Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 14 - Témoignages du 28 février 2013
OTTAWA, le jeudi 28 février 2013
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières, se réunit aujourd'hui, à 8 h 45, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : J'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du comité.
Je demanderais aux membres du comité de se présenter.
Le sénateur Wells : Sénateur Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : D'autres sénateurs devraient se joindre à nous bientôt. Avec le temps qu'il fait ce matin, les choses tournent un peu au ralenti.
Le comité poursuit son étude du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières, et est heureux d'accueillir le coprésident de la côte Ouest, Comité des pêches, Association canadienne de droit maritime.
Au nom des membres du comité, je vous remercie, monsieur Caldwell, de témoigner aujourd'hui. Je crois comprendre que vous devez prononcer un exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Vous avez la parole, monsieur.
Brad Caldwell, coprésident de la côte Ouest, Comité des pêches, Association canadienne de droit maritime : Je vous remercie d'avoir invité l'Association canadienne de droit maritime à traiter du projet de loi S-13 aujourd'hui.
J'ai un bref document écrit de trois pages, dont vous avez des copies, je crois. Ce document comporte trois parties : dans la première, je vous présenterai l'Association canadienne de droit maritime. Dans la deuxième partie, qui est probablement la plus importante, nous donnons essentiellement notre aval au projet de loi. Dans la troisième partie, nous proposons d'améliorer un aspect de la mesure législative. L'appui que nous accordons au projet de loi ne dépend toutefois pas de l'amendement proposé.
Je m'interroge au sujet de ma période d'intervention. J'ignore si je serai capable d'aborder la troisième partie pendant les cinq minutes qui me sont accordées.
Le président : Vous pouvez commencer votre exposé et peut-être le résumer ou l'écourter du mieux que vous pouvez. Nous aimerions nous rendre aux questions, mais nous voudrions certainement vous entendre. Habituellement, nous pouvons glaner de l'information au cours de la période de questions.
Deux autres sénateurs se sont joints à nous.
Le sénateur Harb : Mac Harb, de l'Ontario.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Vous avez la parole, monsieur Caldwell.
M. Caldwell : L'Association canadienne de droit maritime est un organisme formé d'avocats pratiquant le droit maritime et d'un certain nombre de compagnies de l'industrie maritime, énumérées dans le document. Vous constaterez qu'il s'agit d'un éventail fort diversifié. En ce qui concerne le présent projet de loi, les plus importantes sont probablement celles qui figurent à la fin de la liste, soit l'Association des armateurs canadiens, la Chambre de commerce maritime de Colombie-Britannique et la Fédération maritime du Canada. Je mets l'accent sur ces dernières, car ces trois organisations œuvrent dans la marine marchande et le projet de loi pourrait avoir une incidence sur les porte-conteneurs.
L'ACDM tire davantage ses origines du domaine du droit international. Le Comité maritime international est un organisme international qui s'emploie à favoriser le droit maritime à l'échelle mondiale. Il compte un pendant dans chaque pays. Au Canada, c'est l'ACDM qui agit à ce titre. Nous nous intéressons également aux lois canadiennes qui touchent le domaine maritime afin d'en assurer l'uniformité. L'organisme est bien placé pour examiner le projet de loi, car ce dernier porte essentiellement mise en œuvre un traité international qui favorise l'uniformisation des lois.
Nous suivons depuis longtemps cette initiative visant à contrer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, appelée pêche INN. À titre de représentant du Comité des pêches de l'ACDM, j'ai participé à deux conférences téléphoniques avec le ministère des Pêches et des Océans au sujet de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port et de sa mise en œuvre. Il est à souligner que deux de nos membres en règle, soit la Chambre de commerce maritime de Colombie-Britannique et la Fédération maritime du Canada, y ont également participé. On suit de près le projet de loi et on sait ce qui se passe. Le Comité des pêches a fait rapport aux hautes instances de l'ACDM à environ sept reprises. Nous informons nos membres de l'évolution qui entoure ce projet de loi. Pendant tout ce temps, jamais nous n'avons entendu de propos négatifs de la part de nos membres au sujet du projet de loi. Il ne semble pas susciter d'opposition pour l'instant.
L'ACDM adhère à la philosophie de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, laquelle, selon ce que nous croyons comprendre, indique que puisque certains pays ne contrôlent pas efficacement leurs bateaux de pêche, il faut que les États où les poissons sont débarqués, dont le Canada, jouent un rôle de premier plan pour contrôler la pêche INN. Nous sommes d'accord avec cette philosophie. Comme vous pouvez le voir, au milieu de la deuxième page de mon document, j'ai indiqué en gras que l'ACDM appuie fermement l'initiative du MPO de mettre un frein à la pêche INN grâce à la mise en œuvre du projet de loi. Malgré cet appui, nous considérons qu'il y aurait lieu d'apporter une légère amélioration.
Je constate avec joie que le sénateur de ma province est ici. Je suis heureux que quelqu'un de la région du Pacifique soit présent dans la salle.
Ce projet de loi est probablement plus important pour la côte Est, car la pêche INN y est plus répandue que sur la côté Ouest.
Nous proposons d'apporter une légère amélioration à la modification proposée à l'article 13 de la Loi sur la protection des pêches côtières. Notre proposition s'apparente à une modification à l'article 71(1) de la Loi sur les pêches que le gouvernement fédéral a proposée en 2007 quand il a déposé le projet de loi C-32. Cette modification ne devrait pas particulièrement poser de problème au gouvernement fédéral, puisque ce dernier en a proposé une semblable pour la Loi sur les pêches. Le projet de loi est toutefois mort au feuilleton, et la modification n'a jamais été apportée.
Pour entrer dans les détails, c'est une question quelque peu technique qui concerne la remise d'un bateau de pêche ou de biens saisis après une saisie. Habituellement, quand un bateau de pêche est saisi par le gouvernement fédéral en attendant le procès, il arrive souvent qu'une ou deux années s'écoulent avant que l'affaire passe devant les tribunaux. Or, le propriétaire du bateau saisi ne peut utiliser ce dernier pendant tout ce temps et l'équipage se retrouve sans travail. Le problème est peut-être moins grave dans le cas de navires étrangers. Nous ne nous soucions peut-être pas du fait que ces personnes n'aient plus de travail. Je considère toutefois que nous devons résoudre cette question parce qu'elles sont présumées innocentes jusqu'à preuve du contraire. Il peut être délicat de perdre son emploi alors qu'on cherche à prouver son innocence.
La Loi sur les pêches et la Loi sur la protection des pêches côtières ont toujours prévu des dispositions permettant aux saisis de déposer une caution pour ravoir leur bateau en attendant la tenue du procès. Ils déposent normalement un montant assez similaire à la sanction réclamée par l'État. L'ennui, c'est que si ces dispositions de la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection des pêches côtières autorisent la remise du bateau, elles indiquent également que c'est le ministre, et non le tribunal, qui détermine le montant et la forme de la caution. Dans sa décision dans l'affaire R. c. McDonald, la cour de la Nouvelle-Écosse a critiqué cette disposition. Dans mon document, j'indique que cette façon de faire est probablement contraire à la Charte et aux dispositions relatives à la justice naturelle et à l'équité procédurale. Le principe de base veut que quiconque assume une fonction judiciaire ou quasi judiciaire soit impartial et indépendant, comme un juge ou un tribunal administratif. Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une personne impartiale, mais du ministre. Essentiellement, le procès est entrepris au nom du ministre, alors que c'est ce dernier qui détermine la caution. Souvent, dans les faits, c'est l'agent des pêches qui prend en main la poursuite et qui détermine le montant de la caution. Ce n'est pas ainsi qu'on procède dans le domaine judiciaire.
J'ai fait référence à l'alinéa 11d) de la Charte, que je vais vous lire à haute voix. Il indique que « Tout inculpé a le droit d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable. » Voilà où le bât blesse. L'ACDM s'était adressée au ministère des Pêches en 2006 et il semblait nous avoir écoutés, car en 2007, il a déposé des modifications concernant la Loi sur les pêches afin de changer ces dispositions. Il proposait ce que nous appelons une caution ou un dépôt de remise dont le montant et la forme seraient déterminés par un tribunal et non par le ministre. À la page 3 de mon document, je cite l'article 88 du projet de loi C-32 proposé. Si vous regardez la dernière ligne, que j'ai mise en gras, vous verrez que la disposition autorise la cour ou l'office à exiger la fourniture « d'une garantie qu'il juge acceptable quant au montant et à la forme. » Voilà ce que proposait le ministère des Pêches en 2007. Dans ce cas précis, il est question d'un office dans le projet de loi. Comme la Loi sur la protection des pêches côtières ne fait nulle mention d'un office, il faudrait modifier légèrement le libellé afin d'éliminer ce terme si vous proposez la modification. Vous pourriez toutefois proposer un libellé très similaire à celui que le ministère des Pêches a déposé concernant la Loi sur les pêches en 2007.
La Loi sur la protection des pêches côtières exige quant à elle que le garde-pêche consente à la remise du bateau, et je propose d'éliminer également cette disposition, car le garde-pêche n'est pas impartial ou indépendant. La décision devrait revenir à la cour. On trouve une disposition similaire dans les Règles de la Cour fédérale, auxquelles les avocats maritimes se réfèrent fréquemment. Il arrive très souvent qu'un bateau soit saisi par une partie privée pour cause de non-paiement d'une dette, de collision ou de situation semblable. Puis, en vertu des Règles de la Cour fédérale, on peut demander au tribunal de remettre le bateau sur cautionnement. Ces affaires ont toujours relevé de la cour. La disposition que nous proposons s'inspire en quelque sorte de la règle de la Cour fédérale qui prévoit une telle mesure.
Il s'agit d'une amélioration somme toute mineure que le Sénat pourrait juger bon de proposer au sujet du projet de loi, dont nous approuvons à tout autre égard la philosophie. On peut très difficilement s'y opposer, car c'est une solide mesure législative. Des consultations assez exhaustives ont été réalisées, et les intérêts du secteur maritime que nous représentons ne semblent pas s'inquiéter.
Voilà ce que j'avais à vous dire. Merci.
Le président : Merci, monsieur Caldwell. C'est notre vice-présidente, la sénatrice Hubley, qui posera la première question.
La sénatrice Hubley : Bienvenue, monsieur Caldwell et merci de votre exposé.
J'ai une question sur le dernier point que vous avez abordé, quand vous avez indiqué que vous voudriez que ce soit une cour ou un tribunal administratif qui détermine la forme et le montant de la caution au lieu du ministre. Comme le Canada compte une côte Est et une côte Ouest, considérez-vous qu'un seul tribunal administratif pourrait se charger de la question ou qu'il en faudrait deux? Si c'est le cas, entrevoyez-vous des problèmes au chapitre de l'uniformité?
M. Caldwell : Franchement, je crois qu'un seul suffirait, mais il vaudrait probablement mieux que les cours se chargent de la question, puisqu'il n'existe pas de tribunal à l'heure actuelle.
J'avais l'intention d'indiquer au début que j'ai été nommé par le cabinet au sein du Tribunal d'appel des transports du Canada, bien que je ne témoigne pas en son nom aujourd'hui. Il s'agit d'un tribunal administratif qui relève du ministère des Transports. Ce type de tribunal conviendrait fort bien à la tâche. La dernière fois que le ministère des Pêches a tenté de modifier la Loi sur les pêches, il entendait mettre sur pied un tribunal qui aurait fort bien pu se charger de la question. Mais pour l'heure, la Loi sur les pêches ne comprend aucun tribunal. À mon avis, ce serait trop cher d'en créer un. On ne prend pas très souvent de telles initiatives. À moins que vous ne puissiez confier cette responsabilité à un autre tribunal, il vaudrait probablement mieux laisser la question aux cours provinciales.
La sénatrice Hubley : J'ai une autre question, qui concerne les réseaux d'échange de renseignements qu'on espère instaurer en vertu du nouvel Accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port. Je me demande si l'ACDM échange des renseignements avec les organisations qui figurent sur la liste que vous nous avez remise au sujet de pays ou d'activités maritimes où on observe des irrégularités?
M. Caldwell : Je crois que non.
La sénatrice Hubley : Je poserais une autre brève question, puisque vous me dites que non. À ce jour, 23 États ont signé l'accord. Quel espoir entretenez-vous qu'il soit mis en œuvre dans un avenir rapproché?
M. Caldwell : Eh bien, j'espère qu'il sera mis en œuvre, mais je ne crois pas être en mesure de répondre à cette question. Je ne connais tout simplement pas la réponse.
Le sénateur McInnis : Ces tribunaux coûtent évidemment cher, dépendamment du nombre de saisies effectuées. Je conviens qu'il est possible que certaines demandes présentées aux juges des cours provinciales puissent relever de cette instance. Mais il y a probablement lieu de se demander ce qu'il advient de la gravité du crime, des récidivistes et d'autres facteurs? Y avez-vous réfléchi lors de vos discussions?
M. Caldwell : En ce qui concerne la remise ou juste en général?
Le sénateur McInnis : Non, en ce qui concerne la pêche illégale en général.
M. Caldwell : Eh bien, si je me souviens bien, la mesure législative indique que les sanctions peuvent être plus élevées pour les récidivistes.
Le sénateur McInnis : En ce qui concerne la remise.
M. Caldwell : En ce qui concerne la remise? Souvent, la Couronne propose la sanction qu'elle veut voir imposée, et cette dernière sera sévère s'il s'agit d'une deuxième infraction. La Couronne pourrait même réclamer la confiscation totale du bateau, auquel cas le montant de la caution serait probablement égal à la valeur du bateau. Il n'est pas rare qu'on procède ainsi en Cour fédérale.
Le montant réclamé est souvent supérieur à la valeur du bateau, mais habituellement, la limite correspond à la valeur du bateau. On fait évaluer ce dernier et exigera souvent le dépôt d'un montant égal à sa valeur pour en accorder la remise.
Le sénateur McInnis : Il y a aussi les dommages-intérêts punitifs. Un témoin nous a dit cette semaine que certains de ces bateaux, qui transbordent leurs prises en haute mer à des navires plus imposants, appartiennent à des pays subventionnés qui pourraient aisément verser la caution. Les montants sont-ils suffisants? D'après ce que j'ai constaté, en cas de poursuite, les tribunaux tendent à imposer des cautions et des sûretés plus légères que des montants trop élevés. Cela fait partie du problème. Je sais que ces tribunaux coûtent cher, mais s'il en existait un, je présume que ce serait un tribunal quasi judiciaire. Il y aurait l'industrie. Ce pourrait même être un responsable nommé par la Couronne qui déterminerait le montant et déciderait s'il autorise la remise ou non, dépendamment du nombre, de la gravité et d'autres facteurs.
M. Caldwell : Je suis d'accord avec vous.
Votre question me rappelle que je me suis occupé d'une affaire dans laquelle le ministère des Pêches s'opposait à la remise du bateau parce qu'il jugeait que le propriétaire prendrait tout simplement le large et répéterait l'infraction. Je suppose que c'est également une possibilité dont il faut se préoccuper; s'il s'agit d'une deuxième infraction, on pourrait peut-être interdire la remise du bateau s'il est avéré que les inculpés ne se laisseront pas décourager de poursuivre leurs activités illites. Je n'y avais pas songé avant que vous n'en parliez, mais ce serait une possibilité à envisager.
Le sénateur McInnis : Ce n'est jamais facile, vraiment pas. Certains de ces pays sont cependant loin d'être honnêtes. Cela fait partie du problème.
M. Caldwell : C'est une bonne remarque.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur Caldwell, des commentaires que vous avez formulés jusqu'à présent. Je ferai une observation avant de poser ma question.
Avec la technologie avancée dont nous disposons aujourd'hui, comme les systèmes de surveillance des navires dont la plupart des bateaux doivent être dotés, particulièrement en vertu d'un régime de l'Organisation régionale de gestion des pêches, la surveillance par satellite du système mondial de localisation, le matériel de haute technologie sur les patrouilleurs et les avions qui survolent régulièrement les zones de pêche, auxquels s'ajoute la loi qui accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire absolu sur les activités de pêche, le fait que le ministre puisse autoriser l'accès aux bateaux pour pêcher appuierait, il me semble, la loi actuelle qui lui accorde un pouvoir discrétionnaire absolu sur les activités de pêche au chapitre des permis et de la gestion des quotas. Si on suspecte que certains navires s'adonnent à des activités de pêche INN, il est fort probable que le ministère de la Justice ou le MPO, qui recueillent la preuve, auraient une assez bonne idée de la situation grâce au GPS, aux systèmes de surveillance et aux autres méthodes dont le gouvernement dispose. Ce ne serait pas pour préjuger de la culpabilité ou l'innocence des intéressés, mais bien pour voir si on continue de leur accorder un permis de pêche. Qu'arriverait-il si on instaurait un tribunal? Ne porterait-on pas atteinte au pouvoir discrétionnaire que la loi octroie au ministre sur les activités de pêche?
M. Caldwell : En ce qui concerne la pêche INN, la plupart des activités de pêche se font en haute mer et donc sans permis délivré par le ministre des Pêches. Votre question concerne surtout les bateaux de pêche canadiens, n'est-ce pas? Ai-je mal compris?
Le sénateur Wells : Ce serait pour les bateaux relevant des ORGP et notre grande sphère de compétence, et qui, de toute évidence, pourraient échapper aux ORGP également.
M. Caldwell : Par définition, la pêche INN est illégale et non réglementée, et c'est là que le gros du problème se pose. Un bateau « non réglementé », par définition, n'a pas de permis. Un grand nombre de bateaux possèdent un permis du Canada, s'il s'agit d'un bateau de pêche canadien, ou d'une organisation de pêche étrangère. Vous en connaissez probablement le nom. Ils disposent d'un permis accordé par la NAFA les autorisant à pêcher. Ce ne sont pas ces navires que vise le projet de loi. Selon ce que je comprends, ce sont les bateaux étrangers qui ne font pas partie de ces organisations de pêche et qui ne se soumettent à aucune réglementation. Je ne crois pas que le pouvoir discrétionnaire du ministre s'applique vraiment à ces bateaux, si j'ai bien compris votre question.
Le sénateur Wells : C'est juste. Ce pouvoir interviendrait pour que les lois que le gouvernement promulgue cadrent avec ses politiques. Le ministre est un instrument de ces politiques, contrairement à un tribunal qui en serait indépendant. À cet égard, je préférerais donc que la question continue de relever de l'autorité du ministre plutôt que de celle d'un tribunal, parce que la lutte aux activités de pêche INN relève d'une politique du gouvernement. Pour que cette politique continue d'être appuyée par la loi, comme elle devrait l'être, il vaudrait mieux que la question reste du ressort du ministre.
M. Caldwell : Ce que nous faisons valoir dans notre document, c'est simplement que la décision très pointue d'autoriser ou non la remise d'un bateau est une fonction quasi judiciaire et pas vraiment ministérielle, et qu'elle est susceptible d'être contestée. Elle ne l'a pas été jusqu'à présent et ne le sera peut-être pas, mais c'est probablement parce que personne n'a voulu perdre un an et demi à la contester.
Le sénateur Wells : Mission accomplie.
M. Caldwell : Cela ne fonctionne pas. La loi est mal appliquée. Il se peut que quelqu'un soit acquitté, mais après avoir perdu l'usage de son bateau pendant un an et demi. Des gens de la côte Est, en particulier, qui comptent probablement des pêcheurs dans leur famille, savent que les gardes-pêche peuvent faire preuve d'un excès de zèle en appliquant les dispositions et qu'ils n'ont pas toujours raison. Ces gens peuvent se trouver en situation difficile et ne plus pouvoir tirer de revenus de la pêche. Je crois que cela arrive plus souvent aux pêcheurs canadiens qu'aux pêcheurs étrangers ou aux hauturiers. La loi comprend des dispositions pour protéger les innocents, et celle-ci en fait partie. Il s'agit d'une fonction plutôt judiciaire. En vertu de la loi actuelle, je ne crois pas qu'il convienne que le ministre se charge de cette fonction quasi judiciaire.
Le sénateur McInnis : J'en prends bonne note. La doctrine selon laquelle on est innocent jusqu'à preuve du contraire est valable.
Vous avez également souligné que le ministère des Pêches et des Océans avait proposé un projet de loi prévoyant les mesures que vous voudriez voir appliquées, mais qu'il est mort au feuilleton.
M. Caldwell : En effet.
Le sénateur McInnis : Voilà qui renforce la crédibilité de vos propos.
M. Caldwell : Oui. Je sais que les amendements proposés aux projets de loi rencontrent beaucoup de résistance à cette étape. Mais dans le cas présent, comme le gouvernement du Canada a pour ainsi dire déjà avalisé le libellé dans le projet de loi déposé en 2007, j'ai considéré que ce serait peut-être une situation où le gouvernement...
Le sénateur McInnis : Pardonnez-moi, mais c'est le Sénat, et non la Chambre des communes, qui a le dernier mot.
M. Caldwell : Je voulais simplement faire remarquer qu'il pourrait y avoir quelque chose que le...
Le sénateur McInnis : Je suis d'accord.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup de témoigner. J'ai beaucoup appris en peu de temps.
Pourriez-vous nous expliquer comment on procède à la confiscation? Je présume qu'à l'heure actuelle, si la confiscation d'un bateau est prononcée, la mesure dont nous parlons aujourd'hui ne s'applique pas. Il est indiqué ici qu'il est possible d'ordonner la remise de tout ce qui a été saisi, mais pas confisqué. Mais en cas de confiscation, comment procède-t-on?
M. Caldwell : Il faudrait que j'examine la mesure législative, mais normalement, en vertu de la Loi sur les pêches, que je connais mieux, le bateau est saisi sur les lieux de l'infraction, puis il attendra quelque part pendant un an et demi en attendant le procès. Si l'inculpé est déclaré coupable, une des dispositions relatives à la détermination de la peine permet au tribunal d'ordonner la confiscation et la vente du bateau. À dire vrai, cela n'arrive pas très souvent, mais le tribunal le fait à l'occasion. Le bateau est alors vendu aux enchères publiques ou par un autre moyen, et le produit est versé à la Couronne.
C'est un peu étrange. On n'agit pas souvent de la sorte avant le procès, mais on le fait à l'occasion.
Dans une affaire, un navire bien connu sur la côte Est a été saisi en haute mer. J'essaie de me souvenir de son nom. Dans cette affaire entendue par la Cour suprême, le bateau avait d'abord été saisi, à moins que le MPO ait procédé à la saisie et que la cour civile en ait également ordonné la saisie. Comme la garde du bateau coûtait très cher à l'État, il a été convenu de le vendre avant le procès, dans le cadre de la procédure civile, il me semble. On s'était demandé à l'époque si l'État n'avait pas eu préséance sur les questions d'ordre financier ou sur la personne civile. La Cour suprême a été saisie de l'affaire, et je ne me souviens plus de l'issue.
Voilà un des quelques exemples de cas où un bateau a été confisqué avant le procès. Normalement, on n'agit ainsi qu'après le procès. Dans le cours normal des choses, il n'y aurait pas de confiscation quand quelqu'un demande à déposer une sûreté, même si on peut procéder ainsi dans des situations inhabituelles. Est-ce plus clair?
La sénatrice Raine : Pas vraiment. J'examine la disposition qui stipule que la cour, dans le cadre d'une poursuite relative à une infraction, peut ordonner que tout bien saisi, mais non confisqué...
M. Caldwell : Je crois que ce passage peut probablement rester là. Il est peu probable que le bateau ait été confisqué, mais c'est possible.
La sénatrice Raine : Qui prononcerait la confiscation?
M. Caldwell : La cour.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie d'être parmi nous ce matin pour témoigner. Je n'ai qu'une question, à moins qu'elle n'ouvre la porte à autre chose. Selon vous, le présent projet de loi aurait-il une incidence sur la pratique du droit des avocats, en situation de saisie de navire, par exemple?
M. Caldwell : Pourriez-vous répéter la question?
La sénatrice Poirier : Selon vous, le présent projet de loi aurait-il une incidence sur la pratique du droit des avocats, en cas de saisie de navire, par exemple?
M. Caldwell : Parlez-vous de la saisie d'un navire au civil?
La sénatrice Poirier : Oui.
M. Caldwell : Non, je ne le crois pas. La pratique est bien établie.
Je me souviens du nom de l'affaire dont je parlais. C'est l'affaire R. c. Ulybel Enterprises Ltd, qui a été entendue en Cour suprême. Dans ce dossier, le bateau faisait l'objet de deux saisies concurrentes. Il y avait un certain conflit entre le droit pénal et le droit civil, mais la Cour suprême a maintenant réglé la question et je ne crois pas que le projet de loi changerait quoi que ce soit à cet égard.
La sénatrice Poirier : Vous ne considérez donc pas que le libellé puisse poser un problème aux avocats.
M. Caldwell : Non, je ne crois pas.
En ce qui concerne ce que j'ai dit à la sénatrice Raine sur le fait que le bateau n'a pas encore été confisqué, en y réfléchissant bien, j'imagine mal dans quelle situation le bateau pourrait avoir été confisqué avant le procès. Je me demande s'il s'agit d'une mesure propre au projet de loi qui a été proposé. C'était un long projet de loi, et il se peut que je ne me rappelle pas qu'une disposition autorise la vente avant la tenue du procès. Je ne suis donc pas entièrement certain de la réponse que j'ai donnée à la sénatrice Raine.
Le président : Je vous remercie, monsieur Caldwell, d'avoir comparu ce matin. Vous avez certainement fait la lumière sur quelques questions. Nous réfléchirons à vos commentaires. Merci encore d'avoir pris le temps de témoigner.
Mesdames et messieurs, nous commencerons maintenant l'étude article par article du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières. Vous devriez tous en avoir une copie en main. Le projet de loi n'est pas long; il comprend 19 articles. Nous suivrons la procédure normale. Je crois comprendre, après avoir parlé à tout le monde, que le projet de loi ne pose pas de problème.
Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 8 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 9 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 10 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 11 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 12 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 13 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 14 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 15 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 16 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 17 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 18 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 19 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Plaît-il au comité que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : Oui.
Le président : Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
Je ferai le point en indiquant que les membres du comité devraient recevoir l'étude sur le homard aujourd'hui avec les recommandations afférentes. Nous comptons entamer ce processus mardi soir. Nous prévoirons une séance de trois heures mardi soir et verrons jusqu'où nous allons avec cette étude. Nous fournirons le souper. Espérons qu'il aura été laissé là quand nous sortirons. Venez préparés en conséquence.
Nous espérons que le projet de loi S-13 sera déposé au Sénat cet après-midi. Je le présenterai au Sénat.
Je profiterai de l'occasion pour souhaiter au nouveau membre du comité, le sénateur Wells, un bon 51e anniversaire. J'ignorais que c'était sa fête quand nous avons commencé nos travaux ce matin. L'information a maintenant été portée au compte rendu.
Le sénateur Wells : Merci beaucoup, monsieur le président.
(La séance est levée.)