Aller au contenu
POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 12 - Témoignages du 30 novembre 2012 (séance de l'après-midi)


MONCTON, le vendredi 30 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 13 h 10, pour étudier la pêche au homard dans les provinces de l'Atlantique et au Québec.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je suis heureux de souhaiter à tous la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je suis le président du comité.

Avant de céder la parole à nos témoins, je demanderai à mes collègues de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Unger : Je m'appelle Betty Unger et je viens d'Edmonton, en Alberta.

Le sénateur Harb : Je m'appelle Mac Harb, et je viens de l'Ontario.

Le sénateur Poirier : Je m'appelle Rose-May Poirier et je représente le Nouveau-Brunswick.

Le président : Quelques collègues ont dû quitter un peu plus tôt afin de prendre un vol de correspondance. Nous réunirons tous les renseignements qui nous ont été transmis. Nous les examinerons au cours des prochains mois pour nous aider à rédiger le rapport que nous souhaitons présenter au Sénat fin février ou début mars. C'est du moins notre objectif pour l'instant.

Si, après nous avoir livré vos témoignages, vous estimez devoir nous transmettre des renseignements complémentaires, je vous inviterais à faire parvenir le tout à la greffière du comité.

Notre comité poursuit son étude de la pêche au homard dans les provinces de l'Atlantique et au Québec. Jusqu'à présent, nous avons tenu des réunions fructueuses à Moncton. Ces derniers mois, plusieurs séances ont eu lieu à Ottawa sur la question. Nous entendrons aujourd'hui, nos derniers témoins à Moncton. Ils représentent des organismes qui effectuent de la recherche sur le homard. Nous aurons donc l'occasion d'en apprendre davantage sur les activités de ces organismes et sur les conclusions auxquelles ils sont parvenus. Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui.

Au nom de mes collègues, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos connaissances spécialisées. Nos journées ici ont certes été très fructueuses. Nous avons entendu le témoignage de pêcheurs, de transformateurs, de consommateurs et de diverses organisations. La pêche au homard est certes un secteur d'activités essentiel dans cette région du pays. Les témoignages entendus nous ont permis d'apprendre les magnifiques occasions qu'offre ce secteur et les graves problèmes avec lesquels il est confronté.

Nous espérons déposer notre rapport au printemps. Nous y proposerons des recommandations qui découleront certainement des témoignages entendus au cours des séances tenues à Moncton ces deux dernières journées.

Je demanderais donc à nos témoins de bien vouloir se présenter. Certains d'entre eux souhaiteront peut-être lire une déclaration préliminaire. C'est à vous de décider. La parole est à vous.

[Français]

Martin Mallet, directeur, Homarus Inc. : Je m'appelle Martin Mallet et je suis biologiste, directeur du projet Homarus.

Homarus, c'est un projet ou c'est une compagnie à but non-lucratif qui fait de la recherche et du développement pour toutes questions liées au homard, mais qui est liée surtout à la viabilité de la ressource et à la viabilité de l'industrie de la pêche en général. On est surtout basé dans le sud-ouest du Golfe.

J'ai mentionné que Homarus est une compagnie à but non-lucratif qui est une sous-compagnie de l'Union des pêcheurs des Maritimes. On a aussi des partenaires autre que l'Union des pêcheurs des Maritimes qui sont composés de groupes du secteur privé et public, et ça fait à peu près 10 ans qu'on travaille sur plusieurs questions liées au homard.

On a quatre volets présentement de recherche et de développement. Le premier qui est notre plus vieux volet en développement, ce sont des projets d'aménagement de la ressource avec un focus sur la recherche et le développement en écloserie de homard et en ensemencement du homard pour améliorer la ressource du homard dans les régions à problème, et on travaille aussi sur des projets de création de récifs artificiels pour aider à ajouter des habitats pour le homard.

Deuxièmement, tout récemment, l'année passée, en fait, deux ans passés, on a commencé des projets liés au monitoring des suivis. En fait, une façon de le dire plus simplement, ça serait des suivis de population de homard pour avoir une idée, un indice des changements au niveau des mesures de conservation sur la ressource. C'est un projet qui est tout nouveau, puis, on a du financement pour appuyer ce projet sur deux ans, qui est financé par une subvention du ministère des Pêches et Océans.

Troisièmement, on a des projets liés à l'environnement, donc, on est en train de regarder quels sont les impacts de l'environnement sur la ressource, mais plus spécifiquement par rapport aux problèmes liés aux contaminants et aux changements climatiques.

Quatrièmement, on travaille aussi sur le développement de projets de développement d'appâts alternatifs pour la pêche au homard.

C'est un peu ça mon introduction de départ. Si vous voulez, je peux revenir plus tard pour aller dans le plus grand détail ou bien développer un peu le côté à venir au niveau de la recherche.

[Traduction]

Patty King, directrice générale, Fishermen and Scientists Research Society : Je m'appelle Patty King et je suis directrice générale de la Fishermen and Scientists Research Society de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

La Fishermen and Scientists Research Society est une association à but non lucratif qui a été créée en janvier 1994. Sa mission consiste à améliorer les communications entre les pêcheurs, les scientifiques et le grand public, à favoriser la collaboration entre les pêcheurs et les scientifiques en matière de recherche et à collecter les données nécessaires en vue d'assurer la viabilité à long terme de nos ressources.

Notre société compte actuellement 470 membres, dont 275 pêcheurs et 195 scientifiques qui proviennent entre autres du secteur privé, des universités et des pouvoirs publics.

Notre société a été créée à l'instigation des pêcheurs et des scientifiques qui ont compris avoir un rôle important à jouer pour assurer la gestion à long terme des ressources marines vivantes et qui ont conclu qu'il fallait communiquer efficacement et se fixer des buts communs afin de favoriser cette gestion. Ce partenariat a débouché sur plusieurs projets conjoints qui ont permis d'améliorer l'évaluation et la gestion de nos ressources halieutiques. Nous avons acquis une réputation mondiale parce que nous avons su favoriser une collaboration efficace entre les pêcheurs et les scientifiques.

Je voudrais ajouter quelques précisions sur les mesures particulières que nous avons prises pour ensuite vous résumer quelques projets de recherche que nous avons menés à bien sur le homard et vous remettre un document qui contient davantage de précisions sur tous ces projets et que vous pourrez examiner quand bon vous semblera.

Ce qui nous distingue, c'est notre indépendance. Notre rôle consiste à mener des recherches scientifiques pertinentes et indépendantes et d'en faire connaître les conclusions à tous les intervenants, notamment l'industrie, les scientifiques et les gestionnaires. Pourquoi? Parce que nous avons tous le même objectif : la viabilité de la pêche au homard.

Notre rôle ne consiste pas à représenter l'industrie, le gouvernement ou tout autre intervenant. Dans l'énoncé de notre mission, nous avons précisé que nous ne sommes pas un groupe de pression. Nous avons à cœur d'effectuer des recherches scientifiques pertinentes et indépendantes dont nous avons tous besoin pour prendre des décisions judicieuses et de favoriser la collaboration entre tous les intervenants.

Ce qui nous distingue également, c'est le degré de participation des pêcheurs aux recherches scientifiques menées sur la pêche au homard. Lorsque nous avons commencé cette collaboration en 1994, j'ai demandé aux pêcheurs ce qui les préoccupait, ce qu'ils souhaitaient et ce sur quoi ils voulaient se pencher. Ils nous ont alors répondu que c'était là le rôle des scientifiques.

Aujourd'hui, les pêcheurs jouent un rôle proactif en cernant les thèmes des recherches. Sous l'égide de notre société, ils ont pu collaborer avec les scientifiques pour mener à bien des études et se pencher sur certains problèmes. Ils peuvent se rendre en mer pour y effectuer les recherches nécessaires. Ils collectent les données qui sont analysées et soumises à l'examen des pairs.

Les pêcheurs sont devenus une des partenaires à part entière dans le cadre de l'estimation des stocks. À bien des égards, ils sont devenus des scientifiques en mer. Cette collaboration et l'amélioration des communications ont permis aux pêcheurs de mieux saisir les méthodes et les procédés scientifiques, de comprendre en quoi consiste le travail des scientifiques. Ils ont fini par faire davantage confiance aux scientifiques et à accorder plus de respect aux spécialistes des pêches comme M. Lanteigne.

Avant de se livrer à des activités scientifiques, les pêcheurs doivent tout d'abord croire au bien-fondé de celles-ci. C'est ce que m'a confié un pêcheur. Comment peut-on contredire les données que vous avez collectées? Par contre, les scientifiques ont fini par se rendre compte que les pêcheurs étaient une source inépuisable de renseignements sur la pêche et les différentes espèces de poissons. Naturellement, nous mettons particulièrement l'accent sur le homard. Les scientifiques ont beaucoup à gagner en collaborant avec les pêcheurs et en tablant sur leurs connaissances. Grâce à cette collaboration, les scientifiques disposent des données que les pêcheurs collectent en mer quotidiennement, ce qui est une première. Les pêcheurs sont en mesure de collecter des données qui non seulement portent sur de vastes superficies, mais qui sont également à long terme.

Voici un autre avantage de notre société : l'expérience qu'elle a acquise. En 2013, nous en serons à notre 20e année d'activités. Nous pouvons continuer à mener à bien des projets, à uniformiser les protocoles ainsi qu'à favoriser l'intégrité et la fiabilité des recherches effectuées par les pêcheurs et les scientifiques.

Voici donc un des défis que nous devons relever : les scientifiques doivent mener des études à long terme. Ils ont donc besoin de fonds, et ceux consacrés à la recherche scientifique sont de plus en plus rares.

Nous avons à cœur de communiquer les données que nous collectons. C'est là une autre des caractéristiques qui nous distinguent. À la création de notre société, les pêcheurs nous ont fait valoir que toutes les fois qu'ils avaient essayé de participer à des recherches scientifiques, ils avaient transmis leurs connaissances sans savoir ce qu'il en adviendrait. Ces connaissances s'engouffraient dans un trou noir. Les pêcheurs ignoraient quelle interprétation ou quelle utilisation on en faisait.

Nous nous assurons notamment que les pêcheurs sont mis au courant de ce qu'il advient des données qu'ils collectent. Nous les communiquons à Pêches et Océans ainsi qu'à tous les scientifiques souhaitant les analyser. On mise sur ces données pour procéder à l'évaluation des stocks. Je vous donnerai quelques précisions à cet égard lorsque je vous parlerai d'un de nos projets dans quelques instants.

Le homard étant un élément essentiel de nos ressources marines, de notre économie et de la vie de nos collectivités du Canada atlantique, nous lui avons accordé la priorité dans le cadre de nos recherches. Je voudrais prendre quelques minutes pour mettre l'accent sur quelques-uns de nos projets, dont celui portant sur les indicateurs du recrutement du homard. Il s'agit là d'une de nos priorités.

Le projet a démarré en 1999. C'est un pêcheur qui a eu l'idée du sujet de recherche. On demandait alors à l'industrie de doubler la production d'œufs par recrue. Le pêcheur a alors posé la question pertinente suivante : « Comment saurons-nous que nous avons atteint cet objectif grâce à nos efforts de conservation? Nous ignorons quel est l'état des stocks, quel est le nombre de juvéniles. Nous devons tout d'abord en avoir une idée. »

La collaboration entre les pêcheurs et les scientifiques nous a permis d'élaborer une étude à long terme des indicateurs du recrutement du homard sur une superficie allant de la ZPH 27 au large du Cap-Breton jusqu'à la ZPH 35 dans la baie de Fundy. Environ 160 pêcheurs participent au projet, chaque année. Ils collectent de l'information tous les jours où ils prennent la mer grâce aux casiers spécialement conçus. Les pêcheurs mesurent chaque homard qu'ils sortent des casiers. Ils déterminent également s'il s'agit d'un mâle ou d'une femelle, s'il s'agit d'une femelle œuvée, s'il s'agit d'une femelle marquée d'un V. Ils vérifient également la température parce que nous savons que c'est un élément essentiel en ce qui concerne la pêche au homard.

Ce projet permet essentiellement d'établir le nombre des homards juvéniles qui seront des recrues au cours des saisons de pêche à venir et de se pencher sur les changements qui surviennent. On sait que la pêche au homard dans le Canada atlantique est fonction des nouvelles recrues. Au fil des mois, nous espérons pouvoir être en mesure de prédire, avec la marge d'erreur acceptée en recherche scientifique, si la pêche au homard sera fructueuse ou non.

Ce projet a été très utile dans le cadre de l'évaluation des stocks du MPO. La moitié des données utilisées dans la récente évaluation des stocks pour les Maritimes émanait de ce projet. Celui-ci est donc essentiel à cet exercice.

Je crois que vous avez déjà entendu parler également du cycle de mue du homard dans le sud-ouest de la Nouvelle- Écosse. Le cycle de mue est parfois modifié. Lorsque débute la saison de la pêche, la carapace des homards n'est pas toujours suffisamment dure ou pleine de chair. C'est un grave problème pour plusieurs raisons, notamment sur le plan économique. Le consommateur est friand de homard à carapace dure et pleine de chair. Et nous ne sommes pas nécessairement en mesure de satisfaire à cette demande. Les dernières années de pêche ont été désastreuses à ce chapitre.

De concert avec les pêcheurs, les transformateurs et le AVC Lobster Science Centre de l'Université de l'Île-du- Prince-Édouard, nous avons élaboré un programme pour examiner la qualité du homard par rapport au cycle de mue, qui est sensible aux changements de température et de régime alimentaire ainsi qu'à d'autres facteurs liés à l'écosystème. Le cycle de mue a des effets importants sur la qualité du homard parce qu'il doit s'écouler du temps pour que la carapace durcisse en fonction des exigences du marché.

Dans le cadre de cette collaboration, nous pouvons prélever des échantillons à longueur d'année dans les ZPH 33 et 34. Nous nous attaquons maintenant à la ZPH 35, dans la baie de Fundy. Nous collectons des données sur le taux protéique du sang, la dureté des carapaces et la température. Nous sommes à l'étape de l'analyse des données recueillies jusqu'à présent. Nous essayons d'établir un lien entre la température et le cycle de mue ainsi que les changements qui surviennent. Nous envisageons également de nous pencher sur le régime alimentaire. Certains pêcheurs vous ont peut- être fait valoir qu'ils s'inquiétaient du fait que les homards manquaient peut-être de nourriture. Est-ce là un des problèmes à l'origine de ces changements? Le tout n'est-il pas plutôt attribuable aux changements climatiques et à la modification des températures? Ce sont là des aspects sur lesquels nous nous penchons.

Nous examinons également la fixation du homard, c'est-à-dire les jeunes de l'année, dans le cadre d'un projet de collecte. Le tout se fait de concert avec le MPO. Nous cherchons à mieux connaître le quatrième stade larvaire dans le fond de la mer. Ces données nous permettront d'établir des indices de fixation qui nous aideront à prédire l'état des pêches pour les années à venir. Tout cet exercice s'inscrit dans le cadre d'une initiative internationale menée à bien de concert avec notamment Rick Walhe de l'Université du Maine. L'objectif est d'établir l'indice de fixation du homard.

Nous effectuons également des recherches sur la taille à la maturité du homard. Pour évaluer et gérer les stocks de homard, nous devons notamment tenir compte d'un facteur important : la taille de 50 p. 100 des homards à maturité. La taille minimale fixée a été établie en fonction de ce pourcentage pour certaines ZPH. Il y a cependant un problème : les pêcheurs constatent que les femelles œuvées sont plus petites qu'auparavant. On observe un changement chez les homards à maturité. C'est un aspect sur lequel on ne s'est pas penché depuis des décennies. De concert avec le MPO et des organismes communautaires, nous examinons la taille à maturité ainsi que son évolution dans le temps et l'espace.

Lorsque les représentants du Conseil canadien du homard ont comparu devant le comité, ils ont sans doute parlé du Lobster Node Project du Réseau canadien de recherche sur la pêche et du CRSNG. Notre société est l'un des organismes qui a élaboré ce projet. L'objectif de ce réseau consiste à répondre aux questions sur la composition des stocks de homard et sur les liens à établir entre les différentes ZPH. Par exemple, si une ZPH produit beaucoup de larves, celles-ci demeurent-elles dans cette zone initiale ou sont-elles emportées par les courants pour se retrouver dans une autre zone? Quels sont les divers liens à établir à cet égard? Dans le cadre de cette étude, on se penche également sur les aspects génétiques, notamment.

Notre société met aussi l'accent sur la communication entre les pêcheurs, les scientifiques et le grand public. Nous essayons de la favoriser de différentes façons, notamment par la publication d'un bulletin trimestriel. Nous avons également un site Web que je vous encourage à consulter. Les 20 et 21 février 2013, nous tiendrons notre 20e congrès annuel auquel je vous invite. Le congrès sera précédé d'un atelier sur le homard que nous tiendrons de concert avec la Gulf of Maine Lobster Foundation du Maine. Nous effectuons également des travaux de recherche avec l'aide de différents pays.

Récapitulons. La pêche au homard est aux prises avec de graves problèmes économiques. Le secteur doit aussi composer avec la question du cycle de mue, les répercussions des changements climatiques et les problèmes de certification MSC. Il faut donc de plus en plus d'études scientifiques pour déterminer la viabilité de la pêche au homard ainsi qu'améliorer la conservation et la gestion des ressources. Plusieurs facteurs peuvent influencer la viabilité. Il est impératif de bien comprendre tous ces facteurs et les liens entre eux pour assurer la viabilité de la pêche au homard. Nous pourrons y parvenir uniquement en poursuivant la recherche déjà entreprise par notre société.

Pour prendre des décisions judicieuses, il faut s'en remettre à la recherche scientifique. C'est essentiel à la conservation et à la gestion de nos ressources. Nous devons bien comprendre l'état actuel des stocks en déterminant les facteurs qui l'influencent et dans quelle mesure ils l'influencent. Nous devons être en mesure de prédire l'état des pêches pour les années à venir, qu'il s'agisse de fixation ou de recrutement, pour qu'on puisse examiner efficacement les mesures à prendre en matière de conservation et de gestion afin d'assurer la viabilité à long terme de cette ressource. Nous devons pouvoir examiner scientifiquement les changements au fil du temps, en le faisant sur une période prolongée.

Notre société est responsable de la création de projets mixtes qui permettront de favoriser l'évaluation et la gestion de nos ressources halieutiques. C'est le fruit d'une collaboration qu'il faudra maintenir, mais le manque de fonds constitue un grave problème.

La recherche scientifique sur les pêches nécessite un changement de cap de la part des gouvernements fédéral et provinciaux, qui doivent fournir les fonds nécessaires. Grâce à la collaboration, nous avons pu mener à bien des recherches scientifiques d'une façon beaucoup plus économique. En consacrant leur temps, en utilisant leurs embarcations et en assumant diverses dépenses, les pêcheurs apportent une contribution importante à cet exercice. Ils ont à cœur de collaborer avec les scientifiques pour mener à bien la recherche afin d'assurer la viabilité à long terme de la pêche au homard. Cependant, la recherche scientifique nécessite un financement à long terme pour que cette collaboration utile se poursuive et pour que la viabilité de la pêche au homard et celle des collectivités côtières soient assurées.

Marc Lanteigne, gestionnaire, Division des ressources aquatiques, Pêches et Océans Canada : Bonjour. Je m'appelle Marc Lanteigne et je suis gestionnaire à la Division des ressources aquatiques de la Direction des sciences pour la région du Golfe. Je suis responsable d'un groupe d'équipes scientifiques qui s'intéressent non seulement au homard mais également aux autres espèces comme le poisson de fond, le crabe et la plupart des espèces commerciales exportées. Dans ma déclaration, j'insisterai sur la région du Golfe, mais vous pourrez faire le rapprochement avec les autres régions atlantiques au sein du MPO.

Dans les provinces de l'Atlantique et au Québec, nous avons environ 45 unités de gestion. La région du Golfe se compose de cinq zones de pêche, à l'exception de celle des Îles-de-la-Madeleine, la zone de pêche 22 au Québec.

Dans la plupart des zones de pêche au homard du Canada, on se sert essentiellement des débarquements de homard pour déterminer l'abondance et la vitalité du stock de homard. Par rapport aux autres espèces pêchées du Labrador jusqu'à la Caroline du Nord, les débarquements de homard ont augmenté au cours des dernières décennies. Cette même tendance à la hausse, qui a débuté au milieu des années 1970 dans la région du Golfe, s'est également observée pour l'ensemble des espèces le long de la côte atlantique. Le total annuel de débarquements pour le sud de la région du Golfe est passé de 16 000 à 23 000 tonnes métriques depuis 1990. Pour vous donner une idée de ce que cela signifie, je vous dirai que 20 000 tonnes métriques par année représentent à peu près le poids de près de 3 000 autobus scolaires.

Les quelque 20 000 tonnes qui ont été débarquées dans le sud de la région du Golfe représentent approximativement 35 p. 100 des débarquements totaux dans les provinces de l'Atlantique et au Québec, ce qui est bien au-dessus de la moyenne enregistrée entre 1920 et 1975, qui était en l'occurrence de 8 000 tonnes. Je suis convaincu que les pêcheurs qui ont comparu devant vous ont probablement dit également qu'il s'agit là d'une augmentation phénoménale, que les débarquements ont triplé ou quadruplé au cours des 30 dernières années. Nous nous fions aux mêmes données.

Les scientifiques affectés à la région du Golfe travaillent notamment au Lobster Node Project. Le budget annuel est d'environ 200 000 $, montant qui ne comprend pas leurs salaires. Ce budget change d'une année à l'autre en fonction de la nature des recherches que nous effectuons.

Nous pouvons également compter sur les partenariats avec l'industrie de la pêche et les autorités provinciales, ce qui fait que le budget total du MPO pour la région du Golfe est de 350 000 à 400 000 $ par année. Nous collaborons avec le MFU et la PIFA.

La gestion actuelle de la pêche au homard se fonde sur la taille minimale de la carapace, le rejet en mer des femelles œuvées et des mesures de contrôle comme le nombre fixe de licences de pêche, l'affectation d'un nombre de casiers par pêcheur et la taille maximale des casiers.

Les quotas sont habituellement établis en fonction des estimations de biomasse du stock. Ces quotas n'existent pas pour la pêche au homard. Il est difficile d'établir la biomasse du stock de homard parce que les individus ont tendance à vivre sur le fond rocheux qui leur assure un abri. Par conséquent, il n'existe aucune méthode économique d'établir la biomasse, comme c'est souvent le cas pour le poisson de fond ou le crabe des neiges dans le sud de la région du Golfe. Vous aurez peut-être remarqué qu'on a fait une exception et qu'il existe un quota pour la zone 4 du plateau néo- écossais. Je le répète : il s'agit d'une exception.

Au fil des ans, les études scientifiques sur le homard ont surtout porté sur la gestion des pêches dans le sud de la région du Golfe. Vous êtes probablement au courant des rapports publiés par le CCRH en 1995 et en 2007. Ce sont des exemples valables de rapports qui dressent un tableau général de l'état des pêches, de la biologie du homard et des lacunes sur le plan des connaissances scientifiques. Certains des travaux scientifiques exécutés dans la région du Golfe ont porté précisément sur ces lacunes et ont proposé des solutions pour permettre au MPO de mieux gérer cette pêche. Je vous donne un exemple : les recherches effectuées sur la taille des individus à maturité sexuelle ont permis de déterminer la taille minimale des homards dans les zones de pêche. Je suis convaincu que les pêcheurs, les consommateurs et tous les autres intervenants vous ont parlé de la question de la taille au cours de vos nombreuses séances. La taille minimale en vigueur dans les diverses zones de pêche a été augmentée pour permettre à davantage de femelles d'atteindre leur maturité sexuelle et de se reproduire au moins une fois avant d'être capturées.

Tous ces changements ont également nécessité de nouvelles études sur les panneaux d'évasion des casiers. Ces panneaux permettent aux homards petits de s'échapper. En règle générale, on ne doit pas pêcher les homards trop petits. Parfois, nous devons modifier les panneaux d'évasion en fonction de la nouvelle taille minimale établie.

Plus récemment, nous avons mené une recherche sur le panneau biodégradable dans le golfe. Certains éléments de cette recherche de deux ans sont plutôt nouveaux. En fait, les résultats permettront de mettre en œuvre de nouvelles règles en 2013. Les panneaux biodégradables sur les casiers remplacent les attaches de métal qui rouillent. Les casiers perdus en mer chaque année entraînent la mort inutile des poissons et des homards qui s'y accumulent. Nous remplaçons les attaches de métal par un filet de coton. Nos tests ont permis de trouver la bonne taille de fil pour les panneaux biodégradables. C'est un exemple de travail que nous avons effectué ces derniers temps. Les mesures vont s'appliquer la saison prochaine, dans la foulée de la recherche qui a donné un certain nombre d'options pour le panneau biodégradable.

Notre recherche dans le golfe concernait aussi les activités de surveillance dépendantes et indépendantes des pêches. La différence entre les deux, c'est que la surveillance dépendante des pêches concerne un programme mis en œuvre durant les activités des navires de pêche commerciale. Tandis que la surveillance indépendante ne se déroule pas pendant les activités de pêche.

Pour la surveillance indépendante de la pêche, nos scaphandriers autonomes sondent des lieux de référence pour fournir des indicateurs liés à l'équipement de pêche au homard. Comme dans les Maritimes, un programme nous demande de placer des appareils au fond de l'eau pour recueillir des homards de stade 5.

Concernant la surveillance dépendante des pêches, nous prenons des échantillons sur les navires commerciaux en mer. Les pêcheurs repères qui utilisent des casiers spéciaux nous permettent d'obtenir de l'information biologique durant les activités de pêches. Les données recueillies servent abondamment dans notre évaluation régulière des stocks.

Dans le golfe, l'évaluation est menée environ aux cinq ans à l'aide de l'examen des pairs et de réunions avec des chercheurs de Pêches et Océans et de l'extérieur, des pêcheurs, des Premières nations et des gestionnaires. Nous donnons un aperçu des stocks et des conseils pour les années suivantes.

Nous participons aussi à bon nombre d'autres études menées en partenariat avec les parties prenantes et les chercheurs. Patty King a parlé des travaux du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG, et du réseau de recherche sur la pêche. Nous collaborons aussi avec ces gens pour examiner la structure du homard américain et de ses liens avec la population. Nous envisageons de modifier la taille de maturité sexuelle des homards. Comme Patty King l'a indiqué, ces travaux ont été menés ces dernières années. Nous voulons savoir s'il y a des changements et si les homards atteignent la maturité sexuelle à de plus petites tailles. Nous devrons examiner la question de façon régulière pour voir s'il y a des changements dans l'écosystème.

J'espère que ce bref résumé de nos activités de recherche scientifique dans le sud du golfe vous sera utile.

Stefan Leslie, directeur régional, Gestion des pêches, Pêches et Océans Canada : Bonjour, je m'appelle Stefan Leslie, directeur régional, Gestion des pêches, Pêches et Océans Canada.

Je n'ai pas préparé d'exposé à vous présenter cet après-midi. Mon collègue Alain Hébert et moi sommes ici si vous avez des questions sur la gestion. Les témoins ici présents s'occupent avant tout de science, mais nous pourrons répondre à vos questions sur la gestion.

Nous répartissons les zones de pêches du homard en fonction des régions de Pêches et Océans. Les Maritimes comprennent l'Est du Cap Breton, le Plateau néo-écossais et la baie de Fundy. Cette région comprend 12 zones de pêche du homard et environ 3 000 permis de pêche du homard parmi les 10 000 permis délivrés au Canada atlantique.

Alain Hébert, directeur, Gestion des ressources — centre du Golfe, Pêches et Océans Canada : Je m'appelle Alain Hébert, directeur, Gestion des ressources — centre du Golfe.

Il importe pour vous de comprendre notre rôle dans le processus. Nous devons établir et mettre en œuvre les plans de gestion des pêches. Pour le homard, c'est nous qui coordonnons les divers acteurs, parce qu'il s'agit d'un processus d'intégration. Nous intégrons l'industrie et les Premières nations. Nous sommes un client sur le plan des sciences dans la mesure où nous posons des questions qui portent sur la gestion des pêches. Nous ajoutons toutes les données recueillies dans ce que nous appelons le plan de gestion intégrée des pêches, qui est au fond un guide pour les pêches.

Nous participons aussi à la prise de décisions, car nous discutons avec l'industrie à l'aide de nos plateformes de consultation et de nos comités consultatifs. Nous avons le Comité consultatif du homard et le Comité consultatif global, qui s'occupe de toutes les régions du golfe du Saint-Laurent. Nous avons aussi de petits comités locaux dans des zones précises.

Nous invitons divers intervenants et les Premières nations à se prononcer sur des questions clés. Nous intégrons aussi l'aspect scientifique. Nous devons fournir des conseils pour la gestion et les décisions que prend le ministre. Ces renseignements visaient à situer le contexte.

Si vous avez des questions sur la gestion, M. Leslie et moi sommes ici pour y répondre. M. Lanteigne a parlé de certains aspects de la gestion durant son exposé. Nous devons aussi appliquer le programme de mesures de durabilité pour l'industrie du homard de l'Atlantique, le MDIHA. N'hésitez pas à poser des questions.

Le président : Si vous voulez ajouter un commentaire ou qu'un sénateur vous le demande, n'hésitez pas à le faire, car nous sommes ouverts à toutes les discussions.

J'ai des questions sur les témoignages entendus ces deux derniers jours. Notre étude vise à trouver un terrain d'entente pour discuter d'un certain nombre de nos préoccupations. Les commentaires des témoins ici et à Ottawa nous ont permis de constater que la zone géographique dont nous parlons fait l'objet de bon nombre de préoccupations et de questions différentes d'une province à l'autre, et même au sein d'une même province. C'est vrai surtout dans la partie ouest de l'Île-du-Prince-Édouard située près du Nouveau-Brunswick, des Îles de la Madeleine ou je ne sais trop.

La question de la taille de la carapace du homard a été soulevée à plusieurs reprises. Des gens du Québec veulent augmenter la taille. Des gens de l'Île-du-Prince-Édouard sont très à l'aise avec la taille des homards qu'ils pêchent. Y a- t-il des préoccupations sur le plan des sciences ou de la gestion?

Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador. La taille de la morue était préoccupante il y a un certain nombre d'années. Les chercheurs nous ont dit qu'il y avait un problème. Certains pêcheurs étaient d'accord, mais d'autres disaient le contraire. Il y avait toujours un désaccord. Mme King a dit plus tôt que les scientifiques et les pêcheurs collaboraient. C'est bon pour nous tous et c'est excellent pour l'industrie.

Pouvez-vous parler de la taille des homards et de la recherche? Le nombre de prises a augmenté. Vous pouvez peut- être en dire plus là-dessus. La question s'adresse à tous les témoins.

M. Lanteigne : Il y a une vingtaine d'années, une grande partie de l'industrie pêchait des homards beaucoup plus petits qu'à l'heure actuelle. La taille est importante dans notre recherche. Les homards mâles atteignent la maturité sexuelle à une taille plus petite que celle des femelles. Ce n'est pas un problème pour ces dernières, car seule une petite fraction d'entre elles sont pêchées. Je dis aux pêcheurs que ce n'est pas un secret et que tout dépend du sexe et des bébés. Il faut permettre aux femelles de se reproduire avant de les pêcher, ce que nous ne faisions pas auparavant. C'est pourquoi la taille et la maturité sont importantes.

Toutes les études portaient sur la question. Présentement, la taille est de 72 millimètres dans le sud du golfe, qui correspond à la maturité sexuelle de 50 p. 100 des femelles. Les 50 p. 100 de femelles qui ont atteint la maturité sexuelle à cette taille peuvent produire des œufs. Sur le plan scientifique, la question est simple. Avant la pêche, il faut qu'au moins 50 p. 100 des stocks aient atteint la maturité sexuelle.

La question concerne aussi l'industrie des pêches. Étant donné qu'il y a beaucoup de homards, la conservation n'est pas aussi préoccupante que l'impact sur la ressource. Mais même si la population semble croître, c'est toujours risqué de pêcher 50 p. 100 de femelles immatures. Si les stocks déclinent, nous devrons peut-être prendre d'autres mesures, comme nous le disons aux pêcheurs. L'objectif actuel, c'est que tout le monde respecte l'exigence de pêcher 50 p. 100 de femelles matures.

Le président : Les 72 millimètres correspondent-ils aux 50 p. 100?

M. Lanteigne : Oui, dans le sud du golfe. C'est différent ailleurs. La taille de maturité sexuelle est différente à Terre- Neuve et dans les Maritimes. Elle dépend du contexte.

Le président : Hier, nous avons entendu des pêcheurs et des représentants de l'industrie venant d'à peu près toutes les provinces. Ils semblaient préoccupés. Je veux simplement recueillir de l'information pour notre comité. Le message, c'était que des zones différentes peuvent accepter des tailles différentes. Pêches et Océans Canada ne peut pas forcément dire qu'une taille unique convient partout. Vous nous indiquez aujourd'hui, que vous n'imposez pas une taille unique.

M. Lanteigne : Vous devez sans doute tenir compte des acheteurs et des pêcheurs ou du marketing. Du point de vue scientifique, j'examine les homards. Si vous me demandez quelle est la meilleure taille, je vous répondrai que la taille minimale pour favoriser la conservation, c'est 50 p. 100. Certaines personnes demandent d'augmenter la taille. Il faut sans doute tenir compte du marché pour prendre cette décision, qui ne relève pas de moi.

Le président : Je comprends.

M. Mallet : Je veux simplement ajouter un commentaire sur la taille des femelles, qui dépend surtout de la température. Dans les eaux froides, les femelles prennent plus de temps avant d'atteindre la maturité sexuelle. Dans le sud du golfe, l'augmentation de la taille pose des problèmes. C'est pourquoi nous en parlons aujourd'hui. Dans le détroit central ou le détroit de Northumberland, la ZPH 25, les femelles doivent atteindre 72 p. 100. Si on fait passer la taille à 75 ou 76 p. 100 pour des raisons de marketing ou pour répondre aux besoins d'un créneau, la production d'œufs sera supérieure. C'est un problème à l'heure actuelle dans cette zone.

Le président : Ces gens nous ont aussi fait part hier de leur préoccupation quant à la tiédeur des eaux, surtout à l'automne l'an dernier. L'eau peut nous sembler froide, mais les pêcheurs la trouvaient bien tiède.

Mme King : En lien avec les commentaires de M. Lanteigne, nous devons faire de la recherche pour garantir que les femelles atteignent la maturité nécessaire à la reproduction. Les températures changeantes constituent un facteur. Nous devons vérifier si la taille de maturité change aussi. Nous devons fonder nos décisions relatives à la taille minimale réglementaire sur une bonne compréhension scientifique du cycle de vie du homard. Il faut savoir quand les femelles ont atteint la maturité et peuvent se reproduire et mesurer celles que nous pêchons.

L'écosystème est complexe; tout est interrelié. Bien des facteurs peuvent influencer la question qui nous intéresse. On dit que la ressource abonde et se porte très bien dans certaines zones, mais les pêcheurs avec qui je parle se demandent désormais si les niveaux pourront se maintenir. Restera-t-il assez de nourriture? Il faut commencer à se pencher sur les aspects comme les relations de prédation.

Je reviens d'un symposium international sur le homard qui se tenait à Portland, dans le Maine. Les discussions portaient sur ce genre de questions. Y a-t-il un effet sur la biologie des animaux? Le risque de maladie est-il accru ou non? Ces questions ont été évoquées concernant le détroit de Long Island, et cetera.

La question est très complexe, mais il faut d'abord bien comprendre cette espèce que nous voulons conserver et gérer. Nous devons tenir compte d'autres questions qui portent à confusion comme le marché, et cetera. Mais il faut au moins bien comprendre la ressource pour prendre des décisions avisées.

M. Leslie : Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, dont M. Mallet a parlé durant son exposé, a produit des rapports en 1995 et en 2007. Il a émis des préoccupations concernant l'exploitation massive du homard, qui empêche une bonne partie de la population d'atteindre la maturité sexuelle.

Pour répondre à votre question, la mise en œuvre d'une taille et d'une limite uniques n'est pas appropriée, car les tailles de maturité diffèrent de façon assez considérable selon les zones. La taille va de plus de 100 millimètres dans la baie de Fundy à un peu plus de 70 millimètres dans le golfe du Saint-Laurent, en passant par divers niveaux intermédiaires. La taille minimale réglementaire n'est qu'une mesure parmi les mesures de gestion mises en œuvre dans les diverses zones de pêches du homard pour faire augmenter la proportion de femelles œuvées et favoriser la croissance de la population.

La solution peut être l'augmentation de la taille minimale réglementaire, mais nous avons aussi imposé des tailles minimale et maximale. Il faut attendre que les homards dont la taille est comprise entre le maximum et le minimum prévus poursuivent leur croissance avant de les pêcher.

Dans les Maritimes, nous avons des tailles maximales. Le homard qui atteint une certaine taille est de nouveau protégé contre la pêche. La gestion liée à la question générale de la taille se fonde sur les particularités biophysiques qui permettent d'établir diverses catégories de tailles, mais aussi sur les préférences de l'industrie. La taille a une grande influence sur la destination du homard, qui sera transformé ou vendu vivant, et sur la catégorie de taille. C'est pourquoi les décisions varient d'une zone à l'autre.

Le président : Vos témoignages sont très utiles. Nous avons beaucoup discuté et reçu bien des commentaires. Je ne prétends pas savoir comment le système fonctionne. C'est pourquoi je veux poser une question sur les étiquettes qui étaient utilisées, qui ne le sont plus vraiment de nos jours ou que nous voulons utiliser d'une manière différente. Du point de vue scientifique, c'est positif de recueillir de l'information, mais la question serait préoccupante. Bien des pêcheurs semblent vouloir ce système d'étiquettes.

Les réponses sèment peut-être un certain doute chez nous, mais les coûts de ce système qui fournit des informations très importantes aux scientifiques, aux pêcheurs, à la gestion et à tout le monde ne semblent pas très élevés.

Pouvez-vous expliquer ce qui est arrivé sur le plan de la gestion? M. Mallet peut aussi donner des précisions. Je veux simplement bien comprendre, parce que les commentaires d'hier portent un peu à confusion.

M. Leslie : C'est sans doute pertinent d'indiquer tout d'abord que les étiquettes dont nous parlons diffèrent de celles que nous attachons sur l'animal lui-même, qui présentent un intérêt plus scientifique. Je présume que les discussions concernaient surtout les étiquettes fixées aux casiers. Chaque permis de pêche au homard prévoit un nombre différent de casiers autorisés selon la zone où il est valide. L'étiquette nous permettait de surveiller le nombre de casiers qui servaient à la pêche. Ce n'est pas une question de science. C'est une mesure de gestion pour contrôler le nombre de casiers.

Le changement est survenu en raison d'une décision budgétaire. Le ministère ne voulait tout simplement plus se charger d'acquérir, de payer et de fournir les étiquettes de casiers. Désormais, les pêcheurs devront eux-mêmes se procurer les étiquettes, qui feront l'objet d'un plan d'approbation. Le fabricant et le distributeur devront respecter certaines exigences, mais les pêcheurs vont continuer d'attacher les étiquettes de plastique sur leurs casiers.

Le président : La question fera-t-elle partie du renouvellement annuel des permis?

M. Leslie : Le renouvellement du permis n'est pas lié à l'acquisition des étiquettes. Le permis va imposer des conditions sur le nombre de casiers autorisés sur le bateau pour la pêche. Les pêcheurs devront ensuite se procurer les étiquettes chez un distributeur approuvé. Le processus ministériel établira si le distributeur applique des contrôles suffisants pour la production des étiquettes, s'il peut fournir des étiquettes de remplacement en cas de perte, et cetera. Le pêcheur, qui est indépendant du ministère, va se procurer les étiquettes chez un distributeur approuvé.

M. Lanteigne : M. Leslie a établi une distinction très claire entre les étiquettes de gestion et les étiquettes scientifiques.

Le président : Je suis content qu'il ait fait ce commentaire.

Mme King : C'est une question de gestion. La Fishermen and Scientists Research Society n'est pas concernée. Étant donné que je parle si souvent aux pêcheurs, je pourrais en dire plus.

Jusqu'à cet automne, le ministère fournissait les étiquettes aux pêcheurs. Il a décidé que ces derniers devaient eux- mêmes obtenir et payer les étiquettes. Les pêcheurs avec qui je parle sont prêts à le faire. La préoccupation, c'est que la mesure serait mise en œuvre le 1er avril. Il s'agit d'un changement précipité. Les plans ne sont pas arrêtés. Qui seront les fournisseurs? Les pêcheurs se demandent si différents groupes de l'industrie peuvent trouver leurs propres fournisseurs et quelle est la fiabilité du système et de la surveillance. Je dois peser mes mots. Quels problèmes pourraient survenir? Des solutions centrales peuvent-elles régler toute la question? Il y aura un processus d'approbation, et cetera. Nous devons d'abord établir le système. Les pêcheurs me donnent à penser que c'est précipité. Nous devons garantir un système et des contrôles adéquats, approuver des fournisseurs, et cetera. Les pêcheurs me disent que nous ne pourrons pas appliquer les mesures appropriées d'ici le 1er avril.

Le président : Oui, les pêcheurs nous l'ont dit et nous ont demandé au fond de recommander la prolongation du délai. Le dépôt de notre rapport ne coïncidera peut-être pas. C'est le message que nous avons reçu hier. Par exemple, il semble y avoir de la confusion pour ce qui est de trouver un distributeur.

M. Hébert : Je pourrais rassurer les gens concernant l'étape où nous sommes. Nous recevons présentement des plans sur les étiquettes. Nous en avons consulté deux la semaine dernière dans le golfe. Nous faisons de même avec deux plans que nous venons de recevoir. Le processus fonctionne. Nous aurons approuvé les fournisseurs avant les pêcheurs. Lorsqu'ils seront approuvés, ces derniers devront prendre contact avec les fournisseurs. Nous allons indiquer à l'industrie quels sont les fournisseurs approuvés.

Le président : Je veux obtenir des précisions sur certains commentaires que nous avons entendus. Nous sommes passés à un système de renouvellement en ligne. Je viens d'une collectivité de 350 personnes qui est totalement dépendante de l'industrie de la pêche. Nous avons beaucoup discuté ces deux derniers jours. Avant d'arriver ici, nous avons entendu que certaines personnes des petites collectivités rurales du Canada atlantique n'ont pas accès aux ordinateurs et n'ont pas les connaissances nécessaires. D'où je viens à Terre-Neuve, les pêcheurs ont maintenant plus de 50 ans en moyenne. Certains d'entre eux n'ont jamais vu ou utilisé un ordinateur.

Un certain nombre de pêcheurs pourraient-ils effectuer leurs renouvellements par téléphone? Je pose simplement la question. Je demande simplement des idées et des suggestions de gestion, parce que c'est une des questions que le comité étudie. Pouvons-nous d'une manière ou d'une autre établir un processus secondaire au moins pour que les gens qui n'ont pas accès aux ordinateurs ou qui ne savent pas comment les utiliser puissent renouveler leurs permis par téléphone?

M. Leslie : Le passage au système de délivrance des permis en ligne est un autre des décisions prises dans le cadre du budget de 2012. La mesure sera en vigueur en janvier 2013 et sera progressive à deux égards. Des pêcheurs de toutes les régions vont depuis bien des années dans nos centres de délivrance des licences pour effectuer les renouvellements. Ils se procurent des étiquettes ou des étiquettes de remplacement, des journaux de bord, et cetera. Ces centres seront ouverts jusqu'à la fin mars et fermeront le 1er avril.

Concernant votre question sur ceux qui n'ont pas accès à Internet, il y a un certain nombre d'options, comme des tutoriels en ligne et un système téléphonique qui fournit plusieurs niveaux de soutien. Le premier niveau, c'est le système 1-800 qui met les gens en contact avec Service Canada, qui est chargé de fournir le service au nom du ministère. Il va régler les questions assez courantes, comme l'accès au système, le mot de passe oublié, l'écran qui semble figé ou la recherche d'informations. Ce système va fournir le niveau fondamental de service.

Si ce système n'est pas en mesure de fournir l'aide nécessaire, le deuxième niveau de service s'applique. Des spécialistes des pêches ou des licences peuvent fournir de l'aide pour accéder aux services exigés dans le cadre du système de délivrance des licences.

Nous ne pouvons pas offrir un système téléphonique aussi, car nos ressources doivent servir à garantir que le système en ligne fonctionne. Le système de soutien téléphonique aide les pêcheurs à utiliser le système en ligne.

Le système permet aux pêcheurs de désigner des personnes qui vont agir en leurs noms pour certains services ou tous les services. Les pêcheurs peuvent désigner leurs organisations, leurs syndicats, leurs familles ou d'autres personnes, qui vont effectuer le renouvellement des permis et d'autres démarches dans le système en ligne. La désignation permet aux pêcheurs d'indiquer quelles tâches d'autres personnes peuvent accomplir en leurs noms.

Mme King : Je veux reparler brièvement des étiquettes de casiers à des fins scientifiques. Par exemple, tous les pêcheurs de homard qui participent à notre projet de recrutement ont des casiers scientifiques. Ils peuvent avoir de deux à cinq casiers selon la zone où ils pêchent.

À l'heure actuelle, c'est Pêches et Océans qui me fournit les étiquettes scientifiques qui sont fixées sur les casiers. Je ne sais ni où ni comment je vais les obtenir. Les scientifiques vont-ils continuer de les fournir? Dois-je trouver mon propre fournisseur et payer les étiquettes? Je suis préoccupée, car il semble que nous ne trouvons pas de réponses à certaines questions sur les étiquettes scientifiques.

Notre organisation à but non lucratif devra peut-être payer les étiquettes, mais notre financement continue d'être réduit et nous devrons peut-être assumer d'autres coûts. Nous espérons obtenir bientôt des précisions là-dessus.

M. Hébert : Il existe un certain nombre d'exceptions au transfert des coûts que doit assumer l'industrie pour les étiquettes. Les étiquettes scientifiques en sont une. Le ministère va continuer de les payer et de les fournir. Les étiquettes pour le thon constituent aussi une exception, en raison de l'accord international sur le thon et les pêches commerciales et communautaires que nous avons signé.

Le sénateur Poirier : Ma première question s'adresse à Mme King. Dans votre exposé, vous avez dit que vous êtes responsables des zones 27 à 35. En gros, votre société s'occupe de la Nouvelle-Écosse, n'est-ce pas?

Mme King : Oui, nous nous occupons des Maritimes, selon la description des régions de Pêches et Océans Canada. Ça inclut le sud-ouest du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Poirier : Mais vous n'êtes pas responsables des zones 24, 25, 26, et cetera.

Mme King : Non.

Le sénateur Poirier : D'après ce que nous avons appris ces deux derniers jours, les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse ne pêchent pas le homard de conserverie. Au fond, ils s'intéressent davantage au marché. J'ai appris dernièrement qu'ils avaient augmenté la taille des homards qu'ils pêchent pour qu'elle corresponde à celle qui prévaut aux États-Unis. La décision se fonde-t-elle sur des données scientifiques pour garantir la survie à long terme de l'industrie du homard? S'agit-il de la meilleure décision selon les informations que possèdent ces pêcheurs ou selon d'autres sources?

Mme King : Bonne question. Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre de façon adéquate, parce que nous ne participons pas à la prise de décisions. Nous effectuons la recherche et nous fournissons les résultats, sur lesquels les pêcheurs, les gestionnaires et les chercheurs du ministère fondent ensuite leurs décisions. Je crois que le marché est un facteur pris en considération, mais je ne sais dans quelle mesure la science constitue un facteur.

Le sénateur Poirier : Je pense que les représentants de toutes les régions ont dit que la quantité actuelle de homards est excellente. Pensez-vous que l'augmentation de la taille favorise la quantité de homards pêchés ces temps-ci? D'autres groupes nous ont dit, et je pense que quelqu'un l'a mentionné aussi il y a un certain temps, que la taille de 72 millimètres représente 49,2 ou 50 p. 100 de la maturité pour le homard qui est pêché.

Des témoins ont dit que, si la taille passait de 72 à 76 millimètres, environ 75 p. 100 des femelles œuvées resteraient dans l'océan. L'augmentation de la taille aiderait à la survie à long terme de l'industrie du homard. Je pense que les gens veulent garantir la survie à long terme pour éviter de reproduire les erreurs du passé. L'industrie de la morue est presque disparue. Avez-vous des informations qui vous font dire que la population actuelle est due aux pêcheurs qui ne pêchent pas les petits homards?

Mme King : Je demanderais à M. Lanteigne de répondre en tant que scientifique. Je gère surtout les études; je m'assure qu'elles ont lieu et que les chercheurs disposent des outils nécessaires. Oui, les changements de taille au fil des ans sont des mesures qui ont favorisé la conservation. Comme M. Lanteigne l'a dit tantôt, d'autres efforts de conservation dans différentes zones sont envisagés.

M. Lanteigne : L'accroissement des populations de homards dans toutes les régions s'est amorcé au début des années 1970. Un changement dans la distribution mondiale du homard a favorisé le recrutement et l'emploi des nouveaux pêcheurs. Les mesures de gestion de l'époque sont très différentes des mesures actuelles.

Au cours des 30 dernières années, les stocks de homards ont augmenté. Tous les débarquements montrent que la ressource serait en bonne santé. Toutes les mesures de gestion des 30 ou 35 dernières années ont aidé à améliorer, à maintenir et à faire croître la population. Elles ont garanti qu'il y aurait plus d'œufs et de larves dans le système. C'est difficile de distinguer les phénomènes naturels des mesures de gestion pour expliquer la croissance de la population.

M. Mallet : Monsieur Lanteigne, avons-nous une preuve que, durant les 30 dernières années, des mesures de conservation ont eu un effet négatif sur la ressource?

M. Lanteigne : Non, nous ne pouvons pas dire que ces mesures ont nui au homard.

M. Leslie : Il n'y a pas de lien direct entre les mesures de gestion et la progression de la ressource dans une année donnée. La zone de pêche 34 produit énormément de homard; c'est sans doute la plus productive au monde. Depuis l'ouverture de la pêche mardi matin il y a 36 ou 48 heures, les pêcheurs ont sans doute déjà ramené cinq ou six millions de livres de homard sur la côte. C'est vraiment remarquable.

Dans cette zone, la taille minimale réglementaire est de 82,5 millimètres. La taille de maturité est de 95 millimètres, si elle n'est pas modifiée. L'industrie pêche le homard bien avant que 50 p. 100 des femelles aient atteint la maturité. Pourtant, la population de homards semble croître dans la zone 34, comme dans toutes les autres. Il y a parfois de petites baisses, mais depuis 1970, la population augmente et semble retrouver chaque fois la même vigueur.

Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a une question de risque et de résilience. Il semble y avoir quelque chose qui permet à la population de homards de croître comme jamais auparavant, aussi loin qu'on se souvienne. Bien sûr, on a pris des mesures de gestion pour favoriser cela. On ne peut toutefois pas faire fi d'autres facteurs comme la température, la disponibilité alimentaire, la concurrence et tout ce qui peut jouer dans ce cycle d'abondance. Cela revient au risque et à la résilience.

Nous présumons que ce régime productif va durer et que nous pourrons continuer de pêcher le homard. Nous devons toutefois veiller à ce que les mesures de gestion que nous prenons soient bien adaptées à d'autres régimes aussi. Il faut tenir compte du moyen et du long terme, de ce qui risque d'arriver dans les prochaines années, quand le régime de productivité ne sera peut-être pas aussi favorable à la production de homard. Est-ce que le système de gestion pourra s'adapter?

Le président : Y a-t-il des endroits où c'est le cas?

M. Leslie : Où les débarquements ont diminué?

Le président : Oui.

M. Leslie : Je vous dirais qu'il n'y a pas de grande région où les débarquements ont diminué. À l'intérieur même des zones, il y a des secteurs plus productifs que d'autres. Le littoral peut être moins productif une année et plus la suivante. Ce n'est pas uniforme dans tous les districts, ni même à l'intérieur des districts. Dans l'ensemble, il n'y a pas de secteur important dans la production de homard qui n'a pas connu une croissance substantielle au cours des quelques dernières dizaines d'années.

Mme King : J'aimerais faire une mise en garde sur la question de savoir si nous voulons cibler 75 p. 100 de la taille à la maturité, par exemple. Nous pourrions être portés à croire, naturellement, que c'est toujours préférable de prendre des bêtes plus grosses, que c'est une forme d'assurance, en quelque sorte. Cependant, du point de vue de l'environnement, cet objectif pourrait-il avoir l'effet inverse? L'écosystème peut-il vraiment soutenir une telle population de homard?

Il y a déjà des problèmes de disponibilité alimentaire, entre autres. Que fait-on pour gérer la relation prédateur- proie? Il y a d'autres facteurs qui peuvent nous sembler positifs. On peut être porté à croire que toute augmentation est positive. Y a-t-il un point de bascule? C'est le genre de question que j'entends de plus en plus. Nous approchons-nous du point de bascule, où soudainement, ce qui était une très bonne nouvelle pourrait en devenir une mauvaise?

Nous n'en savons rien, mais cela montre qu'il faut approfondir les recherches pour prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Le président : Mère nature va faire son œuvre.

M. Mallet : Mon observation va dans la même veine que celle de Mme King. Il semble clairement manquer d'information scientifique pour expliquer ce qui se passe en ce moment ou pourquoi la productivité du homard a autant augmenté depuis 30 ans. Les mesures de conservation ont aidé énormément, mais il y a aussi des changements dans la température des eaux, l'orientation des courants marins et leur distribution. Nous savons maintenant que le changement climatique n'est pas qu'un phénomène sur Internet. Il s'opère vraiment.

Il y a une zone où nous en voyons les effets en ce moment. Nous avons participé il y a quelques semaines à une réunion dans le cadre de l'Initiative de recherche sur les écosystèmes du détroit de Northumberland. On observe actuellement un déclin au centre du détroit. Il y a un déclin dans certains ports de la région. D'après les données de cette recherche qui s'est étalée sur cinq ans, il y a clairement une augmentation de la température de l'eau, d'où les problèmes liés à la concentration d'oxygène dans ces secteurs. Pour les homards et d'autres espèces, il y a un point de bascule à partir duquel la température devient favorable à la production. Elle augmente la productivité des œufs parce qu'elle leur permet d'éclore plus tôt. Les larves ont donc un meilleur taux de survie dans les eaux avant d'atteindre le fond, mais il y a un point de bascule, parce qu'au-delà de 22 ou 24 degrés, la productivité du homard n'est plus aussi bonne. C'est le contraire. C'est également le cas pour d'autres espèces établies au centre de ce détroit, comme les pétoncles. Une température de plus de 20 degrés est extrêmement stressante pour les pétoncles. Elle peut leur causer un choc thermique et les faire mourir.

Dans certains secteurs, il y a des problèmes associés à la hausse de la température. C'est peut-être ce qui explique des phénomènes observés ailleurs aussi. Nous remarquons une augmentation de la température de l'eau, qui est bénéfique pour le homard dans la plupart des endroits. Mais où est le point de bascule? C'est là où nous manquons de données scientifiques. Il y a beaucoup d'informations que nous devrions déjà avoir. Depuis quelques jours, vous entendez diverses personnes s'exprimer sur les questions qui vous préoccupent et qui préoccupent les pêcheurs parce qu'il manque de données scientifiques.

Le sénateur Poirier : J'ai une question sur l'aspect scientifique et non commercial. Nous savons qu'il y a deux enjeux différents et que les arguments sont différents pour les deux. Nous savons qu'une partie des problèmes survenus cette année dans la zone 25 sont liés au changement climatique. On détermine ce qu'on peut pêcher dans l'ensemble d'une zone en fonction de la taille des homards. On nous a dit qu'il n'était pas possible de diviser une zone. On ne peut pas isoler le problème de la zone 25, où les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard nous disent que l'eau s'est refroidie. Cela dit, s'ils ne pêchent pas le homard ici parce que vous voulez laisser le stock se rétablir, mais qu'ils sont autorisés à pêcher là-bas, les homards vont se déplacer ici. Nous allons les perdre d'une manière ou d'une autre. Ce doit être la même chose partout.

Je crois que quelqu'un a mentionné tout à l'heure que plus la température augmente, plus l'eau se réchauffe, plus le homard arrive tard à maturité ou plus les homards deviennent matures tôt, mais ils sont plus petits. Faisons-nous des recherches pour évaluer où nous en sommes actuellement dans les zones touchées par la situation? Faisons-nous des recherches pour déterminer si le statu quo est acceptable, si la taille visée en ce moment est acceptable? Sommes-nous plus prudents qu'avant pour évaluer la viabilité à long terme de l'industrie? Devrions-nous envisager une solution à mi-chemin entre ce que fait la Nouvelle-Écosse et ce que fait l'Île-du-Prince-Édouard? Pouvez-vous nous donner des conseils ou nous faire des recommandations fondées sur des preuves scientifiques, si possible?

M. Lanteigne : Si possible. Notre hypothèse, c'est que la maturité sexuelle arrive à une taille plus petite quand la température est plus élevée. Si nous suivons cette logique, il y aura nécessairement une diminution de la taille minimale à l'avenir, ce qui n'est probablement pas un bon plan. Nous étudions les changements dans la taille à la maturité sexuelle d'un point de vue global. Si l'on prend la situation dans le détroit de Northumberland en ce moment, elle ne changera en rien la situation dans la zone 72, parce que le homard se déplace vers le centre du détroit pendant l'été et que la plus grande partie de la population en sort pour l'hiver. Elle ne passe pas tout son temps dans cette zone, comme les populations de la côte est du Nouveau-Brunswick ou du nord de l'Île-du-Prince-Édouard.

Si nous étudions les populations en ce moment, nous ne verrons pas de grande différence entre la maturité sexuelle du homard dans le détroit et celle du homard qui vit au nord de l'Île-du-Prince-Édouard. Dans 10 ans, il y aura peut- être une différence parce que non seulement y aura-t-il un changement général dans la température de l'eau dans le détroit, mais il y aura des changements plus radicaux dans tout le sud du Golfe. C'est à peu près la période que nous allons prendre en considération pour évaluer un changement à la maturité sexuelle.

Le sénateur Poirier : Est-il juste de dire qu'il semble y avoir dans la zone 25 des difficultés qu'on n'observe pas dans d'autres zones à l'heure actuelle?

M. Lanteigne : Tout à fait. Il y a effectivement des défis particuliers qui se posent dans le centre du détroit. Ils ne s'appliquent pas à toute la ZPH 25, mais à la partie centrale du détroit, oui.

Le sénateur Poirier : Diriez-vous que les défis à relever sont surtout d'ordre commercial ou scientifique?

M. Lanteigne : À titre de biologiste, j'examine la situation du point de vue scientifique et je vois dans cette zone, comme M. Mallet l'a mentionné, une étendue d'eau chaude à faible concentration d'oxygène. Ce n'est pas de bon augure pour la plupart des espèces que nous avons l'habitude de voir dans ces eaux.

Le sénateur Poirier : Puis-je oser vous demander quels conseils vous nous donneriez pour cette zone? Nous recommanderiez-vous d'augmenter la taille des prises ou de maintenir le statu quo?

M. Lanteigne : Il serait assez bizarre de recommander le statu quo. Supposons que dans 10 ans, il n'y ait plus de pétoncles là-bas ou que les homards évitent le secteur. Ils ne mourront pas : ils vont éviter le secteur. Quelle serait la réaction de l'industrie de la pêche? Ce serait difficile de pêcher dans cette zone.

M. Hébert : Je peux peut-être vous aider. On peut dire que la pêche dans la ZPH 25 est complexe. Beaucoup d'acteurs entrent en jeu. Beaucoup de collectivités vivent dans cette zone, qui compte environ 500 miles de ligne de côte. Il y a là des pêcheurs de trois provinces. Leurs points de vue sont très variés. Nous avons entrepris des démarches avec eux après la crise qu'ils ont connue cet automne. La discussion portait sur la viabilité de la pêche. La viabilité ne se résume pas à la conservation. Il faut tenir compte des gens et de la situation économique. Il faut trouver un juste équilibre entre ces trois choses. Il y a des problèmes dans cette zone. Je suis d'accord avec M. Lanteigne lorsqu'il dit qu'il y a là plus de difficultés qu'ailleurs.

Pour ce qui est de la taille minimale, les pêcheurs ne cherchent pas à cibler un aspect en particulier. Ils examinent la situation dans son ensemble. Des efforts ont été déployés au fil des ans pour améliorer la durabilité de cette pêche. Dans le cadre des MDIHA, 124 permis ont été retirés dans cette zone, ce qui a aidé à maintenir la pêche. Cela représente des milliers de casiers qui ne récoltent rien depuis la mise en œuvre du programme.

Ce n'est pas tout. M. Leslie a mentionné que dans sa partie de la région de Northumberland, on a revu la taille minimale des prises et on a adopté d'autres mesures aussi. Dans la ZPH 25 en particulier, il y a dorénavant une taille maximale : toutes les femelles de plus de 5 pouces ou 114 millimètres sont ainsi remises à l'eau. Cela contribue à faire en sorte qu'il y ait suffisamment d'œufs qui se posent au fond de l'eau. La pêche constitue toujours un risque. C'est un risque pour la conservation. Je tiens toutefois à dire qu'il faut trouver le juste équilibre.

Il n'y a pas que la taille minimale qui compte. D'autres facteurs sont pris en considération, comme la saison, par exemple, qui est un enjeu dans le détroit, dans la ZPH 25, où la pêche se fait à l'automne. Comme la pêche d'automne commence en août, nous visons doublement les femelles adultes. Il y a une taille minimale, mais aussi une taille maximale, en contrepartie.

Pour le compte rendu, je tiens à apporter une correction à ce que j'ai dit sur les exceptions aux règles sur les étiquettes. J'ai mentionné les pêches communautaires à but commercial. Il n'y a pas d'exception dans ce cas. Ce sont les pêcheurs de subsistance qui ne paient pas pour les étiquettes. Dans les pêches commerciales, tout le monde doit payer pour les étiquettes.

Le président : Nous essayons tous de trouver le juste équilibre. Je suis d'accord à 100 p. 100 avec votre observation qu'il y a une grande diversité dans les points de vue exprimés. C'est peu dire, je vous l'assure.

Le sénateur Harb : J'avais hâte d'entendre votre exposé pour que vous m'éclairiez sur certains enjeux, mais je suis un peu plus confus cet après-midi qu'hier après-midi. Je pensais que les scientifiques auraient des réponses.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que les membres de l'industrie sont très déstabilisés par la grande variabilité qui existe entre les zones, entre les marchés. Ici et là, les tailles sont différentes, les prix sont différents. Beaucoup de gens sont titulaires de permis. Certains d'entre eux n'arrivent pas à joindre les deux bouts. D'autres perdent de l'argent. Je suppose que le problème en surtout un de certitude. En situation d'incertitude, nous nous tournons vers les scientifiques pour qu'ils nous donnent de la certitude. Quelle certitude pouvez-vous nous offrir sur la question de la taille, pour commencer? Ensuite, vous avez dit qu'il n'y avait pas assez de données scientifiques, qu'il nous en fallait plus. Qui serait responsable de nous les fournir, selon vous, si ce n'est pas vous?

M. Lanteigne : Je suis désolé d'ajouter à votre confusion. D'après ce que je constate depuis longtemps, quand on pose des questions aux scientifiques, ils essaient habituellement de proposer des réponses. Il arrive toutefois que nous augmentions la confusion ou l'incertitude.

Il est difficile de dire qui devrait faire les recherches nécessaires. Certains croient que ce sont les organismes gouvernementaux compétents. De plus en plus, nos recherches se font en partenariat avec le MFU et d'autres organismes. Il y a de plus en plus de recherche de ce type pour essayer de trouver réponse à nos questions.

Sur la question de la taille, la conclusion, c'est qu'il n'y a pas de taille unique qui convienne à tous les secteurs, comme vous le constatez probablement dans les discussions entre les personnes ici présentes. La science apporte de la certitude sur la taille à la maturité sexuelle, sur le moment où les espèces atteignent la maturité sexuelle. Nous pouvons vous donner des paramètres de certitude à cet égard. Après, c'est une question de gestion qui concerne les gestionnaires, les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral et les pêcheurs, qui doivent déterminer où se situe le risque acceptable dans le régime de gestion de la pêche.

Le sénateur Harb : Mme King a mentionné que ces animaux se déplacent. Ils migrent. Est-il possible qu'ils soient sexuellement matures dans une zone, mais que le seuil de la maturité sexuelle change dans l'autre zone? Il faut déterminer ce dont nous parlons exactement, parce que ces créatures se déplacent, n'est-ce pas?

Mme King : Je veux clarifier une chose, je parle des larves. Quand les œufs éclosent, ils passent un certain temps dans la colonne d'eau supérieure, puis ils dérivent jusqu'à ce qu'ils touchent le fond. Ce n'est qu'une fois que les larves atteignent le fond qu'on peut évaluer à quel moment elles vont atteindre la maturité. Il y a des études sur la distance qu'elles parcourent une fois arrivées au fond. Dans certaines zones, les mouvements semblent localisés. Dans d'autres, les déplacements peuvent être plus grands.

L'étude actuellement réalisée par le réseau du CRSNG porte quant à elle sur toute la question de la connectivité, sur l'influence de la production d'œufs sur l'établissement de la population, sur ses déplacements. M. Lanteigne peut probablement nous expliquer cela un peu mieux.

M. Lanteigne : Vous parlez de mouvements, mais parlons un peu du stade larvaire. Les larves passent environ 10 semaines dans la colonne d'eau à dériver. Les larves sont produites dans une zone, mais peuvent dériver jusqu'à toucher le fond et à s'installer dans une zone voisine assez loin.

Le régime de gestion d'une zone de pêche à des effets sur la production de l'autre. Nous avons toutefois peu d'information sur cette connectivité, parce qu'elle est liée à la productivité du homard, mais aussi au mouvement de la masse d'eau. Nous étudions le phénomène. Pour ce qui est des déplacements de homards au fond de l'eau, Mme King a raison. Dans la baie Fundy et sur la plateforme Scotian, ils se déplacent beaucoup plus; ils peuvent parcourir jusqu'à 100 kilomètres, alors que dans le sud du Golfe, ils se déplacent en moyenne de 10 kilomètres.

Le sénateur Harb : Parlez-nous un peu des pratiques exemplaires. Nous devons préparer un rapport. Nous devons dire à nos pêcheurs ce que notre comité recommande. Nous devons dire que dans telle partie du monde, l'industrie est gérée de telle façon. Où trouve-t-on les meilleures façons de faire? Que fait-on là que notre comité devrait recommander au gouvernement?

M. Lanteigne : Vous parlez des meilleures pratiques de gestion et des groupes scientifiques? Parlez-vous des meilleures pratiques dans les travaux scientifiques?

Le sénateur Harb : Oui.

M. Lanteigne : Tout le travail que nous avons accompli jusqu'à maintenant vise à reproduire les meilleures pratiques. Tout le travail réalisé pour fixer des tailles minimales en fonction de la maturité sexuelle, des mécanismes d'échappées et des mécanismes biodégradables s'est fondé sur la priorité des meilleures méthodes de gestion de la ressource. C'est la seule réponse que je peux vous donner.

Mme King : Pour la recherche scientifique, la meilleure pratique consiste à favoriser la collaboration. Nous avons tous un rôle à jouer à cet égard. Nous voulons assurer la durabilité de notre ressource et des collectivités qui en dépendent. Nous devons tous travailler ensemble.

Les scientifiques et les pêcheurs ont leurs façons uniques de voir les choses. Ils voient des choses différentes. Nous avançons beaucoup en combinant ces deux types de savoir. Cette collaboration doit se poursuivre, mais le défi consiste à déterminer comment la poursuivre sans financement.

La science doit viser le long terme. On ne peut pas étudier un sujet pendant un an ou deux, puis tirer des conclusions, parce qu'on ne sait jamais à court terme s'il s'agit d'une anomalie naturelle. Est-ce que c'est la raison pour laquelle il y a plus ou moins de peuplements dans cette zone ou plus ou moins de recrutement? Il nous faut des tendances sur cinq à dix ans pour pouvoir tirer des conclusions. L'idéal est donc de favoriser des recherches scientifiques à long terme. Ces recherches coûtent cher. Les pêcheurs veulent ardemment faire leur part. Ils sont prêts à faire ce qu'on appelle communément des contributions en nature. Elles ont beaucoup de valeur.

Comme je l'ai déjà mentionné, la recherche scientifique peut être beaucoup moins coûteuse quand les scientifiques et les pêcheurs travaillent ensemble que quand le gouvernement fait cavalier seul. Il coûte très cher d'envoyer un grand navire de recherche du MPO dans une zone donnée. Donnez-moi ne serait-ce qu'un dixième de ce qu'il en coûte, et je peux financer beaucoup plus de recherches. La participation des pêcheurs est bénéfique. Nous devons favoriser les pratiques exemplaires et la collaboration dans des recherches à long terme. Il suffit de trouver l'argent. C'est le grand défi.

M. Mallet : Les recherches scientifiques menées depuis 23 ans sont excellentes. Nous travaillons actuellement en partie à régler les problèmes que vous soulevez aujourd'hui. Toutefois, rien n'a encore été fait sur d'autres plans essentiels. Mme King a mentionné qu'il fallait parfois de 5 à 10 ans pour mener ces projets à bien.

Il doit y avoir un équilibre entre le travail du MPO et le travail des associations de pêcheurs. On ne peut pas simplement confier toute la recherche aux associations de pêcheurs et leur dire que c'est de leur responsabilité. Il doit y avoir un groupe centralisé qui dirige les travaux avec crédibilité. Il y a, au Canada, au sein du MPO, certains des meilleurs chercheurs au monde. Les associations de pêcheurs, dont mon propre groupe de recherche et celui de Mme King, peuvent faire une partie du travail. Une partie de ce travail est complémentaire et une partie, plutôt régionale. Il faut trouver l'équilibre, ne pas trop en faire d'un côté ni trop en faire de l'autre.

Vous avez posé une question sur le déplacement des populations de homards. Les déplacements sont assez importants au stade larvaire. Nous commençons à peine à comprendre la connectivité qui existe entre les mesures de conservation prises dans le nord du Nouveau-Brunswick et ce qui se passe plus au sud, au nord de l'Île-du-Prince- Édouard, par exemple. Les larves peuvent rester en suspension et suivre les courants de six à dix semaines, selon la température de l'eau. Si nous n'avons pas suffisamment d'information sur les effets du changement climatique sur les régimes thermiques de l'eau, entre autres, il se pourrait que les larves d'une zone donnée s'installent au fond plus tôt que nous ne le croyons parce que la température de l'eau augmente. Dans certaines zones où la production est très élevée en raison de l'afflux de larves provenant d'ailleurs, il pourrait éventuellement y avoir un déclin de la productivité.

Nous savons qu'il est important de trouver réponse à ces questions, nous avons besoin de financement pour cela.

Le sénateur Harb : Tout ce qui monte doit redescendre. Peut-être le comité pourrait-il formuler une recommandation du côté de la prudence.

Premièrement, savez-vous où nous nous situons dans le cycle? Probablement pas.

Deuxièmement, quel genre de mesures devrions-nous mettre en place pour assurer la stabilité de la ressource, pour que nous ne connaissions pas de crise comparable à celle qui a frappé l'industrie de la morue?

M. Lanteigne : Au cours du dernier siècle, il a été assez difficile d'observer un cycle dans le sud du Golfe. Je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais il y a apparence d'augmentation depuis quelques années.

Je suis d'accord avec votre façon d'aborder la question. Nous vivons actuellement une situation anormale de production élevée. Ce qui monte peut effectivement redescendre. D'où l'importance de toutes les mesures que nous mettons en place en ce moment. Je dis toujours que l'art de la gestion des pêches ne consiste pas à gérer le poisson, mais à gérer les gens.

La solution n'est pas de maintenir un niveau stable, mais de ralentir la cadence quand la productivité baisse, afin de survivre en temps difficile, et de l'augmenter à nouveau ensuite. En ce moment, tout le monde dit qu'il faut mettre en place des mesures de gestion. Augmentation de la taille, fenêtres, taille maximale et réduction des efforts, tous ces régimes de gestion vont nous aider en période difficile plus tard.

M. Leslie : Je ne sais pas si oui ou non, nous vivons une situation normale. Pour les pêcheurs, il n'y a pas de situation normale. Tout change. On ne sait pas nécessairement comment elle change, ni à quel rythme. Tout s'ajuste continuellement d'une manière ou d'une autre et parfois, c'est grâce aux mesures qu'on prend, d'autres fois non, et la plupart du temps, on ne comprend pas ce qui se passe.

Pour ce qui est des pratiques exemplaires, je me demanderais surtout quelles sont les caractéristiques ou particularités d'un bon système de gestion. Laissons de côté la question du homard. En règle générale, un bon système de gestion est souple, adaptatif, en ce sens qu'il s'adapte en temps opportun en présence d'indicateurs, de preuves ou de fortes présomptions que les choses changent, pour que la pêche puisse se poursuivre. Elle pourrait se situer à un niveau plus ou moins haut, mais nous pourrions la maintenir. L'art de la gestion des pêches consiste à réagir à ce que l'on voit et à ce qu'on nous conseille pour tenir compte des divers intérêts. Il y a diverses façons d'y arriver, de travailler avec les gens à comprendre ce qui se passe pour produire le meilleur résultat possible pour toutes les personnes touchées.

Les caractéristiques de gestion susceptibles de produire ce résultat sont celles d'une industrie organisée. Je suis persuadé que vous avez entendu beaucoup de points de vue différents des membres de l'industrie au cours des derniers jours. C'est correct que les points de vue divergent, parce que chacun intervient sur des marchés différents. Ils défendent des investissements différents. Ils ont des rôles différents à jouer dans l'industrie. C'est très bien, mais il faut être en mesure d'adopter une perspective collective, c'est essentiel pour assurer une gestion saine et efficace en bout de ligne.

Comme il y aura toujours de l'incertitude, le système de gestion doit être robuste, pour s'adapter le plus possible à l'incertitude. Du coup, si l'on se trompe sur certaines choses, ce n'est pas aussi catastrophique que quand on pousse les situations à la limite. Il faut prendre des mesures pour s'assurer que si l'on se trompe sur une chose, il y a assez de bonnes mesures de base équilibrées et qu'on peut s'adapter au changement à partir de là.

Pour ce qui est du homard, j'ai dit qu'il y en avait cinq millions de livres dans la ZPH 34. Depuis longtemps, la tendance de l'approvisionnement est à la hausse, il y a actuellement une pointe importante des ressources halieutiques dans mon district, et il y en aura une autre au printemps, pour les pêches de M. Hébert dans le Golfe. Il y a en ce moment une abondance qui crée toutes sortes de problèmes de qualité et de marché. Ce n'est pas la gestion de la ressource qui fait défaut, mais cela fait partie du portrait d'ensemble de la situation que vous étudiez. C'est un aspect de la gestion, au même titre que l'interprétation des données scientifiques dont nous disposons.

M. Hébert : Je suis d'accord avec M. Leslie sur le recours aux pratiques exemplaires. Je pense que ce serait une meilleure façon de nommer les choses. Le terme « pratique exemplaire » m'agace un peu. Une pratique peut être exemplaire dans une zone, mais pas dans l'autre, en raison de la nature de la pêche ou des mesures prévues dans le cadre de gestion de cette zone. Il y a aussi, parfois, des nuances biologiques d'un stock à l'autre.

Pour répondre à votre question de savoir comment nous essayons de gérer la tendance à la baisse du stock, le niveau de cette population fluctue comme tout autre stock biologique. Le stock de homard va probablement baisser dans le futur. La question, c'est comment nous allons le gérer.

J'aimerais vous faire part d'un exercice auquel nous commençons à nous appliquer dans la région du Golfe, dans l'industrie du homard, pour respecter le principe de précaution. Nous avons commencé à réfléchir à ce concept avec les pêcheurs. En ce moment, nous croyons que l'unité biologique du homard dans le sud du Golfe est en santé. C'est un bon moment pour commencer à y réfléchir.

Quand un stock commence à décliner, il y a trois zones possibles : la zone saine, la zone de prudence et la zone critique. C'est l'allégorie des feux de circulation : vert, jaune et rouge. Pour chacune des zones, il faut élaborer une stratégie de gestion particulière, adaptée à l'état du stock.

En février prochain, il y aura un examen par les pairs pour déterminer quels seraient les points de référence scientifiques pour l'unité biologique du stock de homard dans le sud du Golfe. Les points de référence sont essentiellement les limites entre les zones vertes et jaunes et entre les zones jaunes et rouges. Ce sont les facteurs déclencheurs. Le secteur des sciences va en discuter.

La prochaine étape consiste à solliciter la participation de l'industrie afin d'établir des rôles décisionnels. La difficulté, pour la pêche au homard, c'est qu'il n'y a pas de total autorisé des captures, de TAC. Nos mesures de gestion ne se fondent pas sur la biomasse. Elles se fondent sur le contrôle des efforts de pêche. Les règles de décision d'exploitation vont devoir s'articuler autour du concept de la réduction des efforts, par exemple. C'est la façon dont nous voyons l'avenir pour continuer de gérer ces stocks dans une perspective de conservation.

Le sénateur Unger : Je suis d'accord avec le sénateur Harb. Je n'ai rien entendu aujourd'hui, que je n'ai pas déjà entendu hier. Je viens de l'Alberta, donc j'apprends beaucoup. Je suis un peu confus sur les données scientifiques qui entourent tout cela. Vous faites valoir que dans la zone 25, l'eau est plus chaude que dans une autre zone. Ce serait attribuable au changement climatique. Franchement, cela ne me semble pas possible. D'après ma compréhension limitée, cela ne semble tout simplement pas possible.

À mes yeux, c'est presque comme si la science s'intégrait à l'industrie. Vous produisez des rapports. J'ai mis certains documents de côté, parce que le temps manque, mais on dirait qu'il faut gérer ou se préparer à gérer des situations que nous ne pouvons pas définir, que nous ne connaissons peut-être pas ou qui ne sont encore que des concepts à ce stade- ci.

J'ai hâte de lire ce rapport. J'en apprendrai peut-être un peu plus sur ce qui me rend confus et que je ne sais pas. Comme je l'ai dit, j'ai entendu beaucoup de choses hier qui me semblaient logiques, et j'entends une version similaire aujourd'hui. Je vous remercie de votre exposé.

Mme King : Pour ce qui est de l'intégration de la science à l'industrie, je vois les choses autrement, parce que je crois que ce sont les pêcheurs qui s'intègrent à la recherche scientifique. Quand cette société a été fondée, en 1994, c'était parce que les pêcheurs voulaient prendre une part plus active au processus, mieux comprendre la science et s'assurer que leurs connaissances soient prises en compte dans la recherche scientifique. Ils se sont rendu compte que pour prendre de bonnes décisions solides, susceptibles d'assurer la durabilité de leurs différentes pêches, parce que la pêche au homard n'en est qu'une parmi d'autres, les décisions devaient se fonder sur de bonnes données scientifiques.

Ils tiennent beaucoup à être partenaires avec nous. Ils accordent une grande valeur à la science et pensent que c'est un aspect nécessaire de tout.

M. Mallet : Je suis d'accord avec Mme King. Les pêcheurs participent plus que jamais à la recherche et au développement de la science en utilisant les nouvelles données disponibles et en les intégrant à leur prise de décisions en temps opportun. Si cela se trouve, ils réclament encore plus d'information, mais il y a une limite à ce que nous pouvons faire. À un moment donné, quand on n'a pas suffisamment d'information pour prendre une bonne décision, toutes les opinions se valent.

Le problème, dans la ZPH 25, en ce moment, c'est qu'il y a un groupe de pêcheurs qui dit une chose et un autre qui dit autre chose. Les scientifiques disent ce qu'ils peuvent en fonction des données dont ils disposent, mais ils n'en ont pas assez, et c'est ce qui se dégage de la discussion d'aujourd'hui.

M. Lanteigne : Je suis un peu désolé que vous soyez encore plus confus qu'avant pour ce qui est de la recherche scientifique, tout comme le sénateur Harb.

Vous avez mentionné que vous aviez entendu dire les mêmes choses ces derniers jours. À mes yeux, c'est un bon signe si les différents acteurs de l'industrie vous font part des mêmes observations, parce que nous échangeons beaucoup d'information scientifique avec eux et qu'ils vous font part de cette information. Peut-être que leur interprétation portait à confusion. Je n'en sais rien, mais je suis content qu'ils vous aient présenté les mêmes renseignements que nous.

J'aimerais préciser une chose au sujet du détroit de Northumberland. Nous avons fait allusion à l'idée que le changement climatique serait le grand responsable de la situation. Je pense que c'est une erreur. Je suis d'accord avec vous. Il ne faudrait pas pointer le changement climatique du doigt et lui attribuer tout ce qui se passe au centre du détroit.

Je vais vous expliquer une chose que vous allez trouver intéressante. Nous détenons des données à long terme sur la partie centrale du détroit de Northumberland. Au cours des 100 dernières années, les températures de l'air et de l'eau y ont baissé, alors que le niveau de l'eau y a augmenté de 30 centimètres en raison du changement climatique et de la subsidence du continent. Cette partie du bouclier s'affaisse. On prévoit qu'au cours du prochain siècle, il continuera de s'affaisser de 60 centimètres en raison du changement climatique. C'est l'endroit où la subsidence est la plus grande dans l'Est du Canada. Le problème dans le détroit s'explique à la fois par le changement climatique, par la fonte des glaces, par le réchauffement des eaux, et par l'affaissement du continent, par l'érosion des plages, et cetera.

Nous prévoyons beaucoup de problèmes à l'avenir dans cette zone. Je conviens que tout n'est pas lié au changement climatique. Il y a d'autres facteurs qui modifient l'écosystème, comme les contaminants, puisqu'il y a beaucoup de personnes qui se construisent des chalets le long de la plage.

Le président : Les dernières heures ont été fort intéressantes, à n'en point douter. Je vis à Terre-Neuve-et-Labrador, et au cours de ma courte vie, j'ai déjà observé de grands changements dans la température de l'eau et l'élévation du niveau de l'eau. Cela cause beaucoup de complications là-bas. Je crois sincèrement qu'il faut approfondir nos connaissances scientifiques. Je crois sincèrement que la collaboration entre les gens qui vivent de l'océan et les scientifiques est très positive. Pendant de nombreuses années, c'étaient deux planètes différentes. C'est constructif pour nous tous et pour l'industrie que ces deux univers collaborent. C'est une chose que je favorise sans réserve. Cela va faire partie intégrante de notre rapport, c'est certain.

Pour revenir à ce que M. Lanteigne disait, il y a bien des points en commun dans les préoccupations qui ont été exprimées depuis quelques jours. Il y a des divergences d'opinions entre les pêcheurs eux-mêmes, dans certains cas, et des divergences d'opinion entre les pêcheurs et les transformateurs, dans d'autres, et cetera. J'ai grandi dans une toute petite ville, et je dis à quiconque pense qu'il s'agit là d'une industrie toute simple, dans laquelle on peut trouver des solutions simples du jour au lendemain, qu'il n'en est rien. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent ici. Il y a beaucoup de facteurs et beaucoup d'acteurs dans cette industrie. Tout n'est pas noir ou blanc. Il y a beaucoup de zones grises, c'est la vie. Nous devons être très prudents dans nos travaux afin de proposer des solutions concrètes et des idées concrètes.

Le sénateur Unger : J'aimerais préciser que je pense que c'est une bonne chose que les pêcheurs travaillent avec les scientifiques. Je sais qu'ils vont trouver de bonnes réponses positives, mais malheureusement, il y a encore beaucoup de confusion et de questions sans réponse.

Le sénateur Poirier : J'aurais une dernière observation à faire. Je tiens à vous remercier d'être ici aujourd'hui.

Je viens de la région où se trouve la zone 25. D'après ce que j'entends aujourd'hui, je ne suis pas certaine que nous avons trouvé une solution. Je ne suis pas certaine qu'il y a quelqu'un qui a une réponse en ce moment. C'est ce qui fait peur. De toute évidence, il y a des difficultés. Il y a des problèmes. Trois provinces différentes sont touchées. Deux semblent avoir des points de vue différents et rendent la situation compliquée.

Nous n'avons pas encore de réponse scientifique à ce problème. Entre-temps, nous devons tous tenir compte du fait qu'il y a des familles, des pêcheurs et des collectivités qui souffrent. Nous devons travailler le plus rapidement possible à essayer de trouver des solutions si nous voulons survivre dans les collectivités où la pêche au homard est présente.

Le président : C'était le mot de la fin. Je tiens à remercier tout le monde d'avoir participé à nos dernières journées de séance, qui ont été très productives. Nous avons hâte de participer à d'autres discussions et de lire votre rapport final au printemps. Merci infiniment.

(La séance est levée.)


Haut de page