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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 6 - Témoignages du 13 mars 2012


OTTAWA, le mardi 13 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 7, pour étudier la gestion de la population de phoques gris au large de la côte est du Canada, et pour examiner l'ébauche d'un budget d'étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, monsieur Hutchings, bienvenue au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside le comité. Avant de présenter le témoin, j'invite les membres du comité à se présenter eux-mêmes.

Le sénateur Poy : Vivienne Poy, de Toronto.

Le sénateur Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oliver : Don Oliver, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Harb : Mac Harb, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

Le sénateur Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : D'autres sénateurs se joindront peut-être à nous durant la séance et je les présenterai à ce moment-là.

Le comité poursuit son étude de la gestion de la population de phoques gris au large de la côte Est. Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Jeffrey Hutchings, professeur de biologie à l'Université Dalhousie. Le professeur Hutchings a présidé le Groupe d'experts de la Société royale du Canada sur le maintien de la biodiversité marine au Canada de novembre 2009 jusqu'à la publication du rapport du groupe, en février 2012. Nous sommes heureux que vous ayez pu vous joindre à nous, monsieur Hutchings. Je crois comprendre que vous allez faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Je vous donne la parole.

Jeffrey Hutchings, professeur au Département de biologie et président du Groupe d'experts de la Société royale du Canada sur le maintien de la biodiversité marine au Canada, Université Dalhousie : Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le comité, monsieur le président. J'ai présidé l'élaboration d'un rapport national sur les océans par un groupe d'experts indépendants que la Société royale du Canada avait invités à se pencher sur le maintien de la biodiversité marine au Canada. Après avoir délibéré de juin 2010 à janvier 2012, le groupe a publié son rapport, intitulé Le maintien de la biodiversité marine au Canada : relever les défis posés par les changements climatiques, les pêches et l'aquaculture, le 2 février. Parallèlement à l'étude actuelle de ce comité sénatorial, le groupe d'experts a tenté de faire plusieurs choses : décrire les tendances de la biodiversité dans les océans du Canada; décrire et prévoir comment la pêche a affecté la biodiversité marine canadienne et est susceptible de l'affecter à l'avenir; déterminer si le Canada a respecté ses engagements nationaux et internationaux à l'égard de la préservation de la biodiversité marine; et formuler des recommandations stratégiques de vaste portée pour faire du Canada un chef de file international en gérance des océans et en préservation de la biodiversité marine.

La pêche a de nombreuses conséquences sur la biodiversité marine. La plus directe est la réduction du nombre d'individus prélevés directement ou indirectement par cette activité. Cette conséquence n'est pas nécessairement problématique du point de vue de la biodiversité. Tout dépend en fait du degré de réduction des populations par rapport aux niveaux que l'on jugeait nécessaires pour leur préservation à long terme, à la fois du point de vue de chaque espèce et de l'ensemble des espèces, ou du point de vue de l'écosystème.

On estime que les espèces vivant dans les océans du Canada ont connu une baisse moyenne de 52 p. 100 entre 1970 et le milieu des années 1990, et sont restées stables ensuite. Toutefois, la plupart des stocks de poissons pêchés commercialement restent largement inférieurs aux objectifs de conservation. Par rapport à d'autres pays développés pratiquant la pêche océanique, comme les États-Unis, la Norvège, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud, les résultats enregistrés par le Canada en matière de préservation des stocks à long terme sont loin d'être brillants. La surpêche considérable qui s'est produite dans les eaux atlantiques du Canada entre les années 1960 et le milieu des années 1990 a gravement réduit l'abondance de nombreuses espèces, souvent de plus de 90 p. 100, et a dramatiquement modifié les réseaux alimentaires marins et l'interaction entre les espèces.

La transformation induite par la pêche des interactions entre les prédateurs et les proies est peut-être ce qui a sensiblement retardé, voire empêché, le rétablissement des espèces très affaiblies. Au moins trois espèces du sud du golfe du Saint-Laurent, par exemple, connaissent des taux si élevés de mortalité naturelle qu'elles disparaîtront du sud du golfe si leur mortalité ne diminue pas.

La merluche blanche, l'une des espèces de ce secteur, est peut-être l'espèce marine la plus menacée au Canada. Dans les années 1970 et 1980, environ 18 p. 100 des individus adultes mouraient chaque année. Au cours de la dernière décennie, cette proportion a augmenté jusqu'à près de 91 p. 100 chaque année. La merluche blanche risque de disparaître du sud du golfe du Saint-Laurent dans les 10 prochaines années. On prédit aussi que la mortalité élevée de la raie tachetée empêchera son rétablissement dans le sud du golfe du Saint-Laurent après un déclin de 98 p. 100. La morue de l'Atlantique du sud du golfe du Saint-Laurent, qui fut à une époque, en 1987, la plus grosse population de morue frayante au monde, connaît actuellement une mortalité tellement élevée qu'on prévoit son extinction ou sa disparition de ce secteur d'ici à 2050.

L'un des facteurs qui, croit-on, font obstacle au rétablissement de la morue est l'accroissement des stocks d'espèces qui étaient autrefois ses proies, comme le maquereau et le hareng. Ces espèces se nourrissent d'œufs et de larves de morue. On pense aussi depuis quelques années que le rétablissement de la morue est freiné par la prédation du phoque gris, dont l'abondance a augmenté spectaculairement depuis les années 1960.

Des données scientifiques crédibles montrent que le taux de mortalité élevé mettant en danger la survie de certaines espèces du sud du golfe, notamment la morue, peut être attribué en partie à la prédation du phoque gris. Des analyses scientifiques crédibles indiquent aussi que le phoque gris s'attaque peut-être à la morue adulte du sud du golfe plus qu'on ne le pensait auparavant, en particulier durant l'hiver.

Cela dit, il existe aussi des analyses scientifiques crédibles indiquant que l'élimination sélective du phoque gris par quelque méthode que ce soit pourrait ne pas être suffisante pour permettre le rétablissement de la morue de l'Atlantique et des autres espèces menacées dans le sud du golfe du Saint-Laurent. L'une des principales raisons de cette conclusion est que le réseau alimentaire marin ne se compose pas que de deux espèces, le phoque et la morue, mais plutôt d'espèces multiples qui interagissent les unes sur les autres, par exemple en se faisant concurrence pour la nourriture ou en s'attaquant les unes aux autres à différentes étapes de la vie. Cela fait qu'il est difficile de tirer des conclusions fermes sur la manière dont les changements touchant une espèce pourraient affecter l'abondance des autres espèces dans l'écosystème.

À mon avis, l'élimination sélective de phoques gris dans le but de rehausser la productivité de la pêche ne serait pas une raison suffisante pour lancer une telle opération, et ce, pour deux raisons. Premièrement, comme je l'ai dit, l'effet d'une telle élimination sélective sur le rétablissement de la morue ou d'autres espèces ne peut être prédit de manière crédible d'un point de vue scientifique. Deuxièmement, tuer délibérément des membres d'une espèce indigène au Canada à cause de la réduction du stock d'une autre espèce indigène, induite par l'homme et en fin de compte causée par des décisions de gestion politiquement opportunistes mais scientifiquement injustifiées, serait difficile à défendre à plusieurs égards.

La question que l'on peut poser est celle-ci : dans quelles circonstances une élimination sélective serait-elle justifiable? Des données convaincantes montrent que le Canada, à quelques exceptions près, n'a pas mis en œuvre ni respecté les nombreux engagements nationaux et internationaux qu'il avait pris pour préserver la biodiversité marine, et ce, tant sur le plan des principes que sur celui de la pratique. Les progrès du Canada ont été excessivement lents, à la fois en termes absolus, puisque certains engagements ne sont toujours pas respectés près de deux décennies après avoir été acceptés, et en termes relatifs, puisque d'autres pays industrialisés occidentaux ont fait des progrès notables en appliquant, voire souvent en dépassant, leurs engagements nationaux et internationaux de maintien de la biodiversité marine.

L'une des principales carences à ce chapitre est l'absence de plans de rétablissement, d'objectifs de rétablissement, de limites de conservation et de règles de pêche assurant le rétablissement des espèces menacées, contrairement aux obligations qui incombent au Canada. À mon avis, une élimination sélective de phoques gris dans le sud du golfe serait peut-être justifiable si elle reposait sur les quatre éléments suivants : premièrement, admettre officiellement que les risques d'extinction accrus d'espèces marines dans le sud du golfe sont le résultat de la surpêche induite par l'homme et fondée sur l'opportunisme politique; deuxièmement, disposer de plans de rétablissement adéquats pour les espèces actuellement et antérieurement exploitées dans le sud du golfe du Saint-Laurent, plans qui n'existent pas à l'heure actuelle; troisièmement, disposer d'analyses scientifiques supplémentaires confirmant l'hypothèse que la prédation de la morue adulte par le phoque gris est plus élevée qu'on le croyait; et, quatrièmement, déterminer que l'élimination sélective est la seule mesure possible pour empêcher l'extinction ou la perte d'espèces marines menacées dans le sud du golfe.

Autrement dit, l'élimination sélective serait la toute dernière solution envisageable pour tenter d'assurer le rétablissement d'une espèce menacée d'extinction. Comme avec toutes les mesures de rétablissement, il faudrait mesurer la faisabilité de l'action et évaluer scientifiquement l'incidence, qui peut être négative, d'une élimination sélective sur le rétablissement.

On ne saurait trop insister sur la nécessité logique de fixer des cibles et des points de référence limite, ainsi que des règles de contrôle de la pêche. Autrement dit, si on n'a pas fixé de cibles ou d'échéanciers de rétablissement, et il n'y en a pas pour la morue de l'Atlantique du sud du golfe, on n'a pas de plan de rétablissement. En l'absence de cibles ou de règles de contrôle de la pêche, ni la société ni l'industrie ne peuvent déterminer si une mesure de gestion proposée, comme l'élimination sélective du phoque, concorde avec une cible particulière à atteindre à l'intérieur d'une période de rétablissement prédéfinie. En l'absence de points de référence ou de règles de contrôle, on n'a aucun moyen de vérifier l'efficacité ou de suivre les résultats des décisions de gestion de la pêche.

La Cour suprême du Canada a jugé qu'il incombe au ministre des Pêches et Océans de gérer, de conserver et de développer les pêcheries au nom de tous les Canadiens et dans l'intérêt public. En d'autres mots, il incombe au ministre d'investir dans la capacité reproductive biologique et de dépenser ou d'exploiter le capital biologique marin appartenant à tous les Canadiens. L'élaboration d'un « budget » pour dépenser ce capital, comprenant des objectifs quantitatifs ou des cibles, est aussi nécessaire pour le ministre que pour un gestionnaire financier chargé de gérer un portefeuille d'investissement.

En résumé, en l'absence de plan de rétablissement de la morue et des autres espèces marines des eaux canadiennes — plan comprenant des cibles de reconstitution des stocks, des limites de conservation et des règles de pêche —, l'élimination sélective du phoque gris serait à juste titre interprétée comme une mesure de gestion ponctuelle. Bien que de telles mesures ponctuelles aient caractérisé maintes pratiques de gestion passées de la pêche au Canada, une telle mesure ne serait pas jugée conforme aux politiques canadiennes existantes de pêche durable et serait jugée contraire aux obligations nationales et internationales du Canada d'assurer le rétablissement, la conservation et l'utilisation durable de la vie biologique marine dans l'intérêt de la société canadienne et de la communauté mondiale. Cela met fin à ma déclaration liminaire.

Le président : Merci, monsieur Hutchings. Je suis sûr que vous avez suscité des questions dans l'esprit des sénateurs.

Le sénateur Hubley : Merci beaucoup de votre déclaration, monsieur Hutchings. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion.

Vous avez beaucoup parlé du pour et du contre de l'élimination sélective. Je crois comprendre que vous êtes également un expert de la morue, n'est-ce pas?

M. Hutchings : Oui, je m'y intéresse depuis 1992.

Le sénateur Hubley : Il semble que la proie du phoque gris est aujourd'hui, ou a été, la morue.

J'ai plusieurs questions à ce sujet.

Vous avez mentionné quatre facteurs à prendre en considération. Selon vous, l'élimination sélective devrait être la dernière mesure envisageable pour renverser ou redresser un déséquilibre dans l'environnement. Pour ce qui est de la pêche à la morue, elle est à toutes fins utiles disparue. J'ai été surprise de vous entendre dire qu'il n'y a pas eu de programmes ciblés pour son rétablissement. Je me dis qu'il doit y en avoir eu l'an passé. Lorsque cette pêcherie a été fermée, il y avait certainement des scientifiques qui faisaient des études sur la morue. Quelle sorte d'informations ciblées aurait-on dû recueillir avant, selon vous?

Si le phoque gris mange du poisson — nous avons entendu certains témoins affirmer avec véhémence que c'est le cas —, n'avons-nous pas assez de données probantes pour porter un jugement dès maintenant, sans attendre qu'une autre espèce disparaisse? Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard où l'on dit aujourd'hui que le phoque gris a peut-être acquis le goût du homard, ce qui serait un très gros problème dans notre province puisque c'est notre plus grande industrie.

Si l'on envisageait l'élimination sélective du phoque gris, quel effet cela aurait-il, d'après vous, sur la pêche à la morue ou d'autres types de pêche? Y a-t-il un lien direct entre la multiplication du phoque gris et la stagnation de la pêche à la morue?

En outre, une réduction ciblée de la population de phoques gris pourrait-elle avoir une incidence négative sur la pêche à la morue ou d'autres pêcheries?

M. Hutchings : Merci beaucoup. Vous venez de poser plusieurs questions extrêmement importantes.

Le sénateur Hubley : J'ai voulu en poser plusieurs d'un seul coup car nous n'aurons peut-être qu'un tour.

M. Hutchings : Je vous remercie notamment pour l'une de vos premières questions concernant les cibles de rétablissement.

Pour que les choses soient claires, on a voulu apporter certaines mesures qualitatives pour assurer le rétablissement de l'espèce par le passé. Ce qu'il n'y a pas eu, ce sont des cibles quantitatives. Cela remonte aux années 1990, quand le Canada a signé la Convention sur le droit de la mer, dont une partie était l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. Le Canada avait accepté d'intégrer le principe de prudence à ses plans de gestion de la pêche. Cela exigeait qu'il fixe un point de référence cible, comme on dit, représentant le niveau d'abondance qu'on souhaite pour un stock de poisson, un point de référence limite, en dessous duquel on ne souhaite pas que tombe le stock, et une règle régissant les niveaux de pêche, selon qu'on est proche ou éloigné de la cible. Nous n'avons pas de cible pour la morue du sud du golfe. De fait, nous n'avons de cible de rétablissement pour aucun de nos stocks de morue, même pas pour la morue du Nord. Quand je dis que nous n'avons pas de cible de rétablissement, je veux parler d'une cible numérique qui permettrait à chacun de juger si l'on est près ou loin de la cible.

Vous avez tout à fait raison de dire que les phoques mangent du poisson. Comme je l'ai dit, on dispose de données scientifiques crédibles portant à croire que le phoque gris est partiellement responsable de la mortalité naturelle élevée de la morue et d'autres espèces. Je pense que c'est une conclusion assez raisonnable.

La question fondamentale n'est pas de savoir si le phoque mange de la morue, il en mange. Dans mon esprit, la question fondamentale n'est pas de savoir si le phoque a augmenté la mortalité naturelle de la morue, je soupçonne que c'est le cas. La question fondamentale est qu'il n'est pas parfaitement clair qu'une réduction de la population de phoques gris débouchera automatiquement sur un accroissement de la population de morues.

Avant d'effectuer certaines des analyses les plus récentes du régime alimentaire du phoque gris, on avait de très bonnes analyses révélant un facteur que j'ai mentionné, c'est-à-dire que l'épuisement des stocks de morue a fait que des espèces dont la morue se nourrissait, comme le maquereau et le hareng, sont devenues plus abondantes. Nous savons que ces espèces se nourrissent de morues juvéniles et peuvent leur faire concurrence. Certains analystes ont formulé l'hypothèse — et elle est difficile à rejeter — que l'élimination du phoque gris, qui se nourrit aussi de maquereau et de hareng, risque de n'avoir aucun effet sur la morue, car le maquereau et le hareng deviendront plus abondants. Si tel est le cas et qu'ils continuent de consommer plus d'œufs et de larves de morue, l'élimination sélective du phoque gris risque de n'avoir aucun effet sur le rétablissement de la morue. Elle pourrait avoir un effet positif, aucun effet ou un effet négatif, mais les choses ne pourraient de toute façon pas aller beaucoup plus mal qu'aujourd'hui pour la morue. Voilà la question fondamentale que chacun se pose, c'est-à-dire la recherche de compromis. Autrement dit, quels sont le pour et le contre d'une élimination sélective d'un point de vue moral, scientifique, éthique et économique. En dernière analyse, d'un point de vue scientifique, il est assez difficile de conclure de manière crédible si l'élimination sélective aurait une incidence positive, négative ou négligeable sur la morue.

Le sénateur Hubley : Je pourrais vous demander pourquoi c'est le cas, mais ce serait une question assez simple. Quand nous avons constaté que les stocks de morue diminuaient, et diminuaient rapidement, nous avons tous attribué cela à la surpêche. Or, il n'y a pas eu de surpêche de la morue depuis un certain temps, je crois. Je sais qu'on pêche encore la morue. La population de phoques gris a augmenté de façon spectaculaire depuis quelque temps. Il y a quelque part un certain équilibre qui a été rompu. Il me semble que le nombre très élevé de phoques gris doit avoir une incidence sur l'environnement d'une manière ou d'une autre. Ils doivent bien se nourrir.

Nous avons entendu des témoins affirmer que les phoques gris se nourrissent d'espèces que l'on pêche. Par conséquent, on pourrait penser que réduire le nombre de phoques donnerait une chance au poisson. Qu'en pensez- vous?

M. Hutchings : Tout d'abord, c'est au début des années 1990 que la morue a subi les conséquences les plus dramatiques. La pêche à la morue du Nord a été fermée en 1992, et celle de la plupart des autres morues, en 1993. Depuis cette époque, avec peut-être une seule exception, le long de la côte sud de Terre-Neuve, on n'a pas présenté d'arguments scientifiques vraiment solides pour continuer cette pêche dans les autres secteurs. C'est la raison essentielle pour laquelle on a imposé un moratoire à la pêche à la morue.

Au bout de quelques années, cependant, on a commencé à rouvrir certaines de ces pêcheries, comme dans le sud du golfe, ainsi que pour la morue du Nord.

L'une des raisons pour lesquelles ces mesures ont été qualifiées de mesures de gestion ponctuelles est que les quotas de prise qui ont été fixés ne participaient pas d'un plan de gestion global. Autrement dit, quelle est la cible de rétablissement? Quelle pourrait être la conséquence de ces quotas de prise sur l'aptitude de la morue à se rétablir?

L'une des conséquences de la réouverture de ces pêcheries, et c'est vraiment regrettable, rétrospectivement, est que tous ces stocks de morue, qui avaient déjà subi un déclin de 90, 95, voire 99 p. 100 dans un cas, étaient déjà dans une situation assez précaire. Bien que les pêcheries aient été fermées pendant trois, quatre ou cinq ans, dans certains cas, leur réouverture eut essentiellement pour effet dans quelques cas de tuer le rétablissement dans l'œuf et, partant, de maintenir les populations à des niveaux extrêmement bas.

Au lieu de permettre à la morue de se rétablir en l'absence de toute pêche, nous avons foncièrement maintenu les stocks à un niveau très bas à cause de cette pêche. Même si l'on disait à l'époque qu'il s'agissait d'une pêche à petite échelle, c'était à petite échelle parce que le nombre d'individus était relativement bas, mais à grande échelle en termes de pourcentage du nombre d'individus disponibles pour la pêche.

Alors que les stocks de morue étaient maintenus à un bas niveau, le nombre de prédateurs augmentait. S'il y a un déséquilibre, et il est incontestable que les réseaux d'alimentation ont radicalement changé, c'est le résultat d'une surexploitation. Je pense que tout le monde conviendra que le nombre énorme de phoques gris qui existe aujourd'hui a une certaine incidence sur l'écosystème océanique.

Pour répondre à la question que vous n'avez pas posée, c'est-à-dire pourquoi nous ne le savons pas, c'est très simplement parce que nous comprenons extrêmement mal les interactions entre les différentes espèces océaniques. De fait, nous ne les comprenons pas très bien non plus dans les rivières. J'étudie aussi le saumon et la truite, et je peux vous dire que nous sommes très peu capables de prédire ce qui se passe dans les rivières, sans parler d'un vaste écosystème océanique. Voilà la raison essentielle de l'incertitude scientifique.

Le sénateur Harb : Merci de votre exposé. Vous avez mentionné une série de quatre conditions qui doivent toutes être satisfaites avant de décider de procéder à une élimination sélective ou non. Qui devrait s'assurer que ces quatre conditions sont satisfaites? Est-ce le ministère des Pêches et Océans ou des scientifiques indépendants? J'aimerais avoir votre avis.

M. Hutchings : Je pense que cette responsabilité incombe au ministère des Pêches et Océans. La première condition que j'ai mentionnée est qu'on admette officiellement que les risques accrus d'extinction de certaines espèces sont le fruit de nos décisions de gestion passées. Je ne pense pas que quiconque puisse le nier, mais il est essentiel d'être franc et transparent avec la société si l'on veut prendre cette décision.

En ce qui concerne les plans de rétablissement, c'est le domaine du ministère des Pêches et Océans. De fait, il a déjà mis en place une politique, le Cadre pour la pêche durable, que le groupe d'experts de la Société royale juge tout à fait excellente. Le problème est tout simplement qu'elle n'est pas mise en œuvre assez rapidement. C'est le ministère qui aurait la responsabilité de dresser ces plans de rétablissement.

En ce qui concerne des analyses scientifiques supplémentaires pour voir si les phoques gris se nourrissent effectivement de morue adulte plus qu'on ne le pensait antérieurement, j'ai certaines informations à ce sujet. Je ne sais pas si votre comité en a été informé. Essentiellement, pour résumer brièvement — mais vous le savez peut-être déjà —, une bonne partie des analyses scientifiques du régime alimentaire des phoques indiquait que le phoque se nourrit avant tout de morue juvénile, pas de grande morue adulte. Ce n'est qu'après avoir prélevé des échantillons d'estomacs de phoques gris en 2009 au large de l'extrémité nord du Cap-Breton, là où la morue du sud du golfe se rassemble en hiver, qu'on a constaté que les phoques gris mâles consomment des morues d'assez grande taille. La morue la plus grande avait 70 centimètres de long, et la moyenne était de 43 centimètres. Je crois savoir qu'on a prélevé d'autres échantillons en 2010 qui ont montré que la morue représentait jusqu'à 60 p. 100 de l'alimentation du phoque gris. La taille moyenne des morues était un peu moins élevée. Au lieu de 43 centimètres, c'était 35, mais l'individu le plus grand avait 76 centimètres. Une troisième série d'échantillons a été prélevée en novembre, décembre et janvier derniers, et on en effectue l'analyse actuellement. Nous verrons alors si des morues adultes sont susceptibles d'être mangées.

La dernière condition était que l'élimination sélective soit considérée comme une initiative de rétablissement de l'espèce plutôt que comme une initiative de productivité de la pêche.

Le sénateur Harb : Vous avez comparu devant le Comité permanent des pêches et océans en 1997, le 4 décembre, et avez alors indiqué que vous faisiez une étude. Vous aviez essayé de participer à un symposium sur le rôle des mammifères marins et les écosystèmes. Votre étude concernait l'influence des phoques, ainsi que l'effondrement et le rétablissement de la morue du Nord. À ce moment-là, vous aviez dit au comité que vous n'aviez même pas été autorisé à distribuer des copies de votre étude, et vous aviez affirmé que, lors du symposium, le ministère avait eu, aux yeux des scientifiques étrangers, un comportement non professionnel, et que cela avait même été embarrassant pour les scientifiques canadiens. Le message adressé aux scientifiques était que, si vous entreprenez des recherches politiquement délicates, et si vous tirez des conclusions qui pourraient être interprétées comme allant à l'encontre de la position du ministre, sachez que la communication de vos résultats dépendra plus des conséquences politiques éventuelles que de leur valeur scientifique.

Les choses ont-elles changé depuis cette époque, il y a 15 ans? Vous venez de répéter la même chose dans vos dernières conclusions, celles du groupe d'experts que vous venez de présider. L'une de vos recommandations concerne l'existence d'un conflit d'intérêts, et le fait qu'on ne devrait pas laisser le ministère être juge et partie en même temps.

M. Hutchings : Merci. Je ne me doutais pas qu'on me rappellerait mes déclarations d'il y a 15 ans, mais je suis heureux que vous l'ayez fait, car cela soulève une question extrêmement importante touchant la communication des données scientifiques à la société.

À l'époque, pour résumer, certains d'entre nous examinaient l'influence potentielle de la prédation des phoques sur l'effondrement des stocks de morue du Nord. Nous avions conclu qu'on ne pouvait pas imputer cet effondrement au phoque. Ce rapport avait été rédigé — je travaillais alors pour Pêches et Océans — et on nous avait interdit d'en distribuer des exemplaires lors d'une conférence internationale sur les interactions entre les mammifères marins et la pêche. À la dernière minute, on nous avait autorisés à le présenter oralement, mais pas à en distribuer des exemplaires. C'était un bon exemple de suppression de données scientifiques. La science ne peut progresser que si ses résultats sont jetés dans l'arène pour être analysés et décortiqués afin de voir s'ils résistent à l'examen, mais on ne nous a pas accordé ce luxe.

Les choses ont changé. Du point de vue du phoque et de la morue, je pense que la société, le grand public et les décideurs ont accès à beaucoup plus d'informations qu'il y a 15 ans. Je dois dire aussi que j'ai participé, en qualité de scientifique indépendant, à un atelier sur le phoque et la morue que le MPO a organisé en octobre 2010. À mon avis, les exposés scientifiques étaient très bons, très crédibles, et il y avait entre autres choses certains scientifiques de très haut niveau qui disaient foncièrement qu'il y a de multiples hypothèses pour expliquer le fait que la situation de la morue et d'autres espèces ne soit pas très bonne. L'explication la plus parcimonieuse semblait être compatible avec l'accroissement de la prédation des phoques. De manière générale, la communication des données scientifiques concernant le phoque gris et la morue s'est beaucoup améliorée. À mon avis, les données disponibles sont aujourd'hui mises à la disposition de la société.

Le sénateur Harb : Considérant ce que vous venez de dire, si une telle étude était entreprise, elle devrait porter non seulement sur l'incidence négative potentielle du phoque gris sur la morue, mais aussi sur l'incidence positive du phoque gris sur la morue à cause du problème du hareng que vous avez soulevé. Le hareng mange les œufs de la morue et peut donc causer beaucoup plus de dégâts en en mangeant des milliers qu'un phoque mangeant quelques morues. C'est un facteur intéressant et j'espère que mes collègues en prendront note.

J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec l'affirmation voulant que le problème devrait être la surpêche et le fait qu'il n'y a pas de stratégie gouvernementale qui ne soit motivée politiquement et fondée scientifiquement. Je vous entends dire qu'on a besoin d'une stratégie de rétablissement du poisson. Pensez-vous que cette stratégie devrait inclure, par exemple, le fait que la surpêche pourrait probablement jouer un rôle plus important qu'on le pensait à l'origine, et que le gouvernement devrait peut-être jouer un rôle plus proactif sur la scène internationale?

M. Hutchings : Pour ce qui est d'un rôle plus proactif du gouvernement sur la scène internationale, on peut probablement dire qu'il a joué un plus grand rôle sur la scène internationale que nationale. C'est une autre conclusion de ce rapport. Si nous avons fait des progrès, c'est peut-être plus à l'extérieur qu'à l'intérieur de la limite de 200 milles.

Mon opinion — et je crois pouvoir dire qu'elle est partagée par les autres scientifiques et les gens qui ont réfléchi au problème — est que toute activité consistant à tuer des phoques gris pour contrôler la prédation devrait faire partie d'un plan plus vaste. Elle devrait faire partie d'un plan de vaste portée qui soit compatible avec ce que font toutes les autres nations de pêche.

En l'absence de cibles de rétablissement, même simples, il est vraiment difficile d'arguer qu'une mesure de gestion ponctuelle serait appropriée si l'on ne sait pas vraiment quel résultat on espère obtenir. Comment peut-on évaluer l'efficacité de cette activité de gestion si l'on n'a pas fixé d'objectif à l'avance? Pour savoir si l'on a atteint le résultat fixé, on a besoin de cibles chiffrées et d'un plan de rétablissement.

En bref, si l'on décidait d'entreprendre une action telle qu'une élimination sélective, il faudrait qu'elle s'inscrive dans un plan de rétablissement exhaustif de plus vaste portée.

Le sénateur Poy : Merci beaucoup. Je vous écoute attentivement et il est clair que ce que vous dites est très cohérent, car on ne peut pas éliminer sélectivement une espèce en espérant que tout se rééquilibre naturellement.

La principale préoccupation, à l'heure actuelle, concerne la pêche à la morue, pas le rétablissement. D'aucuns disent que les phoques gris en mangent trop et qu'il faut donc en éliminer sélectivement. Voici une chose que je ne sais pas : fait-on de l'élevage de morue?

M. Hutchings : On en fait un peu, mais ce n'est pas très développé.

Le sénateur Poy : Pourquoi? Ne pourrait-on pas développer cet élevage afin de relâcher les individus dans l'océan?

M. Hutchings : C'est une idée intéressante. Elle a été appliquée pour la première fois au Canada dans les années 1890, à Terre-Neuve. Entre 1890 et 1898, à peu près, le gouvernement de Terre-Neuve a fait venir un Norvégien, Adolph Neilson, qui a créé une écloserie à Bull Arm, dans la baie de la Trinité. Il avait rassemblé des morues frayantes, avait récolté les œufs pour les faire éclore puis avait relâché les jeunes dans l'océan. La Norvège faisait la même chose dans certains de ses fjords à la même époque. Le problème est qu'on n'avait pas de bon moyen d'évaluer si cela changeait quoi que ce soit à la situation. La raison principale est que, même si les stocks de morue sont à un très bas niveau, ils contiennent quand même des millions d'individus. Numériquement, il y en a encore beaucoup.

Le sénateur Poy : Aujourd'hui ou à l'époque?

M. Hutchings : Aujourd'hui. Il y en avait des milliards et il y en a maintenant des millions. Si l'on voulait avoir un effet notable, il faudrait une capacité énorme en écloserie, beaucoup plus élevée que celle que nous avons actuellement. Les élevages existants de morue servent essentiellement à l'aquaculture.

Le sénateur Poy : Ne pourrait-on pas produire des centaines de millions d'alevins pour les relâcher dans l'océan?

M. Hutchings : On pourrait faire ça, mais l'une des grandes difficultés d'une espèce comme la morue est qu'une seule femelle, par exemple, peut produire des millions d'alevins. Or, sur ces millions, la chance que ne serait-ce qu'un seul survive est extrêmement faible. Avant la surpêche de la morue, une femelle vivait en moyenne 10 à 15 ans. Elle produisait des millions d'œufs chaque année, essentiellement parce que la chance qu'un seul alevin survive était tellement minime. C'est une vraie loterie. En fait, on a probablement plus de chances de gagner à la loterie que de voir un seul alevin de morue survivre dans l'océan.

Même si vous preniez des millions de larves élevées en écloserie et les relâchiez dans l'océan, elles seraient sujettes aux mêmes types de taux de mortalité. Il faudrait probablement un effort technologique beaucoup plus grand que celui qui existe actuellement.

Le sénateur Poy : Je me demandais s'il ne serait pas préférable, au lieu d'éliminer sélectivement les phoques gris, d'agir en sens contraire en augmentant la population de morues.

Si je me souviens bien, nous avons eu une abondance de homards l'an dernier. Les phoques gris ne mangent pas les homards?

M. Hutchings : Les phoques gris mangent toutes sortes de choses.

Le sénateur Poy : Pourtant, s'il y a une abondance de homards, ce n'est peut-être pas le phoque gris qui nuit à la pêche à la morue, n'est-ce pas?

M. Hutchings : C'est une remarque intéressante car, par exemple, à l'est du plateau néo-écossais, du nord de Halifax jusqu'au Cap-Breton, la pêche à la morue n'a jamais repris commercialement. Elle est interdite depuis 1993. On y perçoit des signes de rétablissement que depuis quatre ou cinq ans, mais le rétablissement est modeste. Certains pensent qu'il est solide, mais d'autres sont plus circonspects. Quoi qu'il en soit, ce rétablissement se produit dans le même secteur de l'île de Sable où il y a des centaines de milliers de phoques gris. Cela pourrait être considéré comme un exemple de situation où nous avons beaucoup de phoques gris, mais où il semble en même temps se produire un certain rétablissement de la morue.

Si l'on veut être juste et objectif à ce sujet, la différence dans le sud du golfe est que le comportement de la morue de ce secteur est tel qu'elle risque de s'y exposer à un plus grand risque de prédation. Je dis cela parce que la morue du sud du golfe a un comportement migratoire assez particulier. Elle quitte chaque année le golfe du Saint-Laurent à l'automne pour aller autour du Cap-Breton, et l'on constate son regroupement comparativement serré durant l'hiver au large du nord du Cap-Breton. Ensuite, elle retourne dans le golfe au printemps, où elle se disperse largement.

On peut donc raisonnablement supposer que, même si tout le stock est à un niveau relativement bas, les individus se regroupent quand même et se placent en situation de risque en hiver dans la mesure où un nombre relativement petit de phoques gris pourrait leur infliger des taux de mortalité élevés.

Je pense que certains scientifiques trouvent assez crédible la relation entre le phoque gris et la morue, ou le modèle de prédation, étant donné cette différence de comportement entre la morue de ce secteur et la morue d'autres secteurs. Toutefois, votre remarque est pertinente.

Le sénateur Poy : Quels animaux s'attaquent au phoque? Y en aurait-il suffisamment pour préserver l'équilibre maritime?

M. Hutchings : Très peu d'animaux s'attaquent au phoque, et ce seraient les très grands requins, comme le grand requin blanc qui a été considéré comme une espèce en péril par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Pour être tout à fait franc, il y a extrêmement peu de prédateurs du phoque gris. Seuls les requins sont dans cette catégorie, mais ils ne vivent généralement pas très bien dans les eaux canadiennes actuellement.

Le sénateur Poy : Merci beaucoup.

Le sénateur Oliver : J'ai deux questions à vous poser.

La première concerne le document dont vous parliez il y a quelques instants, concernant le fait que le régime alimentaire du phoque gris se compose à 60 p. 100 de morue. Ensuite, vous avez parlé d'individus de 43 centimètres, jusqu'à 76 centimètres. De quel document s'agit-il? Qui a fait la recherche? Quelle est la date de cette recherche? Quelles sont les données? Quelle était la taille de l'échantillon? Pouvez-vous me donner des précisions?

M. Hutchings : C'est un document du ministère des Pêches et Océans, de l'un des principaux scientifiques étudiant les mammifères marins.

Le sénateur Oliver : De quelle année? Quelle date?

M. Hutchings : On me l'a envoyé la semaine dernière.

Le sénateur Oliver : Est-ce une recherche de 2011-2012?

M. Hutchings : C'est l'information la plus récente. Les données dont je parlais tout à l'heure dataient de 2010, lorsque les échantillons ont été prélevés. Comme en 2009, on a examiné 100 estomacs de phoques. C'était donc un échantillon de 100 individus, comme l'année précédente et, je crois, en 2011.

Ces données n'ont pas encore été examinées par des pairs dans le système du MPO, mais ce sont les données brutes et elles résisteront probablement à l'examen du système du MPO.

Le sénateur Oliver : Considérant les 100 phoques gris de cet échantillon, quel en était le poids moyen?

M. Hutchings : Je ne le sais pas.

Le sénateur Oliver : D'où venaient les phoques? Avez-vous dit qu'ils venaient de la côte Nord de la Nouvelle-Écosse? À quelle distance de la côte et à quelle profondeur en mer?

M. Hutchings : C'était autour de St. Paul Island, c'est-à-dire pas très loin au large de la côte, relativement parlant. C'est là que la plupart de ces phoques avaient été tués, si ce n'est la totalité, afin d'en examiner l'estomac. C'était en novembre, décembre et janvier, lorsque la morue a tendance à se regrouper dans ce secteur.

Le sénateur Oliver : Quand on a ouvert les estomacs, avez-vous dit, on a trouvé que 60 p. 100 du contenu était de la morue. Qu'a-t-on trouvé d'autre? Y avait-il du maquereau, du hareng, de l'aiglefin et de la merluche? Quelles étaient les proportions?

M. Hutchings : Franchement, je ne saurais vous le dire. Je peux toutefois vous recommander, si vous me le permettez, d'inviter à comparaître devant votre comité, lorsque vous passerez à Halifax à la fin du mois de mars, le meilleur spécialiste des mammifères marins, car c'est lui qui a effectué cette recherche. C'est lui qui pourrait répondre à ces questions.

Le sénateur Oliver : Vous avez parlé très vite et avez couvert un vaste territoire. Vous avez parlé du risque accru d'extinction de certaines espèces, de l'épuisement de certaines espèces et du merlu argenté. Vous avez donné des chiffres effrayants sur leur avenir. Ce que je n'ai pas compris dans votre exposé au sujet du merlu argenté, c'est la cause de tout cela. Pourquoi ces espèces sont-elles menacées d'extinction?

M. Hutchings : Je précise qu'il s'agissait de la merluche blanche. Le merlu argenté est un autre type de merluche.

La merluche blanche est une espèce qui a été directement ciblée par la pêche commerciale pendant de nombreuses années, comme la morue et beaucoup d'autres espèces. Comme elle a été surexploitée, ses stocks sont tombés très bas. Nous apprenons aujourd'hui, ce que n'auraient pas pensé beaucoup de scientifiques de la pêche il y a 20 ans, je crois, que, lorsque des populations de poisson tombent en dessous d'un certain niveau — et nous ne savons pas exactement quel est ce niveau —, leurs chances de rétablissement deviennent beaucoup plus faibles qu'on le pensait auparavant. Les modèles classiques de la pêche ont toujours prévu que, si une population de poisson tombe simplement à un niveau extrêmement bas, elle se rétablira si l'on arrête de pêcher. C'était ce qu'on croyait, mais nous apprenons aujourd'hui douloureusement que ce n'est pas toujours le cas. La merluche blanche est l'une des espèces qui ont été surexploitées et dont la population a atteint de très bas niveaux. Elle a un type de comportement qui n'est pas très différent de celui de la morue, ce qui fait qu'elle se trouve aussi, à certaines périodes de l'année, plus rassemblée et regroupée qu'à d'autres périodes.

Plusieurs scientifiques de Pêches et Océans ont récemment publié une étude intitulée Evaluating the potential for grey seal predation to explain elevated natural mortality in three fish species in the southern Gulf of St. Lawrence. Quand je parle de certains de ces taux de mortalité naturelle élevés, c'est à partir de cette étude examinée par des pairs.

Le sénateur Oliver : Quelles sont les trois espèces?

M. Hutchings : Les trois que j'ai mentionnées : la raie tachetée, la merluche blanche et la morue de l'Atlantique.

Le sénateur Oliver : Vous avez dit, et le sénateur Harb l'a noté et en a fait grand cas, que, s'il devait y avoir une élimination sélective des phoques gris, cela pourrait avoir pour conséquence que le maquereau et le hareng mangeraient les œufs de morue, ce qui ne nous avancerait pas beaucoup. À l'époque de gloire de la morue dans le Canada atlantique, lorsqu'il y en avait tant qu'on pouvait traverser l'océan en marchant dessus, que mangeaient le maquereau et le hareng? Mangeaient-ils des œufs de morue?

M. Hutchings : Probablement. Je dois dire aussi que cette série de prédictions est également fondée sur les recherches de scientifiques du MPO. Ils ont étudié la productivité de la morue, essentiellement la production annuelle de jeunes morues, et ils ont constaté que, dans les années 1960, la productivité de jeunes morues dans le sud du golfe était relativement basse, mais que l'abondance de maquereau et de hareng était relativement élevée. Dans les années 1970, la productivité de la morue a augmenté spectaculairement. Elle était extrêmement élevée. Or, à l'époque, le hareng et le maquereau étaient relativement peu abondants. Plus tard, la productivité de la morue a chuté au moment où le hareng et le maquereau sont devenus plus abondants.

Tout ce que nous pouvons dire, sur le plan scientifique, c'est qu'il y a une corrélation entre les deux. Nous pouvons prédire de manière assez raisonnable qu'il pourrait y avoir une relation de cause à effet. Il ne serait pas déraisonnable de le penser. Toutefois, comme toujours avec la science, notamment océanique, il y a des facteurs d'incertitude qui nous empêchent de tirer des conclusions fermes. C'est la base de l'interaction hareng-maquereau-morue.

Le sénateur Poirier : Vous avez parlé tout à l'heure de taux de mortalité élevés qui continuent d'augmenter. Vous avez mentionné l'an 2050, si je me souviens bien. Pouvez-vous nous dire quel était le taux de mortalité de la morue il y a 30 ou 40 ans, avant l'accroissement du nombre de phoques gris, par rapport au taux d'aujourd'hui?

M. Hutchings : C'est une excellente question. Comme pour beaucoup de choses, il est assez difficile d'obtenir des données solides sur les taux de mortalité naturelle de la morue dans le passé. On estimait typiquement qu'il était de 18 p. 100 par an environ, en moyenne. Le taux de mortalité de la morue du sud du golfe semble avoir augmenté dans les années 1980, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, et encore plus dans les années 1990. Je voudrais toutefois apporter une correction pour ne pas vous donner de fausse impression : il n'est pas absolument certain que la mortalité de la morue continuera d'augmenter jusqu'en 2050, mais c'est une possibilité. Le problème est que les individus ne sont pas capables de se remplacer aujourd'hui à cause des taux de mortalité élevés. Les femelles ont des chances de survie tellement basses qu'elles sont incapables de se remplacer à terme. C'est un peu comme si l'on dépensait continuellement une partie du capital d'un compte bancaire. À terme, le compte serait à sec.

Sur la base d'une modélisation des populations, deux scientifiques de Pêches et Océans ont prédit que, si les taux de mortalité naturelle de la morue ne changent pas, celle-ci pourrait bien disparaître du sud du golfe d'ici la moitié du siècle.

Le sénateur Poirier : J'habite dans une petite collectivité de pêche. Je ne me souviens pas que les pêcheurs se plaignaient autant dans le passé qu'aujourd'hui des problèmes que leur cause le déclin du homard, de la morue, et de tout ce qui se passe d'autre. Ils s'inquiètent et s'interrogent car, depuis 1960, la population de phoques est passée de 13 000 individus à 400 000. En même temps, on semble enregistrer une hausse du taux de mortalité. Je sais bien qu'il n'y a selon vous aucune preuve que la population de morues se rétablirait même si l'on procédait à une élimination sélective des phoques. Toutefois, nous entendons ce que disent les gens là-bas, qui savent bien que deux et deux font quatre : il y en avait beaucoup auparavant et, d'un seul coup, une espèce se multiplie alors que l'autre disparaît. Ça les inquiète. Nous avons entendu les arguments des deux côtés à ce sujet.

J'espère que vous pourrez m'aider parce que je n'ai pas le document sous les yeux et je ne me souviens pas du chiffre exact. Combien de livres de poisson un phoque gris peut-il manger par jour?

M. Hutchings : Je regrette, je n'ai pas cette information.

Le sénateur Poirier : Je me souviens qu'on nous a donné le chiffre il y a quelque temps, et qu'il était très élevé. Je retourne à votre affirmation que 60 p. 100 de l'alimentation trouvée dans l'estomac des phoques gris était de la morue, quand le MPO a fait son étude en 2009-2010. Si je me souviens bien, le nombre de livres que le phoque gris consomme chaque jour était élevé. Cela veut dire que, si 60 p. 100 de son alimentation est de la morue, ça en fait une grosse quantité. Avec 400 000 phoques consommant tous 60 p. 100 de morue, je pense que le calcul serait intéressant à faire.

M. Hutchings : Certainement, mais je vous invite à la plus grande prudence si vous voulez utiliser ces chiffres, et ce, pour la raison suivante : il s'agissait d'échantillons d'un secteur particulier, à une période particulière de l'année, sur un échantillon de 100 phoques.

En règle générale, les scientifiques évitent d'extrapoler à partir d'estimations excessivement hautes ou basses. Ce qu'ils veulent, c'est faire une estimation — et c'est parfois difficile à faire précisément dans ce contexte — sur l'ensemble de l'année, et non pas accepter d'office cette proportion de 60 p. 100 en l'appliquant à tout.

Permettez-moi de faire un pas en arrière. Il est incontestable que les pêcheurs, et beaucoup d'autres, ont l'impression que la morue se rétablira s'il y a moins de phoques gris, et que c'est une relation très claire. Je tiens cependant à souligner que les scientifiques ne sont pas absolument certains de ce que serait précisément la réponse de la morue, parce qu'il y a de nombreuses espèces qui interagissent dans l'écosystème.

Il se peut fort bien que l'élimination d'un certain nombre de phoques gris aurait une incidence positive sur la morue. Il se peut que cela réduise le taux de mortalité annuelle de quelques points de pourcentage. Quel est le calcul? Si l'on retire 100 000 phoques, ou 70 000, combien y aura-t-il de morues en plus dans cinq ans, 10 ans ou 20 ans? Quand on fait de telles projections, on bute sur une énorme incertitude car elles dépendent énormément des hypothèses de départ. Il se peut fort bien que l'élimination sélective de phoques gris ait un effet positif sur la morue. Scientifiquement, cependant, on n'est pas vraiment beaucoup plus avancé en disant que cela se produira absolument qu'en disant qu'il n'y aura peut-être aucun effet du tout. Il faut tenir compte des compromis, du pour et du contre. Certains diront que l'élimination d'un aussi grand nombre de phoques risque d'avoir aussi des conséquences négatives. Est-ce que ces conséquences particulières, qu'elles soient nationales ou internationales, sont acceptables en regard d'un effet positif incertain? Peut-être bien, mais nous n'en savons vraiment rien.

Le sénateur Poirier : Nous savons que diverses choses ont été tentées au cours des années pour aider la population de notre industrie de la pêche, qu'il s'agisse du homard ou de la morue. On a réduit le nombre de permis de pêche. On a interdit d'aller pêcher dans certains secteurs. Différentes choses ont été tentées pour essayer d'aider ce secteur d'activité.

Toutes les données probantes que nous avons entendues, même celles que vous avez avancées ce soir en parlant de l'atelier de 2010, aboutissent au fait que le phoque gris a peut-être un impact. Vous dites qu'il n'y a aucune preuve que la population de morue augmenterait s'il y avait une élimination sélective.

Diriez-vous que nous ne le savons vraiment pas et qu'en réduisant le nombre de phoques gris, on obtiendrait à un exercice similaire à ce que nous avons fait lorsque nous avons réduit le nombre de permis de pêche au homard? Beaucoup d'études, comme une partie de ce que vous avez dit, montrent qu'il n'y a pas de données probantes mais aussi, en même temps, qu'il y en a certaines. Il semble y avoir de l'incertitude — je crois que c'est le bon mot — sur le fait que ce serait utile ou non. Notre rôle à nous est d'essayer au moins de faire quelque chose pour voir ce qui pourrait marcher. Diriez-vous avec moi qu'on a au moins 50 p. 100 de chances que ce soit utile?

M. Hutchings : Je ne suis pas sûr que ce soit 50 p. 100, mais je tiens à répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Vous pourrez trouver des prévisions scientifiques correspondant à ce que vous suggérez, c'est-à-dire que la morue deviendra plus abondante si l'on retire le phoque gris. Toutefois, on pourrait aussi inclure des hypothèses différentes dans ces modèles mathématiques et parvenir à la conclusion que le bienfait sera négligeable. L'incertitude vient du fait qu'on ne sait pas quelles sont les hypothèses les plus appropriées à appliquer. Nous ne sommes vraiment pas en mesure de dire de manière crédible que telle ou telle série d'hypothèses est meilleure que telle autre. Cela pourrait être une mesure de gestion ne produisant aucun bienfait pour la morue, tout comme certaines des autres mesures de gestion que vous avez mentionnées. Toutefois, à la différence de ces autres mesures de gestion, tuer des dizaines de milliers de phoques pourrait coûter extrêmement cher au Canada du point de vue de sa réputation et d'autres choses, surtout s'il est probable que les bienfaits seront négligeables. En dernière analyse, c'est une décision de gestion, et chaque décision de gestion doit être prise en fonction de ses coûts et bénéfices.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, si l'on voulait entreprendre une élimination sélective, ce devrait être dans le cadre d'un plan de rétablissement bien articulé et de vaste portée, ce que nous n'avons pas actuellement. Cela devrait aussi se faire comme mesure de rétablissement d'une espèce, ou de prévention de son extinction, plutôt que comme mesure d'accroissement de la productivité de la pêche. Très franchement, l'homme n'a pas été particulièrement brillant jusqu'à maintenant dans la gestion des écosystèmes océaniques.

La seule chose que nous pouvons faire est de gérer les prises. C'est une chose, en théorie, que nous savons bien faire. Quand l'homme commence à manipuler les écosystèmes, les conséquences ne sont souvent pas celles qu'on avait prévues.

En dernière analyse, les conséquences pourraient bien être différentes de celles qu'on attendait. Les bienfaits pourraient être minimes ou importants, mais les coûts de l'intervention pourraient presque certainement être jugés très élevés. Vous auriez donc des coûts élevés pour des bienfaits possiblement minimes, mais peut-être aussi plus conséquents. C'est une décision vraiment difficile à cette étape. Je ne voudrais pas me répéter mais elle pourrait être justifiable dans le cas d'une espèce en péril.

Le sénateur Poirier : Nous parlons beaucoup de la morue mais je pense que le problème va bien au-delà, aujourd'hui. Il y a aussi toute la question du poisson de fond, avec lequel nous commençons à avoir de plus en plus de problèmes depuis quelques années. Je sais qu'on a beaucoup parlé de la morue, parce que c'est un problème depuis tellement longtemps, mais nous commençons aussi à voir surgir des problèmes avec le poisson de fond.

M. Hutchings : Effectivement, la taille moyenne du poisson dans le sud du golfe a énormément diminué, si l'on examine la structure de la communauté halieutique.

Le président : Je tiens à vous prévenir que nous n'aurons pas assez de temps pour un deuxième tour. J'ai encore quatre sénateurs qui souhaitent poser des questions.

[Français]

Le sénateur Chaput : En vous écoutant répondre aux questions de la sénatrice Poirier, ce qui me frappe, c'est que des expériences sont faites, des données ont été recueillies, mais on n'a pas suffisamment de réponses. On n'a pas fait suffisamment de tests ou d'expériences pour être en mesure de dire si c'est une bonne chose ou non de procéder à une action quelconque.

Dans le cas du phoque gris, quelles sont les principales lacunes dans les données dont nous disposons maintenant pour arriver à prendre une décision quelconque? De quelle autre donnée aurions-nous encore besoin?

[Traduction]

M. Hutchings : C'est une question extrêmement pertinente. Il serait facile de dire que nous avons besoin de plus d'échantillons de leur alimentation, mais nous commençons à voir presque toute la gamme des possibilités. Nous avons des études portant à croire que la morue représente un pourcentage extrêmement petit de l'alimentation du phoque. Nous avons d'autres échantillons portant à croire que la morue est une partie relativement importante de l'alimentation du phoque. Je suppose que certaines personnes diront constamment que nous devrions étudier d'autres échantillons. Je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire.

Je crois que la grande incertitude scientifique — et je ne suis pas certain que nous soyons réellement en mesure de nous y attaquer avec confiance — est de mieux comprendre les interactions entre ces différentes espèces.

Par exemple, si nous réduisons la population de phoques gris, les choses dont se nourrissent les phoques gris deviendront probablement plus abondantes. Certaines feront peut-être concurrence à la morue et à d'autres poissons, mangeront peut-être de la morue ou d'autres poissons, ou fourniront peut-être plus d'alimentation à la morue, ce qui serait un bienfait. Voilà ce que nous ne comprenons pas.

Certes, nous aimons simplifier les choses, et je pense que c'est souvent légitime, en considérant qu'il n'y a qu'un seul prédateur et une seule proie : le phoque et la morue. D'un point de vue scientifique, cependant, la principale incertitude provient du fait que nous ne savons pas, si nous modifions l'abondance d'une espèce, ce qui se passera probablement du point de vue de l'abondance de toutes les autres. C'est une incertitude scientifique qu'il est assez difficile de maîtriser.

[Français]

Le sénateur Chaput : Au niveau des scientifiques, est-ce que je peux vous demander si vous ne voyez pas un certain déséquilibre maintenant, justement, dans la vie marine, avec tout ce que cela implique pour sa santé? À ce moment-là, est-ce qu'il n'y a pas lieu de faire des suggestions ou d'entreprendre des actions pour empêcher que ce déséquilibre perdure? Il me semble qu'on ne peut jamais avoir les réponses à toutes les questions que l'on pose, alors comment prendre une décision dans ce contexte?

[Traduction]

M. Hutchings : Il y a un déséquilibre. Il y a manifestement un déséquilibre dans l'écosystème, et nous en sommes responsables. C'est nous qui l'avons causé. Maintenant que nous avons causé ce déséquilibre, il est apparemment tellement grave qu'au moins trois espèces de poissons risquent d'avoir disparu des eaux canadiennes où elles existaient depuis extrêmement longtemps. C'est l'homme qui a causé cette situation, ce déséquilibre, qui menace la pérennité de certaines espèces halieutiques. Puisque nous avons créé ce déséquilibre, la question est de savoir s'il y a quelque chose que nous pouvons faire pour le rétablir. Hélas, l'homme n'est pas particulièrement brillant quand il s'agit de rétablir l'équilibre des écosystèmes. Nous ne sommes pas très bons quand il s'agit de modifier la nature. Nous sommes en fait très mauvais. Je pense que beaucoup de gens se méfieraient.

En fin de compte, il n'y aura pas de réponse scientifique claire à la question de savoir comment la morue réagira à une élimination sélective de phoques gris. Je pense que les décisions ne reposeront que partiellement sur la science. Ce sera en dernière analyse un faisceau de valeurs qu'on utilisera pour dire que l'homme a créé ce déséquilibre et qu'il va essayer de le rectifier. C'est à la société qu'il appartiendra de décider si tuer des mammifères marins en vaut la peine ou non. Il se peut fort bien qu'elle décide que ça en vaut la peine. Pour ce qui est de la science, elle atteint les limites de ce qu'elle peut prédire avec confiance et de manière crédible concernant le résultat d'une élimination sélective de phoques gris. En bout de ligne, la décision de recourir à cette mesure ou non ne sera pas une décision scientifique mais devra être fondée sur quelque chose d'autre.

Le sénateur McDonald : Merci de votre présence. Vous arrivez précédé d'une grande réputation dans ce domaine, et je suis heureux que vous soyez ici pour en débattre avec nous.

Vous avez parlé d'une série d'hypothèses et du fait qu'il est difficile de s'attaquer à ce sujet avec certitude. J'aimerais revenir à ce que vous disiez au sujet d'un plan de rétablissement bien articulé et de grande portée.

Je ne crois pas que l'élimination d'animaux soit considérée comme une bonne chose par la plupart des gens raisonnables, mais peut-être comme une chose nécessaire. Bien que je ne sois pas un scientifique, j'ai toujours pensé que l'élimination d'un animal ne peut être qu'une partie de solution. D'après vous, quelle serait l'autre partie, dans le cas présent? Je vous demande cela parce que, si vous examinez la biomasse de la morue d'il y a 20 ans, quand on a imposé le moratoire, il n'y a pas eu de pêche au large de la Nouvelle-Écosse mais cela n'a pas empêché sa population de chuter encore plus. Maintenant, elle est plus ou moins stabilisée. J'ai peine à croire qu'elle se soit tellement stabilisée quand on l'a laissée tranquille et qu'on ne l'a plus pêchée. Pouvez-vous répondre à cela?

M. Hutchings : En effet. Vous parlez de l'est du plateau néo-écossais, du nord de Halifax jusqu'au Cap-Breton?

Le sénateur McDonald : Oui.

M. Hutchings : Vous avez tout à fait raison. Depuis le moratoire de 1993, il n'y a pas de pêche commerciale dirigée. Certes, on a attrapé de la morue, là et ailleurs, mais comme prise accessoire. Il pourrait fort bien être raisonnable de croire que la prédation des phoques a contribué à l'absence de rétablissement rapide de la morue. Une étude a été publiée l'an dernier dans une revue scientifique de haute réputation, Nature, par des scientifiques du MPO affirmant qu'il y a eu des signes positifs de rétablissement de la morue à l'est du plateau néo-écossais. Nous sommes plusieurs à attendre de voir si les signes précoces d'une tendance se manifestent et persistent pendant plusieurs années. D'aucuns estiment qu'il est trop tôt pour parler de rétablissement. Il est bien possible que la prédation des phoques, presque certainement conjuguée à d'autres facteurs, a contribué à maintenir la population de morue à un bas niveau, mais elle est maintenant capable d'en sortir, encore une fois pour des raisons que nous ne comprenons pas pleinement.

À l'ouest du plateau néo-écossais, dans la baie de Fundy, autour de Shelburne et Yarmouth, la pêche n'a jamais été interdite. Cette pêche à la morue a continué au cours des années.

Le sénateur McDonald : Aurait-on dû la fermer?

M. Hutchings : Si l'on remonte au début des années 1990, c'est difficile à dire. Je vous réponds cela parce que nous n'avions pas de points de référence, et nous n'en avons d'ailleurs toujours pas aujourd'hui. Je ne cesse de le répéter car, en l'absence de point de référence qui nous indiquerait idéalement si nous sommes loin de ce qui est souhaitable et si nous sommes loin de ce qui n'est absolument pas souhaitable, si l'on n'a pas ces points de référence limites cibles, il est difficile de mesurer la taille d'un stock dans un quelconque contexte utile pour dire s'il est en difficulté ou si sa situation n'est pas si mauvaise après tout. Les décisions de fermer ces pêcheries au début des années 1990 reposaient sur des jugements personnels et non pas sur une évaluation des stocks par rapport à des points de référence. Elles reposaient plus sur le niveau historique des prises et la taille historique des populations. Quant à savoir si cette pêche qui aurait dû être fermée ou non, il n'était probablement pas nécessaire qu'elle le fût, mais les niveaux de prise auraient probablement pu être réduits.

Le sénateur McDonald : Parlons de la question des vers de la morue. Savoir si l'élimination sélective du phoque gris changerait complètement ou non la situation de la morue, c'est une chose, mais en ce qui concerne la proportion de vers qu'on trouve dans la morue, elle semble certainement avoir augmenté au cours des années. Attribuez-vous cela directement au phoque? Je sais que la plupart des gens y pensent du point de vue de l'étude, mais je suppose que, si un animal est plein de vers, ça ne doit pas être bien bon pour lui. Quel effet cela a-t-il sur le rétablissement du stock?

M. Hutchings : C'est une bonne question biologique. La question est de savoir dans quelle mesure l'accroissement du parasitisme de la morue entrave le rétablissement de l'espèce. Hélas, ce que nous savons des parasites, c'est qu'ils parasitent la morue. On peut essayer de compter combien il y en a mais c'est extrêmement difficile. Je ne connais aucune étude ayant permis d'examiner, surtout en situation contrôlée, dans quelle mesure des niveaux différents d'infestation parasitaire peuvent influer sur la survie de la morue. L'effet existe probablement mais nous n'en connaissons tout simplement pas l'ampleur.

Vous avez tout à fait raison, les pêcheurs ont constaté une augmentation de l'infestation de vers dans les phoques. Cela réduit la qualité de la morue, certainement à l'ouest du plateau néo-écossais, aux dires de tout le monde, mais l'une des choses que nous ne comprenons pas encore complètement est le mouvement des phoques entre les différents sites. Ici encore, on pourrait fort bien avoir une situation dans laquelle, si l'on réduisait le nombre de phoques dans un secteur, on verrait y arriver des phoques d'un autre secteur. On risquerait alors de ne pas atteindre l'objectif global visé. Je crois certainement qu'il est légitime de conclure que la présence accrue de vers des phoques est probablement reliée à l'accroissement du nombre de phoques gris. Toutefois, il y a toujours eu des vers de phoques dans la morue de ce secteur, contrairement à celle de Terre-Neuve.

Le sénateur McDonald : Différents groupes récréatifs ont dépensé beaucoup d'argent au cours des années, notamment sur la côte Ouest, au sujet du saumon. Certes, le type de saumon le plus en danger au Canada n'est pas celui de la côte Ouest mais celui de l'Atlantique. Tout le problème de l'écosystème du Canada atlantique — et c'est l'un des gros problèmes du saumon de l'Atlantique — est de savoir si les phoques mangent le saumon de l'Atlantique. Je n'en sais rien.

M. Hutchings : Oui, le phoque mange le saumon. Le problème est qu'il est souvent difficile de l'identifier dans son alimentation parce qu'il y a si peu de saumons. Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur McDonald : Oui, nous le savons. Il va falloir y faire quelque chose.

M. Hutchings : Le saumon de la baie de Fundy, autour de la Nouvelle-Écosse, a atteint des niveaux extrêmement bas, mais depuis pas mal de temps déjà.

Le sénateur McDonald : Que faisons-nous mal au sujet du rétablissement des niveaux de saumon de l'Atlantique?

M. Hutchings : On a certainement constaté une mortalité plus élevée en mer que dans le passé. Il y a probablement aussi des questions d'eau douce, mais il est probablement juste de dire que le consensus scientifique général est que c'est la mortalité accrue du saumon en mer qui affecte le saumon dans la partie sud de la zone de pêche. C'est tout aussi vrai dans le Maine et en Europe. Le changement climatique y est pour quelque chose aussi.

Si l'on examine la situation du saumon dans le sud de la France, de l'Espagne et du Portugal, elle n'est pas reluisante non plus. Si c'est un problème causé par le phoque ici, ça ne l'est pas là-bas. Le changement climatique influe sur ces choses-là d'une manière que nous ne comprenons pas pleinement. Nous savons par exemple que la température de l'eau dans le golfe du Saint-Laurent a augmenté de deux degrés depuis 1985, et que les eaux sont anoxiques à plus de 200 mètres de profondeur à certains endroits. Elles ne permettent pas la vie biologique actuellement. Il n'y a pas assez d'oxygène aujourd'hui. Il y en avait dans les années 1960 mais pas aujourd'hui. Nous savons que l'acidité des eaux profondes du sud du golfe a augmenté de 37 p. 100 par rapport aux années 1930. Il y a un certain nombre de changements océaniques reliés au changement climatique qui s'ajoutent à certaines des choses plus traditionnelles que nous avons utilisées. Encore une fois, c'est simplement une forme de prudence que de supposer qu'il y a une relation directe entre le phoque et la morue ou le phoque et le saumon, parce que nous avons le changement climatique qui s'ajoute ou qui agit de manière synergique.

Le sénateur McDonald : J'aimerais parler d'une autre espèce de la côte Est, le corégone atlantique, ou le corégone d'Acadie, autour de la rivière Tusket. C'est un poisson rare, qui le devient de plus en plus. Savez-vous pourquoi il est en train de disparaître?

M. Hutchings : Je le devrais parce que je fais partie du comité de l'étudiant qui étudie la question, mais je pense qu'on ne le trouve plus que dans un ou deux bassins hydrologiques.

Le sénateur McDonald : C'est surtout autour de la rivière Tusket.

M. Hutchings : En effet, et il fait l'objet d'initiatives intenses de repeuplement. C'est un poisson qui ne va pas en mer, il reste dans les lacs.

Le sénateur McDonald : Cela pourrait-il aussi être relié au changement climatique?

M. Hutchings : Ça se pourrait. L'une des hypothèses avancées par beaucoup de gens est l'emploi de pesticides et de choses qui sont lessivées par les eaux de pluie et passent ainsi de la terre à l'eau douce. On ne peut pas exclure cela comme menace supplémentaire.

Le sénateur McDonald : Vous avez dit qu'il y a beaucoup d'incertitude au sujet des mesures qui permettraient de rétablir totalement les stocks de morue, si une, deux ou trois mesures le permettraient. Toutefois, je crois pouvoir conclure sans grand risque de me tromper que, si nous continuons dans la même voie que maintenant et ne faisons rien pour aider l'espèce à se rétablir, on ne pêchera plus de morue dans un demi-siècle.

M. Hutchings : C'est une prédiction qui vaudrait pour un seul stock de morue, celui du sud du golfe. Je tiens à vous mettre en garde en disant que les autres stocks sont en expansion. Tout indique certainement qu'ils augmenteraient s'ils n'étaient pas pêchés.

Par exemple, il y a eu de la pêche dans le nord du golfe et sur la côte ouest de Terre-Neuve pendant plusieurs années. Il paraît clair que cette pêche a nui au rétablissement. Si nous n'avions pas rouvert la pêche il y a 10 ou 12 ans, il y aurait là-bas beaucoup plus de morue qu'aujourd'hui. Le problème est que, et je reprends l'analogie du compte bancaire, nous n'avons cessé d'écumer l'intérêt chaque année au lieu de laisser grossir le capital. Gérer un stock de poisson n'est pas différent de gérer un portefeuille d'investissement. On peut comprendre pourquoi les ministres ont autorisé la pêche : ils subissent une forte pression politique. Le problème est que ces niveaux de pêche n'ont pas été fixés dans le contexte d'un plan de rétablissement à grande échelle, ce qui n'a pas permis de juger s'ils étaient adéquats par rapport à ce que l'objectif était censé être.

Un dernier exemple : nous avons actuellement une politique-cadre de pêche durable en vertu de laquelle, si un stock de morue ou de n'importe quelle espèce tombe en dessous de son point de référence limite — son niveau de conservation —, la pêche dirigée pourrait être maintenue au niveau le plus bas possible. Cela veut dire qu'il n'y aurait pas de pêche dirigée. Les scientifiques du MPO estiment que la morue du Nord est à 90 p. 100 en dessous de son point de référence limite. C'est dans un secteur où la politique même du MPO devrait entraîner l'interdiction de la pêche mais où il y a encore de la pêche dirigée.

Honnêtement, l'un des principaux défis du rétablissement de la morue est d'obtenir une meilleure maîtrise de notre aptitude à contrôler les niveaux d'exploitation. D'autres pays le font et ont employé à cet effet des cibles de rétablissement, entre autres, dans le cadre de plans de rétablissement. Les États-Unis ont adopté une loi fixant les mesures à prendre en cas de surpêche d'une espèce. Nous n'avons pas cela ici. À mon sens, c'est le principal facteur qui entrave le rétablissement.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Hutchings, je pense que la plupart des questions que j'avais pour vous ont été posées et je ne voudrais pas être redondant. Évidemment, je comprends que le Canada doit maintenir sa biodiversité marine. Je crois que vous avez dit qu'on n'a peut-être pas d'autre choix non plus que d'évaluer la densité de la population de phoque. Évidemment, on a parlé d'abattage sélectif et de biodiversité.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'isoler, à un moment donné, ou d'établir un cadre de référence pour certains mammifères avec les phoques, et est-ce que cela ne permettrait pas d'évaluer mieux l'influence du phoque gris sur les sortes de mammifères? Est-ce possible ou non de le faire à la grandeur du territoire? J'imagine que ce n'est pas facile de répondre, mais avait-il été envisagé, à un moment donné, d'isoler ou d'établir un genre de cadre de référence particulier?

[Traduction]

M. Hutchings : Deux types de réponse à votre question me viennent à l'esprit. D'abord, il y a l'existence d'autres mammifères marins dans l'écosystème qui consomment de la morue et dont nous ne connaissons pas du tout le régime alimentaire. Je songe aux baleines, qui mangent des poissons. Certaines en mangent beaucoup. Ce sont d'énormes prédateurs, mais c'est un trou noir. Nous ne savons pas quelle quantité de morues ou d'autres poissons les baleines consomment collectivement.

L'autre réponse qui me vient à l'esprit est une question : « Y a-t-il déjà eu une telle abondance de phoques gris par le passé? » On parle de déséquilibre aujourd'hui, mais il s'avère que c'est une question à laquelle il n'est pas aussi facile de répondre que je le croyais à l'origine. Dans le cas de Terre-Neuve, par exemple, où il y a des phoques du Groenland, beaucoup étaient retirés de la population chaque année dans les années 1800. Il eût été impossible d'en retirer un aussi grand nombre chaque année si la population n'avait pas été extrêmement vaste. Nous savons que des populations très saines de morue, par exemple, peuvent coexister avec de très grandes populations de phoques, et Terre-Neuve en est un bon exemple.

Ce qui rend la chose un peu plus difficile à cerner dans les Maritimes, c'est que nous ne pouvons pas nécessairement dire qu'il y avait 400 000 phoques gris dans le passé, en partie parce qu'il y avait alors un prédateur encore plus important, le morse, qui n'existe plus.

Le morse existait autrefois dans le sud du golfe du Saint-Laurent, à Terre-Neuve, et c'était un animal énorme qui est disparu de ce secteur dans les années 1600 et au début des années 1700. Ce que nous ne savons pas, c'est comment il coexistait avec le phoque gris. Il est difficile de dire si la morue, même dans des populations saines, a coexisté avec le phoque gris dans le passé. Bien sûr, nous ne savons pas quel impact le morse pouvait avoir, même s'il avait tendance à manger du poisson de fond. Quoi qu'il en soit, c'est un autre facteur difficile à cerner.

Le sénateur Raine : Je voudrais vous poser une autre question, par simple curiosité. Vous avez parlé des recherches faites sur le contenu des estomacs de phoques. Nous avons entendu des pêcheurs nous dire qu'ils ont trouvé beaucoup de poissons dont seul l'estomac avait été arraché. Les poissons eux-mêmes ne se trouvaient pas dans l'estomac du phoque, mais simplement leur arraché. A-t-on constaté la même chose dans les estomacs examinés? Ces pêcheurs disaient qu'il semble que beaucoup de poissons meurent sans avoir été totalement mangés.

M. Hutchings : C'est ce qu'on appelle les morsures abdominales.

Le sénateur Raine : Oui.

M. Hutchings : C'est vrai, les pêcheurs disent depuis longtemps qu'ils ont vu des morues dont seul l'abdomen avait été mordu, le reste du poisson n'étant pas consommé. Il y a deux méthodes pour déterminer ce que consomment les phoques. L'une d'entre elles, qui est un peu traditionnelle, est de voir si l'on trouve les os de l'oreille de la morue dans l'estomac du phoque. Ce sont ces os qui permettent au poisson d'entendre, essentiellement. On peut déterminer l'âge d'une morue à partir des os de l'oreille, en en comptant le nombre d'anneaux. Si le phoque n'a pas mangé la tête de la morue ou certaines parties osseuses, vous ne pouvez certainement pas dire qu'elle était la taille ou l'âge de la morue qu'il a consommée, et vous ne pouvez pas nécessairement dire combien de morues il a consommées.

L'autre méthode est ce qu'on appelle l'analyse des acides gras. L'une des grandes spécialistes à ce sujet est Sara Iverson, de l'Université Dalhousie. Dans cette méthode, on prélève des échantillons du petit lard des mammifères marins, comme les phoques, et on examine la signature en acides gras du petit lard pour la comparer aux acides gras trouvés dans la morue, le hareng ou le maquereau, afin d'essayer de déterminer quel était le régime alimentaire de l'animal sur la base des signatures en acides gras. Cela peut être très directement relié à chaque espèce. Ce sont les deux méthodes.

Nous ne savons pas vraiment quel est le pourcentage de morues qui pourraient être consommées par morsure abdominale. On a des raisons de croire que certaines des anecdotes de morsure abdominale pourraient être non pas des exagérations mais plutôt la conséquence du fait que des phoques auraient suivi des chaluts et auraient attrapé des morues de cette manière. C'est l'une des questions pour lesquelles nous n'avons pas de données fermes.

Le sénateur Raine : C'est intéressant parce que l'étude de l'écosystème n'est pas une activité scientifique récente. C'est un peu comme si, en fin de compte, quelqu'un devait produire un chiffre. On veut un chiffre, mais qui est responsable de cela? Vous dites que vous voulez des cibles de rétablissement et un plan mais, si nous attendons trop longtemps pour ce faire, nous risquons de perdre certaines espèces.

Combien de temps faudrait-il pour fixer des cibles de rétablissement? Qui en a la responsabilité? Cela pourrait-il se faire rapidement ou n'en verrons-nous jamais?

M. Hutchings : Ça pourrait être fait demain. Ce serait le travail des scientifiques de Pêches et Océans. De fait, ces scientifiques travaillent là-dessus depuis au moins 10 ans en prévision de l'obligation d'intégrer le principe de précaution pour déterminer ce que seraient ces points de référence limites cibles. La méthodologie requise existe depuis un certain temps. Les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et la Norvège, ainsi que certains pays d'Europe emploient déjà une méthode généralement acceptée pour fixer ces points de référence.

Des points de référence limite viennent juste d'être établis ou quantifiés pour la morue, mais pas des points de référence cible. C'est le MPO qui devrait le faire, au titre de sa politique-cadre de pêche durable, mais il ne l'a pas encore fait. La méthodologie pour ce faire existe et d'autres pays l'emploient. Les gens qui devraient le faire sont les scientifiques du MPO chargés d'évaluer les stocks.

Le président : Merci, professeur. Vous avez certainement été un puits de science pour les sénateurs. Nous vous remercions de votre temps, de vos conseils et de vos suggestions. Je suis sûr que nous ferons référence à votre témoignage.

Lorsque le sénateur Oliver vous a interrogé, vous avez parlé d'un rapport produit par un scientifique du MPO qui étudie les mammifères marins. Avez-vous le nom de ce scientifique?

M. Hutchings : Voulez-vous parler de l'examen des estomacs de phoques et de la personne que vous pourriez inviter? Il s'agit de Mike Hammil, de Mont-Joli.

Le président : Je voulais être sûr d'avoir la bonne personne. Encore une fois, merci beaucoup. Je suspends la séance pendant quelques minutes avant de poursuivre la réunion à huis clos pour discuter d'autres questions.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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