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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 13 - Témoignages du 13 décembre 2012


OTTAWA, le jeudi 13 décembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour amorcer l'étude du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis le président du comité. Avant de céder la parole aux témoins, je demanderais aux membres du comité de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Oliver : Don Oliver, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Raine : Nancy Green Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Harb : Mac Harb, de l'Ontario.

Le sénateur Baker : George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je suis heureux de vous voir tous ici aussi tôt. Étant donné le taux de présence, nous allons peut-être modifier l'heure des réunions pour toujours.

Le comité amorce son étude du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières. Je suis heureux d'accueillir nos premiers témoins, l'honorable Gail Shea, ministre par intérim des Pêches et des Océans, ainsi que des hauts responsables du ministère des Pêches et des Océans.

Madame la ministre, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Si j'ai bien compris, vous pouvez nous accorder une heure de votre temps. Nous en sommes très heureux. Je demanderais aux membres du comité de garder leurs questions brèves en raison du peu de temps que la ministre peut nous accorder. Si, pour une raison ou pour une autre, elle devait nous quitter plus tôt, je suis convaincu qu'elle pourra revenir nous entretenir sur le sujet. Peut-être que M. Ashfield sera de retour à ce moment. Nous verrons.

Madame la ministre, vous pouvez nous présenter votre exposé.

L'hon. Gail Shea, députée, ministre par intérim des Pêches et des Océans : Bonjour et merci. J'aimerais d'abord vous souhaiter à tous un très Joyeux Noël et une Bonne année. Je suis heureuse de venir témoigner â titre de ministre par intérim des Pêches et des Océans et je souhaite un prompt rétablissement à mon collègue, l'honorable Keith Ashfield. Je suis ravie d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous parler des mesures prises par notre gouvernement pour renforcer le rôle du Canada comme chef de file en matière de lutte contre la pêche illégale.

Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les représentants de Pêches et Océans Canada qui m'accompagnent : David Bevan, sous-ministre par intérim; Mme France Pégeot, sous-ministre adjointe principale, Politiques stratégiques; et M. Michael Pearson, directeur général, Affaires internationales.

Le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières, a été renvoyé au comité pour étude. Les questions qui y sont abordées sont de la plus haute importance pour chacun de nous. La pêche illégale, non déclarée et non réglementée, que l'on appelle aussi la pêche clandestine, met en péril les moyens de subsistance des pêcheurs légitimes de partout dans le monde et nuit à la conservation et à la protection de nos pêches. En renforçant la Loi sur la protection des pêches côtières, notre gouvernement protège le gagne-pain des pêcheurs canadiens, s'affaire sans relâche à protéger cette ressource essentielle qu'est la pêche et participe à la lutte internationale contre la pêche clandestine.

La pêche clandestine est un problème mondial. Elle mine les activités de pêches responsables et a des conséquences sur la salubrité alimentaire, la sécurité en mer, la protection du milieu marin et la stabilité des prix dans certains marchés d'importance. En tant que pays de pêche, le Canada s'engage à lutter contre la pêche clandestine à l'échelle internationale. Selon une étude réalisée en 2008, les pertes économiques mondiales attribuables à la pêche clandestine se chiffrent entre 10 et 23 milliards de dollars américains par année. En plus des problèmes économiques qu'elle engendre, la pêche clandestine pose d'importantes menaces potentielles aux écosystèmes maritimes et aux stocks de poissons.

Le secteur de la pêche constitue le pilier économique de communautés rurales et côtières de partout au Canada. Les plus récentes données montrent que les pêches sauvages commerciales, l'aquaculture et la transformation du poisson et des fruits de mer ont apporté 5,4 milliards de dollars au PIB total et 71 000 emplois équivalents à temps plein à l'économie canadienne. Les pêcheurs canadiens subissent les contrecoups de la pêche clandestine, notamment en raison de l'épuisement des stocks attribuable à la surpêche, de la concurrence déloyale et des fluctuations de prix engendrées par l'imprévisibilité des stocks découlant de la pêche illégale dans les marchés étrangers. Nous devons absolument continuer à mener la lutte contre ceux qui menacent notre pêche afin de maintenir un marché équitable et bien réglementé pour nos exportations de poissons et de fruits de mer de grande qualité.

C'est exactement ce que visent à accomplir les modifications proposées à la Loi sur la protection des pêches côtières qu'étudie actuellement le comité. Ces modifications représentent aussi les prochaines étapes de notre lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

Le Canada est considéré comme un chef de file dans la lutte contre la pêche clandestine. Nous avons de quoi être fiers de notre rigoureux régime d'accès aux ports pour les navires de pêche étrangers. Notre système est déjà rigoureux. Par exemple, un navire de pêche étranger ne peut pas entrer dans les eaux de pêche canadiennes avant d'avoir obtenu un permis délivré par le ministre des Pêches et des Océans en vertu du Règlement sur la protection des pêcheries côtières. En vertu de ce règlement, le ministre ne peut pas délivrer un permis à un navire étranger s'il ne respecte pas les mesures de conservation et de gestion d'une organisation régionale de gestion des pêches. Par exemple, le Canada a convenu d'interdire l'entrée aux navires ayant participé à des activités de pêche illégale, non déclarée et non réglementée figurant sur les listes de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest et de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Ces listes de navires constituent un outil important de la lutte contre la pêche clandestine à l'échelle mondiale.

Plusieurs organisations régionales de gestion des pêches ont déjà convenu de nous communiquer leurs listes de sorte que les membres puissent prendre les mesures nécessaires pour refuser aux navires y figurant l'entrée ou l'accès aux services portuaires, ce qui complique et rend plus coûteuse la pêche illégale, non déclarée ou non réglementée.

Les modifications proposées à la Loi sur la protection des pêches côtières permettent au Canada de remplir ses engagements découlant de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port dont il est signataire. Les modifications proposées visent la mise en place d'interdictions plus strictes par rapport à l'importation de poissons et d'autres organismes marins capturés illégalement.

Certaines des clauses les plus importantes de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port comprennent la normalisation des exigences concernant les renseignements que doivent fournir les navires cherchant à accéder aux ports, le refus d'accorder l'entrée ou des services portuaires à des navires impliqués dans la pêche clandestine, à moins que l'entrée ne vise à faire appliquer la loi, et l'établissement de normes minimales concernant les inspections de navires et la formation des inspecteurs.

Les modifications proposées précisent et renforcent les interdictions liées à l'importation de poissons ou de plantes marines au Canada. Le fait de contrevenir à ces dispositions serait considéré comme une infraction à la Loi sur la protection des pêches côtières et entraînerait des sanctions. Le suivi et l'application de la loi seraient effectués par Pêches et Océans Canada en collaboration avec l'Agence des services frontaliers du Canada dans l'optique de nuire le moins possible au commerce transfrontalier du poisson et des produits de la mer.

Les principaux partenaires commerciaux du Canada se font eux aussi une priorité d'empêcher l'entrée sur le marché du poisson et des produits de la mer pêchés illégalement. Le renforcement des contrôles à la frontière contribuera à maintenir notre réputation de pays de pêche et de partenaire commercial responsable.

Les modifications à la Loi sur la protection des pêches côtières consistent notamment à élargir la définition de « bateau de pêche » pour englober tous les navires utilisés pour le transbordement en mer de poissons ou de plantes marines qui n'ont pas encore été débarqués, et à renforcer les interdictions d'importer du poisson, des plantes marines et des produits de la mer provenant de la pêche illégale.

En résumé, monsieur le président, les modifications à la loi déposées devant vous renforcent et précisent les règles intérieures canadiennes et consolident notre rôle de chef de file dans la lutte mondiale contre la pêche clandestine. Je suis fière de faire partie d'un gouvernement qui prend des mesures contre ce problème mondial nuisant aux pêches et aux pêcheurs du Canada.

Merci monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci pour cet exposé. Je tiens à informer les sénateurs que la liste d'intervenants s'allonge rapidement. Nous allons tenter de rester le plus près possible du sujet.

Le sénateur Hubley : Je vous souhaite la bienvenue à vous, madame Shea, ainsi qu'à vos collègues. Merci pour votre exposé.

Je crois que cette étude est très positive. Mes collègues auront probablement des questions plus précises à vous poser.

Vous dites que la pêche clandestine est un problème mondial et que le Canada est un chef de file sur le plan des mesures préventives dans ce domaine. Pourriez-vous nous parler de quelques programmes, ou négociations, auxquels le Canada participe avec d'autres pays? Si je ne m'abuse, 23 pays ont signé l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port. Quel sera le niveau d'efficacité du Canada dans le cadre de cet accord?

Mme Shea : Je demanderai aussi à mes collègues de vous répondre, mais je dirais d'abord que le Canada joue un rôle de leader au sein de l'OPANO. Puisque nous pêchons de grandes quantités de poissons, nous avons beaucoup de stocks chevauchants. Afin de protéger ces stocks dans notre propre zone économique, nous devons les protéger aussi dans les autres zones économiques. Encore une fois, je parle ici des stocks chevauchants. La pêche clandestine a beaucoup diminué de 1998 à 2011. Les mesures que nous avons adoptées semblent efficaces. La lutte contre la pêche clandestine a des conséquences sur les marchés pour les produits canadiens, entre autres. S'il y a surabondance d'une espèce de poisson en particulier sur le marché en raison de la pêche clandestine, cela a un impact sur le prix de vente. Les répercussions sont importantes.

Je vais laisser un de mes collègues vous répondre au sujet des 23 pays signataires de l'accord.

Michael Pearson, directeur général, Affaires internationales, Secteur des politiques stratégiques, Pêches et Océans Canada : Merci, madame la ministre.

Si je ne m'abuse, 23 ou 24 pays ont signé l'accord jusqu'à maintenant. Pour que l'accord entre en vigueur, 25 pays doivent le ratifier, mais pour le moment, seulement quatre l'ont fait. Le Canada a déjà signé l'accord, mais pour le ratifier, ce projet de loi ainsi que ses règlements d'application doivent d'abord être adoptés.

Le fait que le Canada ait fait partie du premier groupe de signataires avec bon nombre d'autres pays moins d'un an après la conclusion des négociations témoigne de son leadership dans le domaine. Bien entendu, ce leadership ne le limite pas aux États du port. Nous menons des activités dans d'autres secteurs de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, comme la coopération avec d'autres États du pavillon et les responsabilités que cela engage, sans compter nos contributions à l'OPANO. La ministre a déjà parlé de ce que nous avons fait en matière d'application de la loi. Tout cela contribue à nos efforts visant à être un chef de file mondial dans la lutte contre la pêche clandestine.

Le sénateur Baker : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins ainsi qu'à la ministre par intérim. Le secteur canadien des pêches vit des moments intéressants. Je remarque que le gouvernement fédéral s'apprête à demander aux Nations Unies l'autorisation d'élargir sa zone de pêche au-delà des 350 milles par rapport au fond marin. C'est très intéressant.

Je suis heureux que le sénateur Oliver soit ici. Il est professeur de droit et ma question porte sur un des nouveaux articles proposés concernant un mandat autorisant l'entrée dans un local d'habitation, soit la demeure d'un citoyen.

La loi dans sa forme actuelle autorise un juge de paix ou un juge à délivrer un mandat pour un lieu ou une voiture, par exemple, ainsi que d'autres mandats en vertu de l'article 18. Cependant, ce projet de loi stipule ceci :

7.6(1) [...] le juge de paix, au sens de l'article 2 du Code criminel [...].

Divers articles de ce projet de loi parlent de perquisition d'un lieu, d'un bateau ou d'un bateau de pêche, de confiscation et de saisie. En vertu de l'article 2 du Code criminel, c'est un juge de paix ou un juge de la cour provinciale qui peut délivrer un tel mandat, comme pourra le confirmer le professeur. Toutefois, le nouvel article proposé dans cette mesure législative parle de l'entrée dans un local d'habitation, ce qui limite la portée des mandats. Il stipule que « [...] le juge de paix [...] peut, sur demande ex parte, délivrer un mandat [...]. » Donc, le juge de paix est le seul qui peut délivrer un mandat pour entrer dans un local d'habitation.

Le professeur et M. Bevan, lui aussi un expert en droit, conviendront que le respect de la vie privée est une des valeurs les plus importantes aux yeux des citoyens. Pourquoi est-ce qu'un juge de la cour provinciale peut délivrer un mandat pour la perquisition de bateaux, entre autres, mais que le juge de paix est le seul à pouvoir délivrer un mandat pour entrer dans un local d'habitation — ce projet de loi est le premier à évoquer ce terme? Un juge de paix en Nouvelle-Écosse n'a pas les mêmes pouvoirs qu'un juge de paix à Terre-Neuve. Celui de Terre-Neuve ne peut pas marier les gens. C'est différent d'une province à l'autre.

M. Bevan pourrait réfléchir à la question. Est-ce une erreur que l'on pourrait corriger à cette étape-ci? Peut-être auriez-vous besoin d'un peu de temps pour y penser et nous transmettre votre opinion plus tard.

Mme Shea : Monsieur le sénateur, nous nous sommes penchés sur la question. Si je ne m'abuse, un juge de paix peut délivrer un mandat autorisant l'entrée dans un local d'habitation pour vérifier le respect de la loi. Il ne peut pas délivrer un mandat de saisie. La saisie n'est possible que dans le cadre d'un mandat de perquisition délivré par un juge et exécuté par le MPO.

M. Pearson ou M. Bevan pourrait vous en dire davantage à ce sujet.

M. Pearson : Comme le souligne madame la ministre, il faudrait faire la distinction entre les deux types de mandats. Celui délivré par un juge de paix d'une province permet seulement l'entrée dans un lieu d'habitation à des fins d'inspection. Il ne sert qu'à vérifier le respect de la loi ou des obligations imposées en vertu de la loi ou de toute autre loi, y compris la Loi sur les pêches. Soit dit en passant, c'est une disposition que l'on retrouve dans beaucoup d'autres lois, dont la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Si, dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'entrée, l'agent trouve des indices indiquant un méfait, il doit revenir avec un mandat de perquisition ou de saisie afin de recueillir des preuves pour engager des poursuites. En vertu du Code criminel, un mandat de perquisition ou de saisie ne peut être délivré que par un juge de la cour provinciale. Cela s'applique dans toutes les provinces.

Le sénateur Baker : Le libellé est : « l'entrée est nécessaire à la vérification du respect de la présente loi ». C'est plutôt large comme directive.

J'aimerais que vous analysiez la question, car si l'on tient compte de la cohérence et de l'esprit du projet de loi par rapport à la législation, on ne peut pas... enfin, on peut avoir une loi qui précise que seul un juge de paix peut délivrer un mandat d'entrée pour vérifier le respect de la loi, mais ce n'est pas recommandé, puisque le juge de paix n'a peut-être pas les compétences nécessaires dans certains cas, selon la province où il exerce ses fonctions.

J'aimerais que vous analysiez le projet de loi de nouveau pour vous assurer que c'était bien l'intention. Si vous ne proposez pas de modification pour régler la question, je m'en chargerai et ferez tout en mon pouvoir pour qu'elle soit adoptée. J'ignore pourquoi on ne pourrait pas utiliser le même libellé que l'on retrouve dans d'autres lois concernant l'entrée dans un local d'habitation et qui précise qu'un juge de paix ou un juge de la cour provinciale peut délivrer un tel mandat.

Le sénateur McInnis : Ça varie d'une province à l'autre. En Nouvelle-Écosse, par exemple, les juges de paix sont tous des avocats et ils sont disponibles jour et nuit. Si je ne m'abuse, ils étaient 25 au début. Puis, certains se spécialisent dans des domaines précis, comme le mariage. Le problème avec les juges, c'est qu'ils font généralement du 9 à 5.

Le sénateur Baker : Mais, ils sont disponibles jour et nuit.

Le sénateur McInnis : Pas vraiment. C'est la raison pour laquelle la Nouvelle-Écosse s'est tournée vers les juges de paix. Si je me souviens bien, à la faculté de droit, on nous a appris qu'il n'était pas nécessaire d'être avocat à Terre- Neuve pour devenir juge.

Le sénateur Baker : C'est exact. Comment croyez-vous que j'y suis parvenu?

Le sénateur McInnis : Ce que je veux dire, c'est qu'ils sont disponibles jour et nuit — enfin, en Nouvelle-Écosse, j'ignore quelle est la situation dans les autres provinces —, qu'ils sont compétents et qu'ils sont bien formés pour intervenir dans ce genre de dossier. La province s'est tournée vers les juges de paix, parce que les juges ne voulaient pas être importunés, si je peux m'exprimer ainsi. Certaines inspections — et des inspections, il y en a — sont urgentes. C'est pourquoi la Nouvelle-Écosse fait appel aux juges de paix. La province a toujours été à l'avant-garde à cet égard, comme vous pouvez le constater.

Le sénateur Oliver : Je crois que le sénateur Baker soulève un bon point concernant la cohérence avec la législation. J'aimerais connaître l'opinion de M. Bevan sur la question de cohérence et s'il faut s'assurer que le libellé se rapproche de ce que l'on retrouve dans d'autres lois et qu'il veut dire la même chose.

David Bevan, sous-ministre par intérim, Pêches et Océans Canada : Certainement. Les pouvoirs consentis aux agents des pêches en vertu de la Loi sur les pêches sont très explicites en ce qui a trait à l'entrée dans un local d'habitation. Ils peuvent entrer partout où ils soupçonnent la présence de poissons ou autres produits de la pêche, mais ils doivent d'abord obtenir un mandat pour entrer dans le domicile. Dans le cas des bateaux, des usines de transformation et des camions, notamment, ils peuvent exercer leurs fonctions sans mandat s'ils ont un doute raisonnable de la présence de produits de la pêche.

Le sénateur Oliver : Ils peuvent entrer ou inspecter?

M. Bevan : Les deux. S'il y a un problème, ils peuvent effectuer une saisie et porter des accusations.

Il faudrait alors un mandat pour procéder à l'inspection d'un local d'habitation afin de vérifier la conformité. En cas de non-conformité, il faudrait un autre mandat pour perquisitionner et déposer des accusations. Je pense que c'est relativement cohérent.

Nous retrouvons les mêmes genres de pouvoir dans la Loi sur l'inspection du poisson, la Loi sur l'inspection des viandes, la Loi sur l'aéronautique et la Loi sur la salubrité des aliments au Canada. Plusieurs lois canadiennes accordent de tels pouvoirs pour permettre de vérifier la conformité des mesures que nous avons prises à l'échelle internationale en ce qui concerne les ports. Tout cela est cohérent.

Le président : Je suis convaincu que nous reparlerons de cette question.

Le sénateur Harb : Monsieur le ministre, je voudrais que nous passions à la page 3 du projet de loi, c'est-à-dire à l'article 4 qui porte sur le paragraphe 5.6(1), dont le titre est « Importation interdite ». Je vous en fais la lecture :

Nul ne peut importer du poisson ou une plante marine sachant que la prise, la récolte, la possession, le transport, la distribution ou la vente de ce poisson ou de cette plante marine contrevient :

Le terme qui me pose problème, c'est « possession ». J'en ai cherché la définition dans le dictionnaire. Vous pourrez peut-être me donner des explications, mais en ce qui me concerne, c'est un substantif, dont la définition est la suivante : phénomène par lequel un être humain est habité par un être surnaturel, en général maléfique. On emploie le terme dans des expressions comme « être possédé du démon ». Je pourrais vous donner d'autres exemples. Je suis ingénieur. Je ne suis pas avocat. Pourriez-vous m'expliquer le sens véritable de ce terme?

M. Bevan : Il y a une définition beaucoup plus terre-à-terre de « possession ». La voici : « Faculté d'user d'un bien dont on dispose. » En voici une autre : « Maîtrise exercée sur une chose corporelle et correspondant à l'exercice d'un droit réel. » Dans le cas qui nous intéresse, la chose corporelle, c'est une quantité de poissons.

Le sénateur Harb : On pourrait présumer que vous possédez déjà la chose si vous l'importez.

M. Bevan : Il s'agit simplement d'offrir un moyen plus simple d'appliquer la loi. Quelqu'un pourrait prétendre qu'il n'a pas fait l'importation de la chose, mais qu'il en a simplement la possession, dans son entrepôt. Nous offrons un moyen plus simple de demander des comptes aux gens sur la nature des nombreux poissons qu'ils ont en leur possession ou qu'ils ont importés. On facilite la tâche des agents des pêches.

Le sénateur Harb : Je voudrais que nous passions à la page 6, au sous-alinéa 6f)(i), dont voici le libellé : « Mettre en œuvre ou incorporer par renvoi, dans leur version à une date donnée ou avec leurs modifications successives, ces mesures et désigner... » C'est ce qui est proposé, n'est-ce pas? Comment procède-t-on à l'heure actuelle? Pourquoi estimez-vous qu'il soit nécessaire de préciser tout cela?

M. Bevan : Nos rédacteurs juridiques pourraient expliquer le tout en détail.

La Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières vise à nous donner des pouvoirs accrus afin d'interdire la possession ou l'importation de poissons pris dans le cadre d'une pêche illicite dans d'autres pays. À l'heure actuelle, nous n'avons pas les pouvoirs nécessaires pour nous attaquer efficacement à ce problème afin de respecter l'Accord sur les mesures de l'État du port. Nous pourrons donc modifier la loi actuelle pour y incorporer ces modifications. Mais je dois demander l'aide de mes collaborateurs qui vous donneront davantage de détails sur les modifications proposées. Je cède donc la parole à M. Pearson.

M. Pearson : Je dirais que oui, nous pourrions probablement fournir de plus amples explications par écrit au comité, mais je crois que c'est lié en partie au fait que les accords internationaux sont passés à un moment précis et qu'ils peuvent être révisés ou modifiés à des moments donnés. La mesure législative reflète cette réalité; ainsi, elle serait applicable à des lois ou à des accords internationaux aux moments où, d'abord, ils sont mis en place et, ensuite, ils sont modifiés.

Le sénateur Harb : Je comprends.

Monsieur Bevan, pour apporter une correction, vous ne pouvez pas modifier la loi sans vous adresser au Parlement en tant qu'administration. Cette précision est bien exacte?

M. Bevan : Oui.

Le sénateur Harb : Merci.

À la page 19, au dernier point sur l'entrée en vigueur, c'est écrit :

La présente loi entre en vigueur à la date fixée par décret.

Premièrement, pourquoi cette déclaration? Deuxièmement, la mesure législative sera-t-elle examinée par un comité parlementaire après cinq ans? Troisièmement, le ministère recevra-t-il des ressources pour lui permettre de la mettre en application?

M. Bevan : Au sujet de l'entrée en vigueur à la date fixée par décret, évidemment, le Parlement adoptera le projet de loi — nous l'espérons, du moins —, puis la date d'entrée en vigueur sera fixée par décret pour nous donner le temps de mener des consultations, ainsi que d'informer les gens des nouvelles exigences et des conséquences d'importer du poisson pêché illégalement.

À l'heure actuelle, le Canada compte environ 700 agents des pêches. La mesure législative leur fournit de nouveaux outils pour gérer l'importation et les produits de la pêche illicite. Ils contribuent actuellement à faire respecter la Loi sur la protection des pêches côtières : ils vérifient si les bateaux sont autorisés à pénétrer dans notre zone et à débarquer au Canada. Nous inspectons beaucoup de navires qui prennent du poisson dans la zone réglementée par l'OPANO. Ces inspections sont faites au Canada. Nous avons alloué des ressources à cette fin; nous devons maintenant fournir de nouveaux outils aux agents des pêches pour leur permettre d'accomplir efficacement ce travail.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup de votre présence. Ce sont de bonnes nouvelles. J'espère que suffisamment de nations signeront l'accord pour qu'il soit ratifié. Je présume que c'est un processus continu.

Je crois comprendre que la mesure est nécessaire pour combler les lacunes qui permettent aujourd'hui d'attraper du poisson illicitement, puis de le transborder dans un bateau qui peut ensuite déclarer ne pas l'avoir pris illégalement. Maintenant, quand le poisson est débarqué, il sera considéré comme illicite; est-ce exact?

Mme Shea : Oui. La définition du terme « bateau de pêche » a été modifiée de façon à inclure les porte-conteneurs et tout type de bateau utilisé pour le transbordement, de façon à ce que le poisson transbordé en mer qui n'a pas été débarqué auparavant soit visé par la loi.

Le sénateur Raine : La loi fournit-elle des ressources ou des outils pour empêcher l'importation de pays qui ne sont pas parties à l'accord? Par exemple, un pays qui n'est pas signataire pourra-t-il prendre du poisson illégalement, le transformer et l'exporter au Canada? Je pense à tout le poisson en conserve que nous trouvons dans nos supermarchés et qui est produit par des pays avec lesquels, à ma connaissance, nous n'avons pas conclu d'accords de pêche.

M. Bevan : En bref, oui. Si un pays pêche à l'extérieur de la zone administrée ou contrôlée par une organisation régionale de gestion des pêches — il pêche unilatéralement, sans respecter les normes internationales —, le poisson qu'il attrape sera visé par la loi.

Le sénateur Raine : C'est ici qu'il devient important de communiquer la liste des contrevenants.

M. Bevan : C'est exact. La liste inclura — et inclut déjà — non seulement les bateaux de pêche, mais aussi tous les types de navires qui aident les bateaux de pêche impliqués dans des activités illicites. Qu'ils fournissent de l'essence, des produits de transbordement ou du matériel d'emballage — tous ces actes seront visés par la mesure.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup.

Le sénateur Oliver : D'abord, merci d'être ici, madame la ministre. Le projet de loi est important, car toute mesure qui aidera le Canada à lutter contre la pêche illicite et la perte des 10 à 23 milliards de dollars qu'elle représente est importante pour nous. J'espère que le projet de loi sera adopté.

Toutefois, c'est très facile d'adopter simplement un projet de loi. Je présume que votre ministère et vous faites aussi beaucoup de choses dans le domaine de la haute technologie pour contribuer aux efforts déployés.

Le projet de loi octroie de nouveaux pouvoirs aux pêcheurs, aux ports et à nombre d'autres personnes, comme vous venez de l'expliquer. Toutefois, avez-vous songé à utiliser des outils de technologie de l'information et de haute technologie, comme les systèmes de localisation GPS, pour commencer à prendre des photos et à faire de la surveillance afin de savoir ce qui se passe et qui participe à la pêche illicite? De tels outils sont-ils employés pour aider à attraper les contrevenants et à obtenir des preuves légales de leurs activités?

Mme Shea : Bien sûr, nous avons recours à la technologie. Les bateaux doivent être équipés de systèmes de contrôle pour que nous sachions où ils sont. Nous disposons aussi de techniques de pointe qui nous permettent de surveiller beaucoup d'activités menées dans un navire du haut des airs. La technologie évolue sans cesse; c'est la voie de l'avenir. Nous consacrons beaucoup de ressources à la surveillance de la zone réglementée par l'OPANO; c'est une des raisons pour lesquelles la surpêche a diminué aussi considérablement, grâce à l'initiative du Canada.

Le sénateur Raine : Y a-t-il des accords semblables pour la côte du Pacifique?

Mme Shea : En fait, nous avons eu des discussions à ce sujet. On travaille à la création d'une organisation régionale de gestion des pêches pour la côte du Pacifique. Elle sera chargée de réglementer la pêche en haute mer dans le Pacifique.

Le sénateur Poirier : Merci de votre présence, madame la ministre, et merci aussi à vos collaborateurs. J'ai deux questions. Premièrement, les ports canadiens doivent-ils faire des mises au point pour répondre aux exigences des nouvelles modifications?

Mme Shea : Je ne crois pas.

M. Bevan : Je ne crois pas non plus.

À l'heure actuelle, tout bateau étranger qui entre au Canada pour transborder sa cargaison peut faire l'objet d'une inspection. Ces exigences existent déjà. Le grand changement, c'est que nous pourrons maintenant intervenir sur tous les plans, des aéroports au transport normal des conteneurs, et cetera. Nous devrons explorer plus à fond notre présence dans ces domaines, dans lesquels nous n'avons pas joué un rôle important jusqu'ici.

Nous surveillons déjà la navigation normale des bateaux de pêche. La mesure nous fournira simplement de meilleurs outils pour assurer le respect des règles. La différence, c'est que l'importation de quantités importantes de poisson, que ce soit dans un conteneur, un aéronef ou tout autre véhicule, sera régie par la nouvelle loi.

Le sénateur Poirier : Selon vous, quelles seront les répercussions des modifications à la définition du terme « bateau de pêche » pour les pêcheurs respectueux des lois?

M. Bevan : Je ne crois pas qu'il y aura de répercussions pour les personnes respectueuses des lois. Par exemple, quiconque satisfait aux exigences de l'organisation régionale de gestion des pêches sera toujours libre de pénétrer dans la zone canadienne pour transférer ses produits ou les transporter jusqu'à un port canadien dans le but de les y transborder. Pour eux, il y n'aura pas de conséquences. Aussi, il n'y aura pas de répercussions, bien sûr, pour les pêcheurs canadiens puisqu'ils sont assujettis à la Loi sur les pêches et non à cette loi-ci, qui ne leur impose aucune exigence additionnelle. Ils seront toujours assujettis à la Loi sur les pêches. Pour les importateurs et les pêcheurs étrangers respectueux des lois, la mesure n'aura pas d'incidence. Les personnes sur lesquelles nous espérons qu'elle aura des répercussions sont celles qui tentent d'obtenir à prix réduit du poisson attrapé illégalement et de le mettre sur le marché.

Le sénateur Poirier : Avez-vous consulté les organisations du secteur de la pêche?

M. Bevan : Les organisations du secteur de la pêche appuient généralement la mesure.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Pearson?

M. Pearson : Nous avons eu beaucoup de discussions, surtout avec ce qu'on peut appeler les organismes-cadres du secteur de la pêche — par exemple, le Conseil canadien des pêches. Nous consultons aussi régulièrement une alliance d'organisations de la côte de la Colombie-Britannique sur les intérêts principaux.

En outre, dans le processus d'élaboration de la loi, nous avons consulté des associations importantes de transport des marchandises. Par exemple, sur la question du transbordement en mer — un problème majeur près des côtes africaines et ailleurs, mais plutôt mineur au Canada —, nous tenions à veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence indue dans la navigation mondiale importante d'énormes porte-conteneurs, y compris au Canada, ou à ce qu'on ne retienne pas pour un certain temps un navire de ce genre, qui peut porter des milliers de conteneurs, pour cibler un seul de ces conteneurs ou plus si des preuves portent à croire qu'ils contiennent du poisson pêché illégalement.

En réalité, le transbordement ne se fait pas vraiment au moyen de grands porte-conteneurs. Il est plutôt pratiqué par des navires qui ont la capacité de prendre le poisson de bateaux de pêche, mais qui ne figurent pas sur la liste noire. C'était là toute la question : il fallait trouver le moyen d'empêcher les bateaux qui figurent sur la liste noire de transborder leurs produits à un autre navire qui n'est peut-être pas beaucoup plus gros que le leur, mais qui n'est pas un bateau de pêche et qui n'est pas sur la liste des contrevenants, navire qui est ensuite autorisé à entrer au port et à débarquer ses produits parce que, sur le papier, il n'a rien fait d'illégal.

Le sénateur McInnis : J'aimerais obtenir une précision. Je crois comprendre qu'on peut procéder à la perquisition, à la saisie et à la confiscation si l'État du pavillon est d'accord. Est-ce exact? Dans le cas des demandes ex parte, si vous obtenez le mandat, quelle procédure suivez-vous? Appelez-vous l'État du pavillon, et s'il dit non, vous ne pouvez pas aller de l'avant? Mon interprétation est-elle exacte?

M. Pearson : Il s'agit de la disposition qui vise l'inspection d'un bateau contrôlé par l'État du pavillon et des cas dans lesquels nous avons le consentement de l'État du pavillon, mais pas celui du capitaine pour faire entrer le navire au port. En vertu des modifications proposées, la ministre pourra octroyer une licence, toujours en réponse à une demande. Dans ce cas-ci, si le capitaine le demande, et non l'État du pavillon, elle pourra ordonner au bateau de se rendre au port pour faire l'objet d'une inspection s'il y a des motifs de croire qu'il porte du poisson pêché illégalement. Lorsque l'État du pavillon n'autorise pas l'entrée au port, vous avez raison, il est impossible d'aller de l'avant. Il faut le consentement de l'État du pavillon, et non une demande du capitaine, pour faire entrer le bateau au port.

Le sénateur McInnis : S'agirait-il d'un des 23 signataires? Est-ce ce que vous dites?

M. Pearson : La mesure serait applicable à toute situation et à tout État. Dans certains cas, les drapeaux de complaisance posent des défis particuliers, mais en ce qui touche la navigation au large des côtes canadiennes, il est toujours question de navires qui battent des pavillons d'États légitimes, et non des pavillons de complaisance.

Le sénateur McInnis : Ils ont donc un permis, et si ce sont des États signataires, ils ne nous posent pas de problèmes?

M. Pearson : C'est exact. Par exemple, dans une affaire récente, un bateau en provenance d'un pays membre de l'Union européenne a fait l'objet d'une inspection en mer, et des signes montraient qu'il faudrait également l'inspecter au port. L'État du pavillon était d'accord, mais en vertu de la loi actuelle, la ministre ne pouvait pas délivrer de licence même si le capitaine du bateau ne voulait pas se rendre au port, car selon la seule règle existante, la demande doit venir du capitaine ou du propriétaire du navire, mais pas nécessairement de l'État du pavillon, et c'est la ministre qui décide d'octroyer la licence. Dans le cadre de la nouvelle loi, elle délivrera une licence en fonction d'une entente avec l'État du pavillon et non le propriétaire du bateau.

Le sénateur MacDonald : Nous tentons de lutter contre la pêche illicite, non signalée et non réglementée. De quels États du pavillon proviennent le plus grand nombre de contrevenants? Certains de ces pays sont-ils parties à l'accord?

M. Bevan : Les activités de ce genre ne sont plus pratiquées dans les eaux canadiennes depuis nombre d'années. Nous avons pris des mesures, et ces mesures, y compris l'arrêt des bateaux, ont convaincu les gens qui se livrent à la pêche illicite de mener leurs activités ailleurs.

Si vous considérez l'ensemble des mesures prises au cours des dernières années dans l'Atlantique Nord, où de nombreux bateaux impliqués dans la pêche illicite ont été retenus dans les ports, vous verrez que les gens qui exercent ces activités sont allés ailleurs. La pêche illicite n'a pas été enrayée, d'où l'importance de l'accord. Nous ne voulons pas déplacer les activités, nous voulons y mettre fin.

La plupart des bateaux qui naviguaient dans les eaux canadiennes se sont déplacés vers le sud, vers le large de l'Afrique, vers l'océan Austral, et cetera. Ces gens ne restent pas dans les régions où il est fort probable qu'ils soient surveillés et qu'ils soient soumis à des mesures de contrôle.

Le sénateur MacDonald : Est-ce que la majorité des contrevenants viennent de l'hémisphère Sud?

M. Bevan : Les bateaux battent des pavillons de complaisance, qu'ils se procurent à différents endroits. Ils peuvent changer de pavillon d'un jour l'autre. Il est possible d'obtenir des pavillons de complaisance dans des États qui produisent des pavillons légitimes, comme en Géorgie et au Belize. La question n'est pas tellement d'où vient le pavillon, mais plutôt qui verse les fonds et qui fait le travail. Les contrevenants emploient des équipages de régions pauvres; les bateaux sont en mauvais état — leur valeur réelle réside dans le poisson porté et non dans le navire même. Les contrevenants vont simplement là où ils le peuvent.

Par rapport aux pavillons utilisés, les contrevenants se rendent aux endroits où les méthodes de surveillance et de contrôle ne sont pas perfectionnées — aux États côtiers qui n'ont pas les moyens d'aller voir ce qui se passe et de prendre les mesures nécessaires pour les arrêter. Le Canada a pris des mesures en ce sens, et les pays de l'Atlantique Nord aussi. En général, ces activités ne sont plus pratiquées ici. Aussi, la Commission des poissons anadromes du Pacifique Nord est un groupe de pays qui a collaboré à la mise en application de l'interdiction de la pêche au filet dérivant en haute mer, ce qui a contribué à enrayer cette pratique.

Le sénateur MacDonald : Jusqu'à maintenant, 4 des 25 signataires ont ratifié l'accord. Ce nombre relativement petit devrait-il nous inquiéter ou est-ce simplement une question de processus? Quels pays ont ratifié l'accord? Craignons- nous que certains États manquent à leur engagement?

M. Bevan : En général, comme on a reconnu le tort causé aux stocks de poissons et aux marchés, on essaie vraiment de mettre fin à ces déprédations. Il semble que ce sera comme pour l'Accord des Nations Unies sur la pêche : il faudra du temps. Par exemple, le Canada doit modifier ses lois avant de pouvoir ratifier l'accord. C'est probablement la même chose dans les autres pays.

Je vais demander à mon collègue M. Pearson de donner plus de détails.

M. Pearson : L'Union européenne, la Norvège, le Sri Lanka et le Myanmar, ou la Birmanie — on ne s'y serait vraiment pas attendu, n'est-ce pas? — ont ratifié l'accord. Au Myanmar, le système relativement simple de prise de décisions a probablement facilité la tâche. Comme il a été dit, 25 pays doivent ratifier l'accord pour qu'il entre en vigueur.

Dans une telle situation, il y a un délai de mises au point, comme actuellement, entre la signature et la ratification. Par exemple, les États-Unis doivent introduire l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, du fait de l'acquiescement de leur Sénat. Récemment, nous avons eu une discussion, à Washington, avec le secrétariat d'État sur son projet d'obtenir non seulement l'accord du Sénat sur l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, mais aussi sur les modifications en vertu de l'OPANO et la nouvelle Commission des poissons anadromes du Pacifique Nord, ainsi que sur un ensemble de divers accords internationaux que les États-Unis ont signés pour pouvoir ratifier l'accord. Les États-Unis espèrent pouvoir le ratifier au début de la prochaine année civile. Voilà le genre de processus qui intervient. La ratification par les 25 pays pourrait prendre deux ou trois ans.

Le sénateur MacDonald : Pouvez-vous nous donner une idée de la fréquence des débarquements de captures illégales et non réglementées au Canada? Combien de fois par an pensez-vous que cela se produit au large de nos côtes?

M. Bevan : C'est hypothétique, parce que nous ne possédons pas les outils pour faire appliquer les règlements ou pour mesurer leur respect. Vu l'activité qui, à l'échelle internationale, concerne notamment des espèces comme la légine australe, ou bar du Chili, et d'autres espèces, je pense que c'est fréquent, mais que les volumes ne sont jamais énormes. Ça n'arrive pas à pleines cales, mais nous recevons des importations en boîtes. Je le suppose, parce qu'il existe visiblement un marché, au Canada, pour le poisson de qualité. Ces individus sont prêts à en profiter en l'approvisionnant à partir de sources illégales.

Le sénateur MacDonald : Vous n'avez aucune idée des tonnages débarqués.

M. Bevan : Non.

Le sénateur MacDonald : Savez-vous de quels types de poissons il s'agit?

M. Bevan : Les poissons recherchés sont la légine australe et, peut-être, les thons, qui pourraient faire l'objet d'une pêche hors accords. On se fonde sur l'emplacement des pêcheries recherchées, qui sont illégales. À l'échelon international, il se fait beaucoup de travail pour y mettre un terme.

Le sénateur MacDonald : J'imagine que c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de la loi.

M. Bevan : C'est exact.

Mme Shea : L'une des raisons pour lesquelles ils seraient moins susceptibles de venir ici, c'est que nous retenons les chargements inspectés.

Le sénateur Raine : Est-ce que cela aiderait à prévenir l'importation illégale de nageoires de requins?

M. Bevan : Les nageoires de requins ne sont pas toujours illégales. La question est très épineuse.

Le sénateur Raine : Réservons-la pour un autre moment.

Le sénateur Hubbley : Le projet de loi S-13 ajoute de nouvelles dispositions à la Loi sur la protection des pêches côtières, qui interdisent l'importation de poissons ou de plantes marines pris ou récoltés de manière illégale. Sur les plantes marines, y a-t-il des faits que nous devrions connaître?

Mme Shea : Avant d'entrer dans les détails, je précise que nous avons élargi la définition de « poisson » de manière à englober les plantes marines, qui, dans de nombreux cas, sont très précieuses. Peut-être que mes collègues veulent parler de certaines d'entre elles.

M. Pearson : En quelques mots, comme madame la ministre l'a dit, une partie du problème était, conformément à l'accord international, de ne pas protéger exclusivement les poissons. C'est la raison de l'ajout des plantes marines à la définition. Ces plantes comprennent les algues, par exemple.

On se demande aussi, pas seulement au Canada, à ce que je sache, si les plantes qu'on utilise ou desquelles on fait la promotion du commerce ne pourraient pas seulement comprendre les plantes ordinaires comme les algues, mais aussi les coraux, les éponges et d'autres espèces des écosystèmes marins vulnérables qui sont menacées par la récolte illégale. Ces produits seraient aussi protégés.

Le sénateur Baker : Le sénateur McInnis a clairement exposé les règles en Nouvelle-Écosse. Cet article que l'on se propose d'ajouter à la loi autorise la perquisition du local d'habitation, du domicile. Il précise cependant que le mandat de perquisition doit être délivré par le juge de paix, pas un juge de la Cour provinciale ni de la Cour supérieure. En Nouvelle-Écosse, ça va, comme le sénateur McInnis l'a dit. Mais, dans l'Île-du-Prince-Édouard, d'où il vient, ou à Terre-Neuve-et-Labrador, il s'avère que les juges de paix sont habituellement des fonctionnaires de la cour, des employés du tribunal.

L'agent des pêches se rend au tribunal pour obtenir une autorisation. Il a fait une déclaration sous serment et il cherche des instructions. Si les instructions sont erronées, c'est-à-dire les motifs raisonnables pour perquisitionner le domicile, l'accusé embauchera le sénateur McInnis pour faire rejeter le mandat et tout ce qui s'est ensuivi après la perquisition. Voilà ce que j'avais à dire. Pourquoi ne pas dire plutôt : « un juge, conformément à la définition de l'article 2 du Code criminel », ce qui engloberait un juge de la paix en Nouvelle-Écosse, mais, aussi, un juge de la Cour provinciale. On aurait le choix. La Cour suprême l'a répété plusieurs fois, comme le sénateur McInnis et M. Oliver vous le diront, que pour perquisitionner un domicile, il faut l'autorisation d'un juge au cas où le mandat serait contesté. C'est ce que j'avais à dire. Vous pourriez peut-être y penser.

Mme Shea : Nous nous engageons à parler au ministère de la Justice et à vous informer.

Le sénateur Baker : Excellent.

Le président : Je remercie madame la ministre et ses collaborateurs de s'être déplacés. J'en profite pour vous souhaiter un joyeux Noël et une bonne année 2013. Comme d'habitude, nous nous réservons le droit de vous demander de revenir nous donner des éclaircissements.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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