, un plan permettant de gérer cette ressource de manière à offrir des avantages économiques à une industrie qui peut l'utiliser.
M. Dakins : Il faut consulter les gens qui ont joué un rôle de premier plan dans le dossier pour pouvoir mettre en place le plan approprié pour l'avenir.
Le sénateur Oliver : Parlez-vous des pêcheurs?
M. Dakins : Les pêcheurs, les transformateurs et les spécialistes du bien-être des animaux. Nous croyons très bien connaître les produits du phoque du Groenland et du phoque gris. Nous voulons bien sûr que tout soit fait selon une norme élevée pour le bien-être des animaux de manière à pouvoir donner une assurance pour la mise en marché. Nous voulons que nos économies côtières se portent bien, et nous voulons que nos usines de transformation du poisson poursuivent leurs activités dans l'intérêt de ces collectivités. Pour déterminer la meilleure voie à suivre, je conseillerais au ministère des Pêches et des Océans d'inviter des spécialistes du bien-être des animaux et des représentants de l'industrie à contribuer à l'élaboration d'un plan approprié plutôt que d'adopter des positions et des façons de faire hautement émotives pour gérer cette ressource précieuse.
M. Daoust : Je suis d'accord avec M. Cahill et M. Dakins.
J'inviterais les gouvernements fédéral et provinciaux à faire preuve de courage et à investir dans nos ressources fauniques et dans l'utilisation durable de ces ressources pour assurer la viabilité à long terme de l'industrie, dans l'intérêt de nos collectivités côtières, qui le méritent vraiment.
Le sénateur Oliver : Est-ce que le temps presse? Avons-nous deux années de plus pour faire d'autres études sur le sujet?
M. Dakins : Étant donné que je vends ces produits et que je dois composer avec les conditions actuelles du marché, je pense que nous n'avons pas de temps à perdre si nous voulons que la ressource demeure appréciée et respectée. Une énorme pression découle de notre économie. À mon avis, nous sommes prêts. Nous avons beaucoup travaillé au cours des dix dernières années pour préparer ces produits. Nous devons inciter le MPO à qualifier et à quantifier les interactions poissons-phoques. Si nous allons de l'avant en réduisant ou en augmentant la récolte d'une population, nous devons en évaluer les conséquences pour nos stocks de poissons et encourager d'autres pays à se joindre à nous afin de trouver des solutions, parce qu'ils font face à des problèmes semblables.
Aux États-Unis par exemple, en Alaska, il y a un énorme problème lié au phoque à fourrure, dont la présence a des répercussions sur les stocks de poissons. D'ici à ce que le Canada décide de s'imposer comme chef de file, parce qu'il est le plus grand exploitant de la ressource que constituent les mammifères marins, ce problème mondial de même que ce conflit opposant le poisson, le phoque et l'être humain ne feront que s'aggraver.
Le sénateur Raine : Le problème, quand on passe en dernier, c'est que les autres ont déjà posé toutes les questions.
Le président : Vous n'êtes pas la dernière.
Le sénateur Raine : Très bien. Nous avons entendu des choses intéressantes ce soir. Ma première question s'adresse à M. Daoust. Vous avez dit que des études devaient être menées afin de déterminer quelle est la meilleure méthode de récolte pour les divers groupes d'âge chez le phoque gris. Si des fonds appropriés y étaient consacrés, combien de temps faudrait-il pour mener à bien ces travaux? Faudrait-il des mois ou des années? Nous comprenons que le temps presse. Chaque année qui passe est une année de moins.
M. Daoust : Je n'oserais pas parler de dates. La difficulté, c'est que, dans l'industrie de la chasse au phoque, on ne dispose que d'une période par année pour faire ce genre de travail, et cette période n'est pas très longue. Il faut se trouver au bon endroit, au bon moment. C'est la raison pour laquelle il est important que la machine se mette en marche pour la saison qui vient.
Nous avons déjà fait des progrès relativement aux jeunes phoques gris. Je travaille là-dessus depuis environ trois ans avec des collègues du ministère des Pêches et des Océans. Nous ne sommes pas tout à fait satisfaits, mais nous nous rapprochons du but. Ce que j'ai répondu au sénateur Hubley, c'est que nous n'avons pas beaucoup de connaissances sur les phoques gris adultes. Si nous avions l'occasion de commencer à combler cette lacune au cours de la prochaine saison, ce serait utile. Je n'ose pas me prononcer à savoir s'il faudrait une ou deux saisons pour y arriver, mais plus vite nous commencerons, plus vite nous serons en mesure de répondre aux collectivités qui dépendent de la pêche et de la chasse au phoque.
Le sénateur Raine : La semaine dernière, des témoins nous ont dit que diverses provinces et le gouvernement fédéral travaillaient de façon isolée pour déterminer si le phoque est un poisson ou un mammifère et pour établir une façon de le réglementer. Vous ne pouvez vendre de la viande de phoque provenant de Terre-Neuve en Colombie-Britannique. Nous n'avons même pas de système de commercialisation établi pour ce merveilleux aliment protéiné dans notre propre pays, encore moins pour ce qui est de l'exportation.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, ou cela dépasse-t-il plus ou moins votre champ de compétence, qui a trait davantage à l'Institut de la fourrure du Canada?
M. Dakins : Nous vendons des produits de viande. À Terre-Neuve-et-Labrador, en raison de la façon dont ces produits sont classés dans la province, nous pouvons en expédier à l'étranger et dans les autres provinces. Il n'y a aucune restriction qui s'applique à la vente de la viande de phoque, par exemple en Colombie-Britannique ou en Ontario, parce que nous la transformons comme s'il s'agissait d'un poisson. Au Québec, on considère qu'il s'agit d'un produit de viande, qui entre dans une catégorie distincte. Je n'ai pas d'installation au Québec, mais c'est ce que je comprends.
Vous avez tout à fait raison; nous devons mettre les points sur les i en ce qui a trait à nos propres frontières. Je ne crois toutefois pas que les obstacles les plus grands que nous devrons surmonter auront nécessairement trait aux produits une fois que nous les aurons. Les plus grandes difficultés seront liées à l'accès à la ressource, comme je l'ai mentionné plus tôt. Si l'île de Sable devient un parc national, quels seront les défis auxquels l'industrie sera alors confrontée? Nous devons réfléchir maintenant à ces aspects pour éviter qu'ils ne nuisent, dans l'avenir, à une activité que nous devons mener.
Le sénateur Raine : C'est intéressant, parce que je sais qu'ils ont fait de l'abattage sélectif dans les parcs nationaux, mais ce que vous souhaitez faire, c'est de récolter plutôt que d'abattre. Dans nos parcs, la commercialisation est interdite. Nous devrions peut-être chercher à bien comprendre. Vous n'avez pas besoin de travailler très fort pour nous convaincre que l'utilisation durable de cette ressource est la bonne chose à faire; mais si la réglementation vous met des bâtons dans les roues, ce doit être très frustrant.
M. Dakins : J'habite à côté du parc national du Gros-Morne, où les orignaux sont en train de détruire le sous-étage. Ce parc national a été créé pour protéger un endroit qui revêt une importance particulière pour tous les Canadiens. Ce qui se passe actuellement, c'est qu'une espèce introduite dans la province est en train de détruire ce que nous essayons de protéger. Fait intéressant, le gouvernement permet l'abattage sélectif des orignaux dans le parc national du Gros- Morne en ce moment, mais les gens se nourrissent de ces orignaux. Ils n'ont pas besoin de les incinérer, mais ils ne les utilisent pas à des fins commerciales, alors c'est considéré comme un abattage sélectif. M. Cahill a posé la question plus tôt : Qu'est-ce qu'un abattage sélectif, qu'est-ce qu'une récolte et qu'est-ce qu'une chasse?
Le sénateur Raine : Quel organisme au Canada est chargé de prendre ces décisions? Je trouve que c'est tout un défi. Nous devons prendre les bonnes décisions.
M. Cahill : Cette compétence relève de Parcs Canada, qui fait partie d'Environnement Canada. En fait, l'an dernier, après avoir présenté notre proposition concernant le phoque gris, nous avons rédigé une note d'information à l'attention de Parcs Canada sur la gestion du phoque gris dans le parc national de l'île de Sable, dans laquelle nous avons décrit certaines des difficultés que le Canada devrait surmonter si, effectivement, une récolte du phoque gris s'avérait nécessaire. Nous l'avons couché sur papier, et je crois que notre note d'information vous a été envoyée.
Le sénateur Raine : Merci beaucoup. Tous ces renseignements nous sont très utiles.
Le sénateur MacDonald : Merci d'être ici, messieurs. J'aimerais féliciter M. Daoust pour le travail qu'il a accompli dans ce dossier. Si nous voulons parvenir à régler ce problème, il est très important pour nous de travailler avec des professionnels comme vous, des gens qui ont une volonté manifeste de préserver la vie des animaux et de faire en sorte qu'ils soient traités correctement. Je tiens à prendre le temps de saluer votre engagement à cet égard.
J'ai tellement de questions à vous poser. Je vais essayer de me limiter à quelques-unes.
Nous faisons face à un problème que nous devons régler dans les plus brefs délais. Je vis sur la côte, pas très loin d'ici, et j'ai grandi dans une collectivité de pêcheurs. On a beau discuter d'abattage sélectif, de récolte ou de chasse, de ce que ces activités signifient et de la façon dont elles sont définies — nous n'avons plus de poissons. Les petites collectivités de la côte est, pas seulement le long de la côte de l'Atlantique — je pense qu'il est juste de dire que la Nouvelle-Écosse se trouve en plein cœur du problème en ce qui a trait au phoque gris. Les petites collectivités sont en train de disparaître. Plus nous tarderons à trouver une solution, plus le problème empirera.
La récolte proposée — encore cette terminologie. On propose de réduire de 73 000 le nombre de phoques qui se nourrissent dans le golfe. Que se passera-t-il à long terme si nous réduisons leur nombre à cet endroit, mais que nous ne procédons à aucune réduction active sur l'île de Sable, où la plupart d'entre eux ont tendance à habiter? Est-ce une solution durable? Compte tenu du nombre important de phoques que compte l'île de Sable, n'y a-t-il pas un risque qu'ils se reproduisent et que cela nous ramène au point de départ si leur nombre n'est pas réduit simultanément?
M. Daoust : Si nous avons recours à une méthode de récolte appropriée, il va falloir du temps pour y arriver correctement. Il faut tenir compte de la demande. Je pense que M. Dakins est mieux placé que moi pour vous en parler. Comme il l'a dit, je crois, le marché ne doit pas être inondé.
La taille importante de la population de phoques du Groenland et de phoques gris inquiète les chasseurs de phoque; ceux-ci ne veulent pas d'élimination parce qu'ils dépendent financièrement de cette ressource. Nous voulons réduire cette population parce qu'elle nuit aux pêches, ce qui a été confirmé par le ministère des Pêches et des Océans relativement à certaines parties du golfe du Saint-Laurent. On veut la réduire, mais pas au point de nuire à la viabilité à long terme de la récolte. Je pense que M. Dakins a fait allusion à cela.
J'aimerais que les collectivités côtières aient accès, année après année, à un marché de la fourrure relativement stable sur lequel ils peuvent compter. Pour que cela soit possible, ils doivent avoir une population de phoques viable.
Le sénateur MacDonald : Le fléchissement du marché pour ce qui est du phoque du Groenland n'est un secret pour personne et est attribuable à l'épisode des blanchons et aux problèmes que nous avons rencontrés avec les Européens. Par contre, le marché que l'on propose d'établir en ce qui a trait au phoque gris est assez nouveau. Sur quelles restrictions les pays étrangers se sont-ils entendus pour s'opposer à la mise en marché du phoque gris? Ces restrictions sont-elles aussi pénalisantes que celles qui avaient touché le phoque du Groenland?
M. Dakins : Dans les pays de l'Union européenne, l'interdiction en vigueur touche tous les produits de phoque. Le phoque gris est donc lui aussi visé.
Il est intéressant de constater qu'une dérogation à la réglementation européenne permet la mise en marché des produits si les phoques font l'objet d'une récolte aux fins de gestion des pêches. La Chine, Taïwan et la Corée sont toujours des possibilités. De nombreux pays n'ont pas mis de barrières commerciales à l'égard de nos produits; de nombreux autres pays l'ont fait.
Si nous examinions la question dans une perspective à long terme, il est évident qu'une réduction immédiate s'impose pour obtenir des résultats au chapitre de la gestion des pêches, mais nous avons certainement des difficultés à comprendre les pressions que subissent les ressources halieutiques en Nouvelle-Écosse.
À mon avis, il y a des solutions. Si le Canada décide qu'il est nécessaire d'éliminer 70 000 phoques adultes pour permettre la restauration des stocks de poissons de fond dans votre région, je pense qu'il y a des solutions à envisager pour exploiter la ressource adéquatement. Parallèlement, si on élimine 70 000 phoques adultes maintenant et que la population enregistre le même taux de croissance que celui enregistré au cours des trois dernières décennies, il ne fait aucun doute que de nouveaux phoques vont venir occuper les niches existantes.
Voilà où en est notre bataille en ce qui a trait à la proposition. Même la recommandation du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques ne constitue pas nécessairement un plan sur la façon de réaliser une telle récolte. Nous devons mettre en place un plan à long terme pour maintenir la population à un niveau donné. Cela n'est réalisable qu'au moyen de techniques viables à long terme et de la commercialisation des produits sur un marché informé. À mon avis, des pays comme ceux de l'Union européenne pourraient très bien se rendre compte un jour que, s'ils veulent avoir accès à nos produits — le Canada est un panier d'épicerie pour le monde — s'ils veulent avoir le privilège d'acheter nos fruits de mer ou nos autres ressources, ils vont devoir comprendre que nous avons le pouvoir de gérer la totalité de notre écosystème dans l'intérêt de l'humanité.
M. Cahill : J'aimerais préciser une chose à propos de ce que vient de dire M. Dakins, à savoir que l'interdiction décrétée par l'Union européenne prévoit une dérogation qui permet d'importer des produits issus d'une chasse réalisée à des fins de gestion des pêches. Il s'agit en fait d'une condition pour la mise en marché, mais en plus de devoir viser un objectif de conservation, cette chasse doit aussi être réalisée sans but lucratif. C'est ce que dit la réglementation.
Le sénateur MacDonald : J'ai quelques questions rapides à propos de la chasse en Europe, parce que j'aimerais avoir un peu de contexte.
En Norvège, en Écosse, dans les pays baltes, est-il partout question du phoque du Groenland? Quel type de phoque y chasse-t-on? Combien d'individus toutes ces espèces comptent-elles comparativement à ici?
M. Cahill : Dans la mer Baltique, c'est le phoque gris; dans la mer du Nord, autour de l'Écosse, c'est le phoque gris. Et autour de la Norvège, on chasse un peu le phoque gris, mais on chasse aussi le phoque du Groenland. En Islande, c'est principalement le phoque du Groenland, et un peu de phoque gris.
Le sénateur MacDonald : Comment les chiffres se comparent-ils aux nôtres pour ce qui est des populations de phoques, plus particulièrement en ce qui concerne le phoque gris?
M. Cahill : Les populations sont beaucoup moins grandes, en fait. Dans les pays baltes, où les trois pays nordiques et l'Estonie ont établi que le phoque gris nuisait à la conservation des ressources halieutiques et aux pêches, la population de phoques gris comptait environ 40 000 individus il y a deux ans. La nôtre, comme vous le savez, est évaluée à environ 400 000 individus.
Il n'y a pas beaucoup d'autres pays qui disposent de données fiables sur les populations de phoques comme le Canada. Nous avons aussi constaté que le mécanisme de réglementation dont ces pays disposent et la gestion qu'ils en font ne sont pas aussi rigoureux qu'ici. Nous n'avons pas beaucoup de données scientifiques, mais nous savons que des activités de chasse ont cours.
Dans des pays comme la Suède et la Finlande en particulier, la récolte est relativement faible. On prend peut-être de 10 000 à 15 000 animaux mais, une fois de plus, c'est sur une population de 40 000 individus.
Le sénateur MacDonald : À mes yeux, cela semble assez évident qu'il s'agit aussi d'un exercice de relations publiques. Manifestement, au fil des ans, nous ne sommes pas parvenus à faire connaître notre version des faits dans certaines parties du monde. Je suppose que vous êtes tous au courant des efforts que les gouvernements canadiens ont déployés par le passé en témoignant devant le Parlement européen à ce sujet.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du type de témoignages que nous avons présentés et des lacunes qu'ils comportaient, et s'il existe des moyens qui nous permettraient de corriger ces lacunes.
M. Cahill : Permettez-moi de faire d'abord un commentaire. M. Dakins et moi-même avons tous les deux pris part à ces tournées en Europe. De notre point de vue, nous étions plutôt sur la défensive en disant qu'il s'agissait de notre droit inhérent. Cette ressource nous appartient, et nous croyons faire la bonne chose; nous précisons clairement le type de recherche que nous faisons sur le bien-être des animaux, la gestion des populations ou les études sur les populations, par exemple.
Je ne pense pas que les gens aient bien compris le contexte dans lequel nous nous trouvions. Le bien-être des animaux est manifestement en cause dans ces pays étrangers qui constituent des marchés ou des marchés éventuels. Dans le cadre de nos témoignages, je ne crois pas que nous ayons décrit le contexte dans son ensemble. Car le problème ne touche pas uniquement les phoques; il ne s'agit pas que du phoque du Groenland et des phoques au Canada. C'est en fait le premier pas vers l'exploitation et la chasse de toute espèce faunique. Les recommandations que nous avons formulées dans le cadre de ces discussions visaient en partie à favoriser le recours aux pratiques de la science et à s'assurer que tous ceux qui le font tiennent compte de ces pratiques. Nous avions toutefois dans nos bagages notre expérience de l'Accord sur les normes internationales de piégeage sans cruauté. L'Europe a interdit l'importation de fourrures d'animaux sauvages du Canada, à moins que les pièges à mâchoire aient été interdits ici ou que des normes de piégeage sans cruauté aient été mises en œuvre. C'est notre organisation qui s'occupe de la coordination à l'égard de cette norme au Canada et qui joue le rôle d'organisme de recherche à cet égard.
Nous avons découvert que, si nous répondons aux préoccupations de la population en ce qui concerne le bien-être des animaux en recourant à des données scientifiques valables et en négociant avec les pays étrangers, nous réussissons à nous entendre sur le fait que ces principes sont importants. Nous allons investir dans ces ressources; nous allons procéder de cette façon pour la mise en œuvre. À cet égard, les gens font preuve de respect et comprennent qu'il s'agit alors d'un produit légitime obtenu à l'aide d'une méthode légitime.
Nous croyons que cette norme aurait très bien pu et pourrait toujours servir de modèle pour résoudre le problème lié à la chasse au phoque. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse de la part des fonctionnaires de Pêches et Océans à savoir s'ils estiment que cette norme pourrait constituer une convention internationale comparable et acceptable pour régler la question du bien-être des animaux.
Le sénateur Poirier : L'une des raisons pour lesquelles nous menons cette étude, c'est qu'on entend beaucoup parler des effets négatifs que subissent les poissons de fond, la morue et tout ce dont se nourrit le phoque gris. Parallèlement, nous savons que la plupart des groupes ne croient pas que l'abattage sélectif du phoque gris soit une solution; ils préféreraient que nous transformions le produit que nous chassons. Des groupes que nous avons rencontrés nous ont dit qu'ils avaient l'impression que très peu de recherches avaient été réalisées par le passé pour savoir si les produits du phoque gris pouvaient être utilisés comme les produits du phoque du Groenland, par exemple pour les oméga-3, la fourrure, la viande et même les valvules qu'on utilise maintenant pour le cœur à titre expérimental.
Y a-t-il des raisons pour lesquelles les produits du phoque gris pourraient ne pas faire concurrence aux produits du phoque du Groenland?
M. Dakins : Absolument pas. Comme je l'ai mentionné, lorsque nous cherchions à favoriser l'essor de l'industrie, ce qui remonte à 2001, lorsque nous avons eu à travailler pour la première fois avec la Grey Seal Research and Development Society, qui a en fait détenu le quota pendant plusieurs années en Nouvelle-Écosse, notre entreprise a bel et bien acheté la totalité du produit débarqué pendant trois années consécutives. Nous avons cherché à évaluer ce produit et avons créé certains échantillons. Les acheteurs sont intéressés; l'intérêt était certainement plus grand à cette époque, alors que le phoque était un produit recherché et que nous achetions le phoque du Groenland des chasseurs à 100 $ la peau. Si on nous en avait donné l'occasion, je ne crois pas que nous en serions là aujourd'hui, avec une telle quantité de phoques gris.
Comme je l'ai dit, avec les jeunes phoques gris qu'on appelle les « brasseurs », on peut produire des capsules d'oméga-3 destinées à l'alimentation humaine ou animale. On peut utiliser la fourrure pour produire autre chose.
On m'a dit que les produits de viande étaient aussi acceptables et agréables au goût, bien que notre entreprise n'ait mené aucune étude précise à ce sujet.
M. Daoust : Vous avez parlé de l'utilisation possible des valvules cardiaques. C'est une avenue qui est explorée en rapport avec la population de jeunes phoques du Groenland. Certains travaux ont été réalisés relativement à l'utilisation des jeunes phoques gris comme source possible de valvules cardiaques parce que ces phoques sont plus gros que les jeunes phoques du Groenland. On peut donc avoir différentes tailles de valvules qui, évidemment, conviendraient à des êtres humains de différentes tailles pour la transplantation. Par conséquent, si cette possibilité se concrétisait pour ce qui est du phoque du Groenland, je peux facilement imaginer qu'elle se concrétiserait aussi pour ce qui est du phoque gris.
Le sénateur Cochrane : Combien de temps prendront ces travaux?
M. Daoust : Je ne sais pas. J'imagine qu'ils sont réalisés en collaboration avec des médecins européens. Les recherches qui portent sur l'utilisation de produits d'animaux aux fins de transplantation sur des humains nécessitent beaucoup de temps. Par contre, si cela se concrétise, nous disposerons d'une très grande source de matériel pour la médecine humaine.
M. Dakins : Je crois comprendre que l'entreprise concernée espère pouvoir faire une présentation au comité sénatorial elle aussi. Je pense qu'il faut environ 15 ans pour passer de l'essai clinique à l'acceptation du produit à des fins de mise en marché. Ce programme a été lancé il y a environ deux ans.
Le sénateur Patterson : Nous n'avons pas parlé du marché asiatique. Avez-vous des conseils que nous pourrions donner au gouvernement du Canada sur la façon dont il faudrait aborder cette question? Je sais que l'Institut de la fourrure du Canada a déjà fait des affaires en Asie ainsi qu'en Europe. Quel rôle devraient jouer le MPO et le ministère des Affaires étrangères? Pourriez-vous nous donner quelques conseils sur la façon dont on devrait s'y prendre pour percer ce marché de façon stratégique?
M. Cahill : Je vais faire un commentaire sur l'aspect structurel, puis demander à M. Dakins de vous parler des possibilités commerciales qu'offrent ces marchés.
De nos jours, le marché chinois est important pour n'importe quel produit dans le monde. Mais il y a des normes auxquelles il faut satisfaire. Pour l'huile et la viande, les normes sont rigoureuses, et nous croyons que le Canada devrait disposer d'un mécanisme nous permettant de nous assurer que nos produits répondent à ces normes, qu'elles aient trait à la qualité des produits aux fins de consommation ou aux méthodes de chasse utilisées. Du point de vue de la gestion, ce mécanisme est important.
Au chapitre de la collaboration et de la communication, le gouvernement canadien devrait être en rapport avec ses alliés politiques en Chine pour leur faire part une fois de plus des défis relatifs à ce dossier et pour leur dire que la question doit être prise au sérieux. Le produit du phoque doit être considéré comme un produit commercial légitime et important.
M. Dakins : Nous étions présents à chaque tentative, et nous avons été témoins des complications qui surviennent au moment d'officialiser la transaction. Nous sommes toutefois très encouragés par la demande provenant de la Chine. Nous espérons que cela va bientôt se concrétiser.
De façon générale, en ce qui a trait au phoque, l'un des défis auxquels le Canada est confronté tient au fait que nous devons renforcer notre position et renseigner les gens à l'échelle internationale sur le nombre de phoques que nous avons et sur la nécessité d'en faire la chasse en fonction d'objectifs établis liés à la gestion des pêches. La Chine est un très gros importateur de poissons et de fruits de mer canadiens. À mon avis, les entreprises qui achètent nos poissons et fruits de mer là-bas seraient réceptives à cette information et comprendraient que, si elles veulent continuer d'acheter du homard, du crabe ou du poisson de fond du Canada, nous n'avons pas d'autre choix que de gérer nos ressources abondantes, qu'il s'agisse du phoque gris, du phoque annelé ou du phoque du Groenland.
Le sénateur Poirier : À votre avis, le phoque entre-t-il dans la catégorie des poissons et fruits de mer?
M. Dakins : Je crois que les caractéristiques inhérentes au phoque en font une viande, mais, en raison de l'environnement dans lequel il vit et de ses interactions avec d'autres espèces, je le classerais dans la catégorie des poissons.
Permettez-moi de vous raconter une petite anecdote. Ma grand-mère était une fervente catholique. Vers Pâques, les bateaux revenaient de la chasse rapportant de la viande de phoque en abondance. Quand mon père a commencé à fréquenter ma mère, il s'est présenté chez elle au beau milieu d'un gros repas de phoque le Vendredi saint. Il s'est mis à lui reprocher de manger de la viande un Vendredi saint. Inutile de vous dire que je suis passé à un cheveu de ne pas exister parce que mon père avait mis en doute la croyance de ma grand-mère selon laquelle le phoque était un poisson.
Le président : Nous en reparlerons une autre fois.
Comme en témoignent les questions de nos sénateurs, c'est un sujet qui nous intéresse beaucoup. Si vous avez d'autres renseignements qui pourraient nous être utiles, n'hésitez pas à nous les transmettre.
Au nom du comité, merci beaucoup.
M. Dakins : Je crois comprendre qu'il arrive que le comité sénatorial se déplace pour mener d'autres consultations. Nous vous invitons cordialement à notre usine de transformation à Trinity Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai parlé au propriétaire de l'autre grande entreprise de transformation, et il vous invite lui aussi à venir visiter ses installations pour en apprendre davantage sur les méthodes de transformation que nous employons et sur les utilisations finales auxquelles sont destinés les produits.
Merci encore de nous avoir donné l'occasion de témoigner. Je vous souhaite à tous beaucoup de chance et de succès.
(La séance est levée.)