Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 8 - Témoignages du 24 avril 2012
OTTAWA, le mardi 24 avril 2012
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 55, pour étudier la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec.
Le sénateur Elizabeth Hubley (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je suis le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince- Édouard, vice-présidente de ce comité. Avant de vous dire qui sont les témoins que nous allons entendre, permettez- moi d'inviter les membres de ce comité à se présenter eux-mêmes.
[Français]
Le sénateur Poirier : Je suis le sénateur Rose-May Poirier, de Saint-Louis, Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Raine : Le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Poy : Le sénateur Vivienne Poy, de Toronto, en Ontario.
La vice-présidente : Le comité débute aujourd'hui une étude de la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec. Dans les mois à venir, le comité entendra des participants de l'industrie de la pêche au homard du Canada atlantique et du Québec, notamment des pêcheurs ainsi que des représentants des gouvernements, des industries de transformation des fruits de mer et d'associations professionnelles, des spécialistes de la conservation et des prêteurs commerciaux. Les témoignages de ces groupes et personnes permettront au comité de rassembler des informations sur les forces et les faiblesses actuelles de l'industrie de la pêche au homard, ainsi que sur les menaces qui la guettent et les occasions qui s'offrent à elle.
C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue aux membres de notre première table ronde sur ces questions. Accueillons donc Mme Maria Recchia, directrice générale, et Mme Sheena Young, directrice de programme, toutes deux de la Fundy North Fishermen's Association. Se joignent à elles Mmes Melanie Sonnenberg et Bonnie Morse, respectivement directrice de projet et coordonnatrice de projet de la Grand Manan Fishermen's Association. Nous avons aussi M. Peter Holland qui est le directeur de la Fundy Weir Fishermen's Association.
Au nom du comité, je vous remercie tous d'avoir accepté de vous joindre à nous aujourd'hui. Je vais maintenant vous céder la parole et, après vos exposés, les sénateurs auront très certainement des questions à vous poser.
Comme un autre sénateur vient d'arriver, je vais auparavant lui demander de se présenter.
Le sénateur Cochrane : Je m'appelle Ethel Cochrane et je viens de Terre-Neuve-et-Labrador.
Maria Recchia, directrice générale, Fundy North Fishermen's Association : C'est moi qui vais vous faire l'essentiel de notre exposé, après quoi nous nous tiendrons tous à votre disposition pour répondre à vos questions. Je laisserai d'ailleurs fort probablement mes collègues répondre à la plupart de vos questions pour qu'ils aient la possibilité de s'exprimer également.
Tous ensemble, nous formons la Traditional Fisheries Coalition du sud-ouest du Nouveau-Brunswick. Cela fait des années que nous collaborons. Cette coalition regroupe trois associations de pêcheurs et Connors Bros. Ltd., la sardinerie de notre région. Les dirigeants de celle-ci vous prient de les excuser, mais il leur était impossible d'être ici aujourd'hui.
Je sais que votre étude porte sur le homard, et nous allons donc surtout vous parler de homard. Sachez cependant que nous aurions du mal, dans le cadre d'une discussion sur les pêches, à ne vous parler que de homard. La situation est en effet particulière dans notre région, le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, puisque nous pêchons plusieurs espèces, dont le homard, les pétoncles, le poisson de fond, le hareng, la crevette, les oursins et les concombres de mer. Certains ramassent aussi des palourdes et des bigorneaux. Cette diversité des pêches joue un rôle essentiel dans nos collectivités en permettant aux pêcheurs de passer d'une pêche à une autre. Ils ne sont pas cantonnés à une seule comme à d'autres endroits. Si la pêche d'une espèce pose problème, ils peuvent continuer à exercer leur métier. C'est ce qui a permis à notre région de résister aux perturbations que nous avons connues.
Il y a encore chez nous des pêcheurs qui vont en mer avec leur fils, leur petit-fils, leur neveu, leur femme ou leur fille, qui prendront parfois leur suite. La relève est déjà là. Les membres de nos associations de pêcheurs ont de 20 ans à plus de 80 ans. Nous avons de la chance qu'il en soit ainsi.
C'est pourquoi, en vous parlant du homard, je vais à l'occasion vous parler également du hareng, et d'autres espèces. Sachez que, si j'ai l'intention de vous entretenir essentiellement d'un problème précis, il y en a deux qui, à nos yeux, menacent gravement l'avenir de notre pêche au homard.
Le premier tient aux répercussions que pourraient avoir des modifications à la politique sur le propriétaire-exploitant proposées par Pêches et Océans Canada. Nous en avons pris connaissance dans un document récent sur la modernisation de la pêche. Une très vaste coalition d'organisations de pêcheurs de toutes les régions du pays travaille sur cette question. Comme vous le savez très certainement, cette politique sur le propriétaire-exploitant est l'épine dorsale de la pêche côtière. Sans celle-ci, nous craignons que la pêche devienne une activité industrielle aux mains de grandes entreprises, ce qui n'est pas le cas de la pêche au homard, en particulier dans notre région. Chez nous, ce sont des entreprises familiales qui exploitent de façon indépendante de petits bateaux.
Nous sommes nombreux à être en mesure de répondre aux questions sur la politique que vous pourriez avoir à nous poser plus tard. Je suis sûre que vous en entendrez encore parler au cours de votre étude.
Le problème sur lequel nous voulons vraiment nous attarder, qui constitue l'autre menace qui pèse lourdement à nos yeux sur la pêche au homard, et sur les autres pêches, est l'emploi des pesticides par le secteur de la salmoniculture.
C'est dans notre région, le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, que ce secteur s'est vraiment développé au Canada. Cela fait maintenant une trentaine d'années que nous coexistons avec lui et nous montrons conciliants à son endroit. Il joue un rôle tout aussi essentiel dans nos collectivités que celui de la pêche. Les deux fournissent quantité d'emplois dans nos collectivités. Au sein des familles, il y a des gens qui travaillent dans les deux secteurs. Les emplois sont vraiment importants pour nous. Ce qui nous importe le plus est que ces deux secteurs puissent coexister et se développer parallèlement dans notre région.
L'utilisation des pesticides est justifiée par la présence du pou du poisson. Il s'agit d'un crabe minuscule qui est un parasite du saumon d'élevage. Il peut constituer une nuisance très réelle pour le saumon, et même le rendre malade. C'est devenu un problème important dans l'industrie et nombre de scientifiques et autres spécialistes nous disent que les fortes concentrations de poissons dans un espace limité, une situation anormale, favorisent sa prolifération.
Au cours des trois dernières années, le réchauffement de l'eau a favorisé la prolifération de ce pou, au point que le problème a pris d'énormes proportions. Avec les températures plus fraîches qui prévalent normalement dans notre région, le problème est loin d'avoir la même ampleur.
Pour éradiquer le pou du poisson, l'industrie utilise des pesticides conçus pour tuer les crustacés. Or, les homards sont des crustacés, tout comme les crevettes et le krill. Les pesticides touchent aussi les mollusques, comme les pétoncles et les palourdes. Nous sommes d'avis qu'il ne faudrait pas employer ces pesticides dans une région où il y a tant de crustacés et de mollusques.
Si cette question a acquis un caractère d'urgence, c'est que Pêches et Océans Canada a proposé, avec Santé Canada, l'adoption d'un nouveau règlement pour régir l'emploi des pesticides par l'aquaculture. Dans sa première version, son titre était Règlement relatif au traitement des pathogènes et des parasites du poisson. Cette proposition de règlement a soulevé passablement de controverse, en particulier dans l'industrie de la pêche et au sein des groupes environnementaux. Le titre a alors été modifié. C'est maintenant une Proposition de régime de réglementation pour contrôler la libération des substances d'aquaculture. On est donc passé d'un Règlement relatif au traitement des pathogènes et des parasites du poisson à une Proposition de régime de réglementation pour contrôler la libération des substances d'aquaculture, une formulation beaucoup plus anodine.
Ce qui nous inquiète le plus avec cette proposition de régime de réglementation est qu'Environnement Canada n'aura pas son mot à dire dans les décisions d'approbation de nouveaux pesticides. Ce ministère ne joue actuellement qu'un rôle consultatif dans ce domaine. C'est un processus très informel par comparaison à ce qu'il serait si la proposition actuelle de régime de réglementation entrait en vigueur.
Permettez-moi de vous raconter une petite histoire sur Environnement Canada et les pesticides pour vous permettre de comprendre pourquoi nous estimons qu'Environnement Canada doit prendre part à la décision. C'est l'histoire de l'AlphaMax, un pesticide dont l'ingrédient actif est la deltaméthrine. Un des rapports que nous vous avons adressés à l'avance en traite. Il y a en particulier un rapport scientifique de Fairchild qui étudie les effets de l'AlphaMax.
C'est le secteur de la salmoniculture du Nouveau-Brunswick qui a demandé à ce que l'utilisation de l'AlphaMax soit approuvée. L'industrie de l'aquaculture prétend avoir besoin d'un ensemble de produits chimiques pour combattre le pou du poisson. Il constate que celui-ci devient résistant aux produits chimiques qu'il utilisait jusqu'à maintenant et estime donc avoir besoin d'une plus grande variété de ces pesticides toxiques et chimiques pour que le pou du poisson ne développe pas de mécanismes de résistance.
Les représentants du secteur de la salmoniculture nous affirment souvent que ces pesticides sont utilisés en rotation dans d'autres pays à travers le monde, qu'ils sont très sécuritaires et que leur utilisation ici ne devrait pas poser de problème. Il y a néanmoins une différence majeure qui fait du Canada atlantique une région unique. C'est le seul endroit dans le monde où on à pratique une pêche très lucrative et productive, celle du homard, à proximité des eaux utilisées par l'aquaculture. Nulle part ailleurs on ne pratique l'aquaculture à grande échelle là où on pêche aussi le homard. Nous sommes d'avis que cela devrait suffire à justifier l'interdiction de ces pesticides dans notre région.
Cela n'a pas empêché les représentants du secteur de la salmoniculture de demander l'approbation de l'AlphaMax, qui est considéré comme l'un des pesticides particulièrement toxiques. Le milieu de la pêche et les groupes environnementaux se sont opposés à l'utilisation de ce produit chimique. Environnement Canada a recommandé de ne pas approuver son utilisation. Face à toutes ces inquiétudes, la province du Nouveau-Brunswick a commandé une étude sur les effets de l'AlphaMax sur le homard. Elle a fait immerger des homards dans des casiers à proximité de sites de salmoniculture et fait verser le produit chimique. Elle a conclu de cette expérience que les homards n'étaient en rien touchés par ce produit puisqu'aucun d'eux n'était mort, n'avait été malade ou abîmé.
Lorsque nous avons entendu parler de cette étude, les pêcheurs présents dans la pièce ont demandé comment on pouvait être certain que les homards avaient vraiment été exposés aux pesticides. Dans nos régions, le marnage atteint en effet 29 pieds et les courants ont en tout temps la vitesse d'une rivière.
Selon l'endroit où vous immergez ces homards, ils seront ou non exposés au panache de pesticide. Cela ne les a pas empêchés de nous affirmer que tout était en ordre, que tous les homards avaient survécu. Il n'y a pas de problème pour eux. L'AlphaMax a donc été approuvé par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire qui relève de Santé Canada, par Pêches et Océans Canada et par la province. Environnement Canada en a été très mécontent. En vérité, l'inquiétude était telle que des scientifiques de Pêches et Océans Canada se sont rendus sur place pendant le premier traitement à l'AlphaMax et ont utilisé une teinture pour procéder à une étude de sa dispersion. Ils ont versé une teinture dans l'eau en même temps que le produit chimique. Ils ont installé des bâches autour des cages, versé le produit chimique dans les bâches et, dans ce cas-ci, avec la teinture, pour que l'eau soit colorée.
Lorsque le traitement a été terminé, ils ont détaché les bâches et la teinture et les pesticides se sont répandus dans l'eau. On a pu ainsi voir précisément où allait le panache de pesticide. Des représentants d'Environnement Canada se sont présentés sur place sans avoir prévenu avec un bateau plein de homards vivants. Ils ont suivi la teinture et mis les homards dans le panache, certains au bas de celui-ci, d'autres au milieu et d'autres en haut. Ils se sont ensuite éloignés de plusieurs kilomètres du site des cages. Tous les homards sont morts. Certains ont mis trois jours à mourir, mais tous sont morts. Environnement Canada a alors émis ce qu'on appelle une directive d'inspecteur concernant le dépôt de substances délétères, ce qui constitue un avertissement passablement sérieux pour cesser de faire ce que vous faites. Cette directive s'adressait aux fonctionnaires responsables de l'approbation de l'AlphaMax. Des conditions ont alors été imposées à l'utilisation de l'AlphaMax, interdisant de le verser dans des bâches et ne permettant de l'employer qu'en milieu fermé. Cette approbation a expiré au bout de quelques mois.
Si Environnement Canada n'était pas intervenu, l'AlphaMax serait encore probablement utilisé aujourd'hui. Je vous raconte cette histoire parce qu'elle montre bien que, lorsque Pêches et Océans Canada et Santé Canada ont à s'occuper de pesticides, leurs mandats de protection de l'environnement ne sont pas suffisamment clairs. Pêches et Océans Canada se doit à la fois de promouvoir les pêches et l'aquaculture et de les gérer. Ses fonctionnaires parlent beaucoup de conservation et font beaucoup de travail en la matière, mais le double mandat du ministère lui complique la tâche quand il s'agit d'adopter une attitude claire en matière d'environnement. Quant à Santé Canada, son principal mandat est de s'occuper de la santé des êtres humains. Environnement Canada est le seul ministère dont le mandat est essentiellement d'assurer la protection de l'environnement. C'est pour cela que nous voudrions qu'Environnement Canada ait un rôle décisionnel quand il s'agit d'approuver des pesticides utilisés en aquaculture.
La nouvelle proposition de régime de réglementation ne lui attribue pas un tel rôle. Ce ministère ne se voit d'ailleurs accorder aucun rôle officiel et n'en aura pas. Il ne pourra exercer à l'avenir qu'un rôle de conseiller, comme actuellement. Cela nous préoccupe beaucoup.
J'ajouterais une chose : l'étude sur le homard qui concluait qu'il n'y avait pas de danger pour les homards a été annulée après l'expérience menée par Environnement Canada. Le scientifique responsable de cette étude a convenu publiquement, lors d'une réunion, qu'elle avait été mal conçue et que sa conclusion était erronée.
Nous estimons actuellement que la nouvelle proposition de régime de réglementation pour contrôler la libération des substances d'aquaculture ne doit pas être adoptée. Si ce devait être le cas, nous sommes d'avis que l'avenir des pêches traditionnelles, qui sont l'élément moteur de nos collectivités côtières, serait en péril. Les sénateurs que vous êtes exercent énormément d'influence et nous en appelons à vous pour, peut-être, demander qu'une étude soit faite, informer vos collègues, vous informer auprès des ministères concernés ou faire tout ce qui vous paraîtra utile pour en apprendre davantage sur cette question.
Nous voulons qu'aussi bien l'utilisation des pesticides que le secteur de l'aquaculture, dans son ensemble, soient mieux gérés, de façon responsable et dans le respect du principe de précaution, qui est à la base de la Loi sur les océans. L'aquaculture joue un rôle très important dans nos collectivités. Nous ne voulons pas perdre d'emplois. Elle est importante également pour les familles de pêcheurs. Nous voulons une aquaculture bien gérée, qui ne se pratique pas au détriment de l'industrie de la pêche. Nous voulons avoir côte à côte deux industries saines. Étant donné la richesse de notre écosystème, l'abondance de crustacés et l'importance de la pêche au homard et aux pétoncles, et d'autres formes de pêche, il faut que nous parvenions à une solution permettant d'avoir un secteur de l'aquaculture durable et respectueux de l'environnement.
Dans notre région, la population de saumons est probablement beaucoup trop importante pour être en santé sans avoir besoin de pesticides. Nous avons des sites d'aquaculture qui sont très proches les uns des autres. Lorsque vous vous tenez sur la côte, vous en voyez couramment quatre, cinq ou même six sites avec des minicages. Ils sont tous surpeuplés et ne sont pas assez éloignés les uns des autres.
Voilà, j'en ai fini. J'espère que vous aurez des questions à nous poser. Nous vous remercions de nous avoir offert la possibilité vous parler de ces questions aujourd'hui et nous sommes ravis que vous vous y intéressiez.
La vice-présidente : Merci beaucoup. D'autres membres de votre groupe ont-ils des commentaires à formuler maintenant sur le travail que vous faites ou sur la question abordée ce soir?
Peter Holland, directeur, Fundy Weir Fishermen's Association : J'aimerais vous parler un peu des bordiques à hareng dont je représente les exploitants. Je vous ai remis quelques livres sur le sujet pour vous permettre de comprendre comment ces barrages fonctionnent et pour constater que cela fait deux siècles que cette pêche durable se pratique dans notre région.
L'emploi des pesticides nuit énormément à notre activité parce que les jeunes harengs qui entrent dans la baie de Fundy, là où nous les attrapons, se nourrissent essentiellement de krill, qui est sensible aux produits chimiques toxiques utilisés pour tuer le pou du poisson. Celui-ci s'est répandu à cause du nombre élevé de saumons dans la région. Nous ne parlons pas ici de saumon sauvage mais d'élevage. Notre industrie de la pêche à la bordique n'a cessé de s'affaiblir à la suite, entre autres, des divers traitements contre le pou du poisson et des techniques d'élevage utilisées sur les sites depuis les années 1970, époque à laquelle a démarré l'industrie de l'aquaculture, sans oublier les empiétements des divers sites.
Le hareng est l'une des principales sources d'alimentation des homards qui sont pêchés, c'est pourquoi nous essayons d'avoir une approche symbiotique. Le livre que je vous ai remis vous donne une idée générale de la situation.
La vice-présidente : Trois sénateurs se sont joints à nous.
Prendriez-vous un instant pour vous présenter?
Le sénateur Oliver : Je suis le sénateur Don Oliver, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur MacDonald : Je suis le sénateur Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse, ou du Cap-Breton.
Le sénateur Patterson : Je suis le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut.
Le sénateur Poy : Je vous remercie beaucoup de vos exposés.
N'importe qui d'entre vous peut répondre à cette question, mais Mme Recchia a indiqué que Santé Canada est impliqué dans l'approbation des pesticides utilisés dans le secteur de la salmoniculture. Si celui-ci utilise l'AlphaMax, une substance qui tue les homards, ne va-t-elle pas tuer également les humains? J'essaie simplement de faire le lien entre les deux. Si ce produit est si toxique, le saumon d'élevage devrait alors être tout aussi toxique, n'est-ce pas?
Bonnie Morse, coordonnatrice de projet, Grand Manan Fishermen's Association : Les crustacés résistent beaucoup mieux que les humains à la toxicité de l'AlphaMax. Les modalités d'utilisation approuvées par Santé Canada font que le niveau de toxicité dangereux pour les êtres humains n'est pas atteint. Selon les fonctionnaires de ce ministère, l'emploi de l'AlphaMax n'aurait aucune répercussion sur la santé des êtres humains.
Par contre, lorsqu'ils parlent d'un risque acceptable, ils ne nous précisent guère comment déterminer celui-ci dans un milieu maritime. Si je crois très volontiers que ce produit utilisé de cette façon n'aurait pas d'effet sur la santé humaine, je ne suis pas certaine que ses effets sur le milieu marin ont été étudiés aussi attentivement.
Le sénateur Poy : Est-il possible que cela dépende de la fréquence à laquelle nous mangeons du saumon? Nombre d'entre nous mangent beaucoup de saumon, et les effets sur la santé pourraient alors être cumulatifs, n'est-ce pas?
Melanie Sonnenberg, directrice de projet, Grand Manan Fishermen's Association : Avant de mettre le poisson en marché, il y a un protocole à suivre pour qu'il ne risque pas de nuire à la santé des consommateurs. Il faut le débarrasser des produits toxiques qu'il pourrait contenir. Tout cela est pris en compte par Santé Canada quand il accorde une autorisation.
Le sénateur Poy : Pouvez-vous nous expliquer comment le poisson élimine les pesticides?
Mme Sonnenberg : Il suffit tout simplement, pendant un certain temps, qui peut atteindre six mois, de ne pas les nourrir ni les traiter avec des produits chimiques.
Le sénateur Poy : Et ils sont censés éliminer les produits chimiques?
Mme Sonnenberg : Oui.
Le sénateur Poy : J'ai une question qui porte sur le pou du poisson. Trouve-t-on des poux du poisson chez les saumons sauvages? Dans quelle mesure sont-ils victimes du pou du poisson quand ils sont à l'état sauvage?
M. Holland : Avec le système de cages, vous avez 25 000, 30 000 ou 40 000 poissons dans une seule cage. C'est une concentration inespérée pour le pou du poisson. Elle l'attire. À l'état sauvage, les poissons nagent librement dans l'océan et les poux ne sont pas attirés par un poisson seul.
Il y a une vingtaine d'années, le pêcheur sportif que je suis comptait un ou deux poux du poisson sur sa prise quand il attrapait un saumon à l'embouchure d'une rivière. Je trouvais alors que c'était un beau poisson en santé. En quittant les eaux salées, il n'était porteur que de quelques poux. Il allait d'ailleurs s'en débarrasser en remontant la rivière.
Dans notre région, il arrive parfois maintenant qu'il y ait assez de poux du poisson sur un saumon pour le tuer.
Le sénateur Poy : Les poux le tueraient réellement?
M. Holland : Sans traitement, oui. Vous devez savoir que les poissons sont souvent traités plusieurs fois avec ce produit chimique, ou avec du peroxyde ou toute autre substance que je considère comme toxique. Les poissons peuvent être traités jusqu'à 13 fois au cours de leur vie. Ce n'est pas comme s'ils subissaient un traitement et étaient débarrassés du pou du poisson. C'est un processus rigide de traitement défini par Santé Canada. Ils ont droit d'utiliser ce médicament trois fois sur ce poisson, mais ils peuvent utiliser un certain nombre d'autres médicaments qui font qu'on peut arriver à un maximum de 13 traitements. Quand vous parlez de traitements aussi fréquents, vous réalisez l'importance des infestations de poux du poisson.
Tout au long de ces traitements, certains médicaments seront efficaces pendant certaines parties du cycle de vie du pou du poisson. En lui faisant subir un bain de peroxyde, on va pouvoir se débarrasser de l'adulte, mais ce traitement ne fait rien contre les œufs où les jeunes poux du poisson. Si on utilise un autre traitement, puis un autre et un autre dans une région où nos pêcheurs pratiquent la pêche du hareng, du homard, du crabe et de la crevette, il s'avère, en nous fiant à certains des essais qui ont été réalisés par Environnement Canada, qui sont maintenant interrompus depuis un certain temps, que le panache d'eau dans lequel se trouvent les médicaments en question parcourt des milles et des milles.
Cela dépend de l'étape à laquelle nous en sommes. En été, c'est une nurserie de homards qui peut être touchée parce que le réchauffement des eaux a incité les homards femelles à pondre leurs œufs. Dans ce cas, vous n'éliminez pas qu'un seul homard, mais toute sa descendance. Plusieurs types de tests ont été faits sur nos homards. Certains ont été trouvés morts dans les casiers et des mesures ont été prises. Nous ne parlons pas des jeunes homards parce que, sur la côte Est, il faut environ huit ans pour qu'un homard atteigne la taille permettant de le vendre. Il s'agit de homards que les gens ne voient pas. Nous ne verrons pas ce qui se produira au cours des huit ans à venir. Nous voyons dans nos casiers des homards arrivés à maturité qui meurent.
Le sénateur Poy : Les homards, le hareng ou le krill sont-ils touchés par le pou du poisson et le pou du poisson les tue-t-il également?
M. Holland : Le pou du poisson ne s'attaque pas au homard ni aux crustacés.
Le sénateur Poy : Et au hareng?
M. Holland : Ils peuvent en avoir un sur eux, mais je n'ai jamais vu un hareng porteur de poux du poisson en eau salée.
Le sénateur Cochrane : Vous l'avez dit, mais je sais, pour l'avoir vu, que le pou du poisson se fixe aussi sur la morue.
M. Holland : Les poux du poisson sont dans leur milieu dans l'océan. C'est leur concentration qui est problématique.
Oui, ils se fixent probablement sur les morues. Vous avez très probablement raison. Je viens également de Terre- Neuve. Je ne vois pas tant que ça de morues de nos jours.
Le sénateur Cochrane : Nous avions passablement de morue par le passé et nous la faisions sécher. Une fois sèche, vous pouviez voir des poux du poisson sur les écailles. Ils étaient morts à ce moment-là. Il y en avait dans leurs estomacs.
M. Holland : Le pou du poisson ne pénètre pas dans sa victime. Il reste à l'extérieur et va mordre le poisson à côté de la tête ou plus bas, et si son nombre est suffisant, ralentir la croissance du poisson ou même le tuer si celui-ci n'est pas traité. Il se fixe à l'extérieur.
Le sénateur Cochrane : Il n'y avait pas de traitement à cette époque.
Le sénateur Poirier : À votre avis, est-ce l'utilisation des pesticides qui menace le plus l'avenir du secteur du homard?
Mme Recchia : Chacun de nous peut peut-être répondre à cette question au nom de son association. Nous venons de tenir une réunion importante de notre comité du homard dans la région, et la pièce était pleine. Nous avons eu la plus forte participation jamais vue à une réunion consacrée au homard dans notre collectivité.
La pêche au homard fait maintenant face à un certain nombre de problèmes. Les prix sont faibles, les coûts de la pêche sont très élevés. Il y a aussi la question des propriétaires-exploitants et tous les autres problèmes qui préoccupent les gens.
Nos pêcheurs, les membres de la région où je vis, m'ont dit que c'est le problème numéro un. Nous craignons pour l'avenir de notre pêche si nous n'y trouvons pas une solution.
Mme Sonnenberg : Pour notre organisation, je peux reprendre ce que vous ont dit les gens de Fundy North. Il y a deux ans, nos pêcheurs nous ont confié comme mandat prioritaire de nous assurer que nous étions entendus sur cette question. Je peux reprendre ce que vous a dit Mme Recchia, soit qu'elle veut pouvoir coexister avec l'industrie, mais que nous devons viser le long terme. L'un des problèmes que nous avons est que, depuis le démarrage de l'aquaculture, nous n'avons pas de données de référence sur ces premières années. Nous avons fonctionné à l'aveuglette, sans disposer de bonnes informations. C'est là le problème pour nombre des débats et discussions que nous avons eus au cours des dernières années. Pour notre organisation, tout ce que vous allez entendre au cours des mois à venir est sujet à préoccupation, mais, pour nous, celle-ci est la priorité absolue. Il est certain que la question des propriétaires-exploitants prend de plus en plus d'importance parce que les pêcheurs craignent ce type de changements et les répercussions qu'il aurait sur les collectivités côtières, avec la mise en place des nouvelles modalités.
Malheureusement, nous avons eu l'occasion de voir ce qui s'est passé dans d'autres régions de pêche quand le principe de propriétaire-exploitant a été abandonné au profit de sociétés possédant les pêcheries, et cela n'a pas donné de bons résultats pour nos collectivités côtières.
Comme vous le savez fort bien, l'économie de la plupart des collectivités côtières repose sur la pêche au homard. Cela nous effraie, mais pour nous, au niveau local, dans le sud du Nouveau-Brunswick, c'est la priorité.
Le sénateur Poirier : Nous savons que le homard vient au premier rang des exportations canadiennes de fruits de mer. Si nous menons cette étude, c'est, entre autres, pour savoir ce que les gens pensent de l'avenir du secteur du homard.
Savez-vous si, parmi les types de pesticides utilisés, qui semblent manifestement avoir des effets sur la pêche au homard et sur d'autres, des recherches ont été entreprises pour déterminer si un type particulier de produit aiderait à résoudre le problème sans menacer en même temps les autres espèces? Y a-t-il des études sur ces questions? Savez-vous si des recherches sont faites dans ce domaine?
Mme Recchia : La réponse dépend de la personne à qui vous parlez. Le secteur de l'aquaculture est en mesure d'exercer de très fortes pressions. Ses représentants nous disent tout le temps que ces pesticides ne sont pas nuisibles et qu'ils sont utilisés à plein d'endroits dans le monde. Ils nous affirment, par exemple, que la pêche au homard se porte bien et qu'ils ne voient pas en quoi cela pourrait poser un problème?
Je dois vous dire que, dans notre région, le secteur de la pêche s'est opposé énergiquement à l'utilisation de tous les pesticides. À chaque fois qu'un nouveau arrive sur le marché, nous sommes présents à la table. Grâce à notre surveillance et au travail d'Environnement Canada, nous sommes parvenus à ce qu'on n'utilise pas autant de pesticides dans notre région qu'à d'autres endroits à travers le monde. De notre point de vue, tout pesticide conçu pour tuer un crustacé ne convient pas dans notre environnement. Cela dit, nous espérons qu'il y a d'autres solutions.
Le sénateur Poirier : Si je pose ces questions, c'est que le lac Després, situé dans ma région, n'avait pas de poisson. Il n'y avait rien dans ce lac et, il y a de nombreuses années, les gens s'y baignaient. Il y a quelques années, quelqu'un y a amené du poisson. Si je me souviens bien, c'était du brochet, mais je n'en suis pas certaine. On s'est retrouvé avec tant de brochets, que certains s'échappaient dans les cours d'eau. Le risque était alors que cela affecte la population de saumon dans la région de Miramichi. Si j'ai bonne mémoire, le ministère a fait appel à une société texane pour s'attaquer à la surpopulation de poissons dans le lac, sans endommager rien d'autre. Ils survivent maintenant. C'est pourquoi je me demande si d'autres recherches sont en cours.
Vous avez également indiqué estimer que ce serait une excellente chose qu'Environnement Canada siège avec Pêches et Océans Canada et Santé Canada. Avez-vous formulé cette demande?
Mme Recchia : Oui, nous l'avons fait. Nous allons rencontrer des gens d'Environnement Canada pendant que nous sommes ici, à Ottawa. Je ne sais pas exactement pourquoi Environnement Canada ne demande pas plus énergiquement de participer à la prise de décisions sur cette question. Nous entendons dire des choses par des tiers sans savoir réellement ce qui se passe. Mon fils prétend que cette réglementation a soulevé des rancunes, déclenché des guerres de pouvoir et de position. Allait-il s'agir d'une réglementation sur la santé du poisson ou sur la protection de l'environnement?
Je crois savoir qu'Environnement Canada voulait qu'il s'agisse d'une réglementation sur la protection de l'environnement. Pêches et Océans Canada et Santé Canada étaient plutôt d'avis qu'il devait s'agir d'une réglementation sur la santé du poisson. Étant donné la formulation de la réglementation se présente, il s'agit plutôt d'une réglementation sur la santé du poisson.
Mme Morse : L'un des problèmes que nous avons toujours eus avec ce dossier est qu'il s'agit d'une question complexe, avec trois ministères fédéraux qui essaient de définir qui sera responsable de quoi, comment la gestion de ce dossier sera partagée ou non dans certains cas. Je pense que, pour l'avenir, il faut convenir d'attribuer un rôle bien défini à chaque ministère. Je ne suis pas convaincue que ces rôles ont toujours été clairement définis et je ne suis pas non plus convaincue que cela a été fait dans ce nouveau règlement.
Le sénateur Poirier : Lorsque vous avez présenté votre demande, avez-vous demandé au ministère de l'Environnement de se joindre aux deux autres ministères, ou avez-vous demandé à Pêches et Océans Canada et à Santé Canada qu'Environnement Canada se joigne à vous?
Mme Recchia : Nous avons fait les deux. Nous avons participé à tous les processus de consultation publique. Nous avons également organisé nous-mêmes des réunions et des consultations additionnelles sur ces règlements. Nous avons recueilli des témoignages oraux et écrits sur toutes les conclusions qui ont été présentées dans ce domaine.
Le sénateur Poirier : Comme nous venons tout juste de terminer une étude sur le phoque gris, permettez-moi de vous demander, par curiosité, si vous estimez que le phoque gris est une nuisance pour votre homard?
Mme Sonnenberg : Nous observons actuellement une augmentation de la population de phoques gris dans la baie de Fundy. Je travaille avec d'autres organisations du secteur de la pêche. Il y a une dizaine d'années, quand les membres de ces organisations ont commencé à parler de l'apparition du phoque gris sur la côte Est, nous n'étions pas nous-mêmes conscients de ce problème, mais nous avons bien imaginé, en nous fiant à notre expérience dans d'autres domaines, que nous verrions une certaine croissance de la population. Nous avons exercé une surveillance et, effectivement, nous voyons maintenant quantité de phoques apparaître dans des endroits où il n'y en avait jamais auparavant.
Nos pêcheurs nous disent que, en mer, ils les voient parfois faire des dégâts dans les bordiques. Ce sont des animaux énormes, comme vous le savez. Les casiers sont aussi abîmés, mais nous ne constatons pas que le matériel subisse des dégâts comparables à ce que vous ont décrit les pêcheurs de poisson de fond lors des audiences auxquelles ils ont participé. Nous commençons tout juste à entendre des rapports de cette nature, mais probablement pas de façon aussi régulière que dans d'autres régions. Il est certain, en nous fiant aux effets que ces phoques ont eus sur les côtes de la Nouvelle-Écosse et dans le golfe du Saint-Laurent, que cela va devenir un sujet de préoccupation pour nous si leur population continue à augmenter librement.
Le sénateur MacDonald : Merci à tous d'être ici ce soir. Je dois vous avouer que, en venant entendre ici parler du homard, je ne m'attendais pas à ce que nous discutions du pou du poisson et des pesticides. Cela montre bien la complexité de cette question et j'aimerais en apprendre davantage à ce sujet.
Je suis arrivé dans le cours de notre exposé, mais je m'intéresse à l'utilisation d'AlphaMax et aux rôles de Pêches et Océans Canada et de Santé Canada. Je suppose qu'ils ont approuvé son utilisation, mais Environnement Canada est ensuite intervenu et a procédé à des tests. Qui les a fait venir? Qu'est-ce qui les a amenés à intervenir?
Mme Recchia : Environnement Canada suivait déjà ce dossier. La demande d'autorisation d'utilisation de l'AlphaMax a déclenché beaucoup de signaux d'alarme au sein d'Environnement Canada. Je crois que c'est parce que ce produit est classé comme super toxique. Dans le cadre d'un protocole d'entente avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada assure l'ensemble des contrôles et des modalités d'application du paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches, qui traite de l'immersion de toutes substances nocives dans le milieu marin. C'est de là qu'Environnement Canada tient son mandat en la matière.
Je sais qu'Environnement Canada a participé à plusieurs réunions avec Pêches et Océans Canada et Santé Canada et a fait part énergiquement de ses inquiétudes et conseillé de ne pas autoriser l'utilisation de l'AlphaMax.
Quant à leur venue sur le lieu du traitement pour y immerger des homards, je crois que ce fut une surprise pour tous ceux qui étaient présents. Ce fut une excellente initiative de la Direction générale de l'application de la loi d'Environnement Canada.
Le sénateur MacDonald : En quelle année était-ce? Savez-vous quand cela s'est passé?
Mme Morse : En octobre ou novembre 2010.
Le sénateur MacDonald : C'est donc assez récent.
Mme Morse : Oui.
Le sénateur MacDonald : Vous avez parlé de données de référence. Disposez-vous de données empiriques sur la façon dont les choses se sont passées sur la côte Ouest, ou pouvez-vous faire des comparaisons avec des fermes salmonicoles de la côte Ouest?
Mme Sonnenberg : Il y a certainement des similitudes. Une partie des connaissances recueillies à la suite du démarrage de l'industrie sur la côte Est a été transférée vers d'autres régions, mais la situation n'y est sûrement pas rigoureusement identique. C'est ainsi que, sur la côte Ouest, les fermes salmonicoles sont soumises à un régime de gestion différent. La province s'est retirée de ce régime et c'est dorénavant Pêches et Océans Canada qui assume les responsabilités qu'elle avait auparavant. Au Nouveau-Brunswick, Pêches et Océans Canada joue un rôle, mais la province du Nouveau-Brunswick est également impliquée. Un protocole d'entente a été conclu entre Pêches et Océans Canada, la province du Nouveau-Brunswick et le ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches. Le ministère intervient dans la mise en œuvre de la législation, la répartition des sites et dans certains autres domaines alors que, sur la côte Ouest, c'est Pêches et Océans Canada qui assume actuellement l'ensemble des responsabilités. Cela modifie la façon dont les questions sont abordées.
Le sénateur MacDonald : Une fois encore, je suis loin d'être un spécialiste en la matière, mais j'imagine que l'écologie du golfe du Saint-Laurent est sensiblement différente de celle de la côte Ouest du Canada, en particulier avec les marées.
Mme Sonnenberg : Quand on parle de la baie de Fundy, les marées y sont effectivement uniques. L'ampleur de nos marées est connue dans le monde entier.
Le sénateur MacDonald : Les fermes salmonicoles de la côte Est se trouvent-elles dans la baie de Fundy ou dans le golfe, ou aux deux endroits.
Mme Sonnenberg : Actuellement, on les trouve surtout dans la baie de Fundy, sur la côte Sud du Nouveau- Brunswick. Il y en a quelques-unes, en faible concentration, sur le littoral de la baie de Fundy appartenant à la Nouvelle-Écosse, et il y en a aussi maintenant à Shelburne. Il va y en avoir aussi sur la côte est de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur MacDonald : J'ai entendu dire par des amis qu'il y en a dans la région de la rivière St Mary.
Mme Sonnenberg : Je suis sûre que c'est le cas.
Le sénateur MacDonald : C'est une question qui soulève les passions. Plus je lis à ce sujet et plus je comprends pourquoi il en est ainsi.
Mme Sonnenberg : Il est certain qu'il y en a à Terre-Neuve, et que leur nombre augmente.
Le sénateur MacDonald : Vous nous avez dit que nulle part ailleurs dans le monde on ne pêche le homard à proximité de sites d'aquaculture. Y a-t-il un endroit où on pêche d'autres crustacés? Y a-t-il d'autres endroits dans le monde où ce produit a touché des crustacés.
Mme Recchia : Il n'y a pas d'autres endroits dans le monde où on pratique à la fois la salmoniculture et la pêche des crustacés, comme celle des homards, des crevettes ou d'autres types de pêche de ce genre, même si nous avons entendu des gens de la Colombie-Britannique en parler. Des pêcheurs de crevettes nous ont contactés en nous expliquant qu'il leur arrive de remonter un pourcentage élevé de crevettes mortes et qu'ils pensent que cela peut être dû aux pesticides utilisés par l'aquaculture.
Les grandes régions d'élevage du saumon sont la Norvège, l'Écosse et le Chili. Dans ces pays, il n'y a pas de pêche de crustacés à proximité des zones d'élevage. La pêche au crustacé peut se pratiquer dans certains de ces pays, mais dans d'autres régions. Ce ne sont pas des activités qui se font côte à côte.
Le sénateur MacDonald : Vous nous avez dit souhaiter que les deux secteurs d'activité coexistent. Un certain nombre de gens travaillent dans les deux. Vous avez également répété qu'il y a un trop grand nombre d'exploitations d'aquaculture, qu'elles sont trop proches les unes des autres, que les pesticides qu'elles utilisent deviennent trop puissants et qu'il faudra cesser leur utilisation. Je suis convaincu que leurs représentants vont venir nous voir et nous dire que cela tuerait leur industrie.
Y a-t-il une solution intermédiaire? Si la vôtre les met dans une situation intenable, ce qu'ils vont prétendre, et je ne dis pas ici que votre argument n'est pas valide, alors que vous dites vouloir conserver les deux industries dans votre région, donc si votre solution est intenable pour eux, que leur dirons-nous quand ils viendront nous rencontrer la semaine prochaine avec un argument complètement différent?
Mme Recchia : C'est la question à 50 000 $. Je vais laisser les autres s'exprimer également, mais j'ai deux ou trois choses à vous dire à ce sujet.
C'est une question difficile. Nous ne voulons pas perdre d'emplois dans nos collectivités. Ce sont des collectivités rurales dans lesquelles il n'y a guère d'emplois que sur l'eau. Toutefois, le type de gestion pratiquée par cette industrie, comme l'utilisation qu'elle fait de ces pesticides, est à courte vue, à mes yeux, et vise avant tout à maximiser les profits. Cela pose bien évidemment des problèmes.
Je suis personnellement convaincue que la salmoniculture a sa place dans notre région. Peut-être ne se développera- t-elle pas autant que certains le voudraient ou peut-être se spécialisera-t-elle dans l'élevage de produits de la mer vraiment durables, au lieu de se contenter de parler de saumon durable.
Dans le monde contemporain, les gens recherchent les mentions « biologique » et « sans pesticides » sur les étiquettes de leurs aliments et je sais que ce sont des mentions qui permettent de pratiquer des prix plus élevés. Il y a des endroits, comme en Irlande par exemple, où il y a un secteur de la salmoniculture biologique qui n'utilise pas de pesticides. Il y a aussi plusieurs endroits dans le monde où les sites sont distants les uns des autres. Dans notre région, l'eau de certains secteurs est très chaude et le pou du poisson y pose un problème énorme. Peut-être que notre petit coin n'est pas le bon endroit pour l'élevage du saumon; peut-être ces exploitations devraient-elles s'implanter ailleurs.
Je crois qu'il y a place à beaucoup de négociations et que des spécialistes savent comment régler ce genre de problème. Je vous rappelle que de nombreux représentants du secteur agricole industriel ont prétendu qu'il n'était pas possible de pratiquer à grande échelle la culture biologique. Voyez ce qui se passe aujourd'hui. Vous allez à l'épicerie et vous y voyez quantité d'aliments biologiques. Je crois qu'il y a une façon de procéder.
Le sénateur Patterson : J'ai beaucoup apprécié vos exposés et je suis sensible au fait que vous reconnaissiez que l'aquaculture et l'industrie traditionnelle sont deux sources importantes d'emploi. Le défi qui se pose à nous, comme mon collègue vient de le dire, est d'essayer de trouver une façon de leur permettre de coexister.
J'aimerais approfondir votre préoccupation concernant les modalités d'élaboration du nouveau règlement sur les pesticides ou sur le contrôle de la libération des substances d'aquaculture. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me donner davantage de détails? À ce que je comprends, ces règlements en sont aux phases de proposition et de consultation. Quel est l'état de ces consultations? Qui y participe?
Mme Morse : Pêches et Océans Canada vient de terminer la phase précédant la publication dans la Gazette du Canada. La réglementation est en cours de rédaction. Elle n'a pas encore été publiée. Le ministère a publié sur son site web un document de discussion pour recueillir des commentaires il y a pratiquement deux ans maintenant. À cette époque, tout comme notre Traditional Fisheries Coalition, nous avons demandé à rencontrer Pêches et Océans Canada pour discuter de l'objet de la réglementation, de la façon dont nous pourrions contribuer au processus et pour essayer de comprendre l'objectif visé par le ministère, et pour savoir comment cela pourrait toucher notre industrie. Malheureusement, cette réunion n'a pas eu lieu, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait limpides à nos yeux.
Nous nous sommes retrouvés un peu dans le noir sans savoir ce qui pourrait advenir avec ce règlement. Maintenant que le processus officiel débute, nous sommes bien évidemment limités dans notre façon d'y contribuer.
Un des aspects de ce dossier qui nous a frustrés depuis le début est que le secteur de l'aquaculture a été retenu comme intervenant alors que, comme nous partageons avec lui le milieu marin, nous estimons être nous aussi concernés. Nous n'avons pas toujours contribué au processus avec la même intensité que les autres intervenants ont pu le faire.
Le sénateur Patterson : Vous êtes maintenant rendus au processus officiel. Pouvez-vous me le décrire également? Je comprends que vous avez le sentiment d'être laissés de côté, mais que savez-vous à son sujet?
Mme Morse : Pas grand-chose pour être tout à fait honnête. Je n'ai pas une très bonne connaissance du déroulement du processus réglementaire. Je sais que nous en sommes aux premières étapes. Un avis a été publié dans la Gazette du Canada en novembre dernier indiquant qu'un règlement serait préparé. Quant à savoir ce qu'il faut faire une fois cette intention rendue publique et avant que le règlement ne soit publié dans la Gazette, je dois avouer ne pas très bien savoir comment fonctionne précisément la législation canadienne en la matière.
Le sénateur Patterson : Je suis convaincu que c'est quelque chose que nous pouvons trouver, et nous allons probablement le trouver.
Mme Sonnenberg : Lorsque j'ai été impliquée dans des processus de consultation avec d'autres organismes gouvernementaux, les choses étaient assez transparentes et il était assez facile de s'impliquer. Dans ce cas particulier, je ne dirais pas qu'il est facile de s'impliquer. Je ne dirais pas non plus qu'il est facile de se faire entendre. J'aimerais ajouter quelque chose à ce que Mme Morse a déjà dit.
L'un des objectifs de la réglementation serait de permettre de contourner la Loi sur les pêches. Ce qui se fait aujourd'hui n'est pas autorisé en application des articles 32 et 35 et du paragraphe 36(3) de la loi. Ce ne sont pas des pratiques acceptables si nous devons nous en tenir à la lettre de la loi. À chaque fois que nous mentionnons ce point, les réponses qu'on nous donne sont, à mon sens, évasives. C'est sans doute parce que nous continuons à demander : « Comment cela peut-il fonctionner si la loi dit une chose et que nous n'en tenons pas compte? »
La situation n'est pas aussi transparente que dans les cas que j'ai connus auparavant. Quand nous avons posé la question concernant Pêches et Océans Canada, qui est le responsable de ce dossier, personne ne nous a dit comment les choses se dérouleront et je crois que cela s'explique, dans une large mesure, parce qu'ils préféreraient que nous ne nous impliquions pas dans ce dossier.
Le sénateur Patterson : L'avocat que je suis serait tenté de vous dire que vous touchez à deux questions, la gestion de l'aquaculture et la question de la répartition des pouvoirs en la matière. Il semble que ce soit la pratique dans les autres régions, mais peut-être pas dans la vôtre. Si j'ai bien compris, vous nous dites que, au Nouveau-Brunswick, vous avez un régime conjoint de gestion.
Si nous devions convenir que la répartition des pouvoirs devrait être examinée à la lumière des problèmes que vous avez décrits, y a-t-il un conseil ou une commission intégrée qui pourrait le faire? Quel est le régime de gestion? Qui est responsable, ou les choses sont-elles claires? À qui devrions-nous recommander d'étudier la question ou d'envisager une réforme?
Mme Recchia : Je peux essayer de poser ces questions et vous pouvez peut-être vous joindre à moi.
Le sénateur Patterson : Nous poserons probablement ces questions aux gouvernements impliqués, mais j'aimerais connaître votre avis, et j'espère ne pas être trop technique. J'aimerais connaître votre vision des choses.
Mme Recchia : Je veux m'assurer de bien comprendre votre question. Porte-t-elle uniquement sur la gestion de l'aquaculture ou précisément sur les pesticides?
Le sénateur Patterson : La gestion de l'aquaculture, et précisément la question de la séparation que vous avez décrite.
Mme Recchia : La séparation...
Le sénateur Patterson : Vous avez dit...
Mme Recchia : Oh, entre les sites.
Le sénateur Patterson : S'ils étaient plus distants les uns des autres.
Mme Recchia : Je pense que la décision reviendrait essentiellement à la province du Nouveau-Brunswick. L'industrie demanderait à s'implanter à certains endroits et le gouvernement du Nouveau-Brunswick approuverait ces attributions de site.
Le sénateur Patterson : L'utilisation des pesticides est-elle régie par Pêches et Océans Canada?
Mme Morse : La demande d'utilisation d'un pesticide est formulée par la province du Nouveau-Brunswick à Santé Canada. Santé Canada s'appuie alors sur l'information dont disposent Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, la province et toute autre personne qui estime avoir de l'information pertinente sur la demande.
Les conditions d'enregistrement de Santé Canada sont transmises à la province du Nouveau-Brunswick, parce que c'est elle qui accorde effectivement les autorisations. Ce sont le ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches et le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick qui veillent au respect de ces conditions. C'est un système qu'il est très difficile d'essayer de suivre.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie.
Le sénateur Cochrane : Le groupe de témoins présents aujourd'hui est-il composé de membres d'une seule organisation ou d'organisations distinctes?
Mme Sonnenberg : La Traditional Fisheries Coalition est composée de plusieurs groupes. C'est un organisme parapluie du sud du Nouveau-Brunswick. Nous nous sommes regroupés il y a plusieurs années lorsque nous avons constaté que l'aquaculture pouvait avoir des effets néfastes sur la pêche à la bordique. Il s'agissait pour nous de parler au gouvernement d'une seule voix sur les problèmes qui se présentaient dans ce domaine. Par la suite, il est devenu manifeste que la pêche au homard était mise en danger par les mesures prises, comme vous l'a expliqué Mme Recchia avec, entre autres, le cas de l'AlphaMax.
Nous avons donc réuni à nouveau ce groupe et relancé le processus pour nous présenter ensemble. Nous avons collaboré étroitement depuis 2009 pour mettre de l'avant ces problèmes, les soumettre à la discussion, et essayer d'obtenir des précisions et de parvenir à comprendre les éléments auxquels nous étions confrontés et certaines des choses qui se produisent dans l'écosystème, qui semblent être hors de contrôle et hors de portée.
Le sénateur Cochrane : Votre groupe a-t-il un porte-parole ou un président?
Mme Morse : Nous en avons un de façon ponctuelle. Il change selon les sujets dont nous traitons ou selon les compétences des participants.
Le sénateur Cochrane : À qui avez-vous transmis la demande d'implication d'Environnement Canada?
Mme Morse : Chacune de nos organisations a rédigé une lettre expliquant nos préoccupations sur la proposition de règlement. Ces lettres ont toutes été adressées aux ministres de Pêches et Océans Canada, de Santé Canada et d'Environnement Canada.
Le sénateur Cochrane : Une fois encore, je vais vous faire une suggestion, mais ne m'en voulez pas parce que je le fais en permanence, en particulier avec mes propres enfants. Il aurait peut-être mieux valu que vous fusionniez vos groupes en un seul et que vous signiez tous la lettre et l'expédiez de cette façon. Ne pensez-vous pas qu'ainsi elle aurait eu plus d'effet?
Mme Sonnenberg : Cela nous arrive de le faire. J'en discutais précisément avant que vous n'arriviez.
L'un des problèmes qui se posent à nous en est un de ressources. Les organisations de pêcheurs ont tendance à être sous-financées. C'est toujours la même situation pour tout le monde. N'interprétez pas mal ce que je dis, nous ne sommes pas uniques. Nous sommes néanmoins sous-financés et nous n'avons pas été en mesure de nous attaquer à tous les problèmes qui nous ont été soumis à la suite de toutes sortes d'initiatives que nous voyons apparaître jour après jour au gouvernement. Nous ne sommes pas parvenus à nous concentrer sur une question précise et à nous doter d'un mécanisme de financement, dont nous aurions besoin. Étant donné la charge de travail imposée par ce dossier, nous nous sommes tous efforcés de l'amener à l'avant-scène au point qu'il ne nous est pas resté de temps pour nous attaquer à d'autres questions.
Vous avez tout à fait raison. Signer collectivement la même lettre serait plus efficace, et c'est ce que nous faisons. Il est néanmoins fréquent que chacun de nos organismes traite individuellement un dossier et formule aussi ses propres demandes. Oui, nous formons ensemble une coalition et nous formulons une demande, mais nous le faisons également au nom de chacune de nos organisations. Comme il se peut que chacune ait un point de vue légèrement différent, nos organisations peuvent nous permettre de formuler les choses de façon aussi un peu différente.
Le sénateur Cochrane : Des représentants d'Environnement Canada vous ont-ils donné des raisons précises pour ne pas vouloir s'impliquer?
Mme Recchia : Le personnel de notre bureau local d'Environnement Canada nous a donné quelques éléments de réponse. On nous a raconté beaucoup de choses. Quelques semaines avant de venir vous rencontrer, la Traditional Fisheries Coalition a demandé au ministre de l'Environnement de le rencontrer, mais la réponse a été négative. Nous avons également demandé à ses trois sous-ministres adjoints de les rencontrer, et cette demande a également été refusée. Nous allons rencontrer une personne d'Environnement Canada cette semaine, mais d'un niveau hiérarchique nettement inférieur.
Je crains qu'Environnement Canada se laisse faire en quelque sorte. Je crois qu'ils ont été laissés en dehors du processus et qu'ils ne s'y opposent pas. C'est très décevant pour nous, parce qu'Environnement Canada a fait un travail tout à fait extraordinaire au niveau local, en protégeant notre pêche et le milieu marin. Je ne saisis pas très bien pourquoi Environnement Canada ne soulève pas cette question plus énergiquement à Ottawa.
Le sénateur Cochrane : Je vous conseille de ne pas baisser les bras. Vous ne pouvez pas abandonner maintenant parce qu'il s'agit de votre principale source de nourriture et de gagne-pain pour les gens du Nouveau-Brunswick.
Je sais que les prix du homard ont fluctué au cours des dernières années. Ceux de l'an dernier étaient terribles. Je sais qu'à Terre-Neuve, les pêcheurs n'ont obtenu qu'environ trois dollars par livre. C'était tout simplement affreux. Si je comprends bien, dans de nombreuses régions, les pêcheurs ignorent le prix qu'ils vont obtenir cette année jusqu'à l'ouverture de la saison. C'est terrible.
Pouvez-vous me dire s'il faut que les pêcheurs obtiennent un prix minimum donné pour que la pêche continue simplement à être viable financièrement?
Pour en revenir à Terre-Neuve, notre saison de pêche ne dure que six semaines. J'ignore combien de temps elle dure au Nouveau-Brunswick. J'ignore si c'est la même durée ou non. Il faut donc que les pêcheurs obtiennent un prix leur permettant de couvrir les coûts des bateaux, du carburant, et cetera.
Y a-t-il un prix minimum qu'un pêcheur doit obtenir pour couvrir ses coûts?
Mme Sonnenberg : Il y a toujours un seuil de rentabilité. Chaque district de pêche au homard est unique par la façon dont il est géré, la durée de sa saison, et cetera.
Il y a actuellement un groupe qui s'est mis au travail depuis 2008. Il s'agit du Conseil canadien du homard. Il étudie, entre autres, comment se doter d'une structure de prix solide dont tous les participants au secteur pourraient tirer parti. Nous avons actuellement une structure très complexe, du moment où le homard arrive sur le pont du bateau jusqu'à celui où il se retrouve sur une assiette d'un restaurant où dans une épicerie. Nous travaillons sur cette question, mais il faut des modalités différentes selon les régions, en fonction du type de pêche pratiquée dans celles-ci.
Si vous nous demandiez s'il y a un seuil de rentabilité propre à notre région, il y en a bien un, mais il pourrait varier demain en fonction de la variation du nombre de prises. Le prix peut varier toutes les semaines, à la hausse ou à la baisse. Actuellement, nous attendons le début de la campagne de pêche du printemps. Les stocks sont fort heureusement faibles et cela devrait faire monter les prix. Mais de plus en plus de pêcheurs vont partir en mer et cela donne une situation complexe à laquelle nous essayons de trouver une solution.
Ce pourrait être une bonne chose que de demander à un représentant du conseil de venir témoigner pour vous décrire certains des efforts entrepris pour trouver un mécanisme convenant à tout le monde, malgré la situation complexe qui prévaut dans l'industrie.
Le sénateur Cochrane : Que dit de tout cela mon ami de Terre-Neuve? Avez-vous quelque chose à dire sur tout ceci?
M. Holland : Cela dépend du district de pêche au homard dans lequel vous vous trouvez. Par exemple, la saison vient de débuter aux Îles-de-la-Madeleine. Au tout début de cette saison, les pêcheurs y ont capturé l'essentiel de leur contingent de prises. Ils en prennent beaucoup actuellement.
Actuellement, dans le sud du Nouveau-Brunswick, le prix est d'environ six dollars. Toutefois, la pêche vient de débuter le 1er avril dans le district 36. L'eau est froide. Les homards n'ont pas encore migré chez nous, ce qui fait que les pêcheurs sortent sans ramener beaucoup de homards. Ils vont sortir plus tard dans le cours de la saison, quand les eaux se réchaufferont et que les homards migreront dans cette partie de la baie de Fundy. Cela rentabilise mieux leur travail, car ils prennent alors davantage de homards par sortie.
Le seuil de rentabilité auquel vous vous intéressez n'est pas le même si vous prenez une tonne de homards par jour ou 200 livres par jour. Il est donc difficile de le donner avec précision. Comme on vient de vous le dire, il y a un groupe qui essaie de démêler toutes ces choses et de définir la meilleure approche à utiliser pour résoudre ce problème. Je peux vous dire que, actuellement, le prix est d'environ six dollars.
Le sénateur Cochrane : Il était d'environ trois dollars l'an dernier.
M. Holland : Il était également d'environ trois dollars dans notre région l'an dernier.
Mme Recchia : La seule raison pour laquelle il atteint six dollars est que la pêche ne se pratique que dans un très petit nombre de districts pour l'instant. Lorsqu'elle aura débuté partout, et que tous prendront du homard, les prix baisseront. Les prix sont élevés maintenant, mais nous ne nous attendons pas à ce qu'ils restent à ce niveau.
M. Holland : Nous trouvons très bien que les pêcheurs obtiennent six dollars pour leurs prises.
Le sénateur Cochrane : Je vais poursuivre mes efforts avec Environnement Canada parce qu'il semble y avoir un problème avec la question du pou. Les saumons de la région de Vancouver ont été touchés par le même problème il y a quelques années. Des représentants du ministère sont venus témoigner et ils en avaient des photos. Il y avait un nombre important de poux du poisson dans les estomacs des saumons. Je ne sais pas s'ils sont venus à bout de ce problème. Nous pourrions apprendre des choses en en discutant avec eux.
Mme Recchia : Nous faisons partie d'un important groupe parapluie du Canada atlantique qui travaille à une réforme de l'aquaculture. Il est composé de représentants de l'industrie de la pêche et des groupes environnementaux. Il y a une coalition similaire en Colombie-Britannique avec laquelle nous communiquons une fois par mois par téléphone. Nous sommes impliqués dans cette question avec les groupes environnementaux et le milieu de la pêche des deux côtes.
Le sénateur Cochrane : C'est un élément que vous pouvez leur mentionner également.
Le sénateur Poirier : À propos de la dimension environnementale du problème, vous avez indiqué entretenir de bonnes relations de travail avec les représentants locaux du ministère de l'Environnement. S'agit-il du ministère provincial ou du ministère fédéral?
Mme Recchia : C'est le ministère fédéral. C'est Environnement Canada.
Le sénateur Poirier : Si vous entretenez de bonnes relations avec eux au niveau local, ne pourriez-vous pas approcher la direction du ministère en passant par ce bureau local? Il saurait peut-être comment vous permettre de rencontrer les gens avec qui vous voulez parler, ou vous aider à établir une forme quelconque de relation.
Mme Recchia : Nous nous sommes adressés à eux en leur demandant de nous aider à organiser des réunions à Ottawa. Ils n'y sont pas parvenus, même s'ils ont essayé. Ils nous encouragent. Ils aimeraient beaucoup que la haute direction d'Ottawa s'implique dans ce domaine et se batte sur cette question.
Le sénateur Raine : En vérité, j'ai une tonne de questions à vous poser.
Je n'ai pas une très bonne connaissance du secteur de l'aquaculture dans les Maritimes, mais ce qui importe avant tout est que c'est du saumon de l'Atlantique qu'on y élève. Ce saumon d'élevage s'échappe-t-il et se mélange-t-il à l'occasion avec le saumon sauvage, et cela pose-t-il un problème?
Mme Recchia : Oui.
M. Holland : Je vais essayer de vous répondre. J'ai été agent des pêches pendant 30 ans à Pêches et Océans Canada et suis maintenant en retraite. Une étude est en cours de réalisation pour le compte de la Fédération du saumon atlantique. Elle est dirigée par Jonathan Carr. Il étudie ce type d'interactions depuis qu'il a quitté l'université. Cela fait donc au moins 20 ans maintenant qu'il se penche sur ce problème.
Son équipe a étudié les caractéristiques génétiques des saumons sur tout le cours de la rivière Magaguadavic, sur laquelle il y avait une échelle à poissons. Elle a prélevé des échantillons sur les saumons qui franchissaient cette échelle. Elle dispose donc d'une banque de données de 40 ans sur l'ADN de ces poissons et peut vous dire qui sont les parents d'un poisson qui franchit cette échelle aujourd'hui. Ce serait la personne idéale pour répondre à cette question.
Le sénateur Raine : À qui appartiennent les fermes salmonicoles des Maritimes?
M. Holland : Au départ, elles appartenaient toutes à des intérêts privés. Elles étaient censées offrir un complément aux activités des pêcheurs. Il y a des petites fermes familiales ayant une production de 30 000 à 40 000 poissons par année. Elles ont pratiquement toutes disparu maintenant et il n'en reste que deux ou trois. L'essentiel des fermes salmonicoles appartient aujourd'hui à trois sociétés.
Mme Recchia : L'une de ces sociétés est très importante et possède la majorité de ces fermes. C'est Cooke Aquaculture.
M. Holland : La plupart de ces entreprises sont britanno-colombiennes et chiliennes.
Le sénateur Ringuette : Quel est le taux de rémunération de la main-d'œuvre sur ces fermes d'aquaculture?
M. Holland : Il est supérieur au salaire minimum. Il se compare, par exemple, à celui versé par les sardineries et les autres entreprises de la région.
Mme Recchia : Ce n'est pas un travail de même niveau que celui d'un pêcheur, en particulier pour le capitaine d'un bateau. Il faut cependant savoir que les membres de l'équipage d'un bateau ne sont pas non plus très bien payés. J'ai pu constater avec le temps que le taux de roulement du personnel est assez élevé dans ces entreprises. Il n'est pas constant. Lorsque les gens pratiquent la pêche, c'est une entreprise familiale et les pêcheurs ne changent pas de métier. Ce sont les mêmes personnes la plupart du temps et en cela, c'est un peu différent dans le milieu de la pêche.
Le sénateur Raine : Une fois encore, combien y a-t-il de fermes d'aquaculture dans votre région de la baie de Fundy?
Mme Morse : Je crois qu'il y en a 96 qui détiennent un permis d'exploitation dans le sud-ouest du Nouveau- Brunswick. Je ne sais pas avec certitude si toutes travaillent au cours d'une même année. Elles appliquent un système triennal de gestion de la baie et, chaque année, environ un tiers de ces fermes ne produit pas. Elles font l'élevage pendant deux ans et s'arrêtent pendant un an. Les deux tiers d'entre elles sont donc actives à un moment donné.
Le sénateur Raine : Quand les premières sont-elles apparues?
M. Holland : Dans les années 1970.
Le sénateur Ringuette : À quelle distance sont-elles les unes des autres? Je crois savoir que cette distance est fixée par le ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches du Nouveau-Brunswick?
Mme Recchia : Cela dépend de l'endroit où vous vous trouvez. Il y a des endroits où elles sont très proches et nombreuses, comme dans la Lime Kiln Bay au Nouveau-Brunswick, et d'autres endroits où elles sont plus distantes les unes des autres. Je peux toutefois vous dire que, dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, la concentration des fermes salmonicoles est beaucoup plus élevée qu'à Terre-Neuve ou en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ringuette : Y a-t-il de la place pour un plus grand nombre?
Mme Recchia : Non, pas de notre point de vue.
Le sénateur Raine : Ces exploitations sont là depuis les années 1970, donc depuis plus de 40 ans. À quel moment sont-elles devenues trop nombreuses?
Mme Morse : Quelques-unes ont été autorisées à s'implanter sur le littoral du continent, mais le dernier nombre important de fermes d'aquaculture approuvées l'a été en 2001. L'objectif était de pallier au cycle triennal d'interruption de la production. Il est difficile de dire que c'est précisément à partir de l'arrivée de telles fermes que leur nombre a été excessif. L'une des difficultés est que lorsque vous examinez la baie de Fundy, elle a l'air d'une vaste étendue. Quand vous regardez l'océan, il a aussi l'air d'être une vaste étendue. Cependant, les sites d'aquaculture font concurrence aux mêmes fonds qui ont été utilisés de façon traditionnelle par l'industrie de la pêche. Ils sont sur le littoral dans des anses abritées où on pratique la pêche au homard et aux pétoncles. Beaucoup sont situés à des endroits où l'on pêchait le hareng à la bordique, et nous avons constaté le déclin de cette industrie. Cela fait 20 ans que je fais partie de notre organisation. Lorsque j'ai débuté à Grand Manan, il y avait un bon nombre de bordiques exploitées et leur nombre n'atteint plus la dizaine maintenant. Il est difficile de dire à quel moment il y en a eu trop.
Le sénateur Ringuette : C'est une difficulté importante parce que je pense que tout le monde voudrait voir l'industrie de la pêche en mer survivre et l'aquaculture est manifestement bien implantée. Pensez-vous que le double mandat de Pêches et Océans Canada donne de bons résultats?
Mme Morse : De notre point de vue, cela ne semble pas être le cas. Il faudrait que les secteurs de la promotion de l'aquaculture, de sa réglementation et de l'application des règles à l'aquaculture soient distincts. Nous vous avons décrit certaines des complications apparues avec les modalités d'approbation des pesticides. Tant de gens sont impliqués que cela rend parfois la situation très complexe, même pour les gens censés élaborer la réglementation. Il est difficile de savoir qui est responsable de quoi et ce qui relève précisément d'un ministère. Il va falloir examiner attentivement les domaines de responsabilité de chacun des ministères concernés.
Le sénateur Oliver : Je suis navré de n'avoir pu être là pendant votre exposé, mais ce que j'ai appris avec vos réponses m'a beaucoup éclairé et m'a paru très intéressant. Vous avez soulevé de nombreuses questions intéressantes.
J'aimerais revenir à la question du pou du poisson. Vous avez parlé d'agriculture biologique. J'aimerais savoir si, en laissant de côté les pesticides, on dispose de méthodes biologiques pour se débarrasser du pou du poisson?
Mme Recchia : Je ne suis certainement pas une spécialiste en la matière, mais je crois savoir qu'il y a la possibilité d'avoir une faible densité de poissons, donc un nombre pas trop élevé de poissons par enclos, et de grandes distances entre les sites.
Le sénateur Oliver : Cela imposerait davantage de frais généraux aux propriétaires et exigerait davantage d'infrastructures.
Mme Recchia : Oui. Je sais, par exemple, que le prix du saumon biologique irlandais est très élevé, ce qui permet à ses producteurs de gagner beaucoup plus d'argent.
Le sénateur Oliver : La plupart des produits biologiques se vendent à bon prix, mais je me demande s'il n'y a pas une autre méthode, biologique, autre que l'éloignement des sites les uns des autres, pour se débarrasser du pou du poisson?
Mme Recchia : Je sais que l'on fait des recherches sur des solutions respectueuses de l'environnement. J'ai par contre l'impression qu'on n'y consacre que très peu de temps et d'argent.
Nous tenons à rappeler que certains de ces produits ont aussi des répercussions. C'est ainsi que l'un des sujets de recherche est l'étude de casiers lumineux qui attireraient le pou du poisson pour le capturer. Il faut cependant savoir que le hareng est sensible à la lumière et qu'il ne s'approchera pas d'un piège lumineux ou d'un endroit très éclairé. Ce serait là une autre nuisance ou un autre problème pour la pêche au hareng à la bordique dont il faudrait s'occuper.
Nous aimerions participer aux discussions sur les technologies respectueuses de l'environnement, mais j'ai le sentiment que le secteur de l'aquaculture veut pouvoir utiliser une série de pesticides. C'est, à ses yeux, la solution la moins coûteuse, la plus efficace et la plus efficiente pour contrôler le problème. Le peu de recherches qu'il fait sur les technologies respectueuses de l'environnement est un peu de la poudre aux yeux, à mon avis.
Le sénateur Oliver : Existe-t-il à votre connaissance, un genre d'onguent, de liquide ou de gel biologique agissant comme un pesticide qui soit utilisé ailleurs dans le monde pour tuer le pou du poisson?
Mme Recchia : Pas à ma connaissance, mais je ne suis pas une spécialiste. Je sais que des gens étudient des gels pour retirer les pesticides de l'eau. Au lieu de faire un traitement par bâches dans l'océan, où tout s'écoule à l'extérieur, ils utilisent des bateaux-citernes. Ils n'en ont que quelques-uns qui sont assez coûteux. Ce sont des bateaux équipés d'une énorme citerne. Le poisson est pompé dans la citerne, dans laquelle les pesticides sont versés pour les traiter. L'eau chargée de pesticides est reversée dans l'océan. Ils essaient d'utiliser un type de gel qu'ils peuvent mettre dans les eaux usées pour absorber les pesticides.
Ils font également des essais avec des filtres au charbon pour retirer les pesticides. Il y a des projets de cette nature qui sont intéressants et qui pourraient s'avérer prometteurs, mais ils sont à toute petite échelle et à peine financés.
Le sénateur Oliver : L'un de vos organismes finance-t-il des projets de recherche ou est-il impliqué dans de tels projets portant en particulier sur le pou du poisson?
Mme Recchia : Non.
Le sénateur Oliver : Y a-t-il des universités, des professeurs ou des scientifiques qui font des recherches sur la façon d'éradiquer le pou du poisson sans utiliser de pesticides?
Mme Recchia : Quelques universitaires et quelques fonctionnaires travaillent sur cette question.
Le sénateur Oliver : Comme ce comité procède à une étude, et peut formuler des recommandations, le pou du poisson et l'utilisation des pesticides constituant des problèmes majeurs, quelles recommandations aimeriez-vous nous voir faire?
Mme Sonnenberg : Si je pouvais vous demander, de mon point de vue, quoi que ce soit, je crois que ce serait de faire un pas en arrière. Le mot clé est gestion. Nous aimerions étudier la façon dont nous gérons cette situation en tenant compte de la nature de nos relations sur l'eau et de ce qui se passe vraiment. En effet, nous avons souvent à traiter avec des organismes gouvernementaux qui nous semblent être dans le déni.
Si nous pouvions vous demander quoi que ce soit, ce serait que ce comité étudie la réglementation proposée actuellement de notre point de vue. Elle est conçue pour le bien d'un autre secteur que le nôtre. Ce n'est pas votre mandat aujourd'hui, mais vous pouvez l'aborder dans le contexte des relations avec la pêche, et cela fait partie de votre mandat. C'est le premier élément qu'a mentionné Mme Recchia en réponse à votre question. C'est ce qui nous préoccupe. Nous devons être protégés. Nous n'avons pas le sentiment que notre opinion compte dans ce processus. Si je pouvais vous demander quelque chose, c'est ce que je vous demanderais.
Le sénateur Oliver : C'est utile à savoir.
Lorsque je suis arrivé, j'ai entendu notre représentant de Terre-Neuve expliquer qu'un homard ne devient adulte qu'à l'âge de huit ans, et que vous trouvez maintenant dans vos casiers des homards femelles de huit ans mortes. Vous avez dit que ce sont probablement les pesticides qui les tuent. Pouvez-vous me dire si vous en avez des preuves. Quel est le lien de cause à effet entre les pesticides déversés dans l'eau et ces homards femelles de huit ans mortes que vous trouvez dans vos casiers?
M. Holland : Dans la baie de Fundy, un homard, mâle ou femelle, met huit ans à atteindre la taille minimale pour le vendre.
Le sénateur Oliver : Nous nous intéressons aux femelles.
M. Holland : En règle générale, toujours dans la baie de Fundy, les femelles ne commencent à avoir des œufs qu'à un âge beaucoup plus avancé, vers 12 ou 14 ans. À partir de cet âge, elles ne cessent plus d'avoir des œufs. Si elles atteignaient les 100 ans, elles continueraient encore à avoir des œufs.
Il y a quelques années, à la suite d'une série de plaintes pendant la saison du homard, Environnement Canada a constaté que les pêcheurs travaillaient à proximité des sites de salmoniculture et qu'il y avait des homards morts dans les casiers. Les représentants du ministère ont fait toute une série de tests sur ces homards.
Le sénateur Oliver : Qui a procédé à ces analyses?
M. Holland : C'est Environnement Canada. Ils ont également fait des analyses sur les poissons d'élevage.
Le sénateur Oliver : Est-ce que les poissons mourraient aussi?
M. Holland : Non. Le différend est maintenant devant les tribunaux. C'est pourquoi nous disons qu'Environnement Canada fait un bon travail. C'est à Environnement Canada qu'il incombait de faire enquête et de procéder aux analyses. Ils ont examiné les livres de certaines entreprises. Ils doivent être capables de produire des preuves devant les tribunaux. Tout le monde se dit innocent. C'est ce qu'ils font actuellement. Ils ont été en mesure de monter un dossier justifiant des poursuites et l'ont transmis au procureur de la Couronne, qui a été d'accord avec eux. Sans cela, aucune poursuite n'aurait été entamée. Ils doivent avoir trouvé un certain degré de corrélation entre les homards à l'état sauvage qui meurent, ce qu'ils ont trouvé dans ces homards, ce qui les tue et ce qu'ils ont trouvé sur ces saumons. C'est la preuve qu'a établie Environnement Canada qui est maintenant devant les tribunaux.
Le sénateur Oliver : Nous ne savons pas encore s'il y a effectivement une preuve puisque le cas n'a pas encore été tranché. Si la poursuite est rejetée, pour une raison ou une autre, vous n'aurez pas la preuve que vous cherchez. Pour l'instant, il s'agit plutôt d'une hypothèse. L'une des dames nous a parlé d'un cas de crevettes mortes dans l'Ouest, en indiquant que les pêcheurs de ces crevettes soupçonnent que certains produits utilisés en aquaculture sont responsables de ce phénomène. Un soupçon ne constitue pas le type de preuve dont nous avons besoin pour établir le bien-fondé d'un argument.
Sheena Young, directrice de programme, Fundy North Fishermen's Association : Lorsque vous êtes arrivé, Mme Recchia venait de nous parler d'un test sur un site d'aquaculture où on procédait à un traitement par pesticide, un traitement par bâche dans ce cas-ci. Des représentants de Pêches et Océans Canada étaient là, ainsi que des scientifiques qui étudiaient la dispersion de la teinture dans l'eau. À cause des marées dans la baie de Fundy, la situation dans chaque anse est différente. Ils se trouvaient sur ce site particulier. Les représentants d'Environnement Canada sont arrivés sans être annoncés avec des homards vivants. Pour pouvoir les commercialiser au Nouveau-Brunswick, ils doivent avoir huit ans. C'est de là que vient cet âge de huit ans dont nous parlons.
Environnement Canada a lâché les homards dans la colonne d'eau et au fond de la mer et a suivi le panache de teinture sur plusieurs kilomètres, environ huit, et tous ces homards sont morts. C'est ce qu'Environnement Canada a constaté avec l'AlphaMax. Prenant un certain temps, l'AlphaMax s'est vu imposer une homologation d'urgence par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. M. Holland, lui, parlait de cas d'emploi illégal de pesticides dans la baie de Fundy, ce qui est différent de ce dont nous parlions aujourd'hui. Nous avons la preuve que l'AlphaMax a tué les homards.
Mme Recchia : J'aimerais ajouter une chose au sujet du commentaire sur les huit ans. Je crois que M. Holland disait à ce sujet que le pesticide tue les jeunes homards et les larves de homard beaucoup plus facilement que les adultes. Nous avons souvent signalé que nous ne voyons pas les jeunes homards parce qu'ils peuvent s'échapper des casiers qui sont conçus pour ne pas les retenir. Si un grand nombre de larves de homard étaient tuées, il faudrait attendre huit ans avant que les pêcheurs ne le remarquent. C'est un autre point.
Le sénateur Oliver : D'accord, j'ai bien compris. Merci beaucoup.
La vice-présidente : Nous allons maintenant passer à une seconde série de questions rapides. J'invite le sénateur Poirier à poser sa question.
Le sénateur Poirier : Une fois encore, par curiosité, puisque nous étudions la pêche au homard, en sachant que c'est le produit de la mer que nous exportons le plus, nous entendons souvent les pêcheurs se plaindre de ne pas gagner assez d'argent pour continuer à pratiquer la pêche ou dire que cette industrie de la pêche a du mal à recruter de nouveaux employés. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les difficultés auxquelles se heurtent les pêcheurs de homard pour joindre les deux bouts?
Mme Morse : Je crois que cela tient actuellement à un certain nombre d'éléments. On peut citer la faiblesse des prix payés aux pêcheurs. Une part importante de notre marché est celle du homard vivant aux États-Unis et, avec la hausse du dollar canadien, le taux de change n'est pas à notre avantage comme c'était le cas il y a cinq ou six ans, ce qui se répercute sur nos prix.
En même temps, nous avons vu les coûts du carburant et des appâts augmenter. Je suis sûre que vous avez entendu dire que les jeunes ont tendance à quitter les collectivités côtières. Dans le secteur de la pêche au homard, les membres d'équipage sont rémunérés à la part, ce qui veut dire qu'ils reçoivent un pourcentage des profits. Si vous ne faites pas de profits importants, la rémunération des membres de l'équipage s'en ressent et il n'est pas tentant pour eux de rester travailler sur les bateaux.
Nous avons beaucoup de chances dans notre région d'avoir encore une pêche viable à laquelle travaillent beaucoup de jeunes. Nous n'avons pas subi les mêmes effets que ceux qu'il est certainement possible de constater dans d'autres régions.
Le sénateur Poirier : Quelle est l'importance de la pêche au homard dans votre collectivité?
Mme Morse : Je viens de l'île de Grand Manan. Elle compte 2 400 habitants. Au cours des dernières années, les débarquements de homard y ont atteint en moyenne 20 millions de dollars, ce qui est énorme. C'est le principal moteur de l'économie de notre île.
Le sénateur Poirier : Avez-vous une ou deux saisons de pêche?
Mme Morse : Nous avons une saison.
Le sénateur Poirier : Vous ne pêchez pas au printemps ni à l'automne?
Mme Morse : Notre saison commence le second mardi de novembre et se termine le 29 juin. C'est une longue saison. Beaucoup de pêcheurs pêchent sur le littoral.
Le sénateur Poirier : C'est juste pour le homard?
Mme Morse : Juste pour le homard.
Mme Recchia : C'est inhabituel. Nous ne sommes pas tous à la même enseigne.
Mme Morse : Beaucoup de pêcheurs vont mettre leurs casiers à terre à l'époque de Noël. En janvier, février et mars, ils pêchent les pétoncles et remettent leurs casiers à l'eau le 1er avril. Certains d'entre eux pêchent au large, dans des eaux plus profondes, tout au long de l'hiver.
Le sénateur Poirier : Quel est le pourcentage de vos pêcheurs qui pêchent toute l'année, en pratiquant une autre pêche une fois que la saison du homard est finie?
Mme Morse : Je n'ai jamais réfléchi à ce pourcentage. Il y a probablement 30 p. 100 de nos pêcheurs qui pêchent toute la saison. Les autres restent sur le littoral.
Mme Recchia : Nous avons une saison de pêche au printemps et une autre à l'automne. Nous n'avons pas beaucoup de pêcheurs qui ne se consacrent qu'au homard sans rien pêcher d'autre. Ils pêchent toute une variété d'espèces. Dans notre région, tous les détenteurs de permis de pêche au homard utilisent tous les casiers auxquels ils ont droit et pêchent pendant toute la saison. Nos débarquements de homard sont sensiblement les mêmes qu'à Grand Manan.
Le sénateur Poirier : Quelle est la situation financière des membres d'équipage et des travailleurs à terre, de ceux qui travaillent à la pêche au homard?
Mme Recchia : Cela dépend de l'endroit et de leur mode de rémunération. C'est le système de rémunération à la part qui est le plus utilisé, mais, dans certaines collectivités, il est plus courant qu'ils soient payés à la journée. Il s'agit encore essentiellement d'entreprises familiales, et les gens s'impliquent donc beaucoup dans toute l'entreprise, partagent le travail pour réussir à s'en tirer et ce genre de choses. Il y a bien certainement des membres d'équipage qui ne sont pas des membres de la famille, mais quantité d'entre eux appartiennent à la même famille.
Ce qui se passe couramment est qu'un jeune devient membre d'équipage, acquiert de l'expérience et finit par reprendre le bateau. C'est un phénomène très courant chez nous.
Le sénateur Poirier : Avez-vous une idée du pourcentage de nouveaux pêcheurs qui ne reprennent pas un bateau de la famille, qui sont réellement des nouveaux venus?
Mme Young : Je ne suis pas en mesure de vous donner un pourcentage, mais, comme je suis une îlienne, je peux vous dire que ce phénomène s'est accru au cours des dernières années. L'intérêt pour la pêche dans notre collectivité s'est accru. Des gens qui ne s'adonnaient pas à la pêche par le passé s'y sont mis, attirés par les revenus, pour survivre et pouvoir rester dans leurs collectivités. C'est encourageant. Quant au pourcentage d'ensemble, je ne pourrais vous le dire, mais je suis d'avis qu'il a augmenté.
Mme Morse : Nous avons aussi observé ce phénomène. L'un des éléments qui ont empêché les jeunes d'accéder à la pêche au homard quand ils ne viennent pas d'une famille de pêcheurs a été, en 1999, la décision Marshall. À cette époque, Pêches et Océans Canada a commencé à acheter des permis de pêche au homard et cela a fait grimper leur prix. Ils sont vraiment devenus hors de portée des jeunes. Les prix de ces permis commencent à baisser un peu et il leur est maintenant un peu plus facile de se lancer dans la pêche.
Le sénateur MacDonald : C'est le début des questions sur le sujet que je vais poser pendant les mois qui viennent : le prix du homard payé aux pêcheurs. En janvier, j'ai visité des supermarchés au Japon et en Corée. Il se peut que le prix du homard n'ait pas beaucoup bougé ici au cours des 20 dernières années, mais il est certain qu'il coûte cher là-bas. Quelqu'un fait de l'argent avec le homard. Il semble que les gens qui travaillent dans le secteur n'en fassent pas assez, ceux qui pêchent le homard et ceux qui le commercialisent. Vous avez indiqué qu'une grande partie des prises de homard de votre région va sur le marché américain. J'imagine, sans en être sûr, qu'elle se retrouve sur le segment de marché de bas de gamme, comme chez Red Lobster ou d'autres débouchés de ce genre.
Mme Sonnenberg : Je suppose qu'une partie de nos homards se retrouvent sur ce marché, mais une bonne partie est réexportée des États-Unis vers l'Europe et l'Asie, davantage vers l'Asie. Nous constatons, pour l'industrie du homard, que les marchés asiatiques deviennent vigoureux et dynamiques. Nous y voyons d'importantes possibilités de croissance. Si nos homards prennent le chemin des États-Unis, c'est pour être réexportés vers d'autres pays. Il est manifeste que la situation des exportations évolue rapidement.
Le sénateur MacDonald : Il y a deux éléments : le marché sur lequel vous expédiez et le prix que ses acheteurs sont prêts à payer. Comme l'a indiqué M. Holland, il est assez bon actuellement. Quand peu de gens vendent sur ce marché, ils obtiennent six dollars la livre, mais quand les prises augmentent, c'est trois dollars la livre. Il y a manifestement un lien entre l'offre et la demande. Si vous essayez de convaincre les pêcheurs de homard de mettre moins de casiers à l'eau et d'attraper moins de homards, ils vont vous déclarer la guerre.
Mme Sonnenberg : C'est ce que vous allez entendre dire à répétition par les divers intervenants du secteur. Il faut se rappeler que vous pouvez pêcher un homard à un moment donné. Dans d'autres régions, il n'y en a pas à pêcher, et dans d'autres, c'est peut-être même impossible. Vous ne pouvez pas pêcher de homard en hiver dans le golfe du Saint- Laurent.
Le régime de la pêche au homard dans le Canada atlantique est complexe. Je ne veux pas avoir l'air de me répéter, mais c'est bien le cas. Il est pratiquement impossible de le démanteler pour arriver à une valeur nominale, comme nous l'avons appris au cours des dernières années en analysant la question de la commercialisation depuis 2008, quand nous avons assisté à une chute marquée des prix. C'était alors la panique dans le secteur et cela s'expliquait en partie par la hausse du dollar et par la récession mondiale que nous avons vue se répandre sous nos yeux.
Pour en revenir à votre commentaire sur l'écart entre les prix de vente à l'étranger et les prix payés ici, il se concrétise entre le moment où ce homard est débarqué du bateau et celui de son passage dans la chaîne de distribution. La situation est compliquée. Elle mérite pourtant qu'on s'y attarde. Les représentants des pêcheurs que nous sommes nous inquiétons de la façon dont les choses se déroulent et pourrions récupérer un pourcentage qui serait peut-être plus intéressant que ce que nous voyons aujourd'hui. Une fois encore, ce sont là des questions que nous étudions au Conseil canadien du homard et que nous essayons de résoudre collectivement dans l'industrie. C'est un problème énorme.
Le sénateur MacDonald : J'ai beaucoup d'amis dans le secteur de la pêche au homard. J'ai grandi dans une collectivité où c'était toujours une activité importante, et c'est encore le cas. Sans prendre parti, je suis convaincu que les pêcheurs de homard n'ont pas été assez payés pour leur produit pendant des années et qu'une poignée de gens gagnent une fortune sur leur dos. Il doit y avoir une meilleure solution. Il faut que l'argent reste dans ces collectivités et permette de conserver une industrie viable.
Malgré tous ces problèmes, l'autre facteur est que c'est notre pêche la plus rentable. Nous devons maximiser sa rentabilité pour nos collectivités parce que les plus petites ont tant de mal à survivre, en particulier avec la disparition de la pêche au poisson de fond. Je compte beaucoup sur cette étude pour déterminer si nous pouvons trouver une façon de garder davantage d'argent dans les collectivités.
Le sénateur Patterson : C'était votre idée, n'est-ce pas?
Le sénateur MacDonald : C'était l'une des miennes.
Mme Sonnenberg : C'est certainement un objectif que nous appuierions. Depuis 2008, quand les prix ont vraiment chuté, tout le monde a exprimé le souhait que les participants du secteur touchent une rémunération raisonnable.
Je me souviens que, en 1991 et 1992, le homard se vendait 2,75 $, et l'an dernier 3,25 $. Cela ne couvre même pas les coûts du type d'équipement que nous utilisons maintenant, dans lequel les gens ont investi, ni le prix des permis qui a augmenté de façon exponentielle. Néanmoins, beaucoup de gens qui ont investi dans la pêche croient dans leurs collectivités et dans la pêche. Cela nous a permis fort heureusement, de survivre à ces temps difficiles. Ces investissements dans les collectivités ont permis de maintenir l'activité et d'éviter que les gens s'en aillent tout simplement. Les gens qui vivent dans ces collectivités côtières sont convaincus de la nécessité de ces investissements et les feront, mais il faut qu'ils bénéficient de l'aide dont vous parliez.
Le sénateur MacDonald : Je sais que l'une des raisons pour lesquelles les gens réussissent à vivre à moitié décemment est qu'ils sont bons à ce qu'ils font. Ce sont les meilleurs. Ils travaillent à préparer leurs casiers pour le printemps. Ils appliquent un système. Ils savent ce qu'ils pêchent. Ils savent ce qu'ils cherchent. C'était aussi le cas de leurs pères et de leurs grands-pères. Ils ont hérité des connaissances de ceux qui les ont précédés. Si ce n'était pas le cas, j'aurais du mal à imaginer de nouveaux pêcheurs se lancer dans l'aventure pour tenter de gagner leur vie. Ce serait très dur.
Le sénateur Raine : C'est un très bon enchaînement parce que vous avez commencé par nous dire que vous étiez préoccupés par deux questions, dont les pesticides, mais que la plus importante à vos yeux était les modifications apportées par Pêches et Océans Canada à la politique sur le propriétaire-exploitant. Pouvez-vous nous expliquer précisément ce que dit la politique aujourd'hui et quelles sont les modifications qui sont proposées, en précisant ce que vous craignez?
Mme Sonnenberg : À la fin des années 1970, Roméo LeBlanc a jugé utile de mettre en œuvre les politiques de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles parce que de grandes entreprises rachetaient des bateaux et contrôlaient dans une certaine mesure l'accès à la pêche. Cela a commencé à provoquer, même dans les années 1970, l'érosion des petites collectivités côtières. C'est de là que découle la politique sur le propriétaire-exploitant. Elle impose que ce soit le propriétaire du navire qui l'exploite. C'est simple. Elle permet très clairement aux petites collectivités d'aller de l'avant parce que des pêcheurs côtiers indépendants peuvent sortir en mer et gagner leur vie, et ces retombées touchent toute la collectivité.
L'initiative de modernisation lancée par Pêches et Océans Canada, dont nous avons commencé à entendre parler l'an dernier à cette époque, devrait permettre d'apporter beaucoup de changements qui nous seraient bénéfiques. L'un de ces changements serait de s'attaquer à la hausse des coûts imputable à la bureaucratie et à la réglementation. Nous sommes surchargés de paperasserie.
L'un des sujets qui ne sont même plus évoqués, sans parler d'un message clair, est la politique sur le propriétaire- exploitant. Elle n'est abordée nulle part dans la documentation et ça ne devrait pas être le cas.
Des groupements se sont constitués. Je ne veux pas utiliser le terme « coalition », mais un groupe d'organismes du secteur de la pêche s'est constitué parce que nous sommes convaincus que cela peut être utile, et nous avons vu ce qui se passe quand on abandonne le principe du propriétaire-exploitant. C'est la fin de la pêche telle que nous la connaissons et la pêche au homard a fait ses preuves pendant des années sous le régime de gestion actuel. Nous pratiquons la pêche aux casiers. C'est une pêche concurrentielle, mais il y a certaines règles à respecter pour permettre de gérer correctement cette pêche et nous permettre d'aller de l'avant et de réussir. Nous avons un tel régime. La pêche au homard s'est avérée excellente dans la baie de Fundy.
Vous parlez ici de consolidation dans les mains d'un petit nombre, d'un petit nombre de sociétés comme cela se produit dans la plupart des cas lorsque la pêche tombe aux mains d'entreprises. La dynamique financière est alors complètement différente.
C'est ce qui s'est passé dans notre collectivité avec la pêche au hareng à la senne coulissante. Lorsque j'ai déménagé à Grand Manan, en 1981, il y avait neuf bateaux de pêche à la senne coulissante, tous indépendants, ayant chacun environ sept hommes d'équipage. On est ensuite passé à une pêche contingentée. La pêche a été réduite et les contingents sont devenus des produits. Les gens qui pouvaient s'en payer, les entreprises, les ont achetés avec le temps et nous avons vu assez rapidement nos neuf navires disparaître.
Mme Morse : Il nous en reste un.
Mme Sonnenberg : C'est vrai, il en reste un à notre quai, dans notre collectivité, mais ces emplois ont disparu. Lorsqu'une collectivité de 2 400 personnes subit ce genre de perte, les conséquences sont lourdes.
Il faut ensuite savoir ce qu'il advient des gens : où vont-ils et que doivent-ils faire pour gagner leur vie? Restent-ils ou partent-ils? Tous ces aspects sont très importants dans la discussion du principe du propriétaire-exploitant.
Pour nous, le propriétaire-exploitant dans le domaine de la pêche au homard est l'épine dorsale de notre activité de pêche. Ce principe a très bien fonctionné pendant des années et toute possibilité offerte aux sociétés de prendre le contrôle de la pêche aboutirait à la disparition de nos collectivités côtières, telles que nous les connaissons, et du mode de vie qui est le nôtre dans le Canada rural. Cela a l'air dramatique, mais ça ne l'est pas. Pour nous, c'est très réel et très effrayant. Notre message est clair. Il faut conserver cette politique. Nous pouvons parler de la modernisation de quantité d'éléments, mais il faut conserver cette politique.
Le sénateur Patterson : Des programmes fédéraux, dont vous avez peut-être entendu parler, ont été mis sur pied pour venir en aide au secteur de la pêche au homard. Je pense en particulier à l'Initiative pour l'industrie du homard du Fonds d'adaptation des collectivités et aux Mesures de durabilité visant l'industrie du homard de l'Atlantique, les MDIHA. Je ne sais pas qui trouve ces formulations.
Ces programmes ont-ils été utiles? S'ils l'ont été, quel était leur volet le plus intéressant? S'ils ne l'ont pas été, quelles en étaient les lacunes?
Mme Morse : Notre district de pêche n'a pas eu recours aux fonds prévus dans le cadre des Mesures de durabilité visant l'industrie du homard de l'Atlantique. Les fonds dont nous aurions pu disposer, en fonction de nos prises de homard, étaient de 25 p. 100, ce qui nous contraignait à trouver 75 à 80 p. 100 du financement. Trouver un tel montant d'argent pour un organisme sans but lucratif et un secteur confronté à des difficultés financières se serait avéré très difficile. C'est la raison toute simple pour laquelle nous n'y avons pas participé.
Mme Recchia : Notre district y a participé, et nous avons trouvé toute l'expérience très difficile. Nous avons obtenu deux subventions des MDIHA et nous avons dû trouver 80 p. 100 du financement. Cela a énormément limité ce que nous avons pu faire. La seule solution pour nous a été de mettre sur pied un partenariat avec des universités qui disposaient déjà d'un certain financement. Cela nous permet donc de faire de la recherche.
Le fait de disposer de ce financement est certainement utile pour notre association. Nous travaillons beaucoup à l'acquisition de compétences et nous faisons surtout beaucoup de recherche. Nous avons également mis sur pied un projet pour retrouver les casiers à homard perdus afin qu'ils ne nuisent pas à l'environnement et qu'on puisse continuer à les utiliser pour la pêche.
Il s'avère très difficile de naviguer dans tout ce processus pour vraiment obtenir du financement. Je crois que notre association est la seule de toute la région de Scotia Fundy à avoir réussi à obtenir de ces fonds. De nombreuses personnes n'y avaient pas accès.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Au nom de tous les membres de notre comité, je tiens à vous remercier d'avoir été ici ce soir et d'avoir été en vérité les premiers témoins que nous entendions dans le cadre de cette étude sur l'industrie du homard. Vous nous avez fourni des renseignements précieux et je crois que vous avez soulevé de nombreuses questions et nous avez donné quelques réponses. Merci de votre présence et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
(La séance est levée.)