Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 12 - Témoignages du 29 novembre 2012 (séance de l'après-midi)
MONCTON, le jeudi 29 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 14 h 5, pour étudier la pêche au homard au Canada Atlantique et au Québec.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite à tous la bienvenue. Vous assistez à une séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et j'assume la présidence du comité.
Avant de demander à nos témoins de prendre la parole, j'aimerais demander aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur McInnis : Sénateur Tom McInnis, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Unger : Sénateur Betty Unger, Edmonton, Alberta.
Le sénateur Hubley : Le sénateur Elizabeth Hubley, Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Poirier : Le sénateur Rose-May Poirier, Nouveau-Brunswick.
Le président : Le sénateur Mac Harb de l'Ontario se joindra à nous sous peu.
Le comité poursuit son étude de la pêche au homard au Canada Atlantique et au Québec et est heureux d'être ici à Moncton cet après-midi pour entendre le témoignage des pêcheurs de homard. Le comité souhaite en apprendre davantage sur le travail et les initiatives ainsi que les préoccupations des pêcheurs, et nous sommes très heureux de recevoir cet après-midi le témoignage de diverses organisations provinciales et régionales.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de prendre le temps de vous joindre à nous aujourd'hui.
Quiconque souhaite commencer, il vous suffit de dire votre nom et de nommer l'organisation que vous représentez.
Ian MacPherson, directeur général, Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard : Je m'appelle Ian MacPherson. Je suis le directeur général de l'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard.
Je vous remercie, monsieur le président Manning, de me permettre de vous adresser la parole cet après-midi.
Malheureusement, je n'ai pas été en mesure d'assister à toute la séance de ce matin, mais des informations intéressantes y ont été échangées. Je pense que si j'avais une déclaration préliminaire à faire, ce serait de dire que la plupart des acteurs de cette industrie se rendent compte qu'il n'y a pas de panacées. Ce serait bien si nous pouvions trouver une ou deux solutions, mais comme c'est une industrie complexe, ce n'est pas le cas, c'est pourquoi nous sommes heureux d'avoir la possibilité de nous adresser aux sénateurs pour leur parler des diverses composantes qui rendent notre industrie si intéressante mais qui constituent également des défis à relever.
Sans plus tarder, j'ai préparé un petit résumé de ce que nous appelons à l'Île-du-Prince-Édouard les homards de conserverie et l'importance qu'ils revêtent pour notre pêche et notre économie.
Je vais d'abord vous donner un peu de contexte sur notre association de pêcheurs. Elle a été initialement fondée au début des années 1950 pour permettre aux pêcheurs de l'île de discuter des effets des limites de casiers proposées. C'est en organisant diverses réunions d'un bout à l'autre de l'île pour discuter de cette question que nous nous sommes rendu compte que nous avions besoin d'un groupe représentatif pour faire valoir nos préoccupations au gouvernement sur toute une série de questions touchant cette industrie. De nombreuses années plus tard, il semble que les choses n'ont toujours pas changé à cet égard. Les pêcheurs reconnaissent les avantages d'avoir une organisation comme la nôtre qui leur permet de communiquer entre eux, ainsi qu'avec leurs collectivités et, ce qui est important, avec d'autres organisations de pêcheurs dans notre région.
Le principal objectif de notre association, lorsqu'elle a été formée, consistait à parler d'une seule voix au gouvernement, et il semble qu'aujourd'hui, l'occasion est parfaite. Nous représentons actuellement 1 260 pêcheurs professionnels désignés sur l'Île-du-Prince-Édouard.
Voici un bref historique du homard de conserverie : je pense que ce matin nos homologues provinciaux vous ont dit que nous nous apprêtions à passer des homards de 71 millimètres jusqu'à 72 millimètres en 2013. Il s'agit d'un homard mature tout à fait développé. Bon nombre de personnes pensent que nous pêchons des homards juvéniles dans l'océan et qu'il s'agit de homards immatures, mais ce n'est pas le cas. Je ne suis certainement pas un scientifique, mais je sais qu'un des facteurs atténuants ou qu'un facteur considérable, c'est la température plus froide de l'océan. Même si les homards sont plus âgés, l'eau plus froide ralentit leur croissance, par conséquent les homards sont de plus petite taille.
Le nom « homard de conserverie » a un sens historique parce qu'il s'agissait généralement de homards plus petits qui étaient réservés pour la mise en boîte. Il y a un bon nombre d'années que nous avons abandonné nos anciennes habitudes de mise en conserve, mais il existe certainement de nombreuses nouvelles façons innovatrices de transformer le homard. À l'heure actuelle, à l'Île-du-Prince-Édouard, nous essayons d'élaborer un nouveau nom pour ce type de homard. Ce n'est pas un terme qui est fréquemment utilisé dans ce secteur industriel. On parle essentiellement du poids des homards, bien que cela puisse avoir une connotation négative même si ce n'est absolument pas le cas. Lorsque notre président, Mike McGeoghegan, est allé en Chine, ce terme a été mentionné par un interprète. Il y a eu une impression immédiate de la part des acheteurs qu'il s'agissait d'un produit non conforme aux normes parce que certains des produits dans cette partie du monde ne sont pas perçus comme étant des produits de qualité. C'est un des défis que nous essayons de relever.
Pour ce qui est des statistiques liées à l'industrie de l'Île-du-Prince-Édouard, les homards de conserverie représentent de 60 à 65 p. 100 de toutes nos prises. De nos jours, 89 p. 100 de la valeur d'exportation provient du marché du homard de conserverie, il s'agit donc d'une répercussion importante pour l'Île-du-Prince-Édouard. Pour ce qui est des petits homards en général nous mettons essentiellement l'accent sur trois types à l'Île-du-Prince-Édouard : les homards entiers et les queues cuites — ils représentent environ 53 p. 100 de nos exportations —, viennent ensuite les homards-glaçons, qui sont emballés dans des enveloppes plastiques et congelés et troisièmement il y a ceux qui sont décortiqués pour la viande et qui représentent environ 20 p. 100.
Demain, des représentants de l'industrie de la transformation s'adresseront au comité. Comme Barry MacPhee, représentant provincial, l'a mentionné ce matin, il existe différents modèles d'affaires entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, les deux provinces qui font l'essentiel de la transformation. Encore une fois, nous mettons essentiellement l'accent sur les homards entiers cuits ou sur des produits de homard transformé, tandis que le Nouveau- Brunswick a développé de solides marchés essentiellement pour les queues de homard et la viande de homard.
Nous avons eu beaucoup de succès dans le développement de marchés à créneaux. Il existe des marchés bien précis où l'on cherche à obtenir un produit de plus petite taille; les croisiéristes par exemple, les casinos et les restaurants- buffets. Peut-être que la meilleure façon de vous expliquer cela de façon claire, c'est que si quelqu'un annonce un rabais sur un homard entier, cela apporte une certaine uniformité de sorte que tout le monde obtient un homard d'à peu près la même taille. Ensuite, c'est une question d'emballage. Les produits de plus petite taille nous permettent de les conditionner de façon qu'ils soient faciles à expédier et à garantir la satisfaction des clients en bout de ligne.
Pour ce qui est de certains points que j'ai soulevés plus tôt, c'est un homard de haute qualité. Cela permet d'offrir un homard de haute qualité pour un prix moindre. Il n'y a pas de produit comparable ou de rechange sur le marché. Nos homards de plus petite taille sont uniques au Canada, et il n'y en a pas au Maine ni dans d'autres parties du monde même s'il s'agit d'un produit pêché dans des eaux moins froides et qui ne se compare pas aux écrevisses ou à tout autre produit semblable. Cela permet d'offrir aux clients, aux utilisateurs finaux, une plus grande gamme de produits de différentes tailles.
L'un des éléments les plus positifs porte sur la biomasse. Les stocks sont résilients, de sorte qu'il est fortement recommandé pour le MPO de passer à 72 mm. Il y a eu beaucoup de discussions sur cette question au cours des dernières années et nous voudrions rester à cette taille. Si nous augmentons la taille de la carapace au-delà de 72 mm, cela affaiblira les deux principaux marchés de l'Île-du-Prince-Édouard, soit le marché des homards entiers cuits et le marché des homards-glaçons, ce qui aurait sans aucun doute des répercussions économiques.
Comme pour toute autre chose, la diversité de la taille est un atout dans les marchés. On ne veut pas avoir un marché trop stratifié qui comprenne trop d'options. Les consommateurs et les utilisateurs finaux ne s'y retrouveraient pas. Toutefois, je ne pense pas que cela serait favorable à nos économies locales si nous nous faisions tous la concurrence, soit cinq provinces, relativement à une taille unique de carapace ou une fourchette unique de taille. Nous avons des défis économiques à relever dans bien des domaines et nous ne voulons pas empirer les choses. Honnêtement, nous estimons que des augmentations de cette taille pour l'Île-du-Prince-Édouard se traduiraient par des pertes de perspectives économiques.
Nous estimons que le comité serait intéressé par certains points. Notre saison d'automne a été très difficile. Je sais qu'il y a eu des discussions et qu'il y en aura d'autres sur les défis que nous avons dû surmonter cette année. Un transformateur de l'île n'a pas pu utiliser 0,6 p. 100 de ses prises, ce qui est un pourcentage très faible, de sorte que nous avons constaté des changements assez considérables. Quant aux changements de température de l'eau et de la température ambiante, il faut noter que tout le monde a dû faire face à des températures plus élevées. Les pêcheurs ont eu recours à diverses méthodes, soit revenir au quai deux fois par jour si nécessaire afin de s'assurer d'avoir suffisamment de glace. On a dû déployer des efforts extraordinaires tout au long de la chaîne d'approvisionnement pour nous assurer de réduire les pertes au minimum.
L'une des choses qui devient de plus en plus courante sur le marché, c'est la demande des consommateurs pour des produits certifiés par une organisation indépendante quelconque. L'Île-du-Prince-Édouard participe à un projet pilote en collaboration avec le Conseil canadien des pêches, qui se fonde sur un modèle de confiance global de la FAO. Nous essayons de développer une norme canadienne qui, nous l'espérons, serait tout aussi respectée que la certification accordée par le Marine Stewardship Council, ou MSC. L'Alaska a très certainement fait un bon travail à cet égard. Cet État offre une diversité de produits certifiés par le MSC en plus de produits portant sa propre certification. Une fois que l'Alaska a obtenu la recommandation et qu'il s'est établi dans le marché, les choses se sont bien déroulées et ont certainement bien fonctionné pour eux. Nous avons déjà procédé à une pré-évaluation du Marine Stewardship Council.
Nous ne disons pas que nous nous orientons dans une direction plutôt que dans l'autre, mais nous constatons une demande croissante. Certains de nos transformateurs nous disent que les magasins à succursale et à gros volume exigent d'obtenir ce genre de produit, par conséquent nous y songeons sérieusement.
Qu'il s'agisse du marché du homard vivant ou du homard transformé l'un des défis, bien sûr, relève de l'offre. Encore une fois, si dans l'avenir tout le monde offre à peu près la même taille de homard ou la même fourchette de tailles ce marché pourrait être surapprovisionné. Historiquement, malheureusement lorsque nous nous retrouvons dans ce genre de situation les prix n'augmentent pas, ils ont plutôt tendance à diminuer et à rester bas si les prises sont importantes.
Il y a une note positive relativement à la structure de prix où nous avons constaté un rétrécissement de l'écart. Historiquement, la différence entre les homards de plus petite taille et les homards de table à l'Île-du-Prince-Édouard varie entre 50 et 75 cents la livre. Il y a eu des périodes au cours de la dernière année où il y a eu très peu de différence dans les prix et, en fait, les prix étaient identiques. Nous estimons qu'il s'agit d'un produit unique à grande valeur, et ce serait merveilleux de pouvoir un jour obtenir de meilleurs prix pour ce produit unique.
La dernière observation que je voudrais faire au comité a été prononcée par John Sackton. Il s'agit du rédacteur en chef respecté de seafood.com. Même s'il s'agit d'une organisation et d'une publication basées aux États-Unis elle couvre aussi le marché canadien de façon très détaillée cinq jours par semaine. John nous a fait un exposé en 2010, et je voudrais vous citer directement ce qu'il nous a dit « Toute augmentation supplémentaire de la taille au-delà de 72 millimètres serait désastreuse pour l'Île-du-Prince-Édouard. » Nous estimons que c'est très clair. Monsieur MacPhee, ce matin, a parlé de deux modèles d'affaires distincts dans la ZPH25. Nous ne disons pas que l'une est meilleure ou plus importante que l'autre, mais qu'il existe des marchés distincts avec des clientèles différentes et nous voudrions que cela continue.
Le président : Merci monsieur MacPherson
Je veux maintenant souhaiter la bienvenue au sénateur Mac Harb de l'Ontario qui vient tout juste d'arriver. Et je remarque dans le public le sénateur Carl Stewart Olsen qui est originaire du Nouveau-Brunswick. Je vous souhaite également la bienvenue Sénateur Olsen.
Nous allons maintenant entendre tous nos témoins avant de passer à la série de questions. Je pense que c'est la meilleure façon de procéder parce que, manifestement, vous avez toutes sortes d'opinions à exprimer.
M. Keith Sullivan, analyste de marchés, Fish, Food and Allied Workers : Je m'appelle Keith Sullivan, je représente le personnel et je suis analyste de marchés à Fish, Food and Allied Workers Union de Terre-Neuve. Cette organisation représente environ 17 000 travailleurs de la province essentiellement dans l'industrie de la pêche. Près de la moitié d'entre eux proviennent du secteur des pêcheurs et un grand nombre travaillent dans le secteur de la transformation.
Je veux remercier le comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. Je suis très heureux de voir que le comité a été très actif. La pêche au homard est sans aucun doute une industrie très importante pour nous tous et comme M. MacPherson l'a dit, c'est un secteur complexe de sorte qu'il est important d'obtenir une diversité de points de vue de différents intervenants de l'industrie.
Je vais vous présenter rapidement mes observations tout en essayant d'insister sur ce qu'il y a de plus important. Et je me réjouis à l'avance des questions qui suivront.
À Terre-Neuve, il y a environ 2 700 détenteurs de permis de pêche au homard. Au cours des dernières années, la valeur au débarquement pour cette industrie se situait aux alentours de 20 millions de dollars par année. C'est une diminution par rapport aux 30 millions de dollars obtenus il y a quelques années à peine. Il s'agit donc d'une perte considérable de revenus pour les pêcheurs. Il est important de signaler que cette ressource comporte beaucoup de valeur ajoutée supplémentaire. Comme on le constate souvent dans les statistiques d'exportation provenant d'autres provinces atlantiques du Canada où le homard est soit transformé davantage ou expédié vivant, et c'est essentiellement le cas dans les Maritimes.
Dans les zones de pêche au homard 11 à 14 sur les côtes sud et ouest de Terre-Neuve, il y a environ 1 000 entreprises de homard, et la pêche au homard constitue la pêche principale pour la plupart de ces entreprises. Quelquefois les chiffres ou la valeur au débarquement ne représentent pas nécessairement l'importance de cette pêche à Terre-Neuve. Quelquefois, les valeurs au débarquement sont plus élevées dans le cas de la crevette, par exemple, mais chaque dollar généré dans la pêche au homard est dépensé dans les diverses collectivités qui se trouvent dans des régions rurales de la province. La pêche au homard est pratiquée dans d'autres régions de la province — sur la côte Nord-Est —, mais elle ne représente pas la principale pêche. Par exemple, dans la région du sénateur Manning, et d'où je viens également, soit sur la même côte que St. John's, cette pêche y est relativement mineure.
La pêche au homard est gérée au moyen du contrôle des intrants et de mesures de conservation comme la restriction de l'accès, de l'attribution de permis, des limites imposées sur les casiers et de l'établissement de saisons. À Terre- Neuve, les homards ne sont pêchés qu'au début du printemps et de l'été, soit de la mi-avril au début de juillet, et aucune ZPH distincte n'a une saison de plus de 10 semaines. Les homards qui sont capturés sont habituellement robustes, et ils ont une carapace dure. Ils sont aussi de toutes les tailles au-delà de la taille légale de 82,5 mm. D'autres outils de conservation portent sur des limites de la taille maximale, le marquage par encoche en V et la fermeture de certaines zones.
La pêche au homard au Canada a démontré qu'elle était l'une des pêches les plus durables à long terme grâce à l'utilisation de ces outils de gestion et à la mise en œuvre du contrôle des intrants. On ne laisse pas de place au marchandage quant aux quotas ou aux quotas individuels transférables, d'ailleurs cela ne devrait pas avoir lieu. Le contrôle des intrants a fait ses preuves dans cette pêche. On ne peut pas vraiment écouter ceux qui préconisent les QIT en tant que mesure de conservation. Par exemple, chaque stock de poisson de fond ayant fait l'objet d'un moratoire a été géré en partie ou complètement par l'entremise des QIT. Les gens proposent souvent cette solution, mais je ne pense pas que cela viendra des représentants de l'industrie de la pêche au homard. Ce ne sont bien souvent que quelques acteurs qui sont en faveur de ces quotas. Nous ne savons pas exactement quels sont leurs motifs, mais cela ne vient certainement pas du secteur des pêcheurs.
Il est important que le MPO et le gouvernement du Canada travaillent avec les pêcheurs pour assurer la continuité des programmes fructueux qui ont été initiés par les pêcheurs et appuyés par le MPO. Le Programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique, qui a été annoncé par le MPO en 2009 et qui somme toute constituait un investissement modeste mais très important, a fait en sorte que les pêcheurs de Terre-Neuve dans les ZPH 11 à 14B, soit les zones de pêches au homard les plus importantes de Terre-Neuve, ont réduit volontairement leur nombre de casiers de 47 000 casiers, soit environ 17 p. 100 de leur effort de pêche total. Il est également important de reconnaître la contribution du gouvernement de Terre-Neuve à ce programme. Le gouvernement provincial a jumelé le montant de la contribution fédérale pour le programme MDIHA.
Les deux ordres de gouvernement ont collaboré avec les pêcheurs pour appuyer un programme qui est un bon premier pour assurer la stabilité et une augmentation de revenu à long terme pour les pêcheurs, qui demeurent engagés et continuent d'investir dans la pêche et de contribuer aux économies locales qui sont essentiellement situées en régions rurales. À ce jour, 134 permis ont été offerts pour être rachetés dans le cadre de ce programme de rachat de permis du homard qui se poursuivra jusqu'en 2014. J'ai mentionné qu'il s'agissait d'une première étape, mais il faut savoir que ce programme sera rentable pour nous dans l'avenir. Toutefois, il est impératif que nous cherchions des façons de poursuivre la rationalisation dans les secteurs où c'est nécessaire. Je ne préconise pas nécessairement cela pour tous les secteurs, mais dans les endroits où c'est nécessaire le gouvernement devrait certainement être ouvert à discuter des diverses possibilités avec les pêcheurs et à chercher des solutions aux problèmes. Comme je l'ai dit, il s'agit définitivement d'un bon premier pas.
Nous croyons également que le MPO doit mener des consultations valables auprès des organisations de pêcheurs légitimes lorsqu'ils cherchent à obtenir de la rétroaction sur des politiques publiques et toute question ayant trait à la gestion de nos pêches. Le MPO a insisté sur l'importance d'une approche plus inclusive en matière de planification des politiques publiques dans le cadre de l'examen des politiques de pêche au Canada atlantique. Le MPO n'a pas respecté cette approche dans le cadre de l'examen de l'avenir des pêches commerciales au Canada. Le processus n'a pas suffisamment mis l'accent sur les utilisateurs de la ressource qui sont les premiers touchés dans l'industrie, et la consultation a probablement été mal avisée. Elle n'a pas été transparente et a occasionné de nombreux maux de tête pour les acteurs de toutes les composantes de l'industrie.
Cette approche, qui comme je l'ai dit déviait de la politique du MPO, constituerait probablement une façon logique d'apporter des changements positifs, mais elle a en fait obligé les pêcheurs faisant partie du noyau de 36 flottes de pêche commerciale côtière et semi-hauturière indépendantes à s'unir autour de préoccupations communes. Le mouvement des pêcheurs indépendants représente presque tous les pêcheurs au Canada atlantique, y compris les pêcheurs de homard. L'organisation apportera aux pêcheurs de homard une voix puissante et constituera un atout important pour l'industrie et les gestionnaires au fil des ans.
Parmi toutes les choses négatives qui se sont produites, celle-là était positive, et nous espérons qu'elle constituera une tribune importante pour les pêches dans les années à venir. On nous reproche souvent d'être fragmentés, entre autres, de sorte qu'il est bien de voir qu'une tribune a pris naissance aux termes de ce processus.
L'industrie a poussé un soupir collectif lorsque le ministre Ashfield a annoncé qu'il n'apporterait aucun changement aux politiques de séparation de la flottille et des propriétaires-exploitants au Canada atlantique. Les pêcheurs craignent toujours que les voix des pêcheurs de homard indépendants faisant partie du noyau ne seront toujours pas considérées à leur juste valeur et que ce que l'on appelle le processus de modernisation et les changements de politique pourraient toujours déstabiliser notre industrie dans les diverses collectivités.
L'annonce du ministre sera totalement inutile à moins que le gouvernement fédéral ne respecte le délai d'avril 2014 pour l'établissement des accords de contrôle, qui sont essentiellement des contrats en vertu desquels quelqu'un d'autre que le détenteur de permis obtient le contrôle sur l'utilisation d'un permis de pêche. Nous nous opposons fermement à la prolongation de ce délai ou à la rétroactivité de tout permis faisant l'objet d'accords de contrôle. Les gens ont eu sept ans pour se conformer et en aucune façon ils ne devraient être récompensés pour ne pas l'avoir fait. Sept ans, ça représente beaucoup de temps pour s'ajuster dans cette industrie. Nous aimerions bien quelquefois avoir autant de temps pour faire face aux décisions prises par le MPO.
Par exemple, cette année des décisions monumentales ont été prises par le MPO. Nous avons essentiellement été abasourdis lorsque nous avons appris que les pêcheurs devront fournir leurs propres étiquettes de casiers, qu'il y aurait des changements aux programmes d'observateur, aux programmes d'attribution des permis et aux programmes des journaux de bord. Il était tard dans l'année et il n'y avait pas suffisamment de temps pour permettre aux pêcheurs d'établir des solutions de rechange aux programmes, contrairement à ce que le MPO aurait fait par le passé. Par exemple, l'an dernier le MPO gérait le programme des étiquettes de casiers. Les pêcheurs sont prêts à relever ces défis, mais le peu de temps qu'il leur est alloué pourrait très certainement leur poser problème, semer la confusion et occasionner probablement des erreurs coûteuses cette année.
Les changements exercent des pressions extrêmes sur l'industrie en raison de l'accroissement considérable des coûts. En 2009, le gouvernement fédéral a répondu à la crise que subissait l'industrie par de l'appui sous la forme du programme MDIHA. Cette année, la crise est toute aussi importante et bon nombre de facteurs n'ont pas changé. Les facteurs comme les débarquements accrus, une économie mondiale incertaine, les taux de change et toute une série d'éléments dont vous avez déjà sûrement beaucoup entendu parler font en sorte que nous nous retrouvons dans une situation semblable, et qui plus est cette année davantage de coûts sont imposés à l'industrie de la pêche, ce qui est très certainement problématique.
Le défi le plus important que l'industrie de la pêche au homard a connu au cours des récentes années a probablement été la création de marchés pour un produit de plus grande valeur en vue de contrebalancer l'accroissement de la disponibilité du homard. En tant qu'industrie, nous n'avons pas su miser sur un produit de luxe ni nous concentrer collectivement sur la demande accrue pour des protéines sûres, de qualité et durables. Nous avons un excellent argument de vente en faisant la promotion de l'image des pêcheurs indépendants qui approvisionnent le monde en homard au fur et à mesure que la technologie et les programmes de traçabilité s'amélioreront. Au cours des deux dernières années, les pêcheurs de FFAW ont participé à un projet de traçabilité qui fait la promotion en quelque sorte de cette image et des questions liées à la sécurité alimentaire. Le projet s'appelle Thisfish. Je n'entrerai pas dans les détails, mais il s'agit d'une bonne option pour accroître la valeur de nos entreprises de pêche au homard.
Toute approche doit se faire sur plusieurs volets. Nous pouvons faire toutes sortes de choses pour accroître la valeur de notre produit, mais il faut viser à accroître la valeur pour tous les intervenants de l'industrie et non pas se couper l'herbe sous le pied ou lutter pour s'en accaparer une plus grande part. Voilà où le Conseil canadien du homard peut apporter une contribution. Je siège au conseil d'administration pour Terre-Neuve. Le conseil a fait d'importants progrès pendant les premières années de son existence, et il inspire confiance et permet à tous les secteurs de l'industrie de s'asseoir autour d'une table et de mettre l'accent sur certains défis. À l'heure actuelle, les avantages ne sont peut-être pas évidents. Comme je l'ai dit, nous sommes en pleine crise en raison de facteurs externes plus particulièrement. Certaines des priorités qui ont été établies dans le cadre de fonctionnement du conseil, comme l'augmentation de la qualité et des initiatives portant sur l'image de marque sont importantes. Le Conseil canadien du homard a su susciter l'appui de l'industrie et des gouvernements. Il nous faut maintenant améliorer cet appui, dans la mesure du possible, pour nous faire progresser jusqu'à la prochaine étape et profiter des assises de la dernière année pour faire en sorte que toute cette bonne volonté et tous ces efforts puissent se transformer en résultats pour l'ensemble de notre industrie.
Le président : Merci, monsieur Sullivan.
[Français]
O'Neil Cloutier, vice-président, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec : Monsieur le président, je vais faire deux allocutions cet après-midi, une concernant notre organisation provinciale au Québec, qui regroupe le secteur des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie, et une autre, au niveau de mon organisation : une organisation régionale que je représente à titre le directeur général de l'organisation.
Je m'appelle O'Neil Cloutier. Je suis un pêcheur professionnel, et aussi un représentant de pêcheurs payé à l'année pour travailler pour eux. Je voudrais exprimer aujourd'hui, plusieurs problèmes dans la pêche au homard, ainsi que trois problèmes qu'on voit et qui sont, à mon avis, d'ordre majeur et qui sont des dangers qui vont nous toucher de plein fouet dans les prochaines années.
Le premier problème est celui de cette immense distorsion provoquée par le ministère des Pêches et Océans Canada par rapport à chacune des provinces exportatrices de homard où on voit des réglementations totalement différentes d'une province à l'autre et qui viennent créer des problèmes de surcapacité sur le marché. On va en parler un peu.
Le deuxième problème est celui de la nouvelle réforme de l'assurance-emploi qui va toucher, encore une fois, de plein fouet l'activité des pêcheurs côtiers, notamment ceux du homard, donc la viabilité.
Et le troisième problème est celui du contrôle de Pêches et Océans, qui est relié à sa volonté de moderniser les pêches au Canada par l'abolition des deux principes qui sous-tendent les pêches depuis environ 30 ans et qui sont le owner- operator et celui de la séparation de la flotille, qui sont intimement liés à un manque de contrôle du ministère des Pêches et Océans Canada ou à un manque de volonté de vouloir appliquer la même réglementation dans chacune des provinces. On pourra vous donner un exemple à ce moment là.
Concernant la crise du homard, si on revient au premier problème, on comprend qu'actuellement, la crise du homard est due essentiellement à un problème de surcapacité sur le marché, qui elle-même relève d'une incapacité de Pêches et Océans à faire adopter les mêmes réglementations de conservation dans chacune des provinces. Je vais vous donner un exemple. Dans la Baie-des-Chaleurs en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, on a adopté une approche qui nous avait été demandée, une approche de durabilité à l'époque où le CCRH avait déposé des coffres d'outils, en 1997 et en 2007, où le CCRH nous a demandé de regarder, d'avoir une vision de développement durable de la pêche au homard parce qu'ils sentaient qu'il y avait énormément de pressions sur la pêche au homard à travers le Canada atlantique, et nous, dans la province de Québec, on l'a adopté et on s'en est fait un plan de travail des éléments contenus dans ce document pour modifier notre comportement face à la pêche et à la vision du futur de la pêche. Donc, on a, sur plusieurs années, travaillé très fort pour assurer que la pêche au homard perdure et s'exploite de façon durable.
En même temps, certaines provinces — et il faut bien comprendre qu'on ne veut pas jeter d'eau sur le feu — ont totalement ou presque totalement ignoré la volonté de l'époque du CCRH de faire progresser à un niveau égal à travers l'Atlantique, ce qui fait qu'aujourd'hui, ça conduit directement au problème de surcapacité qu'on a sur le marché et où on offre deux types de produits. Contrairement à mon ami Ian qui pense que les petits homards, c'est super intéressant pour les consommateurs, moi je pense que le petit homard, présentement, conditionne le prix du homard vers le bas, alors que dans beaucoup de régions, notamment la nôtre et aux Iles-de-la-Madeleine au Québec, on s'organise ou on travaille pour faire augmenter le prix du homard, pousser le prix du homard vers le haut avec un homard de grande qualité.
C'est très simple de voir comment c'est perçu sur le marché. Les petits homards, lorsqu'ils sont offerts par les grands distributeurs, les grandes surfaces, ça vient carrément détruire tout l'effort qu'on fait pour avoir un prix décent pour un homard de qualité. Ça, on le voit sur le marché de Montréal, et je dois vous souligner aussi que c'est le deuxième marché en importance après Boston. C'est quand même Montréal, et c'est sur notre marché. On voit carrément quand nos industriels tentent d'acheminer leur homard de bonne qualité de taille supérieure à 82 millimètres vers le marché de Montréal, et quand on voit les Métro et les IGA et les Sobeys, qui s'alimentent dans les Maritimes, offrir du homard à 4,88 $, on peut comprendre qu'il y a un jeu qui se fait, et le jeu pour attirer le monde dans les magasins, c'est « je vais te donner plus de homards, tu vas avoir plus de homards. Ils sont plus petits, mais tu vas en avoir deux au lieu d'en avoir un. » C'est cela qu'on regarde quand on s'appelle consommateur et qu'on n'a pas beaucoup d'argent ou qu'on a moins d'argent. Comment pourrais-je offrir du homard à ma famille afin que tout le monde puisse en manger au moins un. Ça, ça vient vraiment nous faire mal.
Dans la Baie-des-Chaleurs, on a travaillé très fort avec nos collègues du Nouveau-Brunswick pour leur faire comprendre cette vision des choses : vous devez comprendre qu'on est à quelques 20 kilomètres, 30 kilomètres de distance entre la rive Nord et la rive Sud, et on voulait leur faire comprendre que nous on avait une taille de homard de 82 millimètres, et que leurs homards étaient à 70 millimètres. Heureusement, ils sont rendus à 76. Ils ont compris. Les pêcheurs d'aujourd'hui, de cette la Baie-des-Chaleurs du côté du Nouveau-Brunswick, à mon avis, et parce que je suis un pêcheur, je comprends qu'ils sont très heureux d'avoir fait le move. Alors, si les gens pouvaient comprendre que de réduire le volume sur le marché nous permettrait pour quelques années de stabiliser le jeu de l'offre et la demande, ça pourrait grandement nous aider partout dans les Maritimes. Le sacrifice n'est pas si grand que ça, compte tenu des hauts volumes que capturent ces régions là.
Le deuxième problème est celui de l'assurance-emploi. Vous avez vu passer au Sénat une modification, une nouvelle loi sur l'assurance-emploi qui va avoir des conséquences très néfastes sur la pêche au homard dans l'ensemble de l'Atlantique du fait que cette pêche est une pêche saisonnière et du fait que parallèlement au fait que le gouvernement canadien réclame de plus grandes périodes de travail pour chacun des secteurs d'activé. Le gouvernement canadien a oublié qu'il y a 20 ans, 15 ans, 25 ans passés, il nous a enlevé le seul outil qu'on avait pour pouvoir garantir que nous allions travailler plus longtemps sur l'eau durant une année, qui est, en fait, l'outil de la polyvalence. Du moment où on nous a enlevé toute notre polyvalence pour créer des pêcheurs spécialisés dans certaines pêches, on nous dit maintenant « vous ne travaillez pas assez longtemps. »
Nous, ce qu'on veut dire au gouvernement, et on a commencé à le dire, et vous avez vu certaines manifestations à ce sujet, « si tu veux qu'on travaille plus longtemps, reviens au modèle qui a conduit les pêches dans les années passées à une plus grande période d'activité sur des périodes d'au moins six mois par année. » Il va falloir que le gouvernement y réfléchisse, sinon, il va carrément soustraire de la pêche tout notre savoir-faire. On nous a dit que ça ne touchait pas les capitaines-propriétaires, que cela ne touchait pas les pêcheurs. On ne nous a pas dit que ça ne touchait pas les aides- pêcheurs par exemple, et les aides-pêcheurs, c'est le savoir-faire de notre industrie. C'est la relève de notre industrie. Ces aides-pêcheurs, en ce moment, sont obligés, trois fois par semaine, de se trouver un employeur qui veut bien signer un petit papier, lui charger 15 $, parce qu'ils ne le font plus gratuitement. Les employeurs régionaux sont écoeurés de signer des papiers, au nombre qu'on est, et de démontrer qu'ils font de la recherche d'emploi. Ces aides-pêcheurs sont en train de se faire écoeurer par le système, et ces aides-pêcheurs vont trouver de l'emploi ailleurs après s'être fait écoeurer, ils vont possiblement s'en aller dans le Nord, dans les grands projets parce qu'on en a plein, vous le savez, au Québec et en Alberta, et ils vont disparaître, et en même temps, ça va être notre relève qui va disparaître et notre savoir- faire qui va disparaître.
Je pense que le gouvernement canadien fait une énorme erreur et moi, je compte sur vous les sénateurs, car vous êtes au niveau législatif quand même, pour essayer de rappeler à un certain député ou un certain ministre qu'ils font vraiment une erreur d'accabler l'ensemble des provinces maritimes avec ce problème en surplus des autres problèmes qu'on a. Je pense qu'ils devraient regarder ce qu'ils font, parce qu'à ce moment-ci, ils ne savent pas ce qu'ils font.
Le troisième problème dont je voudrais discuter, c'est celui de la tentative, encore une fois, du gouvernement canadien, du ministre des Pêches, il y a quelques années de moderniser la pêche en voulant sacrifier les deux principes qui sont le owner-operator et celui de la séparation de la flotille. Une guerre, un enjeu, une bataille pour laquelle nous avons remporté une première manche, qui est celle que le gouvernement a reculé sur ces deux principes et a décidé de surseoir à sa décision de les abolir.
Je voudrais soulever une problématique qui sous-tend cette volonté et c'est celle des accords de contrôle. Au Québec, et là, ne soyez pas surpris, la ministre des Pêches et M. Ashfield, le ministre fédéral des pêches, ont dans les mains les accords de contrôle. Au Québec ces accords sont contrôlés. Ce n'est pas notre problème s'ils ne sont pas contrôlés par le ministère des Pêches et Océans dans les autres provinces. Au Québec, la justice a enlevé trois permis à un pêcheur qui contrôlait trois permis. On lui a donné 145,000 $ d'amende en septembre dernier, et l'accord de contrôle a été démoli. Alors, si ça se fait au Québec, pourquoi cela ne se fait-il pas dans les provinces maritimes? Qu'on ne vienne pas nous raconter n'importe quoi comme gouvernement. Le problème, ce n'est pas le owner-operator et la séparation de la flotille : le problème c'est le laxisme de Pêches et Océans Canada qui ne sait plus comment gérer ses pêches au Canada. C'est ça le problème. La justice québecoise a démontré qu'il y avait un laxisme parce qu'elle a reconnu que la loi de M. Hearne de 2007, elle était là, elle avait des dents, et on pouvait s'en servir. Qu'ils s'en servent pour régler des problèmes dans les maritimes, en Nouvelle-Écosse, entre autres, des problèmes d'accords de contrôle qui sont en train de miner la figure de la pêche au Canada atlantique. C'est quelque chose d'extrêmement grave.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous le dire. C'est très grave ce qu'on fait. On est en train de détruire l'image de la pêche au Canada alors qu'on se proclame partout dans le monde comme étant des bons gestionnaires. Je trouve ça cheap, excusez-moi, vraiment cheap. C'est ce que j'ai à dire pour l'instant.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur Cloutier.
Monsieur Brun?
[Français]
Christian Brun, directeur général, Union des pêcheurs des maritimes : Je m'appelle Christian Brun, directeur général avec l'Union des Pêcheurs des Maritimes. Aux fins d'encadrement, j'aimerais souligner que l'Union des pêcheurs des Maritimes a quelques 1 300 membres au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Nos membres font surtout une pêche multi- espèces, donc, pêchent le homard principalement, le hareng, le pétoncle, le flétan, et cetera. On dit souvent que l'industrie de la pêche au homard est fragmentée. On a fait beaucoup d'efforts depuis les dernières années pour trouver des façons de rallier nos efforts. Récemment, et on a depuis quelques années travaillé au Conseil canadien du homard. Monsieur Sullivan l'a mentionné. On fait donc partie aussi de cette organisation qui vise surtout à regrouper les associations de pêcheurs et les acheteurs et usines de transformation au Canada atlantique pour qu'ils puissent effectuer des travaux sur la question de qualité et de promotion du homard.
Il y a un autre mouvement aussi, et encore, M. Sullivan l'a mentionné plus tôt, le Mouvement des pêcheurs indépendants du Canada qui, quant à lui, regroupe 36 associations de pêcheurs en atlantique pour mieux diriger des réformes sur la base justement, ce que M. Cloutier mentionnait, sur la base de l'indépendance des entreprises de pêche et de la récolte.
J'aimerais peut-être commencer en mentionnant, pour ajouter aux propos de M. Sullivan et M. Cloutier sur la question de la politique du propriétaire-opérateur, donc, sur l'indépendance du secteur de la récolte en atlantique. Je pourrais vous en parler longuement. Je pense que c'est plutôt pour le homard qu'on est ici aujourd'hui, mais c'est tellement crucial pour la pêche homard, qui est la pêche principale en atlantique : j'aimerais mentionner que j'ai eu vent qu'il y avait eu des discussions entre M. Gardner et un des sénateurs qui fait partie de votre comité plus tôt cette semaine.
Pour résumer, j'aimerais tout simplement dire que cette politique du propriétaire-opérateur, la séparation de la flotille, a été engagée à trois reprises déjà dans les derniers 10 ans et a été amplement débattue. Ce débat répété a dégagé déjà trop d'énergie. On doit maintenant se concentrer sur des réformes pour progresser sur la base de cette politique. En d'autres mots, nous, ce qu'on est en train de dire, et les 36 organisations qui font partie de ce mouvement, c'est que assez c'est assez. On veut bâtir à partir de ces fondements et puis, on a déjà débattu. On a fait le débat. Il y a des choses qu'on peut faire, à partir de là, qui peuvent améliorer la situation pour tous les joueurs dans notre industrie, y compris les gens qui sont dans le secteur industriel.
On est également de l'avis que notre approche peut avoir d'énormes opportunités, mais on n'est pas en train de les rechercher. On est trop occupés, comme on dit en bon Acadien, à s'obstiner entre nous autres. On a des opportunités de mise en marché pour ces plus petites flotilles qui ont une histoire à raconter et qui plait aux consommateurs. Donc, à notre avis, il faut trouver des façons de la raconter cette histoire, de la communiquer au consommateur pour améliorer notre situation puis, aussi miser sur des plans de rationalisation où on peut tous contribuer pour améliorer la rentabilité de tout le monde. À ce niveau là, je suis très d'accord avec le fait qu'il y a une date limite pour 2014, qu'il y a une politique qui a été instaurée. On doit absolument la respecter.
Pour ce qui est du homard, on a 10 000 pêcheurs au Canada atlantique qui créent 30 000 emplois. C'est le créateur d'emploi privé le plus important au Canada atlantique, et puis, pour plusieurs de nos communautés, c'est le principal moteur économique. Et là, quand je vous parle de ça, ce n'est pas dans la fiction que je vous parle de ça. Je vous dis que pour les résidents de village — plusieurs d'entre eux sont ici aujourd'hui — de Petit-Rocher, Inkerman, Miscou, Néguac, Pointe-Sapin, Richibouctou, Cormier-Ville, Cap-Pelé, Shemogue, Murray Corner, Pictou, Debec, Pointe-à- l'Église, Meteghan, ils n'ont rien de différent ces gens des gens qui vivent dans des grands centres économiques, mais ils veulent tout simplement générer un gagne-pain. Ils veulent tout simplement réaliser le potentiel de leurs enfants. La même chose que tout le monde, mais ils ont des limites pour les moteurs économiques, et la pêche, c'est le principal moteur. Donc, je vous recommanderais de maintenir cet aspect là en tête. C'est très important pour tout le reste, surtout que la pêche au homard, c'est plus importante pour la plupart de ces gens.
Pour ce qui est du homard, il faut tout de suite comprendre, au début — parce que ça peut tout de suite arriver à créer de la confusion — qu'il y a deux secteurs tout aussi importants, inter-dépendants qui visent des marchés différents. Il y a le marché du homard congelé, et il y a le marché du homard vivant, et ça, ça peut créer beaucoup de différences. Les deux secteurs offrent des produits de qualité qui répondent à une demande variée. Le secteur du congelé partage les marchés du homard canadien à 50 p. 100, et selon plusieurs, prendra beaucoup d'ampleur dans l'avenir parce que les habitudes culinaires des nouvelles générations changent. Le secteur du congelé prend beaucoup plus d'importance si on écoute les experts qui regardent un peu en avant dans l'avenir. De plus en plus de homards capturés par nos membres au Nouveau- Brunswick, essentiellement aux États-Unis, compte pour plus de 80 p. 100, donc, principalement dans des marchés de produits congelés pour des restaurants, pour des buffets, pour des grands centres de touristes, et cetera. Soixante p. 100 de ces ventes des transformateurs, spécifiquement au Nouveau-Brunswick, sont vendus sous forme de queues de homard et la balance en chair de homard et de coquilles entières.
Vous avez sûrement entendu parler qu'il y a eu plusieurs problèmes récemment dans la pêche au homard dont un dernier éclat cet été dans la région du sud-est du Nouveau-Brunswick. À notre avis, les faits suivants sont incontestables pour expliquer le problème actuel. Les débarquements de homard ont triplé au Canada depuis les années 1970, et quadruplé aux États-Unis depuis 1985, ce qui résulte en des volumes qui ont dépassé 250 millions de livres en 2011, divisé à peu près également entre ceux du Canada et des États-Unis, donc 125 millions de livres à peu près entre les deux pays, un plateau vraiment historique. Ça explique, comme d'autres l'ont mentionné, une grosse partie du problème. Donc, il faut noter que la transformation au Nouveau-Brunswick aussi de ce montant qui est transformé ou produit au Canada, a utilisé au-delà de 70 millions de livres en 2011, donc quand même une très grosse partie du 125 millions de livres, plus la moitié. Le modèle d'affaires canadien est maintenant fondé sur un taux de change à parité. On le sait tous. On sait que le plan d'affaires, surtout pour la pêche au homard et d'autres pêches, a changé depuis les dernières années.
Côté marché, l'un des plus gros acheteurs américains de produits congelés Darden Restaurants, qui sont propriétaires de Red Lobster, a récemment effectué un changement majeur d'approvisionnement en éliminant l'achat de queues de homard en deça de quatre onces, ce qui donne une taille équivalente d'à peu près 77 millimètres, selon les usines de transformation, tandis que la taille minimale pêchée dans la plupart des régions du Golfe seront à 72 millimètres en 2013, ce qui donne un équivalent de deux à trois onces pour une queue de homard. Cette décision, à mon avis, a constitué une des principales causes de la crise qu'on a vécu cet automne, et ça, c'est important de le retenir. À notre avis, c'est ce changement qui a vraiment bouleversé les choses.
Côté secteur de la transformation, il y a un problème sérieux qui réside dans le fait que le secteur canadien de la transformation est trop fragmenté. Il détient un faible rapport de force vis-à-vis les marchés américains et ceux qui amènent le produit du homard jusqu'au marché américain. Ce qui nous appartient localement, en termes de notre transformation, n'est pas assez fort pour pouvoir créer une force de négociation suffisante pour négocier des prix qui reflètent les marchés.
Côté biologique, même s'il existe une abondance de homard ailleurs, il y a une région toujours dans le centre du Détroit de Northumberland, qui a d'énormes problèmes de recrutement, et ça se manifeste avec les débarquements qui sont beaucoup moins élevés que la norme dans tout l'Atlantique. Donc, ça semble bien aller en Atlantique, mais il y a quand même des régions où ça va encore très mal. Le problème, c'est qu'on ne peut pas encore expliquer le pourquoi. Ça devient sérieux, et, à notre avis, on devrait avoir davantage d'investissements pour mieux comprendre ce qui se passe dans cette région-là. On ne sait pas si c'est quelque chose qui va se propager en Atlantique, on ne sait pas si c'est quelque chose qui est temporaire et qui va disparaître comme problème, mais on n'a pas de réponses à ces questions. Donc, ça, c'est très dangereux à notre avis.
Il faut noter aussi qu'une augmentation substantielle de la taille minimale selon les biologistes, selon les rapports du CCRH qui ont été produits en 1987 et en 2007, dénotent qu'il serait sage afin d'améliorer les chances biologiques pour le recrutement de homard, surtout dans ces régions là, d'augmenter la taille minimale de façon considérable, la taille minimale du homard.
Côté récolte pour la région du Golfe en particulier qui vit ces problèmes, surtout pour le centre de Détroit, puis, tout le Golfe qui a une taille minimale plus petite, donc, qui est un homard plus petit, l'augmentation de la taille est un excellent investissement pour un pêcheur de homard. C'est ce qu'on a arrivé à comprendre avec certaines études, et plusieurs pêcheurs nous le disent aussi. La preuve existe dans les résultats au Québec, dans le Golfe de la Nouvelle- Écosse, dans le nord du Nouveau-Brunswick aussi, qui ont fait pour un petit groupe de pêcheurs un bond pour améliorer la taille. Pour le pêcheur, ça donne un triangle de bénéfices. Pas juste un bénéfice pour plusieurs pêcheurs, leurs perspectives, ils disent que de un, les homards de petites tailles qui sont remis à l'eau vont être pêchés l'année suivante avec 40 p. 100 plus de poids : ils vont augmenter avec la mue, avec le changement de coquille de homard, jusqu'à une quinzaine de millimètre de grandeur. Le pourcentage de gros homards augmenterait pour donner un peu d'option de vente.
Le deuxième point, c'est que la biologie du homard est enrichie et amène une meilleure stabilité des captures, donc, il a plus la chance de produire des oeufs de qualité, plus résistants, et puis, ça donne une meilleure chance au homard d'améliorer sa biologie.
Le troisième point, le troisième bénéfice, c'est que ce changement répond aussi au désir des marchés en général. Il faut comprendre que les marchés indiquent depuis quelques années qu'en raison du changement de Red Lobster et autres, que la taille minimale doit être augmentée pour répondre à leurs besoins. Ils en font la demande. En plus de ça, quand on regarde au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, avec la taille minimale plus petite, on n'est pas trop compétitif avec le homard qui entre d'autres provinces, parfois de la Nouvelle-Écosse et du Maine, donc, il faut trouver une façon d'être compétitif pour avoir un produit semblable. Malheureusement, les efforts qui ont été entrepris au cours des 10 dernières années pour augmenter cette taille minimale et pour essayer d'améliorer la situation des pêcheurs et de la biologie et pour répondre au marché, ont été freinés par des flotilles de pêcheurs d'autres provinces, puis, a aussi été freinée par une succession de ministres fédéraux des Pêches qui, au fil des années, ont choisi de protéger ces intérêts, des intérêts qui veulent garder des marchés de niche au lieu de l'ensemble, au lieu d'un plus grand nombre de pêcheurs, puis, ça, on trouve que c'est difficile pour pouvoir s'adapter au marché aussi.
À notre avis il est temps d'agir plus que jamais pour que la région du Golfe ne répète pas cette crise qu'on a vécu l'été dernier, en 2012, puis, qu'on se retrouve dans une situation où on peut répondre aux besoins du marché, améliorer la biologie du marché, améliorer la biologie pour les régions qui sont dans un état critique et puis, améliorer la rentabilité des pêcheurs en même temps. C'est notre thèse et puis, on sait qu'il n'y a pas de recette miracle, mais c'est un facteur de changement à notre avis, un des seuls qu'on contrôle, un des seuls que la récolte peut faire le changement et puis, c'est celui qu'on recommande.
[Traduction]
Le président : Merci. C'est beaucoup d'information. Nous allons passer directement aux questions en commençant par le sénateur Hubley.
Le sénateur Hubley : Je souhaite la bienvenue à tous et je suis ravie de voir que la salle est pleine.
Je vais parler de la grosseur de la carapace parce que la question a été soulevée plusieurs fois et de différentes façons. Quel est le poids d'un homard dont la carapace mesure 71 ou 72 millimètres, en règle générale?
Membre de l'assistance : Trois quarts de livre.
Le sénateur Hubley : Trois quarts de livre.
Je sais qu'il y a des homards de conserverie et que le marché dépend de la taille de la carapace, mais lorsqu'on parle de différentes grosseurs, je m'y perds un peu. Si je savais quelle est la taille d'un homard de conserverie, et le poids minimal pour le marché, cela m'aiderait peut-être.
[Français]
M. Cloutier : En fait, madame, un homard de 76 millimètres, ça correspond à un homard de 0,75 livres. Un homard de 82 millimètres correspond à un 0,95 livres, proche d'une livre, et un homard de 72 millimètres correspond à un homard de 0,60, alors près d'une demi-livre.
Le sénateur Poirier : Pouvez-vous répéter le dernier, s'il vous plait?
M. Cloutier : La taille?
Le sénateur Poirier : Non, le 76 millimètres.
M. Cloutier : Le 76 millimètres, trois-quart de livre, 0,75.
Le sénateur Poirier : Oui, mais c'était quoi en millimètre?
M. Cloutier : Soixante-seize millimètres.
Le sénateur Poirier : Soixante-seize.
M. Cloutier : Oui, 82 millimètres, c'est 0,95 d'une livre, et 72 millimètres, c'est proche de 0,60, une demi-livre. Ces homards, lorsqu'ils muent, prennent 40 p. 100 de poids, donc si on permet à cette catégorie de homards de changer de carapace, donc si on les laisse à l'eau une année de plus, ils vont prendre 40 p. 100 de poids, donc, ils vont tomber à un homard au-dessus de trois-quart de livres.
[Traduction]
Le sénateur Hubley : Lequel? Trois quarts de livre, oui.
[Français]
M. Cloutier : Je ne voudrais pas m'embarquer dans une guerre d'échange de mots, mais le marché du Québec, on le connaît très bien. On vient du Québec, alors moi, ça ne me dérange pas vraiment que dans les différentes provinces, on veuille pêcher du homard d'une taille ou d'une autre, mais ce que je dis, c'est que si vous voulez faire ça, gardez-le chez- vous par exemple. Ne venez pas obstruer mon marché alors que moi je fais des efforts, que je suis obligé de faire des efforts parce que le gouvernement me demande de faire des efforts, ne venez pas l'obstruer, puis, venir concurrencer le prix de notre bon homard, de notre qualité de homard sur notre marché. Gardez-le chez-vous. Je n'ai pas de problèmes avec ça. Mais, ce n'est pas ce qui se passe en réalité, parce qu'il n'y a pas de frontière au niveau des marchés au Canada. Vous le savez. Il n'y a pas de grande frontière. Le marché est ouvert. C'est le libre-échange. Mais ce homard vient à Montréal sur nos marchés printaniers au moment où on commence à pêcher. Il vient concurrencer, il vient offrir — on va dire mieux que ça — il vient offrir aux grands détaillants des possibilités de réduire le prix en général du homard avec l'aide du petit homard vivant.
Si on veut faire des boîtes de conserve avec, qu'on en fasse, mais qu'on ne le laisse pas entrer sur le marché du Québec par exemple, sinon, les Québecois, on va être obligé de demander à notre province d'adopter des mesures plus strictes, des mesures de protection du marché parce qu'on est en train de faire banqueroute avec ça.
Il faut comprendre une chose. Au Québec, dans ma région à moi, nos pêcheurs prennent en moyenne 12 000 livres de homard par année. Alors 12 000 livres de homard par année pêché à 6 $ la livre comme c'était antérieurement, on pouvait s'en sortir. Mais à 4,50 $, on vient juste de nous empêcher d'être viables et les grands distributeurs se servent du petit homard pour atteindre leur objectif de réduire le prix sur le marché. Si vous voulez savoir si c'est vrai ou pas, regardez le fameux comité sur la chaîne de valeur. Il y a eu un rapport de novembre 2011 où les membres de ce comité- là disent qu'il faut absolument réduire les prix de base pour tous les produits au Canada, alors, je m'excuse, mais le homard, c'est un produit de base aussi. C'est là où ça nous fait mal, et c'est là où on n'est pas d'accord. On devrait avoir juste une vision, celle de s'assurer qu'ils ne jouent pas avec nous, et la façon dont ces grandes surfaces jouent avec nous, c'est en utilisant du petit homard. Je suis désolé, mais c'est la réalité.
[Traduction]
Le sénateur Hubley : Merci. Ma question porte sur les différentes grosseurs de homard, les exigences du marché, les souhaits des consommateurs, au moment où les habitudes alimentaires sont en train de changer. Il y a également des différentes façons d'apprêter le homard et aussi la commercialisation énergique ou non de votre produit.
Je dirais d'abord que le terme « homard de conserverie » ne décrit pas nécessairement bien ce genre d'animal, le petit homard; je ne crois pas non plus que le terme « homard de table » désigne clairement le homard plus gros dans l'esprit des gens. C'est sans doute le cas ici dans les Maritimes. On a amélioré la commercialisation de différentes sortes de poisson en les désignant par des termes peut-être plus favorables. Cet aspect sera important pour le marketing du homard.
Il y a peu de denrées qu'on ne puisse obtenir dans différentes tailles et formes, et apprêtées de différentes façons. Il appartient à l'industrie d'en tenir compte et de penser, pas à une, pas à deux, mais à toutes les possibilités au moment de commercialiser le homard afin de trouver le meilleur créneau pour les différentes tailles et parties du homard.
À l'heure actuelle, est-ce que la taille minimale de la carapace est la même dans les zones 24, 25 et 26?
M. Sullivan : Oui, dans l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Hubley : Oui, et à l'Île-du-Prince-Édouard nous aimerions continuer à pêcher les plus petits homards pour répondre aux besoins des marchés qu'on a trouvés au fil des ans. Bien que vous pêchiez un homard de taille différente, qui peut être destiné à un produit différent ou utilisé pour une autre raison — ne pourriez-vous pas tous les deux prospérer?
Mike McGeoghegan, Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard : Absolument.
Bien sûr, il y a la diversification des marchés. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons un modèle de commercialisation tout à fait différent de celui qui existe sur le continent et dans les Îles de la Madeleine, au Québec. Nous n'avons aucun mal à vendre du homard de la taille que nous pêchons en ce moment. Cela dépend du modèle de marché que nous visons. C'est une pêche durable à l'Île-du-Prince-Édouard. Pourquoi tenterions-nous de percer le même marché qu'eux? Cela mènerait à une concurrence bien plus farouche. En ce moment, nous avons une diversification dans le domaine du homard.
Lorsqu'on parle de la taille de la carapace, tout dépend de la zone dans lequel vous pêchez. Nos homards de conserverie, d'une taille de 71 millimètres, que nous pêchons dans le détroit de Northumberland pèsent en fait entre trois quarts de livre et une livre. Cela dépend de la zone dans laquelle on pêche le homard car la teneur en chair du homard est complètement différente. En ce qui concerne la quantité de chair de homard dans l'animal, la situation de chaque zone est tout à fait différente.
Le sénateur Hubley : Vous voulez également intervenir?
[Français]
M. Cloutier : Aujourd'hui, compte tenu que le marché américain a changé depuis quatre ou cinq ans à cause de la dévaluation du dollar américain, 90 p. 100 de nos homards, peut-être 100 p. 100 de nos homards sont consommés par le marché québecois. Il y a peut-être un groupe qui en achète, un groupe du Nouveau-Brunswick qui s'appelle Pier 99, une compagnie qui achète du homard de l'Île-du-Prince-Édouard d'un groupe d'anglais, et lui, je ne sais pas où il l'envoie, mais je sais qu'il y une partie de son homard qui va sur le marché de Montréal aussi, mais je dirais que 90 p. 100 du homard québecois est consommé sur le marché québecois, et on capture huit millions de livres à peu près par année, Îles-de-la-Madeleine et Gaspésie ensemble pour 600 pêcheurs à peu près.
[Traduction]
Le président : Je comprends votre frustration. Quel pourcentage du homard pêché au Québec est expédié à l'extérieur de la province?
[Français]
M. Brun : Si possible, j'aimerais faire un commentaire, monsieur le président.
On a une région où je disais qu'on avait la majorité, une grande partie des problèmes, des difficultés, c'est le Centre de Détroit qui est la zone 25, et qui est en fait la zone où il y a eu une dernière crise l'été dernier qui a éclaté. Cette zone- là a une petite étendue d'eau, alors l'espace qui est disponible pour faire la pêche n'est pas très grand. Donc, il y a une tradition qui s'est développée au fil des années que les pêcheurs dans cette zone-là pêchent un peu partout et donc côtoient les deux provinces, et le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard.
Il y a aussi quelques pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, un très petit nombre. Donc, pour un groupe dans cette zone qui a un marché différent ou qui fonctionne avec un plan d'affaires différent, si on décide d'augmenter la taille minimale dans une province, les homards qui sont laissés à l'eau, évidemment, les pêcheurs de la province voisine ou de l'autre zone vont capturer ces homards et ça ne donnera aucun bénéfice pour l'environnement ou la conservation, la biologie du homard. En d'autres mots, ces homards seront laissés aller par un groupe de pêcheurs et seront récupérés par l'autre groupe durant la même saison. C'est ce qui arrive, et c'est ce qui crée cette impasse souvent entre les groupes de pêcheurs. C'est arrivé au cours des dernières années que les pêcheurs n'acceptent pas de faire un changement pour que d'autres groupes en bénéficient et qu'ils ne réussissent pas à en bénéficier eux-mêmes dans le fond, vous voyez.
En plus, j'aimerais vous mentionner un autre point qui est important. Les transformateurs au Nouveau-Brunswick, donc, le secteur de la transformation au Nouveau-Brunswick, quand on dit que c'est deux secteurs sont séparés à l'Île-du- Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, ce n'est pas tout à fait vrai puisque 50 p.100 du homard qui provient de l'Île- du-Prince-Édouard est en réalité transformé dans des usines de transformation du Nouveau-Brunswick. Donc, pour des pêcheurs de dire qu'on va augmenter la taille minimale du homard et ensuite, on va prendre le contre-coup de le laisser être pêché par d'autres pêcheurs, et ensuite, ces pêcheurs qui ont dit « non, nous on ne voulait pas suivre, on ne voulait pas augmenter la taille, mais on va envoyer du homard pour être transformé dans la province où les pêcheurs ont fait cet effort de faire le changement », c'est inacceptable pour les pêcheurs d'accepter ça et d'arriver à faire un changement qui semble être nécessaire. En tout cas, pour le plan d'affaires du Nouveau-Brunswick, c'est nécessaire puisque les marchés ont changé.
[Traduction]
Le président : Vous voulez répondre?
[Français]
Reginald Comeau, coordonnateur régional, Union des pêcheurs des maritimes : Je pense que c'est difficile pour des pêcheurs de l'extérieur, que ce soit de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick, de forcer d'autres pêcheurs à adopter d'autres pratiques de pêche, comme par exemple, augmenter la taille. Du moment que les pêcheurs et moi- même de la zone 24, par exemple à l'Île-du-Prince-Edouard, qui sont seuls à pratiquer la pêche sur ce terrain dans la zone de gestion 24, pêchent un homard qui, selon eux, commande un tel prix et pour lequel il y a des marchés qui n'affectent pas les marchés des autres, à condition que ce homard soit transformé par les industriels de l'île et mis en marché par les industriels de l'île, c'est difficile personnellement de voir comment on peut s'opposer à la demande des pêcheurs de l'île. Par contre, lorsqu'on partage un territoire comme la zone 25, c'est une toute autre histoire.
On a vu cet été, et je pense que c'est peut-être une des raisons pour lesquelles vous êtes ici cet après-midi, il y a eu une crise qui aurait pu déborder et être très sérieuse, avec des conséquences très sérieuses au niveau du commerce qu'on fait avec les États-Unis. Le fait qu'on pêchait un petit homard qui ne commandait pas les mêmes prix et qui était plus difficile à transformer qu'un homard en provenance du Maine à des prix ridiculement bas ou en-dessous de 2 $, il y a un mot pour ça mais je ne le dirai pas. Tout le monde sait ce que c'est. Il y eu des gros arrivages du Maine pour presque rien, et puis, les industriels du Nouveau-Brunswick voulaient à tout prix transformer ce homard parce que ça ne leur coûtaient rien, et nous, on était pris à concurrencer avec ça. On a pêché pour des prix dérisoires, et on va encore pêcher l'été prochain pour des prix dérisoires s'il n'y a rien de fait pour essayer de changer ça. Comment peut-on changer ça? Peut-être en étant aussi compétitifs que les pêcheurs du Maine, mais je doute fort qu'on puisse y arriver. Je pense que ce serait peut-être quelque chose que le comité sénatorial, vu que vous avez pris la peine de descendre chez-nous dans les Maritimes, peut-être que vous pourriez voir comment se fait le commerce entre le Maine et le Nouveau-Brunswick, par exemple, le Maine et les Maritimes et le Québec.
Est-ce que le jeu de l'offre et de la demande ou de la compétition est vraiment sain? C'est se compter des histoires que de penser qu'on va pouvoir au Nouveau-Brunswick dans le Détroit de Northumberland concurrencer avec un petit homard, avec ce qui se passe actuellement et avec les gros arrivages du Maine, des arrivages massifs. Le Nouveau- Brunswick a peut-être transformé 70 millions de livres de homard en 2011, peut-être plus en 2012, et la moitié de ça étaient des arrivages du Maine, la moitié. On est pris à concurrencer avec ça. Les pêcheurs du Maine ont peut-être pêché pour 1,80 $ la livre, 2 $ la livre, on ne le sait pas. Semble-t-il que c'étaient les prix.
Le gros problème est peut-être là. Ça ne s'arrête pas, mais il va falloir se mettre ensemble et qu'on dise aux pêcheurs du Nouveau-Brunswick, et à ceux de l'Île-du-Prince-Édouard, qui pêchent dans le Détroit de Northumberland, qu'ils ont un défi grandement supérieur à ce que peuvent vivre les pêcheurs de la zone 24 ou de la zone 26 de l'Île-du-Prince- Édouard.
Dans le Détroit de Northumberland, il y a d'autres problèmes en vue si on n'arrive pas à régler ce problème. Les gens du Nouveau-Brunswick disent que la manière de faire, c'est d'augmenter la carapace pour donner une chance à la conversion et pour pouvoir jouer sur un equal footing, si je peux utiliser cette expression, avec les gens du Maine. Les gens de l'Île-du-Prince-Édouard disent non, mais par contre, on me dit que 50 p. 100 du homard transformé à partir des captures de l'île s'en vient au Nouveau-Brunswick, alors je ne sais pas, je n'ai pas les chiffres vraiment.
Est-ce que c'est véridique? Une chose est sûre. Dans le Détroit de Northumberland, le statu quo ne peut pas être préservé, alors il va falloir faire des changements, des changements progressifs, sinon, je pense que la game n'est pas finie.
[Traduction]
Le président : Monsieur MacPherson, voulez-vous ajouter quelque chose? Nous voulons vous entendre mais nous avons deux autres groupes de témoins après vous. Voilà pourquoi nous essayons de nous en tenir à des questions et à des réponses aussi brèves que possible.
M. MacPherson : Je serai bref. M. Brun a parlé du défi que posent en Amérique du Nord des prises record; c'est un tout autre débat qui est également très complexe. Ce qu'on n'a pas mentionné aujourd'hui, et c'est un élément capital, c'est que dans l'Atlantique du Canada, nous dépendons beaucoup trop d'un marché. Beaucoup de nos problèmes ont commencé quand l'économie américaine a beaucoup ralenti. C'est un marché très important pour nous. Toutefois, j'étais dans l'Ouest du pays lorsque la maladie de la vache folle nous a frappés, et l'industrie du bœuf a connu des bouleversements très semblables. On croyait que le marché ne disparaîtrait jamais et qu'il ne ralentirait probablement pas beaucoup; les perspectives étaient illimitées. Puis, tout d'un coup, le marché s'est évanoui du jour au lendemain. C'est un élément dont il faut tenir compte. Il faut être très prudent lorsqu'on songe à mettre plus de homards d'une dimension semblable sur un marché unique dans lequel nous sommes probablement surexposés.
Certains de nos gens ont réussi à se tailler une place sur d'autres marchés émergents dans d'autres pays. Je voulais le signaler.
Le président : Vous faites bien, car c'est un élément pertinent. Nous avons le même problème dans l'industrie pétrolière et beaucoup d'autres secteurs au Canada. Nous dépendons beaucoup du marché américain et nous espérons que grâce aux efforts de tout le monde, on pourra percer ces marchés émergents.
[Français]
Le sénateur Poirier : On questionnait les nombres que vous nous donniez pour la grosseur du homard. Je pense que certains d'entre vous avez vraiment bien résumé tantôt une partie du problème. Personne d'entre nous veule revivre une autre crise. C'est garanti, et donc, je suis sûre et certaine que les pêcheurs sont les premiers à ne ps vouloir une autre crise. Donc, il faut regarder de quelle manière on peut en venir à une solution et trouver des solutions aux problèmes qui existent.
Je pense que M. Comeau en a parlé un petit peu. Premièrement, il faut s'asseoir autour de la table, et il faut pouvoir en venir à un consensus comme provinces de l'Atlantique où on s'aide l'un et l'autre. Tout de suite, on entend des présentations qu'on a eu juste depuis ce matin. On entend déjà qu'il semble y avoir à l'Île-du-Prince-Édouard un marché assez élevé pour le homard, dans ce que nous autres on appelle le fameux canner, tant qu'au Nouveau- Brunswick on semble croire qu'ils veulent remonter la grosseur pour pouvoir répondre à la demande qu'on a ici au Nouveau-Brunswick. Ma première question, ça serait, pourquoi la demande est différente et quand on est si proches? Je ne sais pas qui peut me répondre.
M. Brun : Je peux tenter de répondre. Le secteur industriel de la transformation à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick a évolué différemment. Depuis une dizaine d'années, le secteur du Nouveau-Brunswick s'est départi de certains produits et ils ont essayé de s'en aller dans le secteur des queues de homard qui visait plus les restaurants, comme je l'ai mentionné tantôt, du style Red Lobster. Ils font plus de chair de homard. Ils font aussi d'autres produits mais ils en font moins. Ils ont plutôt diversifié leurs différents types de produits, tandis qu'au Nouveau-Brunswick, ils se sont plutôt concentrés sur ce qu'on appelle des whole cooks, donc, c'est un homard cuit, mis dans une boîte et vendu comme ça, ou bien des popsicles qui sont des homards dans un bloc de glace qui sont exportés comme tel. Ça fait que chaque province semble avoir une différente stratégie de marché, mais les pêcheurs dans les deux provinces partagent les mêmes eaux, et de dire qu'on va diviser ces eaux là, c'est pratiquement impossible parce qu'il n'y a pas assez d'espace dans le Détroit. Quand vous allez regarder une carte, vous allez voir que l'espace entre le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince Édouard est très petite. On finit par avoir deux stratégies de marché avec nos industriels, et nos pêcheurs sont pris dans cette impasse.
Le sénateur Poirier : Sachant que ce problème existe, est-ce qu'il y a des discussions avec l'industrie pour voir si on peut diversifier notre marché un peu plus dans les deux provinces ou est-ce que ça pourrait devenir plus un consensus sur quel grosseur de homard qu'on devrait traiter ou avoir?
M. Brun : Je dirais qu'on fait ça assez bien. Je pense que nos collègues de l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec et Terre- Neuve, on a réussi à travailler ensemble pour améliorer la promotion du homard. On fait partie d'une organisation. On est tous là autour de la table. On travaille beaucoup plus en commun sur des questions où on peut s'entendre. Il y a toujours des points sur lesquels on ne peut pas s'entendre, et s'en est un la taille, mais on fait beaucoup d'efforts dans les pays émergeants en Chine d'ailleurs, où les ventes doublent presqu'à chaque année depuis les derniers deux à trois ans. Il y a eu d'énormes efforts depuis les derniers quatre à cinq ans pour développer le marché de la Chine. Je pense que les gouvernements travaillent aussi pour ouvrir ou diminuer les tarifs en Europe. Ce sont toutes des choses qui vont aider mais à plus long terme. Ce qui arrive, c'est qu'on se retrouve dans une crise à court terme actuellement avec aucune solution qu'on contrôle comme pêcheur ou comme secteur de la récolte autre que celle qu'on a proposé, et il y a une impasse sur celle là, et il y a deux groupes ou divers groupes qui semblent percevoir ça différemment.
[Traduction]
Le président : M. MacPherson voulait intervenir.
M. MacPherson : Madame le sénateur Poirier, voilà deux semaines nous avons organisé une réunion avec toutes les parties prenantes pour discuter de la situation de la zone de pêche au homard ZPH 25 au cours de l'automne dernier : nous avons rassemblé les associations de pêcheurs, les transformateurs, les pêcheurs eux-mêmes et les provinces. Nous avons consacré une journée à une séance de remue-méninges pour pouvoir générer les idées. Nous avons échangé beaucoup d'information, ce qui est excellent parce qu'en général tous ces groupes ne se rencontrent pas.
Malheureusement, je dois vous dire qu'à la fin de la réunion, la province du Nouveau-Brunswick et ses transformateurs ont conclu que la réunion n'avait pas donné beaucoup de résultats et qu'il n'était pas justifié d'en organiser une autre. Nous venons de recevoir le compte rendu de cette réunion et nous sommes en train d'en prendre connaissance. À mon avis, étant donné les graves problèmes qu'éprouve notre industrie, il était extrêmement arrogant et très décevant de penser qu'on pouvait tous les régler en une seule journée. Je voulais vous mettre au courant.
[Français]
M. Cloutier : Vous avez mentionné qu'il y a deux marchés, pourquoi il a deux marchés — moi, je ne crois pas nécessairement à cette hypothèse — c'est parce qu'il y a deux offres. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'il y a deux demandes. Au Québec, en Gaspésie, je suis à la tête d'un groupe qui ont pour trois ans de budget pour trouver des marchés à l'extérieur dans le vivant, alors on fait depuis deux ans la France, l'Espagne, l'Italie et la Chine. On va rajouter le Brésil l'an prochain, pour les pêcheurs industriels et la commercialisation. Ce qu'on nous demande sur ces marchés, et j'ai fait plusieurs voyages, c'est strictement du homard de grosse qualité. On parle de homard de 84 millimètres. En général, on ne demande pas de petits homards, on demande du homard de 84 millimètres. Le vendeur ou la compagnie la plus experte, si on veut, dans l'Atlantique, dans le Golfe, hors Golfe, c'est Clearwater, et Clearwater, à mon avis, n'est pas dans une région où on exploite du petit homard. Dans le sud-ouest de la Nouvelle- Écosse, et on parle d'une taille de 84 millimètres ici, c'est elle qui a la plus grande expertise. On se le fait dire en Chine entres autres. Si Clearwater vend du homard vivant, elle en vend beaucoup. Elle ne vend pas de homard en bas de 84 millimètres. Et, c'est là le problème. Quand on regarde aussi la qualité optimum — il y a toujours une qualité optimum pour avoir un meilleur rendement en usine — on ne va pas pour faire de la chair et prendre un gros homard, un homard de deux livres ou trois livres. Ce n'est pas payant parce que la carapace est trop pesante, donc, dans le rapport qualité-poids, tu perds à transformer un gros homard. Tu vas chercher un homard de taille standard, et le homard de taille standard, que moi je connais et qui est celui qui est le plus souvent utilisé, c'est le homard d'une livre, une livre et quart. C'est la même chose pour le petit homard. Ceux qui pensent que transformer du petit homard c'est excessivement payant, c'est le même rapport qualité-prix. Il y a une distorsion là aussi, et je ne suis pas un industriel mais je vois aller les choses. Ça fait 34 ans que je suis dans le métier. Je me dis qu'il y a peut-être un faux problème : le problème, c'est qu'on exploite pas tous à la même taille. On comprend qu'il y a des raisons pour ceux qui veulent exploiter leur homard parce qu'il y a des grandes quantités, mais ça crée des problèmes pour les autres régions.
Le sénateur Poirier : Dans la présentation de M. Keith Sullivan, il a parlé du Independent Fish Harvesters Movement, et M. Brun a parlé du Mouvement des Pêcheurs du Canada, qui contenait 36 organisations.
Depuis combien de temps ce groupe existe-t-il? Est-ce que c'est quelque chose de nouveau, et si oui, est-ce que le processus est commencé? Quels sont les résultats que le groupe peut apporter? Est-ce qu'on a des pêcheurs représentants, des pêcheurs même sur ce groupe qui s'assoient à la table?
Le ministre des provinces du Nouveau-Brunswick a mentionné que s'il y avait un point positif qui était ressorti de la crise de cet été, c'était que, au moins, tout le monde était autour de la table et qu'on essayait de trouver des solutions, peut-être plus qu'auparavant, incluant les gouvernements, les pêcheurs ainsi de suite. Je voudrais juste avoir votre point de vue sur ça. Est-ce qu'il y a du mouvement? Est-ce qu'on travaille en collaboration pour trouver des solutions et où en est-on rendu avec ça et est-ce qu'on fait partie de ce groupe que vous venez de mentionner?
[Traduction]
Le président : On pourra réserver cette question, mais nous devons passer à autre chose.
Allez-y, monsieur Sullivan.
M. Sullivan : Ce groupe que j'ai mentionné tout à l'heure a été formé officiellement en 2012. Beaucoup de ces associations ont travaillé ensemble dans le passé, si bien qu'il y a une longue histoire de coopération entre eux. Cette fois-ci, l'industrie faisait face à une menace particulièrement grave, ou du moins perçue comme telle, et que la plupart des gens croyaient réelle. Le résultat le plus important du processus a été la production de ce document de modernisation par le MPO; et il y a eu très peu de consultations. Les gens croyaient que les politiques de propriétaires-exploitants et de séparation des flottilles étaient remises en question, et on ne semblait pas avoir donné aux pêcheurs une grande possibilité d'être consultés. Ces organismes légitimes qui représentent beaucoup de pêcheurs indépendants n'étaient pas dûment consultés à leur avis et il semblait y avoir un danger réel. Ils ont été obligés de s'unir pour montrer leur solidarité sur cette question, mais cela a créé des possibilités. C'est une excellente façon de montrer aux gens que la plupart des pêcheurs indépendants du Canada, et particulièrement ceux de l'Atlantique, faisaient front commun.
Le premier résultat qu'on a obtenu, c'est probablement la déclaration par le ministre Ashfield que ces deux politiques n'étaient pas remises en question. C'est là un résultat concret que nous avons obtenu jusqu'à maintenant. Nous espérons qu'il y en aura beaucoup d'autres. Comme je l'ai dit, ce groupe va travailler fort pour qu'on n'apporte pas de changement à la date ni aux règles entourant ce que le ministre Hearn avait annoncé en 2007 en fixant la date à laquelle les accords de contrôle viendraient à échéance.
Il peut y avoir beaucoup d'autres dossiers sur lesquels nous pouvons travailler ensemble. J'espère que ce sera un mécanisme dont on se servira beaucoup dans les prochaines années.
Le président : Je vais permettre à une personne de plus de répondre.
[Français]
M. Comeau : Je ne pense pas, sénatrice Poirier, que ces mouvements, qui vont peut-être assainir le climat des pêches et améliorer les pêches dans le futur, peuvent faire quelque chose pour la crise de cet été. La crise de cet été était due au fait qu'il y avait plusieurs pêcheurs sur la côte est du Nouveau-Brunswick dans votre coin de pays qui se sont fait dire par les transformateurs qu'ils ne pouvaient pas acheter leur homard cet été. Ils ne pouvaient pas l'acheter parce qu'il n'y avait pas de marché pour les petites queues, par contre il y avait des arrivages extraordinaires qui arrivaient du Maine. Les usines étaient pleines à capacité, et ça se passait au mois de juillet et on n'a pas pu commencer à pêcher avant le mois d'août. Ils nous ont dit tout simplement « on en a trop de homard. On ne peut pas prendre votre homard. » C'est ça le problème qui s'est passé. Il n'y a personne qui veut en parler. Je sais que ça ne se contrôle pas comme ça. On ne peut pas empêcher le libre-échange. On ne peut pas arrêter les camions du Maine de venir chez-nous. On vend de 80 à 85 à 90 p. 100 du homard qu'on transforme au Maine. On le vend aux États-Unis. On sait tout ça. Mais, tant qu'on va continuer à s'amuser entre nous, à se battre entre nous dans le Détroit de Northumberland, je pense qu'on court le risque d'avoir d'autres problèmes. Le problème ne va pas changer du jour au lendemain si les attitudes ne changent pas. Si le gouvernement ne comprend pas qu'il faut changer les attitudes, mais pour changer les attitudes, il faut mettre des mesures en place. On parle de taille de homard, on peut parler de promouvoir la qualité. Tant qu'on ne fera pas ça, on va avoir les mêmes problèmes, parce que ce n'est pas vrai que les pêcheurs du Maine vont arrêter de pêcher pour nos beaux yeux.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Cela me permettra de faire la transition vers un fait que j'aimerais signaler : là où il n'y a pas de compromis, il y a des règlements.
Ce matin, les ministres de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick nous ont signalé qu'il n'y avait pas d'accord quant à la taille des homards. Au bout de cet exercice, notre comité rédigera un rapport et il arrive très souvent que le ministère des Pêches et Océans nous écoute. Vous avez aujourd'hui l'occasion de proposer des compromis raisonnables et des recommandations raisonnables. Aujourd'hui, on nous a expliqué le débat entourant la taille du homard, particulièrement dans la ZPH 25. On nous a dit que la possibilité de certification faisait problème. Le Conseil canadien du homard a fait valoir la valorisation de la marque, soulignant les trois piliers de l'industrie, soit la qualité, le prix et bien sûr l'image de marque du produit. On nous a fait part des problèmes liés au marché, au prix, à l'exploitation, à l'ingérence dans les marchés en ce qui a trait aux États-Unis, la surcapacité et l'intervention du MPO.
Permettez-moi de vous faire une suggestion. Si j'étais à votre place, je tracerais un chemin critique décrivant les plus importants défis qui se posent à l'industrie du homard. Ensuite, notre comité mettrait tout en œuvre pour adresser des recommandations en question aux autorités décisionnelles. Les solutions n'ont pas toujours besoin de venir du gouvernement. Elles peuvent émaner d'un compromis entre vous tous.
Vous nous avez présenté des exposés fort convaincants. Je vous ai écouté attentivement, mais je n'ai jamais entendu même le début de l'ombre d'un compromis sur quelque dossier que ce soit. On nous dit qu'il y a eu des réunions et que certains ont jugé qu'il ne valait plus la peine d'en tenir parce qu'elles n'aboutissaient à rien.
Je ne peux pas vous faire un discours, seulement une suggestion. Je suis originaire d'un petit village de la Nouvelle- Écosse et je peux vous dire que lorsque la pêche au poisson de fond s'est effondrée et a presque disparu, je ne sais pas ce qu'on aurait pu faire dans les petits villages du Canada atlantique s'il n'y avait pas eu la pêche au homard, qui est extrêmement importante. C'est un produit très important et un secteur également très important; voilà pourquoi nous devons tous travailler ensemble pour trouver des solutions. Nous allons présenter un rapport au Sénat, puis, au ministère des Pêches, et vous avez la meilleure occasion de vous faire entendre aujourd'hui.
Enfin, comme je crois que le Conseil canadien du homard peut être le meilleur outil de commercialisation du homard, je vous pose la question suivante. Le conseil a comparu devant nous la semaine dernière et il nous a dit que toutes les zones de pêche au homard ne font pas partie de cet organisme. Or, si vous voulez percer le marché asiatique, qui semble-t-il est extrêmement important, il faudrait que tous se rallient au conseil, de manière à travailler à l'unisson au sein d'un groupe qui, espérons-nous, formera une équipe pour la commercialisation de votre produit. C'est une simple suggestion, et vous n'avez pas besoin d'y répondre.
Je sais qu'il y a des contraintes de temps, mais je voudrais que vous compreniez bien le processus auquel vous participez. Le Sénat n'est pas une institution de confrontation. Il peut contribuer à trouver des solutions, et tous les sénateurs collaborent ensemble, comme on l'a vu relativement à différents dossiers dans le passé, pour formuler des recommandations à l'intention des décideurs. Mais nous ne pouvons le faire que dans la mesure où vous nous communiquez de l'information. Je voudrais que vous le compreniez bien.
M. MacPherson : Permettez-moi d'aborder deux questions très brièvement.
Depuis la comparution du Conseil canadien du homard devant le comité sénatorial, on a formé un petit groupe de travail afin de dégager l'orientation à suivre et tout le monde était d'accord pour mettre d'abord l'accent sur la qualité. Et je pense que c'est la voie que suivra le conseil, soit de mettre l'accent sur la qualité, la création d'une marque favorable et des bons prix s'ensuivront naturellement. Toutefois, tant que tous les secteurs n'adhèreront pas à des lignes de conduite claires, cela va continuer à présenter des difficultés.
Par ailleurs, pour revenir aux réunions qui ont eu lieu avec les provinces et d'autres parties prenantes voilà plusieurs semaines, j'ai lancé l'idée de faire appel à un tiers pour faciliter un consensus. Le MPO, par exemple, pourrait être une ressource présente à la table, mais nous ne pensions pas que c'était le bon endroit. Les autres groupes présents étaient d'accord et je reste optimiste quant à la possibilité d'une autre réunion qui serait animée par une tierce partie. Je crois que c'est la voie à suivre dans l'avenir.
Le président : Il faudra donner des réponses brèves à présent parce que nous dépassons largement le temps prévu.
[Français]
M. Brun : J'aurais peut-être un petit droit de réplique en ce qui concerne la réunion et puis, le commentaire au sénateur McInnis. Je pense qu'il est important de souligner que ça fait déjà une quinzaine d'années qu'on parle quand même de ces sujets-là dans la pêche au homard, continuellement. Il y a eu énormément d'efforts et de discussions et de débats autour de ces questions pour essayer de trouver des compromis et d'essayer de trouver des façons, des pistes pour travailler ensemble. Et puis, on a réussi quand même avec le Conseil canadien des pêcheurs. On travaille tous ensemble même si on diverge sur des positions aujourd'hui, sur le point de la taille ou autre. J'aimerais souligner aussi qu'à la réunion qui a eu lieu il y a quelques semaines, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas continuer les discussions, c'est qu'en fait, il n'y a pas d'autres options qui sont disponibles, à mon avis, pour améliorer la situation.
À notre avis, on a discuté des options qui existent et qui peuvent vraiment faire un changement pour la situation de la zone 25 en particulier et pour le Nouveau-Brunswick, dans la situation dans laquelle on est, et puis, si ce n'est pas une option celle là, ça fait déjà 10 à 15 ans qu'on en parle, on n'a pas pu en trouver d'autres durant ces années-là, donc, c'est pour cette raison qu'on trouve difficile de continuer les discussions et de chercher d'autres compromis lorsqu'on fait déjà cette discussion là depuis très longtemps. Sur la question de la qualité, tout le monde est d'accord. On peut améliorer la qualité, et c'est une façon de pouvoir améliorer les choses sur d'autres points.
M. Cloutier : En fait, sénateur, il y a différents outils pour contrôler le marché. Le problème qu'on a actuellement, c'est un problème d'offre et de demande. L'offre augmente, les volumes en Atlantique augmentent énormément. Ils ont doublé depuis 12 ou 13 ans. On vous l'a dit tout à l'heure que l'augmentation de la taille, c'est le moyen pour contrôler l'offre un peu, pour réduire l'offre de façon à stabiliser le prix. Je ne dis pas que c'est un moyen à très long terme, mais c'est un moyen qu'on a utilisé au Québec en pensant que tout le monde dans les Maritimes allaient l'utiliser puisqu'il était recommandé, encore une fois, par le CCRH, et malheureusement, il a des groupes qui n'ont pas suivi aujourd'hui. Là, la demande sur le marché fait en sorte qu'on joue le petit homard contre le gros homard et les prix baissent. C'est ça le problème. Il faut que les gens regardent le problème de face puisqu'ils se demandent comment peut-on faire pour aider à régler ce problème. On ne règlera pas le problème de marché, mais peut-être qu'un jour les Américains vont sortir de la crise aussi. Il faut se rendre jusque là.
[Traduction]
M. Sullivan : Pour répondre à l'intervention du sénateur McInnis, je crois qu'on pourrait en aborder beaucoup. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai parlé du Conseil canadien du homard, alors je vais insister sur un point. Vous avez dit que le problème de la surcapacité persistait, particulièrement dans la pêche au homard à Terre-Neuve. Il existe actuellement un programme mais il faudra assurer une transition pour pouvoir le continuer dans ces zones-là.
Je crois que les pêcheurs ont déjà présenté des solutions, mais il nous faut tout de même que le gouvernement écoute ces solutions et s'assure qu'elles viennent de la base plutôt que du haut. Il faut aussi que les gouvernements travaillent ensemble s'il faut apporter des changements à la réglementation ou des choses de cette nature, alors c'est très important. Il nous faut le soutien du gouvernement même si l'industrie propose des solutions. Le programme de rachat de permis de pêche au homard par exemple, qui est en cours à l'heure actuelle, est un bon exemple, mais il faut y aller graduellement. J'estime tout de même qu'il faut une rationalisation et un investissement car c'est bénéfique pour les gens de l'industrie et pour tous les Canadiens également.
M. McGeoghegan : Je suis d'accord avec M. Sullivan comme quoi il faut continuer la rationalisation.
Sur le côté sud de l'Île-du-Prince-Édouard, le programme nous a permis de retirer 33 000 casiers de l'eau et, si nous avions l'argent, nous pourrions refaire la même chose. Nous pouvons mettre de l'avant la rationalisation pour avoir une incidence sur l'industrie.
Cinquante pour cent des prises de l'État du Maine sont transformées au Canada atlantique. Voilà un des grands problèmes qui s'en vient dans le marché et qui exerce de grandes pressions sur les pêcheurs canadiens. En ce moment, et il faut probablement discuter avec les Américains sur la question, si nous avions 15 p. 100 de réduction de façon globale, cela réduirait la pression exercée. Cela déclencherait une guerre parmi les pêcheurs, mais nous allons devoir trouver une solution quelconque et d'accroître la taille de la carapace n'en est pas une.
Les gens devraient prendre un peu de recul et se rendre compte qu'ils ne seront pas payés pour ces poissons alors pourquoi aller les pêcher pour ensuite les donner? C'est ce que l'on fait en ce moment. Dans certaines zones les prix sont si faibles pour certains pêcheurs que ce n'est simplement pas rentable pour eux d'aller à la pêche. Maintenant ils essaient de rapporter de grandes quantités de homard afin de pouvoir payer leurs factures. Il faudrait une discussion autour de la table, ce serait plutôt un échange très vif, mais 15 p. 100 de réduction pour tous les pêcheurs serait une bonne chose et il faudrait que les Américains soient aussi de la partie. Cela pourrait définitivement nous sortir de la soi- disant crise actuelle.
Chaque pêcheur réduirait ses prises de 15 p. 100 immédiatement. Cela mettrait fin aux énormes prises et le prix augmenterait.
Le président : J'aimerais m'assurer d'avoir bien compris parce que c'est un point important que vous soulevez...
M. McGeoghegan : Absolument.
Le président : ... nous n'exploitons pas en fonction des QIT?
M. McGeoghegan : Non il ne s'agit pas des QIT.
Le président : Non. Vous parlez donc de...?
M. McGeoghegan : Pas obligatoire mais volontaire.
Le président : Si nous n'exploitons pas en fonction des QIT, sur quoi s'appuierait ce chiffre?
M. McGeoghegan : Eh bien, habituellement les prises sont plutôt standards dans chaque zone, alors ce serait une baisse des prises de 15 p. 100.
Le président : S'agit-il de prises par zone ou par pêcheur?
M. McGeoghegan : Par pêcheur. Ce serait un sujet épineux.
Le président : Je ne crois pas que nous arriverons à la réponse ici aujourd'hui.
M. McGeoghegan : Vous avez demandé des solutions alors je vous en ai donné une.
Le président : Nous sommes ouverts aux suggestions.
M. McGeoghegan : Je n'ai pas dit qu'elles seraient faciles, j'ai simplement dit que c'en était une.
Le président : Bien sûr c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
J'aimerais vous remercier pour vos exposés d'aujourd'hui.
Nous espérons faire rapport au Sénat en février ou en mars si tout va bien. Il se pourrait aussi que ce soit un peu plus tard.
Ne croyez pas que c'est terminé suite à ce que vous avez présenté ici aujourd'hui. Si vous avez des idées ou suggestions, veuillez nous les envoyer par écrit. Nous avons des gens compétents autour de la table qui nous aident à rassembler tous les renseignements. Vous aurez peut-être quelque chose dans un mois ou deux suite à des réunions auxquelles vous pourriez assister alors il pourrait y avoir quelque chose pour faire avancer les travaux du comité.
Pour donner suite aux observations du sénateur McInnis, nous avons mené une étude sur les phares il y a un certain temps. Le gouvernement avait décidé de fermer un grand nombre de phares partout au Canada, surtout à Terre-Neuve et en Colombie-Britannique, et nous avons pu renverser un peu le courant. Nous ne disons pas que nous allons renverser le courant sur ces questions, mais il est certain à mon avis que notre rapport sera lu et pris en compte. La décision revient à quelqu'un d'autre d'agir en conséquence, mais j'accueillerais certainement l'occasion de recevoir votre rétroaction si vous croyez que ce sera positif pour l'industrie.
J'aimerais maintenant accueillir notre second groupe d'experts. Nous vous prions de faire vos déclarations, puis nous vous poserons des questions.
Monsieur Knox, allez-y.
Lee Knox, président, Association des pêcheurs du comté de Prince (Conseil consultatif — ZPH 25) : Je m'appelle Lee Knox. Je suis le président de l'Association des pêcheurs du comté de Prince. Je représente les pêcheurs de l'Île-du- Prince-Édouard pour la zone 25. La crise dans la zone 25 est la raison principale pour laquelle nous sommes ici. Ce groupe d'experts s'est réuni pour se pencher sur le problème. Le problème que nous avons à l'heure actuelle n'existerait pas si les homards des États-Unis n'arrivaient pas aussi abondamment comme ça a été le cas en juillet et en août. Voilà le problème.
Nous tentons de changer la taille des carapaces pour refléter le prix du homard. Si nous avions tous vendu des homards du marché cet été, les prix auraient été les mêmes puisque le homard des États-Unis arrivait. Le Nouveau-Brunswick met l'accent sur le homard de conserve pour accommoder les transformateurs. C'est ce que demandent les transformateurs. Les stocks de homard dans la ZPH 25 se portent vraiment bien. Nous avons rencontré des scientifiques qui nous ont dit lorsque nous avons signé l'accord sur la rationalisation avec eux, que 72 millimètres seraient suffisants pour assurer l'industrie de la pêche. Il y aurait assez de recrutement pour que toute l'industrie de la pêche se porte bien. Les prises sont passées de 9 000 à 10 000 par bateau il y a environ six ans et aujourd'hui, elles sont de 20 000 à 25 000 par bateau. Alors je ne sais pas d'où M. Brun tenait que les prises de la ZPH 25 ont baissé car les prises sont passées de 8 000 à 9 000 par bateau jusqu'à 20 000 à 25 000. Alors l'industrie elle-même se porte très bien.
La ZPH 25 a mis en place un plan rationnel en 2010. Nous avons emprunté 3 millions de dollars du gouvernement provincial et le gouvernement fédéral nous a donné 3 millions de dollars. En ce moment, comme M. Brun l'a dit, pour ce qui est de la rationalisation au Nouveau-Brunswick, ils remboursent leur prêt avec l'argent du crabe. Les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard remboursent leur prêt de leurs poches. Chaque année, nous recueillons 1 000 $ de chaque pêcheur pour rembourser un prêt de 200 000 $.
Le homard de conserve est un produit très important à l'Île-du-Prince-Édouard. Comme vous l'avez entendu plus tôt, c'est 60 à 65 p. 100 qui entrent. Nous avons des usines qui réussissent très bien grâce au homard de conserve. Nous avons une usine qui a fait les homards cette année. À l'automne, à l'Île-du-Prince-Édouard par exemple, un transformateur a fait 1 million de livres de homard et seulement 0,6 p. 100 de la prise n'a pas pu être utilisée dans l'usine de transformation, ce qui est excellent.
Les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard travaillent de concert avec les usines de transformation pour qu'elles prennent soin de leur homard. D'autres sections de la ZPH 25 n'ont pas vu les mêmes résultats. C'est le cas notamment au Nouveau-Brunswick car il y a eu un manque de communication ou de renseignement pour faire savoir que les pêcheurs rapportaient des produits de qualité. On entend constamment des rumeurs. Nous avons entendu une rumeur voulant que les bateaux sortaient en pleine chaleur pendant l'été avec trois contenants de glace au début de la saison, allaient pêcher le homard avec un réservoir à bord, avec une bâche à l'arrière du bateau et rapportaient des homards à peine adéquats pour la transformation. Nous devons encourager nos pêcheurs à rapporter des produits de qualité aux usines.
Les tendances des prises traditionnelles. Les trois premiers jours des prises sont élevés et c'est plus de 30 p. 100 des prises du début de la saison, alors c'est important pour les usines de l'Île-du-Prince-Édouard que nous commencions la saison à partir du mercredi ou jeudi afin que les surplus de homards puissent être faits le dimanche. Nous ne pêchons pas le homard les dimanches afin que les usines puissent faire leur rattrapage. Cette année nous avons commencé en début de semaine.
Pour ce qui est de la météo, dans le détroit de Northumberland nous envisageons de prolonger la saison. Depuis quatre ans les pêcheurs n'ont pu pêcher que trois jours sur six pendant la dernière semaine vu les vents violents. En fait, en 2011 nous avons dû cesser une semaine plus tôt puisque les vents violents soufflaient à 50 nœuds. Les pêcheurs qui avaient laissé leurs casiers ont subi des dégâts importants. Il y avait probablement 30 des 215 pêcheurs qui avaient laissé leurs casiers. En 2010, la vie des pêcheurs a été menacée à cause d'une tempête qui a duré quatre jours à la fin de la saison. Nous avons demandé au MPO une journée supplémentaire lorsque la tempête s'est calmée afin de ramener notre équipement à terre mais ils ont refusé. Nous avons ramené l'équipement sous des vents de 35 à 40 nœuds, ce qui était dangereux. La tempête de vent venait de l'Ouest alors les pêcheurs du Nouveau-Brunswick n'ont pas été touchés. Les vents là-bas sont terrestres.
Nous avons une meilleure qualité de homard, un temps meilleur et plus calme et de plus longues journées de pêche lorsque nous commençons tôt au mois d'août. Nous aimerions suggérer un projet pilote pour l'Île-du-Prince-Édouard pour documenter les prises et recueillir des données spécifiques comme le nombre de femelles œuvées. Nous nous apercevons qu'il y a une augmentation considérable des femelles œuvées. En début de saison, nous voyons des homards en très bonne condition et nous aimerions que les scientifiques le voient aussi. Nous avons deux usines de type coopératif et elles transforment 70 p. 100 du homard de l'Île-du-Prince-Édouard. Ces usines nous ont dit que depuis les quatre dernières années, les deux premières semaines de la saison ont produit la meilleure qualité de homard. Ainsi, vous obtenez un homard avant qu'il ne mue et vous obtenez plus de chair. Lorsque nous avons parlé d'aller aussi tard que le 1er septembre, les scientifiques étaient d'accord avec nous. Les usines au Nouveau-Brunswick voulaient aller aussi tardivement que septembre. Ils ont dit que d'ici le 1er septembre tous les homards auraient probablement mué et que la qualité du homard serait beaucoup moins bonne. Les scientifiques étaient d'accord avec les usines.
Un début de saison plus précoce serait souhaitable étant donné les tempêtes fréquentes à l'Île-du-Prince-Édouard. Les homards seraient pris avant qu'ils ne muent et cela donnerait aux usines de transformation une meilleure qualité de homard. C'est pourquoi je ne comprends pas que les transformateurs du Nouveau-Brunswick veulent une saison tardive lorsque nos transformateurs nous disent que les homards sont de meilleure qualité en début de saison — plus de chair, plus de profit dans la poche des transformateurs. Les gens nous disent toujours « Pourquoi ne pouvez-vous pas pêcher dans le détroit Northumberland comme ils le font à Southwest Nova? » Dans le détroit de Northumberland, nous avons des profondeurs de 100 pieds et des tempêtes fortes qui peuvent endommager l'équipement tandis qu'à Southwest Nova ils pêchent dans des eaux de 300 pieds de profondeur. C'est tout à fait différent. La qualité a également subi une baisse à la fin de la saison.
Une autre raison pour laquelle nous favorisons une saison hâtive, et les gens de Nouvelle-Écosse seront probablement d'accord avec moi à cet égard, c'est que les homards quittent le détroit de Northumberland à la mi-octobre tout comme ils l'ont fait cette année dans les détroits centraux. Pendant les deux dernières semaines, les prises avaient chuté considérablement et les pêcheurs avaient commencé à ramener à terre leurs casiers plus tôt.
Notre plus grand problème dans la ZPH 25 cette année était la qualité. Le homard est de bonne qualité lorsqu'il sort du casier. C'est ce qui se passe au niveau de l'état du homard entre le casier et l'usine de transformation. Nous devons garder le homard en bon état jusqu'à ce qu'il arrive à l'usine. Nous devons sensibiliser les pêcheurs et les acheteurs au quai pour bien manipuler et stocker les homards. Il nous faut de bons réservoirs sur nos bateaux et beaucoup de glace pour les garder en bon état. Si les homards arrivent à l'usine en bon état, la plus grande partie de notre problème sera résolue.
Les recommandations en matière de qualité de marketing : L'industrie doit changer sa perception du homard d'automne à savoir un homard en mû à carapace molle. Nous devons promouvoir nos homards, les homards entiers et les queues de homard comme étant très savoureux et tendres. Ainsi, il n'y aura pas de rabais dans le marché pour les produits d'automne transformés. Les gens disent qu'il y a une grande différence entre l'automne et le printemps, mais la seule différence est la quantité de chair et non pas la qualité. La qualité est tout aussi bonne à l'automne qu'elle ne l'est au printemps. Des mesures en matière de qualité telles que des réservoirs isolés sont nécessaires. Nous préparons des demandes de financement pour les présenter aux différents ordres de gouvernement. Il est essentiel d'établir un protocole pour toute l'industrie visant la bonne manipulation des homards.
Peter Boertien, président, Eastern Kings Fisherman's Association (ZPH 24 Conseil consultatif du homard) : Merci de me donner l'occasion et le privilège de vous parler monsieur le président et honorables sénateurs.
J'habite à Surrey, à l'Île-du-Prince-Édouard et je pêche à partir du port de North Lake. Je prends la parole aujourd'hui, à titre de président de la ZPH 24. Notre zone de pêche comprend tout le nord de l'Île-du-Prince-Édouard, du port North Lake à l'est jusqu'au port le plus proche à l'ouest, soit Seacow Pond. Nous représentons un peu plus de 600 pêcheurs. Nous avons également un certain nombre de pêcheurs des Premières nations qui ont leur propre porte- parole, mais nous travaillons régulièrement ensemble sur certains enjeux.
Je vais maintenant demander à mon collègue de se présenter.
Norman Peters, président, North Shore Fisherman's Association (ZPH 24 Conseil consultatif du homard) : Je pêche sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard, à environ quatre milles de Cavendish. Je suis aussi connu sous le nom de « Capitaine barbu ». Je pêche depuis 50 ans et j'ai vu bien des choses. J'ai assisté à des réunions ici dans les années 1980 et 1990 et ce sont les mêmes discussions, taille de la carapace qui doit augmenter à l'Île-du-Prince-Édouard.
Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de faire une déclaration.
Je suis le président de la North Shore Fisherman's Association, laquelle représente quelque 600 pêcheurs de la ZPH 24. Nous nous réunissons fréquemment, tout au long de l'année, pour discuter d'importants enjeux, qui touchent non seulement notre région, mais aussi le sud du golfe. Le groupe consultatif de la ZPH 24 travaille en étroite collaboration avec d'autres groupes sur des questions connexes, dont la promotion et la commercialisation de notre produit. J'aimerais passer en revue quelques-unes des initiatives que nous avons mises en œuvre dans la ZPH 24, ensuite M. Boertien vous expliquera les défis qui se posent à nous.
Nous avons apporté de nombreux changements dans notre mode de gestion, dans le but d'assurer la pérennité de la ressource en homard, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants et nos petits-enfants. Au nombre de ces changements, nous avons augmenté à deux reprises la taille de la carapace. Ainsi, pour la saison de 2013, la taille passera de 71 à 72, conformément à une recommandation que renferme le rapport du CCRH dans le but de donner à 50 p. 100 des homards femelles une autre occasion de se reproduire. Nous avons agrandi les dispositifs de fuite, et nous utilisons une ficelle biodégradable pour éliminer la pêche fantôme. Nous poursuivons nos efforts d'accréditation, et nous recueillons des données, scientifiques et autres, chaque année.
Le programme de qualité du homard de la ZPH, dans le cadre du Programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique aide les pêcheurs à améliorer la qualité de leur équipement. Au nombre des initiatives mises en œuvre grâce à ce programme, citons des réservoirs isolés, des systèmes de viviers, des boîtes Logtek et d'autres équipements d'amélioration de la qualité pour les bateaux de pêche au homard qui contribuent à maintenir des températures fraîches et de mettre les prises à l'abri du mauvais temps, afin d'assurer une qualité supérieure des produits. Dans le cadre de ce programme, nous, pêcheurs de la zone 24, avons rassemblé un petit groupe et nous avons reçu des fonds, je suppose du gouvernement fédéral, et nous avons annoncé que nous pourrions rembourser un tiers des coûts des réservoirs isolés achetés par des pêcheurs, ou d'autres équipements du genre. Beaucoup de pêcheurs ont profité de cette offre. Le groupe de Lee Knox devra en faire autant pour s'assurer d'avoir un produit de très grande qualité.
Les représentants de la ZPH 24 de l'Île-du-Prince-Édouard ont participé à des initiatives de promotion du homard pour pénétrer dans des marchés en Chine et au Japon, à l'occasion de missions commerciales et de salons des poissons et fruits de mer. En ma qualité de représentant de la PEIFA, j'ai récemment fait partie d'une mission commerciale en Chine et au Japon, dans le but de contribuer à faire la promotion du homard. Notre délégation a participé avec succès à un salon international des poissons et fruits de mer en Chine. La PEIFA a contribué à la production d'une brochure sur le homard de l'Île-du-Prince-Édouard et a conçu une vidéo sur l'histoire des pêcheurs de homard de l'île. Grâce aux efforts des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons de très bons stocks de homard, et c'est ce que vous diront d'autres personnes aussi, mais nous estimons qu'il est de notre devoir de le mentionner parce que nous nous devons d'exprimer nos sentiments.
Compte tenu de mes observations et de celles d'autres représentants des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard de façon générale et de la ZPH 24 en particulier, je ne doute pas que nous saurons reconnaître que nous avons fait notre part et que vous comprendrez notre demande de maintenir à 72 millimètres la taille de la carapace. Nous avons des marchés pour des homards de 72 millimètres. C'est grâce à ces homards que nos petites usines de transformation restent ouvertes, que des emplois sont créés et que de l'argent est dépensé dans des petites collectivités.
Il n'y a pas grand-chose à retenir, puisque nous nous répétons beaucoup. C'est la seule industrie qui nous reste, et nous devons la protéger. Je sais que le Nouveau-Brunswick souhaite augmenter la taille de la carapace, et tous les ans, quand je reviens de réunions à Rustico, je m'exclame « Mais pourquoi veulent-ils encore augmenter la taille? » Nous en sommes au point où nous avons ce créneau, et nous allons le perdre. Nous pêcherons tous du gros homard. En Chine, je n'ai vu que peu de homards, et ceux que j'ai vus, dans un aquarium, venaient du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse, je crois, c'était des homards de cette longueur-là. Ils n'étaient pas très gros. Peut-être pesaient-ils trois quarts de livre. Les gens les regardaient, les pointaient du doigt, et il y avait là les 127 plus grands chefs cuisiniers. C'était un salon où il y avait 900 exposants, du monde entier, avec leurs aliments. Les chefs cuisiniers, à un moment donné, préparaient les queues, et on n'aurait pas su dire si c'était du homard congelé ou du homard frais. J'ai rencontré beaucoup de gens et de transformateurs. Quelque 15 000 personnes ont assisté à ce salon, et de temps à autre, les photos étaient prises. Y avoir participé a été pour moi une révélation et j'ai du mal à trouver les mots pour décrire ce que j'ai vu. Je pense que c'est un peu comme le paradis — on serait incapable de le décrire si on en revenait.
Une dernière chose. L'été dernier, sur le quai de Rustico, j'ai rencontré deux pêcheurs des îles de la Madeleine. Nous avons discuté, comme le font les pêcheurs entre eux. Ils m'ont demandé la taille de nos carapaces, et j'ai répondu « Eh bien, nous passons à 72 millimètres ». Ils se sont mis à parler en même temps. J'ai demandé « Mais qu'est-ce qui se passe? » Ils ont répondu, « Si vous passez à du 72 millimètres, de grâce, essayez de ne pas aller plus loin. Nous sommes bien au-dessus. Nous avons des produits dans des caisses, en ce moment, mais dont nous ne pouvons pas nous débarrasser ». J'ai les noms et numéros de téléphone de ces deux pêcheurs, et ils ont dit « Nous sommes allés trop loin ». C'est ce qu'ils ont dit, et c'est parole d'évangile.
M. Boertien : Outre les initiatives dont a parlé M. Peters, de nouveaux défis se dressent pour les pêcheurs, dans un proche avenir. Si vous le permettez, je vous les expliquerai rapidement.
Le prix occupe une première place dans l'esprit de tout pêcheur. J'ai pêché pour ma propre entreprise pendant 22 ans, j'ai pu assurer la subsistance de ma famille et élever trois enfants qui font maintenant des études postsecondaires. Depuis quatre ou cinq ans, c'est devenu assez difficile. La ZPH 24 et l'Île-du-Prince-Édouard dans son ensemble doivent avec diligence continuer d'exercer des pressions en faveur de plus de commercialisation et de promotion. Ce devrait être possible, que ce soit seul de notre côté ou en partenariat avec le Conseil canadien du homard, que ce soit par l'obtention de la certification ou par d'autres moyens. Pour ce faire, il faut un financement établi au moyen de partenariats entre les gouvernements fédéral et provincial et de la cotisation des pêcheurs.
Nos voisins du Sud, aux États-Unis, et surtout au Maine, ont sur nous une bonne longueur d'avance. Le ministère des Pêches et des Océans semble s'être engagé dans une spirale de réductions budgétaires à tous crins. Le budget scientifique n'existe que pour ainsi dire plus. Le ministère se débarrasse du mécanisme de délivrance des étiquettes pour les pièges à homard ce qui constitue pour nous, les pêcheurs, un important pas en arrière sur le plan de la conservation. Nous avons même offert d'augmenter nos cotisations annuelles pour compenser le coût des étiquettes. S'il est trop tard pour que le MPO puisse le faire lui-même, il doit agir très rapidement pour attribuer à la PEIFA le contrat de délivrance des étiquettes pour nos propres pêcheurs. Cela devient urgent, si on veut relever ce défi.
Nous avons l'impression que l'enjeu primordial, aussi, pour les pêcheurs, a été mis en veilleuse à cause de tous ces autres problèmes dont on entend parler ces temps-ci. Il s'agit de la décision du MPO de fournir tous les services d'octroi de permis et autres en ligne plutôt que par courrier ou en personne à un bureau du MPO. Notre organisation a effectué un sondage lors de son dernier congrès annuel, et a découvert que plus de 25 p. 100 des pêcheurs ne sont pas suffisamment versés en informatique pour renouveler leur permis ou s'acquitter d'autres tâches nécessaires si le MPO allait de l'avant avec ce projet. Tout le monde sait que la moyenne d'âge de la plupart des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard est bien au-dessus des 55 ans, et qu'ils ne sont pas cultivés en informatique et je suis de ceux-là, et je n'ai même pas 50 ans.
La transition que veut effectuer le MPO est trop rapide. Il est question de faire passer les services en ligne d'ici le 31 mars 2013, c'est-à-dire le printemps prochain. Les pêcheurs de la ZPH 24 estiment que par d'autres réductions budgétaires, ils éliminent les services de délivrance de permis et du personnel de soutien au moment même où ils seront plus nécessaires dans les bureaux, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle- Écosse. D'après nous, si des postes doivent être éliminés, pourquoi ne le sont-ils pas en haut de l'échelle plutôt que parmi les travailleurs de première ligne qui seront nécessaires quand nous en aurons le plus besoin, au printemps prochain?
Si on veut changer le mode d'octroi des permis, à notre avis, un compromis important pourrait être fait, soit une capacité de faire la transaction par téléphone. Un programme de l'assurance-emploi permet aux gens de s'inscrire et de faire leur déclaration par téléphone. Pourquoi le MPO ne pourrait-il pas créer un programme téléphonique pour le renouvellement des permis une année sur l'autre? Il a déjà une ligne téléphonique d'assistance sans frais. Nous pensons qu'il serait possible d'aménager les fonctions, de les rendre conviviales.
Pour terminer, j'estime en ma qualité de représentant d'un grand nombre de pêcheurs de régions rurales qu'il est de notre droit constitutionnel de recevoir ces services et d'autres, non pas seulement en ligne et au moyen d'un ordinateur. De plus, les pêcheurs font de leur mieux pour être des bons intendants de la ressource naturelle qu'ils ont été autorisés à exploiter et nous continuerons de déployer ces efforts afin que la ressource de homards soit disponible pour les générations futures. Il importe de souligner et de ne pas oublier qu'il est indispensable que les institutions publiques comme le MPO reconnaissent qu'il nous arrive d'avoir besoin d'un petit coup de main et de compréhension pour pouvoir relever le défi qui se pose à nous.
Le président : Monsieur Cloutier?
[Français]
M. Cloutier : Monsieur le président, permettez-moi de vous faire distribuer une copie d'un plan de conservation qu'on a déposé au même titre que ceux de nos collègues des provinces maritimes qui sont le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, l'Île-du- Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse, c'est un plan qu'on a du déposer en 2010 pour avoir accès au deuxième volet de Mme Shea qui nous conjurait à faire d'énormes efforts pour rentrer dans une vision de développement ou de pêche durable dans la pêche au homard. Je suis désolé qu'il soit en français, mais on m'a promis de traduire les deux ou trois dernières pages sur les différentes mesures qui ont été prises au Québec afin de faire correspondre ce plan à la vision fédérale de Pêches et Océans du développement durable.
Aujourd'hui, je trouve malheureux que compte tenu qu'on ait embarqué dans ce projet de développement durable, qui a coûté énormément en mesures et en efforts à nos pêcheurs, je trouve malheureux de voir que mes collègues de droite ne veulent pas comprendre ce qu'on fait puis ce qu'on doit faire pour assurer qu'on développe de façon durable, et ce autant de façon économiquement viable au niveau de la conservation.
Avant le dépôt de ce projet, on avait réduit de 17 p.100 la capacité de pêche en Gaspésie. Suite au dépôt de ce projet, on nous a aidés. Le gouvernement fédéral nous a aidés à réduire de 12 p. 100 l'effort de pêche. Donc, on était à 29 p.100 de réduction de l'effort de pêche. On a fait ces compromis en espérant que nous allions être capables de maintenir évidemment un volume plus bas sur le marché. C'était ça la vision aussi en terme de viabilité, mais avec un prix conséquent, mais malheureusement, le manque d'efforts de nos collègues fait en sorte qu'on se fait rattraper dans le passage et on n'en a pas plus pour nos homards.
On avait demandé à des pêcheurs, autant en Gaspésie qu'aux Îles-de-la-Madeleine, on leur avait demandé énormément à des pêcheurs, on leur avait demandé de faire des efforts énormes de réduction de casiers, de réduction du nombre de jours de pêche, d'augmentation de la taille de 76 millimètres à 82 millimètres, dans le cas de la Gaspésie, et de 83 millimètres dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, tout ça pour arriver 10 ans après dans un cul-de-sac aussi important au niveau de la faiblesse du prix payé sur le marché.
Je ne voudrais pas laisser passer sous silence, parce que je ne pourrai pas faire longtemps parti du débat, mais les marchés de niche qu'exposent mes amis et mes collègues de l'Île-du-Prince-Édouard, pour moi, c'est de la foutaise, parce que les marchés de niche qu'on a au Québec, ce sont des grandes surfaces, c'est Loblaws, IGA et Métro, et ce sont eux qui présentement dictent le prix du homard au Québec. Ils se servent du petit homard de l'Île-du-Prince- Édouard et du Nouveau-Brunswick pour dicter le prix. Nous, au Québec, on ne peut plus tolérer ça. On vous l'a dit.
En Gaspésie, il y a des pêcheurs de homard qui acceptent 12 000 livres de homard. Si on prend un prix payé en 201,2 à 4,50 $ la livre, ça fait 52 000 $ ou 53 000 $ de revenu brut par entreprise de pêche. Je comprends qu'à l'Île-du-Prince- Édouard ils sont plus intéressés à ne rien faire parce qu'ils vont capturer, surtout dans le nord, 30 000 ou 35 000 livres de homard, donc, à 4,50 $ la livre, c'est vraiment différent comme problème, vous comprenez. Nous, on a un problème beaucoup plus grand parce qu'on n'est pas viable. Il faudrait qu'on pêche à 6 $ la livre, puis ça, on ne peut pas le faire. En même temps qu'on travaille sur la conservation, on se fait attaquer sur nos propres marchés par du homard de plus petite taille ce qui en fait en sorte que nos prix baissent. Ils baissent, et c'est dans notre province qu'on fait des efforts, et ça, ce n'est pas juste.
En sortant d'ici aujourd'hui, je m'en vais voir mon ministre des Pêches au provincial et je vais lui demander une chose, parce que je suis convaincu qu'on ne fait pas les efforts. Je vais lui demander de fermer les marchés québecois au homard en deça de notre taille légale au Québec. Si c'est ça qu'on veut, on va le faire, et s'il répond, on va voir jusqu'où on va le pousser, parce que l'industrie chez-nous, on est vraiment écoeurés, on est vraiment tannés de voir qu'on est poignés avec ça, alors je vais lui demander, — je le vois la semaine prochaine — et officiellement, je lui demande, et j'envoie une copie de cette lettre là à Mme Shea.
[Traduction]
Le président : Je tiens à préciser pour vous que votre ministre a été invité, comme tous les ministres des provinces de l'Atlantique, à assister à une audience, que ce soit ici ou à Ottawa, et il ne l'a pas fait.
Sachez que nous sommes disposés à entendre tout le monde. Nous savons bien que tout le monde ne sera pas d'accord sur tout. Je vis dans une collectivité de moins de 400 personnes à Terre-Neuve, et nous ne sommes pas toujours d'accord non plus quand il s'agit des pêches. Évidemment, j'y suis habitué, mais le fait est que nous avons la possibilité, ici, d'apprendre de tout le monde. Le comité est conscient qu'il y a des frustrations, mais ce n'est qu'en dialoguant et en travaillant ensemble que nous pourrons, je l'espère, trouver des solutions. Je tenais donc à ce que vous sachiez que votre ministre a été invité et a refusé d'assister à notre audience.
[Français]
M. Cloutier : Je vous remercie de l'information. On va mener nos efforts ailleurs, mais merci beaucoup.
[Traduction]
Le président : Merci.
C'est maintenant le tour de M. Carl Allen.
Carl Allen, pêcheur, Union des pêcheurs des Maritimes : J'ai été invité à parler au nom des pêcheurs de la ZPH 25, la zone contestée. Bien que M. Knox et moi ne puissions pas nous entendre sur un élément important, nous nous entendons sur certaines choses, notamment sur le début de la saison. La majorité des pêcheurs du Nouveau-Brunswick de la ZPH 25 souhaiteraient que ça reste au début d'août. Peu de pêcheurs sont friands de pêche à la fin d'octobre. Nous convenons aussi que beaucoup peut être fait pour améliorer l'état des homards à leur arrivée au quai. On peut faire beaucoup, à cet égard, pour qu'ils soient en meilleur état.
La pierre d'achoppement c'est évidemment la taille de la carapace, et je me situe entre M. Cloutier et M. Knox. Alors que M. Cloutier souhaite que nous montions à quelque 82 ou 83 millimètres, je me situe plutôt vers les 76 ou 77 millimètres. Il n'est pas question de renoncer aux homards de conserverie. Il s'agit plutôt de pêcher un produit de choix à cette fin. En réalité, le homard que moi-même, M. Knox ou ces deux messieurs voulons rapporter chez nous pour la consommation, ce sont les plus gros. Nous ne prenons pas les homards de moins de 76 millimètres. Nous ne prenons que les homards de conserverie de choix.
À 32 ans, je suis le plus jeune pêcheur ici, et en théorie, si Dieu le veut, je dois regarder vers un horizon plus lointain que n'importe qui d'autre. La raison pour laquelle je souhaite augmenter la taille de la carapace, c'est pour accroître la production d'œufs. Plus les femelles sont grosses, plus elles ont de chance de frayer au moins une fois. Bien qu'actuellement, tout semble aller pour le mieux en ce qui concerne les prises, puisque nous sommes en phase ascendante, il y a toujours des hauts et des bas dans la pêche au homard. En ce moment, nous nous dirigeons vers un sommet, et nous allons l'atteindre. À un moment donné, les prises diminueront. C'est arrivé dans des zones où la mesure avait été augmentée. Plus elle augmente, plus les périodes creuses se stabilisent, et plus profondes elles sont. Alors au lieu d'avoir des sommets très élevés et des creux profonds, on fonctionne en dents de scie, où les prises grimpent et tout va pour le mieux, mais quand on retombe, la chute n'est pas vertigineuse, parce que les stocks réagissent à ces mesures.
Je ne peux pas vraiment m'exprimer pour la ZPH 24, mais en ce qui concerne l'objectif de la ZPH 25, sur l'île, qui voudrait garder le homard de conserverie pour un marché à créneaux, j'aimerais souligner que M. Knox s'est fait payer moins cher cette année pour ses homards que moi. Si le marché du homard de conserverie est tellement prospère et qu'il a tellement de demandes pour lui, on pourrait supposer qu'il en aurait un meilleur prix. En réalité, les pêcheurs de l'île ont eu un prix inférieur pour le homard à celui des pêcheurs du Nouveau-Brunswick. Il se peut que ce soit parce que nous l'avons tellement transformé que nous avons forcé nos acheteurs à nous en donner un meilleur prix, je ne sais pas vraiment.
M. Knox a parlé des dix dernières années et de la manière dont les prix sont en hausse dans la ZPH 25. C'est vrai, et quand on pense à ce que nous avons fait depuis une dizaine d'années, nous avons notamment augmenté la mesure. Nous étions à 68 millimètres, et nous avons progressivement augmenté cette mesure. Ça a été lucratif. Aussi, des régions comme le nord de la ZPH 25 et le nord de l'Île-du-Prince-Édouard on bénéficie de la hausse de la mesure dans d'autres régions. Le fait que les femelles pondent leurs œufs quelque part ne signifie pas que les petits resteront là. Quand les œufs éclosent, les petits sont emportés par les colonnes d'eau, ils flottent et se posent ailleurs. Donc, les homards qui sont pris dans le côté nord peuvent très bien provenir des îles de la Madeleine, alors que ceux que j'attrape à Cap Pelé peuvent être nés à Richibucto ou à Bouctouche. Rien ne garantit que les homards restent là où ils sont nés. C'est donc que certains tirent parti des mesures que d'autres ont mises en place, comme M. Cloutier et la région nord de la Baie-des-Chaleurs.
Il a été question, tout à l'heure, de la chute du marché du bœuf, et une chose que l'on n'a pas dite, c'est que les éleveurs de bœuf de l'Alberta ont tous fait des changements radicaux. Puisqu'il y a eu une chute de l'industrie, je pense qu'il faut faire des changements radicaux. Personnellement, je pense que la taille de la carapace est l'un de ces changements positifs. Il peut y avoir les lieux communs, ou des compromis acceptables. Il n'est pas nécessaire d'aller directement d'un point à l'autre. Il est possible de trouver un juste milieu, ou un compromis acceptable, dans un temps raisonnable.
Le président : Vous avez la parole, monsieur Comeau.
[Français]
Réjean Comeau, vice-président, Union des pêcheurs des maritimes : Merci messieurs et mesdames les sénateurs de la chance de pouvoir parler ici. Mon nom c'est Réjean Comeau, je suis vice-président de l'UPM, mais je vais parler ici comme pêcheur. Je vais vous dire ce que je vis.
Comment commencer et être bref? On est ici pour parler du homard, d'une crise du homard. La crise du homard on est dedans ça fait 10 ou 12 ans peut-être, même plus. Quand on a commencé à parler d'augmenter la mesure, Carl disait qu'on était à 68. En 2008 ou 2009, c'est là qu'on a frappé la crise du homard et le taux de change avec le dollar qui est devenu à parité. Tout ça fait partie de la crise du homard. Les marchés, moi, comme pêcheur sur mon bâteau, je ne peux pas faire grand chose pour ça. Quand je suis chez-nous, sur mon bateau, quand je suis sur le quai, j'essaie de penser à ce que je pourrais faire. Il n'y a pas de grande solution. Moi, ça fait passé 32 ans que je pêche. Je suis encore jeune. J'ai été assis autour de plusieurs tables de consultation sur le poisson de fond, la morue, le pétoncle et tout ça. Le gros problème de toutes ces tables de discussion, c'est qu'on a refusé de regarder les objectifs avec réalité. On s'est toujours cachés la réalité et on a manqué de vision à long terme. On est dans une autre crise, le homard, et encore aujourd'hui, on est assis autour des tables et on ne veut absolument pas trouver de solutions à long terme. On regarde à court terme, on regarde à se protéger, nos petits marchés, nos petites choses, et si on fait ça, on va faire la même chose qu'on a fait avec la morue et toutes les autres espèces, on va se retrouver dans une crise. Il n'y a plus de crise dans la morue; il n'y a plus de morue. C'est simple. On n'a plus besoin de parler de la morue et on ne m'appelle plus pour aller à des tables, il n'y en a plus. J'espère que je ne verrai pas ça avec le homard. Il faut absolument avoir une vision à long terme. Je pense que c'est ce que nos politiciens et les gens qui prennent les décisions doivent regarder, des choses à long terme.
Ma préoccupation principale comme pêcheur, c'est ma viabilité. Moi, c'est ce qui m'intéresse. Je n'ai pas de shop, et je ne suis pas un broker. Comment faire pour rendre mon entreprise viable? On a regardé ça de tous les côtés possibles, les moyens qu'on pouvait prendre. On a commencé par parler, 10 ans passés, de durabilité de la ressource. Ça, c'était très important. On a commencé à travailler. On a augmenté la mesure jusqu'à 72, parce que les biologistes nous ont dit qu'à 72 millimètres, l'île va juste arriver-là l'année prochaine. On serait à 49,2 p. 100 de nos oeufs. Ils nous ont dit qu'avec ça, vous êtes plus ou moins safe pour la ressource, mais pour mon économie à moi, non. Mais on n'a pas voulu aller plus loin. Pourquoi veut-on aller à 76? C'est simple : moi, ce que je recherche dans n'importe quelle entreprise, c'est une stabilité, alors, en allant à 76, je vais emmener mes oeufs à 75 p. 100. Si j'étais là aujourd'hui, parce qu'au Nouveau-Brunswick, il faut dire qu'on a des zones. Dans la Baie-des-Chaleurs, le gars qui pêche juste à côté de moi, il a monté à 76. Il prenait 8 000 livres de homard, il en prend 25 et 28. Moi, chez-nous, ils n'ont pas voulu. Ils ont dit « Réjean, tu es un fou. On va tout perdre, notre marché, notre petit homard. » Dans sa zone à lui à côté, c'est encore pire que chez nous. Ils n'ont pas voulu avoir de vision à long terme. Ils sont restés en sécurité. Non, on ne bouge rien. Là, il y a une crise économique qui frappe avec le dollar et tout ça, et il y en a qui paient plus cher que d'autres. Ceux qui n'ont pas voulu aller de l'avant, ça coûte plus cher. Aujourd'hui, on en est là. Les biologistes préconisent une approche de précaution. C'est pour ça qu'on veut aller à 76, comme ils le disaient, parce que le homard il est comme ça, il va redescendre à nouveau, mais peut-être que ça sera des grosses vagues, un peu moins.
Je vais être bref. Il faut voir à long terme. Chaque fois qu'on parle, on parle du petit homard et de market. Il n'y a pas juste du 72 et du 76, du homard, il y en a de toutes les grosseurs. Quand je pêche j'ai du 72, du 76, du 80, du 82, du 85, du 86. J'en ai du 100. Ils me l'achètent tout pour le même prix. Ils font des queues qui ont différents prix. Ils trient mon homard. Ils le vendent sur différents marchés. Moi, je dis à la shop « pourquoi vous ne me payez pas? » « Ah, bien, tu vends du petit, on te paie. » Comme entreprise, je suis un petit peu homme d'affaires, je me dis, pourquoi ne pas mettre un homard dont la queue de cinq onces, de quatre onces ou de six onces est plus payée, pourquoi je n'apporte pas ce homard-là, si c'est ce qui vaut plus d'argent. Aussi, comme pêcheur, il faut que tu mettes ce que le marché veut. Toi, si tu veux un gros steak, celui qui fait le boeuf, il va te faire le steak que tu veux et pour lequel tu es prêt à payer. Nous, comme pêcheurs, on a pas ces notions d'hommes d'affaires. On veut mettre du homard sur le marché qui est moins payant. On veut mettre le homard pour lequel on a le moins de prix. Est-ce que c'est logique? Ce n'est pas logique. Le canner, c'est lui qui est moins payé, et c'est lui que je force à pêcher, c'est celui que je fais pousser. Comme question d'affaires, je ne pense pas.
Je comprends qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, il y a un marché niche. J'ai posé la question aux usines. On avait une rencontre de deux ou trois jours aux usines, parce qu'au Nouveau-Brunswick aussi, ils font du petit homard en sac, ce n'est pas juste l'Île-du-Prince-Édouard. Toutes les usines en font en peu, mais au Nouveau-Brunswick c'est plus diversifié parce qu'il y a plus d'argent à faire dans la queue, dans la chair et dans d'autre chose. J'ai dit « pour vous, si on va à 76, est-ce que ça va créer un problème? Est-ce que vous allez perdre ce marché niche-là? » Toutes les usines m'ont dit qu'ils allaient s'adapter. C'est simple et je comprends. Je lui ai dit « explique-moi ça. » Si le consommateur ne peut plus acheter de petit homard à 72, il va acheter le plus petit. Si c'est du 76, il va acheter du homard de 76. L'Île-du-Prince-Édouard est une province, l'endroit où ils pêchent, le Nouveau-Brunswick aussi, le plus petit homard. Il y a aura encore le plus petit homard. Ils ne vont pas perdre ce marché niche. Si le plus petit homard, c'est du 76, les gens vont continuer à acheter le plus petit homard. Ceux qui veulent avoir du petit homard, ils vont continuer. Ils auront encore le marché niche. On va se protéger côté durabilité et stabilité. On va être capable de concurrencer sur un marché, parce qu'avec les Américains du Maine, vous avez vu ce qui est arrivé cet été. On n'a pas le choix. Il faut concurrencer avec ce que les autres nous apportent.
Une crise comme celle qu'on a eu cet été, on ne pourra pas arrêter le Maine de venir apporter du homard par ici et on ne pourra pas arrêter vice-versa de le produire. Il faut trouver une solution pour s'adapter. Je pense qu'en s'adaptant, l'île ne perdre pas son marché niche. On mettra peut-être un homard sur le marché pour lequel j'aurai la chance d'avoir un petit peu plus de prix pour, puis, peut-être qu'on va pouvoir réussir à passer à travers la crise. C'est la seule chose qu'on contrôle : la ressource. Le marché, on ne le contrôle pas. Si le dollar canadien vient à 1,10 $, 1,12 $ ou 1,15 $, comme pêcheur, je n'ai aucun contrôle. Le reste, ça serait répéter ce qui a déjà été dit autour de la table.
[Traduction]
Le président : Nous vous remercions tous. C'est encore une fois un plaisir que d'entendre les témoignages de gens qui vivent de l'océan. C'est toujours productif.
Le sénateur Poirier : Un de ces messieurs a dit que la moitié du problème était d'amener le homard de l'océan à l'usine en bon état. Est-ce que vous pouvez me dire ce qu'il faudrait faire pour régler ce problème?
M. Knox : Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a établi un protocole depuis notre dernière réunion — il n'existe ni au Nouveau-Brunswick ni en Nouvelle-Écosse — selon lequel des gens vont sur les quais vérifier que le gars, sur le quai, manipule correctement le homard, qu'il y a assez de glace, que les homards ont assez de place dans les caisses et qu'ils sont de bonne qualité. Une chose devrait être obligatoire, et c'est que les pêcheurs devraient avoir suffisamment de Logtek ou de réservoirs isolés et de glace pour y loger les homards qu'ils pêchent. Ils ne devraient pas être autorisés à venir au quai avec des homards sous une bâche, par exemple, comme cela se fait à divers endroits. Les homards devraient être bien traités, et il devrait y avoir des lois pour cela. Les transformateurs ne devraient pas les acheter de pêcheurs qui les amènent sous des bâches. Ainsi, ils ne recommenceraient pas. Il faut établir des règles pour que des homards de grande qualité soient amenés à l'usine, et isoler les réservoirs et avoir de la glace. C'est comme ça qu'il faut faire.
Le sénateur Poirier : Est-ce que cela a déjà été suggéré au MPO?
M. Knox : Nous rencontrons actuellement les représentants du MPO. Nous faisons des recommandations, proposons des mesures pour assurer la qualité. Nous faisons cette année une demande de financement. Ça a été une année peu ordinaire, à cause de la chaleur. Nous disons toujours, et nous l'avons fait lors de la dernière réunion, que la seule raison pour laquelle nous sommes là, c'est à cause de la quantité de homards en provenance du Maine. Actuellement, nous voulons changer la taille de la carapace à cause de six transformateurs du Nouveau-Brunswick. Ils transforment le homard au printemps, en mai et juin. Ensuite, ils vont transformer le homard du Maine en juillet et août. Ils veulent qu'on repousse notre saison d'automne à septembre pour qu'ils puissent transformer les homards du Maine en juillet et août, puis, les nôtres en septembre et octobre, avant d'aller dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. En fait, ils ne font cela que pour leur propre intérêt. Ils ne font pas tous ces changements pour faire gagner plus aux pêcheurs. Il faut voir les deux côtés de la médaille. Ces gens-là veulent changer les choses pour accroître leurs bénéfices. Le type qui achète la grande majorité des homards des États-Unis, c'est un courtier. Il vend aussi la majorité des homards à transformer dans les usines du Nouveau-Brunswick. Il achète ses homards aux États-Unis, et il a besoin d'un endroit pour les transformer. Il vend le homard aux pêcheurs et leur dit de faire les changements. C'est le genre de chose qui se passe derrière des portes fermées, et c'est nous qui en subissons les conséquences, et ce n'est pas très juste.
Le sénateur Poirier : Monsieur Allen, vous avez dit vous entendre avec le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince- Édouard sur la date du début de la pêche au homard.
M. Allen : Oui.
Le sénateur Poirier : C'est un peu différent de ce qu'il vient de dire.
M. Allen : Nous nous entendons sur le fait que nous voulons qu'elle commence tôt. Nous voulons que ça reste au début août. Même si je suis du Nouveau-Brunswick, j'ai comme l'impression, comme M. Knox, qu'il suffirait, pour comprendre pourquoi les usines de transformation du homard du Nouveau-Brunswick souhaitent qu'on commence le 1er septembre — à l'origine, il était question du 17 septembre — de voir les statistiques relativement aux homards qui proviennent du Maine, et de la période où s'y fait le plus gros de la pêche. La pêche au homard, dans le Maine, commence à ralentir entre le début et la mi-septembre, alors il a tout à fait raison quand il dit qu'ils veulent qu'on commence tard pour qu'ils puissent transformer tout le homard du Maine, et ensuite s'occuper du nôtre.
Le sénateur Poirier : Les pêcheurs sont d'accord.
M. Allen : Nous nous entendons là-dessus. Nous achoppons surtout sur la taille de la carapace.
[Français]
Le sénateur Poirier : Je sais que vous m'avez dit que la crise de homard n'est pas quelque chose des deux derniers mois. C'est quelque chose qui existe depuis environ 10, 12 ans.
Vous m'avez parlé aussi de l'importance, à vos yeux, des raisons pour lesquelles on devrait monter de 72 à 76. C'est pour la quantité des oeufs qui vont rester. Vous avez aussi mentionné que par les années passées, la grosseur était de 68. Elle a monté à 72. Durant ces années quand vous avez réussi à faire le changement de 68 à 72, de quelle manière vous êtes venus en collaboration avec toutes les provinces pour être sur la même voie, ou est-ce que c'était quelque chose qui a été déterminé par le ministère des Pêches et puis, la réglementation a été mise en place et tout le monde n'avait pas le choix?
M. Comeau : Ça venait du CCRH, ces recommandations. C'est un peu le ministère qui l'a imposé pour des motifs de conservation. Disons que les gens étaient plus ou moins d'accord, mais il y avait toujours des endroits qui ne voulaient pas augmenter. Ça nous a été un peu imposé, oui.
Le sénateur Poirier : Mais à la fin de la journée, il y a quand même eu une certaine collaboration entre les régions?
M. Comeau : Pas nécessairement, parce qu'il y a des régions au Nouveau-Brunswick qui ont monté beaucoup plus vite. Nous autres, on a 72, dans la région de la Miramichi, à Néguac, dans ce bout-là, ils sont encore à 71. Ils vont seulement être à 72 en 2012. Nous autres, ça fait déjà presque quatre ans qu'on est à 72.
Le sénateur Poirier : Ma prochaine question - et je ne suis pas sûre si quelqu'un connaît la réponse, parce qu'en réalité, c'était M. Cloutier qui l'a soulevé et il est parti - mais peut-être qu'un de vous connaît la réponse.
Il a parlé tantôt que dans la région de Québec, ils ont été de 82 à 83, les Îles-de-la-Madeleine ont été à 83, les autres à 82. Je me demandais si c'était quelque chose qu'ils ont décidé de faire en collaboration avec les pêcheurs ou si c'était un quota de grandeur qui a été donné par le ministère des Pêches et qu'il fallait qu'ils le respectent?
M. Comeau : Je pense qu'O'Neil Cloutier avait répondu. Ils ont reçu les recommandations du CCRH en même temps que nous. Ils l'ont suivi un peu plus à la lettre, surtout sur la question de marché. Il y a eu conservation, mais ils voulaient vraiment cibler un marché, alors ils ont été plus loin que nous. Si on avait fait la même démarche, la crise aurait peut-être un peu moins d'effet sur nous.
[Traduction]
Le sénateur Poirier : Quelqu'un d'autre voulait répondre.
M. Boertien : Quand le CCRH a remis son rapport, il y a cinq, six ou sept ans, il disait qu'à 70 millimètres, il y avait 50 p. 100 de chance que le homard ait eu des œufs avant d'être attrapé et vendu, et l'Île-du-Prince-Édouard a été d'accord. Entre-temps, il y a eu de nouvelles méthodes scientifiques, et on est passé de 70 à 72. La seule raison pour laquelle nous passons de 70 à 72, c'est que nous y avons été forcés par le MPO par le biais du Programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard. Nous ne l'avons pas fait volontairement. Nous y avons été forcés. Je tiens à le préciser.
[Français]
Le sénateur Poirier : Je pense, si je ne me trompe pas, que c'est peut-être M. Comeau qui a fait ce commentaire. Il a parlé tantôt de la raison pour laquelle on ne pouvait pas mettre le prix sur les queues de homard comme on fait pour le boeuf. Donc, on a différentes qualités, différents prix. Pour quelle raison ne peut-on pas faire ça avec les différentes grosseurs pour avoir un meilleur prix de la queue de homard ou quelque chose comme ça? Selon vous avec qui, et comment et où on commence avec ces idées? Qui peut régler ça?
M. Comeau : Il faut commencer par asseoir l'industrie et les pêcheurs ensemble. C'est la première chose. Il faut commencer à se parler. On a toujours été comme chien et chat. Le pêcheur a toujours dit que l'industrie vole le pêcheur et vice-versa, mais il y a une réalité qui nous a rattrapé sur le marché, notre marché américain, qui est 90 p. 100 de notre marché. Avant ça, il y avait une grande différence entre les queues, mais là, de plus en plus, le marché semble devenir égal, les queues de quatre, cinq onces avec celles de six ou sept onces arrivent au même prix, alors, voilà l'urgence qui nous pousse encore plus à regarder ce que le consommateur veut afin de remettre un homard de qualité. Et ce qu'il veut, c'est peut-être la seule manière que le consommateur sera prêt à payer un peu plus en temps de crise pour notre produit. En bout de ligne, c'est le consommateur qui décide, comme dans n'importe quoi.
Le sénateur Poirier : Merci bien. Ça ne va pas être facile, comme on le voit, de trouver une recommandation où on pourra dire que tout le monde sera 100 p. 100 satisfait. C'est certain qu'on va continuer à écouter, mais c'est sûr et certain qu'il y a bien des difficultés. Merci.
M. Comeau : Un dernier commentaire : si on pouvait convaincre tout le monde de regarder à long terme et non pas simplement à court terme, déjà on aurait un grand pas de fait.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Vous avez parlé d'inscription par téléphone plutôt qu'en ligne, et c'est intéressant. Dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, certains pêcheurs plus âgés n'ont pas forcément accès à l'Internet. Est-ce que c'est une question d'effectifs? À votre avis, d'où vient le problème?
M. Boertien : Pour moi, le problème, c'est que le MPO réduit ses effectifs et essaie de réduire son budget parce qu'il en a reçu l'ordre. Les gens des bureaux sont soit mis à pied, soit congédiés. Le problème, c'est ce que ça veut dire pour 25 ou 30 p. 100 de nos pêcheurs. Il y a plus de 1 200 pêcheurs à l'Île-du-Prince-Édouard, et si 300 ou 400 d'entre eux ne savent pas ce qu'ils font, la seule personne qui reste au bureau de délivrance des permis se fera bombarder de demandes d'aide.
Le sénateur McInnis : Dans le contexte de la situation dont nous traitons aujourd'hui, cela semble être peu de chose, mais c'est une question d'ordre pratique, et cela peut poser problème dans les régions rurales. Je tiens à ce que vous sachiez que je comprends votre préoccupation. Les temps changent, vous le savez, et nous devons tous y faire face, mais pour certains pêcheurs plus âgés, ce peut être plus difficile quand ils n'ont pas accès. Je tenais à vous dire que je le comprends.
Les débarquements de homards, actuellement, sont très élevés, et j'ai lu quelque part qu'on ne comprend vraiment pourquoi. Demain après-midi, si j'ai bien compris, des chercheurs et scientifiques doivent comparaître devant le comité et je leur poserai la question. Cependant, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques a dit qu'il fallait réduire l'exploitation et établir des meilleurs mécanismes de contrôle en ce qui concerne la pêche. Est-ce que vos organisations s'en inquiètent, et le cas échéant, est-ce que cela pose plus un problème dans certaines ZPH que dans d'autres? Qu'est-ce que vous recommanderiez?
M. Knox : C'est à moi que vous posez la question?
Le sénateur McInnis : À vous ou aux autres, en fait.
M. Boertien : Si vous le permettez, je dirais que, du fait de l'augmentation des tailles de carapaces déjà effectuée — de 68 à 70, puis, trois ans plus tard, de 70 à 71, puis, une année sans changement, puis, au printemps prochain, de 71 à 72 — il reste plus de homards au fond. Les homards sont plus nombreux à se reproduire, ils sont plus gros, ils se rapprochent des rives. Ce sont de plus gros animaux, plus lourds. Si les mesures scientifiques sont appliquées et si nous passons de 72 à 76 et que le poids du homard augmente de 40 p. 100, cela augmente le problème. L'Î.-P.-É. a attrapé près de 30 millions de livres l'an dernier; ajoutez-y 40 p. 100. Comment allons-nous les vendre? Le problème va en grandissant.
Qu'est-ce que je peux faire comme recommandation? Je ne sais pas. Pas ce printemps, mais le printemps d'avant, la nature s'est chargée de régler les choses. Nos prises ont chuté, du fait de tempêtes. Environ une fois par semaine, on avait des vents du nord-est ou du sud-est. Avec des températures rigoureuses, la température de l'eau, ces vents diminuaient automatiquement nos prises.
Le sénateur McInnis : Ce n'est pas cet aspect que je voulais particulièrement approfondir. Je parlais de l'industrie du homard en général. Ce serait une catastrophe si nous perdions le homard, s'il y avait une telle réduction. Je ne pense pas que nous courions à la perte d'un moment à l'autre, il n'empêche qu'il faut envisager l'éventualité. Comment pouvons-nous préserver l'espèce? On entend parler de laisser les petits homards devenir grands. On entend beaucoup parler de ces mesures de conservation, mais comment pouvons-nous arriver à un stade où nous n'aurons pas à nous soucier de ce risque?
M. Knox : La science nous le dira. La science vous le dira quand vous aurez votre réunion. Nous rencontrons les scientifiques de notre côté. Quand nous sommes passés de 70 à 72, nous avons eu une réunion avec l'Union des pêcheurs des Maritimes, les pêcheurs de l'Î.-P.-É. et le district 25, et nous avons décidé de passer à 72 à cause de votre plan de rationalisation. On est passé à 71, puis, on a sauté une année et on est passé à 72. C'est ce que nous avons fait. Le secteur se porte on ne peut mieux. Pour ce qui est du recrutement au fond et des études que nous effectuons à l'Île- du-Prince-Édouard sur le recrutement dans les années à venir, un chercheur m'a dit : « Si vous avez l'intention d'acheter de l'équipement, c'est le moment. » Le recrutement dans la ZPH 25 est particulièrement fort.
Ceci dit, c'est plus faible dans le détroit central. Vous n'étiez pas présent, mais nous avons eu une réunion à Moncton, il y a quelques semaines. Les chercheurs du MPO ont discuté avec nous. Ils effectuent des études depuis 2007 et jusqu'à l'an dernier sur l'eau dans le détroit de Northumberland : comment elle se déplace, sa température, le limon, le fer et ce n'est pas brillant. Le détroit central se meurt à cause de la chaleur. Un professeur du Nouveau-Brunswick, je crois qu'il était de Fredericton, prédit que, d'ici 2030, 2035, il n'y aura plus de pêche dans les détroits centraux parce que l'eau y sera si chaude qu'elle n'aura plus d'oxygène et que les poissons ne pourront plus y vivre. Que pouvons-nous faire pour aider les détroits centraux? La science n'est même pas en mesure de trouver une solution. C'est le réchauffement climatique. Le reste du détroit prospère, parce que la température de l'eau est bonne, l'eau est claire et le homard se porte vraiment bien.
Je comprends que les pêcheurs du Nouveau-Brunswick veuillent augmenter. Ils voulaient rester à 72, mais sont contraints d'augmenter parce que leurs usines disent qu'elles n'achèteront pas leur homard à 72. Les transformateurs veulent un plus gros homard parce qu'ils s'intéressent à la chair et à la queue. Plus le homard est gros, moins la main- d'œuvre est coûteuse et tout est une question de sous.
Le sénateur McInnis : Monsieur le président, j'aimerais tenir ces audiences non dans un tribunal mais au moins dans un cadre où je pourrais effectuer un contre-interrogatoire et, avec un peu de chance, avoir quelqu'un en mesure de trancher et de décider qui est un peu plus intelligent que moi en matière de pêche. Je ne voulais pas explorer cet aspect des choses. À Terre-Neuve, il y allait avoir de la morue jusqu'à la fin des temps. Pourtant la fin est venue rapidement. Voyez où en est la pêche de fond de nos jours. Le jeune pêcheur a dit qu'il avait l'intention d'exercer pendant longtemps et c'est l'avenir que nous devons tous préserver. Il y aura peut-être un réchauffement climatique et nous pouvons lutter contre cela, aussi. Il faut, en tout cas, se soucier de l'avenir, qui constituera, j'en suis sûr, une part importante de notre rapport. Que pouvons-nous faire pour assurer un futur à cette pêche, pour la garder intacte, pour ceux qui suivent tout ce qui se dit dans cette salle aujourd'hui?
M. Knox : C'est pourquoi nous sommes passés à 72, pour assurer cela.
Le sénateur McInnis : Je sais.
M. Knox : Ce sont les scientifiques qui nous ont dit de faire cela.
Le sénateur McInnis : Oui, je comprends cela.
[Français]
M. Comeau : On n'a pas vraiment un problème de conservation. La prise du homard est provoquée par un problème de marché. Moi, comme pêcheur, c'est le marché. On s'en va en Chine, et le marché demande une certaine grosseur de homard. Les Américains demandent une certaine grosseur de homard, et il faut que nous, on fournisse ce que le marché demande. On ne peut pas forcer le marché. C'est le marché qui dicte.
En conservation, on a fait de beaux efforts et on est rendus là, mais la réalité, c'est le marché. Tu as les États-Unis qui amènent du homard dans nos shop, qui le dump, et nous autres, il faut concurrencer avec ça. S'il faut y aller avec un homard un peu plus gros parce que le marché veut en avoir un peu plus gros, et qu'on puisse fournir nos usines avec un homard dont ils ont besoin, et qu'ils leur disent, « whoa, vous autres, les États-Unis, slackez, parce que nos pêcheurs nous emmènent ce qu'on veut. » C'est la seule solution.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Combien coûte l'étiquette?
M. Boertien : Treize cents.
Le sénateur Harb : Pourquoi voulez-vous une prolongation?
M. Boertien : Les fournisseurs qui fabriquent les étiquettes nous disent qu'il faut tout ce temps pour prendre les commandes, les fabriquer et les expédier. Notre saison commence le 1er mai, mais le pêcheur commence à poser des casiers et des étiquettes le 1er avril, environ un mois auparavant.
Le sénateur Harb : Il semblerait que la taille, ce soit important, dans votre secteur. Nous avons entendu parler de différentes tailles : 70, 72, 76, 83 et cetera. De quelle taille est le homard du Maine vendu aux usines de transformation canadiennes?
M. Boertien : Le homard qu'on envoie au Maine?
Le sénateur Harb : Non, le homard qui vient ici.
M. Boertien : Qui vient du Maine. C'est un marché et le homard fait 83.
Le sénateur Harb : Votre association de pêcheurs effectuait une étude pour voir ce qui pouvait être fait pour que le prix augmente. Qu'en est-il de cette étude? Où en sont-ils? Êtes-vous au courant?
M. Boertien : Je ne sais pas de quelle étude vous parlez.
Le sénateur Harb : L'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard effectue une étude.
M. Knox : Il y a une étude en cours sur ce qui se passe dans notre secteur et sur la façon dont on peut améliorer les choses, mais cette étude n'est pas achevée.
Le sénateur Harb : Vous avez soulevé la question des coupures au budget de science du MPO. Est-ce que le secteur envisage une alternative, pour tâcher de résoudre le problème, peut-être une mise en commun de fonds pour embaucher des scientifiques qui se pencheraient sur les différentes questions sujettes à controverse? Je dois dire que je n'ai pas l'impression que vous soyez d'accord sur quoi que ce soit. Vous êtes d'accord sur une chose seulement : que le prix devrait être plus élevé.
M. Knox : Non, on est d'accord aussi pour la saison. On est d'accord pour dire que la saison devrait rester comme elle est et non déplacée pour arranger six usines de traitement au Nouveau-Brunswick. Nous ne sommes pas d'accord sur la taille des carapaces, parce que nous n'avons pas de problème à vendre notre homard de conserve. Le Nouveau- Brunswick fait la chair et la queue et doit attraper beaucoup de homards, parce que le rendement est si faible. Leur profit est si minime qu'ils doivent avoir beaucoup de homards pour gagner de l'argent. Ce n'est pas comme ça à l'Île- du-Prince-Édouard. Nous travaillons au printemps et à l'automne et la plupart de nos usines sont fermées le restant de l'année. Cette année, l'usine qui a transformé ce million de livres a eu un taux de mortalité de zéro qu'elle n'a pas eu à transformer. Le gars pouvait payer plus pour son homard de conserve que pour ses marchés.
Le sénateur Harb : Le marché est limité, tout le monde semble en convenir. Nous avons un produit qui est fini. C'est M. Allen, je crois, qui a souligné que faute de le conserver correctement, nous risquons de manquer de produits, à un moment donné. Le prix est bas, si bien que le secteur est en crise.
En 2007, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques avait souligné toute une série de points, dont la durabilité du produit lui-même, la gestion d'ensemble du stock et de la productivité, ainsi que la question des mesures pour faire respecter la loi. Je regrette de devoir le dire, mais il y a quelqu'un qui tourne les coins ronds. Chaque point est très important. Pour ma part, en tant que consommateur de votre produit et grand amateur, je trouve le prix bas. N'y a-t-il pas dans votre secteur des gens qui ont le sang-froid pour décider que, puisque le gouvernement ne va pas résoudre leur problème, ils vont s'y attaquer eux-mêmes? Après cela, vous décidez ce que vous allez faire : tenir un sommet, organiser une réunion ou une convention et, d'un commun accord, décider d'exposer le problème à un tiers en mesure de faire une recommandation raisonnable sur laquelle tomber d'accord collectivement. M. Allen l'a dit : il faut un compromis, il faut un mécanisme quelconque. Le gouvernement ne va pas le faire pour vous. En 2007, le CCRH a rédigé un énorme rapport; en 2009, un comité parlementaire a publié un rapport sur le même sujet; et nous voici maintenant en 2012 à refaire tout cela une fois de plus. Je suis loin d'être sûr que le gouvernement puisse faire quelque chose pour vous il faut que les solutions viennent de l'intérieur. Qu'en pensez-vous?
M. Boertien : Est-ce que le gouvernement peut le faire? Je n'en ai aucune idée. La solution est-elle d'augmenter la taille de la carapace? Je ne le sais pas non plus. À l'heure où nous nous parlons, les pêcheurs du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ramènent du homard de taille suffisante pour être du homard de table et se font payer 2,75 $ la livre.
Quelle est la solution? Nous ne le savons pas. Si on passe à 76 et que le marché commence à demander une taille moindre, on ne pourra pas revenir en arrière, jamais. Le MPO ne diminuerait jamais la taille, même si nous le demandions tous ensemble.
M. Knox : Si nous sommes ici, c'est parce qu'il y a surabondance. Il y a une véritable surabondance. Ces dernières années, le littoral de l'Atlantique a augmenté ses prix de 30 p. 100. L'année dernière seulement, il y a eu une progression de 25 p. 100 ou 30 p. 100 par rapport à l'année d'avant. Plus cela va, plus cela augmente, et l'offre et la demande sont là. Si nous passions au homard de table l'an prochain, cela ne nous aiderait pas, autant que je puisse juger, parce qu'il y a tant de homards sur le marché que si on a un marché où vendre ses prises, il faut les vendre. Si nous avions vendu du homard de table cet automne, le prix aurait été le même, parce que c'était un prix dicté par l'afflux de homards des États-Unis, et c'est tout du homard de table. Même chose en Nouvelle-Écosse. Le problème est qu'il y a trop de homards. Il n'y a aucun problème dans le secteur, seulement trop de homards.
[Français]
M. Comeau : Je veux rectifier quelques tirs. On parle de homard de table. Un homard de 76 millimètres, ce n'est pas un homard de table. Un homard d'une livre, c'est un homard de 82 millimètres. Alors, à 76, on est encore dans ce qu'on appelle du canner, encore pour faire du marché de canner. On semble oublier qu'il y avait une crise cet été. Il va probablement y en avoir une autre. On a discuté, on a fait des colloques, on a tout fait. Il semble y avoir une volonté quelque part au gouvernement de ne pas vouloir régler les choses. Ils nous laissent nous disputer. Même si on en vient à des solutions très près, ils ne la prennent pas la décision. Je m'excuse, mais, il y a quelqu'un qui ne joue pas son rôle quelque part, mais c'est pas nous autres qui ne font pas notre travail, ça c'est sûr.
[Traduction]
Le sénateur Hubley : Monsieur le président, M. Comeau a rédigé une réponse à la question que j'avais posée sur la taille des carapaces, le poids en livre, le nombre d'œufs de cette femelle en particulier et le nombre de femelles parvenues à maturité sexuelle. Je voulais vous signaler que j'avais reçu cette réponse et que je la transmettrai à notre analyste.
Ma question porte sur le marketing et le prix du homard. Le secteur du homard a établi le homard comme produit de luxe, ce qui a déterminé son prix. Dans la plupart des restaurants, le homard est sans doute le plat le plus cher au menu. J'aimerais avoir vos réactions à une suggestion : passer de ce prix élevé à un stade où la plupart des familles pourraient s'offrir un dîner de homard. De nos jours, sur l'Île-du-Prince-Édouard, on y pense pour la fête des Mères et, si les gens sont à la maison l'été, on essaye de leur faire un dîner de homard. Notre repas spécial durant l'été est indubitablement du homard. Autrement dit, on ne peut pas dire qu'on en mange tous les jours. Selon vous, comment le prix et le marketing devraient-ils changer pour que ce soit accessible à plus de gens?
M. Allen : Pour rendre le homard abordable pour un repas de tous les jours, il faudrait que le prix diminue encore plus.
Le sénateur Hubley : C'est ce que je craignais.
M. Allen : Et ça ne ferait pas notre affaire, n'est-ce pas, collègues? Cela dit, je crois que vous constaterez que, ces deux dernières années, avec la crise des prix, sans manger du homard tous les jours, on en mange plus communément. Pendant la saison des pêches cet automne, il y avait beaucoup de promotions sur le homard et tout le monde en profitait. Je pense que c'est grâce au prix. Manifestement, l'offre dépasse la demande. La ressource a progressé en flèche et les marchés ne l'ont pas rattrapée. Plus d'efforts sont nécessaires, selon nous, pour pénétrer d'autres marchés. Il ne faut surtout pas perdre de vue l'Asie dans la recherche de nouveaux marchés, pour écouler plus de homards à un meilleur prix. En faire un plat de tous les jours n'arrangera pas les pêcheurs. Les prix chuteraient si bas pour les pêcheurs que cela ne vaudrait peut-être plus la peine de sortir pêcher.
M. Knox : Pour le prix du homard, on peut acheter de la mortadelle moins chère que du homard, cet automne. Si vous voulez quelques homards, allez donc à la jetée. Pour le homard, si le prix de vente au détail diminue le moins du monde, les pêcheurs en subissent directement le contrecoup. La part des intermédiaires ne diminue pas, elle. Je faisais partie d'une coopérative il y a quelques années, la Tignish Fisheries Co-op, et j'étais au conseil d'administration. Les courtiers touchaient de 3 à 5 p. 100. Maintenant ils se font de 10 à 12 p. 100, voire 20 p. 100. Ce sont les intermédiaires qui gagnent plus d'argent et les pêcheurs qui en sont pour leurs frais. Le consommateur en bout de ligne paye assez cher, à l'heure actuelle, mais les pêcheurs n'obtiennent pas grand-chose. Mon fils est en Corée. Il a pris une photographie cet été d'un prix affiché au mur : 29 $ pour un homard d'une livre un quart. Moi, j'avais 2,50 $ la livre au débarquement. Il y a des gens qui gagnent de l'argent. Mais pas moi.
Le sénateur Hubley : J'aurais un autre commentaire, sur les grandes surfaces qui utilisent le homard comme produit d'appel à prix choc. Ces magasins achètent-ils le homard au prix du marché ou l'obtiennent-ils à prix réduit? Est-ce qu'ils vendent un peu à perte quand ils fixent le prix du homard à 5 $ pièce ou quelque chose de ce genre? Est-ce que cela affecte vos résultats nets? Je pense que quelqu'un disait que cela affectait la pêche au homard au Québec.
[Français]
M. Comeau : Oui. Disons que c'est sûr que les superstores et les compagnies et tout ça, ça touche. Ils font des ventes de feu. Ils achètent du homard, et ils le vendent. Ils l'achètent peut-être à 5 $ pour le vendre à 5 $ ou à 4 $. Il y a aussi des compagnies qui se débarrassent du homard. Ça joue un grand rôle. Nous autres, pour aller chercher un prix, il faut faire un homard de qualité. Il faut une marque et il faut aller vers d'autres marchés que celui des États-Unis. On commence à aller vers la Chine, mais il faut quand même donner du homard que ce consommateur va demander. Moi, je pêche du homard, et il y a 50 p. 100 que je pêche du market, mais pas du market aux États-Unis. Je pêche du 72 et du 81. Pourquoi est-ce qu'ils me donnent 0,50 $ la livre de plus pour mon 81? Pourquoi je m'entête à pêcher du 72 pour avoir 0,50 $ de moins? S'ils me donnent 0,50 $ de plus pour un 81, c'est parce que probablement, ils ont un meilleur prix. C'est plus facile à vendre. C'est plus facile à mettre sur le marché. C'est ce que le consommateur veut. Mais je m'entête, non, je vais continuer à pêcher.
[Traduction]
M. Peters : Sobeys et Superstore majorent le prix du homard de 100 p. 100 par rapport au prix qu'ils ont payé. Dieu sait combien ils paient pour le homard, mais je sais que leur marge de profit est de 100 p. 100.
Le sénateur Hubley : Non, je n'insiste pas parce que je ne suis pas sûre de ce qu'est leur profit.
Le président : Restons-en là.
Le sénateur Poirier : Une petite précision, je vous prie, pour que je comprenne bien : le homard de 76 millimètres, c'est un homard de conserverie?
M. Peters : Oui.
[Français]
M. Comeau : Un homard de conserverie, c'est en bas de 81 millimètres.
[Traduction]
Le président : Je remercie tous nos témoins des précieuses informations qu'ils nous ont données.
J'accueille maintenant notre dernier groupe de témoins pour aujourd'hui. Nous commençons par M. Connors.
Peter Connors, président, Eastern Shore Fishermen's Protective Association : Je représente l'Eastern Shore Fishermen's Protective Association. Il s'agit de la côte Est de la Nouvelle-Écosse, à l'est de Halifax. Je représente surtout des pêcheurs, mais aussi quelques acheteurs qui, à titre de membres associés, nous offrent des conseils. Nous ne faisons pas de mise en marché, nous sommes des pêcheurs. Je vous ferai part des préoccupations des pêcheurs, plus particulièrement des pêcheurs indépendants.
Je remercie le comité de solliciter nos vues sur la situation du secteur du homard dans la région Atlantique et au Québec. Je félicite aussi les membres du comité des questions pertinentes qu'ils ont posées, ainsi que les témoins précédents de leurs exposés et réponses instructifs. Étant donné que les sujets et les concepts dont il sera question reposent sur le rapport Gardner Pinfold ou en découlent, je citerai le témoignage de M. Gardner devant votre comité et les affirmations formulées dans son rapport. Je souscris à presque tous les témoignages que vous avez entendus jusqu'à présent, et j'estime que M. Gardner a très judicieusement relevé les questions importantes pour notre secteur. Je nuancerai toutefois mon appui par les remarques et recommandations suivantes.
J'aimerais répondre à la façon dont M. Gardner a décrit les défis que présente la concurrence au sein de notre secteur. Selon lui, le manque de confiance entre les participants, les politiques de la séparation des flottilles et du propriétaire exploitant et l'absence d'un système de quotas font obstacle à un changement de structure qui donnerait plus de prévisibilité et une meilleure coordination à notre industrie. J'estime qu'il y a d'autres façons d'apporter des changements structurels. N'oubliez pas que nous venons de localités dépendant d'un seul secteur et que nos ancêtres étaient toujours endettés envers les marchands à qui ils devaient vendre leur poisson et de qui ils devaient acheter leurs fournitures. Nous refusons d'envisager la monopolisation, qui serait une des conséquences de la disparition du propriétaire exploitant et de la séparation de la flotte.
La surcapitalisation serait une autre conséquence. La concurrence présente des avantages et des inconvénients, mais nous sommes prêts à appuyer une approche de gestion coordonnée afin d'en retirer des avantages. Pour établir une approche coordonnée axée sur la collaboration, par opposition à un monopole d'entreprise, il faut des participants d'une grande maturité. Un partage et des règles applicables doivent régir le secteur et des mécanismes de surveillance transparents doivent être conçus pour inspirer la confiance.
Nous rejetons le concept de la gestion des quotas comme outil de conservation ou de contrôle. L'expérience nous a prouvé que l'on ne peut faire respecter les quotas qui, d'ailleurs, ne font pas l'objet de rapports précis. Les pêcheurs de notre région ne souhaitent pas de quotas, même comme méthode de consolidation.
Les pêcheurs préconisent des mesures telles que l'imposition de limites aux engins et aux saisons de pêche, sur lesquelles nous avons des informations précises. Il ne faut pas confondre les solutions théoriques et les solutions concrètes qui se traduisent par des résultats réels. On a récemment traité des politiques du propriétaire exploitant et de la séparation des flottilles et des députés ministériels nous ont assuré qu'ils appuient ces politiques, point final. Je ne reprendrai pas tout le débat ici; je dirais simplement que ces politiques servent à protéger le tissu socioéconomique des localités côtières rurales de l'Atlantique et du Québec et qu'elles jouissent du soutien du public et de ses représentants. Leur retrait entraînerait la polarisation et de nombreux autres problèmes pour ces collectivités et l'industrie.
Lorsque le ministre Ashfield a annoncé sa décision d'appuyer ces politiques, nous l'avons remercié et nous nous sommes engagés à faire notre part et à élaborer un nouveau modèle qui modernisera encore mieux notre industrie car il serait appuyé par le secteur et le public, il serait plus général et n'augmenterait pas la capitalisation, comme le feraient les modèles fondés sur la concentration des entreprises. Conformément à notre engagement, nous avons adopté le concept mis de l'avant par le Conseil canadien du homard et avons entamé des discussions avec les participants concurrents, les pêcheurs, les acheteurs, les expéditeurs et les transformateurs, ainsi que le gouvernement, dans le but de concilier les divers intérêts et ambitions.
Monsieur Gardner a fait état de concurrence et de méfiance dans notre secteur, mais nous estimons avoir beaucoup amélioré nos relations mutuelles et avoir reconnu l'importance de la collaboration. Les accords de fiducie permettent de contourner les politiques du propriétaire exploitant et de la séparation des flottilles et leurs effets. Ils nuisent considérablement à la collaboration et aux éventuels mécanismes d'établissement des prix qui seront essentiels à la réussite opérationnelle de cette initiative.
L'approche collaborative permettra de trouver des solutions de rechange aux exigences des transformateurs. Cela pourrait être une priorité lors de négociations devant mener à une nouvelle structure pour combler les lacunes structurelles relevées par M. Gardner. Les pêcheurs savent que les circonstances évoluent et s'adapteront en conséquence.
Nous avons aussi amorcé un processus parallèle pour régler les problèmes organisationnels, administratifs et de gestion qui ne relèvent pas du mandat du Conseil du homard. Il faudra apporter plusieurs changements. Ces pêcheurs, auxquels pourraient se joindre des acheteurs, veulent compléter les efforts du Conseil canadien du homard dans la promotion de la qualité, de la marque et des marchés.
Nous avons été impressionnés par l'évaluation qu'a faite Nadia Bouffard de la situation des organisations de pêcheurs, et c'est important. Les pêcheurs reconnaissent la nécessité d'apporter des améliorations, et son ministère pourrait encourager nos efforts en imposant des normes plus strictes, surtout concernant le processus décisionnel, et en donnant plus de poids aux recommandations des organisations de pêcheurs afin de les rendre plus pertinentes à la gestion des pêches. L'initiative dont je viens de faire mention vise à apporter ces améliorations et des progrès sont réalisés.
La rationalisation ou la viabilité demeure un sujet de préoccupation dans certaines régions, surtout le long de la côte Est qui connaît un effondrement de la pêche du poisson de fond. Même avec un rendement optimal comme en ce moment, la pêche est marginale dans certains secteurs et une réduction de 25 p. 100 des permis, ainsi qu'une meilleure distribution, devraient être envisagées. La nature de l'abondance étant subjective en raison de l'influence considérable exercée par les conditions environnementales, il est difficile de définir l'ampleur de cette réduction. Il est difficile de trouver des fonds à court terme pour apporter ces améliorations, surtout avec la dépréciation du homard, et un financement à long terme pour aider les générations suivantes à s'adapter est essentiel pour assurer la durabilité de la pêche côtière et des régions qui en dépendent.
Enfin, je dois exprimer notre préoccupation en ce qui concerne la prolifération de la pisciculture à enclos ouvert. Le fait que notre région puisse perdre son image de lieu où l'on trouve des eaux cristallines pourrait nuire à notre commercialisation. Nous craignons également que le recours aux pesticides risque de nuire aux stocks de homards.
Bobby Jenkins, président, Southern Kings and Queens Fisherman's Association (Comité consultatif sur le homard ZPH 26A) : Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis ravi d'avoir la chance de comparaître aujourd'hui et de vous parler au nom des 375 pêcheurs que je représente dans le cadre de la ZPH 26A. Je serai bref. Je n'ai qu'un court mémoire. Je le lirai rapidement et serai ravi ensuite de répondre à vos questions.
Le Comité consultatif sur le homard de la ZPH26A de l'Île-du-Prince-Édouard comprend des membres qui proviennent des trois associations locales de pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit de la Eastern Kings Fishermen's Association, de la Southern Kings and Queens Fishermen's Association et de la Central Northumberland Fishermen's Association. Ces associations comprennent au moins un représentant de pêcheur de homards pour chaque port, en commençant par celui de Surrey et du détroit de Northumberland jusqu'à Victoria, à l'Île-du-Prince-Édouard. Le comité consultatif se rencontre fréquemment afin de discuter des enjeux qui préoccupent les pêcheurs aux homards de la ZPH 26A de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette zone de pêche du homard est partagée avec les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse ainsi que ceux de l'île.
Parlons maintenant du Programme des mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique (MDIHA et de la ZPH 26A). Le Comité consultatif sur le homard de la ZPH 26A de l'Île-du-Prince-Édouard a travaillé sans relâche pour s'assurer du succès du programme MDIHA et afin de réduire la pêche dans la zone 26A. Les membres du comité ont eu d'innombrables rencontres et discussions avec les pêcheurs, afin de travailler sur un plan qui pourrait réellement profiter à leurs pêches. Les pêcheurs de homards ont contribué de manière considérable à ce programme en procédant à deux reprises à des augmentations de la taille de la carapace, en augmentant les mécanismes de sortie et en déployant des efforts pour réduire la taille des cages à homard. Qui plus est, le programme MDIHA a permis de racheter 33 permis de pêche au homard ce qui a eu pour conséquence de réduire de manière considérable l'effort de pêche dans la ZPH 26A. Nous sommes fiers de ces efforts et fiers de nos pêcheurs qui ont travaillé si fort pour atteindre ces objectifs.
Qu'en est-il de nos défis? Un défi majeur pour la ZPH 26A est de s'assurer que les succès et efforts qui proviennent du MDIHA ne soient pas mis en péril par la réduction des services et les compressions budgétaires du MPO. Le service d'approvisionnement en étiquettes du MPO cessera à la fin de 2012. Sans programme d'étiquetage des homards, tous les efforts que nous avons déployés pour réduire le nombre de cages et pour contrôler nos efforts de pêche auront été inutiles. Le MPO doit reconnaître à quel point ce programme est important pour les pêcheurs de homards et doit remettre en œuvre ce service fort utile.
Le comité consultatif met également l'accent sur l'importance de préserver la taille unique qu'ont nos homards sur l'Île-du-Prince-Édouard. Les pêcheurs ont dû accepter au fil des années bon nombre d'augmentations de la taille des carapaces et, le printemps prochain, on en sera à une nouvelle augmentation, qui a été recommandée par des scientifiques, et qui est de l'ordre de 72 millimètres. Chaque augmentation de la taille a une conséquence directe pour la performance économique des pêcheurs de l'île. Les entreprises et l'Île-du-Prince-Édouard ont créé des créneaux pour cette taille unique de homard, des missions commerciales récentes ont permis d'augmenter la demande pour cette taille intéressante.
Craig Avery, président Association des pêcheurs du Golfe de l'Ouest : Avant de vous lire ma déclaration préliminaire, j'aimerais vous remercier tous et toutes de m'avoir invité à comparaître. Je fais circuler mon mémoire afin que vous puissiez le suivre. Je pense que tout le monde l'a reçu.
Je suis arrivé un peu en retard, mais j'aimerais néanmoins remercier le président et tout particulièrement le sénateur Hubley, que j'ai eu la chance de rencontrer il y a quelques minutes. J'habite à environ cinq minutes de chez elle et c'était très agréable de pouvoir parler avec elle avant de faire mon exposé. Merci de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui et de prendre part à votre étude sur la pêche au homard au Canada.
Je suis président de l'Association des pêcheurs du Golfe de l'Ouest. Je suis un pêcheur de troisième génération qui pêche le homard dans la Zone de pêche du homard 24 depuis plus de 35 ans. Je suis venu vous voir aujourd'hui afin de vous parler au nom des pêcheurs de homard que je représente dans le cadre de l'Association des pêcheurs du Golfe de l'Ouest.
Notre groupe est une association locale qui a été créée dans le cadre de l'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince- Édouard et nous détenons deux sièges au conseil d'administration de la PEIFA. Nous représentons 242 pêcheurs du noyau dont les ports se trouvent à Sea Cow Pond, Tignish, Alberton et à Hardy's Channel, à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons inclus une carte dans notre mémoire afin que vous puissiez voir les régions que nous représentons. Nous représentons l'Ouest de l'Île-du-Prince-Édouard dans lequel se trouvent trois coopératives de pêche importantes, soit la Tignish Co-op, la Alberton Fisheries et la Hardy's Channel Co-op. Plus de 80 p. 100 des pêcheurs locaux sont membres de ces coopératives. Cela fait plus de 70 ans que ces entités réputées achètent, transforment et vendent des fruits de mer d'excellente qualité. La pêche au homard est le moteur principal de ces coopératives. D'autres espèces, telles que le crabe des neiges, le crabe commun, le thon rouge, le poisson de fond, le hareng et le maquereau jouent également un rôle important en ce qui concerne la diversité des produits que fournissent les coopératives. La pêche au homard fait face à bon nombre de défis au Canada, et j'imagine que vous en avez entendu parler aujourd'hui. J'aimerais mettre l'accent aujourd'hui, sur des enjeux qui ont une importance considérable pour les pêcheurs que nous représentons sur l'Île-du-Prince-Édouard.
Tout d'abord, nous voulons préserver et protéger l'habitat du homard. L'Association des pêcheurs du Golfe de l'Ouest a pris part à une vaste gamme de projets au fil des années afin d'élargir notre connaissance du homard et de nous assurer de protéger une de nos ressources les plus importantes. Par exemple, nous avons initié un projet qui étudiait l'impact potentiel du dragage de la mactre d'Amérique sur l'habitat du homard. Nous avons également pris part à la création d'une zone tampon volontaire pour la pêche des pétoncles afin de protéger davantage les régions où se trouvent les homards.
En ce qui concerne le matériel perdu, l'Association des pêcheurs du Golfe de l'Ouest prend part annuellement à un programme de récupération des casiers perdus et nous avons mis en œuvre de nouvelles mesures pour nous débarrasser de la pêche fantôme en utilisant des mécanismes biodégradables efficaces pour tous nos casiers de homard. Nous avons également créé un partenariat avec la Prince Edward Island Fishermen's Association ainsi qu'avec le ministère provincial des Pêches afin de prendre part à des programmes importants de collecte des données, dont, notamment, le Programme de suivi du homard qui comprend lui-même le programme de journaux de bord volontaire ainsi que le programme d'échantillonnage en mer.
En 2009, l'Association des pêcheurs du Golfe de l'Ouest a commencé une collecte d'information annuelle sur l'établissement des post-larves en créant des récifs artificiels stratégiquement placés à proximité d'Alberton, à l'Île-du- Prince-Édouard qui serviraient d'habitats aux homards. La ZPH 24 a mis en œuvre des mesures de gestion rigoureuses qui comprennent une période restreinte de deux mois de pêche et une pratique volontaire selon laquelle on ne pêcherait pas le dimanche. Au fil des années, notre groupe a rajouté d'autres mesures de gestion qui comprennent notamment des augmentations considérables à la taille de la carapace, des augmentations de la hauteur des mécanismes de sortie qui permettent à ce que l'on relâche de manière naturelle les prises trop petites et nous avons également libéré toutes les femelles d'une taille optimale, ce qui nous a permis de préserver une population de homards saine dans notre région.
Cela me permet de vous parler d'une autre composante essentielle dans nos pêches, soit de l'importance du homard en conserve pour notre association locale et pour l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons subi des pressions d'autres groupes pour nous pousser à vendre un homard d'une taille plus importante. Ces pressions ne sont pas issues de données scientifiques puisque, dans la ZPH 24 nous continuons à connaître une tendance positive dans laquelle nous enregistrons chaque année de plus en plus de prises de homard. Nos habitats artificiels de homards à Alberton enregistrent l'un des taux les plus élevés d'établissement de homard post-larve dans l'Atlantique.
Tel que je l'ai mentionné auparavant, nous avons trois coopératives de longue date dans notre région. Nous avons créé des marchés spécifiques pour adhérer à la taille unique du homard. L'Asie et l'Europe ont investi dernièrement dans l'élaboration de ce nouveau créneau. Le potentiel que revêt ce produit de qualité supérieure continue de fleurir. Nous estimons qu'il n'y a aucune raison d'augmenter davantage la taille de la carapace étant donné que nous sommes en train de protéger une ressource saine qui nous permet de créer des créneaux pour un produit de cette taille et étant donné les nouvelles occasions qui se sont offertes à nous par l'entremise de missions commerciales et de promotions qui ont eu lieu dernièrement.
En dernier lieu, j'aimerais mettre l'accent sur l'importance des conseils des pêcheurs lors des décisions de gestion. Les pêcheurs veulent ce qu'il y a de mieux pour leur industrie et ont souvent des bonnes idées pour améliorer les choses. L'Association des pêcheurs du golfe de l'Ouest a pris part à un gel lié aux ports de débarquement qui a été couronné de succès afin de contrôler la surcapacité dans la région et permettre de faire durer une pêcherie viable dans l'ouest de l'Île- du-Prince-Édouard. Nous voulons souligner l'importance de préserver et respecter les décisions de gestion locale, telle que le gel des ports, qui permettent d'améliorer la protection de nos pêches.
Si vous avez des questions au sujet de mon exposé, je serai ravi d'y répondre de mon mieux.
Léonard Leblanc, président, Coalition des pêcheurs de la Nouvelle-Écosse : L'industrie des pêches aimerait remercier le Comité sénatorial permanent des pêches et océans du temps qu'il consacre à cette ressource. Cela démontre à quel point cette industrie est importante pour le Canada.
J'aimerais d'abord parler au nom du Conseil du homard, puis, j'aimerais vous parler de mon association locale et vous décrire ce que nous avons fait pour nous aider sans l'aide du gouvernement.
On a beaucoup parlé du rapport Gardner Pinfold. Je sais qu'il a déjà comparu devant le comité. Ce rapport était un examen indépendant, sans lien de dépendance avec le Conseil du homard, même si nous en avons défrayé les coûts. Contrairement aux autres rapports qui sont trafiqués pour témoigner du point de vue de l'organisation qui en défraie les coûts, cela n'a pas été le cas pour ce rapport. Nous lui avons dit de faire un examen et de nous en faire un rapport. Nous respectons son point de vue, mais nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec tout ce qu'il a indiqué. Je voulais tout simplement vous expliquer le point de vue du Conseil du homard en ce qui concerne ce rapport. Il y a des gens qui citent le rapport Gardner Pinfold et qui indiquent qu'il représente le point de vue du Conseil du homard, mais ce n'est pas vrai.
Je vais maintenant passer à mon exposé. Je vous l'ai fait distribuer. Il s'agit en fait d'un rapport de sites qui indique ce que nous avons fait après 2005 dans la zone de pêche du homard 26B nord. Lorsque le ministre de l'époque, M. Crosbie, a annoncé la fermeture de la pêche du poisson de fond, je pêchais la morue avec une longue ligne. Nous savions alors que ce genre de revenu disparaissait sans doute à tout jamais. Nous devions alors regarder ce qu'il nous restait. Il s'agissait surtout du homard, qui était notre gagne-pain principal, et du crabe des neiges.
En 2005, j'ai rassemblé les membres exécutifs de mon organisation dans une pièce. C'était intéressant. La pièce dans laquelle nous avons nos réunions se trouve à côté d'un endroit que nous appelons « la porte verte » et qui est un lieu où travaillent les gens qui ont une déficience mentale. Ils s'y rendent chaque jour pour faire leur travail. Je trouvais qu'il s'agissait d'un endroit idéal pour avoir une réunion parce que si on ne pouvait pas le faire dans notre pièce, on pourrait obtenir d'excellents conseils dans la salle d'à côté. Cela a permis à tout le monde de se concentrer et de se rendre compte que nous devions régler notre problème.
Nous avons examiné notre pêche à la loupe. Cela a mené à deux résultats : augmenter notre revenu, réduire nos efforts et nous assurer que, au bout du compte, il nous restait quelque chose dans notre portefeuille. Peu importe le montant d'argent que vous faites, au bout du compte, ce qui importe véritablement, c'est combien d'argent il vous reste à la fin de la journée.
Qu'avons-nous fait? Nous avons augmenté notre taille à 70 millimètres puis, l'année dernière, nous l'avons augmenté à 81 millimètres. Une fois que nous recevrons les résultats du consultant dont nous avons retenu les services, nous vous en fournirons sans doute un exemplaire, nous allons pouvoir décider si nous pourrons l'augmenter à 82 ou 83 millimètres.
Lorsque nous avons commencé, la maturité sexuelle était de l'ordre de 35 p. 100. Ce chiffre a atteint 94 p. 100 au printemps dernier. Le dernier échantillonnage en mer de notre région a été effectué en 2003 par Michel Comeau et son équipe. J'y ai pris part puisque j'étais dans un des bateaux. À l'époque, ils avaient trouvé 1 007 mâles. Suite à tous les changements que nous avons apportés, nous en avons trouvé 5 756. Quand j'ai reçu ces données, j'étais bouche bée. Je me suis dit, bon sang, qu'avons-nous réussi à accomplir?
Qu'avons-nous fait? Nous avons également réduit le nombre de casiers en les faisant passer de 300 à 150. Nous avons acheté neuf permis par l'entremise du programme de rachat qui, comme je l'ai mentionné à Ottawa, était fort apprécié. J'aimerais d'ailleurs féliciter le travail admirable qui a été effectué par Régean Hébert, Isabelle Frenette et Leroy MacEachern du MPO dans les régions de Moncton et Antigonish. Je me rappelle que je les appelais en fin de semaine et ils répondaient toujours au téléphone. On avait besoin qu'on réponde à nos questions. Je ne pense pas que tous les fonctionnaires agissent de la sorte, mais ceux-là étaient vraiment dévoués au programme.
Nous avons également fermé le port de Cheticamp parce que nous avions remarqué que des femelles de grande taille s'y rendaient et nous devions agir de la sorte dans nos efforts de réduction. Nous avons établi qu'il y aurait un minimum de cinq casiers par ligne, alors qu'auparavant nous procédions avec un seul casier par ligne. Quels résultats se sont fait ressentir immédiatement? Tout d'abord, nos coûts de combustible ont chuté. Ma consommation personnelle a chuté de 30 ou 40 litres par jour et j'ai économisé une à trois heures par jour sur l'eau, ce qui était fantastique pour mon dos. Nous avons réduit nos dépenses en matière d'appâts. En général, notre empreinte carbonique a chuté.
Bien que nous ayons réduit toutes ces choses, nos prises ont augmenté. Nos prises ont augmenté de l'ordre de 5 000 livres au printemps dernier. L'on nous payait en moyenne 4,50 $ à 5 $ la livre au printemps dernier. Comme je l'ai déjà mentionné, l'année dernière, après avoir atteint notre objectif de 81 millimètres, nous avons procédé à un exercice scientifique pour voir ce que cela nous avait permis de gagner. Nous avons embauché un étudiant au doctorat et un étudiant à la maîtrise pour faire de la recherche en mer pour nous. Le rapport est près d'être terminé et nous vous l'enverrons quand il le sera. Jusqu'à présent, les données préliminaires sont fort intéressantes.
En ce qui concerne la durabilité, comme vous le savez, les pêcheurs doivent générer assez de revenus pour être viables dans cette industrie, et ce n'est pas toujours facile. Nous dépendons de plus en plus de l'industrie du homard. Je n'ai véritablement fait de l'argent qu'une année au cours des quatre dernières années. La plupart du temps, les aides- pêcheurs faisaient plus d'argent que moi. Mais, parce que j'ai géré cela comme on gère une entreprise, j'ai réussi à survivre. Je n'ai pas dépensé tous les fonds sur des camions et des skidoos lorsque je faisais de l'argent. Au lieu, je le mettais dans un fonds de réserve afin de l'utiliser quand j'en aurais besoin.
C'est l'industrie du homard dans son intégralité, des pêcheurs, aux transformateurs aux expéditeurs, qui fait face à une pression externe qu'elle n'a jamais connue auparavant. L'époque à laquelle on ne faisait que prendre une prise et qu'on rentrait ensuite à la maison a tout à fait changé. Nous vivons sous la menace de la certification MSC et je pense qu'il va falloir y faire face plus tôt que nous ne pensons. Nous avons un problème avec l'élevage des animaux à l'étranger, et cela se voit en Allemagne et ailleurs. Les questions de traçabilité ainsi que les compressions gouvernementales au niveau des programmes et des services toucheront les pêcheurs à un moment où les forces du marché sont fort imprévisibles.
Les pêcheurs comprennent que leurs prises ne peuvent pas être certifiées comme étant le produit d'une pêche viable et bien gérée. Si cela ne se fait pas, ils pourraient perdre les marchés traditionnels et même les nouveaux. Les coûts associés à ce que je suis en train d'énumérer sont élevés. Pourtant, l'industrie va devoir prendre le taureau par les cornes. C'est un mal avec lequel il faut composer, nous n'avons pas le choix.
Je m'inquiète aussi, comme a dit M. Connors, des changements démographiques dans notre industrie, l'âge moyen des pêcheurs atteint probablement 50, 55 et plus. Le coût d'achat de notre entreprise, même quand les prix sont faibles, est très élevé. Ce coût ne reflète pas le revenu généré, qui est bon si on réussit à vendre mais moins bon si on achète, si on ajoute ou on en enlève.
Nous n'avons pas encore eu une discussion détaillée sur la relève, qui achètera nos entreprises. Notre association croit que nous avons entrepris toutes les démarches en ce qui concerne la biologie. Nous avons tout fait jusqu'à présent à part abandonner la pêche.
La prochaine étape que nous sommes prêts à considérer, si notre demande de restriction et de mobilité dans les sous- zones est approuvée par le ministre fédéral, est d'aller de l'avant avec la réforme et l'examen de la politique en matière des permis par rapport à la question de l'exploitant propriétaire et la séparation des flottilles. Nous voulons également nous y attaquer et voir quels sont les outils que nous pouvons changer afin de nous rendre plus viables aux yeux de tous les pêcheurs actuels et futurs. Nous sommes prêts à tout considérer, des contingents jusqu'au cumul, tout devrait être discuté. La plupart de nos propositions seront rejetées, pourtant nous espérons en garder suffisamment pour nous rendre plus viables que nous ne le sommes actuellement.
En ce qui concerne la collectivité et la durabilité, l'industrie de la pêche au homard est, à mon avis, le pilier de nos collectivités situées le long du littoral. C'est le moteur économique dans la plupart sinon la totalité de ces communautés côtières ayant un lien à la pêche au homard. Ma région n'a pas été épargnée par le ralentissement dans cette industrie. À une époque, nous avions trois quincailleries, nous en avons maintenant une seule. À une époque, il y avait neuf garages, maintenant il y en a trois, et les églises sont moins pleines parce que tout le monde est parti dans l'Ouest. C'est simple. La quête est moindre, et on demande des dons en cas de réparation nécessaire. La quête ne suffit plus. Comme j'ai dit, nos jeunes sont de plus en plus nombreux à partir vers l'Ouest. Même mon beau-fils y est allé; il n'avait pas le choix. Donc, au printemps on a du mal à recruter un équipage, et chaque année ça devient plus difficile. Les propriétaires d'usine embauchent maintenant des travailleurs migrants, et dans un avenir très rapproché, je pense que je le ferai aussi. Je le vois venir. Par conséquent, chaque collectivité essaie de maintenir son identité économique, sociale et culturelle. C'est une lutte.
En guise de conclusion, je dirais, comme tout le monde le sait, que je suis plutôt optimiste. Je l'ai dit à Ottawa et je le répéterai ici, je pense qu'on peut surmonter ce problème. J'aime répéter qu'on dit souvent en parlant du Canada, il y a le mot « can » dans Canada, qui veut dire « pouvoir » en anglais. Il faut puiser dans cette philosophie au quotidien quand on parle de la pêche au homard, et apporter les changements positifs qui amélioreront notre situation. À mon avis, nous pourrons rétablir la prospérité chez nous en nous engageant à assurer que les pêches au homard s'orientent vers le biologique, parce qu'il faut avoir une ressource saine, ainsi qu'une économie durable.
À mon avis, ce sont les intervenants qui doivent être à la table. La plupart des membres du Conseil du homard, y sont déjà, je dirais. Les organismes de pêcheurs sont présents, et certains ont parlé en faveur du Conseil du homard aujourd'hui, et je les en remercie. Nous avons besoin de la science et de la gestion du MPO, gestion en ce sens que le Conseil du homard puisse faire des propositions, mais qu'au bout du compte, les différentes ZPH aient le dernier mot. Nous ne nous mêlons pas de la gestion, mais nous pouvons peut-être faire une contribution à l'industrie pour suggérer des changements. On a besoin du Collège vétérinaire de l'Atlantique, parce que selon moi, la santé des ressources est fondée non seulement sur les sciences du MPO, mais aussi sur la science vétérinaire. Nous avons besoin des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. Nous avons besoin des entreprises canadiennes. Lorsque je parle des entreprises, je parle de Sobeys, de Loblaws, de Carrefour. Nous avons besoin de ces supermarchés qui composent avec les clients, soit nos clients, au quotidien.
Si nous voulons emprunter le chemin de la qualité et travailler sur ces trois piliers, il faut commencer par trouver le bon chemin. Nous ne voulons pas travailler pendant toute une année pour nous rendre compte que nous avons pris le mauvais chemin. Tous les intervenants doivent être à la table.
Nous avons besoin d'Agriculture et Agroalimentaire aussi parce qu'ils composent avec les normes de qualité. C'était intéressant de rencontrer les représentants d'Agriculture et Agroalimentaire à Ottawa. Je crois que Loblaws était de l'autre côté de la rue. Nous sommes allés voir comment le homard était traité. Il y avait des réservoirs et il y avait 10 homards; deux étaient morts et huit étaient vivants. Les queues de homard étaient en promotion à 1,99 $, et elles avaient l'air d'avoir été brûlées par le froid depuis un certain temps. Quelque chose doit changer au niveau des consommateurs pour entraîner de meilleurs prix. Si j'étais un consommateur et que je voyais deux homards morts, je ne serais pas impressionné ni incité à acheter les huit homards restants dans le réservoir. J'irais simplement acheter autre chose. C'est pourquoi je dis qu'il faut avoir tous les intervenants à la table en même temps.
Collectivement, nous n'avons pas le choix; il faut améliorer la situation. Nous avons 10 000 pêcheurs, nous avons un grand nombre de travailleurs d'usine, nous avons des camionneurs et nous parlons d'une industrie massive qu'il faut protéger et dont il faut assurer la survie. Je ne minimise pas les effets de l'effondrement des stocks de poissons de fond. Toutefois, comparativement à d'autres domaines, c'est un sujet très délicat, mais ce pourrait être pire, tout comme l'effondrement du homard, si on pense à ces effets dans diverses collectivités.
Je suis le président du Conseil du homard, et je crois toujours que nous pouvons régler le problème d'une façon ou d'une autre. Je crois en une relance. Ça prendra un certain temps. Il y a des variables sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle. Nous ne pouvons pas contrôler l'économie européenne ni l'économie américaine. Ces problèmes ne relèvent pas de nous. Nous devons faire nos devoirs pour être prêts lors de la relance de ces économies. Les Américains se préparent et nous devons faire la même chose.
J'espère vous avoir donné un aperçu de ce que nous avons fait nous-mêmes en tant qu'association.
Le président : Monsieur Sullivan, avez-vous quelques commentaires à faire?
M. Sullivan : D'abord, j'ai dit à la blague que tout le monde doit revenir sur sa position sur le Conseil du homard du Canada; je ne sais pas trop ce qui va se passer si on ne peut pas régler les problèmes des économies européennes. Les temps sont durs pour l'industrie du homard.
Nous avons tous des problèmes uniques. À Terre-Neuve, par exemple, la taille de la carapace ne serait pas du tout un enjeu. Nous avons un marché du homard fondé sur la taille qui se prête à notre secteur des pêches et qui ne donne pas lieu à beaucoup de débats. Je ne dis pas que c'est mieux pour certaines régions que d'autres; c'est le genre d'enjeu localisé qui a un effet sur le reste de l'industrie, mais ce n'est certainement pas l'enjeu le plus important de tous.
Pour ce qui est du soutien gouvernemental dont j'ai parlé brièvement plus tôt, j'aimerais aborder de nouveau certains éléments pour lesquels je n'ai pas donné beaucoup de détails. Nous n'avons pas nécessairement besoin de tonnes d'argent; nous avons besoin que les gouvernements nous écoutent et facilitent certains changements dans l'industrie. Par exemple, il y aura probablement des changements qui s'imposeront au chapitre de la réglementation et de la gestion. Le gouvernement doit vraiment être prêt à consulter l'industrie et à adopter les approches qui vont fonctionner, que les gens sont prêts à adopter. On a vu trop de programmes imposés d'en haut. Comme M. Connors l'a dit, certains sont théoriques et semblent bien et ont peut-être été appliqués à d'autres industries ailleurs, mais pas nécessairement à d'autres endroits. Il faut travailler en plus étroite collaboration avec les flottes et tenir compte de leurs propositions.
Il faut entre autres veiller à ce que les pêcheurs puissent profiter des ressources. Les gens proposent parfois des contingents individuels transférables, ou CIT, comme solution, mais cette proposition est rejetée. Par exemple, en lisant un article sur le site seafood.com la semaine dernière — quelqu'un a parlé de John Saxton plus tôt —, j'ai appris que les industries de la pêche au homard et de la pêche à l'écrevisse éprouvent des problèmes en Nouvelle-Zélande. Le prix de leur produit est passé de 80 $ à 60 $ le kilo. Nous aimerions être aux prises avec un problème de cette proportion. Le hic, c'est que le pêcheur issu du système de CIT en vigueur payait 50 $ le kilo simplement pour pouvoir attraper le poisson. Même s'il obtient le prix bonifié, il n'est probablement pas mieux loti que nos pêcheurs. Dans ce même pays, qui est célèbre pour ces CIT, nous avons entendu des choses sur des vaisseaux de la Corée avec des esclaves à bord et ainsi de suite. Il faut se demander qui empoche les profits, et s'il s'agit d'une bonne politique pour un pays d'avoir des vaisseaux et des travailleurs étrangers pour avoir la main-d'œuvre la plus bon marché possible. Je ne sais pas quels en sont les avantages pour les résidents de Chéticamp ou les pêcheurs à Terre-Neuve. Il faut prendre soin de vérifier la provenance de ces propositions. Je crois qu'une justification est toujours nécessaire, mais il faut qu'elle vienne de la flotte, avec qui il faut collaborer pour trouver des solutions.
Cette année, il y a aussi eu des changements au programme d'assurance-emploi, comme l'a mentionné un collègue plus tôt. D'après ce que je peux constater, ces changements ont été apportés après très peu de consultation, et il s'agit certainement d'un problème pour les industries saisonnières, qu'il s'agisse du tourisme, des mines, des pêches ou de la foresterie. Nous travaillons dans des environnements difficiles qui sont, de par leur nature, saisonniers. Par exemple, je ne vois pas de touristes en février à l'Anse Meadows ou à cap Ste-Marie, à Terre-Neuve, ou à d'autres endroits isolés. Il ne s'agit tout simplement pas d'un climat accueillant, tout comme la pêche ne l'est pas en février non plus. On ne peut pas offrir un bon produit. Ces changements récents feront en sorte qu'il sera difficile pour les gens d'affaires et les propriétaires d'entreprise de garder des employés professionnels. Ces compétences ne sont pas facilement remplacées. On ne peut pas simplement trouver des bons membres d'équipage dans la rue, les payer des salaires bas et obtenir du succès en affaires. C'est impossible.
J'aimerais revenir au rapport de 2009 de notre comité sénatorial. Je vois de nombreuses recommandations qui s'appliqueraient encore aujourd'hui. La troisième ici est encore applicable. J'ai parlé de recommander un plan détaillé pour la pêche au homard, y compris une rationalisation volontaire de la flotte pour réduire la capacité, au besoin. Le gouvernement fédéral devrait contribuer aux coûts associés au retrait des permis de pêche au homard. Je ne pourrais probablement pas rédiger une meilleure recommandation.
Il y a aussi l'assurance-emploi, qui faisait l'objet de recommandations à l'époque. Je crois toujours que ces recommandations sont applicables, voire même davantage quand on pense à certains des changements rétrogrades qui ont été apportés pour la présente saison et la prochaine.
Je voulais aussi parler des compressions au MPO, qui représentent un défi pour tous les intervenants de l'industrie. Les compressions dans le secteur des sciences rendent la situation plus difficile pour ce qui est d'obtenir des certifications et d'assurer et de prouver notre durabilité. Il est difficile de gérer nos pêches. Il y a moins de surveillance environnementale lorsqu'on réduit les programmes d'observation. Les coûts sont transférés. C'est très difficile. J'ai parlé des étiquettes également. Elles ne représentent pas nécessairement un coût énorme. Ce sont des problèmes importants, mais ce qui dérange le plus, c'est probablement le moment choisi. Il faut trouver un fabricant qui va livrer un produit fiable que le MPO peut appuyer. Des pêcheurs perdent des étiquettes, mais comment les remplacer? Les complications sont nombreuses. À priori, le processus n'a pas l'air très compliqué, mais il y a des questions de vie privée et la façon dont on obtient les étiquettes.
Le préavis était court, et on ne veut pas d'une saison courte. La pêche au homard dure probablement cinq ou six semaines à de nombreux endroits, particulièrement à Terre-Neuve. La saison est relativement courte, mais c'est à ce moment-là que la qualité du homard est à son meilleur et qu'il vaut probablement le plus cher. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d'avoir des complications de ce genre au début de la saison.
Nous ne voulons pas reculer lorsqu'il est question de veiller à la durabilité de nos ressources. Nous avons parlé de contrôles qui sont importants dans la gestion de la pêche au homard, du nombre de casiers. Si nous ne savons pas combien nous avons de casiers parce que nous n'avons pas d'étiquette, notre système n'est pas fiable, et tout le mode de gestion de la pêche est compromis. C'est pourquoi les étiquettes sont extrêmement importantes. Dans d'autres pêches où l'on fait des estimations biologiques et où il y a des contingents, les étiquettes ne sont probablement pas aussi importantes. Pour le homard, le court préavis est un problème important. Nous n'avons pas encore réglé la question, et nous ne savons pas comment elle va se régler. Nous espérons que le MPO reviendra sur sa décision et continuera d'offrir le service comme il le faisait auparavant; sinon, nous allons certainement faire notre possible pour relever le défi.
Le président : Monsieur MacPherson, vous vouliez faire une observation?
M. MacPherson : Oui, j'aimerais parler un peu plus longuement des étiquettes. Le sénateur Harb a posé une question plus tôt sur le coût, et je tenais à donner des précisions. Il semblerait qu'actuellement, le coût pour le MPO est de 13 cents l'étiquette, mais ce qui va changer, c'est la provenance. Nous allons devoir inscrire davantage d'information sur les étiquettes afin qu'une série n'en comprenne pas des millions ou des centaines de milliers. Ainsi, de nouvelles étiquettes seraient générées à chaque tranche de 270 à 300 pêcheurs. Ce qui nous préoccupe, c'est que les fabricants d'étiquettes figurent sur la liste des gens qui peuvent en faire la distribution, si on leur en donne le droit. Ce pourrait être un problème. Il y a plus d'un fabricant au Canada, mais il se pourrait qu'un distributeur et vous soyez obligés de livrer concurrence à une entreprise qui les fabrique. Il y a beaucoup de sujets de préoccupation.
Je veux répéter que le premier choix de l'industrie, c'était que le MPO retienne cette fonction en imposant des frais d'utilisateur, au besoin. Apparemment, ce n'est pas une option, mais c'est quand même ce que nous préférons. Il y a clairement de nombreuses préoccupations concernant la mise en œuvre du programme.
M. Leblanc : J'aimerais ajouter une observation qui, à mon avis, reflète ce que M. Sullivan a dit au sujet des compressions à Pêches et Océans. Nous avons perdu deux agents d'exécution de la loi dans le secteur du golfe de la Nouvelle-Écosse, ce qui est tout à fait inacceptable. Ces agents seront postés à environ deux milles et demi de leur ancien port d'attache. Si un agent ou moi-même recevons un appel, quand l'agent arrivera sur place, le homard sera cuit, décortiqué et mangé. À notre avis, c'est tout à fait inacceptable.
Selon le MPO, les étiquettes constituent une mesure de conservation. En tant que représentant de l'industrie, pourquoi est-ce que j'accepterais que le ministère abandonne la conservation? À mon avis, ce n'est pas logique. On nous demande d'adopter des mesures de conservation et de faire en sorte que notre pêche soit durable, mais en même temps, le ministère a entamé des démarches pour laisser tomber la conservation.
De plus, j'ai rencontré des scientifiques à Ottawa qui m'ont demandé ceci : « Leonard, pourquoi en voulez-vous tellement à la science? » J'ai répondu le réchauffement planétaire et la température de l'eau. On m'a demandé pourquoi. J'ai expliqué que la population et le cycle de reproduction se portent très bien, mais qu'on était peut-être en train de prendre plus de homards qu'on ne le devrait chaque année à cause des eaux plus chaudes. On m'a dit, « Eh bien, quelles sont les conséquences? » J'ai répondu que cette énorme courbe de l'autre côté ne serait pas progressive mais plutôt très accentuée, ce qui représenterait une grande baisse de l'autre côté. J'ai demandé aux scientifiques d'étudier et de surveiller de très près la température de l'eau, ce qu'ils ont accepté de faire. C'est une grande préoccupation pour nous tous qui œuvrons dans le secteur de la pêche au homard.
M. Jenkins : J'ai une autre observation à faire au sujet de l'étiquetage, monsieur le président.
Lorsque nous avons rencontré le ministre Ashfield au Delta à Charlottetown en juillet, nous n'aurions pas pu, à mon avis, faire plus que ce que nous avons fait ce jour-là pour souligner l'importance de l'étiquetage pour nos pêcheurs. Nous avons offert de payer ces étiquettes; nous avons joué le tout pour le tout. Nous avons attendu tout l'été pour des consultations entre le MPO et son ministère, et on nous a répondu vers la fin de septembre. Les étiquettes constituent une question de conservation extrêmement importante. Si nous n'étiquetons pas, aussi bien laisser tomber. Ne vous inquiétez pas de la taille des carapaces.
Le président : Quelle est la raison de ne pas étiqueter?
M. Jenkins : On nous a raconté cinq ou six histoires différentes le jour de notre rencontre en juillet. D'abord, le ministère refile le coût de l'étiquette à l'industrie. C'était le premier point. Nous avons dit préférer que le ministère maintienne le programme, mais si vous ne le gardez pas, nous en assumerons la responsabilité. La PEIFA prendra les casiers. Comme l'a dit M. Ian MacPherson, il y a toute une série de soumissions et de propositions sur qui sera responsable de l'étiquetage, mais nous ne saurons pas avant le 7 décembre qui fera quoi. On nous a dit qu'il s'agissait d'un transfert de coûts.
Le président : Cela semble être quelque chose que vous tous qui travaillez dans cette industrie souhaitez. J'en vois le côté positif et l'avantage, et c'est renversant. Il faudrait explorer cette possibilité.
Le sénateur Hubley : Monsieur Leblanc, à titre de président du Conseil du homard du Canada, en ce qui concerne la viabilité de cette ressource, vous avez décrit plusieurs initiatives menées dans votre district qui ont eu une incidence majeure sur vos activités. Je me demande si cette information est transmise aux diverses organisations. Est-ce que d'autres groupes de pêcheurs examinent vos initiatives? Je voudrais savoir si l'information est diffusée à l'ensemble des intervenants de l'industrie.
M. Leblanc : Merci de cette excellente question. Premièrement, lorsque j'ai discuté de ces changements, je parlais au nom de notre association locale, et non à titre de président du Conseil du homard du Canada. Je tenais à apporter cette précision car je sais que vous consignez tout ce qui est dit. J'ai fait un exposé de ce genre à d'autres réunions scientifiques. J'ai également parlé de notre programme d'enregistrement électronique, un projet pilote scientifique, grâce auquel nous avons obtenu des données au terme de la saison de pêche. L'année dernière, le MPO a décidé d'abroger le programme et de revenir au système papier. Une fois nos activités scientifiques terminées à la fin du mois de juin, nous avons demandé ces données et on nous a dit qu'elles ne seraient pas prêtes avant 2014. Or, les années précédentes, nous les avions immédiatement dans le cadre du projet pilote. La viabilité concerne les diverses zones de pêche du homard. Tout ce que je peux dire, sans vouloir me vanter ni prêcher, et je le dirais à quiconque veut m'entendre, c'est ce que nous avons fait. J'ai pris la parole à diverses conférences nationales et réunions scientifiques ici à Moncton, et la plupart des gens savent ce que nous avons essayé de faire. C'est tout ce que je peux faire en tant que représentant : expliquer ce que nous avons accompli.
M. Connors : Ce que M. Leblanc est en train de dire a déjà fait tache d'huile. Dans le sud-ouest de la Nouvelle- Écosse, je sais qu'on a tenu des votes à l'automne. On a proposé de réduire la durée de la saison ainsi que le nombre de pièges. La proposition a été rejetée, mais on me dit que l'idée était assez bien vue. Il y a à peine quelques semaines, nous avons voté pour faire reculer notre saison afin d'améliorer la qualité du homard et la mise en marché. Or, il y a trois ans, on avait conspué le type qui avait proposé la même idée. Cette année, l'idée a été acceptée par un vote de 58,3 p. 100, et depuis, d'autres pêcheurs m'appellent pour me dire qu'ils ont fait la même chose dans la zone 31B et qu'ils sont donc en avance sur nous. Ils m'appellent pour me dire qu'ils veulent passer un nouveau vote, donc on voit que l'idée fait tache d'huile. Si les organisations qui apportent ce genre de changements finissent par en bénéficier, alors le gouvernement peut jouer un rôle en reconnaissant cet état de fait.
Si le Conseil du homard du Canada fait la promotion des pêcheurs qui apportent ce genre de changements afin d'améliorer la qualité de la pêche, tout le monde finira par leur emboîter le pas. Mais c'est un projet en devenir. Nous avons accepté cette responsabilité, et tout est une question d'organisation. M. Leblanc affirme qu'ils ont une bonne organisation, et nous avons également une bonne organisation, comme il y en a tout un tas en Nouvelle-Écosse, mais il y a également des problèmes. Nous pourrions utiliser l'aide du gouvernement, en donnant aux organisations des normes qu'elles doivent respecter afin que leur processus de prise de décision soit transparent et acceptable pour le MPO. C'est ainsi que nous pourrons accepter ces recommandations et y donner suite. Je pense que cela aidera à organiser les pêcheurs.
Le sénateur Hubley : Comment atteignez-vous un équilibre entre le retrait des permis et l'octroi de nouveaux permis en vertu du programme pour les nouveaux pêcheurs?
M. Sullivan : Je pense que vous avez parlé à M. Leblanc directement, mais nous avons des programmes semblables. Nous devons d'abord régler le problème de la surcapacité car notre secteur n'est pas très attrayant à l'heure actuelle, notamment là où il y a des problèmes de surcapacité. Les revenus sont trop faibles. Dans les régions où le secteur de la pêche se porte bien et les gens gagnent bien leur vie, nous n'avons aucun problème à attirer des jeunes dans notre industrie. Mais cela vaut dans la plupart des domaines; si la paye est bonne, il ne sera pas difficile de trouver des gens qui seront disposés à faire le travail. C'est un problème qui se résout de lui-même. Il nous suffit de faciliter les transferts intergénérationnels. Ces transferts se font naturellement dans certaines régions où les revenus sont intéressants, mais afin de rendre le secteur attrayant, nous devons nous assurer que les revenus sont assez élevés pour les pêcheurs et les membres d'équipage.
M. Leblanc : Pour revenir sur ce que disait M. Sullivan, lorsque nous avons racheté les permis, nous voulions répartir les bénéfices de façon équitable entre tous les ports. Comme tout le monde payait le même montant, tout le monde devait obtenir les mêmes bénéfices. La première conséquence a été qu'il y avait déjà beaucoup moins d'équipement de pêche sur le fond marin, donc moins de concurrence dans certaines régions. Les pêcheurs pouvaient, pour la première fois, pêcher au même endroit pendant deux jours de suite sans se faire prendre d'assaut. Deuxième conséquence, les prises ont augmenté car il y avait moins de concurrence. Bien entendu, cela rend la chose beaucoup plus attrayante pour les nouveaux pêcheurs. Je pense que nous avons eu deux ou trois nouveaux pêcheurs l'année dernière, et ils s'intéressaient à ce que nous faisions, car ils y voyaient un avenir.
M. Connors : Je posais ma question du point de vue des nouveaux pêcheurs, et je souhaite revenir à la question des propriétaires-exploitants et de la séparation de la flottille. Il est important que les permis soient liés aux exploitants, car c'est également un lien au poisson. Lorsque les pêcheurs sont payés pour pêcher, sans aucun lien avec la valeur du poisson, cela n'est pas soutenable. Les nouveaux pêcheurs ne vont certainement pas se lancer dans ce travail pour un salaire minimum, ils ne vont pas se démener pour le bénéfice d'autrui. Il suffit d'examiner le secteur en Colombie- Britannique, le montant du loyer qu'il faut verser pour pêcher le poisson. Mais c'est la propriété des poissons qui soutient ces communautés, d'où l'importance des permis de propriétaires-exploitants. Il y a toutes sortes de politiques — politiques de contiguïté, des propriétaires-exploitants, de séparation de la flottille — et elles visent toutes à distribuer les bénéfices de la pêche aux provinces ou aux communautés côtières adjacentes. Ce sont des communautés historiques. Elles représentent une attraction touristique, et il vaut la peine de les maintenir en vie. Si l'on abandonne ces politiques des propriétaires-exploitants et de séparation de la flottille, étant donné que les pêcheurs de homard font vivre ces communautés, il faudrait alors relocaliser les habitants. Bref, dans l'espace d'à peine une génération, elles finiraient par disparaître.
Je veux revenir sur quelque chose que j'ai dit plus tôt. Pour les collectivités autochtones, le gouvernement a acheté des permis et des quotas afin qu'elles puissent construire et maintenir une économie plus robuste. Ces communautés rurales sont dans la même situation. Dans les collectivités autochtones, les particuliers ne peuvent pas vendre leurs permis, qui doivent rester dans la communauté. Il nous faut le même genre de soutien, et c'est pourquoi nous revenons toujours sur ces politiques de propriétaires-exploitants, de séparation de la flottille et de contiguïté, de façon que les communautés adjacentes bénéficient de la pêche. Nous avons déjà perdu beaucoup dans ces communautés. Nos membres n'ont que 1,5 p. 100 du quota de poisson de fond de la côte Est, et ce, en raison de la concentration des entreprises. Lorsque j'étais enfant, il y avait des éclairages de nuit à nos portes. À l'époque, il y avait des protubérances où l'on attrapait la morue, mais elles sont maintenant couvertes de boue et on n'y trouve plus de poisson. Si le poisson devait revenir, nos pêcheurs y auraient accès puisqu'ils ont toujours pêché le poisson. Ils ont cependant tout détruit.
Nous en sommes réduits à la pêche au homard, et parfois le crabe des neiges, mais le crabe des neiges n'est pas protégé du point de vue du propriétaire-exploitant car il s'agit d'une pêche à quota. Je peux vous dire l'objectif vers lequel nous nous dirigeons, car nous sommes déjà à moitié chemin. Ces petites communautés vont devoir payer un loyer pour pêcher le crabe des neiges. À mes débuts, il y avait 18 pêcheurs qui souhaitaient pêcher le crabe des neiges. Maintenant, il n'y en a plus que deux, car ce n'est pas rentable une fois qu'on a payé le propriétaire de la ressource. C'est pourquoi il est si important que les pêcheurs soient propriétaires de la ressource, car c'est ce qui rend la pêche viable.
M. Jenkins : En réponse à la question du sénateur Hubley, dans notre cas, dans la zone 26A, nous avons racheté 33 permis et retiré 9 900 casiers de l'eau. La contribution en nature des pêcheurs était de 10 000 casiers supplémentaires, pour un total de presque 20 000 casiers retirés des eaux. C'est maintenant beaucoup plus intéressant pour les nouveaux pêcheurs et pour les jeunes pêcheurs.
Le président : C'est un plus.
Le sénateur McInnis : Je vais vous poser toutes mes questions, et vous pourrez y répondre en bloc.
Quel système pensez-vous que nous devrions instaurer pour mettre fin à ce système d'annonces politiques unilatéral venant d'en haut? Quel genre de système consultatif devrait-on mettre en place? M. Leblanc a proposé le Conseil du homard du Canada.
Ensuite, comment l'accord de libre-échange avec le Royaume-Uni, et maintenant l'Union européenne, touchera-t-il vos marchés et vos prix? Qu'en est-il pour la qualité du homard — j'y reviens sans cesse — et l'équipement des pêcheurs et des navires? Est-ce une bonne chose, dans l'ensemble? On a dit tout à l'heure que ce serait problématique, particulièrement dans certaines régions de l'Île-du-Prince-Édouard.
Enfin, monsieur Connors, vous avez soulevé une question dans le dernier paragraphe de votre mémoire. Je voulais tout simplement dire que cette question a déjà été soulevée à maintes reprises au comité, et le président m'avait d'ailleurs demandé de ne pas en parler, donc je vais m'abstenir. Vous n'avez pas besoin d'y répondre; en fait, je vous enjoins de ne pas y répondre. Il suffit de dire que c'est une question qui a déjà été portée à notre attention.
Ce que je veux dire, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, c'est que M. Connors est l'un de mes voisins sur l'île de Sober Island. Mesdames et messieurs, le Sénat se veut un lieu de sober second thought, de second examen objectif. Il serait donc intéressant de délibérer sur ce second examen objectif à un moment donné.
Voilà certaines des questions que je voulais poser, la plus importante étant comment nous pouvons mettre en place un mécanisme de consultation permanente afin que vous n'appreniez pas la mise en œuvre des nouvelles politiques dans les journaux?
Le président : Le sénateur McInnis est un nouveau membre. Comme il ne siège au comité que depuis quelques semaines, il est encore en formation. Si je lui dis de ne pas soulever une question, c'est tout simplement parce que notre temps est limité et, même aujourd'hui, nous sommes déjà allés trop loin. Nous espérons pouvoir nous pencher sur le sujet dont il parle l'année prochaine, si Dieu le veut.
M. Leblanc : J'en ai déjà parlé à Ottawa et à Moncton à maintes reprises. Lorsque nous avons des discussions avec le MPO, notre secteur consulte le ministère dans une certaine mesure, puis le MPO se retire dans sa tour d'ivoire, située au 200 rue Kent, et ferme les portes derrière lui. Ensuite, il émerge et nous dit ce qu'il va faire après que maints bureaux ont été saisis du dossier. Autrement dit, le dossier part d'Antigonish, est envoyé à divers bureaux à Moncton, pour ensuite aboutir à Ottawa, où il est remis encore à 50 ou 100 bureaux, après quoi on nous communique la décision qui a été prise. Les décisions et les dossiers sont soumis à trop grand nombre d'intermédiaires, ce qui dépasse notre entendement. Trois ou quatre gars qui prennent un café autour de ma table de cuisine pourraient faire mieux. C'est incroyable le nombre de personnes qui doivent participer à une décision qui requiert un simple oui ou non. Vous devez absolument ouvrir les portes du 200 rue Kent.
Lorsque la ministre Shea était là-bas, elle était accessible, ce qui est tout à son honneur. Nous pouvions lui parler sur demande. Lorsque je suis allé à Ottawa, elle m'a consacré une heure et demie de son temps, et nous avons parlé de problèmes qui touchent ma région. Mais ce n'est pas tous les ministres qui sont aussi disponibles. Ouvrez donc les portes au 200 rue Kent, et lorsque des décisions sont prises, faites-y participer l'industrie du début à la fin. C'est ainsi que vous mettrez fin à cette approche descendante. L'industrie devrait participer aux décisions à tous les niveaux. C'est ce qui doit changer, à mon avis.
Vous avez parlé de l'accord de libre-échange. J'étais à l'aéroport avec Peter MacKay lorsqu'il a fait l'annonce. En ce qui me concerne, pour les pêches, c'est une annonce très positive. Lorsque l'on parle des droits de douane de 10 ou 20 p. 100 sur les produits allant vers l'Europe, si on les éliminait, ce serait un fameux coup de pouce pour les secteurs du homard et de la crevette. Il est question ici de sommes importantes.
En ce qui concerne la qualité, dans notre région, nous sommes passés à une pêche où les gens attrapaient du homard, les jaugeaient à même le panier alors que le bateau se déplaçait à une vitesse de 15 nœuds, et les rejetaient par-dessus bord. Maintenant, nous mettons chaque homard dans des paniers différents et les mesurons individuellement. Nous avons également demandé que l'agent des pêches sanctionne les pêcheurs qui ne mesurent pas les homards correctement, car on est censé mesurer les homards dès qu'on les sort du casier. Il est illégal de les mettre dans un panier. Nous avons donc demandé aux agents des pêches de mettre ces gens à l'amende. Maintenant, tout le monde respecte la loi et nous pêchons plus que du homard de qualité A1.
M. Sullivan : Je pense qu'idéalement, ce sont ces gens-là qui participeraient aux consultations. Je ne voudrais certainement pas les retirer de l'équation et les remplacer par des représentants, qui ensuite perdraient certains éléments en cours de route. Il y a déjà une politique. Tout à l'heure, j'ai parlé de la révision des politiques des pêches dans l'Atlantique. On y mettait toujours l'accent sur la consultation et sur les consultations à la base. Le ministère devrait donc savoir comment s'y prendre. Je ne sais pas si c'est une question de compressions budgétaires ou si on fait beaucoup plus de microgestion à partir d'Ottawa maintenant, mais il me semble qu'on devrait effectivement prendre davantage de décisions dans les régions. Cela doit bien entendu cadrer avec la politique du MPO, mais je pense que les régions pourraient et devraient avoir une plus grande influence car certaines des discussions politiques qui ont lieu au MPO semblent peu refléter la réalité. C'est comme si on parlait deux langues différentes. Terre-Neuve se voit imposer des mesures qui fonctionnent en Colombie-Britannique, ou un modèle qui fonctionne là-bas. Si les régions avaient davantage d'influence, cela ne pourrait qu'améliorer le processus. Il nous faut discuter des divers dossiers avec le MPO et avoir des données scientifiques, des politiques de gestion et des représentants des pêches dans ces discussions.
En ce qui concerne les récentes discussions de l'ACDI, nous n'avons pas reçu beaucoup de détails, du moins le public n'a pas connu les détails. La réponse la plus simple, c'est de dire que nous pourrons livrer concurrence aux Européens grâce à nos produits de la pêche. Il y a des économies très puissantes en jeu et le marché est très important, ce qui devrait nous permettre d'améliorer notre compétitivité et la valeur de nos produits. Il y a donc des points positifs, mais nous n'en connaissons pas encore les détails.
Le sénateur McInnis : Je ne propose pas que l'on mette en place une énième couche de bureaucratie, mais il me semble que ce qui s'est produit, c'est qu'il y a eu des tas de conseils et des groupes, qui ont tous été abandonnés. Peut- on mettre en place un mécanisme permanent de façon que les pêcheurs aient voix au chapitre de façon continue? Les ministres vont et viennent, les gouvernements vont et viennent. Que peut-on faire pour que les pêcheurs soient toujours entendus de façon continue, peu importe le gouvernement du jour? Vous n'avez pas besoin de me répondre ce soir, mais je pense qu'il serait important pour le comité, mais également pour vous, de nous recommander un mécanisme. C'est pourquoi je soulève la question. J'en parle car on m'en a déjà parlé à de nombreuses reprises dans ma circonscription. Comme je le disais tout à l'heure, on ne vous consulte pas, puis, vous apprenez la mise en œuvre de nouvelles politiques dans le Globe and Mail ou le journal local.
M. Avery : Je vais répondre aux trois questions également, car les autres ont tous eu la chance de le faire.
Pour ce qui est de l'annonce des politiques, la Prince Edward Island Fishermen's Association est le seul représentant des 1 300 pêcheurs à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous ne sommes qu'une organisation. Nous n'en avons pas 40 comme dans certaines provinces et nous avons du mal à obtenir de l'information. Je vais vous donner un exemple rapidement. Canfish est le système de délivrance des permis en ligne. Je me suis rendu à Moncton pour assister à une réunion et obtenir des renseignements sur Canfish. C'est tout nouveau pour nous. Je peux me servir d'un ordinateur aussi bien que n'importe qui. Je ne devrais pas dire aussi bien que n'importe qui, mais je peux me débrouiller et j'ai obtenu de l'information à cette réunion. J'ai demandé aux responsables du système d'amener de l'information à l'Île-du-Prince- Édouard, et je n'ai pas eu de chance jusqu'ici.
Il y a une semaine, je me suis rendu à Dartmouth pour assister à une démonstration en ligne. Je ne pense pas que je devrais avoir à conduire jusqu'à Dartmouth. Nous avons 1 300 pêcheurs à l'Île-du-Prince-Édouard et j'essaie d'en apprendre à ce sujet, notre gérant essaie d'en apprendre à ce sujet aussi. Je crois qu'il y a un véritable problème ici. Nous avons une organisation et nous devrions être de ceux qui reçoivent de l'information d'en haut. Nous allons vous envoyer quelque chose là-dessus pour nous assurer que vous l'incluez dans votre rapport.
Pour ce qui est du libre-échange, je ne commercialise pas le homard. Je suis un pêcheur, mais j'ai fait un petit peu de commercialisation. J'ai passé environ cinq ans à exploiter mon propre marché de poisson et j'ai envoyé du homard partout au Canada et même aux États-Unis. Chaque fois que vous levez les droits de douane, vous allez effectivement rehausser vos prix. Idéalement, les pêcheurs en bénéficient. Je trouve que chaque fois que l'on entend une annonce comme celle-ci, cela a l'air d'être quelque chose de magnifique, tout comme le dollar américain, mais le prix ne le reflète pas pour nous. Ce qui arrive avec les transformateurs, c'est qu'ils trouvent toujours quelque chose de différent. Ils auront toujours une autre excuse pour expliquer pourquoi ils ne gagnent pas d'argent, que le prix du carburant est à la hausse ou que le dollar est à la baisse. Si le dollar canadien baissait à 80 cents, ce serait formidable, mais ils trouveraient autre chose. J'espère que c'est positif.
J'ai passé quatre jours dans votre magnifique province de Terre-Neuve pour les réunions du Conseil canadien des pêches. John Saxton était hautement respecté et les gens le connaissaient de seafood.com. Il a parlé du fait que les droits de douane avaient été levés et que leurs cotisations avaient été retirées. C'est effectivement quelque chose de très positif et j'espère que ce sera une bonne chose pour leurs prix, car c'est un défi.
La qualité est un autre gros enjeu dans la région où je pêche. À partir du 1er mai environ ou du 30 avril, nous préparons notre équipement. Il fait très froid. Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, le sénateur McInnis connaît bien le temps qu'il fait là-bas, j'en suis certain. Je ne sais pas si vous avez déjà été à bord de bateaux de pêche, mais j'ai déjà eu de la glace dans certains endroits du bateau. Je n'avais pas à m'en soucier vers la fin juin, pendant les deux dernières semaines, mais la température s'est réchauffée au cours des dernières années et nous sommes en train de régler le problème. Nous avons reçu quelques centaines de milliers de dollars du gouvernement et nous partageons cette somme avec tous les pêcheurs qui ont des citernes isolées, tandis que certains installent des pompes de circulation d'eau.
Voilà mes réponses à ces trois questions et j'espère qu'elles vous seront utiles.
M. Leblanc : Vous avez demandé au MPO, à l'échelle locale, d'organiser plus souvent des réunions du Comité consultatif sur le homard du sud du Golfe. Nous avons fait notre pré-évaluation du MSC et l'une des questions était de savoir à quelle fréquence le Comité consultatif sur le homard du sud du Golfe se réunit et, je crois qu'à cette époque-là, cela faisait cinq ans que la dernière réunion avait eu lieu. Vous avez donc une industrie qui vaut des milliards de dollars et vous ne vous réunissez que tous les cinq ans. À nos yeux, c'est inacceptable. Maintenant, le comité veut adopter un plan en vertu duquel il se réunirait tous les trois ans environ. J'imagine que vous allez avoir des feux de brousse qui vont se transformer en feux de forêt parce que vous ne serez pas intervenus assez rapidement. Une suggestion à faire au ministre serait que le Comité consultatif sur le homard se réunisse au moins une fois par an. C'est vital pour notre industrie.
Pour ce qui est de l'accès à l'information du MPO, j'ai demandé à obtenir le rapport de John Hannah. Il s'agissait d'un rapport indépendant sur l'application. Nous faisions face à des compressions et je voulais en connaître les raisons. On m'a dit que l'information resterait confidentielle, qu'on n'allait pas la divulguer à l'industrie. Comment peut-on parler d'application de la loi si nous ne pouvons pas avoir accès à cette étude et voir les motifs pour lesquels le ministère a fait sa recommandation? Comme vous le voyez, bien des changements sont survenus au sein du ministère en vue de faire preuve d'ouverture et de transparence. Dans certains cas, cela fonctionne, mais dans la plupart des cas, cela ne fonctionne pas.
Le sénateur Unger : Merci à nos témoins. J'ai trouvé vos observations très intéressantes. J'ai certainement appris beaucoup. Un témoin du groupe précédent a indiqué, vers la fin de son exposé, que l'intermédiaire double et triple ce qu'il gagne aux dépens des pêcheurs. Je me demande simplement pourquoi on accepte cela et ce que l'on peut faire, si c'est vrai. J'imagine que ça l'est.
M. Sullivan : Récemment, d'importants transformateurs et expéditeurs ont indiqué que les volumes étaient bons. La plupart des gens de l'industrie, les pêcheurs, semblent être les moins bien lotis à l'heure actuelle. Il y a beaucoup de produits qui se transigent, beaucoup de personnes dans la chaîne de valeur, et leurs marges restent les mêmes ou à peu près. S'ils ont un petit peu plus de volumes supplémentaires pour compenser leurs marges quelque peu inférieures, ils s'en sortent toujours bien. Par exemple, à terre, les gens travaillent souvent moyennant une commission fixe. S'il s'agit de 50 cents — c'est peut-être un petit peu moins —, mais cette commission ne fluctue pas en fonction du marché global. Proportionnellement, le pêcheur semble être le plus frappé.
Je ne travaille pas dans ce domaine et je n'ai pas de rapports détaillés, mais souvent les gens qui sont des courtiers sont capables de maintenir les mêmes sommes d'argent et des marges semblables, qu'il s'agisse d'un produit de qualité supérieure ou de moins bon marché. Même les détaillants, bien souvent, sont prêts à vendre un peu moins de produits. Par exemple, on sait que dans l'industrie du homard, au cours des dernières années, les détaillants obtiennent un produit à un prix inférieur, maintiennent leurs prix élevés et ne font que vendre un petit moins, mais leurs marges seront meilleures. Tout cela mène à des profits semblables pour bien des gens dans la chaîne de valeur, mais le pêcheur est vraiment toujours celui qui arrive en dernier.
Alors que l'industrie est en train de parler d'établissement des prix, nous aimerions examiner le partage équitable des profits. Nous espérons que le conseil du homard pourra faire quelque chose pour résoudre ce genre de problème. Nous serions probablement encore ici dans deux semaines si nous voulions entrer dans tous les détails, mais voilà, très brièvement, mon compte rendu de la situation.
M. Connors : Si je me souviens bien de ce que Michael Gardner a dit, il a imputé une bonne partie du problème à la concurrence. Il y a tellement d'expéditeurs qui se livrent concurrence que l'industrie, les acheteurs, les marchés internationaux et les détaillants se retrouvent dans une situation où ils peuvent devenir des cibles et obtenir des prix réduits. Je crois que la solution, c'est l'organisation. Il faut vraiment faire en sorte que nos transformateurs, nos acheteurs et nos pêcheurs puissent résoudre leurs propres problèmes. Il faut simplement s'asseoir autour de la table et déterminer comment nous pouvons obtenir le meilleur prix et créer une marque Canada, une industrie Canada. À l'heure actuelle, vous avez des compagnies américaines qui s'installent directement dans les ports et qui achètent directement des bateaux. Le produit ne s'en va pas en Chine. Vous savez où il s'en va.
Si nous voulons retirer le maximum de notre industrie et profiter de toutes les occasions en diversifiant les marchés internationaux, nous devons avoir une marque et une industrie Canada et nous organiser nous-mêmes. Le gouvernement peut nous aider en nous reconnaissant, en nous aidant à nous organiser et en faisant savoir à l'industrie que nous allons en bénéficier.
Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, lorsqu'on nous a demandé d'apporter ces changements pour améliorer la qualité, les pêcheurs nous ont demandé si nous pouvions leur garantir qu'ils allaient gagner plus. Eh bien, si nous prenons les bonnes décisions, l'an prochain ou l'année suivante, nous pourrons dire que oui, c'est possible. Voilà ce qui s'est passé ici, voilà ce qui se passe là-bas et voilà les progrès que nous sommes en train de réaliser.
Pour conclure, je dirais que nous pouvons commander le marché, si je puis dire. C'est ainsi que je vois les choses évoluer. Je suis un idéaliste, je vous l'accorde. Je travaille à l'atteinte de cet objectif et je crois que c'est la solution, si nous y arrivons. Je sais qu'il y a de nombreuses autres personnes dans l'industrie — je leur parle tous les jours — qui comprennent et qui travaillent pour atteindre cet objectif également. À un moment donné, tout le monde va devoir se rallier à cette cause. Je suis convaincu que cela permettra non seulement de résoudre nos problèmes, mais aussi de résoudre les problèmes du gouvernement du même coup. S'ils peuvent nous aider à résoudre notre problème, cela résoudra le leur. Lorsque le gouvernement était en mauvaise posture, nous nous en sommes sortis en créant des conditions où tout le monde pouvait retirer le maximum de ce qu'il voulait. Nous avons recommandé au gouvernement de prendre cette mesure, mais il s'est contenté de l'appliquer le moment venu. Personne n'a eu tout ce qu'il avait demandé. C'est le genre de solution que j'envisage et c'est ce vers quoi je travaille.
M. Leblanc : Je peux vous dire, en tant que président du Conseil canadien du homard, que je croyais savoir comment les homards étaient vendus jusqu'à ce que je devienne président. Je connaissais la partie de la pêche assez bien, la conservation et tout le reste, puisque je traitais avec le MPO, mais je me suis aperçu très rapidement que je ne connaissais que très peu de choses sur la commercialisation. Je faisais des suppositions qui, une fois que j'avais parlé aux acheteurs, n'étaient pas aussi justes que je le pensais. Quand on dit que l'intermédiaire gagne trois fois plus, je crois qu'il y a beaucoup d'intermédiaires qui gagnent 50, 60 ou 70 cents chacun, et c'est pour cette raison que chaque fois que le homard change de mains, son prix augmente avant d'arriver en Chine. Je crois que c'est ce qui se passe.
Ce que je suggérerais, c'est que peut-être le Sénat ou le comité permanent fasse une étude pour voir comment se passe la commercialisation quand le homard quitte le pêcheur et déterminer combien il y a d'intermédiaires. Ce serait un exercice intéressant qui serait utile pour les pêcheurs, car vous pourriez ensuite leur transmettre l'information pour les éduquer. Je crois qu'il y a certaines idées fausses qui circulent sur ce qui se passe réellement. Je ne défends pas les acheteurs. Ils sont suffisamment qualifiés pour le faire eux-mêmes. Je suis d'abord et avant tout un pêcheur, mais je crois que l'exercice serait très utile pour savoir exactement ce qui se passe et quand cela se passe, car je crois qu'un flot considérable d'informations qui circulent sont erronées. Certaines, mais pas toutes.
M. Avery : J'aimerais vous toucher quelques mots de la taille et de la carapace avant la fin de la réunion.
Un peu plus tôt, un des messieurs du Québec s'est dit mécontent à ce sujet; il était d'avis que tout le monde devrait pêcher des homards plus gros. Dans ma région, nous avons pris de nombreuses mesures. Nous sommes passés de 68 à 72 millimètres et avons ajouté un dispositif d'évasion à nos casiers. Mais chacune de ces mesures entraîne des frais.
J'ai fait le calcul il y a un moment, et j'ai pêché 47 jours l'an dernier. Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, on pêche six mois par année. On y a évoqué la possibilité de réduire le nombre de prises cette année, ce qui a été applaudi, mais ces pêcheurs n'ont rien fait qui ait réduit leur profit. Nous avons déjà pris de nombreuses mesures qui ont entraîné des frais. En 2012, j'ai fait le plus grand nombre de prises de toute ma vie. Je suis détenteur de mon propre permis de pêche depuis 30 ans et, pendant les cinq années précédentes, je pêchais avec mon père. Cette année, j'ai fait plus de prises que jamais auparavant en 30 ans. Alors, les pêcheurs que je représente me diront que le mieux est l'ennemi du bien.
Dans différentes régions du Québec, les pêcheurs ont reçu de l'aide sous forme de subventions. Nous n'avons jamais rien reçu de semblable. Nous avons un peu d'argent pour l'assurance de la qualité, dont j'ai fait mention un peu plus tôt. Je ne sais pas si c'est bien ou si c'est mal, car je ne pêche pas au Québec. Les structures diffèrent selon la région. Je voulais simplement vous le signaler. Je pense que la réunion s'achève et je voulais m'assurer que l'on puisse lire dans le compte rendu que j'ai défendu les pêcheurs que je représente au sujet de la taille des carapaces.
Je sais que des gens voudraient qu'on pêche des homards plus gros et que cela présente bien des avantages, mais là où je pêche, dans la zone 24 que je représente aujourd'hui, mais aussi, je crois, dans toute l'Île-du-Prince-Édouard, nous ne voulons pas de changement concernant la taille de la carapace. Nous sommes prêts à prendre d'autres mesures, et nous en avons d'ailleurs déjà pris; nous avons réduit la taille des casiers et pris d'autres mesures à l'échelle de l'île, et nous préférons maintenir la taille actuelle, soit 72 millimètres.
Le président : Je vous remercie de votre patience, car nous avons un peu de retard. La journée a été très intéressante. Nous avons entendu de nombreux témoignages et nous sommes impatients d'en entendre d'autres demain.
(La séance est levée.)