Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 12 - Témoignages du 30 novembre 2012 (séance du matin)
MONCTON, le vendredi 30 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 9 h 5, pour étudier la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et j'assure la présidence du comité.
Avant de laisser la parole à nos témoins, j'aimerais demander aux sénateurs qui sont avec nous ce matin de se présenter à nos témoins.
Le sénateur McInnis : Sénateur Tom McInnis, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Unger : Le sénateur Betty Unger, Edmonton, Alberta.
Le sénateur Harb : Mac Harb, Ontario.
Le sénateur Hubley : Le sénateur Elizabeth Hubley, Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Poirier : Le sénateur Rose-May Poirier, Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.
Le président : Je profite de l'occasion pour rappeler aux membres du comité, à nos témoins et au public que nous offrons des services d'interprétation simultanée, par conséquent n'hésitez pas à vous exprimer dans la langue dans laquelle vous êtes le plus à l'aise.
Notre comité poursuit son étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec. Hier, le comité a entendu des représentants des ministères des Pêches provinciaux et des pêcheurs, et nous nous réjouissons aujourd'hui, d'entendre les témoignages d'expéditeurs, d'acheteurs et de transformateurs.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui. Je vous demanderais de vous présenter. Je pense que vous avez des déclarations préliminaires, et nous avons hâte de vous poser des questions et d'entamer la conversation.
Nous avons eu une excellente journée hier. Nous avons appris beaucoup de choses sur cette industrie, les merveilleuses possibilités qui existent et les sérieux défis auxquels elle doit faire face. Nous espérons au cours des prochains mois d'être en mesure d'aider le plus possible, mais aujourd'hui, nous sommes là pour vous entendre. La parole est à vous.
Marc Surette, directeur général, Nova Scotia Fishpackers Association : Bonjour. Je m'appelle Marc Surette de la Nova Scotia Fishpackers Association.
J'ai quitté Halifax avec une éducation et un peu d'expérience sous le toupet avant de rentrer à Yarmouth avec l'espoir de participer à l'industrie de la pêche au homard. Quoi de mieux pour un comptable en herbe que le clinquant, le prestige et l'excitation de faire partie de la pêche la plus riche au Canada, c'est-à-dire dans la ZPH 34. C'était en 1997.
Si je devais prendre la même décision aujourd'hui, je le ferais sans hésiter. Malheureusement, peu de mes homologues percevraient cette pêche de la même façon qu'il y a 15 ans et on ne pourrait pas les blâmer.
De nos jours, les prises ont presque doublé par rapport à ce qu'elles étaient, néanmoins la valeur au débarquement n'a augmenté que modestement. Les coûts montent en flèche, les marges de profits s'élaborent et pour la première fois le meilleur homard au monde se demande s'il peut toujours réclamer légitimement ce sobriquet. En dépit de tout cela, cette pêche demeure le moteur de l'économie de ma ville et de bon nombre d'autres collectivités de la Nouvelle-Écosse.
En tant que directeur exécutif de la Nova Scotia Fishpackers Association, je représente plus de 60 petites et moyennes entreprises œuvrant dans tous les secteurs d'activité des produits de la mer de la Nouvelle-Écosse. Environ un tiers des membres sont des acheteurs, des négociants et des expéditeurs de homard. Certains sont dans cette industrie depuis des décennies. D'autres y ont eu recours pour compenser l'effondrement des pêches de poissons de fond et les moratoires qui ont été imposés. Mais le dénominateur commun, c'est que ce sont des entreprises axées sur la collectivité qui offrent de l'emploi à des centaines de familles avoisinantes. Dans bien des cas, ce sont des entreprises familiales où on retrouve trois générations qui travaillent côte à côte, ce qui est plus courant qu'on ne le pense.
J'ai appris la pêche au homard en travaillant pour deux entreprises familiales qui s'adonnaient à cette pêche. Jusqu'à aujourd'hui, je me sens honoré et privilégié d'avoir pu profiter de ces occasions pour apprendre à réussir et ces temps-ci à tout simplement survivre. Ce que l'on peut apprendre des hommes qui ont commencé à travailler dans cette industrie à la fin de la grande dépression semble rendre les parchemins et les documents accrochés dans mon bureau sans valeur.
Au fur et à mesure que nous arrivons à la saison de pêche au homard 2012-2013 dans le sud-ouest de la Nouvelle- Écosse, les gens sont préoccupés, anxieux et effrayés. Et cela ne se limite pas au secteur de la pêche mais également au volet acheteur. Il y a des membres de mon association qui ont décidé de ne pas participer cette année. Il y a des limites à ce que l'on peut endurer avant de se rendre compte que les profits ne sont plus au rendez-vous.
Certains membres ont refusé d'acheter de nouveaux bateaux ou du nouvel équipement. D'autres sont allés aussi loin que de refuser des pêcheurs loyaux tout simplement parce qu'ils ne pouvaient plus traiter le volume de homards offert tout en demeurant rentables. D'autres maintiennent le statu quo, tout en admettant qu'ils ne pourront également continuer de faire face à cette situation qu'à court terme avant qu'ils ne soient obligés d'apporter des changements draconiens à leurs modèles d'affaires.
En raison de la valeur croissante du dollar canadien, l'industrie a vu une grande part de ses avantages financiers disparaître. Il faut aussi ajouter à cela les débarquements record ou presque au cours des dernières saisons, pour constater que l'offre atteint des sommets sans précédent. Par ailleurs, le ralentissement économique en Union européenne et aux États-Unis font en sorte que la demande diminue. La Chine, ainsi que d'autres marchés asiatiques, ont été les seules lueurs d'espoir.
Grâce aux importants efforts de l'industrie, avec le soutien des gouvernements provinciaux et fédéral, le secteur du homard a été en mesure de trouver un marché en expansion pendant que ces marchés traditionnels s'atrophient. Mais avec les nouveaux marchés viennent la concurrence, et non pas de l'extérieur mais de l'intérieur.
Comme pour toute industrie, une fois que l'on trouve un débouché, les gens veulent tous en profiter. Par conséquent, l'industrie est submergée de néophytes qui n'ont pratiquement pas d'expérience dans l'administration d'une entreprise fructueuse. Ils pensent faire de l'argent rapidement avec peu de risque. Ils acceptent de brader les prix; ce qui réduit la valeur du produit dans le marché. Cela arrive constamment dans notre industrie. Les gens entrent dans la ronde, perdent une fortune, plient bagage et laissent bon nombre de joueurs les mains vides en raison des millions de dollars de factures impayées. Ils n'investissent pas dans des usines ni dans des viviers. Ils n'embauchent personne dans les collectivités où les homards sont débarqués.
Comme on le dit si bien, leur bureau est une cabine téléphonique et leurs frais généraux servent à l'achat d'une ampoule pour l'arrière de leur camion : aucun investissement, aucune stratégie à long terme et aucune conséquence. En l'espace de quelques mois, ils prennent leurs activités en affichant un nouveau nom sur le même camion. Ils constituent un problème, un immense problème. Ils sont toujours prêts à payer 10 ou 25 cents de plus que les acheteurs bien établis. Et ils gonflent artificiellement les prix au débarquement sans faire face aux répercussions. Lorsque les temps sont durs comme ce que nous connaissons actuellement, les gens vont sauter pour quelques sous de plus, mais ils sont peu nombreux à comprendre les dommages que cela occasionne.
Il est difficile, du point de vue de l'industrie, de faire quoi que ce soit pour arrêter ce genre d'activités. Cela s'ajoute au coût lié à l'exploitation de l'entreprise, un coût dont on pourrait très certainement se passer. Mais, en tant qu'industrie, nous ne disposons pas de la structure organisationnelle pour nous réunir afin de faire des pressions pour mettre un terme à ce cercle vicieux. C'est là que le gouvernement peut réellement apporter des changements positifs dans notre industrie.
Comme on peut le voir dans le secteur des pêcheurs, le fait de payer des cotisations et des droits d'adhésion à une association de l'industrie permet à cette industrie de commencer à s'organiser. Comme vous le savez, les entreprises ont différents plans d'affaires. Les propriétaires ne veulent pas toujours se vanter des énormes problèmes auxquels ils font face. Mais j'ai appris en occupant ce poste que mon travail consiste à présenter les véritables effets dommageables qui sont ressentis dans l'ensemble de l'industrie. Mais sans adhésion obligatoire, seuls quelques-uns viennent à la table de discussion et contribuent pour que quelqu'un fasse valoir son point de vue au public et présente ses préoccupations aux ministères gouvernementaux. Les autres sont des profiteurs. Éventuellement, notre voix deviendra trop faible pour être entendue. C'est ce que les membres espèrent que vous nous aiderez à éviter.
L'autorationalisation va fonctionner. Les plus forts vont survivre et les plus faibles quitteront l'industrie. Jusqu'à ce que nous ayons un engagement pour empêcher quiconque d'entrer dans cette industrie, que l'on arrête de soutenir de mauvais modèles d'affaires et de mauvais choix, cela ne se produira pas. Grâce à des entreprises solides et bien gérées à quai pour acheter et payer des homards notre industrie peut survivre. Si nous continuons de permettre à n'importe qui de s'adonner à ce commerce et de saper la valeur de l'industrie tout en laissant dans leur sillage des factures non payées sans actifs pour rembourser leurs dettes, l'industrie ne pourra pas se renforcer.
À cet égard, vous pouvez recommander ce qui a été décrit dans de nombreuses études : soutenir de bonnes entreprises ayant de bonnes idées tout en laissant disparaître les parasites.
Il est essentiel de légiférer l'accès à l'industrie pour ceux qui n'ont pas un bilan incontestable en ce qui touche l'investissement dans leur collectivité et la création d'emplois sans aide gouvernementale. Tout le monde semble vouloir adopter une approche capitaliste. Pour ce faire, il faut avoir une attitude réaliste.
Il faut revoir la politique de la séparation des flottilles et du propriétaire exploitant. Aux termes de la structure actuelle, nous nous dirigeons vers un arrangement à deux niveaux qui permet l'intégration verticale pour les pêcheurs, mais l'interdit aux acheteurs et aux négociants. Les craintes voulant que de grandes sociétés achètent les pêches ne sont qu'une illusion.
Comme on l'entend dire constamment, les pêcheurs ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Pourquoi alors penser que de grandes entreprises voudraient se lancer dans cette activité? La grande majorité des entreprises ayant des accords de fiducie sont des entreprises axées sur la collectivité. Elles permettent à des pêcheurs d'entrer dans le secteur de la pêche et qui, s'ils avaient été obligés d'avoir recours à des moyens de financement traditionnel, n'auraient pas pu y entrer. Ils ont recours à ce genre d'accord pour permettre à des pêcheurs locaux de s'adonner à la pêche, ce qui permet en retour de créer davantage d'emplois à quai pour d'autres personnes dans leur collectivité. Quelle est la différence entre un acheteur à quai ayant conclu quelques accords de fiducie et un pêcheur propriétaire de deux ou trois bateaux et d'un vivier? Peut-être que quelqu'un pourrait nous éclairer parce que nous n'en voyons aucune.
L'élimination des accords de fiducie constituera un autre obstacle pour une industrie qui subit déjà d'énormes pressions. Il ne faut pas toucher aux accords actuels et apporter des changements à la suite de consultations, c'est un minimum que peuvent accepter mes membres. Nous vous demandons de soutenir les négociations concernant l'accord économique et commercial global et d'autres accords commerciaux. L'élimination et la réduction des tarifs sur les produits du homard permettront à cette industrie canadienne de générer davantage de revenus pour tous les intervenants allant des pêcheurs aux transformateurs.
C'est ce qu'on attend de la part des gouvernements. Nous ne leur demandons pas d'intervenir mais d'offrir leur appui. Qu'ils permettent à un des engrenages d'une machine mondiale de faire son travail et non pas de le masquer. Il vous suffit de soutenir les collectivités rurales et les économies qu'elles tentent de maintenir à flot. Grâce à un appui concernant les politiques commerciales, notre industrie pourrait devenir plus compétitive.
Le Conseil canadien du homard est une initiative permettant d'examiner les préoccupations générales de l'industrie dans son ensemble. En rassemblant tous les acteurs de cette pêche, nous essayons d'apporter des changements globaux. Il faut permettre à ce travail de continuer avec l'appui continu du gouvernement. Il faut poursuivre ce processus d'établissement de solutions axées sur l'industrie dans le cadre duquel des associations et des groupes de l'industrie pourraient faire valoir toutes leurs préoccupations dans le cadre d'une tribune où les membres se comprennent les uns les autres, partagent des idées et contribuent à la reconstruction de la valeur liée à cette importante ressource.
L'appui, la consultation et la transparence, voilà les éléments fondamentaux que vous devez garantir à la pêche la plus lucrative du Canada.
Jeff Malloy, chef de la direction et directeur général, Association coopérative des pêcheurs acadiens Ltée : Bonjour, honorables sénateurs, mesdames et messieurs. Je m'appelle Jeff Malloy. Je suis le chef de la direction et le directeur général de l'Association coopérative des pêcheurs acadiens Ltée. Nous sommes situés au village Abram, une petite collectivité de pêcheurs située sur la rive sud de l'Île-du-Prince-Édouard. Je siège également en tant que vice-président au Conseil canadien du homard. Je suis également membre du Conseil canadien des pêches et président actuel de la Seafood Processors Association de l'Île-du-Prince-Édouard.
J'aimerais vous présenter un peu de contexte sur notre compagnie. L'Association coopérative des pêcheurs acadiens a été fondée en 1955. Elle se situe dans une très petite communauté de pêcheurs, une communauté acadienne sur la rive sud de l'Île-du-Prince-Édouard. L'association est une entreprise de transformation de produits de la mer se spécialisant dans le homard et le crabe, mais qui transforme aussi plusieurs espèces comme le pétoncle, le hareng et le maquereau entre autres. L'entreprise appartient à 100 p. 100 aux 99 membres pêcheurs actionnaires. C'est une coopérative qui appartient entièrement aux pêcheurs.
Tous les membres pêcheurs proviennent de sept ports différents dans la ZPH 25. Ces pêcheurs ont été touchés très durement par le déclin des prix au débarquement au cours des dernières années. Les produits que nous transformons en automne proviennent directement de nos pêcheurs, mais nous achetons également du homard d'un fournisseur à la commission dans la ZPH 24, que nous appelons notre pêche du printemps. Nous achetons aussi quelquefois des homards en provenance de la Nouvelle-Écosse.
Notre modèle d'entreprise actuel ne vise pas l'importation de homard en provenance des États-Unis. On pourra en parler plus tard, mais c'est un modèle d'entreprise complètement différent de la plupart des transformateurs de l'Île-du- Prince-Édouard.
Des statistiques du ministère des Pêches et Océans indiquent que les revenus moyens des pêcheurs de la ZPH 25 varient en fonction du taux de captures et manifestement du prix au débarquement, mais au cours des dernières années ces revenus ont été jusqu'à 87 p. 100 inférieurs à ceux des pêcheurs de la rive nord dans la ZPH 24.
Pour ce qui est des ventes de notre compagnie, pour vous donner une idée de ce que cela représente pour une petite collectivité, nos ventes s'élevaient à près de 24 millions de dollars en 2011. En 2011, la masse salariale pour notre usine de transformation s'élevait à un peu plus de 3 millions de dollars et 1 million de dollars supplémentaire a été versé aux aides-pêcheurs, ce qui fait un total de plus de 4 millions de dollars. Nous avons délivré plus de 400 T4 aux travailleurs de l'usine et aux aides-pêcheurs.
Je suis sûr que vous avez passé la journée d'hier à entendre les divers défis auxquels nous faisons face. Je n'ai probablement pas grand-chose à rajouter là-dessus. Je peux vous parler de certains éléments propres à notre compagnie, et ce n'est pas dans un ordre d'importance décroissant. L'industrie de la transformation a dû faire face à de nombreux obstacles au cours des quelques dernières années. Bien sûr, le taux de change entre les dollars canadiens et américains a apporté de nombreux changements. Par le passé, bien des gens disaient que n'importe quel idiot pouvait faire de l'argent lorsque nous obtenions 1,59 $. Il était très facile à l'époque de masquer les problèmes de l'industrie.
Nous avons été nombreux à nous réunir pendant ces années parce que nous pouvions voir les changements de taux de change et les problèmes qui se pointaient à l'horizon pour l'industrie. Mais lorsque les gens font de l'argent, ils ne veulent pas tenir de réunions. Mais avec toutes les réunions que nous avons tenues au cours des trois à quatre dernières années et en raison du faible prix au débarquement, on entend maintenant beaucoup plus parler des divers défis. Les défis auxquels fait face l'industrie ne sont pas nouveaux, ce n'est pas quelque chose qui s'est produit au cours des trois dernières années en raison des faibles prix au débarquement. Ce sont des problèmes qui étaient masqués par le passé en raison de la valeur extrêmement élevée du dollar qui nous permettait de nous tirer de situations très difficiles.
Manifestement, l'économie mondiale au cours des dernières années n'a pas aidé non plus. L'un des principaux problèmes ont été les débarquements supérieurs à la normale dans la plupart des zones de pêche du Canada et des États-Unis. Lorsque nous obtenons des débarquements qui s'élèvent à quelque 120 millions de livres cette année en provenance des États-Unis, les débarquements que nous avons eus dans la baie de Fundy et ce qui a été débarqué et que nous débarquerons au cours de l'année au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, nous constatons qu'en tant qu'industrie nous n'avons pas l'infrastructure pour traiter ce genre d'augmentations. Voilà le problème auquel nous faisons face aujourd'hui.
Pour ce qui est de certains des problèmes de l'industrie de la transformation, nous voudrions très certainement nous retrouver sur un même pied d'égalité. Au cours des quelques dernières années, certaines provinces ont fourni des subventions qui ont déséquilibré la donne. En soi, cela ne pose pas un immense problème, sauf que cela a eu une incidence sur ce que ces entreprises peuvent vendre sur le marché, ce qui se traduit par une réduction des prix. En raison du manque d'argent dans l'industrie, le marché s'est maintenant rajusté. Peu importe qui est le moins-disant, le prix du marché se fixe sur ce qu'il offre. Personne n'est en mesure de stocker du homard, d'attendre que les stocks s'épuisent pour que les prix remontent.
L'industrie elle-même manque de capitaux. Lorsque nous faisons face à des saisons record les entreprises subissent des pressions pour vendre leurs produits le plus rapidement possible. Quant au secteur de la transformation, nous sommes obligés de nous départir d'une grande partie des produits qui habituellement prennent 12 mois à se vendre, surtout sur l'Île-du-Prince-Édouard où les débarquements se font au printemps dans une période de deux mois et ensuite à l'automne pendant encore deux mois et que le tout est mis en marché de façon très rapide. Ce système ne nous permet pas d'avoir une grande rentabilité, ni pour les usines de transformation, ni pour les pêcheurs.
Le Canada prend du retard par rapport aux États-Unis dans ses efforts de mise en marché. Au cours des dernières années, le Conseil canadien du homard a essayé de faire en sorte que les provinces mettent quelque chose en place qui permettrait de recueillir des fonds de l'industrie et de les investir dans des efforts pour accroître notre capacité de mise en marché à l'échelle mondiale afin de ne pas prendre de retard par rapport aux États-Unis. Cela ne s'est pas produit. Le Conseil canadien du homard en particulier a dû avoir recours à des fonds du gouvernement pour lui permettre de survivre au cours des deux dernières saisons.
Il y a eu de nombreuses discussions qui ont permis de rassembler tous les acteurs de l'industrie, et c'est très bien, mais au bout du compte, il faut injecter des fonds dans cette industrie. Nous espérons que cela puisse provenir de l'industrie elle-même. Je trouve que ce n'est pas sain de s'attendre à ce que tout l'argent provienne du gouvernement. Si l'industrie veut s'administrer, elle devrait débourser elle-même les fonds nécessaires. C'est de là qu'est venue l'idée d'un cent la livre au tout début. Que nous adoptions ce programme ou un autre, il faut que l'industrie s'approprie ces programmes.
Il y a aussi le problème des coûts beaucoup plus élevés des frais d'expédition hors du Canada par rapport à ceux des États-Unis. Je sais que c'est un immense problème dans le secteur du homard vivant. Une bonne partie du produit se rend aux États-Unis afin qu'il puisse être expédié à partir de là. Cela a fait disparaître des emplois au Canada. Et ça occasionne beaucoup plus de stress sur le homard. Honnêtement, cela permet au homard américain d'atteindre une qualité supérieure parce qu'il s'agit en fait de homards canadiens qui sont expédiés depuis les États-Unis.
Cela ne touche pas autant le secteur de la transformation, mais même les frais d'expédition et de conteneurs, notamment, sont beaucoup moins élevés aux États-Unis qu'au Canada. Les nouvelles réformes de l'assurance-emploi qui viendront auront certainement une incidence sur le secteur de la transformation, qui est une industrie saisonnière. Certaines de ces réformes feront en sorte qu'il sera très difficile pour nous de conserver bon nombre de nos principaux employés qui occupent des postes clés comme des ingénieurs, notamment, dont nous n'avons besoin qu'à certains moments de l'année.
Nous mettons trop l'accent sur les problèmes de l'industrie en général et ne prenons pas suffisamment de temps pour comprendre que l'industrie est constituée de nombreuses composantes. Nous avons diverses saisons et taux de prise, et il y a aussi deux industries complètement différentes qui comptent sur la ressource : l'industrie du homard vivant et l'industrie de la transformation. Même dans le secteur de la transformation, il existe deux modèles complètement différents. Un des modèles est utilisé au Nouveau-Brunswick, et cette province a fait un excellent travail pour profiter des avantages qui en découlent. L'autre modèle a lieu plus particulièrement à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous devons examiner les diverses composantes une à la fois, prendre le temps de les étudier de façon distincte et ainsi, espère-t-on, cela fera une différence dans la vue d'ensemble.
Sans aucun doute, nous jouissons maintenant de certains excellents marchés très positifs en Asie. Il y a cinq ans, 75 à 80 p. 100 des produits de notre entreprise se vendaient au Canada et aux États-Unis. Au cours des 12 derniers mois, de 70 à 75 p.100 ont été vendus en Europe et en Asie, et de 20 à 25 p. 100 étaient vendus au Canada et aux États-Unis. Il existe un immense marché émergeant en Asie. Nous espérons que cela se poursuivra en raison des volumes faramineux que nous connaissons.
Notre ressource est stable. Nous parlons des volumes qui sont récoltés. Manifestement, ce que nous avons fait par le passé fonctionne, mais cela occasionne aussi certains problèmes. L'histoire des gens des Maritimes et des provinces de l'Atlantique démontrent que les habitants de ces provinces s'adaptent très bien et qu'ils ont pu surmonter les problèmes majeurs de certaines pêches au fil des ans. Si nous travaillons tous de pair, je pense que nous pouvons résoudre nos problèmes actuels.
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui.
Le président : Avant de permettre aux sénateurs de vous poser des questions, j'aimerais connaître votre avis sur le Programme de surveillance du homard. Nous en avons entendu beaucoup parler hier, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez du point de vue de la qualité. Je pense que c'est un programme qui a été mis sur pied en grande mesure à l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Malloy : Il faut tenir compte de différentes composantes. La ressource a été solide. Il y a eu des augmentations au plan de la taille. Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard passera à 72 millimètres. Cela permet la production d'œufs nécessaire, et nous pourrons en reparler un peu plus tard.
Il y a eu des discussions au cours des dernières semaines en raison des problèmes qui ont eu lieu dans la ZPH25 et en raison de la période de la saison dans cette zone. Du point de vue du climat, il y a eu de nombreuses discussions. Le MPO a été l'hôte d'une réunion, il y a quelques semaines, à laquelle les représentants du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard ont assisté.
Il faut s'attarder sur la qualité des produits qui ont été pêchés à ce moment-là. La qualité a changé. Autrefois, je vendais du homard vivant à partir d'une entreprise sur la côte du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse pendant plusieurs années et chaque homard qui sortait de l'eau avait une carapace aussi dure que le plancher. Il n'y en avait qu'une fraction d'un pourcentage qui avait une carapace molle.
L'environnement a changé. Au cours des dernières années, nous avons eu des problèmes avec la qualité du homard une fois sorti de l'eau. Je pense qu'il va falloir corriger la situation, mais finalement, la ressource est très stable. Nous espérons que nous ne vivons pas simplement une bonne période et qu'ensuite les choses se gâtent. Il faut examiner les facteurs en ce qui concerne la ressource et la qualité. Il faut travailler sur les deux éléments à la fois. Le gouvernement doit lui aussi mieux coordonner les deux éléments. Dans le passé, on s'est surtout concentré sur la ressource et sa gestion, mais il doit y avoir une façon de faire qui permettrait une bien plus grande contribution des entreprises. Jusqu'à maintenant, on s'est seulement arrêté à la ressource proprement dite et à sa conservation.
M. Surette : Je suis tout à fait d'accord. Pour nous non plus, la qualité n'a jamais fait défaut. Les homards qu'on débarquait étaient les meilleurs du monde. D'après ce qu'on entend, déjà cette année, aux premiers jours de la saison, les prises sont aussi bonnes ou encore meilleures, pourtant la qualité n'est toujours pas au rendez-vous. Nous avions espéré que la température de l'eau soit plus basse cette année, mais ce n'est pas ce qui se produit. Nous devrons absolument nous pencher sur cela pour pouvoir établir les mêmes normes de qualité partout. Cela va devenir nécessaire.
Il faut valoriser la marque canadienne de homard et garantir la qualité du homard canadien. Ce sera indispensable pour exporter en Europe et en Chine. Là-bas, ils veulent avoir l'assurance qu'ils recevront chaque fois la même qualité de homard. Il faudra réfléchir à la question particulièrement pour le homard pêché dans le sud-ouest de la Nouvelle- Écosse; on en prend une quantité colossale, mais il n'est pas de si bonne qualité pour pouvoir passer 48 à 72 heures dans une boîte quand on l'expédie à Beijing. Il faut régler le problème. Nous devons continuer à soutenir le programme et même l'élargir.
Le président : Pour revenir aux commentaires qu'on nous a faits hier, quel est votre avis au sujet des dates d'ouverture de la saison de pêche?
M. Surette : Le conseil de gestion des pêcheurs de notre région a essayé de changer les dates de la saison de pêche. Quant à nous, les commerçants, nous n'étions pas très chauds à l'idée parce qu'il fallait approvisionner les marchés à temps pour Noël. Si on ne sait pas combien de homards on va pouvoir obtenir, ni de quelle qualité il sera, quelques jours de plus ou perdre une semaine ne change pas grand-chose à la qualité. Si on avait retardé l'ouverture de la saison, on aurait eu moins de temps pour s'occuper des homards de moindre qualité et déterminer ce que l'on pourrait livrer aux marchés pour Noël.
Changer la saison de pêche n'est pas nécessairement une solution dans cette région-là de la province. On a bien parlé de la possibilité d'interdire la pêche pendant la partie de la saison qui se trouve au milieu de l'hiver et où beaucoup moins de pêcheurs sont actifs de toute façon, mais retarder l'ouverture de quelques jours ne changera pas grand-chose et si on la retarde de deux ou trois semaines, ce sera une catastrophe pour l'industrie.
M. Malloy : Je ne sais pas ce qui s'est dit hier parce que je n'étais pas là, mais à la réunion d'il y a quelques semaines avec le MPO, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, on a beaucoup discuté de la ZPH 25.
C'est une situation particulière à cause du temps qu'il fait lorsqu'on pêche le homard. Il n'est pas facile de garder ses homards en vie. Pendant la dernière saison, les médias en ont beaucoup parlé. J'ai acheté 1,4 million de livres de homard et j'en ai perdu moins d'un demi-pour cent, parce que nos pêcheurs ont fait un excellent travail pour préserver la qualité.
Est-ce que c'est le meilleur moment pour pêcher le homard? Ce n'était certainement pas le cas au mois d'août dernier, quand il faisait autour de 90 degrés Fahrenheit. On peut s'en tirer cependant lorsque les pêcheurs et les acheteurs conjuguent leurs efforts en fournissant de la glace et en veillant aux conditions de transport du homard vers l'usine. Nous devons tous collaborer davantage à cet égard pour tirer le maximum de profit de cette ressource. Or, si tout ce qu'on a lu dans les médias au cours des dernières années est vrai, ce n'est certainement pas ce qui se produit. Moi, je ne peux parler que de notre cas. Nous sommes une coopérative et, du coup, nos chiffres sont publics. Je dois rendre des comptes à mes pêcheurs et nous avons une réunion une fois par année où nous ouvrons complètement nos livres. En définitive, nous devons tous travailler mieux.
Est-ce le moment idéal pour pêcher? Non. Y a-t-il du homard dans la plupart de ces ports en ce moment? Oui. Peut-on changer la saison? Je ne le sais pas parce que très honnêtement nous ne disposons pas des données scientifiques qui permettraient de le savoir. Contrairement à beaucoup d'autres industries, l'argent n'a pas été réinvesti dans notre secteur. De temps en temps, il y a bien une étude sur la pêche du homard, mais si on la compare à celle du crabe des neiges, par exemple, où on peut vous dire exactement le jour où les crabes vont muer, où les crabes à carapace molle se trouvent, où les meilleures zones de pêche sont, et ainsi de suite, eh bien, on n'a pas les données équivalentes pour l'industrie du homard. C'est assez surprenant, compte tenu de l'importance économique de l'industrie du homard dans les Maritimes. Nous avons besoin d'information, qu'elle nous vienne du gouvernement ou de programmes dans lesquels les participants de l'industrie pourraient investir pour obtenir ce genre de données. Si nous décidions en ce moment de modifier la saison de pêche, par exemple, je vous dirais très franchement qu'on n'aurait pas les données sur lesquelles se fonder, et c'est quelque chose qui doit changer.
Le sénateur Hubley : Merci et soyez les bienvenus. Notre comité a appris beaucoup de choses ici et l'intérêt que les associations de pêcheurs manifestent pour notre projet nous encourage vivement.
J'ai été frappée par toute l'attention que nos pêcheurs portent à la taille de la carapace. Pourriez-vous commenter la différence de la taille de la carapace. Êtes-vous prêts pour l'augmentation prévue pour l'année prochaine à l'Île-du- Prince-Édouard, qui fera passer la taille de 71 à 72 mm? L'Île-du-Prince-Édouard est-elle en mesure de transformer ces petits homards et de les écouler sur son marché?
On nous a beaucoup parlé du marché asiatique. Quelle est votre position sur les petits homards et les marchés auxquels ils sont destinés. Ces 75 p. 100 destinés à l'Europe et à l'Asie incluent-ils ces petits homards?
M. Malloy : L'Île-du-Prince-Édouard a certainement un modèle différent. Il n'y a que deux producteurs qui importent du homard du Maine, par exemple, afin de transformer la chair et les queues. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Le secteur de la transformation repose en ce moment sur deux modèles différents. Le Nouveau-Brunswick a fait de l'excellent travail dans son industrie. Ils ont opté pour un modèle reposant sur des volumes quotidiens beaucoup plus importants. Les transformateurs se sont concentrés essentiellement sur la production de chair et de queues de homard, sauf pendant le printemps lorsque l'on pêche du homard de conserverie dans la ZPH 24. Ils en achètent beaucoup et préparent des homards-glaçons pour l'Europe, également en grande quantité.
Ainsi, ils fonctionnent 10 mois par année et privilégient strictement le volume. À l'Île-du-Prince-Édouard, il reste deux grandes usines. La première a adopté le même modèle. C'est une compagnie américaine de l'est de la province qui a acheté une usine et importé de la main-d'œuvre étrangère. Elle achète des homards du Maine et exploite la vieille usine de Beach Point qu'elle a achetée d'Ocean Choice.
Nous, nous n'achetons pas du tout de homards de table pendant la pêche au printemps. J'achète 1,4 ou 1,5 million de livres de ce que tout le monde appelle du homard de conserverie. C'est un produit très recherché en Europe et en Asie. Là-bas, on préfère ce homard, qui pèse 350 ou 400 grammes et on peut en mettre plusieurs dans une boîte de 10 livres. Cela leur revient beaucoup moins cher par assiette. Ces produits sont destinés au créneau des navires de croisière, des buffets à Las Vegas, Atlantic City, de la Floride et d'ailleurs. En achetant des queues de homard au coût de 15 $, 16 $ ou 17 $ la livre, espérons-nous, ils pourraient servir ces plus petits homards dans ces endroits. Cela leur permet de dire qu'ils offrent du homard sans que ça leur coûte trop cher par assiette.
En Europe, et particulièrement au Japon, on préfère les petites queues de homard. Une bonne part de ces produits sont exportés vers ces marchés-là. Mais si on préfère vendre un gros volume de chair et de queues de homard, on pourrait avoir une liste de 20 produits.
Notre compagnie et Royal Star, l'autre grosse coopérative de l'Île-du-Prince-Édouard, offrent des produits de spécialités. Pour ma part, j'ai deux classeurs de quatre pouces décrivant les différents produits que j'offre. Nous offrons beaucoup plus de produits de spécialités, car c'est le modèle que nous avons adopté.
Nous ne pouvons soutenir la concurrence. Ici au Nouveau-Brunswick, une usine peut transformer 100 000 livres de homards du Maine par jour. Si moi je le faisais, ce serait 15 000 livres de chair et de queues de homard, parce qu'il faut beaucoup de main-d'œuvre pour extraire la chair de la carapace. Comme mes volumes sont moins importants, je n'arriverais pas à avoir une marge bénéficiaire suffisante. Voilà pourquoi nous avons opté pour ce modèle.
La plupart des usines sur l'Île-du-Prince-Édouard veulent garder le homard de conserverie parce qu'il correspond à un créneau. Il n'y en a qu'un volume limité. Au lieu de lancer une plus grande quantité de produits sur tous les marchés et d'être limités à très peu de produits différents, nous ne devons pas nécessairement prendre de l'expansion, mais plutôt tirer parti des produits uniques que nous offrons, et qu'on peut pêcher de façon durable, afin d'obtenir davantage pour nos pêcheurs.
Le sénateur Hubley : Si vous n'importez pas de produits du Maine, est-ce parce que votre coopérative en a décidé ainsi? Est-ce parce que vos pêcheurs ne le souhaitent pas ou parce que vous avez assez de produits provenant de vos pêcheurs?
M. Malloy : Dans notre cas, nous n'en prenons pas puisque ce n'est pas rentable. Je ne peux pas transformer les volumes énormes que ça prendrait. Typiquement, il ne s'agit pas de marges énormes, mais c'est compensé par le volume. Mon usine en particulier et la plupart des usines sur l'Île-du-Prince-Édouard sont plus petites. La seule grosse usine que nous avions est maintenant fermée, donc nous ne pouvons pas traiter le volume requis pour faire la différence.
C'est une question d'argent. Si je pouvais en tirer profit, ultimement, cet argent serait récupéré par mes pêcheurs. Nous le ferions bien, mais c'est impossible de le rentabiliser. Je félicite le Nouveau-Brunswick, qui a très bien su l'explorer.
Le sénateur Poirier : J'ai quelques questions. En fait, le sénateur Hubley avec ses premières questions a abordé le sujet qui m'intéressait. La taille du homard semble être un enjeu que plusieurs témoins ont soulevé jusqu'ici. Afin de mieux comprendre les tailles dont il était question hier, nous avons utilisé le vieux système de mesure que nous comprenons un peu mieux puisque c'est ce que nous avons appris à l'école. Le homard de 72 mm était équivalent à environ une demi-livre, alors que celui de 76 pèserait environ trois quarts de livre. Voilà ce que nous avons compris hier.
M. Malloy : Soixante-douze ne vous donnera pas une demi-livre. Ça, c'est un homard de huit onces. À l'heure actuelle, nous transformons du homard de 71 mm et je dirais que dans notre cas, moins de 4 p. 100 sont entre 8 et 10 onces. Moins de 4 p. 100 du produit de conserve que nous recevons se trouvent dans cette gamme.
Il y a bien des années, lorsque le seuil était beaucoup moins élevé, nous faisions des paquets de queues de deux onces. Ceux-là n'existent plus. Nous faisons des paquets de deux ou trois, mais il s'agit d'un produit qui pèse généralement deux onces et demie ou plus près de trois onces.
D'après moi, le homard de huit onces dont la taille est de 71 représente peut-être 1 p. 100.
Le sénateur Poirier : Si vous pêchez les homards de conserve à l'heure actuelle au niveau de 72 mm, qu'est-ce que cela représente environ? S'agit-il d'un homard de huit onces? C'est bien cela que vous me dites?
M. Malloy : Lorsqu'on arrive à 72, on ne verra pas de homards de huit onces.
Le sénateur Poirier : Alors quelle en serait la taille approximative?
M. Malloy : La taille serait d'au moins neuf onces, mais vous en aurez très peu de ceux-là. Ça se rapprochera davantage de dix onces.
Le sénateur Poirier : Et dans le cas du homard de 76 mm alors? Il s'agit toujours d'un homard de conserve, mais combien pèse-t-il en onces?
M. Malloy : Là, vous serez probablement rendue dans les 14 onces.
Le sénateur Poirier : Je crois vous avoir entendu dire il y a un instant que 75 p. 100 étaient vendus sur le marché asiatique. Si j'ai bien compris la réponse que vous avez fournie au sénateur Hubley, votre marché pour ce produit se trouve surtout du côté des hôtels, des bateaux de croisière et de ce genre de choses. Ils recherchent un nombre plus élevé par boîte, un meilleur prix, et de pouvoir le servir dans les restaurants.
En plaçant ce nombre de homards dans une boîte que vous vendez au marché asiatique ou ailleurs, qu'est-ce que ça peut représenter en terme du nombre de homards?
M. Malloy : Si nous parlons du homard provenant du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, par exemple, nous n'aurions rien de moins d'une livre. Il s'agirait donc d'un homard d'une livre. Lorsqu'on passe aux homards de 10 à 12 onces, de 12 à 14 ou de 14 à 16, il pourrait s'agir de 14 à 15 homards de 10 à 12 onces dans une boîte de 10 livres. Cela fait augmenter le prix à l'unité d'un tiers.
Le sénateur Poirier : Des 75 p. 100 qui sont vendus aux marchés asiatiques et européens, quel est le pourcentage de homard de conserverie?
M. Malloy : Dans notre cas?
Le sénateur Poirier : Oui, dans votre cas, à l'heure actuelle.
M. Malloy : J'ai acheté 1,4 million de livres des débarquements du printemps, mais je n'ai pas produit de homard de table. Tout ce qui a été vendu à l'Europe et à l'Asie était du homard de conserverie.
Le sénateur Poirier : Vous avez aussi dit que seulement deux usines de transformation à l'Île-du-Prince-Édouard achètent du homard du Maine. Il s'agit de deux usines sur combien, à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Malloy : Il y en a plus qui achètent de temps en temps du homard du Maine, mais il y en a deux qui le font régulièrement. Il y a actuellement huit usines de transformation. Ce sont donc deux usines sur huit.
Le sénateur Poirier : Vos diapositives indiquent que vous avez près de 400 copies de relevés T4. C'est le nombre d'employés dans votre usine, mais une partie de ces sommes sert à payer les aides-pêcheurs. Le reste, c'est pour ceux qui travaillent à l'usine, je présume.
M. Malloy : Oui.
Le sénateur Poirier : Parce que vous transformez du homard local et non pas du homard provenant des États-Unis, combien de temps dure la saison de travail pour les employés des usines? Combien de semaines ou combien de mois par année travaillent-ils?
M. Malloy : Ils travaillent généralement du 1er mai jusqu'à la fin de la saison, qui s'est terminée il y a deux semaines. Le travail reprendra lundi pour au moins trois semaines, jusqu'à décembre, pour la transformation du homard du sud- ouest de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Poirier : Est-ce du travail à temps plein?
M. Malloy : Oui.
Le sénateur Poirier : Ce sont de pleines semaines de travail?
M. Malloy : Oui.
Le sénateur McInnis : Vous recevez une somme considérable de l'APECA qui aide les transformateurs de homard pour la mise en marché et l'innovation des installations. Est-ce que les 3,6 millions de dollars et 514 000 $, respectivement, ont été bien dépensés? Est-ce que ces deniers publics ont servi à une bonne cause?
M. Malloy : J'ignore quels sont les différents programmes dans les autres provinces et ce qu'on y a fait de cet argent, mais je peux vous dire qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, une part de ces sommes a servi à la conception de produits et à la mise au point d'équipement. Nous avons déjà deux pièces d'équipement prêtes pour la mise en marché qui contribueront à réduire les coûts d'extraction de la chair des pinces et des bras du homard. Ce projet a coûté environ 280 000 $.
Près de 200 000 $ ont aussi été versés à un autre projet de développement de produits à l'Île-du-Prince-Édouard. Je sais que certaines usines ont adopté ces produits.
En dernière analyse, je crois qu'on aurait pu mieux coordonner ces dépenses. Les projets ont été mis sur pied de façon un peu désordonnée. Quand on a annoncé que cet argent serait disponible, tout le monde s'est précipité pour essayer d'avoir sa part, bien sûr. Certains projets ont été lancés sans avoir été bien conçus. On pourrait consacrer plus de temps à l'évaluation de ces projets, à déterminer comment on pourrait mieux coordonner tous ceux qui travaillent à ce genre de projets.
Quand l'APECA offre du financement, tout le monde se précipite pour en profiter. Si la communication et la coordination étaient meilleures, on pourrait dépenser cet argent plus efficacement et davantage de gens en profiteraient. Bien des projets et des programmes auraient pu profiter à d'autres provinces ou à d'autres secteurs. De plus, les retards nuisent à la validité globale des projets.
Cet argent a-t-il été bien dépensé? Il a servi à réaliser de bonnes choses. Aurait-on pu mieux le dépenser? Probablement, oui.
Le sénateur McInnis : Je présume que, par opposition à des politiques qui sont imposées, ces fonds provenaient de la base, de l'industrie. Je présume qu'il y a eu une demande, qu'il y a eu des discussions, des rencontres, et cetera, pour déterminer les besoins.
Normalement, le financement est toujours insuffisant. C'est dans ce cas-là qu'il y a bousculade. Mais je présume aussi que, en l'occurrence, on avait réfléchi à ce qu'on voulait faire.
M. Malloy : Oui. Chaque région, chaque association et chaque province a déterminé ce qui serait le mieux pour elle, mais souvent, quand on doit se précipiter pour s'assurer d'avoir sa part, on se concentre uniquement sur son petit coin à soi. Il serait parfois bon de prendre un peu de recul pour avoir une meilleure idée du tableau d'ensemble, pour voir si certains de ces projets ne profiteraient pas de l'inclusion de plus de gens, d'autres régions, d'une mise en commun des ressources, mais cela ne se produit pas toujours, à mon avis.
Le sénateur Unger : Étant donné que c'est un peu le désordre quand tout le monde tente ainsi d'obtenir sa part du financement provenant du gouvernement, celui-ci ne devrait-il pas mieux cibler son aide financière?
M. Malloy : Oui, dans une certaine mesure. Comme je l'ai dit, l'industrie comprend différents éléments. Mais il y a différents problèmes qui touchent tout le monde. Mais quand il y a bousculade, on ne peut pas répondre aux besoins particuliers de chaque région. Si l'argent accordé aux différents secteurs, aux différentes régions, aux différentes provinces était mis en commun, on pourrait en faire plus, et peut-être même avec moins. Je ne sais pas qui pourrait faire cela. Je ne sais pas qui pourrait coordonner tout cela, rassembler tous ces groupes, mais quand il y a concurrence entre les différentes régions, les différents secteurs ou les différents projets pour l'obtention de fonds, il est inévitable que chacun défende ses propres intérêts.
Quand de l'argent sert à financer des projets qui pourraient profiter à d'autres, il faut trouver une façon d'assurer une meilleure coordination et peut-être mieux en tirer profit.
Le sénateur Unger : Est-ce que le Conseil canadien du homard pourrait faire cela? Aidez-moi à mieux comprendre le processus?
M. Malloy : Certainement. Le Conseil canadien du homard s'efforce de rassembler tous les joueurs. Cela n'a pas été facile, parce que, comme je l'ai dit, le secteur du homard vivant du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse est tout à fait différent de celui de Terre-Neuve ou du secteur de la transformation de l'Île-du-Prince-Édouard.
Nous nous sommes réunis, mais nous avons nos propres problèmes. Quand il y a de si nombreux problèmes touchant des groupes si différents, c'est difficile. La tâche n'est pas facile pour le Conseil canadien du homard.
Voilà pourquoi nous avons ciblé nos efforts. Pour l'instant, nous espérons pouvoir faire augmenter le prix, mais, en dernière analyse, je crois que nous pouvons tous convenir qu'il faut une méthode de mise en marché du homard canadien. Il faut aussi améliorer la qualité du homard canadien pour qu'il devienne, sur le marché, une marque de commerce. Ce grand objectif fait l'unanimité. Si nous pouvions donc nous concentrer là-dessus, une fois cet objectif atteint, nous pourrons tenter de trouver des solutions aux autres problèmes. Le Conseil canadien du homard peut certainement être mis à contribution.
Beaucoup de progrès ont déjà été réalisés à bien des chapitres pour permettre à un grand nombre de ces groupes de se réunir. Lorsque certains de ces projets se présenteront, oui, j'estime que le conseil pourrait contribuer à réunir certains groupes afin que ces projets profitent au plus de gens possibles. Nous pourrions travailler à ces projets ensemble et ce serait mieux pour tout le monde.
Le sénateur McInnis : Est-ce que l'APECA vous demande des comptes? Est-ce qu'elle évalue ces projets, leur efficacité?
M. Malloy : Je crois que oui. Nous devons prouver que les sommes ont été bien dépensées. Je ne sais pas comment fonctionne l'APECA, je ne peux vous dire comment on détermine si un programme ou un projet a été fructueux, mais on pourrait certainement améliorer la communication.
J'ai participé à bien des projets. Une fois cela fait, l'APECA pourrait rassembler tous les éventuels bénéficiaires d'une initiative quelconque pour présenter, disons, un projet auquel elle a consacré 200 000 $. Ce sont des fonds provenant d'Ottawa et des provinces; mais pourraient-ils aider quelqu'un d'autre? En réunissant ainsi les intéressés, on pourrait déterminer si d'autres régions, d'autres provinces ou d'autres secteurs ne pourraient pas en profiter. Je pense que cet argent pourrait être encore plus profitable. Moi, je n'ai jamais vu ce genre de coordination.
L'APECA devrait-elle assumer ce rôle? Probablement; à mon avis, cela devrait faire partie des projets. À la réception du rapport sur chaque projet, l'agence ne se contenterait pas d'envoyer le dernier chèque avec des félicitations. Elle demanderait aussi : « Qui d'autre dans la région qui relève de l'APECA pourrait profiter de cette initiative? »
Chaque groupe pourrait venir présenter son projet. Nous pourrions prendre une journée ou un après-midi pour réunir tout le monde. Nous pourrions présider ces rencontres au cours desquelles on pourrait voir si ces projets ne pourraient pas profiter à d'autres, dans une autre province, à un autre groupe. On pourrait peut-être même trouver des sommes supplémentaires pour élargir la portée du projet ou l'améliorer.
Est-ce que l'APECA a déjà fait cela dans le passé? Je ne crois pas.
Le sénateur McInnis : Monsieur Surette, dans votre mémoire, au sujet des acheteurs, vous dites qu'on devrait envisager des mesures législatives qui régiraient les acheteurs que j'appellerai des acheteurs sans scrupules. C'est moi qui les qualifie ainsi, pas vous. Vous avez suggéré qu'on détermine leur fiabilité en fonction de leurs antécédents d'affaires.
J'ignore s'il y a une association qui représente les acheteurs. Je présume que non, mais s'il y en a une, et normalement, il incombe à la province de réglementer les débarquements. Je présume donc que vous proposez des dispositions législatives provinciales.
Une loi n'est pas toujours nécessaire. Pour danser, il faut être deux et, en l'occurrence, on peut supposer qu'il y a des pêcheurs qui sont disposés à vendre à ceux qui leur donneront 50 cents, 1 $ ou plus la livre.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus long? Les acheteurs peuvent-ils se réglementer eux-mêmes? Il me semble qu'il ne serait pas nécessaire d'adopter une loi pour cela. Hier, nous avons accueilli le ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, un homme flamboyant, mais à l'esprit pratique. Dans cette province, ceux qui veulent faire de la vente itinérante doivent obtenir un permis. Les acheteurs doivent-ils être titulaires d'un permis?
M. Surette : Oui.
Le sénateur McInnis : Comment obtiennent-ils ce permis?
M. Surette : Essentiellement, en payant les frais.
Le sénateur McInnis : C'est tout?
M. Surette : Oui, c'est tout aussi simple que cela. Il y a des associations, en Nouvelle-Écosse par exemple, qui représentent les acheteurs et moi, j'en représente 20. Mais la Nouvelle-Écosse délivre plus de 300 permis de vente du homard. Je ne représente qu'un très petit nombre d'entre eux et je ne peux m'adresser au Conseil du homard et prétendre représenter les acheteurs de la Nouvelle-Écosse. Je ne peux que me faire le porte-parole de ceux que je représente. Cela rend la situation difficile.
En ce qui concerne les acheteurs sans scrupules — c'est ainsi que je les ai qualifiés lors d'une réunion du Conseil du homard l'hiver dernier — ils sont là pour deux ou trois semaines, pour remplir une commande particulière puis, ils disparaissent. Les bateaux retournent à leur port d'origine et vendent à ceux qui étaient là pour acheter leurs produits avant que ces prétendus acheteurs arrivent. Mais dès que quelqu'un est là avec sa camionnette et son carnet de chèques en main, il trouve à acheter.
Il y a aussi des entreprises qui sont essentiellement des courtiers. Leur marge est très faible, ils n'ont pas d'installations, ils n'ont qu'un bureau à Halifax, à Sydney ou à Charlottetown. Ils n'ont pas d'usines. Ils trouvent quelqu'un pour empaqueter le homard pour eux, puis ils l'expédient outre-mer et en inondent le marché à un prix ridiculement bas, coupent l'herbe sous le pied à tous ceux qui pensent avoir leur place sur le marché chinois de 1,5 milliard de gens en disant que le marché est suffisamment grand pour accueillir tout le monde. Il y en a qui préfèrent vendre le plus de homards possible à bas prix, quitte à tout simplement fermer leurs portes et à disparaître. Ils se disent que, de toute façon, ils peuvent se créer une entreprise sous un autre nom la semaine suivante et peu importe qui en souffre.
Des millions de dollars ont été perdus dans le comté de Yarmouth seulement au cours des cinq ou six dernières années. Ce sont au moins 30 millions de dollars qui ont été perdus aux mains d'acheteurs qui arrivent sans crier gare, achètent un produit pour le revendre le moins cher possible, mais refusent de payer ce qu'ils ont acheté s'il y a un pépin. Ils prennent les derniers chèques. Cela doit cesser. Selon moi, il faut une loi. Nous ne pouvons nous régir nous-mêmes.
Nous avons des difficultés avec le Conseil du homard, par exemple, au sujet de la contribution d'un cent la livre qui ne pourra être prélevé qu'une fois que les cinq provinces auront adopté une loi identique. À un moment donné, le MPO devra intervenir pour que cette loi soit adoptée par les provinces. Cela nécessitera un partenariat. Une fois que cela sera en place, on pourra prendre d'autres mesures comme la création d'associations et l'adhésion obligatoire à ces associations pour l'obtention d'un permis. C'est très semblable à ce qu'on fait dans le cas des pêcheurs en Nouvelle- Écosse actuellement. Le processus a été enclenché. La loi a été adoptée. Essentiellement, elle permet à tous les secteurs de parler d'une seule voix.
Je crois que c'est ce qu'il nous faut en ce moment. La fragmentation qui existe au sein de notre industrie nous nuit, on le voit de plus en plus. Nous sommes maintenant acculés au pied du mur. Ça ne fait aucun doute. Comme je le dis et comme je le répète au Conseil du homard depuis un an et comme je continuerai à le répéter, ce genre de pratique est néfaste pour nos collectivités.
Le sénateur McInnis : Je veux bien comprendre ce que vous dites, car notre comité rédigera un rapport. Si c'est un problème urgent, nous voulons vous aider à le résoudre.
Si les acheteurs doivent obtenir un permis, je présume qu'il existe un règlement. Doit-on répondre à des questions ou se conformer à des critères pour obtenir un permis? Normalement, pour obtenir un permis, on doit se soumettre à un test ou répondre à des questions. N'est-ce pas là le mécanisme qu'il vous faudrait?
M. Surette : Ce que je souhaite, c'est l'imposition d'un moratoire sur les permis d'achat, comme on l'a fait pour les permis de pêche. La meilleure solution, ce serait un moratoire. Ce ne sera que si un acheteur part qu'on pourra accorder un permis à un nouvel acheteur. On a tenté de limiter le nombre d'acheteurs, mais ça n'a pas marché. Il faut vraiment régler ce problème.
Il y a trop d'acheteurs. Il y a déjà surcapacité. Nous ne voulons pas encore plus d'acheteurs qui tenteront de soutirer quelques dollars de plus d'un secteur qui est déjà pressé comme du citron. Il y a quelques exigences à remplir pour l'obtention d'un permis, mais ce processus est loin d'être idéal. Je suis sûr qu'en une semaine ou deux, avec les bons documents et une idée, je pourrais obtenir un permis. Mais je n'en voudrais certainement pas, car je vois à quel point les collectivités en souffrent.
Si vous voulez un permis, vous devez avoir un plan. Vous devez être agréé par l'ACIA. Vous devez respecter les règles que tous les autres respectent. Vous devez accepter la concurrence et être sur un pied d'égalité avec les autres. Ces acheteurs sans scrupules n'ont littéralement qu'un camion, rien d'autre. Ils n'ont pas d'adresse fixe, et ils font du tort à notre industrie. Le problème ne fait qu'empirer depuis 15 ans parce que tout un chacun tente de mettre la main sur une part des profits pour ensuite disparaître. Il n'y a plus rien à grappiller.
Le président : Si je peux me permettre une question complémentaire, le permis d'acheteur est délivré par la province?
M. Surette : Oui.
Le président : C'est ce que je croyais. Cela relève du gouvernement provincial. On nous a parlé des différences entre les provinces et des défis qui existent dans l'une et l'autre, mais si le gouvernement fédéral légifère, la loi s'appliquera à tout le pays.
M. Surette : Oui.
Le président : Ottawa ne peut adopter une loi ne s'appliquant qu'à une province. Je tiens à ce que cela soit bien clair.
M. Malloy : Oui, en effet.
M. Surette : Oui, je comprends. Ce serait une loi nationale.
Le président : Pour que la loi s'applique à tout le pays, il faudrait que toutes les provinces adoptent les mêmes règles.
M. Surette : Oui. Sauf le respect que je dois au sénateur Unger, je ne crois pas qu'il faille s'inquiéter du nombre de gens demandant un permis d'acheteur de homard en Alberta.
Le président : Non, mais d'après ce que nous avons entendu au cours des deux dernières journées, il existe différentes inquiétudes dans différentes provinces sur la façon dont les choses sont achetées, dont elles sont expédiées et par rapport à leur taille. Quelqu'un a fait un commentaire hier, et j'essaie de tout écouter, disant que Clearwater ne vendait pas de homards de moins de 84 millimètres. Cela est-il vrai?
M. Surette : J'imagine. Où est-ce que cela se produit? S'agit-il d'une mesure pour la Nouvelle-Écosse?
M. Malloy : Cela n'est pas vrai.
Le président : Cela n'est pas vrai?
M. Surette : C'est possible.
Le président : Quelqu'un a dit cela hier et je trouve assez bizarre que nous continuions de parler de 72 et 76. Je ne sais pas ce qu'est leur marché, mais je dis que c'est difficile. Je suis d'accord avec vous. Je viens d'une petite collectivité à Terre-Neuve-et-Labrador. Je sais très bien de quoi vous parlez à ce sujet et j'essaie d'aborder le problème. C'est un problème qui dure depuis 20 ans, mais il s'agit d'un enjeu provincial en grande partie. Il faut le résoudre dès maintenant.
Je ne sais pas si nous pouvons vous aider à formuler une sorte de recommandation qui irait de notre comité au gouvernement fédéral pour entamer un processus. Il faudrait en discuter, mais c'est une question de permis. Je veux juste m'assurer que nous nous rendions tous compte qu'il s'agit clairement d'une question de permis.
Le sénateur Innis : C'est exactement ce à quoi je voulais en venir.
M. Surette : Je suis tout à fait conscient qu'il s'agit d'un enjeu provincial. Nous faisons face à ce problème. Il s'agit d'un problème que l'on retrouve dans toutes les provinces à l'heure actuelle. En fait, à un moment donné, nous allons avoir besoin d'aide pour le régler. J'ai des piles de rapports sur mon bureau qui soulèvent cette question.
Mike Gardner a produit plusieurs de ces rapports pour différents groupes de l'industrie et ils indiquent tous qu'il s'agit là d'un des problèmes. La surcapacité est un problème. L'autorationalisation en est un autre et les gens sans scrupules ont constamment été un problème dans différents secteurs. L'industrie du homard à l'heure actuelle est la seule qui reste et qui est rentable et donc ils continueront à venir. Ils vont continuer à lui voler un peu d'argent, à lui voler un peu plus de valeur et lui prendre un peu plus de valeur. En fin de compte, cette valeur n'est pas restituée aux collectivités de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador ou du Québec. Cet argent s'échappe. Au lieu de cela, comme je l'ai dit dans mon comté, nous avons des compagnies en Nouvelle-Écosse qui ont perdu des millions et des millions de dollars à cause de gens qui se sont livrés à ce genre de manœuvres. Je suis certain que tout cela se fait avec les meilleures intentions. Je ne dis pas que ces gens cherchent intentionnellement à se débiner de leur dette, mais ce qu'ils font est un autre exemple de processus désordonné. Ils achètent, vendent ou font tout ce qui est facile à faire. Ils le font, mais ce n'est pas aussi facile qu'ils le pensent. Je veux dire que c'est difficile de gagner de l'argent.
Cela revient à la question posée par le sénateur Unger hier soir, à propos des intermédiaires qui gagnaient deux et trois fois plus d'argent au détriment des pêcheurs. Cela n'est pas vrai. L'industrie du homard regorge de mythes, de folklore et souvent de véritables mensonges. Auparavant, vous vouliez obtenir vos 50 cents et tout ce que vous pouviez gagner au-delà de ce montant était formidable. Aujourd'hui, il s'agit de 35 cents. Cela vous coûte 15 à 18 cents uniquement pour acheminer ce produit vers le marché à bord d'un camion et ensuite vous devez payer vos employés. Tout d'un coup, vous vous retrouvez sur la corde raide.
Ce sont tous de graves problèmes qui doivent être résolus et le Conseil du homard, dont je suis fier d'être membre, fait de grands progrès à cet égard. La loi est le seul moyen d'y arriver. Ce serait vraiment bien si l'on pouvait recommander aux provinces de résoudre ce problème. Si le gouvernement fédéral estime qu'il pourrait jouer un rôle de facilitateur une fois de plus, cela serait excellent, mais l'industrie est acculée au pied du mur, des pêcheurs jusqu'aux transformateurs. Les choses se compliquent de minute en minute. Nous devons faire preuve de cohésion. Nous devons être sur un même pied d'égalité. Nous devons investir dans cette industrie et non pas l'exploiter.
Le sénateur Poirier : À ce sujet et sachant que la législation relative aux permis des acheteurs relève des provinces, y a-t-il des communications ou des pourparlers en cours? Avez-vous demandé aux gouvernements provinciaux s'ils pouvaient résoudre ce problème? Y a-t-il des modifications que vous désirez suggérer pour modifier la loi? Travaillez- vous avec la province là-dessus?
M. Surette : Oui. Je siège à un comité pour la Nouvelle-Écosse, un comité de transformateurs qui est coprésidé par l'industrie et la province. Ils sont totalement au courant de la situation et chaque fois que nous nous rencontrons, en tête d'ordre du jour, on peut lire : quand allons-nous commencer à aborder ces enjeux? Cela n'est pas populaire du point de vue politique et donc on a tendance à le reléguer en queue de liste.
Comme je l'ai dit, ces rapports existent depuis plus de 10 ans dans certains cas pour le poisson salé et le poisson de fond. Voilà le genre de problème que nous devons résoudre et malheureusement personne ne veut, du côté politique, aller de l'avant avec ces changements difficiles.
Les gens perdent constamment de l'argent. Les effectifs se rétrécissent. Je regarde les gens dans ma province déménager en Alberta. Les emplois ne sont plus là, car nous n'avons plus la valeur. Cette valeur est en train d'être siphonnée de l'industrie et nous devons y mettre fin. Effectivement, nous y travaillons, mais la chose n'a pas été prise au sérieux.
Le président : À ce sujet, nous avons abordé la question à Terre-Neuve-et-Labrador, il y a quelques années de cela pour essayer d'y créer un système de partage du marché. Le gros enjeu qui en est ressorti — et peut-être que c'est ici une occasion pour vous d'en parler — à plusieurs reprises, c'était l'élimination de la concurrence afin que les pêcheurs puissent vendre. Cela semblait être l'inquiétude des gens dans ma région à Terre-Neuve-et-Labrador. Ils avaient peur de la fusion entre acheteurs de poissons, la fusion des usines ou la fusion entre les gens qui étaient en fait sur le quai pour acheter leurs produits. L'inquiétude concernant les effets négatifs que cela aurait sur la concurrence loyale et la libre entreprise pour les pêcheurs pour qu'ils puissent vendre à qui ils voulaient.
Nous savons tous que de nombreux pêcheurs sont liés à différentes compagnies, mais c'était là l'inquiétude dont on m'a fait part. J'étais député provincial à l'époque. Partout où je me rendais, c'était de cela que les gens me parlaient incessamment.
On pourrait peut-être résoudre ce problème en réduisant le nombre d'acheteurs. Je comprends votre situation, car je connais très bien des gens qui sont également dans l'industrie de la transformation. À cela vient s'ajouter la question que vous avez soulevée ce matin à cet égard.
M. Surette : Je comprends tout à fait et je ne demande pas à ce que l'on élimine toute la concurrence. Ce que je veux dire, c'est que j'aimerais qu'un plafond soit imposé. Je ne veux pas voir le nombre d'acheteurs diminuer, tout comme je ne veux pas non plus voir le nombre de pêcheurs diminuer. Je ne veux pas que le nombre de pêcheurs augmente non plus. Je crois que les règles du jeu doivent être équitables des deux côtés.
Pour ce qui est de la politique sur les propriétaires-exploitants, le ministre Ashfield a dit très clairement qu'elle n'allait pas disparaître. Cela crée un système à deux vitesses. En permettant à n'importe qui de venir acheter du homard alors que les pêcheurs doivent respecter les limites assorties à leur permis — on n'émet désormais plus ces permis —, on finit par créer un système à deux vitesses, ce qui ne va pas aider à résoudre les problèmes.
Je ne veux pas voir l'industrie du homard réduite à trois acheteurs dans cinq provinces. Ce n'est pas ce que je souhaite. Les compagnies qui sont là depuis 60 et 70 ans ont contribué à leurs collectivités. Elles ont mis en place des infrastructures dans leurs collectivités. Mais je voudrais que ces compagnies puissent survivre, car elles déploient les efforts voulus, planifient leurs activités et s'efforcent de faire tourner une entreprise. Elles ne sont pas là pour essayer de s'en mettre rapidement plein les poches. C'est à cela que nous devons mettre fin.
Non, je ne veux pas assister à une fusion qui réduirait le nombre d'acheteurs. Je crois que nous devons y imposer un plafond, tout comme nous le faisons pour la pêche.
Le président : C'est un bon point.
Le sénateur Unger : J'ai une question qui pourrait s'adresser à vous deux. Depuis 2009, le gouvernement fédéral a investi des millions de dollars dans l'industrie et une partie de ces fonds ont été transférés au CCH. La situation s'est- elle améliorée d'une façon ou d'une autre? Si ce n'est pas le cas, y a-t-il une ou deux raisons que vous pourriez me donner?
M. Surette : Je voudrais dire que cet argent a fait une énorme différence au sein de l'industrie. Ne serait-ce que parce qu'elle a permis de réunir les gens dans une salle, où ils pouvaient avoir des conversations.
Lors de ma première réunion du Conseil du homard, j'étais nerveux, car il y avait des gens dans la salle que je connaissais depuis longtemps par l'entremise de ma compagnie. Je savais qui ils étaient, des gens réputés, des gros joueurs. De les voir ainsi dans la salle avec des groupes de pêcheurs, je me suis dit que la rencontre allait se terminer par des coups de poing. C'est ainsi que les gens de l'industrie du homard se comportent sur les quais. Ils se voient comme des adversaires. Même s'il y avait 15 personnes dans la salle, il y avait probablement 25 opinions différentes. Mais les gens se sont comportés de manière respectueuse et courtoise. C'est un pas dans la bonne direction. C'est ce que fait le Conseil du homard, et je pense que c'est ce qu'il va continuer de faire de différentes façons.
C'était extraordinaire de voir ce que les groupes de travail ont vécu l'hiver dernier. Des gens de différentes régions du pays et de différents secteurs de l'industrie se sont réunis pour rassembler leurs idées, être productifs et en arriver au résultat auquel ils sont parvenus. Il s'agit d'une étape importante pour l'industrie du homard. Elle a toujours été une industrie divisée et antagoniste, bien plus que pour les autres types de pêche.
Il est agréable de voir que nous savons maintenant tous que nous sommes dans le même bateau. Il n'y a qu'une seule industrie du homard. Nous en faisons tous partie. Que nous ayons pu tous nous asseoir autour de la table est tout un exploit. Il n'y a que des bonnes choses qui vont découler de cela si nous continuons sur cette voie, et nous nous en rendons compte maintenant. Je crois que M. Malloy sera d'accord avec moi.
M. Malloy : Au bout du compte, beaucoup d'argent a été investi pour résoudre ce problème, si l'on regarde les fonds qui ont été versés au CCH. Le problème, c'est que vous avez une organisation, le CCH, où vous avez un employé, un directeur exécutif. Tout le reste du travail est fait par l'exécutif et le conseil d'administration.
Nous faisons notre possible pour rejoindre un maximum de membres. Nous essayons de solliciter plus de financement pour pouvoir nous autofinancer et avoir accès à cette source d'argent. Vous pouvez regarder le modèle de l'Alaska et ce qui se fait dans le Maine. L'industrie est aux prises avec un problème. Elle éprouve des difficultés. Elle doit investir dans la commercialisation. Lorsqu'on le mentionne, il faut faire des pirouettes par-ci et faire des pirouettes par-là.
Les provinces ne veulent vraiment pas vous donner cet argent, mais du point de vue politique, ce n'est pas la meilleure solution pour elles d'adopter une loi pour extraire un cent la livre ou quel que soit le montant de l'industrie. Cela pourrait prendre cinq ans avant même que cela se produise.
Les provinces et le gouvernement fédéral doivent répondre à l'appel et financer le CCH comme il se doit pour que nous ayons du personnel chargé des communications, que l'information soit communiquée aux pêcheurs dans les deux langues officielles et que nous puissions élargir nos efforts de commercialisation, entre autres, et ne pas seulement compter sur un directeur exécutif qui s'efforce pendant 11 mois et demi de l'année de trouver suffisamment de fonds pour maintenir le CCH en vie. Nous passons la moitié de nos réunions à essayer de voir comment nous pouvons maintenir notre financement. Qui allons-nous trouver? Pouvons-nous obtenir de l'argent ou une sorte de contribution des transformateurs, des groupes de pêcheurs et de tous les autres intervenants d'une industrie qui ne réalise pas de bénéfices? Pouvons-nous faire en sorte qu'ils versent de l'argent à titre personnel?
À mon avis, nous devons prendre quelques-unes des mesures que d'autres régions ont prises. Je ne dis pas que ce sera facile. Le Maine a décidé qu'il allait mettre sur pied un programme de commercialisation et soutirer de l'argent à l'industrie. Il a adopté une loi. Au lieu de faire pareil, nous avons discuté avec les provinces. Oui, nous parlons avec cinq provinces différentes et nous nous heurtons à un mur.
Qu'en est-il de l'argent des autres domaines? Il y a le travail exceptionnel qui a été effectué dans le cadre du projet de l'Alaska. Nous pouvons ouvrir n'importe quelle revue et assister à n'importe quel salon sur les fruits de mer et à d'autres d'événements de ce genre, le projet sera mis à l'avant-plan. L'Alaska a fait un travail remarquable pour commercialiser ses produits.
L'industrie du homard dans le Maine prend de l'ampleur à l'heure actuelle et nous a même surpassés. Et je parle des clients jusqu'en Chine. On y envoie du homard canadien et les Chinois l'appellent du homard de Boston, simplement parce que le Maine fait un bien meilleur travail pour commercialiser sa marque. Il faut faire la même chose. Qu'il s'agisse de l'industrie, du gouvernement ou de quiconque est prêt à offrir du financement, assurons-nous de faire le nécessaire d'une façon ou d'une autre. Si les gouvernements ne veulent pas s'en charger eux-mêmes et veulent que l'industrie le fasse, eh bien, qu'ils nous donnent une loi qui nous permette de le faire et finissons-en pour que l'argent puisse être dépensé judicieusement afin d'accroître la valeur de ce que nous sortons de l'eau.
Le sénateur Unger : De quelle manière l'APECA vous a-t-elle aidés dans vos efforts et vous est-elle venue en aide, financièrement ou d'une autre manière?
M. Malloy : Je ne peux parler que pour ma compagnie. Nous nous sommes servis de l'APECA pendant un certain nombre d'années dans différents projets auxquels nous avons participé. Elle nous a permis de mener à bien différents projets. L'un d'eux, que nous avons pu mener grâce à l'APECA, concernait une chaîne de production de crabe qui nous a permis de prolonger la saison du crabe, entre autres.
Pour ce qui est de l'industrie en général et de l'APECA, je crois que les intentions étaient bonnes. Je crois qu'il y a eu de bons projets. Je n'en sais pas assez sur les réalisations dans les autres provinces ni sur la façon dont tous les fonds ont été dépensés. Je sais qu'avec l'argent dépensé par l'entremise de l'APECA à l'Île-du-Prince-Édouard, il y a eu certains bons projets qui aideront l'industrie à long terme. Toute cette information a été coordonnée et communiquée un peu plus par l'APECA. En fin de compte, je crois que l'argent qui a été dépensé n'a pas été complètement gaspillé.
Le président : Depuis le début de notre étude, nous n'avons entendu que des commentaires positifs sur le Conseil canadien du homard. Au fil des ans, j'ai eu l'occasion de travailler avec certaines de ces organisations et il faut un certain temps avant de se familiariser avec ces dernières, mais je suis certain que mes collègues et moi-même pensons que les choses vont dans la bonne direction. Nous avons peut-être besoin d'un petit coup de pouce supplémentaire avec certaines des suggestions que vous avez faites aujourd'hui.
Comme dans n'importe quelle initiative du gouvernement, si vous voyez des efforts concertés de la part de l'industrie, cela augure bien. Je crois qu'il faut aller de l'avant, mais devrions-nous procéder par l'entremise d'une loi ou autrement? C'est toujours plus facile d'obtenir un dollar lorsqu'on en a un. Lorsqu'une proposition est faite par l'industrie et tous les joueurs de l'industrie, si je me fie à mes 20 ans d'expérience, il est alors beaucoup plus facile d'obtenir la collaboration des deux paliers de gouvernement.
Vous allez certainement devoir vous concentrer là-dessus avec le Conseil du homard à l'avenir et voir comment vous organiser. Nous allons certainement discuter du Conseil du homard dans nos délibérations car, à mon avis, il joue un rôle très important. Ces choses-là prennent du temps. Lorsque vous parlez de cinq provinces différentes et même de différents secteurs qui sont aux prises avec différents problèmes et différents défis, ce n'est pas facile d'établir des objectifs communs. Je vous souhaite beaucoup de succès à cet égard.
Le sénateur Harb : Je vous ai tous les deux entendus dire que le fédéral devait faire un meilleur travail. Du point de vue de M. Malloy, il faut solliciter davantage l'avis des gens et interagir davantage avec eux. Du point de vue de M. Surette, il semblerait que le commerce semble trouver des façons pour permettre aux gens de faire des pirouettes sans se faire prendre.
À l'heure actuelle, il y a de beaucoup de règles et de règlements qui déterminent ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner un exemple et nous expliquer une situation où quelqu'un aurait enfreint la loi en faisant du commerce dans vos industries?
M. Surette : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, je ne dis pas que des gens enfreignent la loi. Ce que je dis, c'est que des gens enfreignent les règles morales. Certains commettent des actes que d'autres personnes qui ont un brin de conscience ne commettraient pas. Je ne pourrais pas avoir l'esprit en paix sachant que j'ai vendu un produit A à une compagnie B sans payer le fournisseur C.
C'est le genre de choses qui se produisent sans cesse dans l'industrie du homard, à des niveaux qui, j'en suis sûr, ne sont pas acceptables dans n'importe quelle autre industrie du pays. Je pense que c'est là où se trouve le problème.
Je n'accuse personne d'être un criminel ou quoi que ce soit d'autre. Je ne pense pas qu'il s'agit d'activités criminelles. Ce que je veux dire, c'est que les gens n'abordent pas du tout leurs activités sous un angle éthique. Ils ne regardent pas la communauté autour d'eux, la communauté qu'ils sont censés appuyer avec une ressource naturelle. Ce que l'on voit, c'est des gens qui veulent voler le plus d'argent possible et partir. Bon nombre de ces compagnies reçoivent du soutien de l'étranger.
Le sénateur Harb : Monsieur Surette, pourriez-vous m'expliquer quelque chose? Si je suis un vendeur, si je suis M. Malloy et que j'ai un produit que je désire vendre et que quelqu'un frappe à ma porte, ne serait-il pas prudent de ma part de veiller à ce que cette personne paie pour le produit qu'elle achète dans mon magasin?
M. Surette : On pourrait penser que si vous avez un numéro d'enregistrement d'entreprise et un permis d'acheteur de la province, alors vous êtes une entité légitime. Pourtant, dans bien des cas, il s'agit d'une façade. Comment quelqu'un peut-il fonctionner ainsi? C'est la question que je me pose depuis 15 ans, soit depuis que je suis en affaires. Je suis incapable d'agir ainsi.
Le sénateur Harb : Pourriez-vous nous donner un exemple?
M. Surette : Une compagnie ouvre ses portes pour expédier des homards vers l'Europe et l'Asie. Elle n'achète pas le homard d'un bateau. Elle n'emballe pas les homards dans une boîte. Elle n'est pas propriétaire d'un camion. Elle possède un espace à bureaux à 200 ou 300 milles du lieu où sont effectuées ses transactions, à savoir la côte du sud- ouest de la Nouvelle-Écosse. Elle enregistre de petites marges de profit et force tous les autres intervenants de l'industrie d'avoir de petites marges. Elle s'aperçoit à un moment donné qu'elle ne peut pas continuer à fonctionner ainsi et déclare faillite.
La liste est transmise aux autres compagnies, car nous sommes tous reliés les uns aux autres dans ce secteur. Vous voyez qui s'est fait prendre. Vous voyez des amis qui vous doivent de l'argent et qui viennent juste de perdre 7 millions de dollars à cause d'une compagnie qui a fermé ses portes.
Ce serait suffisamment grave, mais le fait est que six mois plus tard, la compagnie reçoit un autre permis d'achat, prend un autre nom et fait la même chose. Je ne vais pas vous donner de nom, mais bien des gens dans l'industrie pourront nommer une compagnie qui le fait. Je ne veux pas être accusé d'avoir proféré des calomnies ou tenu des propos diffamatoires, mais nous savons qui sont ces gens. C'est là où s'en va la valeur de notre industrie.
Comment une compagnie qui emploie sept ou huit personnes peut-elle encaisser une perte de 7 millions de dollars quand son profit brut pour l'année est d'environ 100 000 $? Comment peut-elle endosser 7 millions de dollars de pertes? Des compagnies légitimes font faillite tous les jours. Cela peut arriver, mais il y aura un effet domino si nous continuons à permettre à des gens d'entrer et de sortir de l'industrie du homard, de prendre tout ce qu'ils peuvent pendant qu'ils y sont et de repartir ensuite avec l'argent dans leurs poches pendant que tout le monde autour en souffre. Ces gens peu scrupuleux sont le problème. Voilà où est le problème.
Le sénateur Harb : Le sénateur Hubley, le sénateur Poirier et moi-même aimons le homard.
M. Surette : Merci.
Le sénateur Harb : Qu'arrive-t-il si l'on n'a pas de permis, mais qu'on décide de pressentir M. Malloy pour acheter du homard, car il offre un excellent prix? Dans une épicerie, ce même homard se vendrait cinq fois plus cher.
En vertu des règles actuelles, avez-vous le droit de nous vendre des homards que nous pouvons nous-mêmes emballer pour les déguster à la maison pendant les huit prochains mois? Existe-t-il des règles qui empêchent cette pratique? Le cas échéant, que faut-il faire pour empêcher la vente directe aux consommateurs?
M. Malloy : Cela ouvre la voie à une toute nouvelle discussion. Vous dites qu'il est cher d'acheter du homard à l'épicerie ou dans un autre point de vente. Lorsque les prix au quai étaient à la baisse, c'était une occasion pour nous d'élargir nos marchés et de favoriser ainsi l'essor de l'industrie à long terme.
Or, comme vous l'avez sans doute constaté par vous-mêmes, ce qui se passe en ce moment, c'est que vous vous rendez au restaurant et vous vous attendez à payer 30 $ pour un repas de homard alors que vous savez que le pêcheur de homard au quai le vend pour moins cher. Comment se fait-il qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, le homard qui se vend 3 $ la livre au quai est revendu 11 $ la livre dans une épicerie cinq kilomètres plus loin?
Avant le ralentissement économique, les commerçants et les chaînes de restaurants ajustaient leurs prix. Lorsque le prix au quai baissait, inévitablement, le consommateur achetait davantage. Par conséquent, le produit se vendait plus. On pouvait liquider les stocks, de sorte que le prix au quai remontait graduellement à l'avantage du pêcheur. C'est ce qui se passait.
Honnêtement, je dois vous dire que sur le marché à l'heure actuelle, les intermédiaires, les courtiers, les distributeurs et autres du même acabit voient une occasion de faire plus d'argent lorsque les prix au quai sont faibles. On peut toujours vendre une quantité donnée de livres et faire davantage de profit parce qu'on achète le produit à moindre coût auprès de l'Association coopérative des pêcheurs acadiens ou de Clearwater, par exemple. Nous avons perdu l'avantage qui prévalait lorsque les prix étaient à la baisse au quai, soit une hausse du nombre de personnes qui essaient le produit et qui le consomment ainsi qu'une liquidation élargie des stocks. Ce cycle semble avoir disparu.
Je ne sais pas quelle en est la cause mais, à mon avis, c'est un véritable problème qui exacerbe les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, surtout depuis la dernière année et demie. Le scénario habituel aurait été que les prix baissent, la consommation augmente et les stocks sont liquidés, de sorte que le prix au quai puisse remonter. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle. Il y a eu une hausse constante des débarquements, mais la hausse du nombre de consommateurs n'a pas été à la hauteur, et il y a eu une chute du prix du homard aux États-Unis et au Canada. Il est clair que cette baisse ne correspond pas au montant versé aux pêcheurs et aux transformateurs.
On devrait vraiment étudier cette question. Peut-être que quelqu'un de plus instruit que moi pourrait comprendre la différence qui s'est installée au cours des dernières années. Y a-t-il eu une hausse de la marge de profit des intermédiaires, des distributeurs, des restaurateurs ou autres groupes du genre pour la vente de produits comme celui du homard?
Le président : La situation a toujours été difficile, même dans le secteur du poisson-chat à Terre-Neuve actuellement. Il est très difficile d'expliquer aux pêcheurs la raison pour laquelle le produit qu'ils vendent au quai 47 cents la livre est revendu 9,99 $ la livre chez Sobeys ou Dominion, à 20 minutes de route du quai.
Bon sang, j'œuvre dans ce milieu depuis 20 ans et je n'ai toujours pas de réponse à cette question. Il y a beaucoup d'intermédiaires et je crois que la situation est similaire dans tous les secteurs. Dans le cas de la morue ou de tout autre secteur de l'industrie, cette question m'a toujours posé problème.
Le sénateur Poirier : Au cours des derniers jours, nous avons colligé des renseignements utiles qui s'ajouteront aux témoignages que nous avons entendus à Ottawa. Nous recevrons également d'autres témoins dans un avenir rapproché. Nous espérons que cela nous aidera à rédiger le rapport et à faire quelques recommandations en fin de compte. Peut-être que ces recommandations ne seront pas une panacée, mais nous espérons qu'elles amèneront quelques progrès.
Monsieur Surette, dans votre déclaration, vous avez dit représenter plus de 60 petites et moyennes entreprises et qu'environ le tiers de ces entreprises étaient des acheteurs de homard, des négociants et des expéditeurs. Ai-je raison de présumer que les deux tiers sont des transformateurs ou des pêcheurs? Les deux tiers de ceux que vous représentez appartiennent à quelle catégorie?
M. Surette : Les deux tiers des entreprises représentent le secteur du poisson de fond, du poisson salé et des appâts; il y a aussi quelques exploitants des secteurs du crabe et de la crevette.
Le sénateur Poirier : Ce sont donc des pêcheurs?
M. Surette : Non.
Le sénateur Poirier : Des transformateurs?
M. Surette : Oui, des transformateurs de poisson. Parmi les 60 membres de mon organisation, une entreprise appartient au secteur de la transformation du homard et, étrangement, la transformation ne se fait pas en Nouvelle- Écosse. Cette entreprise achète le homard vivant au quai en Nouvelle-Écosse, mais le transporte à l'extérieur de la province.
Le sénateur Poirier : Donc, aucune des entreprises que vous représentez ne s'occupe directement du secteur du homard.
M. Surette : Non, ce sont tous des acheteurs au quai. Ils achètent leurs produits directement des bateaux. Ils expédient ensuite le tout vers les marchés asiatiques et chinois ainsi qu'aux États-Unis et en Europe. Certains vendent les produits à d'autres acheteurs ou à ce qu'on appelle des acheteurs à commission. Ils reçoivent 50 cents la livre. Un type se présente au quai et achète des homards, dont il charge ensuite son camion pour les amener jusqu'au vivier. Il se charge ensuite de commercialiser le produit sur le marché.
Le sénateur Poirier : Dans la zone 25, d'après la carte, on compte des pêcheurs du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du- Prince-Édouard, et certains de la Nouvelle-Écosse. Représentez-vous certains d'entre eux?
M. Surette : Non.
Le sénateur Poirier : Je ne sais pas si vous pouvez ou non répondre à ma question, mais la raison pour laquelle j'aborde ce point, c'est qu'il semble y avoir une différence dans la demande quant à la taille des homards selon la province d'origine des pêcheurs. Connaissez-vous la taille des homards que demandent les pêcheurs de la zone 25 qui proviennent de la Nouvelle-Écosse?
M. Surette : Non.
Le sénateur Poirier : Alors, je n'irai pas plus loin. J'attendrai de m'adresser à d'autres témoins provenant de la Nouvelle-Écosse.
Je sais que le prix est fonction du marché ou des caprices de l'industrie. J'invite tous les témoins à répondre à la prochaine question. Je sais que dans la détermination du prix, il y a tout un ensemble de facteurs qui entrent en jeu, dont l'économie et la valeur du dollar. J'ai de la difficulté à comprendre, et peut-être que vous pourriez éclairer ma lanterne, pourquoi en une si courte période de temps, disons un an, la valeur marchande du homard au printemps était nettement plus élevée qu'à l'automne? L'année dernière à pareille époque, la différence du prix fixé par le marché était- elle aussi marquée?
M. Surette : Cela a beaucoup à voir avec l'offre. Au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, à ce moment-ci de l'année, 1 700 bateaux sont en mer rien que dans les zones de pêche 33 et 34. Dans la zone 34, on a pêché 40 millions de livres de homard l'année dernière. Nous faisons des prises exceptionnelles à l'automne.
En général, les prises du printemps sont moins bonnes qu'à l'hiver dans la zone 34. La qualité s'est avérée supérieure l'année dernière par rapport à toutes les années précédentes. Nous avons constaté qu'il y avait du homard en mue, dont la carapace est molle, ou dont la mue est terminée à la fin du mois de mai dans ma zone, ce qui est rare. Auparavant, on en voyait un de temps à autre, mais on a enregistré ce phénomène dans de nombreux fonds de pêche différents, ce qui a surpris bien des gens. C'est donc un facteur.
Le dollar est à blâmer pour la chute du prix du homard. La valeur du dollar constitue le facteur principal. Si l'on combine ce facteur au fait que le nombre de débarquements a presque doublé — car au Maine, il a effectivement plus que doublé —, un trop grand nombre de facteurs entrent en ligne de compte, dont la demande stagnante provenant des Européens et des Américains. Cette stagnation dure depuis cinq ou six ans. Petit à petit, ce facteur commence à causer du tort à l'industrie.
Le prix du homard est influencé par un nombre incalculable de facteurs, mais l'offre et la demande comptent pour beaucoup. En fait, outre l'offre et la demande, il faut se questionner sur la qualité du produit offert.
Le sénateur Poirier : Dans les zones où les pêcheurs vont chercher les produits transformés dans les usines que vous représentez, quelle est la taille de homard recherchée? S'agit-il de la taille habituelle du homard de conserverie, de la taille demandée sur le marché ou du homard de conserverie de plus grande taille? Quelle est la taille des homards en demande sur le marché?
M. Surette : Dans ma zone, comme M. Malloy l'a fait remarquer, nous transformons des homards de plus grande taille. Les plus petits pèsent environ une livre. Notre principal marché réclame des homards de une à trois livres, et il arrive qu'on nous demande des homards de quatre livres.
Le sénateur Poirier : C'est ce qui est en demande.
M. Surette : C'est effectivement ce qui est en demande.
Le sénateur Unger : Monsieur Surette, j'aimerais éclaircir un point. Vous avez mentionné qu'il y a des acheteurs au quai. Quelle est la différence entre les acheteurs au quai et les acheteurs sans scrupules dont vous avez parlé plus tôt?
M. Surette : Un acheteur au quai est en général un particulier qui possède un petit vivier à homards directement sur le quai. Il a son propre bureau. Il dispose probablement d'un congélateur pour conserver ses appâts et achète sans doute aussi un peu de poisson de fond. Ce qui diffère dans la façon de faire, c'est qu'on achète le produit au quai et traite directement avec les pêcheurs. Les acheteurs au quai s'occupent de tout ce qui a trait à la transaction, qu'il s'agisse de fournir des appâts à deux heures du matin ou de faire venir un mécanicien pour effectuer une réparation. Ces acheteurs se rendent utiles auprès des pêcheurs directement sur le quai.
J'ai travaillé récemment pour un homme qui achète des homards depuis 60 ans. Il a décidé il y a longtemps qu'il valait mieux payer 50 cents de plus pour ne plus avoir à s'acquitter de ce type de tâches. Lorsque j'aurai 80 ans, il se peut que je décide de faire les choses autrement.
Ces acheteurs au quai ne sont pas sans scrupules. Il y en a beaucoup qui se sont installés sur ces quais et qui dirigent des entreprises familiales. Il y a de nombreux quais, de nombreux ports et de nombreux pêcheurs, surtout dans la zone 34, où l'on compte 980 bateaux de pêche répartis sur une très petite zone géographique. Il serait impossible de rassembler tous les acheteurs sur un même quai, si bien que chaque quai a son acheteur. C'est essentiellement la façon dont les choses s'organisent. Les acheteurs vont à leur tour vendre aux courtiers et aux expéditeurs, à ceux qui exporteront le produit aux États-Unis ou qui l'emballeront et l'achemineront en Europe ou en Asie. Ils jouent depuis longtemps un rôle important au sein de l'industrie.
Le sénateur Unger : La différence principale, c'est qu'ils font affaire de façon éthique tandis que d'autres ne le font pas.
M. Surette : Ils sont présents dans la collectivité. Souvent, les gens auxquels je fais allusion restent dans une tour de bureaux dans le centre-ville d'Halifax. Ils ne s'intéressent pas du tout à fréquenter les pêcheurs ou à se trouver près du quai de ces collectivités rurales. Les gens qu'on appelle des acheteurs, eh bien, ces gens-là font ce travail d'une génération à l'autre. Plusieurs travaillent au même endroit dans ces collectivités depuis bien longtemps. Ils embauchent des gens au sein de la collectivité. Ils restent sur place. Ils payent leurs factures. Ils font de leur mieux avec ce qu'ils ont. Ils veulent surtout aider la collectivité, et non pas en tirer profit.
Le président : Messieurs Malloy et Surette, ces deux heures ont été fort intéressantes, et je vous remercie d'être venus.
Le comité va maintenant approfondir ses connaissances de la pêche au homard, selon la perspective des collectivités des Premières nations.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Simon, de votre présence aujourd'hui. Je vous prie de vous présenter et de faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. À vous la parole, monsieur.
Rick Simon, directeur des Pêches, Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs : Bonjour. Je m'appelle Rick Simon et je suis directeur de la division des pêches au sein de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs. Je représente mon patron, M. John Paul, directeur exécutif, qui présente ses excuses. Ce matin, il a dû assister à des funérailles au Maine. L'un des frères de son chef est décédé en fin de semaine. Il avait donc des obligations.
J'occupe le poste de directeur des pêches depuis très peu de temps; en effet, j'ai obtenu ce poste au mois de septembre. Je suis au courant de ce qui se passe au sein des Premières nations ici dans la région de l'Atlantique, étant donné que j'étais pendant 17 ans le chef régional représentant les régions de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve à l'Assemblé des Premières Nations. Pendant ce temps, j'ai fait de nombreuses présentations au nom de l'APN devant les comités permanents et tout le reste.
Je commence à maîtriser les dossiers de la pêche assez rapidement. C'est la nature et la réalité du climat dans lequel on travaille. J'aimerais vous faire un exposé bien précis, après quoi je serais disposé à répondre à vos questions.
Merci, sénateurs, de cette invitation de comparaître devant votre comité pour discuter de la pêche au homard. Votre étude de 2009 est arrivée au bon moment et représente une feuille de route menant vers un avenir durable. Votre réexamen de cette question arrive également à point nommé.
D'abord, permettez-moi de vous présenter l'Atlantic Policy Congress Secretariat of First Nation Chiefs. Cet organisme, que je vais appeler l'APC, est d'abord un organisme de recherche politique qui analyse et conçoit, en tenant compte de la culture, des solutions de rechange aux politiques fédérales ayant une influence sur nos 37 collectivités et peuples micmacs, malécites, inuits et pescomodys ici dans la région de l'Atlantique. En se fondant sur les recherches et sur des analyses, nous élaborons et présentons des solutions de rechange aux questions ayant un impact sur les collectivités des Premières nations dans la région atlantique du Canada, au Québec et dans l'État du Maine. Plus récemment, nous avons travaillé en collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans au nom des Premières nations et de concert avec elles pour bâtir et améliorer notre capacité dans le secteur des pêches.
À la lumière de la décision Marshall, le gouvernement du Canada a reconnu les droits issus des traités des collectivités des Premières nations micmaques et malécites. Par conséquent, les collectivités des Premières nations de la région du Canada atlantique et de la Gaspésie ont commencé à se prévaloir de leurs droits de participer à la pêche de subsistance, y compris la pêche au homard. L'APC a commandé un rapport à l'occasion du 10e anniversaire de la décision Marshall. Bien que ce rapport soit un peu désuet maintenant, il montre que les revenus de la pêche commerciale des Premières nations, qui s'élevaient à 4,4 millions en 1999, sont passés à 35 millions de dollars en 2007. D'après le coefficient multiplicateur de l'APECA pour l'industrie des produits de la mer, un mécanisme utilisé aux fins de cette étude, nos collectivités ont réalisé un rendement financier de l'ordre de 58 à 76 millions de dollars pendant cette période. De plus, le rapport témoigne de la création d'un grand nombre d'emplois dans le secteur des pêches, ce qui a engendré encore plus d'emplois dans les secteurs de soutien. Vous pouvez obtenir un exemplaire de ce rapport sur le site Web de l'APC.
Les Premières nations font maintenant partie intégrante de l'industrie de la pêche. Les pêches principales des Premières nations représentent maintenant 16 p. 100 de tous les permis de pêche de la crevette, 6 p. 100 des permis de pêche du crabe des neiges, 4 p. 100 des permis de pêche du pétoncle et 3 p. 100 des permis de pêche au homard. Ces résultats découlent directement des ententes de pêche provisoires conclues entre chacune des Premières nations et le gouvernement du Canada.
On a assuré la conservation de la ressource grâce au retrait des pêcheurs non autochtones, qui ont transféré des bateaux et des engins de pêche aux Premières nations. Ces nouveaux revenus servent à atteindre les objectifs généraux de la communauté et sont également réinvestis dans la pêche. Plus important encore, nous avons maintenant des connaissances essentielles du secteur de la pêche pour nous guider dans le processus de négociation de traités trilatéraux, qui sont en train d'être établis dans chacune des provinces de la région de l'Atlantique et au Québec.
Les Premières nations croient fermement que le Canada ne respecte ni l'esprit ni l'intention de la décision Marshall. Il reste encore un grand nombre d'enjeux à régler, tels qu'un rôle de gestion accru, un accès amélioré, une diversification des permis, les permis inactifs, l'accès au capital, les partenariats et ainsi de suite. Un certain nombre de ces enjeux seront transférés au processus de négociation de traités trilatéraux. D'autres enjeux portent sur la survie et le développement de nos ententes de pêche provisoires actuelles et doivent être réglés dès maintenant.
Il va sans dire que les Premières nations, tout comme le reste du secteur de la pêche, font face au même défi. Par exemple, en 2007, la pêche au homard a représenté plus de 25 p. 100 de tous les revenus de pêche des Premières nations.
Vous avez entendu le témoignage des représentants du Conseil du homard du Canada plus tôt ce mois-ci. L'APC appuie entièrement ce conseil. En effet, un directeur des pêches du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique a déjà présidé le nouvel organisme et appuie ses divers efforts. Cependant, nos Premières nations s'efforcent de développer l'expérience et les connaissances nécessaires à notre secteur. C'est un grand défi. Les programmes de soutien du gouvernement sont essentiels.
Le mois passé, vous avez entendu le témoignage de fonctionnaires du MPO sur le programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique. Je vais l'appeler le programme des MDIHA. Ils vous ont dit que, de façon générale, le programme a été une grande réussite. Cependant, l'aide offerte aux Premières nations a été plutôt limitée pour trois raisons.
Premièrement, ceux qui ont été le plus durement touchés par la crise de 2009 n'étaient pas admissibles à l'aide à court terme parce que la formule n'a pas tenu compte de l'effondrement des prix de 2008.
Deuxièmement, les Premières nations ont du mal à obtenir le financement de 50 p. 100 qu'il leur faut pour avoir accès au programme des MDIHA.
Troisièmement, les retraits des permis appuyés par le programme des MDIHA et l'industrie ont tendance à déplaire aux pêcheurs non autochtones qui cherchent à obtenir une pleine utilisation de notre capacité lorsque la productivité des stocks est meilleure.
Cela ne veut pas dire que les Premières nations ne travaillent pas avec les intervenants non autochtones de l'industrie lorsqu'il s'agit de la durabilité, de la planification et des facteurs ayant une incidence sur le prix. En effet, les membres des Premières nations ainsi que leur organisme de soutien technique, le PAGRAO, le Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques, participent toujours activement à la planification des mesures relatives à certaines zones de pêche au homard.
Dans certaines zones de pêche au homard, la capacité des Premières nations est sous-utilisée. Par conséquent, les Premières nations peuvent décider d'accorder leur permis de pêche aux non-Autochtones. Plusieurs Premières nations décident de procéder ainsi pour diverses raisons, non seulement dans la pêche au homard, mais aussi dans les autres pêches. En 2011 et, plus récemment, en 2012, l'industrie a très mal réagi à l'octroi des permis de pêche au homard des Premières nations. Cette situation pourrait s'envenimer davantage si nous ne prenons pas les dispositions nécessaires pour permettre le plein développement de la capacité des Premières nations en ce qui concerne la pêche commerciale du homard. C'est le message principal que nous voulons vous transmettre aujourd'hui.
Heureusement, les programmes qu'il faut sont en place. L'Initiative des pêches commerciales intégrées de l'Atlantique, ou l'IPCIA, a été lancée en 2007 comme deuxième volet de la réponse du gouvernement fédéral à la décision Marshall. En 2010, elle a été liée à l'Initiative de partenariats stratégiques dans le cadre de l'Initiative de diversification des pêches commerciales de l'Atlantique, ou l'IDPCA. L'IPCIA est arrivée à échéance en mars dernier et a été renouvelée pour un an dans le budget de 2012.
Les fonctionnaires du MPO ont indiqué que le renouvellement pour une période de quatre ans est sérieusement envisagé, pourvu que les ressources soient maintenues au niveau actuel; ils attendent, comme tout le monde, de voir une décision dans le budget de 2013. Le renouvellement ou la reconduction de l'IPCIA, qui met l'accent sur les efforts de diversification, est beaucoup plus incertain puisqu'il y a moins de fonds disponibles.
L'APC a travaillé fort pour montrer l'importance cruciale de ces programmes et pour contribuer au succès des pêches des Premières nations. Les succès des Premières nations et des évaluations indépendantes ont prouvé leur importance. Par exemple, le prestigieux Institut Macdonald-Laurier a rapporté que l'IPCIA est une approche politique complètement nouvelle et différente de tout ce qui a existé auparavant au Canada.
La participation est entièrement volontaire. Elle est axée sur le rendement et est strictement contrôlée. Les services sont confidentiels. On offre des services de planification des activités, de gestion, de formation et de diversification aux entreprises de pêche. À ce jour, 31 des 34 collectivités admissibles se sont inscrites à l'IPCIA.
Les Premières nations font partie de l'industrie du homard et sont prêtes à contribuer à la solution. Comme je l'ai déjà mentionné, l'APC convient, avec le Conseil canadien du homard, de l'importance de la qualité et de l'image de marque pour accroître la demande d'exportation et raffermir les prix. Nous croyons fermement que la création d'une marque autochtone pour un produit de qualité supérieure fera augmenter la demande du homard et des autres espèces vendues par les Premières nations.
Lors d'un récent colloque national sur les pêches autochtones, nous avons été informés d'une telle réussite dans le secteur du saumon du Pacifique. Ceux qui participent à cette pêche nous ont dit qu'il serait possible de créer des partenariats semblables dans la région de l'Atlantique au moyen de partenariats et de commerce entre tribus avec des organismes autochtones prospères et les États-Unis.
Plusieurs collectivités des Premières nations, qui offrent un produit supérieur et mènent des activités de pêche et de transformation intégrées, sont peut-être en mesure d'envisager de telles entreprises. C'est une possibilité que nous allons explorer au cours des prochains mois, en étroite collaboration avec le Conseil canadien du homard et les collectivités des Premières nations.
En terminant, je vous remercie encore une fois, mesdames et messieurs les sénateurs, de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. Les difficultés auxquelles font face les Premières nations sont considérables, mais elles ne sont pas insurmontables. Les chefs micmacs et malécites de l'Atlantique et de la Gaspésie demandent votre appui pour faire avancer ces programmes essentiels au développement de la capacité de pêche des Premières nations.
Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Le sénateur Hubley : Bienvenue, monsieur Simon. Ce que vous nous dites, nous l'avons déjà entendu de la part d'un autre segment de l'industrie, et c'est de l'information très importante que nous devrons prendre en considération.
Je vais vous poser une question sur la commercialisation. J'ai été intriguée de lire qu'il pourrait y avoir un jour une marque de homard autochtone qui serait commercialisée en tant que telle. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus sur cette vision ou cette idée. Est-ce que vous agiriez de manière indépendante ou est-ce que vous collaboreriez avec le Conseil canadien du homard? À cet égard, dans votre exposé, vous avez parlé d'un produit supérieur et du fait qu'il existe un secteur intégré de la pêche et de la transformation.
Pouvez-vous nous parler un peu des installations de transformation des Premières nations et nous dire où elles se trouvent dans les Maritimes?
M. Simon : Merci, madame, pour vos questions. Un certain nombre d'entre nous du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique avons participé à un colloque qui a eu lieu à Nanaimo, sur l'île de Vancouver, au début de septembre, et que nous avons aidé à organiser. L'une des présentations a été faite par un groupe de l'État de Washington, les Swinomish. Ils nous ont présenté le travail qu'ils ont fait à ce jour avec le saumon du Pacifique et l'image de marque qu'ils ont créée.
Ils ont un produit tout à fait unique. Ils ont utilisé leur capacité en tant que tribus américaines pour se démarquer très clairement de tout ce qui se passe autour d'eux. Pendant leur présentation, ils ont parlé d'un commerce transfrontalier.
Leur exposé a suscité beaucoup d'intérêt de la part de la délégation de l'Atlantique. Depuis, nous travaillons très étroitement avec eux pour essayer de créer notre propre dynamique dans l'Atlantique en mettant à profit nos possibilités en tant que Premières nations pour faire quelque chose de très semblable.
Nous n'y sommes pas encore. Nous venons d'engager la discussion et nous essayons de bien déterminer notre propre capacité avant de nous lancer sur le marché de l'exportation du homard aux États-Unis. Nous devons être convaincus de façon claire et positive que nous avons la capacité de durer.
La deuxième partie de votre question était de savoir si nous travaillons seuls, individuellement ou avec le Conseil canadien du homard. Nous travaillons étroitement avec le conseil dans le cadre de certaines de ses initiatives. Nous savons qu'il tient à peu près le même langage, quoique je suppose que leurs activités concerneront la région de l'Atlantique. Nous essayons de nous démarquer en tant qu'industrie des pêches des Premières nations.
Notre capacité se développe, notamment en ce qui concerne la transformation. Par exemple, la Première nation de Lennox Island, à l'Île-du-Prince-Édouard, a une usine de transformation du homard qui fonctionne à plein régime. En fait, je vais essayer d'aller visiter cette installation la semaine prochaine. J'y suis allé il y a quelques années, lors de l'ouverture de l'usine. L'usine a connu diverses difficultés au début, mais elle s'est maintenant rétablie. Elle a une plus grande capacité qu'auparavant. On espère que cette fois-ci sera la bonne. Notre initiative consiste, en partie, à créer une capacité et des marchés pour cette usine.
Par ailleurs, on trouve une certaine capacité de transformation dans les collectivités de Big Cove, d'Elsipogtog et de Burnt Church, au Nouveau-Brunswick. Je crois que leur spécialité, c'est plutôt la crevette, mais je n'en suis pas absolument sûr. J'ai l'intention d'examiner leurs activités.
Le sénateur Hubley : La commercialisation et la création d'une image de marque constituent certainement un thème qui revient souvent depuis quelques jours. Sur le plan de la commercialisation, on essaie de créer une image de marque canadienne pour le homard, mais pas nécessairement pour le homard de l'Atlantique ni le homard des Maritimes.
Je me demande dans quelle mesure vous pensez pouvoir réussir à créer une autre image de marque pour le homard des Premières nations. Où serait votre marché?
M. Simon : Pour être très franc, notre stratégie pour l'avenir n'est pas encore déterminée. Les groupes avec lesquels nous discutons, les tribus américaines, ont déjà des marchés bien précis. Il est possible que nous puissions vendre également sur ces marchés. Nous sommes en train de créer la dynamique pour vendre là-bas.
Par exemple, aux États-Unis, il y a toute une organisation autour des casinos. Chacun de ces casinos cherche à offrir du homard de l'Atlantique frais en spécial sept jours par semaine partout aux États-Unis.
Une des chaînes avec laquelle nous avons eu des discussions est celle de la tribu séminole en Floride. Vous l'ignorez peut-être, mais cette tribu possède tous les Hard Rock Cafes dans l'ensemble des États-Unis. Nous avons cherché des moyens ou des capacités d'assurer leur approvisionnement à long terme.
Nous espérons donc pouvoir trouver une marque quelconque en utilisant soit l'arrêt Marshall, soit un traité, soit les Premières nations; nous n'en sommes pas certains. Nous travaillons dans ce sens, mais nous croyons avoir la capacité de nous démarquer. Nous devons tout simplement examiner cette idée et cette notion plus en détail.
Le sénateur Hubley : Pour ce qui est des nouveaux arrivants dans le secteur de la pêche et les Premières nations, est-ce que vous encouragez très énergiquement les jeunes à s'impliquer et à quel point réussissez-vous à faire embarquer de nouveaux pêcheurs?
M. Simon : C'est une excellente question, sénateur. Comme vous savez, j'ai parlé tout à l'heure d'un programme qui s'appelle IPCIA. Nous avons offert beaucoup de formation dans le cadre de ce programme. Par l'entremise du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, nous avons créé six modules de formation au cours des trois ou quatre dernières années. Jusqu'à présent, nous avons livré cinq modules. Nous sommes en train d'en élaborer un sixième, et chacun de ces modules correspond très précisément aux exigences de l'industrie pour ce qui est d'être capable d'embarquer dans un bateau pour tout faire ce qu'on fait en tant que pêcheur. Voilà un exemple.
Un autre exemple serait le North Shore Mi'kmaq District Council à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Ce conseil a mis sur pied un programme dans le cadre duquel on forme de nouveaux venus dans l'industrie des pêches, qu'il s'agisse de personnes ou de jeunes qui auraient un intérêt dans les pêches. On tente de les préparer pour la possibilité de nouveaux emplois.
Le modèle était assez particulier puisqu'il s'agissait d'un partenariat avec RHDCC dans le cadre d'un projet spécial. Le conseil tribal dans la région de Miramichi a assuré la prestation du programme non seulement au Nouveau- Brunswick, mais également dans la Gaspésie et dans les deux collectivités des Premières nations à l'Île-du-Prince- Édouard, à savoir celles de Lennox Island et d'Abegweit. Oui, il y a beaucoup de formation et il y a beaucoup d'intérêt. La prochaine étape importante pour nous, je présume, sera de créer des emplois pour les personnes que nous avons formées.
Le sénateur Poirier : Merci d'être venu, monsieur Simon, et d'avoir partagé vos perspectives et vos préoccupations avec le comité. Je pense qu'il est important d'entendre le plus de personnes possible.
Combien d'usines de transformation avez-vous dans les collectivités des Premières nations actuellement dans la région de l'Atlantique?
M. Simon : À ma connaissance, il y en a actuellement trois : Lennox Island à l'Île-du-Prince-Édouard, Burnt Church et Big Cove.
Le sénateur Poirier : Est-ce que les pêcheurs de homard des Premières nations vendent leur homard aux usines de transformation des Premières nations? Est-ce que vos prises vont entièrement aux Premières nations ou bien est-ce que vous les vendez à un acheteur qui doit ensuite les vendre ailleurs parce que vous n'avez pas suffisamment d'usines pour transformer toutes vos prises?
M. Simon : Pour l'instant, c'est une combinaison d'éléments. À Lennox Island, l'usine étant de nouveau opérationnelle, ils achètent ce qu'ils peuvent. Ils font beaucoup de travail sur le terrain avec nous et ils travaillent de concert avec les collectivités dans la région de l'Atlantique pour essayer de trouver moyen de prendre notre produit. C'est le travail qui se déroule.
Le sénateur Poirier : Je viens de la région de Saint-Louis, de Richibucto et d'Elsipogtog. C'est là que j'habite. À titre d'exemple, beaucoup de pêcheurs des Premières nations ont des bateaux au quai de Richibucto. Quand ils arrivent avec leurs prises, est-ce qu'ils les vendraient aux acheteurs comme n'importe quel autre pêcheur qui n'est pas membre d'une collectivité des Premières nations?
M. Simon : Oui, ce serait le cas.
Le sénateur Poirier : Donc, nous ne savons pas si l'acheteur a le contrôle de l'endroit où il apporterait les captures, n'est-ce pas?
M. Simon : C'est ça.
Le sénateur Poirier : Savez-vous quelle est la demande pour ce qui est des usines de transformation dans les collectivités des Premières nations? Est-ce qu'elles s'occupent de toutes les tailles de homards? Y a-t-il une plus grande demande pour des homards de conserve que ceux du marché? Quelle est leur demande? Qu'est-ce qu'elles fournissent actuellement?
M. Simon : Honnêtement, je ne pourrais pas être très précis sur ce point. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Toutefois, nous pourrons faire des recherches et si vous avez besoin de cette information, nous pourrons vous la faire parvenir.
Le sénateur Poirier : Ce serait intéressant de l'avoir, si vous pouviez la fournir à la greffière du comité, parce qu'il y a une divergence d'opinions sur la demande du marché dans diverses régions. Y a-t-il des acheteurs sur les quais dans les collectivités des Premières nations pour les pêcheurs locaux?
M. Simon : Je dirais que non. À l'extérieur des provinces, à Terre-Neuve, je sais qu'il y a un quai au sein de la collectivité à Conne River. On y trouve les bateaux des pêcheurs, et c'est là que les acheteurs mènent leurs affaires.
Le sénateur Poirier : Est-ce une collectivité des Premières nations?
M. Simon : Oui. Malheureusement, les pêcheurs locaux font partie de la pêche commerciale comme tous les autres. Le gouvernement n'a jamais reconnu qu'ils sont bénéficiaires de l'arrêt Marshall. Ils font, eux aussi, partie de l'industrie commerciale, mais c'est ainsi qu'ils sont obligés de fonctionner.
Le sénateur Poirier : Est—ce que le prix qu'ils obtiennent pour leurs produits serait semblable au prix que reçoivent tous les autres pêcheurs dans la région ou des zones immédiates?
M. Simon : Je dirais que oui.
Le président : Je connais très bien la collectivité de Conne River. Il y a là-bas des gens formidables qui participent à l'industrie de la pêche. Ils ont certainement beaucoup contribué à la pêche aux crabes, particulièrement à Terre-Neuve- et-Labrador. Beaucoup de gens travaillent dans ce secteur et ils réussissent très bien. Ils travaillent de concert avec les Terre-Neuviens et Labradoriens.
Le sénateur McInnis : J'ai quelques questions découlant de votre mémoire dans lequel on peut lire que l'APC est d'abord et avant tout une organisation de recherche en politique qui analyse et élabore des solutions de rechange culturellement adaptées aux politiques fédérales qui touchent nos 37 collectivités micmaques, malécites et autres.
S'agit-il de politiques du gouvernement fédéral qui ont des répercussions négatives auxquelles vous vous opposez ou s'agit-il seulement de solutions de rechange? Pouvez-vous m'expliquer l'analyse et l'élaboration de solutions de rechange culturellement adaptées? Si je comprends bien, les politiques fédérales ne sont pas satisfaisantes.
M. Simon : Dans bien des cas, ce serait une litote. Le gouvernement élabore sans cesse des politiques qui sont dans notre intérêt, selon sa perspective. C'était le but visé à l'origine de la mise en place du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique en 1992. J'étais un des premiers employés du congrès avant d'être le chef régional. Au moment d'établir la structure à l'époque, notre but était d'avoir un engagement de la part du gouvernement qu'il partagerait avec nous les politiques en cours d'élaboration. Nous pourrions travailler dans un certain esprit de collaboration, et le produit final tiendrait compte de nos problèmes et de nos préoccupations pour ce qui est des politiques au sein du gouvernement. Cela n'a jamais vraiment fonctionné comme on l'aurait souhaité. Je suis certain qu'en tant que sénateurs, vous savez bien comment les politiques du gouvernement sont conçues et formulées.
Il y a de nombreuses étapes à suivre dans le cadre du processus interne du gouvernement. Nous n'avons jamais pu trouver un moyen ou une façon d'aller au-delà de ce processus. Bien des fois, nous avons voulu contester les politiques et, la plupart du temps, nous avons établi nos propres structures relativement à des politiques portant sur certaines questions, que ce soit sur la santé, le développement économique, l'impôt ou peu importe. Nous examinons la situation dans son ensemble à un moment donné dans le contexte des tables de négociation des droits qui sont établies, dans l'espoir d'obtenir les moyens d'assurer une plus grande capacité de gouvernance. Selon nous, il s'agit d'une mesure qui peut s'avérer très positive pour nos propres structures et qui peut contribuer à la rédaction des politiques.
Le sénateur McInnis : Le faites-vous d'emblée, et pas seulement parce qu'il s'agit d'une politique ayant été établie par le gouvernement fédéral et avec laquelle vous n'êtes pas d'accord?
M. Simon : Le fait est que si nous souhaitons administrer nos propres affaires, nous devons également avoir la capacité de rédiger nos propres politiques. Tout porte sur la gouvernance. Oui, c'est cela.
Le sénateur McInnis : C'est encourageant de voir la réussite des pêches commerciales puisqu'elles ont crû de plus de 30 millions de dollars en seulement huit ans. Quel pourcentage de ce montant attribuez-vous à la pêche au homard?
M. Simon : D'après nos chiffres, de tous les permis détenus par les collectivités des Premières nations au Canada atlantique, le secteur du homard représente un petit pourcentage comparativement aux autres types de pêche. Je crois que le homard représente 3 p. 100, mais dans d'autres secteurs comme la pêche aux crevettes, le pourcentage est beaucoup plus élevé.
Nous essayons de résoudre certains problèmes. En voici un exemple. Les permis distribués dans le cadre de l'arrêt Marshall aux collectivités des Premières nations ne sont pas en soi des permis commerciaux. Ils sont, comme on les appelle, des permis collectifs de pêche commerciale.
Il s'agit davantage d'une propriété collective contrairement aux permis de pêche au homard habituels qui sont détenus par des particuliers. L'argent généré par la pêche au homard va aux collectivités en général plutôt qu'à une famille unique qui pourrait transmettre le permis d'une génération à l'autre.
Dans notre cas, la structure au complet est différente. Cela crée certaines conditions qui ne sont pas dans notre meilleur intérêt. Par exemple, voudrions-nous accroître notre capacité? Oui, nous le voudrions. Nous songeons à utiliser les profits pour acheter davantage de permis de pêche au homard. Il y a des collectivités qui le font à l'heure actuelle. Je peux vous en nommer deux très rapidement : la collectivité de Membertou au Cap-Breton et celle de Wamaco. Elles ont acheté des permis de pêche au homard supplémentaires. Elles le font dans une perspective commerciale et elles ont connu beaucoup de succès. Cela ne leur donne toujours pas la capacité de fonctionner comme avec d'autres permis, puisque ce sont des permis commerciaux collectifs. C'est différent.
Nous cherchons maintenant une façon de faire face à ces conditions. Nous essayons de régler le problème de diverses façons, et c'est ce que j'ai la responsabilité de mener à bien. Nous travaillons avec le ministère des Pêches et des Océans sur toute la notion des permis sous-utilisés.
Lorsque l'arrêt Marshall a été établi, bon nombre des permis ont été achetés dans le cadre d'un ensemble complet. Les autorités étaient si pressées de tenir compte de la rétroaction provenant de l'industrie relativement à l'arrivée de tous ces nouveaux joueurs, que du coup, de nombreux permis ont été achetés à une valeur supérieure à ce qu'ils valaient réellement à l'époque, de pair avec les bateaux.
Bon nombre des permis se trouvaient dans des zones où il était utile pour la bande d'y déployer des bateaux et des pêcheurs parce que la pêche n'était pas rentable. Nous nous employons donc à nous concentrer sur les permis sous-utilisés afin de trouver une façon de les échanger entre les collectivités, de sorte que les zones exploitées soient moins éloignées. Elles peuvent également échanger des permis entre elles; ainsi, la pêche devient une activité rentable puisqu'elle se pratique dans des régions avoisinantes.
Le sénateur McInnis : Faites-vous référence aux collectivités autochtones?
M. Simon : Oui.
Le sénateur Unger : J'ai une question au sujet des permis de pêche. Les gens des Premières nations ont le droit de désigner leurs permis aux non-Autochtones. Qu'est-ce qui arrive généralement avec les permis qui sont désignés de cette façon?
M. Simon : Je peux vous donner l'exemple de deux collectivités. En général, la situation est semblable à ce que j'ai décrit dans ma réponse au sénateur McInnis. Des fois, cela ne vaut pas la peine pour les collectivités ou encore, les détenteurs de permis n'ont pas d'embarcations de pêche. Il devient donc plus facile pour eux de vendre leurs permis de pêche à des particuliers. Ils s'entendent sur un prix, ainsi que sur le fait d'avoir des gens des Premières nations à bord de leurs embarcations pendant qu'ils pêchent avec nos permis. Donc, la bande reçoit un certain montant d'argent sans devoir gérer toute la pêcherie. Voilà un exemple qui illustre comment des collectivités désignent leurs permis à des pêcheurs non autochtones qui pêchent à notre place.
La bande d'Indian Island est un autre exemple. L'an dernier, elle a désigné son permis à un pêcheur de l'Île-du- Prince-Édouard. Une fois la prise du Nouveau-Brunswick débarquée sur les quais de l'Île-du-Prince-Édouard, il y a eu un tollé parce que les prises du Nouveau-Brunswick étaient envoyées à l'Île-du-Prince-Édouard pour transformation.
Ce qui vient de se produire à Grand Manan est un autre exemple. Les collectivités des régions de Tobique et Perth- Andover sont à une certaine distance des zones de pêche. Elles ont eu la même idée de désigner leur permis à un pêcheur de la Nouvelle-Écosse. Du coup, les gens de Grand Manan se sont insurgés contre le fait de voir les embarcations et les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse venir dans leur port et pêcher avec des permis autochtones, comme ce qui s'est produit l'an dernier.
Je présume que pour eux, c'est du jamais vu et c'est interdit, mais pour nous, c'est une façon nécessaire d'essayer d'utiliser nos permis pour faire de l'argent.
Le sénateur McInnis : Vous avez parlé d'un certain nombre de questions dont vous traitez dans le cadre des processus de négociation tripartite de traités. La Commission royale sur l'affaire Donald Marshall a recommandé, entre autres, la mise en place d'un comité tripartite qui traiterait de ces questions, mais cela n'a jamais vraiment marché. Un des problèmes, c'était le manque de collaboration entre certaines des collectivités autochtones, mais j'espère vous entendre dire que oui, la communauté autochtone, la province et le gouvernement fédéral ont mis en place un processus durable afin de traiter de ces questions. Suis-je trop optimiste?
M. Simon : Je dirais que vous avez raison. Je vais vous expliquer les structures qui sont actuellement en place dans chacune des provinces.
En Nouvelle-Écosse, le processus existe depuis environ sept ou huit ans. Nous nous sommes rencontrés à trois, avec la province et le gouvernement fédéral, afin de définir les droits issus de traités en ce qui concerne le cas Marshall ainsi que les démarches à venir. Comme vous le savez, les ententes sur les pêches ont été conclues de façon intérimaire. Elles n'étaient jamais censées être définitives. La Cour suprême a fait référence à certaines questions relatives à la subsistance convenable, mais cette notion n'a jamais été définie.
Grâce à ces structures et à ces processus, nous espérons conclure une entente au sujet de la gouvernance et de notre capacité. Dans le cadre des négociations tripartites en Nouvelle-Écosse, un président exécutif a été nommé afin de diriger le processus. Ma nomination à titre de chef régional de l'Assemblée des Premières Nations a été faite par le peuple micmac, le gouvernement fédéral et les provinces. J'ai servi à ce titre pendant deux mandats, pour un total de six ans. On me qualifiait de président exécutif de tout le forum tripartite.
Nous avons eu beaucoup de structures uniques au sein du forum tripartite sur le développement dans toute une gamme de domaines. Dans le cadre de ces structures, nous avons tenu sept tables de négociation, notamment sur la santé, le développement économique et la fiscalité. Il s'agissait de tous les domaines de gouvernance dans lesquels nous comptions nous aventurer. Au terme de chacune de ces tables de négociation, nous avons établi des groupes de travail qui nous ont permis de travailler ensemble à un plus haut niveau. Voilà l'idée générale et la raison d'avoir créé ces tables de négociation tripartite.
La région de la Gaspésie, au Québec, faisait également partie de l'accord Marshall. Les collectivités de Listuguj, Viger, Gesgapegiag, Mi'kmaq et Malécite étaient également mentionnées dans la décision de la Cour suprême. Elles ont également une structure tripartite. Elles l'ont adoptée quelques années après la Nouvelle-Écosse. L'Île-du-Prince-Édouard a également emboîté le pas il y a trois ou quatre ans. Il s'agit de la même structure. Le Nouveau-Brunswick se trouve dans la même situation depuis quelques années. Cette province a une table de négociation tripartite afin d'essayer de rédiger le mandat ainsi qu'une stratégie qui servira de cadre aux négociations et aux discussions sur les traités.
Le sénateur McInnis : C'est dommage que Donald Marshall Junior ait dû aller à la Cour suprême pour obtenir une décision qui mettait tout noir sur blanc. Cette responsabilité aurait dû relever du comité tripartite. Malheureusement, on a eu du mal à décoller. Je suis heureux de voir que cela fonctionne maintenant et que les provinces y participent. C'est merveilleux.
M. Simon : À mon avis, les derniers détails et les ententes ne sont pas encore réglés. C'est comme toute autre négociation.
Le sénateur McInnis : Je suis d'accord.
M. Simon : Les négociateurs ne seront peut-être pas d'accord au bout du compte, mais n'empêche que ces tables de négociation existent. On ne sait pas encore quel résultat elles donneront.
Le sénateur McInnis : Sur un autre sujet, vous avez déjà parlé des différentes raisons de désigner un permis. Quels en sont les avantages pour une collectivité autochtone? En quoi consiste la désignation? S'agit-il de louer le permis?
M. Simon : Oui. L'avantage, c'est que la collectivité est propriétaire d'un permis collectif de pêche commerciale. Elle peut le désigner à des pêcheurs qui auraient un intérêt. Il serait basé sur le meilleur prix. Tout le monde viendrait avec un prix différent afin de pouvoir utiliser le permis pour aller à la pêche. Ce serait une combinaison d'argent et de capacité d'amener deux, trois, quatre ou plus de pêcheurs autochtones de la collectivité à bord du bateau pour faire de la pêche.
On le ferait pour différentes raisons. Peut-être qu'une collectivité n'a pas eu le vote nécessaire. Peut-être qu'elle n'a pas la capacité voulue. C'est une façon de se servir des permis qu'elle détient à l'heure actuelle.
Le sénateur McInnis : Afin de parler de ma paroisse, je viens de la côte Est de la Nouvelle-Écosse. J'étais ravi de voir que la Nation Millbrook, dont le chef à l'époque était le chef Lawrence Paul, a construit un beau quai à un coût élevé à Sheet Harbour. Je suis attristé de voir qu'il est maintenant à vendre.
La question a été déjà abordée par un de mes collèges. Est-ce que c'était parce que la collectivité n'a pas réussi à intéresser le nombre de pêcheurs nécessaire? On ne peut pas obliger les gens à faire de la pêche. Le taux de chômage dans les collectivités autochtones est élevé. Bon nombre de ces gens sont de bons amis à moi. J'étais très déçu de savoir qu'il y a un mois, le quai dans la ZPH 31B était à vendre. Peut-on faire quoi que ce soit?
Vous n'avez pas besoin de répondre à la question maintenant. Vous pourriez nous revenir avec la réponse. J'espère qu'il sera possible de faire quelque chose pour corriger la situation, car le taux de chômage dans cette localité est très élevé et tout le monde en bénéficierait.
M. Simon : C'est vrai. Je ne peux pas en parler dans le détail, mais je me ferais un plaisir de me renseigner pour voir s'il y a lieu de faire quoi que ce soit pour le quai, en fonction des priorités de Millbrook.
Le sénateur McInnis : Je vous donnerai ma carte de visite.
M. Simon : D'accord, merci.
Le sénateur Harb : Monsieur Simon, au premier paragraphe de la page 3 de votre mémoire, vous parlez du ministère des Pêches et des Océans et du Programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique. Même si le ministère a conclu que le programme était très bénéfique, vous êtes d'un autre avis. Vous avez indiqué les raisons pour lesquelles vous n'êtes pas d'accord.
Vous soulevez un point très important quand vous dites que le programme aurait, comme effet secondaire, d'inciter les Autochtones à transférer leurs permis à des non-Autochtones et pourrait donc créer des tensions au sein de la communauté. Vous avez montré beaucoup de courage en exprimant cette préoccupation.
Votre dernier paragraphe présente votre point principal, c'est-à-dire que vous souhaitez que le gouvernement rétablisse un programme lancé en 2007, intitulé Initiative des pêches commerciales intégrées de l'Atlantique, et qu'il l'associe à l'Initiative de partenariats stratégiques dans le cadre de l'Initiative de diversification des pêches commerciales de l'Atlantique. Je crois que c'est votre point principal. Vous voudriez faire rétablir ce programme-là.
M. Simon : Nous n'avons pas tellement parlé du programme dans notre mémoire. Nous l'avons mentionné en raison du rapport intitulé An Atlantic Fishing Tale, produit par l'Institut Macdonald-Laurier. C'est un très bon rapport qui présente tout ce que nous savions déjà. À mon avis, c'était un des quelques rares programmes gouvernementaux qui produisait de véritables résultats pour nous.
On a créé une structure dès le début. Nous avons annoncé le lancement du programme en 2007. En tant que chef régional de l'APN, j'étais responsable du dossier des pêches à l'échelle nationale. Nous avons travaillé en collaboration avec le gouvernement et nous avons fait une annonce conjointe concernant ce nouveau programme. Je crois que le programme en est maintenant à sa sixième année, puisque le gouvernement l'a prolongé d'une année pour pouvoir se pencher sérieusement sur toute la question. Nous espérons que le gouvernement prendra un autre engagement de quatre ans.
Cette initiative est très importante pour nous parce qu'elle nous a permis d'acquérir une capacité dans plusieurs domaines de l'industrie des pêches, surtout dans la formation. J'ai parlé plus tôt de certaines des initiatives concernant la formation. Nous avons vu notre capacité s'accroître considérablement, et cela comprend même notre capacité financière. Nous avons indiqué des chiffres qui sont vraiment très élevés. Ils datent d'environ deux ans. Ils sont encore plus élevés maintenant.
C'est donc un aspect clé, et nous espérons que vous allez l'étudier sérieusement et faire une recommandation au gouvernement dans ce sens. Mon patron, M. Paul, fait des présentations trois ou quatre fois par mois à des représentants des différents paliers du gouvernement, que ce soit au Bureau du premier ministre, ou à d'autres décideurs qui sont prêts à écouter et qui peuvent faire aboutir notre demande.
Nous espérons que le programme sera reconduit pour au moins quatre ans. Ce délai n'est pas dénué de sens. La présentation de M. Paul a suscité des discussions et des questions concernant un prolongement du programme pour une autre année. On n'y peut rien. Au bout du compte, si nous ne pouvons pas obtenir un engagement à long terme, ce sera plus difficile pour nous, tout comme pour les autres intervenants de l'industrie des pêches. Le travail se fait sur une base annuelle, ce qui nous crée des défis. Nous avons indiqué très clairement à tous ceux qui voulaient bien nous écouter qu'un prolongement d'un an était déjà utile, mais qu'un engagement de quatre ans serait l'idéal parce qu'il nous permettrait de mieux planifier la suite.
Le sénateur Harb : Le programme a eu un impact direct sur votre collectivité. Pourriez-vous nous parler un peu du taux de chômage, du nombre d'habitants dans les collectivités et des améliorations apportées par le programme à la qualité de vie, surtout en ce qui concerne le nombre d'emplois?
M. Simon : Le document vous fournit certainement beaucoup de détails et de chiffres. Je peux vous parler de mon expérience personnelle du programme. L'IPCIA était structurée autour d'un certain nombre de composantes. Chaque composante ciblait un aspect distinct, que ce soit l'emploi, l'achat de vaisseaux, le maintien des vaisseaux ou d'autres aspects de l'industrie. Le programme tenait compte des montants nominaux, de la population des diverses Premières nations de l'Atlantique et de l'ampleur de la pêche autochtone déjà établie. Nous avons misé sur cette structure pour créer un conseil dans chaque collectivité afin de revoir les propositions dans le cadre du volet diversification de l'IPCIA. Une équipe ou un conseil composé de représentants de l'industrie, des Premières nations et du gouvernement analysaient chaque proposition soumise. Je le sais pertinemment parce que je siégeais au conseil qui étudiait les propositions. Nous avons fait un travail sérieux. L'équipe au complet travaillait en collaboration avec la collectivité pour favoriser la réussite de toute proposition approuvée.
Le processus était très différent de ce que j'avais vu auparavant. En effet, lorsque j'étais chef régional, nous avons travaillé très étroitement avec ce qu'on appelait à l'époque le ministère des Affaires indiennes. Je crois que le ministère a été rebaptisé pour devenir Affaires autochtones et Développement du Nord. Ce ministère avait lui aussi une structure pour la mise en œuvre de ses programmes de développement économique. Il existait un comité dans la région de l'Atlantique. Les Premières nations soumettaient leurs demandes et nous faisions la même chose, c'est-à-dire nous les étudiions pour déterminer si elles étaient susceptibles de réussir. Il fallait aussi tenir compte des priorités de la collectivité.
Il n'y avait aucune structure ou procédure pour nous permettre de faire un suivi et demander ce qu'il faudrait faire pour que le projet réussisse. Toutefois, dans le cas de ce programme-ci, le soutien est prévu. Nous avons une équipe de développement d'affaires qui relève du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique et de ce que nous appelons une société de financement des Autochtones. Dans la région de l'Atlantique, par exemple, nous avons l'Ulnooweg Development Group. Les deux organismes travaillent en collaboration afin d'encadrer l'équipe de développement d'affaires, et c'est cette équipe qui a collaboré directement avec le MPO, avec nous et avec les Premières nations à l'élaboration de ces propositions d'affaires. Une fois que la proposition était soumise et approuvée, l'équipe travaillait avec les collectivités. On pouvait aussi fournir du soutien au besoin. Bref, le bilan s'est avéré très positif. Je pense que 32 des 37 collectivités de Premières nations admissibles dans la région de l'Atlantique en ont profité. Nous avons créé plus de 200 emplois.
À mon avis, le programme a produit des résultats très positifs si on le compare à d'autres programmes par le passé. Nous espérons qu'il permettra aux collectivités de l'Atlantique touchées par l'arrêt Marshall d'augmenter leurs capacités au cours des quatre prochaines années pour atteindre un tout autre niveau. Je dis ça d'un point de vue positif.
Le président : J'aimerais vous remercier, monsieur Simon, de nous avoir fait cet exposé et d'avoir discuté avec nous de ces questions de manière si ouverte et franche. Ces échanges nous sont très utiles. N'hésitez pas à revenir nous voir n'importe quand. Si vous souhaitez ajouter quelque chose ou apporter des précisions à votre témoignage fait ici aujourd'hui, vous pouvez le faire par écrit.
M. Simon : Oui.
Le président : Nous espérons présenter notre rapport au Sénat au début du printemps prochain. C'est l'échéance que nous visons. Vous avez donc amplement le temps de nous faire parvenir d'autres renseignements si vous voulez le faire. J'aimerais vous remercier encore une fois d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui, et nous vous souhaitons beaucoup de succès.
(La séance est levée.)