Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 11 - Témoignages du 6 novembre 2012
OTTAWA, le mardi 6 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 15 pour étudier la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis heureux de vous accueillir ce soir à l'occasion de la réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside le comité.
Avant de demander aux témoins de se présenter et de faire leur déclaration préliminaire, je demanderais à tous les sénateurs de se présenter aux témoins et de leur dire d'où ils viennent afin qu'ils se fassent une idée de la composition du comité.
Le sénateur Raine : Je suis le sénateur Nancy Greene Raine, et je viens de l'intérieur de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Unger : Je suis Betty Unger, d'Edmonton, en Alberta.
Le sénateur McInnis : Je suis le sénateur Tom McInnis et je viens de la côte est de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Harb : Je suis le sénateur Harb, de l'Ontario.
Le sénateur Hubley : Je suis le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Poirier : Je suis le sénateur Rose-May Poirier, de la côte est du Nouveau-Brunswick.
Le président : Il y a plusieurs autres sénateurs qui siègent au comité. Il est possible qu'ils participent actuellement à d'autres réunions et qu'ils se joignent à nous plus tard. Nous leur demanderons assurément de se présenter à leur arrivée.
Le comité poursuit son étude de la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec. Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants du Conseil canadien du homard. Nous avons amorcé notre étude la semaine dernière et entendu les observations de représentants du ministère des Pêches et des Océans. Nous sommes ravis du temps que vous nous accordez ce soir, messieurs. Au nom du comité, je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue.
Je crois savoir que chacun d'entre vous souhaite faire une déclaration préliminaire. Le processus est simple. Nous vous donnons l'occasion d'en faire une et de nous parler de vous-même et de vos activités, puis les membres du comité vous posent des questions.
Sur ces mots, j'aimerais que vous vous présentiez et que vous fassiez votre déclaration préliminaire.
Geoff Irvine, directeur exécutif, Conseil canadien du homard : Merci beaucoup de nous accueillir. Je m'appelle Geoff Irvine. Je suis directeur exécutif du Conseil canadien du homard. J'ai grandi à Digby, en Nouvelle-Écosse. Je compte 20 années d'expérience dans l'industrie des fruits de mer, et ce, dans de nombreux secteurs. Je suis ravi d'être ici.
Leonard Leblanc, président, Conseil canadien du homard : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant vous. Comme l'a dit le président du comité, je m'appelle Leonard Leblanc. Je suis un Acadien francophone et je viens du village de Chéticamp, qui est situé sur la rive est du Cap-Breton. Comme je le dis à tout le monde que je rencontre, venez nous voir, et nous prendrons volontiers votre argent. Nous ne sommes pas difficiles.
Je suis un pêcheur. J'ai pêché presque toute ma vie : j'exerce ce métier depuis 36 ans. Je maîtrise assez bien le sujet à l'ordre du jour.
Stewart Lamont, directeur principal, Tangier Lobster Company Limited, Conseil canadien du homard : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir. Je m'appelle Stewart Lamont. Je suis directeur général de la Tangier Lobster Company. Nous sommes situés sur la rive est de la Nouvelle-Écosse. Nous exportons du homard vivant. Nous vendons nos produits dans 18 pays. J'espère fournir un apport à la discussion de ce soir sur le plan de la commercialisation.
Le président : Merci beaucoup. Je vous laisse déterminer qui prendra la parole en premier.
M. Irvine : Comme je suis la seule personne du groupe à toucher un salaire, c'est à moi qu'il revient de commencer.
Ce soir, nous allons parler non seulement des difficultés, mais aussi des possibilités auxquelles fait face l'industrie du homard au Canada. Nous examinons chaque jour les deux côtés de la médaille. Je vais lire la déclaration que j'ai préparée; je vous demande de faire preuve d'indulgence.
Comme vous le savez fort bien, l'industrie du homard diffère de toutes les autres industries du secteur des fruits de mer au Canada et fait donc face à un lot de problèmes et de solutions très particulier. L'industrie compte plus de 9 500 travailleurs comme M. Leblanc qui pêchent de leur propre bateau au large de leur port d'attache, dans une des cinq provinces abritant au total 41 zones de pêche réparties dans quatre régions délimitées par le MPO. Cette pêche est un des principaux moteurs économiques de l'Est du Canada, comme nous le savons tous, et la valeur des exportations de cette industrie s'est chiffrée à 1 milliard de dollars en 2011.
Nos produits — vendus au détail ou à l'industrie de la restauration — sont exportés dans plus de 60 pays — bien que nos activités soient concentrées dans une quinzaine d'entre eux —, qui constituent nos principaux acheteurs, où nous vendons des centaines de produits du homard différents, y compris des homards vivants. Les entreprises de transformation et d'expédition de homards vivants qui exportent à l'étranger prennent diverses formes et diverses tailles : il peut s'agir autant de grandes sociétés que de petites entreprises familiales. Nous disposons au pays d'un vaste système d'acheteurs et de négociants qui nous aident à acheminer les produits des pêcheurs vers les expéditeurs de homards vivants et les usines de transformation.
De Chandler à Meteghan et de Grand Manan à Green Island Cove à Terre-Neuve, en passant par toutes les autres localités côtières de la région, le secteur du homard représente un véritable pilier de l'économie rurale de l'Est du Canada. Comme nous nous plaisons à le dire, il est aussi courant pour nous de parler du temps qu'il fait ou de se questionner sur ses projets pour la fin de semaine que de se demander quel est le prix du homard aujourd'hui. Comme nombre d'entre vous le savent, il s'agit d'un sujet de conversation très courant dans l'Est du Canada.
Au cours des six dernières années, on a mené bien des études et des travaux de recherche approfondis concernant les difficultés que connaît l'industrie ainsi que les solutions possibles. Nous avons nous-mêmes participé à certaines d'entre elles ces dernières années. Le mémoire que nous avons présenté au comité contient, à des fins de discussion, plusieurs tableaux et illustrations visant à mettre en relief certaines difficultés et réalités propres à l'industrie. L'industrie du homard est vraiment confrontée à une tempête parfaite, vu notre dollar fort, nos volumes croissants de produits débarqués, le réchauffement des océans et l'actuelle récession mondiale qui a maintenu la demande de homards à de faibles niveaux, c'est-à-dire ceux d'avant la récession. C'est un problème.
C'est dans ce contexte que le Conseil canadien du homard a été créé. Il a été mis sur pied pour s'attaquer à ces problèmes et a amorcé ses activités au début de 2010. J'étais le premier et le seul employé. Nos fonds initiaux nous ont été octroyés par les cinq provinces de l'Est et le MPO, et le financement du ministère a maintenant été remplacé par un programme de cotisation des membres de l'industrie. L'an dernier — au cours du présent exercice —, nous avons recueilli 50 000 $ de l'industrie pour bonifier le financement accordé par les provinces.
Nous examinons des pistes de solution en vue de remplacer tout cela par un système de contributions ou un programme de cotisations. Nous déployons des efforts à cette fin en ce moment même, et, d'ici là, nous travaillons avec les provinces et l'industrie en vue de maintenir le programme de financement actuel. Nous travaillons également en étroite collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada concernant les possibilités de financement relatives à certains projets à venir — dont je parlerai plus en détail dans un moment — qui sont liés aux normes de qualité et à la stratégie de marque. Nous travaillons de concert avec l'APECA, la SEBC et Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis de nombreuses années.
Au bout du compte, nous devons trouver un moyen d'assurer un financement de base provenant de l'industrie elle-même qui serait juste et équitable pour tous les participants. Nous sommes convaincus de pouvoir y arriver, car nous gagnons chaque jour de nouveaux appuis.
Le conseil est composé de membres de tous les groupes de pêcheurs, de représentants des secteurs de la transformation et de l'expédition de homards vivants, de négociants nationaux et de communautés Autochtones. Les gouvernements provinciaux et fédéral siègent également à notre table, de même que des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et de Pêches et Océans Canada. Nous sommes dotés d'un conseil d'administration. M. Leblanc en est le président, et M. Lamont, le trésorier. Le conseil d'administration compte aussi des pêcheurs, des expéditeurs de homards vivants et des transformateurs. Les deux groupes sont également représentés, ce qui est unique au sein de l'industrie. Il y a aussi un directeur exécutif qui gère les activités quotidiennes.
Nous n'avons pas de pouvoir législatif, et nos décisions n'ont pas force exécutoire. Nous devons ouvrir la voie et prêcher par l'exemple en prouvant le bien-fondé de nos gestes. Nous croyons et espérons que les autres nous emboîteront le pas, et c'est ce qu'ils font. Nous faisons face à des problèmes complexes et nous travaillons ensemble en vue de les régler.
Je vais vous parler brièvement de nos activités quotidiennes. Elles sont essentiellement regroupées dans six catégories distinctes. Notre principal objectif est de promouvoir le homard canadien. C'est à cette fin que le conseil a été créé. Nous réalisons notre mandat en travaillant de concert avec nos partenaires financiers fédéraux et provinciaux afin d'organiser des événements auxquels participent des chefs, des journalistes, des étudiants en arts culinaires et des consommateurs.
De plus, presque tous les jours, nous menons des activités qui ont trait à la structure de l'industrie. Mes amis vous parleront plus en détail des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nombre d'entre elles sont de nature structurelle. Nous avons un produit qui inspire confiance, nous jouissons d'une excellente réputation dans l'industrie et nous réalisons des débarquements abondants, mais nous avons de la difficulté à faire des profits. Nous reviendrons là-dessus plus tard.
En ce qui concerne l'accès aux marchés — qu'il soit question de problèmes liés à l'élevage, de préoccupations touchant l'Allemagne et l'Autriche, des difficultés récentes survenues en Suède ou d'autres difficultés que nous avons connues en Extrême-Orient —, les obstacles font quasiment partie du quotidien. Nous devons constamment gérer ce genre de problèmes liés à l'accès aux marchés et qui ont trait à la traçabilité, à l'écocertification et à tous les autres éléments qui compliquent nos activités quotidiennes.
Notre industrie compte quelque 10 000 pêcheurs et des milliers d'entreprises privées qui adorent travailler de façon autonome, indépendante et cloisonnée. Nous essayons de surmonter ces obstacles et de communiquer et de transmettre l'information la mieux possible au sein de l'industrie, puis à nos clients de tous les coins du monde.
Nous menons pour l'industrie divers projets touchant notamment les techniques de transformation et la traçabilité. Nous faisons des choses du genre pour assurer la prospérité de l'ensemble de l'industrie, et nous dirigeons ces initiatives de nos bureaux.
Cela m'amène à parler des deux principaux aspects du travail que nous réalisons aujourd'hui. Il y a trois semaines, à Chéticamp, nous avons tenu nos réunions automnales et décidé de nous concentrer sur la réaction de l'industrie aux difficultés liées à la stratégie de marque et sur les normes de qualité. J'espère que nous pourrons aborder ces points plus en détail avec vous ce soir. Voilà nos priorités. Il y a trois composantes fondamentales qui ont été cernées dans l'étude de la stratégie concernant la valeur à long terme : la qualité, l'image de marque et le prix. Une bonne majorité de membres de l'industrie ont convenu d'axer les efforts sur la qualité et la stratégie de marque. Nous amorçons actuellement des consultations avec des représentants de l'industrie en vue d'assurer un suivi adéquat et optimal de ces projets.
Je pense que c'est à peu près tout le temps que j'avais. Je vais maintenant céder la parole à mon ami, M. Lamont.
M. Lamont : À titre de responsable de la commercialisation, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous rappeler — ainsi qu'à moi-même — que le homard est un produit de calibre mondial. Le homard canadien occupe une place de choix sur le marché international. Il se compare favorablement à tout ce que vous pouvez imaginer. Je m'estime très chanceux d'avoir passé plus de 30 ans à commercialiser le homard à l'échelle internationale. J'aurais pu vendre des terres marécageuses en Floride, mais plutôt, je commercialise le homard canadien. C'est un produit réputé. Il traverse une période un peu difficile depuis quelque temps, mais il est hautement respecté et bien reçu à l'étranger.
Notre ressource se porte à merveille. Les prises canadiennes — tout comme les prises américaines, d'ailleurs — ont connu une augmentation spectaculaire au cours des trois ou quatre dernières années. Nous avons accru les prises de 35 ou 40 p. 100. Nous commercialisons plus de homards sur un marché international plus difficile. Le homard est souvent considéré comme un aliment à servir dans les grandes occasions, et on pourrait dire qu'il n'y a pas eu beaucoup d'occasions de célébrer récemment à l'échelle internationale. L'Europe du Sud, qui se trouve dans une situation périlleuse de nos jours, et les États-Unis, qui continuent d'être aux prises avec des problèmes économiques, représentent tous deux pour le homard canadien des marchés difficiles ou, du moins, plus complexes qu'auparavant.
En 2008, quelqu'un s'est introduit dans mon bureau et a volé le taux de change sur lequel nous nous étions fiés par le passé. Nous avions dans l'industrie un modèle d'affaires fondé sur une différence de valeur de 35 à 50 p. 100 entre les devises canadienne et américaine. Cela nous rendait la vie assez facile. Malheureusement, je pense que l'industrie a trop compté là-dessus.
Je pouvais acheter le homard de M. Leblanc, qui est pêcheur, à 6 $ CAN la livre; je pouvais le vendre 5,25 $ US et réaliser un profit brut de 15 à 25 p. 100. C'était un jeu d'enfant. Après 2008, non seulement certains marchés internationaux ont affiché une baisse, mais le dollar canadien a atteint la parité avec le dollar américain, à 3 p. 100 près.
Le principal défi que doit relever notre industrie — et je ne pense pas qu'on accorde assez d'attention à cet aspect —, c'est le fait de remplacer la valeur additionnelle de 35 à 50 p. 100 qui a disparu en 2008. Nous ne sommes pas le seul secteur aux prises avec ce problème. Chaque groupe de producteurs canadiens se trouve dans une situation semblable à cause des fluctuations du taux de change et des conséquences qu'elles ont entraînées. Néanmoins, il est important de vous souligner ce problème.
Je suis optimiste en ce qui a trait à l'avenir de notre industrie. Nous avons des défis à relever en Europe du Sud et aux États-Unis, mais les marchés asiatiques en particulier présentent des débouchés extrêmement intéressants. Nous avons toujours affiché de bons résultats dans le secteur du homard vivant en Europe, mais les possibilités offertes par l'Asie ne cessent de croître. À elle seule, la Chine compte 1,3 milliard d'habitants. Je ne veux pas faire de généralisation, mais, globalement, ce marché adore les produits de la mer, surtout les mollusques et les crustacés.
Tous les éléments sont réunis pour que nous réussissions de mieux en mieux à percer le marché de l'Asie — surtout celui de la Chine — et à consolider nos gains là-bas. Après tout, nous offrons un produit de choix que la population de ce pays convoite. De plus en plus de Chinois s'installent en milieu urbain. Leur revenu disponible est de plus en plus élevé. Nous disposons de moyens de plus en plus efficaces pour expédier nos produits là-bas. Le public chinois peut maintenant aller en ligne. Il peut regarder CNN chaque soir. J'ai une nièce de 14 ans qui vit à Beijing, et sa qualité de vie là-bas est la même que celle dont elle jouirait à Toronto, à Montréal ou à New York. Elle a accès aux meilleurs éléments de l'Occident, et on pourrait en dire autant des autres citoyens de cette ville. À l'instar de nombreuses personnes qui vivent en Asie de nos jours, elle perçoit le homard canadien comme un produit de choix.
Comme l'a dit M. Irvine, nous cherchons des moyens d'augmenter la valeur des produits de notre secteur, et celle-ci dépend de la qualité des produits et de la stratégie de marque. La preuve est faite que la qualité du homard du Canada est supérieure à celle du homard des États-Unis, notre principal concurrent. Toutefois, le homard américain coûte bien moins cher. Les pêcheurs le revendent à un prix beaucoup plus bas, et son prix sur le marché est également plus bas. En outre, ils disposent d'un excellent système de fret aérien qui leur permet essentiellement d'expédier en une nuit des produits de Boston ou de New York vers l'Europe ou l'Asie.
Par conséquent, nous devons démontrer la qualité de nos produits. Cette qualité consiste en un superbe homard à carapace dure, en une expérience gastronomique haut de gamme, car il contient plus de viande et peut survivre à son transport aérien vers l'étranger et diverses destinations européennes et asiatiques. Nous devons mettre en valeur ces atouts sur le plan de la qualité au moyen d'un programme qui nous permettra de dire en toute objectivité : « Notre homard est le meilleur. » Nous devons assortir cette initiative d'un programme de stratégie de marque. La marque canadienne est un atout sous-utilisé. Selon une enquête menée la semaine dernière, le Canada se classe actuellement au deuxième rang mondial pour son image de marque nationale, derrière la Suisse. Les États-Unis occupent le septième ou le huitième rang sur la liste, et le Canada, le deuxième rang. Nous croyons qu'il pourrait être extrêmement avantageux de jumeler des normes de qualité supérieure avec un programme de stratégie de marque qui seront reconnus à l'échelle internationale.
On m'a demandé de parler de l'incidence de l'aquaculture pratiquée au moyen de cages en filet sur le secteur du homard. Il s'agit d'un sujet très controversé — particulièrement en Nouvelle-Écosse — depuis environ un an. Les gouvernements des deux ordres — animés des meilleures intentions, j'en suis certain — cherchent des moyens de soutenir les localités côtières. Les emplois dans ces localités et la survie de celles-ci sont de plus en plus à risque, et les gouvernements provinciaux et fédéral ont choisi d'encourager l'aquaculture dans des cages en filet pour créer de nouveaux emplois.
Je fais partie d'une des 116 organisations de Nouvelle-Écosse qui sont intervenues et qui ont dit : « Nous savons que vos intentions sont louables, mais nous vous demandons d'imposer un moratoire interdisant l'aménagement de nouveaux sites destinés à l'aquaculture dans des cages en filet. » C'est tout simplement trop risqué. Ce modèle ne crée pas les emplois escomptés. Les données le prouvent. Il y a d'importants risques environnementaux associés à cette pratique. Une exploitation aquacole ordinaire utilisant des cages en filet produit des milliers de tonnes métriques de déchets au cours d'un cycle de production.
Il y a des aspects scientifiques à prendre en considération. On a détecté la présence de métaux près de centres de pisciculture qui serait liée à l'alimentation ainsi qu'à l'emplacement. On utilise couramment des pesticides pour lutter contre le pou du poisson qui parasite le saumon d'élevage, et ces produits peuvent s'avérer mortels pour les jeunes homards. Par ailleurs, nous aurons bientôt un défi économique à surmonter, car le Chili, qui a déjà été le producteur de saumon d'élevage le moins cher à l'échelle mondiale et dont les stocks se sont effondrés au cours des 10 dernières années, revient maintenant en force avec un gros volume de poissons à bon marché à commercialiser.
Je suis certain que vous êtes tous bien au fait des conclusions du rapport Cohen qui ont été présentées la semaine dernière en Colombie-Britannique, dans lequel le juge Cohen, figure très respectée qui a mené une étude assez complète de la situation, a déclaré que les autorités fédérales doivent vraiment revoir leur façon de gérer les espèces sauvages et l'incidence des centres de pisciculture, entre autres choses.
Sans vouloir m'attarder sur le sujet, en tant que promoteur du homard qui voit des débouchés fantastiques pour ce produit, je suis très préoccupé par les répercussions des cages en filet.
M. Leblanc : Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est un plaisir pour moi de prendre la parole après mes deux collègues, mais ils m'ont laissé bien peu de choses à dire, ce qui me convient tout à fait, comme je suis pêcheur.
En 1988, la pêche au homard a traversé une crise. Les marchés mondiaux se sont effondrés, et l'industrie a dû composer avec une difficulté de taille : celle d'avoir des stocks abondants, mais de devoir vendre à un prix très bas. Nous voilà maintenant en 2012, et nous sommes dans une situation identique, sinon pire.
Entre ces deux périodes, des acteurs des secteurs privé et public ont procédé à un rachat dirigé par l'ancienne ministre Gail Shea, actuelle ministre intérimaire. Cette initiative a été très appréciée. Dans le golfe, nous dépensons plus de 32 millions de dollars pour racheter des permis de homards. Au Nouveau-Brunswick, nous avons dépensé à cette fin 12 millions de dollars; à l'Île-du-Prince-Édouard, 10 millions de dollars, et en Nouvelle-Écosse, 9 millions de dollars. Cela a été très apprécié par l'industrie du homard, et jamais nous n'aurions cru cela possible. Nous songions à modifier notre pêche, mais nous n'aurions jamais pensé qu'un tel rachat se produirait, même si nous caressions ce rêve. Environ 269 permis ont été rachetés.
Je suis pêcheur depuis 31 ans et j'ai vu de nombreux ministres se succéder. J'ai également été témoin de bien des changements apportés au chapitre des mesures de conservation et de la gestion des pêches. Cependant, jusqu'à maintenant, nous n'avions jamais changé notre approche à l'égard de la pêche. Je vais vous expliquer ce que je veux dire par là.
À l'époque suivant l'achat de mon permis, j'apportais mon homard au quai pour le vendre à l'acheteur, qui me donnait un chèque, et ça s'arrêtait là. De nos jours, nous devons tenir compte des désirs des consommateurs afin de nous assurer de débarquer un produit adéquat — et de qualité adéquate — en temps opportun. Cela représente un défi pour nous, car nous devons changer notre mentalité. Il est très difficile de sensibiliser 10 000 pêcheurs à cette question.
Le Conseil canadien du homard a été constitué sous la direction — encore une fois — de Gail Shea, qui est assurément très intelligente. Il a été mis sur pied il y a environ trois ans, et vous pouvez imaginer l'intéressant obstacle auquel nous faisions face, car certains partenaires au sein de l'industrie ne se préoccupaient même pas les uns des autres et se parlaient encore moins. Il y avait les pêcheurs d'un côté et les transformateurs et expéditeurs de homards vivants de l'autre, et tout le monde a dû se réunir dans la même pièce et discuter poliment. C'était la première difficulté à surmonter.
Trois ans plus tard, nous commençons à comprendre les problèmes et les préoccupations de tous ces gens. Nous avons pris pas mal d'expansion en trois ans, et c'était probablement plus une nécessité qu'un choix. Rien ne rapproche les gens autant qu'une crise, et c'est certainement ce qui est arrivé dans l'industrie du homard.
La possibilité de moderniser notre industrie se présente à nous. Comme je l'ai dit au conseil — et ce n'est rien de nouveau pour nos membres —, il existe deux moyens de le faire. Tout d'abord, une augmentation des prix réglerait une partie du problème, mais nous devons également nous procurer des outils qui nous permettront de moderniser notre pêche. Il y a deux façons de procéder. Les consommateurs ne régleront pas tous nos problèmes; il y a d'autres outils à notre disposition.
Quand le ministre Ashfield a appuyé la politique sur les propriétaires-exploitants et la séparation des flottilles, il a donné l'occasion à l'industrie de se moderniser, et nous le remercions de ce soutien.
Bon nombre de nos membres se sont engagés à le faire. Comme l'a dit M. Irvine, il est le seul à toucher un salaire. Les autres membres de l'équipe sont des bénévoles qui passent de longues heures le soir et la fin de semaine à essayer de trouver une solution à notre problème commun. Le problème ne touche pas que les pêcheurs; il touche toute l'industrie.
Nous nous sommes réunis à Chéticamp, localité que je connais très bien, étant donné que je suis né et que j'ai grandi là-bas au sein d'une famille de 19 enfants. Nous avons fait notre part pour peupler cet endroit. On m'a inculqué les valeurs que sont la bonne entente, le partage et l'empathie, et, comme j'ai 12 sœurs, j'ai acquis un grand respect pour les femmes.
À Chéticamp, nous avons élaboré une feuille de route ou une trousse d'outils visant à préparer notre avenir, à mettre en valeur notre marque et à favoriser la qualité de nos produits afin de damer le pion aux États-Unis. Leur homard n'a pas d'image de marque particulière. Nous voulons dire au monde pourquoi notre homard est meilleur. Nous établissons actuellement des groupes de travail avec l'industrie afin d'articuler notre stratégie concernant ces deux aspects.
À notre avis, il s'agit des deux éléments clés qui manquent à l'industrie au chapitre de la commercialisation. Il y a d'autres initiatives à mener sur le plan structurel.
Je m'arrête là pour l'instant.
Le président : Merci. À coup sûr, votre témoignage nous donne un excellent aperçu des efforts que vous avez déployés et un aperçu encore meilleur de l'industrie du homard elle-même. C'est habituellement le sénateur Hubley qui prend la parole en premier, mais le sénateur MacDonald de la Nouvelle-Écosse est parmi nous et doit partir en raison d'une autre réunion, alors je vais lui donner l'occasion de questionner nos témoins en premier.
Le sénateur MacDonald : Merci de votre présence. L'étude que nous menons est importante. J'ai tellement de questions à poser; je vais commencer par quelques-unes. Vous avez parlé de la qualité et de la stratégie de marque, mais, si je me fie aux chiffres, je pense qu'il existe toujours un lien entre l'offre et la demande. Il est impossible de ne pas remarquer la différence entre les débarquements actuels de homards au Canada et aux États-Unis et ceux d'il y a 30 ou 40 ans. Dans quelle mesure les stocks abondants de homards influent-ils sur le prix que vous pouvez obtenir sur le marché? Je suppose que ce facteur a une incidence.
M. Lamont : C'est un facteur important. Cela ne fait aucun doute. Nous devons composer avec un certain nombre de problèmes. Le plus important d'entre tous est le ralentissement des économies européenne et américaine. Les populations de ces deux régions du monde sont moins susceptibles, vu la conjoncture actuelle, d'acheter un produit de choix qu'on réserve habituellement pour les grandes occasions.
En outre, nous produisons des volumes considérablement plus élevés. Nous avons réagi à cette situation de deux façons. Premièrement, nous avons abaissé le prix initial du produit, de sorte que les pêcheurs tirent une valeur bien moindre de leur homard de nos jours, et ce modèle n'est pas viable à long terme. Deuxièmement, nous avons exercé des pressions sur le marché et demandé aux consommateurs de partout dans le monde de payer plus cher. Quand il est question d'un produit associé aux occasions spéciales, il y a des limites à ce qu'on peut demander lorsque la conjoncture est difficile.
Notre volume de production est merveilleux. Il reflète les saines pratiques adoptées par tous les intervenants au chapitre de l'élevage et de la réglementation. Nous ne voulons pas laisser entendre que l'importante augmentation des prises de homards soit une chose négative; au contraire, c'est fantastique. Cependant, cela complique l'application de notre modèle d'affaires dans une conjoncture mondiale difficile.
Le sénateur MacDonald : C'est une chose fantastique, pourvu que nous nous assurions qu'elle n'aura pas d'incidence sur la viabilité à long terme des stocks.
M. Lamont : Tout à fait.
Le sénateur MacDonald : Il faut garder un œil là-dessus. Je suis sûr que tous les pêcheurs de homard conviendraient que, s'ils pouvaient travailler moins et obtenir plus d'argent pour leur produit, tout le monde s'en tirerait mieux.
En janvier dernier, j'ai vécu une expérience mémorable au marché de poissons de Tokyo, à 6 heures du matin. L'endroit bourdonnait d'activité, et il était impressionnant de voir toute la quantité de fruits de mer qui y étaient vendus. Vous avez mentionné au début que, si on offre un produit de grande qualité — et, bien entendu, nous savons que c'est aujourd'hui le cas — et que la demande est là, les clients n'hésiteront pas à payer pour l'avoir. Lorsque je suis allé dans les supermarchés de Tokyo et de Séoul, en janvier dernier, j'ai été stupéfait de voir le prix d'un homard ou d'un crabe des neiges, surtout par rapport à ce qu'on paie ici. Je suis curieux d'entendre vos réflexions sur le fait que nous ne cherchons pas activement à exploiter davantage le marché japonais et le marché asiatique en général, lesquels me paraissent beaucoup plus lucratifs pour nous. Vous avez parlé de la Chine, mais, d'après ce que j'ai vu là-bas, les prix sont déjà intéressants. Pourquoi exportons-nous en si petites quantités vers ce marché?
M. Lamont : Les quantités exportées sont considérables.
Le sénateur MacDonald : Je devrais plutôt parler des quantités exprimées en pourcentage.
M. Lamont : Il y a 15 ou 20 ans, nous exportions de grandes quantités de homard vers le Japon. L'économie japonaise ne va pas bien. Les difficultés qu'elle a connues au cours des deux dernières années ont réduit l'attrait de ce produit sur le marché, et il y a eu à l'égard du homard canadien des problèmes d'ordre technique et biologique qui étaient censés être temporaires, mais qui subsistent encore.
Notre principal concurrent en Chine — ce qui me rend très optimiste —, c'est la langouste australienne. Elle se vend habituellement de 35 à 40 $ la livre sur le marché chinois. Le homard canadien se vend 15 ou 18 $ la livre, droits de douane, frais de transport et tout le reste inclus. Je suis persuadé que, si nous faisions une dégustation à l'aveugle ou que nous faisions goûter les produits à un tiers neutre, le homard canadien soutiendrait très bien la comparaison. Il n'en demeure pas moins que trois ou quatre générations de chefs et de leaders d'opinion chinois soutiennent que les langoustes australiennes sont le fin du fin. On ne peut pas changer cette opinion du jour au lendemain. Franchement, cela me peine de devoir dire que notre industrie est son pire ennemi. Nous avons réduit nos prix en Asie en général et en Chine en particulier afin de profiter de ce que nous estimions être un débouché commercial important.
Pour moi qui suis exportateur de homards vivants, une grosse commande livrée par avion en Amérique du Nord fait1 000 livres, alors qu'une grosse commande livrée en Asie, plus particulièrement en Chine, peut faire 6 000, 8 000 ou 10 000 livres, ce qui est proportionnel à la taille de la population et à tout le reste. Certaines entreprises qui veulent tirer avantage de la possibilité d'exporter en grosses quantités vers la Chine vendent leurs homards moins cher, de sorte que nous sommes loin de faire autant d'argent que nous pourrions en faire. Dans le cadre du processus visant à établir une image de marque et des normes de qualité, il faut aussi faire prendre conscience aux exportateurs canadiens de l'énorme valeur de leur produit afin qu'ils aient suffisamment confiance pour exiger un prix plus élevé. Ce travail de sensibilisation est en cours.
Le sénateur MacDonald : Au cours des dernières années, le gouvernement a racheté quelque 260 permis de pêche au homard. Devrait-il en racheter encore davantage?
M. Leblanc : C'est une question intéressante. Je crois que, à l'heure actuelle, il pourrait peut-être en racheter 5 p. 100 de plus. Soit dit en passant, ces chiffres concernent la pêche dans le golfe. Nous pourrions en racheter plus. Nous devons toutefois faire attention de ne pas en racheter au point d'éliminer les communautés de pêcheurs ou les ports de pêche; nous devons recourir à une approche équilibrée.
Le sénateur MacDonald : Pour ce qui est du nombre total de débarquements, sommes-nous limités? Devons-nous maintenir les volumes à un certain niveau et, en même temps, garder un œil sur les volumes et le nombre de débarquements aux États-Unis? Y a-t-il une corrélation positive entre le nombre de débarquements et la mise en marché du produit? Me suivez-vous?
M. Irvine : Il n'y a pas de limite au nombre de débarquements. On s'en tient à fixer un nombre maximal de casiers et à pratiquer une pêche saisonnière; on n'impose pas de quotas. Les pêcheurs canadiens et américains vont en mer et capturent ce qu'ils peuvent. Les restrictions s'arrêtent là, et c'est probablement en raison de la bonne gestion de nos pêches que nous capturons plus de homards chaque année.
Le sénateur MacDonald : Par conséquent, l'offre demeure relativement élevée.
M. Irvine : L'offre demeure très élevée, et nous avons réussi à bien l'intégrer dans le système, selon les volumes que nous capturons.
Le sénateur MacDonald : Est-ce qu'une grande quantité de homard est bradée aux États-Unis sur les marchés à rabais comme les restaurants Red Lobster ou ce genre d'entreprises? Je suppose que nous pourrons toujours vendre notre homard plus cher outre-mer qu'aux États-Unis. Ai-je raison de supposer cela?
M. Lamont : Je crois que votre supposition est tout à fait juste. Je compare la commercialisation du homard à l'épreuve de plongeon olympique. Ma comparaison semble un peu tirée par les cheveux, mais écoutez-moi bien : plus le saut est difficile, plus il rapportera. Il est assez facile de charger des homards dans un camion et de les livrer à Boston le lendemain matin. Il est très difficile de mettre les homards dans un récipient où la température est réglée, de les emballer correctement et d'y joindre les renseignements adéquats pour les livrer rapidement à Shanghai. Voilà le saut qui est plus difficile.
Le sénateur MacDonald : Et cela permettrait de dégager de véritables marges?
M. Lamont : Oui. Nous devons exporter une plus grande partie de nos stocks sur les marchés où la demande et les prix sont plus élevés, mais, pour y parvenir, nous devons d'abord établir les normes de qualité que prévoit le programme approuvé par le conseil, car il faut absolument concrétiser ce qu'on promet sur papier. C'est là qu'interviennent les normes de qualité.
Il faut de 42 à 48 heures pour exporter des homards vivants — ce que je suis habitué de faire — vers n'importe quel endroit en Asie et, vu la logistique canadienne, de 36 à 40 heures vers n'importe quel endroit en Europe. Il faut exporter un homard de première qualité pour réduire au minimum le taux de mortalité à destination. La qualité devrait être à la base de tout ce que nous faisons et devrait nous permettre d'exiger le prix plus élevé que nous cherchons à obtenir.
M. Irvine : Il est certain que nous avons besoin de ces nouveaux marchés de grande valeur, mais nous avons aussi grandement besoin des chaînes de supermarchés aux États-Unis et d'autres types de marchés, car nous avons un volume considérable à écouler. Il est aussi très important que nous produisions les produits qu'ils veulent — certains produits transformés en particulier — dans un grand nombre de nos petites collectivités. C'est une question d'équilibre. Chaque jour, nous essayons de trouver un équilibre sur les marchés.
Le sénateur MacDonald : Je veux simplement que nous obtenions le meilleur prix qui soit pour nos homards. Ce serait merveilleux pour les collectivités de pêcheurs.
M. Leblanc : Monsieur le sénateur, vous avez fait mention des débarquements. Il ne faut pas oublier que nous devons composer avec des facteurs environnementaux qui sont tout sauf normaux, et ce fut particulièrement le cas l'an dernier. La température de l'eau est très élevée, ce qui fait que les homards ont mangé comme jamais auparavant. Ce facteur a contribué à la hausse marquée du nombre de débarquements l'an dernier, et il ne faudrait pas l'oublier.
Le sénateur MacDonald : Je suis désolé, mais je dois m'en aller. J'ai deux réunions en même temps. Je dois aussi assister à la réunion générale annuelle entre les représentants du Canada et ceux de la Corée. J'essaierai de voir si nous pouvons leur vendre plus de homards.
Le président : Vous avez parlé tout à l'heure du système de quotas. Pour d'autres types de pêches, les quotas individuels sont très efficaces pour accroître la valeur d'une entreprise. Il semble que nous ne partagions pas la même opinion sur la façon dont nous pourrions appliquer ce système à la pêche au homard. Est-ce que quelqu'un voudrait aborder cet aspect?
M. Leblanc : Dans l'industrie du homard, on aurait beaucoup de mal à faire accepter l'idée d'imposer des quotas. Ce serait un cauchemar logistique juste d'essayer de justifier le quota d'un pêcheur. Je pourrais capturer plus de homards que mon voisin. Est-ce que cela veut dire que mon quota devrait être plus élevé? Nous préférons uniformiser les règles du jeu et utiliser le même nombre de casiers, pêcher dans la même zone et le faire pendant le même nombre de jours. Cette formule a fait ses preuves jusqu'à maintenant, et nous aimerions laisser les choses telles qu'elles sont pour l'instant.
Le président : Cela répond à ma question. Les représentants du ministère des Pêches et des Océans sont venus témoigner la semaine dernière, et nous leur avons posé des questions sur les zones de pêche au homard et l'organisation des ports de pêche dans ces différentes zones. Pour ceux qui ne le sauraient peut-être pas, il semble y avoir différentes ententes ou règles qui s'appliquent à chaque zone. Sur le plan de la coordination, et du point de vue du Conseil du homard — et sans nécessairement regrouper tout le monde dans une seule et même zone, mais d'avoir au moins, comme vous l'avez dit, les mêmes règles pour tous —, comment pouvez-vous combler les écarts entre les différentes zones de pêche au homard pour essayer de coordonner les efforts visant à stimuler la pêche au homard et à promouvoir et à commercialiser ce produit?
M. Irvine : Parlez-vous des écarts de volumes?
Le président : Oui. Certaines zones sont mieux organisées que d'autres. Peut-être que j'ai mal compris, mais il m'a semblé que c'est ce que laissaient entendre les représentants du MPO.
M. Irvine : Il est tout à fait raisonnable d'affirmer cela.
Le président : Je me demande ce qu'en pense le Conseil du homard, car j'ai posé cette question aux représentants du MPO, et ils m'ont suggéré de vous la poser. Voilà pourquoi je le fais. On dirait qu'ils essaient d'organiser les choses pour développer la pêche au homard de la bonne façon, comme vous essayez de le faire en ce qui a trait à l'image de marque et à la commercialisation. Si les pêcheurs ne s'entendent pas sur les règles à suivre, alors il est difficile de faire les choses efficacement. Comment composez-vous avec cette situation?
M. Irvine : Je vais tenter de répondre à votre question. Le conseil est formé de toutes les principales associations, par exemple celle de M. Leblanc et aussi celle d'Ian MacPherson, qui fait partie de l'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a de nombreuses zones qui sont très bien organisées, mais vous avez raison : il y en a de très importantes qui manquent d'organisation. Pour être honnête, c'est pour nous un défi de taille.
La zone 34, qui s'étend de Digby à l'île Cape Sable et compte 1 000 pêcheurs, est celle où le homard est le plus abondant dans le pays. Les pêcheurs de cette zone ne paient pas de cotisations à quelque organisation que ce soit. Il est donc difficile pour nous de les représenter. En ce moment, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse cherche à modifier sa loi sur les cotisations obligatoires. Il espère déposer le projet de loi sous peu et procéder à un autre vote. C'est tout un défi.
À Terre-Neuve — d'où vous venez —, il y a la FFAW. Il est très facile de travailler avec elle. Il est aussi très facile de travailler avec la PEIFA, dont fait partie M. MacPherson, mais la situation reste difficile.
M. Leblanc : Notre organisation est reconnue légalement par les provinces. Nous percevons des cotisations. Il y a deux zones différentes en Nouvelle-Écosse qui sont reconnues par la loi. Il est problématique pour le conseil d'intervenir dans les zones où les pêcheurs ne sont pas bien organisés, mais tout ce que le conseil peut faire, c'est de promouvoir son travail auprès d'eux, de les conseiller du mieux qu'il le peut, de les encourager à s'organiser et de leur montrer les avantages d'une organisation et de leur montrer ce que les autres associations ont pu accomplir. C'est tout ce que nous pouvons faire. Dans certaines zones, les choses s'améliorent. Il y a de jeunes pêcheurs qui prennent la tête d'associations, et, une fois organisés, les pêcheurs voient la lumière au bout du tunnel. Les choses évoluent lentement, mais sûrement.
Le sénateur McInnis : Vous avez dit — et cela m'a amené à m'interroger — qu'il y a 9 000 pêcheurs, tous groupes de transformation confondus. Aujourd'hui, vous prenez la parole au nom de quelle proportion de pêcheurs parmi les divers groupes?
M. Irvine : Nous affirmons parler en leur nom à tous, mais, vous avez raison, nous nous exprimons au nom de nos membres en règle, alors il est difficile de répondre à votre question. Les pêcheurs ne paient pas tous des cotisations. Le problème existe tout autant dans les secteurs de l'exportation du homard vivant et de la transformation, où il y a peu d'associations qui représentent, par exemple, le groupe auquel appartient M. Leblanc. Des représentants d'entreprises privées siègent au conseil d'administration et sont membres du Conseil du homard, mais ils ne représentent que leurs propres intérêts. Toutefois, comme M. Leblanc l'a mentionné, nous essayons d'établir un consensus et de mobiliser les acteurs de l'industrie. Nous affirmons parler au nom de toute l'industrie, et, en général, c'est ce que nous faisons.
Le sénateur McInnis : Votre organisation est aussi relativement nouvelle.
Le président : C'est ensemble que vous vous tiendrez à flot, j'imagine.
M. Irvine : Nous ferons de notre mieux.
Le sénateur Hubley : Je crois que vous nous transmettez des renseignements utiles. Cela nous donne une meilleure idée de ce que fait l'industrie. Je voudrais saluer Ian MacPherson, qui est assis à l'arrière. C'est un plaisir de vous voir.
Je voudrais revenir quelques instants sur le travail que vous faites concernant l'établissement de normes de qualité et la création d'une stratégie de marque pour le homard canadien. Je voudrais juste vous poser deux ou trois questions pour savoir s'il y a certaines choses que vous envisagez ou faites déjà. Juste pour illustrer mon point de vue, je citerais l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard, ce que j'aime beaucoup faire.
À l'Île-du-Prince-Édouard, nous organisons des soupers au homard, comme tout le monde le fait. Tout le monde dans les Maritimes organise des soupers au homard. Quelles mesures d'assurance de la qualité — et je poserai la même question à l'égard de deux ou trois éléments semblables — votre organisation a-t-elle mises en place pour influer sur la façon dont le homard est présenté? Je vous poserais la même question en ce qui concerne les festivals de fruits de mer, qui sont tout aussi populaires, et les grands festivals comme Fall Flavours à l'Île-du-Prince-Édouard. Le homard est encore un incontournable pour les gens qui visitent l'Île-du-Prince-Édouard; ils tiennent à leur souper au homard.
L'autre point sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires, c'est la quantité de homard qui peut être importée. Le homard peut venir du Maine. Comment le homard américain est-il mélangé au homard canadien, au homard des Maritimes ou au homard de l'Île? Est-il étiqueté de la même façon? Pouvons-nous l'étiqueter de la même façon?
Enfin, établissez-vous des normes pour la préparation d'une chaudrée, d'une guedille ou d'un sandwich au homard, plats qui figurent maintenant au menu de tous les restaurants minute? À mon avis, ils ne sont pas toujours préparés dans les règles de l'art. Je crois qu'ils pourraient être meilleurs. Je me demande s'il s'agit là d'une des difficultés que rencontre votre industrie, et j'aimerais savoir dans quelle mesure vous pouvez inciter les gens qui servent du homard à le faire de la meilleure façon possible.
M. Irvine : Je crois qu'il est juste de dire que notre but est de veiller à ce que chaque personne vive une expérience fantastique chaque fois qu'elle mange un homard canadien. Nous connaissons tous des gens qui ont acheté le produit et ont été déçus. Nous voulons que cela n'arrive jamais.
Je crois que l'assurance de la qualité doit commencer dès le débarquement des homards au quai. Les négociants et les pêcheurs travailleront ensemble à l'élaboration d'un système de classification du homard pour qu'il soit envoyé au bon endroit. C'est ainsi qu'on devrait procéder afin que les organisateurs de soupers au homard de l'Île-du-Prince-Édouard achètent aux négociants ou aux distributeurs et servent aux touristes ou aux visiteurs le meilleur produit qui soit.
C'est déjà plus ou moins ce qui se passe, de toute façon. Chaque usine s'est dotée d'un système de classification de la qualité. Celle de M. Lamont en a certainement un. Les usines de transformation de l'Île-du-Prince-Édouard en ont un. Les usines utilisent ce système pour approvisionner en homard les différents secteurs, selon leur degré de qualité. Cela se fait déjà aujourd'hui. Donc, ce que nous voulons, c'est officialiser ce système et faire comprendre à tous qu'il y a un important volet de sensibilisation rattaché à cela.
Pour ce qui est de l'importation de homard, le Canada achète une quantité considérable de homard du Maine. Ce homard est principalement destiné au secteur de la transformation et est utilisé dans la confection de toutes sortes de produits. Bien franchement, on peut l'appeler « produit du Canada » après l'avoir transformé d'une quelconque façon, et c'est ce que nous faisons. Le homard du Maine représente un produit brut de grande importance pour les usines de transformation de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de la Nouvelle-Écosse.
M. Lamont : Il faut savoir que les exportations de homard vont dans les deux sens entre le Canada et les États-Unis. De grosses quantités de homard canadien sont vendues sur les marchés de la Nouvelle-Angleterre, puis redistribuées et exportées. Comme l'a fait remarquer M. Irvine, en raison de la loi sur la mention du pays d'origine, dès qu'un produit est légalement et correctement importé dans un pays, alors il devient un produit de ce pays. Le homard canadien finit par être exporté vers l'étranger en tant que homard américain. De même, lorsque le homard américain importé au Canada est transformé, il devient un produit du Canada.
Nos deux pays sont d'excellents partenaires commerciaux. D'une part, le Conseil canadien du homard a adopté une politique très ferme concernant la promotion de l'image de marque et de la qualité du homard canadien afin d'établir des critères internationaux, mais nous devons en quelque sorte faire preuve de prudence, car les usines de transformation canadiennes — qui sont concentrées à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick — doivent s'approvisionner en homard américain pour mener à bien leurs activités de transformation; d'autre part, les fournisseurs canadiens ont besoin du marché américain — le marché immédiat de la Nouvelle-Angleterre et les marchés finaux de la Californie, de New York et des États du Sud — pour y exporter leur homard. Nous devons faire un peu des deux.
Le sénateur Hubley : Quelle incidence cela a-t-il sur la traçabilité? Je vais encore prendre l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard, à savoir les moules Island Blue. Même à l'émission de cuisine de la chaîne 5 dans les Maritimes, on utilise des moules de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est incroyable qu'on réussisse à commercialiser ce produit régional sur les marchés et à maintenir sa qualité. Ce qui le distingue, c'est sa grande qualité, cela ne fait aucun doute. Il est extraordinaire de voir qu'un produit semblable parvient à se tailler une place sur un marché immense. Peut-on faire la même chose avec le homard?
M. Lamont : Tout à fait. C'est ce que nous faisons actuellement. On peut voir la traçabilité comme un obstacle; nous préférons la considérer comme une possibilité. Nous sommes présentement capables, dans nombre de nos usines et de nos installations d'exportation, d'isoler un produit et d'en connaître la source. D'ailleurs, pour nous conformer à certaines exigences européennes, nous devons pouvoir remonter au moins jusqu'à la collectivité de pêcheurs ou au port de pêche — pas encore jusqu'au bateau, mais cela s'en vient.
Il y a des programmes tout à fait novateurs. J'attirerais entre autres votre attention sur un programme — que vous connaissez peut-être déjà — appelé This Fish. Ce programme comporte un volet technique qui consiste à étiqueter les fruits de mer et, maintenant, le homard.
Dans le cas du homard, l'étiquette est placée sur la pince. L'étiquette comprend un code informatique. Je fais affaire avec des pêcheurs qui mettent ces étiquettes sur leurs homards, et ils me fournissent uniquement des homards à carapace dure, qui sont un produit de grande valeur sur le marché. À l'heure actuelle, je commercialise ce produit dans le cadre de deux grands programmes, un à Las Vegas et l'autre en Hollande. Lorsque les consommateurs reçoivent les homards canadiens étiquetés, ils peuvent aller en ligne, entrer le numéro qui se trouve sur l'étiquette et voir le pêcheur qui a capturé le produit un jour donné, dans un port donné. Voici un exemple de l'étiquette, avec le code informatique à l'arrière.
À son tour, le pêcheur peut découvrir où le homard portant ce code s'est retrouvé dans le monde. Ce pourrait être à Beijing, à Séoul ou à Chicago. À l'ère de Facebook, de plus en plus de consommateurs veulent connaître l'origine, le chemin parcouru par le produit et la qualité du produit. Moyennant une étiquette d'environ 10 ¢, et grâce à la technologie actuelle, on peut exploiter une possibilité extraordinaire en matière de traçabilité.
L'industrie avance à pas de géants dans ce domaine. Nous ne pouvons tout simplement pas composer avec une économie difficile et un nombre de captures qui a bondi de 40 p. 100, mais nous réalisons des progrès.
Le sénateur Poirier : Je vous remercie de votre exposé et de toute l'information utile que vous nous fournissez. Je vais d'abord poser quelques questions, et, si nous avons assez de temps pour faire un deuxième tour, j'essaierai de faire une autre intervention. Dans le document provisoire que vous avez présenté en octobre 2012, vous mentionnez les trois points dont nous venons tout juste de discuter — la qualité, l'établissement des prix et la valorisation de l'image de marque —, qui forment le plan d'action. Le plan d'action vise à augmenter le pourcentage des revenus de l'industrie conservé par les participants de l'industrie pour réduire le total des sommes perdues et pour améliorer d'autres aspects.
J'ai aussi remarqué que vous parlez dans votre document des phases 1, 2 et 3. La phase 1 comprend les phases immédiates, la phase 2, les phases intermédiaires, et la phase 3, les phases de mise en œuvre. Quel est le délai prévu pour l'accomplissement de ces trois phases?
M. Irvine : Nous ne le savons pas encore exactement, monsieur Poirier. Nous ignorons également si nous allons suivre précisément ces phases. Ce document a été préparé par des consultants, et nous l'utilisons comme feuille de route ou comme outil de solutions. Nous n'avons pas encore décidé exactement comment nous allons procéder.
Notre projet consiste à poursuivre ce que nous faisons à l'heure actuelle après avoir consulté davantage l'industrie. Je crois que nous allons exécuter ces deux grands projets concernant l'image de marque et la qualité au cours des trois à six prochains mois, ou le temps qu'il faudra. Nous voulons nous assurer de le faire correctement.
Le sénateur Poirier : En 1988, vous aviez dit entre autres que les stocks étaient satisfaisants, mais que les prix étaient bas. Nous revoici en 2012; les stocks sont toujours satisfaisants, et les prix, toujours bas.
Le Nouveau-Brunswick est ma province natale, et je connais très bien la zone 25. Je suis convaincue que vous êtes au courant des problèmes dont on a parlé cet été et de certaines des préoccupations des pêcheurs. La surpêche ne fait pas du tout partie des préoccupations de cette région. Les pêcheurs se préoccupent des prix, en raison du homard en provenance des États-Unis, où le prix est plus bas qu'ici. Le réchauffement de la planète peut être une partie du problème, et la qualité du produit dans l'Est du Canada, une autre partie. Voudriez-vous faire un commentaire sur cette question?
M. Lamont : Oui. Tout d'abord, je crois que le tournant se situe autour de 2008. Avant 2008, les prises étaient moins importantes, mais les prix étaient plus élevés. En 2008, nous avons commencé à perdre l'avantage que nous procurait le taux de change depuis 30 ans. Avant 2008, de manière générale, dans le Canada atlantique, au Québec et aux États-Unis, les prises étaient moins abondantes, et les prix, plus élevés. Les prix étaient plus élevés, d'une part, tout simplement, parce que l'offre était réduite, mais aussi, d'autre part, parce que le taux de change nous procurait un avantage concurrentiel.
Dieu merci, au cours des quatre dernières années, les taux de capture ont augmenté; en effet, du point de vue des pêcheurs, si les prix offerts sont bas, mieux vaut que le volume des captures soit important. Il y a dans le Canada atlantique certains secteurs où les captures ne sont pas importantes, mais, de manière générale, les taux de capture de toute la région ont été très bons dernièrement. Le taux de change, cependant, nous a fait beaucoup de mal.
Le sénateur Poirier : Un autre problème que le Nouveau-Brunswick a connu cette année, c'est le fait que, même si la pêche était bonne, aucun acheteur ne voulait de la totalité des prises. On avait limité les quantités que chaque acheteur pouvait obtenir d'un même pêcheur, ce qui a causé d'énormes problèmes. Est-ce que votre industrie a été capable de travailler de concert avec les pêcheurs du Nouveau-Brunswick pour régler ce problème particulier, de façon qu'il ne se présente pas de nouveau l'été prochain?
M. Leblanc : On s'affaire à mettre sur pied, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, des groupes de travail qui discuteront précisément de cela. Le Conseil canadien du homard a réuni à Chéticamp un grand nombre de membres du Nouveau-Brunswick, afin de discuter de la crise continue de l'industrie de la pêche au homard, et tous les membres du Conseil canadien du homard ont à l'esprit leurs préoccupations. Nous faisons de notre mieux pour régler le problème pour tout le monde. Nous savons quels problèmes ont affecté le Nouveau-Brunswick. Je suis moi-même pêcheur, et je puis vous assurer que cela me dérange, parce que je comprends leurs difficultés et que je sais ce que vivent ces pêcheurs et les membres de leur famille.
Il y a deux groupes de travail, qui représentent l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick — il y a des gens de la Nouvelle-Écosse aussi —, et ils s'apprêtent à entamer un bon dialogue pour, nous l'espérons, trouver une solution au problème. Le conseil est prêt à les aider de toutes les façons possibles.
Le sénateur Poirier : Est-ce que vous collaborez avec les intervenants de l'industrie des États-Unis? Est-ce que les deux pays communiquent entre eux? Il est évident que certains problèmes sont attribuables à des choses qui se produisent dans les deux pays.
M. Irvine : Nous sommes en communication constante avec nos collègues des États-Unis. Nous discutons régulièrement avec les intervenants de la Maine Lobstermen's Association et avec les commerçants de cette région. M. Lamont, dans le cadre de son travail, rencontre constamment des gens de cette région. Les pêcheurs se serrent les coudes. Il y a pas mal de discussions bilatérales.
Nous avons en outre discuté très franchement, dans le passé, de la possibilité de collaborer pour promouvoir l'Homarus americanus, espèce commune aux marchés respectifs de nos deux pays. On en discute de temps à autre, mais rien n'est jamais décidé. Devrions-nous collaborer plus étroitement avec les États-Unis pour assurer la mise en marché de ce produit commun? À l'heure actuelle, c'est le homard canadien que nous avons décidé de mettre en marché. D'ailleurs, nos amis du Maine vont lancer une campagne de promotion du homard du Maine. C'est un milieu compétitif.
Le sénateur Poirier : Le homard est un produit de luxe; est-ce que la récession des dernières années n'est pas l'un des plus grands problèmes de l'industrie du homard en ce qui concerne le prix?
M. Lamont : Elle a été en effet le principal problème. Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur McInnis : Merci d'être venus. Le rapport que vous nous avez transmis nous a agréablement surpris. C'est tout un défi que vous avez, de réunir tous les éléments de ce casse-tête afin que le tout fonctionne. J'espère que vous allez y arriver. Il est clair que la valorisation de la marque peut coûter très cher, si vous voulez le faire efficacement. Étant donné le nombre des pêcheurs, de transformateurs et d'expéditeurs mobilisés, vous devriez être en mesure d'amasser une bonne somme, et elle vous sera vraiment nécessaire.
Comme nous l'avons vu dans le cas de nombreux autres produits, la promotion peut se faire par le truchement de la télévision, de la radio, de la presse écrite et d'autres choses du genre, mais tout cela coûte très cher. Je vous souhaite bonne chance dans vos entreprises à cet égard.
J'ai été intrigué lorsque j'ai vu, dans le rapport, la mention de l'Institut du homard et des programmes de formation dont auront besoin les pêcheurs, puisqu'ils devront participer pleinement à cette initiative de manière à offrir un produit de qualité. Vous voudrez peut-être commenter cela.
J'aimerais revenir sur le sujet des élevages de saumons en cages en filet. Monsieur Lamont, vous avez parlé de votre nièce de 14 ans, qui a accès à tout ce qui est offert en Amérique et au Canada, comme tout le monde en Chine et en Asie. Si cette controverse, qui ne semble pas vouloir s'éteindre en Nouvelle-Écosse, continue, quel en sera l'impact sur la qualité du produit dont vous essayez de définir l'image de marque? Comprenez-vous les dangers potentiels?
M. Lamont : Nous ne comprenons ces dangers que trop bien, je crois. Le monde est très petit, aujourd'hui. La Chine est un exemple intéressant. La Chine mise davantage sur l'aquaculture que tout autre pays. Je devrais préciser que je parle ici de l'aquaculture en cages à filet. Nous pensons que l'aquaculture en général offre un magnifique complément à la gamme des produits offerts. Nous pensons qu'elle est avantageuse maintenant et qu'elle va prendre de l'expansion. Nous pensons qu'il existe des moyens de produire sur terre, grâce à des programmes d'aquaculture en parc clos, les produits dont le monde a besoin, c'est-à-dire des protéines et des fruits de mer, en particulier, sans nuire à l'environnement.
Je tiens à ce que l'industrie soit propre. Partout, le long des côtes du Canada atlantique, on dispose d'une eau non polluée qui produit certains des fruits de mer les plus fins du monde, et, pourtant, on commence tout juste à nous reconnaître pour cela. En Chine, les gens qui en ont les moyens s'abstiendront de plus en plus d'acheter les produits aquacoles de leur pays en raison de craintes liées à la salubrité alimentaire et de considérations relatives au risque que les aliments peuvent présenter. Nous n'avons qu'à penser au scandale du lait contaminé qui a secoué la Chine, il y a quelques années, pour comprendre ce dont je parle.
Je crois qu'il ne s'agit ni de la bonne politique, ni du bon moment, ni de la bonne industrie. Une partie de mon approche de la mise en marché du homard canadien consiste à dire que, peu importe que le produit soit envoyé en Belgique, à Dubaï, en Corée ou ailleurs, ce sera le fin du fin. Ce n'est pas seulement un excellent produit, c'est un produit qui vient d'un environnement sans égal dans le monde. Nous sommes tout à fait au courant des risques. Nous en parlons et nous espérons que les divers ordres de gouvernement se pencheront sur ces très sérieuses préoccupations.
M. Leblanc : J'aimerais passer au volet de votre question qui concerne la sensibilisation, qui représente un défi énorme, à tout le moins. Nous devons comprendre nos clients, ce sont des pêcheurs. Les pêcheurs sont assez entêtés, et il est difficile de leur faire changer leurs habitudes. C'est dans notre nature. La mer et l'air salin nous ont endurcis.
Le président : Je pensais que cela n'arrivait qu'à Terre-Neuve.
M. Leblanc : Cela arrive partout. Si tous les intervenants de l'industrie, en particulier les pêcheurs, participaient à l'élaboration des normes de qualité et aux discussions, il ne serait pas aussi difficile d'informer les pêcheurs, vu qu'ils le feront d'eux-mêmes. Nous ne leur dirons pas quelles devraient être les normes; elles seront établies par la base, et ce sont les pêcheurs qui nous diront quelle qualité est en demande, vu ce que les consommateurs achètent aujourd'hui. Il n'y a pas lieu de produire des oranges si les consommateurs achètent des pommes. Cela n'a pas de bon sens. Nous devons comprendre quelle sera l'utilisation finale. Cela doit être le point de départ, puis on remonte jusqu'au pêcheur et on lui explique pourquoi il doit changer sa façon de faire plutôt que de continuer à faire ce que son grand-père faisait.
Vu sous cet angle, c'est un défi de taille, mais je crois sincèrement que nous n'avons pas les moyens d'échouer, car un trop grand nombre de collectivités comptent sur cela pour avoir de meilleures perspectives d'avenir. Je possède une entreprise et je vais un jour vouloir la vendre. Pour l'instant, je ne peux pas me permettre de la vendre, j'essuierais une trop grosse perte. Je ne peux donc pas me permettre de la vendre. D'un autre côté, personne ne peut l'acheter au prix que je demanderais, car elle n'est pas assez profitable. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d'échouer. Nous devons d'une façon ou d'une autre remettre cette industrie sur pied. Elle est trop importante, trop énorme, et trop de gens en dépendent.
M. Irvine : Je vais poursuivre sur le sujet de l'Institut du homard. C'est déjà en marche. Environ sept groupes d'acheteurs, de journalistes et de personnalités influentes du domaine de l'alimentation ont été reçus à l'Institut du homard, qui est situé à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. Il y a là une résidence administrée par le Centre des sciences de la mer Huntsman. L'entreprise East Coast Seafood a une usine à Deer Island, et elle y accueille les participants. Les pêcheurs les y emmènent en bateau. Nous venons tout juste d'accueillir un groupe de 20 journalistes représentant 11 pays, et nous avons obtenu une couverture médiatique magnifique, partout dans le monde. L'Institut du homard est une réalité, il donne de très bons résultats. Le concept, ou l'approche, consiste à utiliser ces installations pour informer les intervenants de l'industrie — nous-mêmes —, les commerçants, les acheteurs et les pêcheurs.
Le sénateur Raine : Merci beaucoup. Vous m'avez ouvert les yeux sur l'industrie du homard, et j'en suis ravie. Je ne viens pas de la côte. Tout ce que je sais, c'est que c'est délicieux. Je tends à craindre les aliments qui ont trop bon goût et à me dire qu'il faut les éviter parce qu'ils sont mauvais pour la santé. Il y a tant de gens qui vous disent ce qu'il faut manger et ce qu'il ne faut pas manger.
M. Lamont : C'est une rare exception, sénateur. Non seulement le homard a-t-il bon goût, mais il est également bon pour la santé.
Le sénateur Raine : Dans quelle mesure le public connaît-il la valeur nutritive du homard et sait-il à quel point il est bon? Je suis sûre que le homard vivant, le homard frais et le homard transformé ne goûtent pas la même chose. Est-ce que la qualité se maintient, même si le homard n'est pas présenté de la même façon?
M. Lamont : C'est selon moi un autre aspect que nous n'avons pas bien réussi, en tant qu'industrie, à mettre en relief. Le homard s'est vendu tout seul pendant des années. Le homard est un symbole. Le homard a de l'éclat. Il y a bien des années, les divers ordres de gouvernement disposaient d'un budget promotionnel et nous aidaient à vendre le homard, mais, ces dernières années, on n'en a vraiment pas fait assez au chapitre de la promotion, en particulier la promotion de la valeur nutritive par rapport à des produits comparables. Vous avez raison d'attirer notre attention sur ce sujet. Nous avons du travail à faire dans ce domaine.
M. Leblanc : Nous avons rencontré ce matin des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et nous en sommes venus à la conclusion que nous devrions raconter l'histoire de l'industrie de la pêche, version 2012. Les clients aujourd'hui sont nombreux à maîtriser la technologie, et ils veulent savoir ce qu'ils mangent. Je crois que nous avons peut-être échoué. Il est temps de travailler de concert avec les gouvernements fédéral et provinciaux et de faire connaître l'industrie du homard. Cela pourrait à peu près se faire tout seul, mais il faut une structure. Je crois qu'il est temps que nous le fassions.
Le sénateur Raine : Si je posais cette question sur la valeur nutritive du homard, c'est que, si vous voulez mettre un produit sur le marché, à une époque où nous savons que nous sommes responsables de notre santé — que nous devons rester en santé et manger des aliments sains —, nous pouvons retracer l'origine de ce que nous mangeons. Le fait de pouvoir affirmer que ce produit vient d'un environnement resté intact est très précieux. Encore une fois, je crains que l'élevage de poissons dans des cages en filet ne mette cet environnement en péril. J'espère que les projets d'expansion des fermes aquacoles sont contrôlés. Une industrie qui nuit à une autre, cela ne peut être bon.
Vous avez dit qu'en Asie, la langouste australienne se vend plus cher que le homard canadien; vous avez également dit que, plutôt que de fixer notre prix à un dollar de moins que le prix de la langouste, nous nous sommes livré une guerre de prix, entraînant une chute spectaculaire de ceux-ci. Aujourd'hui, le homard canadien a l'image d'un produit de moindre qualité. Qui décide de cette échelle de qualité?
Qu'est-ce qu'un homard à carapace dure? Est-ce que la dureté de la carapace assure la qualité de la chair? Est-ce que ce homard a plus de chair? Qu'est-ce qui fait qu'un homard est vraiment bon?
M. Lamont : Est-ce que vous auriez le temps de travailler comme directrice de la commercialisation dans notre entreprise? Tout ce que vous dites me plaît.
La qualité supérieure est fondée sur un certain nombre de critères. Il y a des critères objectifs, notamment celui de la protéine sanguine. Nous prélevons des échantillons sur des homards et analysons les protéines sanguines de chaque échantillon. Il existe une corrélation entre le taux protéique du sang, la qualité de la carapace, la quantité de chair et la capacité de survie. En général, nous essayons — je généralise énormément — de prendre des homards dont le taux protéique est élevé. Prenez un homard dont le taux de protéines dans le sang est élevé : sa carapace est dure, sa chair est très abondante, et il possède des caractéristiques qui favoriseront sa survie au Canada et, s'il est exporté, à l'étranger. Nous avons défini les critères objectifs qui s'appliquent au homard de qualité supérieure. Ce homard, c'est Dame Nature qui nous l'a donné, mais il faut tenir compte aujourd'hui des enjeux environnementaux liés au réchauffement de la planète, au réchauffement de l'eau, et cetera. Nous essayons d'établir une norme selon laquelle nous assurerons la commercialisation du homard et la promotion de son image de marque.
Le sénateur Raine : Poursuivons donc sur le sujet. Lorsque vous informerez les pêcheurs, est-ce que vous leur demanderez de remettre à l'eau les homards à carapace molle et de ne conserver que les homards à carapace dure? Est-ce que c'est ce que vous songez à faire?
M. Lamont : Pas pour commencer, non. Les revenus de la pêche sont actuellement si faibles que nous ne pouvons pas demander aux pêcheurs de laisser certains homards de côté. Nous ne demandons rien; le gouvernement fédéral a défini la longueur minimale de la carapace et imposé certains critères du même ordre. Nous sommes soumis aux lois sur les pêches, mais, pour ce qui est des homards à carapace dure et d'autres à carapace molle, nous devons demander aux pêcheurs et aux autres intervenants de l'industrie de décrire les prises qui ne peuvent être considérées comme un produit alimentaire de qualité supérieure, et elles seront utilisées différemment. Le produit sera transformé et peut devenir de cette façon un produit de première qualité. On n'a rien à reprocher à la chair des homards à carapace molle; c'est tout simplement qu'elle est moins abondante. Si nous recueillons toute la chair des homards à carapace molle, nous pouvons en faire un produit de qualité supérieure, et ce sera toujours un produit de qualité supérieure. C'est une question de désignation, pas une question de récolte.
Le sénateur Raine : En ce qui concerne la capacité de survie — je préfère parler de virilité —, combien de temps un homard peut-il vivre dans un bassin, si on en prend bien soin?
M. Lamont : L'industrie peut maintenant compter sur une capacité de conservation à long terme très perfectionnée. C'est que les consommateurs de tous les pays exigent un approvisionnement constant, 52 semaines par année. Comme je vends du homard en Europe et en Asie, surtout, je ne peux pas dire à mes clients : « Je m'excuse, je n'en ai pas cette semaine. » Ce n'est pas une réponse envisageable. Pour pouvoir offrir un produit en toutes saisons, c'est-à-dire en attendant la prochaine saison de pêche, l'industrie a mis en place des installations de conservation à long terme. Vous pouvez voir ces installations de conservation à long terme un peu comme des condominiums pour homards. Les homards disposent chacun d'une unité où sont reproduites les conditions que l'on retrouve dans le fond de l'océan. Les homards ont un comportement territorial. Ils aiment se cacher entre deux pierres ou sous une saillie, par exemple, et c'est pourquoi nous avons conçu des condominiums dans lesquels les homards n'auront pas à croiser ni à affronter leurs congénères. Les homards qui y sont conservés pour de longues durées sont aussi bien traités qu'à l'hôpital. Nous contrôlons la température au demi-degré près. Nous contrôlons le mieux possible la teneur en oxygène. Nous avons un système de filtrage de l'eau qui élimine pour ainsi dire toute trace d'ammoniaque dans l'eau. Nous contrôlons la salinité, car nous voulons que la concentration en sel soit la même dans les exploitations terrestres que dans l'océan.
Notre industrie réussit parfaitement à conserver les homards en état d'hibernation, pour ainsi dire, pendant des périodes pouvant atteindre six mois. Nous sommes maintenant en mesure de nous assurer que les homards pêchés en mai pourront être vendus en juin, en juillet, en août, en septembre et au début d'octobre, soit jusqu'au début de la saison de pêche dans le Canada atlantique. Je le répète, nous avons fait de nombreux progrès sur le plan technique.
Le sénateur Raine : Le graphique que j'ai sous les yeux montre les fluctuations des prix selon les saisons. Vous devriez pouvoir contrôler cela un peu mieux et éviter les nombreux creux et pics.
M. Lamont : Les pics, c'est parfois une bonne chose. Pour que l'industrie soit profitable, nous avons besoin d'une flambée occasionnelle qui reflète une diminution de l'offre et une augmentation correspondante du prix sur le marché.
Nous essayons d'atteindre un certain niveau; plutôt qu'un prix de 3 ou 4 $ pour le pêcheur, nous voulons améliorer à partir de là les éléments de la chaîne de valeur. Nous voulons obtenir un prix de 4,50 à 5,50 $ la livre et améliorer la chaîne de valeur à partir de cela. Nous avons beaucoup trop baissé, en raison du grand volume des prises et de la mauvaise conjoncture économique. La solution est liée aux marchés. Il nous suffit de trouver d'autres marchés. Il existe des débouchés extraordinaires en Asie. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain.
Le sénateur Raine : L'Île-du-Prince-Édouard a réussi quelque chose de formidable en se faisant connaître au Japon grâce à Anne, la maison aux pignons verts. Nous pourrions peut-être publier une suite à ces aventures où le père d'Anne est un pêcheur de homard. En Asie, on connaît la côte Ouest de l'Amérique du Nord, mais pas aussi bien la côte Est, qui est beaucoup plus éloignée.
Expédier des produits en Asie, cela prend de 42 à 48 heures, et il en faut de 36 à 40 pour les expédier en Europe; c'est beaucoup moins long. Ne serait-il pas possible de construire des condos à homards sur la côte Ouest? Ils seraient un peu plus proches.
M. Lamont : Oui, mais le transport pose problème. Notre entreprise pourrait envoyer les produits à Vancouver et les conserver temporairement, puis les expédier en Asie après 48 heures. Le défi, c'est le coût de l'emballage et le coût du transport supplémentaire, qui fait que c'est un projet peu attrayant. Les Américains l'ont essayé, il y a déjà nombre d'années, en envoyant le produit à Hawaï d'abord, pour ensuite l'expédier au Japon. Ils ont abandonné le projet, il n'était pas rentable.
J'aime votre idée concernant Anne, la maison aux pignons verts. Mais je voudrais combiner ce roman et l'histoire du Dr Norman Bethune. Le Dr Béthune est connu et respecté encore aujourd'hui, en Chine. Je plaisante, mais il y a du vrai dans tout ça. Il existe des symboles qui nous aident à commercialiser un produit à l'étranger, et nous devons nous en servir.
M. Irvine : Nous abordons ces marchés étrangers et distants grâce — entre autres — à nos produits transformés. Le homard transformé génère bien au-delà de la moitié de la valeur des ventes de homard canadien. Cela veut dire qu'il est dans la plupart des cas congelé; il peut aussi être vendu frais ou pasteurisé, mais le produit congelé peut être envoyé en Chine dans un conteneur réfrigérant, sans aucun problème de qualité ni aucune différence.
Au sujet de votre question sur le goût des produits transformés par rapport au goût des produits vivants et frais, je répondrais qu'aujourd'hui, il n'y a presque plus de différence. La technologie de la transformation a beaucoup évolué. Nous pouvons maintenant offrir un magnifique homard entier, cuit ou vivant, ou encore un produit transformé qui sera tout aussi bon que si vous l'aviez cuit et préparé vous-même. Il faut également tenir compte de la commodité. Le consommateur moderne, peu importe le marché, veut des aliments prêts à manger, et le secteur de la transformation répond à ces attentes.
Le Nouveau-Brunswick, par exemple, a exporté pour 400 millions de dollars de homard l'an dernier, et le homard transformé comptait pour 348 millions de dollars. Vous voyez donc à quel point c'est important au Nouveau-Brunswick. Les chiffres sont tout aussi impressionnants à l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Dans votre témoignage, vous avez mentionné plus tôt que, lorsque le homard canadien entre dans un autre pays, il devient le produit du pays. Je me demande quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face lorsque cela arrive. Pouvez-vous nous en parler? Lorsque le produit quitte le Canada — en ce qui concerne son entrée sur le marché d'un autre pays —, quelles sont les difficultés constatées et quelles sont les avenues qui vous permettent d'assurer l'excellence de la qualité du produit qui quitte le Canada et entre sur le marché?
M. Lamont : Il n'y a aucun doute qu'il s'agit d'une difficulté. Cela est propre à l'Amérique du Nord. Nos frontières et notre commerce transfrontalier font en sorte que cela arrive régulièrement pour un produit comme le homard.
Les choses se déroulent de cette façon : un exportateur américain peut acheter du homard canadien et le combiner — au cas par cas — avec du homard américain. Le prix du produit américain pourrait être de 30 à 40 p. 100 moins élevé, de sorte que vous pourriez mettre les deux homards dans une même boîte, les vendre à l'étranger comme du homard canadien et faire baisser votre coût moyen, auquel les exportateurs canadiens ne peuvent faire concurrence.
Il y a des façons officielles de faire voyager un produit entre les deux frontières. Si je l'importe légalement et que j'entreprends toutes les démarches nécessaires pour importer le homard au Canada pour approvisionner notre usine, c'est tout à fait légitime. Je ne trouve pas nécessairement qu'il s'agit d'une bonne politique, mais, selon les dispositions législatives relatives au marquage du pays d'origine, il est tout à fait légitime d'importer un produit et de le vendre comme un produit du pays dans certaines circonstances.
Notre travail vise à sensibiliser nos consommateurs et nos distributeurs en gros de partout dans le monde aux qualités du produit canadien de qualité supérieure et à les inciter à rechercher ces qualités, lorsqu'ils achètent ce genre de produits. En général, c'est comme n'importe quoi dans la vie. La qualité a un prix. Si le prix d'un homard à carapace dure — un homard canadien de qualité supérieure — semble trop bas, ce n'est probablement pas un homard à carapace dure de qualité supérieure.
Le sénateur Raine : Les homards provenant des États-Unis ne sont pas tous à carapace dure?
M. Lamont : Ce ne sont pas tous des homards à carapace dure. Le homard américain est généralement pêché et exporté après la mue. Les homards perdent leur carapace chaque année, et cela arrive souvent en juillet et au début d'août. La pêche au homard américain bat son plein à partir de la mi-juin. Les homards américains tendent à avoir récemment mué et à avoir une nouvelle carapace. Dans le domaine, on les appelle des « homards en mue ». Certains sont à carapace plus ou moins dure et d'autres sont à carapace dure, mais la vaste majorité des homards sont à carapace plus ou moins dure — dans le meilleur des cas —, et beaucoup d'entre eux sont à carapace molle. C'est leur prix qui est attirant. Ils sont beaucoup moins chers. Tout comme Walmart qui arbore le slogan « Nous vendons moins cher », c'est une pratique populaire dans beaucoup de marchés. Nous devons nous distinguer par notre qualité. Il est impossible de faire concurrence au homard à carapace molle sur le plan du prix. Il faut vendre un homard à carapace dure de qualité supérieure et demander un prix plus élevé. La seule façon d'y arriver, c'est de veiller à ce que les consommateurs sachent qu'ils obtiendront un meilleur produit.
Le sénateur Raine : J'ai l'impression d'être un peu obtuse. Les pêcheurs américains s'accommodent-ils de recevoir moins pour leur homard que les Canadiens?
M. Lamont : Pas du tout, mais ils connaissent la réalité. Ce n'est pas nous qui fixons le prix. C'est le marché qui le fait, et il est généralement déterminé que, selon le soi-disant prix de Boston pour le homard — peu importe le jour, 90 p. 100 du temps —, le homard canadien vaut de 1 $ à 4 $ la livre de plus que le homard américain. C'est non pas parce que les clients veulent donner leur argent aux Canadiens, mais plutôt parce que le marché reconnaît objectivement que notre produit est de meilleure qualité. On pourrait formuler toutes sortes de réserves à cet égard, mais c'est généralement le cas.
Le sénateur Raine : Cette année, j'ai participé à l'adoption d'une motion relative au sirop d'érable. Encore une fois, nous avons un groupe de producteurs canadiens et américains qui se sont regroupés en tant qu'industrie et qui disent que les façons de classer le sirop d'érable varient beaucoup d'une administration à une autre. C'était très compliqué. Le marché commençait à s'éroder. Les Européens achetaient du sirop d'érable, le diluaient avec de l'eau sucrée et le revendaient comme du sirop d'érable. Les producteurs se sont réunis pour protéger le produit. Une fois que ce sera fait, ils pourront conjointement mettre en marché des produits classés adéquatement. L'union fait la force. Je suppose que vous n'êtes pas tout à fait prêts à collaborer avec les Américains pour établir un système de classification qui vous conviendrait?
M. Lamont : En raison des différences d'ordre biologique, ce serait pour le moins difficile, mais, tôt ou tard, c'est le genre d'attitude qu'il faudra adopter. Nous sommes en concurrence avec les pêcheurs et les exportateurs américains, mais ce n'est pas comme si nous ne voulions pas qu'ils réussissent. Nous sommes tous dans le même bateau. Nous voulons que notre modèle d'entreprise et notre modèle d'affaires fonctionnent. Si nous pouvions travailler de concert pour permettre aux deux de mieux fonctionner, cela nous conviendrait.
Le président : J'ai peut-être manqué un commentaire que vous avez fait. Je crois comprendre que nos homards destinés à l'Asie et à l'Europe sont combinés avec ceux des États-Unis. Y a-t-il combinaison de homards américains et canadiens dans une même boîte?
M. Lamont : Ce que je dis, c'est qu'il est tout à fait possible et relativement fréquent que des exportateurs américains achètent du homard canadien et l'importent de façon tout à fait légale dans leur pays — ce n'est pas une activité illégale —, mais ils peuvent combiner les deux types de homard selon leurs besoins. En réduisant le coût moyen... Ils peuvent vendre le produit en tant que homard à carapace dure. Ils ne peuvent peut-être pas le vendre en tant que homard canadien, mais ils peuvent réduire le coût moyen parce que la présence d'un tiers ou de 20 p. 100 de homard américain dans une boîte contribue à réduire considérablement le coût.
Le président : Je me demande à quelle fréquence cela se produit et combien de produits marqués « homard canadien » entrent sur le marché.
M. Lamont : Ce ne sont que des observations empiriques. Je ne voulais pas donner l'impression qu'il s'agit d'un phénomène répandu. Nous avons un travail de sensibilisation à faire pour que les gens s'assurent que le produit est authentique, connu, documenté et respecté.
Le président : En tant que homard canadien?
M. Lamont : Oui.
Le sénateur Unger : Merci, messieurs. Vous nous avez certes fourni beaucoup de renseignements. C'est beaucoup à digérer. Pardonnez-moi le jeu de mots.
Nous présenterons un rapport dans un avenir rapproché. Après tout ce que vous nous avez dit, y a-t-il des recommandations clés que vous aimeriez que le comité prenne en considération?
M. Irvine : Votre comité?
Le sénateur Unger : Oui.
M. Irvine : De notre point de vue, nous aimerions peut-être que vous preniez le temps d'assimiler ce que nous avons présenté aujourd'hui et que vous gardiez à l'esprit que les solutions sont complexes. En tant que représentants du Conseil du homard, nous sommes d'avis que toutes les solutions tournent autour de la qualité, de l'image de la marque et du prix. Ce sont les trois piliers auxquels nous croyons, et il y a beaucoup de renseignements à ce sujet dans notre rapport. C'est sur cela que nous allons mettre l'accent. Nous aimerions que tous les ordres de gouvernement et les gens du Canada nous appuient dans nos démarches.
Si je devais résumer le tout, je dirais que c'est complexe. Les solutions diffèrent selon le secteur. Le secteur de la transformation est aux prises avec des difficultés qui diffèrent de celles du secteur des produits vivants, et les pêcheurs de différentes régions ont différentes solutions aussi. Toute solution envisagée — et nous en parlons tous les jours — doit pouvoir s'appliquer à la situation particulière de chaque région.
M. Leblanc : J'aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Irvine vient de dire. Il importe que tous les ordres de gouvernement collaborent à la stratégie. L'industrie n'y arrivera pas seule. Il nous faut des engagements financiers des provinces, du gouvernement fédéral et de l'industrie pour arriver à une solution. Seule, face à la crise financière actuelle, l'industrie est incapable d'amasser l'ensemble des fonds nécessaires pour faire cela. Il faudra un investissement important pour bien le faire, parce que nous n'avons peut-être qu'une seule chance pour régler le problème. C'est une petite occasion qui s'offre à nous. Nous pouvons profiter d'une conjoncture favorable caractérisée par une industrie unie, et la dernière chose qu'il nous faut, c'est que les gouvernements nous mettent des bâtons dans les roues et nous empêchent de réussir. Il nous faut la collaboration de tous les ordres de gouvernement. Nous nous sommes réunis avec les ministres des Pêches des provinces, et ils nous appuient. Nous les avons rencontrés tous les cinq, il y a deux semaines. Il faut que le ministère de l'Environnement, le MPO, Agriculture et Agroalimentaire Canada et tous les autres se joignent à nous pour atteindre l'objectif.
Le sénateur McInnis : Vous avez dit plus tôt que les cotisations remplacent actuellement la contribution financière du MPO. Est-ce exact? Par contre, vous voulez ravoir la contribution du MPO. C'est bien ce que vous dites?
Le sénateur Raine : C'est seulement à des fins de gouvernance.
M. Irvine : Il s'agit du financement de base.
Le sénateur McInnis : Non, du financement.
M. Irvine : Notre financement de base à des fins de gouvernance nous permet de rester en vie, mais pas de lancer des programmes de commercialisation.
Le sénateur McInnis : Par contre, les provinces — les quatre provinces de l'Atlantique — y participent toujours?
M. Irvine : Les quatre provinces de l'Atlantique et le Québec contribuent au financement de base. Quant à l'argent destiné à la commercialisation ou à la promotion que nous pouvons obtenir, il faut aller chercher du financement de contrepartie auprès d'autres programmes.
Le président : Aujourd'hui, vous avez décrit plusieurs difficultés auxquelles vous faites face, et de nombreuses possibilités aussi. Pourriez-vous mettre l'accent sur deux ou trois principales difficultés éprouvées par l'industrie du homard à l'heure actuelle et nous dire comment le gouvernement fédéral pourrait aider à les surmonter? Je ne parle pas nécessairement d'aide financière, mais vous pouvez également en parler. À la fin de notre étude, nous espérons être en mesure de présenter au ministère des Pêches et des Océans — et à d'autres ministères, au besoin — des recommandations relatives à la forme de soutien à offrir et à la façon de régler certaines des difficultés auxquelles vous faites face.
Une occasion s'offre à vous. Je comprends que vous n'êtes peut-être pas en mesure d'aborder tout cela aujourd'hui. Si, après la séance, d'autres éléments vous viennent à l'esprit, n'hésitez pas à nous écrire ou à nous en faire part autrement.
Je vous demande de nommer deux ou trois grandes difficultés auxquelles vous faites face et de décrire de quelle façon le gouvernement fédéral pourrait vous aider à cet égard.
M. Irvine : Je peux vous en mentionner une rapidement. Il y a de nombreuses difficultés, mais, à la lumière de certaines de vos questions, celle qui me vient à l'esprit, c'est comment notre industrie pourrait trouver une façon d'amasser des fonds pour s'aider elle-même. Nous en avons parlé plus tôt aujourd'hui.
Nous avons de la difficulté à financer à long terme nos travaux, car nous ne disposons d'aucun mécanisme permettant d'amasser des fonds — par exemple, un système de contributions — au sein de l'industrie. Il faut que le gouvernement fédéral ou les provinces nous aident à trouver une façon d'amasser des fonds, que ce soit au moyen d'une loi, d'un règlement ou d'une sorte de système.
Il y a environ un an et demi, nous avons demandé, lors d'un sondage, aux membres de l'industrie à quel point ils étaient disposés à donner 1 cent la livre. Nous nous sommes dit que, si nous étions en mesure d'aller chercher 1 cent la livre, nous pourrions financer toutes nos activités, y compris les activités promotionnelles. Il y avait dans l'industrie un consensus général : les membres étaient disposés à verser 1 cent la livre, et les fonds iraient aux pêcheurs et aux acheteurs. Toutefois, ce qui nous a frappés, c'est qu'il n'existe aucun mécanisme pour amasser ces fonds. Nous nous sommes tournés vers les provinces pour qu'elles nous aident à trouver une façon de le faire au moyen d'une loi, puisqu'elles réglementent les activités des acheteurs, mais il faudra revenir sur ce point. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être nous aider à ce chapitre. Nous l'ignorons, mais il faut garder un esprit ouvert, et ce serait un gros coup de pouce.
Le sénateur Raine : Je crois savoir que, dans l'Ouest, selon un système d'étiquetage qui a été mis en place, si vous attrapez un saumon sauvage, vous devez acheter une étiquette. Une partie de l'argent va au MPO et une partie va à l'organisme de conservation du saumon du Pacifique.
M. Irvine : Qui n'aime pas la côte Ouest?
Le sénateur Raine : Il serait facile d'apposer une étiquette sur le homard, et vous ne pouvez pas entrer dans la chaîne, à moins qu'il n'y ait une étiquette.
M. Irvine : C'est une bonne idée. Il y a beaucoup de bonnes idées.
Le président : C'est le but de la discussion.
M. Irvine : Exactement. Et c'est une bonne discussion.
M. Leblanc : Les règles relatives au cumul entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial posent également problème. Le fait de recevoir trop de financement d'un ordre de gouvernement donné nous empêche d'obtenir un financement possible d'un autre ordre du gouvernement. C'est un obstacle auquel nous sommes confrontés depuis le début. Nous faisons affaire avec l'APECA ainsi que d'autres ministères fédéraux et avec les provinces. Il s'agit d'un problème qui pourrait être réglé pour faciliter l'obtention de financement. Il y a des poches où nous aurions pu obtenir du financement, mais, en raison des règles relatives au cumul, le gouvernement fédéral n'était pas en mesure de nous fournir de fonds, même s'il avait l'argent nécessaire. En raison de ces règles, aucun financement n'a été obtenu. C'est un problème. Je vais m'arrêter ici pour le moment.
Le sénateur McInnis : Avez-vous un budget?
M. Irvine : Pas pour la commercialisation. Pas encore.
Le sénateur McInnis : Non, un budget destiné à la gouvernance.
M. Irvine : Oui, nous en avons un. Nous allons présenter une proposition aux provinces pour qu'elles nous appuient à nouveau, et cela s'ajouterait aux cotisations provenant de l'industrie.
M. Leblanc : J'aimerais revenir sur ce point pour que vous sachiez clairement combien de dollars l'industrie a investis. L'année dernière était probablement la première année où des cotisations ont été versées volontairement. L'industrie a cotisé à hauteur de 50 000 $. En plus de cela, nous avons tous contribué de notre temps gratuitement.
M. Lamont et moi avons consacré beaucoup d'heures — la fin de semaine et le soir — à envoyer des courriels et à participer à des téléconférences, et nous avons payé de notre poche l'essence, les chambres d'hôtel et tout le reste, en plus de prendre du temps que nous aurions consacré à nos entreprises et à nos familles. Au total, la contribution de l'industrie se situerait facilement dans la fourchette de 200 000 $ à 250 000 $ si vous ajoutez l'argent que tout le monde a investi dans l'exercice. Durant les périodes difficiles, il était assez courant pour les gens d'investir de l'argent dans une chose dont ils profiteront.
M. Lamont : Je me sens comme si nous étions entre amis ici, monsieur le président. Tous vos collègues ont manifestement une idée claire de la considérable valeur actuelle et future du homard dans le Canada atlantique et au Québec. En conséquence, voici ce que j'aimerais demander aux deux ordres de gouvernement : veuillez réexaminer le soutien enthousiaste que vous offrez à l'élevage de poisson avec des cages en filet.
Les deux activités sont incompatibles. Sur le plan du potentiel de marché du homard, lorsque je parle à mes clients en Chine, une de leurs premières questions est : « Combien de homards pêchez-vous annuellement au Canada? » Et je leur réponds. « Combien de homards sont-ils pêchés aux États-Unis? » Et je leur réponds. Leur réaction immédiate est : « Oh mon dieu, vous n'en avez pas assez » parce que, tout comme moi, ils savent que le jour où les marchés asiatiques voudront un produit du Canada atlantique et seront prêts à payer cher arrivera très rapidement.
Au risque de paraître insistant, j'estime que rien ne devrait être fait au stade initial qui pourrait mettre la ressource en péril. Le saumon d'élevage peut être élevé n'importe où. De nos jours, je peux acheter en gros du saumon d'élevage à 2,70 $ la livre. Il peut être élevé dans des installations terrestres. Il peut contribuer à la création d'emplois. Il permet de faire beaucoup de choses. Par contre, nos stocks de homard du Canada atlantique sont uniques. Il est impossible d'en trouver ailleurs.
Ma demande au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial serait : écoutez, mettons cela en perspective. Attendez avant de faire avec enthousiasme la promotion de ce projet. Nous savons que vous voulez assurer la subsistance des collectivités côtières — et nous aussi —, mais il existe d'autres façons de le faire sans nécessairement faire la promotion de l'élevage de poisson avec des cages en filet, car nous estimons que cela fragilise le homard canadien.
M. Irvine : Pour ce qui est de votre question, nous allons y réfléchir et vous transmettre des observations officielles.
Le président : Ce serait grandement apprécié.
Le sénateur Poirier : Vous avez en fait répondu en partie à ma question concernant vos recommandations liées à ce que nous pourrions faire.
J'aimerais partager deux ou trois choses avec vous. Essentiellement, je suis curieuse de savoir si des discussions sont en cours dans votre industrie, compte tenu des problèmes liés au réchauffement climatique et à la période de mue en juillet et en août ainsi que du fait que les pêcheurs de homard des États-Unis font affaire actuellement avec l'industrie de homard à carapace molle.
Les pêcheurs ont-ils envisagé la possibilité de repousser le début de la saison du homard — qui commence habituellement à la mi-août — de quelques semaines? En ont-ils discuté? En faisant cela, en raison du réchauffement climatique, vous aurez certainement un homard supérieur; il ne sera pas aussi faible en raison de la température de l'eau. Vous pêcherez également un homard supérieur parce qu'il n'est pas en mue. Cela est-il envisagé? Y a-t-il une ouverture des pêcheurs sur ce plan? Une discussion a-t-elle été tenue avec le gouvernement?
Selon vous, combien de temps nous faudra-t-il pour rendre l'industrie du homard durable?
M. Leblanc : Je vais répondre à la question la plus facile. Des discussions sont envisagées. M. MacPherson et l'UPM examinent actuellement toutes les solutions possibles. Avant la séance, on m'a dit que le comité irait peut-être à Moncton. Je vous assure qu'ils témoigneront devant vous et expliqueront exactement ce qu'ils songent à faire. Je crois que c'est une des questions qu'on se pose.
Le sénateur Poirier : Comme le homard à carapace molle est meilleur marché aux États-Unis, il est expédié aux usines de transformation d'ici, et, comme les usines débordent de homard américain, le homard canadien de qualité a de la difficulté à se faire une place. C'est entre autres ce qui s'est passé cet été au Nouveau-Brunswick et dans la zone 25. Il était difficile de vendre le homard canadien à nos usines de transformation.
Il y avait des rumeurs selon lesquelles les États-Unis songeraient peut-être à construire leurs propres usines de transformation si cela posait problème. Cela créé un autre problème : les emplois risquent d'être touchés. Il faut une certaine quantité de produits pour garder nos usines de transformation du poisson ouvertes durant une plus longue période afin que les travailleurs du Nouveau-Brunswick puissent assurer leur subsistance. C'est une autre chose sur laquelle il faut se pencher.
M. Irvine : Ce sont d'excellentes questions. La situation de cet été était unique. Les homards du Maine ont mué aux alentours du 5 juillet, ce qui est environ six semaines plus tôt que la normale. Habituellement, les usines du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard ont le temps, après la pêche du printemps, de fermer leurs portes, d'assurer l'entretien des installations et de donner congé aux travailleurs, mais, cette année, les homards ont mué à un drôle de moment en raison du temps plus doux. Cela a ralenti l'approvisionnement et a causé ce qui s'est passé dans la zone 25. Je crois que tout le monde est pas mal au courant.
Quant aux pêcheurs du Maine qui vendent leur homard aux usines de transformation, les problèmes survenus cet été leur ont effectivement fait comprendre qu'ils ne peuvent pas compter sur les usines canadiennes pour qu'elles prennent tout. Oui, les gens du Maine prennent cela très au sérieux et tentent d'étendre la transformation ailleurs. Nous verrons s'ils réussiront. Il est très difficile de transformer le homard. C'est très exigeant en main-d'œuvre, la marge de profits est faible, voire nulle, et il est difficile de trouver de la main-d'œuvre. Nous ne pouvons que leur souhaiter bonne chance.
Une série d'événements sont survenus cet été, et ils sont liés en grande partie au réchauffement de l'eau. À mon avis, il est évident que le MPO doit financer davantage d'études relatives à ce phénomène. Des établissements universitaires privés le font déjà. Nous verrons ce que ça donne. On a créé un groupe de travail constitué de représentants du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse. Une réunion est prévue dans 10 jours. Toutes les provinces ont commencé à chercher des solutions, et elles songent à changer la date de début de la saison.
Le sénateur Poirier : Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour avoir une industrie du homard durable?
M. Irvine : J'espérais que vous ayez oublié cette question.
Le sénateur Poirier : Non, je ne l'ai pas oubliée.
M. Lamont : J'aimerais revenir à une de vos premières questions. Collectivement, il vaut mieux être prudent à l'égard de ce que nous souhaitons. Je vais vous donner un exemple. Les prix payés dans le Canada atlantique au printemps, pour la saison qui a commencé aux alentours du 20 avril à Terre-Neuve et sur la côte Est et pour celle qui a commencé le 1er mai dans le golfe et au Cap-Breton, étaient considérables, du point de vue d'un pêcheur. La plupart des pêcheurs ont réussi à obtenir presque 5 $ la livre pour leur homard, malgré la conjoncture économique mondiale difficile dont nous avons parlé. Il y a diverses raisons pour cela, mais, au bout du compte, les pêcheurs ont obtenu — pour le volume de homard pêché et vu la conjoncture — ce que je considère comme un très bon prix.
Les entreprises de transformation qui ont acheté des homards du Maine et du Massachusetts en juin, en juillet, en août et après ont été en mesure de faire baisser le coût au moyen de leur stock grâce à un produit américain beaucoup moins cher. Honnêtement, j'estime qu'elles auraient subi des pertes importantes si elles n'avaient eu que du homard canadien, vu le prix payé. Sur une année, les entreprises sont en mesure de payer plus cher le produit canadien parce que le prix moins élevé du produit américain aide à subventionner cet achat, à le compenser ou à réduire le coût moyen. J'aimerais simplement intégrer ce petit appel à la prudence dans notre analyse.
Quant au temps qu'il faudra, j'estime qu'il faudrait trois ans. Si nous agissons dès demain, si nous obtenons le soutien espéré de tous les ordres de gouvernement et si nous nous assurons que le secteur entreprend les démarches nécessaires immédiatement, je suis d'avis que nous en retirerons des avantages avant trois ans, mais, en trois ans, nous verrons des retombées considérables. Trois ans, c'est une éternité lorsque vous avez un modèle non durable, mais ce n'est pas éternel. Avec l'âge, je trouve que trois ans passent plus rapidement. Selon moi, trois ans, c'est un objectif raisonnable pour tout le monde.
Le sénateur Poirier : Merci.
Le président : J'aimerais remercier tous mes collègues et nos témoins. Vous nous avez fourni de très précieux renseignements. Si vous souhaitez effectuer un suivi sur un sujet donné, n'hésitez pas à nous transmettre des renseignements de la façon qui vous convient.
Oui, nous prévoyons une visite à Moncton pour entendre ce que les gens de la région ont à dire et, bien sûr, nous encourageons tout groupe ou toute personne qui aimerait présenter un exposé à communiquer avec nous. Les dates ne sont pas encore fixées, mais nous espérons y aller ce mois-ci.
Encore une fois, merci d'avoir pris le temps d'être venus ce soir pour contribuer à notre étude.
J'aimerais demander aux membres du comité de rester cinq minutes de plus pour discuter à huis clos de nos projets de voyage.
(La séance se poursuit à huis clos.)