Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 16 - Témoignages du 4 juin 2013
OTTAWA, le mardi 4 juin 2013
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, pour étudier la réglementation de l'aquaculture au Canada et les perspectives d'avenir de l'industrie.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à tout le monde ici ce soir, à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning, je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside ce comité.
Avant de demander à nos témoins de se présenter et de nous faire part de leur exposé, je vais demander aux membres de notre comité de se présenter.
Le sénateur Wells : Je m'appelle David Wells, je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Beyak, de Dryden, en Ontario.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, Colombie-Britannique.
Le sénateur Watt : Je suis le sénateur Watt, Nunavik.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis le sénateur Lovelace, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Campbell : Je m'appelle Larry Campbell, Colombie-Britannique.
Le président : Comme vous pouvez le voir, chers témoins, nous venons de tous les coins du pays.
Il y a quelques semaines, le comité a commencé son étude sur la réglementation de l'aquaculture au Canada et les perspectives d'avenir de l'industrie. Nous avons d'abord entendu des représentants du ministère des Pêches et des Océans, et nous avons hâte d'entendre aujourd'hui les porte-parole de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture.
Au nom des membres de notre comité, je remercie les représentants de l'alliance de prendre le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Je vous demanderais maintenant de vous présenter, et je crois comprendre que vous avez préparé un exposé. Lorsque vous aurez terminé de le présenter, nous espérons pouvoir laisser les sénateurs vous poser quelques questions.
Ruth Salmon, directrice générale, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture : Merci, monsieur le président. J'apprécie beaucoup votre invitation à me joindre à vous ce soir. Je m'appelle Ruth Salmon, et je suis directrice exécutive de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture.
Bruce Hancock, membre du conseil d'administration et directeur général, Aquaculture Association of Nova Scotia, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture : Je suis directeur général de l'Aquaculture Association of Nova Scotia. Avant d'occuper cette fonction, j'ai été aquaculteur pendant une vingtaine d'années. Je suis dans l'industrie depuis longtemps.
Mme Salmon : Nous avons tous deux de bonnes connaissances pratiques et une vaste expérience.
Avant de prendre le jeu de diapositives, je vais vous parler un peu de notre association. L'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture est la voix de l'aquaculture au Canada. Nos membres cultivent de tout, des crustacés aux poissons à nageoires, un peu partout au pays. Nous représentons des producteurs, des fournisseurs, des sociétés d'alimentation et des associations régionales, qui sont responsables d'environ 90 à 95 p. 100 de la production.
La première diapositive porte sur le sujet par lequel je voudrais commencer, soit le choix crucial que les Canadiens ont à faire, à mon avis. En ce moment, 50 p. 100 des fruits de mer vendus au Canada et dans le monde sont issus de l'aquaculture. La demande mondiale de fruits de mer augmente à un rythme rapide de 7 à 9 p. 100 par an.
Puisque la demande augmente chaque année, le Canada répondra-t-il aux besoins futurs en misant sur l'importation ou en réaffirmant son leadership en développant son secteur aquacole de manière responsable? Je pense que c'est la décision que le Canada doit prendre et que le travail que votre comité entreprend va être important à cet égard, donc nous espérons que le comité va aider notre pays à en décider.
La diapositive suivante met notre industrie en contexte. Cette définition du terme « aquaculture » vient de l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO. Elle décrit notre essence même. L'aquaculture est une forme de culture. L'agriculture ne se fait pas dans le même environnement ni ne vise les mêmes espèces que l'aquaculture, mais les activités qu'implique cette culture s'y apparentent. Toutes les mêmes activités s'appliquent en aquaculture.
Au sujet de la diapositive suivante, je pense que vous avez entendu des arguments similaires du MPO. Cela donne un bref aperçu de notre industrie. Sa valeur est évaluée à environ 2,1 milliards de dollars. Nous employons environ 14 500 employés à temps plein dans des communautés rurales et côtières. Bien que le gros de notre production vienne des deux côtes, il y a également de l'aquaculture dans toutes les provinces et au Yukon. Nous représentons environ le tiers de la valeur totale de la production des pêches au Canada.
La diapositive suivante est à la base de notre préoccupation et montre un peu pourquoi nous nous sommes rassemblés pour défendre notre industrie. Depuis 12 ans, notre croissance stagne. Comme vous pouvez le voir, notre industrie est née au début des années 1980, puis a connu une croissance rapide pendant les années 1990. Cette croissance aurait dû se poursuivre après l'an 2000. Nous aurions pu ainsi investir dans la création d'emplois, mais nous avons stagné. L'aquaculture est le secteur de la production alimentaire à la croissance la plus rapide dans le monde, mais ce n'est absolument pas le cas au Canada.
Le tableau suivant dresse une comparaison entre notre production et celle de nos concurrents. Nous avons perdu 40 p. 100 de notre part de marché depuis 2002, et nous ne représentons que 0,2 p. 100 de la production mondiale. C'est vraiment alarmant, compte tenu de nos avantages naturels. Nous avons une grande capacité biophysique. Nous avons la ligne de côte la plus longue au monde et le plus grand réseau d'eau douce. Nous avons une riche tradition marine. Nous avons des pratiques durables et nous sommes des leaders mondiaux pour certaines de ces pratiques durables. Nous avons une main-d'œuvre qualifiée. Nous sommes situés tout près de l'un des plus grands marchés de fruits de mer au monde. Nous sommes très bien positionnés. Malgré tout, nous stagnons, alors que nos concurrents se détachent devant nous. Vous voyez qu'il s'agit des États-Unis, de l'Australie, de la Norvège, du Chili, de la Nouvelle-Zélande, de l'Écosse et de l'Irlande.
La diapositive suivante met une partie de cette perte d'investissement en contexte. Nous avons réalisé un sondage interne auprès de nos membres de l'industrie salmonicole qui investissent au Canada comme ailleurs dans le monde. Au cours de la dernière année, année et demie, plus de 500 millions de dollars ont été investis dans le monde et moins de 7 p. 100 de cette somme est revenue au Canada. Ces investissements visaient pourtant à maintenir la production existante et non à financer de nouveaux projets d'immobilisations. Les PDG de ces entreprises nous disent que les investissements ici pourraient facilement représenter de 20 à 25 p. 100 de l'ensemble. L'argent est là, mais il s'en va ailleurs.
La diapositive suivante est évidente. Qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi stagnons-nous? La raison fondamentale à cela, et beaucoup d'études le confirment, comme vous allez probablement le constater dans vos travaux, c'est que le régime réglementaire qui s'applique à notre industrie est trop complexe, réactif et inefficace. Il empêche la croissance. Il nuit à l'intégration de nouvelles pratiques de développement durable et limite les investissements. Nous sommes assujettis à la Loi sur les pêches, qui a été conçue pour orienter la pêche des poissons sauvages. Elle ne définit même pas l'aquaculture. Elle n'établit pas de vision de croissance ni ne nous fournit le cadre nécessaire pour évoluer.
La diapositive qui suit présente les résultats d'une enquête rigoureuse que notre association a entreprise pour étudier les coûts associés à la réglementation. Elle se fonde sur le calculateur de coûts réglementaires conçu par le Conseil du Trésor. Vous pouvez voir que les coûts en question sont assez importants. Nous nous sommes penchés sur les coûts liés à la réglementation, les coûts directs comme les coûts indirects, et nous avons constaté qu'ils représentaient environ 95 millions de dollars par année et 670 millions de dollars sur une période de 10 ans. Pour que vous compreniez bien, les coûts indirects liés à la conformité sont les pertes nettes de profits attribuables à des règlements qui ne sont pas directement liés à nos activités de conformité.
Il y a ensuite l'impact économique. Nous avons évalué l'ampleur des activités économiques et des emplois perdus. Cela illustre l'impact total des pertes de vente dans notre secteur sur la situation économique et l'emploi en général. Il est très important là encore : 785 millions de dollars annuellement et 4 550 emplois de moins par année. C'est un échantillon assez représentatif de la situation dans notre secteur. Cela représente environ 95 p. 100 des ventes de poissons à nageoires et environ 50 p. 100 des ventes de mollusques et crustacés. C'est loin d'être négligeable.
Par conséquent, à la diapositive suivante, on voit que les membres de notre industrie se sentent un peu en crise et souhaitent proposer une stratégie assez coordonnée et cohérente pour la suite des choses. Cette stratégie porterait à la fois sur les poissons à nageoires, les mollusques et les crustacés élevés un peu partout au pays. La stratégie nationale favoriserait l'élaboration d'un cadre juridique, d'une loi sur l'aquaculture au Canada. Tous nos principaux concurrents ont une loi sur l'aquaculture, seul le Canada n'a pas la sienne. C'était d'ailleurs une recommandation du rapport récent du Comité permanent des pêches et des océans sur l'aquaculture en parcs clos. De plus, la réforme du régime réglementaire est fondamentale, il faut absolument réduire la quantité de paperasse nécessaire et trouver des moyens de modifier les programmes et les politiques qui nous habiliteront à nous développer comme toute autre industrie de production alimentaire. Ce sont les trois volets essentiels à la croissance, à la certitude commerciale et à une compétitivité accrue.
La diapositive suivante présente les avantages d'une telle stratégie si nous arrivons à tenir compte de tout cela. Nous ne parlons pas de tourner les coins ronds, nous parlons d'une réforme en profondeur. Vous voyez ici les résultats d'un autre sondage informel réalisé auprès de nos membres qui cultivent des poissons, des mollusques ou des crustacés, selon lequel le Canada produit entre 150 000 et 160 000 tonnes en ce moment, mais pourrait produire 200 000 tonnes dans un délai de cinq ans sans accroître l'empreinte de notre industrie, seulement par l'intensification de la production et la modification des sites existants. Une stratégie responsable et graduelle nous permettrait de produire jusqu'à 600 000 tonnes au bout de 15 ans, ce qui équivaudrait à 34 000 emplois. J'ai mentionné qu'il y avait actuellement environ 14 000 emplois dans notre secteur. Ce serait toute une augmentation, qui créerait de la prospérité économique dans les collectivités côtières rurales. Bon nombre des collectivités visées sont autochtones. En fait, les Premières Nations gèrent 20 p. 100 de la salmoniculture en Colombie-Britannique, une proportion qui pourrait augmenter radicalement si nous avions accès à de nouveaux sites.
Le point 3 montre que nous appuyons vivement les efforts de ce gouvernement concernant l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, mais que malheureusement, nous ne pouvons pas tirer profit des possibilités que crée cet accord tant que nous ne pouvons pas croître.
La dernière diapositive vise véritablement à vous dire à quel point le travail de votre comité est essentiel. Nous croyons qu'il est urgent d'agir si nous voulons assurer la croissance et le développement responsables de l'aquaculture en nous fondant sur des données scientifiques rigoureuses. Le MPO a déjà fait beaucoup de travail de base de qualité pour orienter l'industrie. Nous avons besoin de l'aquaculture pour garantir l'approvisionnement futur en poisson, et cette croissance assurera la sécurité alimentaire du Canada, en plus de la prospérité économique de collectivités rurales et côtières.
Le président : Je vous remercie, madame Salmon.
J'ai une toute petite question à vous poser rapidement : votre organisation a-t-elle exercé des pressions sur le gouvernement pour qu'il élabore une loi sur l'aquaculture?
Mme Salmon : Nous avons présenté notre position il y a environ un an au ministre Ritz, au ministre Ashfield et au Cabinet du premier ministre, pour lui parler de la nécessité d'une réforme législative et réglementaire. C'est pourquoi nous travaillons en si étroite collaboration avec le MPO pour que cette réforme voie le jour. Nous ne savons pas exactement ce qui se profile à l'horizon, mais il est clair que nous continuons d'essayer de défendre cette position.
Le président : Le processus est-il enclenché?
Mme Salmon : Il est enclenché, oui.
La sénatrice Stewart Olsen : Mes questions portent sur le Nouveau-Brunswick en particulier, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Prenons d'abord le saumon, et je dois dire que vous avez vraiment un nom approprié.
Mme Salmon : En effet.
La sénatrice Stewart Olsen : Je pense qu'il y a chez nous quatre entreprises salmonicoles. Le Nouveau-Brunswick a la plus grande production piscicole de l'Atlantique. Vous mentionnez qu'il n'y a pas beaucoup de croissance. Est-ce surtout à cause des règlements ou faute de terres ou de terres disponibles? Y a-t-il des facteurs propres au Nouveau- Brunswick dont nous devrions être au courant?
Mme Salmon : M. Hancock pourra intervenir après moi s'il a quelque chose à ajouter.
Les capacités des nouveaux sites varient d'une province à l'autre. Par exemple, on a observé récemment une petite croissance en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. Il y a probablement moins de place à la croissance au Nouveau- Brunswick en ce moment, mais les PDG des entreprises établies là-bas nous disent qu'ils voudraient pouvoir accroître leur rendement, c'est-à-dire privilégier certains sites à d'autres. Il y a des modifications qui seraient possibles. Toutefois, la nouvelle croissance ne changerait probablement pas beaucoup l'empreinte écologique au Nouveau- Brunswick. Il est clair qu'en comparaison, il y a un énorme potentiel inexploité en Colombie-Britannique et dans le Centre du Canada. Il y a une petite production de truites et d'autres espèces dans d'autres provinces qui pourraient certainement connaître un essor.
M. Hancock : Je souligne qu'au Nouveau-Brunswick, il y a beaucoup de potentiel pour les mollusques et crustacés. Il y a une production d'huîtres sur la côte nord qui connaît beaucoup de succès. L'entreprise s'est convertie de la pêche d'huîtres sauvages à la culture. Il s'agira d'avoir accès à des concessions. C'est clairement l'une des clés. De toute évidence, si l'on n'a pas d'espace dans l'eau, on ne peut pas démarrer de production. Cependant, comme Mme Salmon l'a mentionné, tout ne se résume pas à l'accès aux concessions. Toutes les étapes du processus qui mène à l'aquaculture sont réglementées d'une manière ou d'une autre. Quand les règlements deviennent trop lourds, imprévisibles ou fastidieux, on peut manquer tout un cycle de production parce qu'il faut mettre le nouvel élevage à l'eau à temps.
La sénatrice Stewart Olsen : Permettez-moi de clarifier une chose : vous dites que le véritable potentiel de croissance sur lequel nous devrions nous concentrer au Nouveau-Brunswick serait celui des mollusques et des crustacés?
M. Hancock : Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne connais pas assez bien l'industrie piscicole du Nouveau-Brunswick.
Il faut aussi mentionner que l'aquaculture consiste à cultiver toutes les espèces. Je viens de parler des mollusques et des crustacés, nous ne savons pas encore quelles seront les espèces prisées dans 5 ou 10 ans. Nous travaillons à développer la production d'autres espèces. Bien honnêtement, le Canada ne fait pas très bonne figure à cet égard, mais il y a des entreprises qui s'y intéressent. Le flétan est un bon exemple de poisson qui pourrait être le prochain grand succès. Il est vrai que les sites populaires en ce moment pour la production de poissons à nageoires ont peut-être un peu atteint leur limite au Nouveau-Brunswick, mais nous ne savons pas encore quelles seront les prochaines espèces ciblées.
Je pense que tout est là. Il nous faut un cadre qui nous permette d'adopter de nouvelles espèces aussi. Nous faisons de l'élevage près des côtes en ce moment. Pourquoi ne pas faire d'élevage extracôtier? Cela s'en vient aussi.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.
Le sénateur Wells : Quels seraient les facteurs qui auraient le plus d'incidence sur le modèle d'affaire de l'aquaculture en ce qui concerne le régime réglementaire, le financement, l'atténuation de l'impact, les risques liés à la maladie et la découverte de sites propices?
M. Hancock : Tout dépend de l'étape du cycle d'affaires. Pour une entreprise en démarrage, l'accès aux concessions et au financement est absolument déterminant. On ne peut pas démarrer sans cela. Par contre, les activités financières de certaines grandes entreprises ne seront pas gérées par le gouvernement. Tout se fera dans des banques extraterritoriales, par exemple. Dans ce cas, c'est la réglementation des activités quotidiennes qui comptera, dont les enjeux que nous avons déjà abordés.
Mme Salmon : Exactement. C'est ce que j'allais dire. Tout dépend vraiment d'où on est rendu. Cependant, pour les grandes entreprises bien établies, des investissements qui se font actuellement ailleurs pourraient très facilement se faire au Canada, et elles sont prêtes à aller de l'avant parce qu'elles sont stables. Il ne s'agit plus de petites entreprises en démarrage. Bref, tout dépend du contexte. Je dirais toutefois que des obstacles réglementaires se dressent partout, à toutes les étapes.
Le sénateur Wells : Y a-t-il des programmes de financement décents, publics ou privés, qui s'offrent aux aquaculteurs?
Mme Salmon : C'est une bonne question, parce qu'encore une fois, l'accès aux capitaux dépend de la taille et de l'envergure de l'entreprise. Beaucoup de petites et moyennes entreprises ont de la difficulté à trouver des capitaux parce qu'elles n'ont pas de garanties de sécurité à offrir. Dans certaines provinces, il y a un permis annuel pour un produit qui prend de 18 à 24 mois à cultiver. Cela n'offre pas beaucoup de sécurité à la banque ou au créancier. Comme M. Hancock l'a dit, certaines des plus grandes entreprises n'ont pas de difficulté à trouver du financement, mais les petites et moyennes, oui.
M. Hancock : J'aimerais ajouter une chose. L'APECA appuie beaucoup l'industrie sur la côte Est, mais cet appui prend surtout la forme d'immobilisations. Il est beaucoup plus difficile de trouver des fonds de roulement, mais beaucoup de provinces ont pris des mesures pour nous aider en ce sens. Cependant, certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse, n'ont pas de programme sur les fonds de roulement, c'est donc là un énorme enjeu qui limite la croissance des entreprises, parce que bien honnêtement, les banques nous laissent tomber, à tout le moins à l'étape du démarrage.
Le sénateur Wells : À cause du risque?
M. Hancock : Oui.
Le sénateur Wells : J'ai une dernière question à poser. Compte tenu du fait que votre association représente des producteurs de nombreuses espèces dans de nombreuses régions géographiques, si vous deviez résumer ce que vous voulez dire au comité en un seul message, quel serait le principal message que vos membres aimeraient vous entendre exprimer?
Mme Salmon : Je dirais qu'il y a tellement de potentiel au Canada et dans le monde et que nous en avons déjà tellement appris sur le domaine. Quand on repense un peu à nos débuts, il y a 30 ou 35 ans, nous avons fait certaines erreurs les premières années. Nous avons rassemblé tellement de bonnes données scientifiques depuis. Il y a eu une évolution incroyable. Aujourd'hui, c'est une industrie durable. Nous aurions le potentiel d'être des chefs de file dans notre domaine, mais nous sommes coincés, essentiellement parce que nous n'avons pas les bons outils législatifs, réglementaires et politiques pour permettre à l'industrie de prendre son envol.
Quand il n'y a même pas de définition d'un domaine dans la loi, les rôles et les responsabilités ne sont pas clairs. Le contexte n'est donc pas propice à l'investissement. Nous devrions être des leaders dans le monde, mais ce n'est pas le cas.
La sénatrice Raine : Cette étude ne fait que commencer — et nous n'avons pas l'intention de la bâcler —, mais nous pouvons d'ores et déjà voir qu'il y a beaucoup de points de vue différents.
J'aimerais vous poser une question d'entrée de jeu : est-il exact que 50 p. 100 des fruits de mer vendus au Canada et dans le monde sont issus de l'aquaculture?
Mme Salmon : Oui.
La sénatrice Raine : Quel est le pourcentage des fruits de mer vendus au Canada qui est importé?
Mme Salmon : C'est une très bonne question, et ne je suis pas certaine d'avoir la réponse. Je pourrais probablement la trouver pour vous, parce que nous avons mené un sondage auprès des principaux détaillants pour établir, en gros, quel est le pourcentage des produits vendus qui viennent de l'aquaculture. Ils nous ont dit que c'était 50 p. 100, mais la proportion varie d'un détaillant à l'autre. Il y en a un qui nous a dit que 30 p. 100 des produits venaient du Canada et 20 p. 100 de l'importation. Ce n'est qu'un détaillant, toutefois. Il faudrait que j'approfondisse mes recherches pour vous donner une réponse éclairée. Quoi qu'il en soit, cela nous montre que le secteur aquacole est important et que nous pourrions jouer un rôle encore plus important qu'en ce moment.
La sénatrice Raine : Il y a deux choses qui me viennent à l'esprit. Pour commencer, si nous voulons être concurrentiels sur le prix des poissons et pouvoir rivaliser avec les autres pays qui en produisent, il faut tenir compte du fait qu'il faut beaucoup de personnel pour transformer du poisson. Nous ne gagnerons pas la bataille des prix, mais nous avons des eaux propres, des politiques durables et des inspections qui devraient rendre nos produits bien meilleurs que les leurs. Y a-t-il une stratégie en ce sens dans l'industrie canadienne?
Mme Salmon : C'est une bonne question.
La sénatrice Raine : Les gens hésitent peut-être à investir, car ils trouvent qu'il est difficile de faire concurrence aux produits de la mer importés.
Mme Salmon : Ce qui est intéressant, c'est qu'étant donné que la demande est tellement élevée, il y aura toujours de la place pour un produit ou un niveau de qualité différent. En général, le Canada offre un produit de très grande qualité, et le prix est élevé. Il y a d'autres produits dont le prix est moins élevé, mais je ne pense pas que ce soit un problème, car la demande existe. Les représentants de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture nous disent qu'il y aura toujours une grande demande pour les poissons et les fruits de mer, et qu'il ne faut donc pas s'inquiéter au sujet de la croissance. Ils nous disent de continuer à augmenter nos activités dans ce domaine, car il faut répondre à la demande.
Il y aura toujours un créneau commercial pour les produits à prix moins élevés, et un autre pour les produits frais et de grande qualité.
M. Hancock : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. En ce moment, la plupart de nos producteurs sont des exportateurs, et ils sont donc des spécialistes dans l'exportation de leurs produits. Ils ne les exportent pas seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde. Je ne parle pas seulement des grands exploitants, mais aussi des petits exploitants. Le centre de pisciculture dont j'étais autrefois propriétaire était considéré comme étant une petite exploitation, mais j'exportais 50 p. 100 de mes produits.
J'aimerais préciser que tous les gens qui font partie de notre organisme et qui sont allés à la Foire internationale des produits de la mer de Boston cette année ont raconté que tout le monde avait aimé leurs produits et en avait réclamé davantage, mais qu'ils ne pouvaient pas suffire à la demande. Il n'y a donc aucune raison de craindre d'inonder le marché.
L'autre sujet que j'aimerais brièvement aborder, c'est que le Canada a une excellente réputation sur le marché en ce qui concerne les produits de la mer et les produits alimentaires en général. Nous avons la réputation d'être un pays stable qui a pris les règlements nécessaires pour produire des aliments sécuritaires. Les gens considèrent que le Canada est un pays du Grand Nord avec des lacs purs et cristallins. C'est notre marque de commerce. Cela s'applique à nos produits de la mer d'élevage, sans mentionner qu'ils ont bien meilleur goût, et c'est la vérité.
Mme Salmon : Nous pourrions vendre tellement plus de produits, mais nous sommes tellement limités. Nous nous rendons seulement à la Foire internationale des produits de la mer de Boston pour entretenir nos relations avec nos clients actuels. Nous ne pouvons pas prendre de nouvelles commandes, et il y en a toujours. C'est une occasion que nous ne pouvons pas saisir en ce moment.
La sénatrice Beyak : Je vous ai entendu dire que tous nos pays concurrents principaux avaient déjà une loi sur l'aquaculture. Vous avez parlé aux députés et au CPM. Parfois, il existe déjà un excellent modèle dont on peut se servir. Si vous pouviez choisir parmi toutes les lois de vos concurrents, selon vous, laquelle pourrions-nous adapter le plus rapidement?
Mme Salmon : J'aimerais que ce soit aussi simple. C'est une bonne question, et nous avons déjà effectué un examen approfondi des différentes lois en vigueur.
Je crois que chacun de ces pays peut nous enseigner quelque chose. Comme vous le savez, aucun autre pays n'est organisé comme le Canada, c'est-à-dire avec des niveaux fédéral, provincial et municipal. Nous ne pouvons pas adopter une approche ou une solution unique et la mettre en œuvre ici.
Nous pouvons apprendre beaucoup de choses de nos différents concurrents.
La sénatrice Raine : Pourriez-vous nous faire parvenir l'analyse que vous avez effectuée de ces autres lois?
Mme Salmon : Absolument. Dans le cadre de cette stratégie nationale, nous effectuons beaucoup de travaux préliminaires pour accumuler des renseignements pertinents. Nous examinons non seulement les autres pays et leur cadre législatif, mais nous rédigeons aussi une ébauche de loi. De plus, nous rédigeons des documents d'information sur un large éventail d'autres questions qui concernent l'industrie. Je serai heureuse de vous faire parvenir nos recherches et nos travaux.
Le sénateur McInnis : Vous envisagez évidemment cette loi au niveau fédéral; c'est ce dont vous parlez. Serait-elle parallèle à celles des provinces?
Mme Salmon : C'est une bonne question. Nous tenons vraiment à respecter les différentes responsabilités et les compétences des provinces. Nous avons rencontré les représentants des provinces il y a quelques semaines pour leur parler de nos idées. Nous envisageons une approche nationale qui engloberait les règlements déjà en vigueur. Qu'il s'agisse de la Colombie-Britannique, qui est réglementée par le MPO, ou les provinces de l'Atlantique, où chaque province a ses propres règlements, tout cela serait rassemblé dans un cadre national qui nous fournirait une définition, qui préciserait les rôles et les responsabilités et qui élaborerait une vision pour la croissance et un cadre de travail.
Nous envisageons un cadre à l'échelle nationale qui engloberait tous les règlements en vigueur. Les provinces sont déjà très actives dans le domaine de l'aquaculture et elles veulent poursuivre ces activités. Nous ne voulons pas les en empêcher.
Le sénateur McInnis : Dans le cadre d'une loi nationale, j'essaie de déterminer comment — s'il s'agit d'une loi parallèle — on pourrait avoir des règlements dans le Canada atlantique, d'autres règlements en Colombie-Britannique et d'autres en Ontario ou n'importe où. Je pense surtout au Code criminel, pour lequel les provinces sont consultées et les ministres de la Justice se réunissent pour proposer des modifications. Toutefois, c'est le gouvernement national qui est responsable. Je ne sais pas comment l'autre système pourrait fonctionner.
Mme Salmon : Nous tentons certainement d'obtenir un avis juridique concernant nos options. Je serai heureuse de vous communiquer cet avis lorsqu'il sera formulé. Nous voulons vraiment que les provinces participent à ce processus.
M. Hancock : Il est généralement admis que certains éléments sont sous la responsabilité du gouvernement fédéral et que d'autres relèvent des provinces. Même si souvent, ce n'est pas très clair, on sait à peu près où tracer la ligne dans la plupart des cas.
La sénatrice Poirier : J'ai quelques questions. Au début de votre exposé, vous avez mentionné que la demande mondiale pour les produits de la mer augmentait rapidement, c'est-à-dire d'environ 9 p. 100 par année. Parlez-vous expressément des produits de la mer qui viennent de l'aquaculture? Je pose la question, car en tant que comité, nous avons terminé et présenté, la semaine dernière, notre rapport sur la pêche au homard. Si vous l'avez lu, vous savez que l'un des problèmes auxquels fait face l'industrie du homard en ce moment, c'est que le produit est disponible en grande quantité, mais qu'on ne peut pas le vendre. Certains pêcheurs doivent le garder et cela fait baisser les prix.
C'est pour cette raison que je voulais préciser que si la demande mondiale pour les produits de la mer était à la hausse dans certains secteurs, elle ne l'est certainement pas dans d'autres secteurs. C'est le cas dans l'industrie du homard; je sais que la demande est stagnante et qu'il n'y a eu aucune augmentation. Cela pourrait-il avoir un effet sur le fait que certaines petites entreprises ont de la difficulté à démarrer et à obtenir le financement dont elles ont besoin et cela pourrait-il aussi expliquer l'insécurité liée à d'autres produits de l'industrie des produits de la mer?
Mme Salmon : Non. Pour revenir à votre première question, l'augmentation de l'ordre de 7 à 9 p. 100 de la demande mondiale concerne les produits de la mer, qu'ils soient cultivés ou sauvages. Il y aura certainement toujours des variations de prix, mais la demande est toujours à la hausse et on s'attend à ce qu'elle continue d'augmenter.
L'ONU prévoit que d'ici 2020, il manquera 50 millions de tonnes de produits de la mer. L'aquaculture comblera ce manque. Si l'aquaculture ne réussit pas à répondre à cette demande, nous ferons face à un déficit.
Vous avez raison. Cela varie selon les espèces. Dans l'ensemble, à l'échelle mondiale, la demande pour les produits de la mer est à la hausse et on s'attend à ce qu'elle continue d'augmenter.
La demande ne représente pas un problème et on ne craint pas de ne pas pouvoir vendre le produit dans l'industrie de l'aquaculture. En effet, la demande en mollusques, en crustacés et en poissons à nageoires est extrêmement élevée.
M. Hancock : La hausse de la consommation des produits de la mer se fonde sur la croissance de la population mondiale, mais aussi sur le fait que les pays développés s'enrichissent. Les goûts des gens changent, et ils se dirigent de plus en plus vers une alimentation composée de produits de la mer. Il faut aussi préciser que le nombre de prises dans la pêche sauvage est stagnant. La croissance devra donc passer par l'aquaculture. Elle ne sera pas assurée par la pêche sauvage.
C'est difficile à dire pour quelqu'un qui vient d'une région où l'on élève le homard, mais la réalité, c'est que cela représente une très petite partie de la production mondiale. La situation du homard est unique, car les prises ont essentiellement doublé depuis 10 ans.
En ce qui concerne votre deuxième question au sujet de l'accès au financement dans une industrie stagnante, il ne faut pas faire le lien avec la commercialisation, car ce n'est pas le problème. Le problème, c'est l'accès aux concessions. C'est le problème auquel font face les entreprises de notre industrie. Mais il faut avouer que si vous étiez banquier et que vous examiniez l'avenir de l'industrie, cela ne semble pas encourageant.
Mme Salmon a donné un excellent exemple en parlant du renouvellement des concessions d'une durée d'un an. Il faut quatre ans pour faire croître une huître. Pourquoi une banque vous prêterait-elle son argent s'il est possible que vous perdiez votre concession dans un an? Le problème est assez évident.
La sénatrice Poirier : Pendant un certain temps, j'ai été députée provinciale au Nouveau-Brunswick. À l'époque, dans la région où j'habitais, l'industrie de l'aquaculture causait beaucoup de frustrations en raison de ses effets sur les régions touristiques, les chalets et les plages. Est-ce un problème? Avez-vous souvent entendu cela ailleurs?
Mme Salmon : C'est intéressant. C'est un point de vue personnel. Un grand nombre de nos entreprises collaborent avec le secteur du tourisme et des plages. M. Hancock peut vous en parler.
M. Hancock : Cela ne fait aucun doute. Lorsqu'une industrie s'étend dans une région où elle n'était pas présente, il y a de la résistance. Vous pouvez citer les meilleures recherches scientifiques du monde et parler des autres communautés qui collaborent avec l'industrie, mais vous vous heurtez toujours à une résistance. C'est le cas pour n'importe quelle industrie.
J'examinerais les régions où il y a actuellement des activités d'aquaculture en cours. Par exemple, le Sud du Nouveau-Brunswick, dans la région de St-Andrews, car nous savons tous qu'il s'agit d'une bonne région touristique. C'est aussi le centre de l'aquaculture du saumon. Sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard, on pratique la culture suspendue des mollusques. Il s'agit de la culture de mollusques la plus intensive au Canada. La côte nord de l'Île-du- Prince-Édouard est probablement l'une des régions les plus actives sur le plan touristique dans les provinces de l'Atlantique. Il est facile de voir que les deux industries ne font pas que coexister; elles collaborent. Lorsqu'on parle de l'Île-du-Prince-Édouard, on pense immédiatement aux mollusques et aux crustacés.
Mme Salmon : C'est une célébration des moules et de ce que la terre et la mer ont à offrir. M. Hancock a raison : il y a toujours un risque de conflit lorsque l'aquaculture s'installe dans une région, mais il y a d'autres exemples où cela fonctionne très bien.
M. Hancock : C'est le cas partout dans le monde. Par exemple, il y a des régions, en France, où l'on cultive les moules depuis 800 ans, et on peut même visiter ces installations. Il y a même des musées consacrés à l'élevage des huîtres. Des gens incluent les activités liées aux huîtres dans leurs projets de vacances en France. Cela fait donc partie de l'attrait de la région et s'intègre bien dans l'ensemble.
Dans le domaine de l'élevage du saumon, on peut citer la Norvège. À Bergen, une ville superbe, on trouve des fermes salmonicoles partout dans le port. C'est un peu comme si le port de Halifax abritait des fermes salmonicoles; cela pourrait fonctionner.
La sénatrice Poirier : Pouvez-vous expliquer les différentes étapes d'un projet d'aquaculture, de la première étape jusqu'à ce que le projet soit terminé et qu'on lance les activités de production?
M. Hancock : C'est assez compliqué et cela varie selon les provinces. Essentiellement, en Nouvelle-Écosse, c'est un processus de deux ans. Il faut commencer par présenter une demande au gouvernement provincial, car notre province est un chef de file en ce qui concerne les demandes de projet d'aquaculture. La province effectue un examen préliminaire de la demande et s'assure que tout est en ordre et qu'on a fourni tous les renseignements nécessaires, et ensuite elle contacte tous les intervenants. Je crois que huit différents ministères participent à l'évaluation des demandes, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral.
On leur envoie donc la demande. Évidemment, les intervenants les plus importants sont le ministère des Pêches et des Océans et Transports Canada. Ce sont les ministères qui, à mon avis, jouent le plus grand rôle dans l'examen de la demande.
Lorsque les représentants de la province reçoivent la réponse de ces organismes de réglementation, ils commenceront à discuter — avec les demandeurs — des lacunes que présente la demande initiale et des préoccupations qui ont été soulevées et ils donneront au demandeur l'occasion de remédier à ces problèmes soit en apportant des rajustements au site, c'est-à-dire à l'endroit où ils proposent de s'établir, ou dans certains cas il pourrait y avoir des facteurs atténuants.
L'un des problèmes qui ont été soulevés en Nouvelle-Écosse, c'est que le gouvernement n'a jamais refusé une demande de concession. Ce n'est plus vrai maintenant. Une demande a été rejetée. Mais un grand nombre de gens ne se rendent pas compte de ce qui se passe.
La réalité, c'est qu'habituellement, si on aboutit dans une impasse pendant ces réunions de réglementation et qu'on ne peut pas arranger ou changer le site choisi de façon à satisfaire les organismes de réglementation, on retire la demande. On ne se rend jamais au point où la demande est refusée. C'est censé être un processus de collaboration. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas ou ce n'est pas toujours la façon dont les choses se passent.
Au bout du compte, en Nouvelle-Écosse, toutes les recommandations reviennent, et le dossier est présenté au ministre des Pêches de la province, à qui il revient de décider si la concession est attribuée ou non.
La sénatrice Poirier : À votre avis, ce processus est-il trop long? Si oui, que recommanderiez-vous?
M. Hancock : Il est certainement trop long. En ce moment, en Nouvelle-Écosse, il dure deux ans. Certaines demandes ont été examinées pendant quatre ans, et d'autres, je pense, pendant sept ans. Autrement dit, l'évaluation environnementale du « raccordement permanent » de l'Île-du-Prince-Édouard a été plus rapide que celles des sites d'aquaculture.
Pour clarifier les choses, j'aimerais préciser qu'il ne s'agit pas seulement du saumon. Il s'agit de concessions concernant les mollusques et les crustacés. Par exemple, un propriétaire d'une exploitation d'ostréiculture de fond de la côte nord de la Nouvelle-Écosse a attendu quatre ans pour obtenir sa concession.
La sénatrice Poirier : Pourriez-vous faire une recommandation pour aider à rendre le processus plus rapide?
M. Hancock : Certainement. Je crois qu'en ce qui concerne le processus, il faut donner des échéances aux gens.
Mme Salmon : Il faut établir des normes de service, afin que les gens sachent que s'ils satisfont à certains critères, ils peuvent s'attendre à un certain niveau de service.
En Colombie-Britannique, il faut non seulement faire une demande pour un nouveau site, mais il faut aussi faire une demande pour y apporter une petite modification. Par exemple, même si vous souhaitez seulement changer vos cages rondes pour des cages carrées, vous devez faire une demande à cet égard. Certaines de ces demandes de changement sont en attente depuis cinq à sept ans.
La sénatrice Poirier : Ce processus est-il similaire dans toutes les provinces?
M. Hancock : Chaque province fonctionne de façon différente.
La sénatrice Poirier : Je parle de la durée de l'ensemble du processus.
Mme Salmon : Ce n'est pas uniforme, et c'est le problème qui se pose. C'est différent pour chaque région du pays. Tout est différent : les modalités s'appliquant aux concessions, aux permis, et cetera. C'est une véritable mosaïque.
M. Hancock : Ce n'est même pas uniforme à l'intérieur des provinces. C'est très variable, et c'est là, aussi, le problème.
Le sénateur Campbell : D'après les statistiques, c'est manifestement une industrie importante en Colombie- Britannique. Notre part du marché est de 52 p. 100. L'un des motifs d'inquiétude que j'entends en Colombie- Britannique est exactement la raison pour laquelle vous êtes ici. En matière d'aquaculture, aucune loi n'a priorité sur les autres.
Je ne suis pas membre de ce comité. Je remplace quelqu'un. Je dirai d'abord que je ne mange pas n'importe quoi et, jamais, je ne mangerais de poisson provenant de Chine. Je tiens à le préciser tout de suite. Ce pays détient 61 p. 100 du secteur. Cela revient à la capacité d'un pays de tout prendre et de ne rien laisser derrière lui.
L'élément intéressant, ce sont les 20 suivants, qui en détiennent 31 p. 100. Les 20 premiers, essentiellement, détiennent 100 p. 100 du marché, jusqu'à notre niveau, 3 p. 100. Pensez-vous qu'un investissement de 7 p. 100 dans une industrie qui ne détient que 3 p. 100 du marché est assez considérable?
Mme Salmon : Ces chiffres sont un peu faussés. Notre comparaison était limitée à la salmoniculture, et il faut faire abstraction de la Chine. J'ai peut-être mal compris votre question.
Le sénateur Campbell : Je regardais la production de l'aquaculture. Je comprends : il n'y a pas de comparaison possible. Vous dites que ces 7 p. 100 concernent la salmoniculture.
Mme Salmon : Oui.
Le sénateur Campbell : Cela existe depuis aussi longtemps que je suis en Colombie-Britannique, et nous avons commencé à faire de la pisciculture il y a de nombreuses années. Nous voudrions considérer cela comme de l'agriculture, de l'élevage, comme vous dites.
Je me trompe peut-être à ce sujet et je vous serai reconnaissant de votre réponse. L'industrie hésite à se lancer dans l'élevage du poisson à terre. Je ne pense pas les mollusques et les crustacés s'y prêtent, mais cela fonctionnerait certainement avec le poisson, qu'on pourrait sortir de nos eaux et élever à terre comme dans une exploitation agricole. L'industrie y semble peu disposée. Est-ce que je me trompe? Si oui, pourquoi?
Mme Salmon : Je ne dirais pas qu'elle y est peu disposée. Elle agirait si la technologie existait, si les conditions économiques étaient favorables et si c'était écologiquement durable.
Le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre a examiné très attentivement la question, et, par exemple, l'omble chevalier se développe en bassins. Mais le saumon pose actuellement un certain nombre de problèmes, notamment celui de la rentabilité. L'élevage à terre ne peut pas affronter la concurrence mondiale d'aujourd'hui.
Actuellement, le poisson occupe moins de 4 p. 100 d'un parc en filet. On croit à tort que la densité de peuplement des élevages est élevée.
Pour rendre un élevage à terre rentable, l'accroissement de cette densité provoque des maladies chez le poisson. L'empreinte écologique de l'opération est grande, parce qu'il faut pomper de l'oxygène et l'élevage occupe une grande surface. Les collectivités côtières ou rurales n'offrent plus ce genre d'emplois. On les trouve dans les grands centres.
Un certain nombre de causes et de problèmes expliquent pourquoi l'industrie, à l'échelle mondiale, n'a pas tenté d'élever le saumon atlantique à terre. Nous continuerons de faire de la recherche-développement, et les conclusions pourront être différentes dans 10 ans. Aujourd'hui, c'est un produit-créneau, le fait de quelques entreprises dont la production est faible et qui alimentent des restaurants chics de Vancouver.
Le sénateur Campbell : Je ne fréquente pas souvent ces restaurants.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous avez dit que vous aviez des possibilités pour les Premières Nations. Avez-vous dit 20 ou 80 p. 100?
Mme Salmon : C'est 20 p. 100 de l'emploi en Colombie-Britannique.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Seulement en Colombie-Britannique?
M. Hancock : La Nouvelle-Écosse offre un bel exemple de coentreprise entre un trutticulteur et une Première Nation, qui a eu beaucoup de succès.
Des Premières Nations se sont impliquées à fond dans l'ostréiculture dans les lacs Bras d'Or, jusqu'à ce que la maladie détruise le stock. Nous collaborons avec elles pour essayer de reconstruire l'industrie dans cette région, ce qui soulève un vif intérêt. Elles veulent être des partenaires.
Il faut aussi savoir, et je suis sûr que je ne vous apprends rien, que, en milieu rural, la main-d'œuvre est vraiment difficile à trouver. Je suis convaincu que c'est pareil partout au pays, sauf chez les Premières Nations, qui ont beaucoup de jeunes. Je pense qu'en mobilisant les Premières Nations dans l'aquaculture, on pourra automatiquement et de mieux en mieux fournir la main-d'œuvre nécessaire à l'industrie.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous avez anticipé ma prochaine question.
Qu'en est-il des maladies? Est-ce qu'on les maîtrise? Quelles en sont les probabilités?
M. Hancock : Écoutez, quand on exploite des organismes vivants, il faut s'attendre à la maladie.
Je disais à Mme Salmon, avant notre arrivée ici, dimanche, que je devais participer à une activité publique en Nouvelle-Écosse, dans une vallée agricole près de Wolfville. Beaucoup d'agriculteurs m'ont donc approché. Les agriculteurs comprennent bien ce qu'est l'aquaculture; nous sommes comme eux, mais c'est l'océan que nous exploitons. L'un d'eux m'a parlé d'une fraisière au bout de la route, qu'on allait détruire à cause d'un virus qui y avait été introduit. Un nouveau type de virus a aussi frappé le verger de pommiers.
Pour toute créature vivante, les infections virales ou bactériennes font partie de la réalité. Quand on commence à élever des animaux en grand nombre, le défi est d'autant plus grand.
C'est la même chose pour les nuisibles. On dit que notre nourriture représente un festin eux. C'est un problème indissociable de l'agriculture.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Eux ne m'inquiètent pas.
Mme Salmon : Pour renchérir sur M. Hancock, il est sûr que les grosses piscicultures ont leur propre vétérinaire. Les très jeunes poissons qu'on met à l'eau sont exempts de maladies. La surveillance et les vérifications sont constantes. S'il faut traiter ces animaux, on le fait immédiatement, en faisant attention.
C'est intéressant, parce que moins de 5 p. 100 de tous les poissons se font administrer des antibiotiques. Ce n'était pas comme ça à nos débuts dans l'industrie, mais nous en avons tellement appris sur leur santé et la vaccination que nous n'utilisons plus qu'un petit pourcentage d'antibiotiques. C'est bien géré.
M. Hancock : On utilise beaucoup moins d'antibiotiques que dans les élevages d'animaux.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné de nouvelles espèces de poissons. Pourriez-vous expliquer? Allez-vous élever différentes espèces de poissons, les mettre ensemble et voir s'il en sortira une autre espèce?
M. Hancock : Non. Il s'agit de trouver les prochains poissons sauvages indigènes de nos eaux qu'on pourrait élever.
La sénatrice Lovelace Nicholas : D'accord. Cela m'inquiétait. Merci beaucoup.
Mme Salmon : En Colombie-Britannique, nous élevons la morue charbonnière. C'est encore modeste, mais la demande au Japon et en Chine est simplement énorme, et la production ne peut pas y répondre. Il s'agit simplement de trouver des poissons, des mollusques et des crustacés indigènes qui s'élèveraient bien.
Le sénateur Watt : Je suis du Grand Nord. Je ne sais donc pas trop comment poser ma question. Avec l'organisation que vous représentez, l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture, avez-vous songé à l'Arctique pour voir comment y démarrerait l'industrie de l'aquaculture? Est-ce trop tôt, en raison du changement climatique? Nous savons que le climat se réchauffe. La glace disparaît graduellement, mais elle ne disparaîtra pas si rapidement.
Mme Salmon : Je vais commencer, et M. Hancock pourra intervenir.
Je dirai que nous essayons de faire croître de façon responsable une industrie en misant d'abord sur les endroits où elle est établie. Les nouvelles espèces et régions offrent des possibilités indéniables. Par exemple, au Yukon, nous avons un élevage à terre de l'omble chevalier. Ce n'est qu'un exemple de milieu qui se prête très bien à la pisciculture. Les possibilités sont énormes. Nous essayons d'établir et d'assurer l'investissement dans une industrie là où elle se trouve actuellement.
M. Hancock : Bien dit. Je ne connais pas beaucoup le Nord. Je n'y ai donc pas vécu d'expérience.
Le sénateur Watt : C'est du nouveau pour vous. J'imagine que, en raison du manque de connaissances et du manque d'information disponibles, pas nécessairement sur les espèces, mais sur la technologie, un entrepreneur du Nord qui voudrait se lancer dans cette branche de l'aquaculture devrait sérieusement envisager de déménager dans le sud pour se tailler une place. Ce serait la seule solution rentable en raison des coûts élevés du transport et des marchandises.
Mme Salmon : Il est sûr que le transport est un facteur, mais de nouvelles régions s'ouvrent. Nous essayons simplement d'assurer et de faire croître une industrie là où elle a débuté.
Il y a des possibilités, je dirais. Par exemple, l'Union européenne n'a pas été pour nous un débouché important, simplement en raison de la proximité des États-Unis. Cependant on peut y expédier un produit en surplus à l'état surgelé. La demande de fruits de mer est forte. Si on peut trouver un mode de transport économique, je suis convaincue qu'il y a...
Le sénateur Watt : J'attire notamment votre attention et celle des sénateurs sur cette question parce que nous avions coutume de commercialiser des produits du Nord dans le sud. C'est maintenant impossible, à cause de la concurrence de l'aquaculture. Les coûts élevés du transport des marchandises entrent aussi en ligne de compte. Nous cherchons une solution qui serait satisfaisante si elle nous permettait de prendre pied dans le secteur de l'aquaculture.
À ma connaissance, je ne pense pas que le Nord est prêt à franchir ce pas, pas nécessairement parce que la volonté manque.
Mme Salmon : C'est vrai.
Le sénateur Watt : Actuellement, il y a trop de glaces flottantes pour essayer d'établir un élevage. J'en ai visité, particulièrement des salmonicultures en Norvège. Elles fonctionnent très bien. Cependant, je ne pense pas, avec le type de techniques actuellement disponibles, qu'elles fonctionneraient aussi bien dans le Nord. La côte est soumise à l'effet très puissant des courants, des glaces et des marées. C'est un autre facteur.
Mme Salmon : Dans notre industrie, beaucoup de spécialistes pourraient répondre mieux que moi à cette question, mais la technologie s'améliore et évolue continuellement. Si vous voulez, je peux vous mettre en contact avec quelqu'un qui pourrait mieux répondre à cette question, de manière mieux informée.
Le sénateur Watt : Je l'apprécie.
Le sénateur McInnis : Monsieur Hancock, nous nous sommes parlé, déjà, au téléphone, mais nous n'avons jamais eu l'occasion de nous rencontrer.
Votre rôle est de plaider la cause de l'industrie. C'est principalement l'un de vos rôles, n'est-ce pas?
Mme Salmon : J'essaie de sensibiliser les gens à l'industrie et de promouvoir son développement responsable, en effet.
Le sénateur McInnis : Absolument. La raison pour laquelle j'ai posé la question supplémentaire sur la législation, c'est parce que j'ai lu que vous pensiez qu'une nouvelle loi serait utile.
Cette étude a lieu et elle prendra énormément de temps à cause de problèmes qui existent, même si vous n'en avez pas parlé.
La semaine dernière, nous avons accueilli la Division de l'aquaculture du ministère des Pêches et des Océans, et ses fonctionnaires n'ont pas nié les difficultés que posaient les maladies, la densité d'élevage, les poissons qui s'échappent dans la nature, les croisements avec le saumon sauvage, le fond océanique et les éléments de renfort. Les incertitudes sont nombreuses. Il y a une réaction en Nouvelle-Écosse, où une demande de permis sur 10 — avant, 10 demandes sur 10 étaient approuvées — n'a pas été approuvée, probablement pour des motifs politiques, mais ça n'a pas d'importance, à cause du public. La réaction s'exerce sur plusieurs fronts, pour des motifs crédibles. Nous voulons cerner les problèmes, déterminer comment mieux les résoudre et comment faire prospérer cette industrie. C'est l'objet de cette étude, et nous avons besoin de votre aide.
Comme j'ai dit, votre déclaration pour une loi uniforme m'a intrigué, parce que, actuellement, c'est tout et n'importe quoi. Par exemple, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé que cette industrie devait être réglementée par Pêches et Océans. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, elle est assujettie à un double contrôle, avec la province.
J'aimerais que vous nous parliez de cela, de rendre limpides les règlements, protocoles et stratégies. La Nouvelle- Écosse possède un comité nombreux pour l'élaboration de règlements. Comment pouvons-nous le mieux faire aboutir cette loi, sans la controverse énorme — je viens de le voir dans les journaux de fin de semaine — qui existe dans le Canada atlantique, et pas seulement là, mais, comme le rapport de la Commission Cohen l'a montré, en Colombie- Britannique aussi? Je sais bien que vous n'êtes pas juristes. Vous n'avez pas à vous occuper maintenant de ce détail, mais nous devons vous entendre à ce sujet, parce que votre proposition est absolument sensée. J'ai lu dans un journal que c'était ce que vous préconisiez. Ce ne sera pas facile. Pour réussir, il faudra passer par là.
Mme Salmon : Vous me comblez, parce que, d'après moi, il serait utile de clarifier les rôles et les responsabilités et d'avoir une définition et un cadre que tous, y compris le public, peuvent comprendre. Je serai heureuse de poursuivre la discussion avec vous sur ce à quoi cela pourrait ressembler et comment on y parviendrait. Je pense que ce serait utile.
Le sénateur McInnis : Une partie de la difficulté provient des réactions que cela engendre — et je tiens à ce que vous y répondiez — ainsi que du fait que c'est nouveau pour la région. Par exemple, quelqu'un a élevé une famille sur les rives de Spry Harbour, il a acquis le terrain de ses parents, les petits-enfants viennent en visite et ainsi de suite et, soudain, il se retrouve avec une vue sur une concession à bail de 18 hectares. S'il vous plaît, parlez-nous des droits du propriétaire. Vous avez effleuré un peu le sujet avec la sénatrice Poirier. C'est important.
S'il vous plaît, parlez-nous aussi de ceci : pourquoi ne pourrions-nous pas avoir un ensemble prédéterminé d'emplacements où les conditions se rapprochent peut-être davantage de celles de l'océan, par les courants, la profondeur et le déferlement des vagues, où ces paramètres peuvent être prédéterminés? Par exemple, j'en ai souvent vu et, en fait, il y a un nouvel emplacement dans une province du Canada atlantique qui est une propriété à usage désigné, prédéterminé. Pourquoi ne pourrions-nous pas examiner cela?
Mme Salmon : Je vais faire quelques commentaires, puis je vais laisser la parole à M. Hancock.
Nous en savons plus au sujet du bon emplacement. Au début, même au Nouveau-Brunswick et en Colombie- Britannique, on a choisi des emplacements qui ne convenaient pas à l'aquaculture, et nous le savons maintenant. Nous en savons beaucoup plus à propos du choix des emplacements.
Je comprends les préoccupations du public, dans les secteurs où l'aquaculture est nouvelle, et notre industrie tient résolument à établir un dialogue avec la communauté, et tout cela. Cependant, à un moment donné, en tant que pays, nous devons nous arrêter et regarder ce qui se passe avec l'aquaculture, puis déterminer si nous voulons ou non cette industrie.
Le dialogue avec la communauté est important. C'est essentiel. Nous devons choisir les meilleurs sites pour l'aquaculture. Cependant, en tant que pays, nous devons aussi nous engager : est-ce que nous voulons en être ou pas?
Je sais qu'il y a de l'opposition localisée. C'est une industrie qui suscite la controverse. Cela ne fait aucun doute. Cependant, vous devez aussi vous rendre à l'évidence qu'une bonne part de la controverse vient d'une petite minorité très locale et très opposée à l'expansion de notre industrie. Ils n'achètent pas nécessairement ce que je vous raconte aujourd'hui. Ils se fichent des communautés rurales et côtières : ils ne veulent tout simplement pas de cette industrie. C'est la minorité qui s'exprime haut et fort.
Selon les sondages que nous réalisons partout au pays — dans chaque province —, les Canadiens ne sont pas contre l'aquaculture. L'appui existe. On parle encore de nous dans les journaux, et il y a encore un petit groupe de critiques qui ne veut pas de nous, mais ce n'est pas le public canadien. Nous recevons toujours un bon appui.
Monsieur Hancock, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Hancock : En ce qui concerne la situation en Nouvelle-Écosse, je veux vous donner des précisions au sujet des 10 nouveaux baux accordés au cours des... Combien d'années avez-vous dit? Cette information est erronée, si vous parlez des baux relatifs aux poissons à nageoires. Ce sont essentiellement trois baux qui ont été accordés pour l'élevage de poissons à nageoires, sur sept ans. Il y en a eu deux depuis, ce qui donne cinq baux relatifs aux poissons à nageoires en huit ans.
Le sénateur McInnis : Il y a eu 10 demandes d'aquaculture. Je ne sais pas de quoi il s'agissait précisément.
M. Hancock : Quatre de ces demandes ont été faites au cours de la dernière année et demie. Avant cela, nous avons été ni plus ni moins soumis à un moratoire, pendant six ou sept ans, concernant les nouveaux baux en Nouvelle-Écosse.
J'aimerais aussi parler de ce que Mme Salmon a dit, au sujet de l'acceptation de l'industrie par le public. Nous avons mené des sondages à répétition, en Nouvelle-Écosse, et nettement plus de 85 p. 100 de la population appuie le développement de l'aquaculture, en particulier de l'élevage des poissons à nageoires et du saumon.
L'opposition est nettement minoritaire, mais ça ne veut pas dire que leurs préoccupations ne sont pas légitimes. Je le reconnais tout à fait.
Je reconnais aussi que notre système comporte des lacunes. Le système fait défaut à l'industrie, mais aussi, bien franchement, aux citoyens du pays. Quand ils sentent qu'ils n'ont pas de pouvoir et que leurs préoccupations ne sont pas réglées, c'est, je pense, parce que le gouvernement les a laissés tomber. En fin de compte, l'industrie écope aussi, car nous nous faisons face à de la résistance, et nous n'aimons pas cela.
L'autre chose que je veux souligner, c'est que la résistance ne vient pas des communautés où il se fait de l'aquaculture. En Nouvelle-Écosse, par exemple, j'ai assisté à une séance publique à Shelburne, peu de temps avant celle qui a eu lieu à Sheet Harbour — celle où vous étiez aussi, je pense —, et il y a là de l'aquaculture depuis 20 ans. C'était un groupe tout à fait différent. Ils appuyaient l'expansion dans ce secteur. Je ne dis pas que personne ne s'y opposait, mais la grande majorité des gens l'appuyait. C'est parce qu'ils savaient à quoi s'attendre.
Encore une fois, je ne dis pas qu'il faut l'imposer aux gens. De toute évidence, l'industrie et le gouvernement ont tous les deux échoué, quand il s'agit de donner aux gens l'impression qu'ils font partie du processus.
J'aimerais parler d'un autre aspect relatif à la propriété sur le littoral. Nous, de l'industrie, avons la responsabilité de veiller à la protection des eaux, mais c'est une ressource collective. Il ne s'agit pas que d'acheter une propriété pour la vue.
Une voix : Vous dévaluez la propriété.
M. Hancock : Au bout du compte, c'est l'exploitation du littoral. Il y a les pêcheurs de homard qui utilisent cet espace. C'est une ressource qui s'y trouve. Encore là, c'est un partage. Cela signifie que l'industrie a la responsabilité de l'utiliser judicieusement, mais cela veut aussi dire que les eaux ne vous appartiennent pas.
Mme Salmon : Sur ce plan, il y a peut-être une meilleure façon d'organiser cela.
Le sénateur McInnis : Il y a 100 groupes, des centaines de milliers de personnes qui s'opposent au processus et à l'industrie. Le Conseil canadien du homard n'en est qu'un. Ils sont à ce point nombreux.
Mme Salmon : C'est sûr qu'il y a de l'opposition.
Le sénateur McInnis : Oui, les associations de pêcheurs, entre autres. Quoi qu'il en soit, travaillons ensemble à trouver une solution à cela.
Mme Salmon : Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur McInnis : Je ne comprends pas. Il est inutile d'être désobligeant.
M. Hancock : Je ne cherche pas à être désobligeant, et je suis désolée si c'est l'impression que j'ai donnée. Nous avons essayé d'être extrêmement proactifs dans nos efforts pour joindre les gens de la province. Personnellement, j'ai essayé très fort de joindre les gens, et j'ai offert d'y aller et de donner des explications; en réalité, je l'ai fait avec votre organisation. Très souvent, l'autre côté est réticent à s'engager, alors que nous le faisons. Je crois que cela incombe aux deux parties. Ça ne doit pas venir que de l'industrie, mais des deux côtés.
Le sénateur McInnis : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le président : J'ai une question supplémentaire de la part du sénateur Campbell.
Le sénateur Campbell : Je n'ai pas trouvé vos commentaires désobligeants, mais je les ai trouvés incroyablement irréalistes. Je ne sais pas d'où vous venez, mais il y a très certainement une différence par rapport à acheter une propriété sur la côte, des terrains avec vue. Je vis dans les îles Gulf; c'est là où se trouve ma maison. Je pêche le long de la côte. Ne me dites pas que vous avez le droit de placer une pisciculture de 18 hectares devant ma propriété.
Mme Salmon : Absolument pas.
Le sénateur Campbell : C'est l'une des raisons pour lesquelles ce genre d'industrie éprouve de telles difficultés. Ils ne sont pas réalistes; ils pensent qu'ils peuvent installer des piscicultures n'importe où alors que ce n'est pas le cas.
Je veux vous poser une question. Vous réalisez un sondage pancanadien. Eh bien, je suis très intéressé si je suis de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba — de ces trois provinces. Mais si vous interrogez les gens du Nouveau- Brunswick, de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Colombie-Britannique? Nous sommes là où le poisson que vous voulez se trouve. Si je vivais en Alberta et que vous me demandiez : « Dites donc, que pensez-vous de l'aquaculture? », je ne tarirais pas d'éloges.
Cela fait partie des attentes irréalistes que ce groupe de témoins et ce comité verront constamment. Il faut que ce soit fédéral ou provincial, et vos objectifs doivent être réalistes.
Mme Salmon : Je comprends ce que vous dites. Je ne pense pas que nous nous demandions si c'est fédéral ou provincial. Nous savons que c'est une compétence partagée.
Je pense que l'industrie veut aussi travailler harmonieusement avec les communautés où elle se trouve, et elle le fait. Nous avons beaucoup de beaux exemples, que ce soit à Tofino ou à Campbell River.
Le sénateur Campbell : On n'a pas l'impression que les choses vont si bien que ça pour vous en Nouvelle-Écosse.
M. Hancock : Je ne suis pas d'accord. Comme je viens de le mentionner, dans les communautés où nous faisons de l'aquaculture, on ne nous oppose pas de résistance. En réalité, nous avons des exploitants qui sont en Nouvelle-Écosse depuis 20 ou 30 ans. Ils sont très respectés dans leur communauté.
Le sénateur Campbell : Je ne dis pas qu'ils ne sont pas respectés. Je dis simplement que si c'est bien, alors il faut les mettre là.
M. Hancock : Ils l'ont fait.
Le sénateur Campbell : Et qu'ils continuent. S'ils aiment ça, vous avez là un bon marché.
Mme Salmon : Ce qu'il faut faire, c'est prendre le temps de se demander ce que le Canada veut. Le Canada a le choix. Il faut regarder la situation dans son ensemble.
Je suis d'accord pour dire qu'il est important de préciser les endroits où les piscicultures doivent être et où elles ne doivent pas être, mais est-ce que le Canada veut intervenir dans le secteur du poisson d'élevage ou non? Il y a bien des emplacements possibles qui ne ruineraient la vue de personne. Nous avons d'énormes capacités biophysiques, et nous avons même la possibilité d'aller au large à l'avenir.
Mes commentaires sont plutôt liés au désir du Canada de jouer un rôle ou non. Voulons-nous participer à quelque chose qui peut créer des emplois pour les communautés rurales et côtières, concernant la production d'un produit de la mer sain et nutritif, et faisant l'objet d'une forte demande?
Ce sont les questions à se poser. Comme vous, je pense qu'il faut travailler ensemble aux détails et les résoudre. Nous ne nous attendons à rien; nous souhaitons travailler avec la communauté.
Le président : Vous êtes seulement notre deuxième groupe de témoins. Cela devrait être intéressant. La sénatrice Stewart Olsen a une question supplémentaire.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends ce que vous dites tous au sujet de la vue, des propriétaires fonciers et tout cela, mais au Nouveau-Brunswick, il nous faut des emplois. J'espère que les propriétaires et les gens peuvent travailler avec ces entreprises pour en arriver à une solution. Franchement, si cela amène des emplois dans mon secteur, je dirais probablement : « C'est bon, je peux bien avoir vue sur une pisciculture. » Pour ramener ça à...
Mme Salmon : C'est une question d'équilibre, n'est-ce pas?
La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Je vis aussi au bord de l'eau, sénateur Campbell, et les emplois sont essentiels, dans ma province.
Le président : Est-ce que vous avez une question supplémentaire, madame la sénatrice Beyak?
La sénatrice Beyak : Oui.
J'étais à Santa Barbara, l'année passée, parce que les gens de Santa Barbara ont voté pour l'exploitation pétrolière en mer. Personne ne pouvait y croire, parce que c'était une zone écosensible. Quoi qu'il en soit, ils ont donné aux plates-formes de forage l'apparence de bateaux de croisière. Elles sont très loin au large, et non pas à proximité des plages. Je comprends aussi vos points de vue.
Comme la sénatrice Stewart Olsen l'a dit, il y a moyen de travailler ensemble à cela. Je ne peux imaginer une pisciculture qui aurait les allures d'un bateau de croisière.
Mme Salmon : Exactement. Il y a un aspect émotif à la venue de l'aquaculture dans une communauté. C'est bon quand les deux côtés peuvent prendre du recul, puis travailler ensemble en ne perdant pas de vue la situation globale.
Le président : C'est une discussion intéressante; ça ne fait pas de doute.
La sénatrice Raine : Je ne pense pas que nous allons résoudre le problème du choix des emplacements.
J'aimerais qu'on m'en dise davantage sur l'aquaculture multi-trophique intégrée — ce que c'est exactement, et la façon dont ça fonctionne. J'aimerais aussi qu'on m'en dise plus sur l'aquaculture au large. Est-ce qu'il s'en fait ailleurs dans le monde, et est-ce que ça présente des possibilités pour nous?
Mme Salmon : Je vais faire mes commentaires, puis je vais laisser la parole à M. Hancock.
En aquaculture multi-trophique intégrée, on a divers systèmes à l'intérieur d'une même pisciculture. Habituellement, on a des poissons à nageoires, des mollusques et crustacés, et des plantes. Selon le principe de base, les nutriments provenant de l'élevage de poissons à nageoires sont utilisés par les mollusques et crustacés, dont les résidus sont à leur tour utilisés par les plantes. Les bienfaits sont donc presque circulaires. L'effet sur l'environnement s'en trouve diminué, et cela permet l'intensification des espèces qu'il est possible d'élever dans une pisciculture.
On fait beaucoup de travail, au Nouveau-Brunswick, concernant l'AMTI. Il reste beaucoup à apprendre, et nous en sommes encore à la recherche et au développement, mais cela semble très intéressant.
M. Hancock : Je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela. Je dirais, cependant, que l'aquaculture multi-trophique intégrée est une manière de tirer profit de certains des produits qui découlent de l'élevage de poissons. Quand vous n'avez qu'un élevage de poissons, il y a bien des façons de l'envisager, mais il y a des résidus, et cela représente en réalité une partie importante de l'écosystème marin d'ensemble. Si vous n'avez pas un milieu contrôlé qui comporte la culture de mollusques et crustacés et d'algues à proximité, dont vous pourriez profiter, c'est la population environnante qui en profite. Il est question d'établir un écosystème équilibré. L'aquaculture multi-trophique, c'est la création de cet équilibre dans l'écosystème.
En ce qui concerne l'aquaculture au large, nous allons lentement dans cette direction. Comme vous pouvez très bien l'imaginer, l'exploitation en eau profonde présente des difficultés technologiques et techniques, mais je pense que les possibilités sont formidables.
Encore une fois, je regarde la côte atlantique et le Plateau néo-écossais que nous avons. C'est un gigantesque secteur dont les eaux ne sont pas très profondes, mais juste assez pour l'aquaculture au large. Je pense donc que le potentiel est excellent.
Mme Salmon : On en est encore à l'étape de la R-D, mais l'industrie progresse très rapidement. Je pense donc que la technologie sera là dans un proche avenir et que ce sera possible. Cela éliminerait une partie des problèmes liés au choix des emplacements, en plus.
La sénatrice Raine : J'ai une question supplémentaire. Pour établir une installation d'AMTI, est-ce qu'un exploitant serait obligé de se soumettre à trois régimes réglementaires différents?
M. Hancock : Cela comporte certainement des embûches. Je le sais.
Mme Salmon : La recherche vise en partie à déterminer la façon dont le système réglementaire fonctionnerait. Par exemple, les mollusques et crustacés sont soumis à certaines exigences relevant du Programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques. Cela n'a pas été envisagé, concernant l'AMTI. Les problèmes d'expansion sont bien présents.
Il est certain qu'il y a des problèmes d'ordre réglementaire, mais je pense qu'il en vaut la peine d'aller de l'avant et de déterminer comment cela fonctionne. Nous en sommes vraiment aux balbutiements.
La sénatrice Raine : Est-ce que d'autres pays le font en ce moment, et est-ce qu'ils ont trouvé comment réglementer cela?
Mme Salmon : En fait, nous sommes des chefs de file dans le domaine de l'AMTI.
M. Hancock : Ils s'adonnent à des formes d'AMTI en Chine depuis des centaines, sinon des milliers d'années. J'ai tendance à croire que ce n'est pas réglementé. Je ne sais pas s'il existe de bons exemples de pays développés, en ce qui concerne la réglementation.
Mme Salmon : Dans certains pays où il n'y a qu'un système fédéral, c'est un peu plus facile qu'au Canada. Il semble que nous sommes en train de résoudre cela, mais il y a des problèmes sur le plan de l'expansion.
La sénatrice Raine : Vous savez ce qui se produit en Colombie-Britannique, où il n'y a plus maintenant que le MPO qui réglemente l'aquaculture. L'effet sur le développement de l'aquaculture sur la côte Ouest est-il positif ou négatif?
Mme Salmon : C'est une grande question. Je dirais qu'on n'a toujours pas l'impression de pouvoir prendre de l'expansion. Les gens pensaient que ce serait plus simple si la province n'intervenait pas, et que les choses progresseraient plus facilement avec un seul organisme de réglementation, mais ce n'est pas le cas. Divers facteurs viennent compliquer les choses. Je dirais que l'industrie a effectivement accepté le nouveau régime de réglementation et qu'elle exécute le travail additionnel de contrôle et de diffusion d'information, mais qu'elle n'a pas encore constaté la possibilité de mettre en place les modifications et les nouveaux emplacements. Nous gardons espoir.
La sénatrice Raine : La province gère-t-elle toujours l'emplacement?
Mme Salmon : Absolument.
Le président : Quand on regarde la croissance à l'échelle du pays, on constate que Terre-Neuve-et-Labrador est un chef de file du développement de l'aquaculture. La réglementation dans cette province est-elle différente de celle des autres provinces? Selon vous, qu'est-ce qui contribue à cette croissance?
Mme Salmon : C'est une très bonne question. Dans une large mesure, cette province a pris la décision de développer l'aquaculture, et ce, de façon responsable.
M. Hancock : Je suis d'accord.
Mme Salmon : C'est une décision qui a été prise. Comme vous le savez, sénateur, plusieurs de ces collectivités n'existeraient plus, n'eût été de l'aquaculture. On a carrément offert une possibilité à des collectivités qui n'avaient plus rien devant elles. Les maires se réjouissent des investissements qui ont redonné vie à leurs collectivités. Tout découle d'un désir d'aller de l'avant et d'un appui.
Le président : D'un autre côté, une ferme aquacole a été mise en quarantaine il y a à peine quelques jours. Comme d'autres sénateurs, j'ai une petite idée de la procédure à suivre. Pour le bénéfice des sénateurs et des membres du comité, vous pourriez peut-être nous décrire le processus en place, à partir de la découverte du virus jusqu'à la mise en quarantaine.
Mme Salmon : La maladie dont il est question ici est l'AIS. On ne trouve pas cette maladie, par exemple, sur la côte du Pacifique. On est aux prises avec d'autres maladies. Lorsque l'AIS est décelée et que sa présence est confirmée par l'ACIA, le site est aussitôt mis en quarantaine. La maladie ne pose aucun risque pour la santé humaine, mais elle se transmet très rapidement d'un poisson à un autre. La biosécurité est essentielle. On met immédiatement le site en quarantaine et on contrôle tous les déplacements des poissons infectés et des personnes qui entrent et sortent du site.
M. Hancock : C'est la responsabilité de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et elle prend plus ou moins le contrôle du site.
Mme Salmon : Aussitôt que l'ACIA confirme la présence de la maladie, elle prend la situation en main et détermine les mesures à prendre pour limiter autant que possible le risque de propagation.
M. Hancock : On procède au cas par cas. Tout dépend de la maladie et de la virulence de la souche. C'est ainsi que l'ACIA établira les mesures qui s'imposent.
Le président : Quel serait le pourcentage des gens de l'industrie qui sont représentés par votre alliance partout au pays?
Mme Salmon : Entre 90 et 95 p. 100. Il y a des entreprises qui se joignent à notre association directement, mais il y a aussi des associations régionales, comme celle de M. Hancock, qui sont également membres. On parle donc de 90 ou 95 p. 100 de la production nationale.
Le président : Quelle est la participation des peuples autochtones à l'industrie aquacole?
Mme Salmon : Je n'ai le pas le chiffre pour tout le Canada. Comme je l'ai indiqué, les Premières Nations représentent 20 p. 100 de l'industrie salmonicole en Colombie-Britannique.
Monsieur Hancock, avez-vous une idée? Ce n'est probablement pas aussi élevé dans le Canada atlantique.
M. Hancock : Je ne dirais pas cela, mais il y a aussi l'Ontario.
Mme Salmon : On a conclu un très bon partenariat avec les Premières Nations, et elles mènent plusieurs opérations relatives à la truite arc-en-ciel.
Le président : Par ailleurs, selon vous, quels sont les trois priorités dont on devrait tenir compte dans une loi ou un règlement fédéral sur l'aquaculture en application d'une loi nationale?
Mme Salmon : Cela peut paraître presque trop simple, mais il y a le fait que nous ne sommes définis nulle part. Je pense que nous nous trouvons dans la Loi sur les banques. C'est assez révélateur. Les rôles et les responsabilités qui nous incombent ne sont pas définis. Comme le sénateur McInnis l'a dit, il y a beaucoup de confusion entourant les rôles de chacun ainsi que les critères et les normes que doit respecter l'industrie. Il faudra clarifier tous ces éléments. L'industrie n'a pas de cadre habilitant. Contrairement à nous, beaucoup d'autres industries de produits alimentaires reçoivent du soutien et ont une vision d'avenir. Il est important de jeter les bases d'une croissance à long terme. Le Canada doit reconnaître l'importance de notre industrie et élaborer une vision globale. Cela ne signifie pas que la réglementation ne doit pas être simplifiée ou améliorée; il faut d'abord accomplir ce travail qui n'a pas été fait et qui enverrait un message très important aux investisseurs.
M. Hancock : J'ignore la forme que cela pourrait prendre, mais ce que veut l'industrie, ayant moi-même travaillé dans l'industrie, c'est de la clarté et de la transparence, et cela revient à ce que disait le sénateur McInnis. C'est tout aussi déroutant pour le public que pour les gens de l'industrie. Nous voulons des échéanciers.
Mme Salmon : L'industrie a besoin de prévisibilité.
M. Hancock : Tout à fait. Nous avons perdu de vue les besoins des entreprises. Il faut d'abord avoir cette certitude. C'est dans l'intérêt de tous d'avoir un processus en place.
La façon dont on aborde les choses en Nouvelle-Écosse en ce moment, et peut-être qu'on est un peu lent à ce chapitre et je conviens que cela aurait pu être fait plus tôt, mais au terme d'un examen de la réglementation et des politiques, on a formé un comité qui va au-devant d'autres intervenants. Lorsqu'il est question de demandes de location précises, on est confronté à diverses situations : « Je n'en veux pas dans ma collectivité », « Je ne veux pas que ça gâche le panorama », ou encore « Je ne veux pas que ça affecte mon gagne-pain ». À ce stade, il est difficile d'avoir un dialogue constructif.
Tout d'abord, il faut définir clairement les lignes directrices, de concert avec les autres intervenants. Qu'êtes-vous prêts à accepter? Dans un monde idéal, si un promoteur présente un plan et règle ces problèmes, pourriez-vous vous en accommoder? Par la suite, nous avons besoin de l'appui du gouvernement. Il doit nous confirmer qu'il a établi un cadre pour assurer la croissance des entreprises, et qu'il devra y avoir une sacrée bonne raison — soit le promoteur n'a pas respecté ces obligations, soit il y a une question légitime — pour ne pas aller de l'avant. Nous avons besoin d'un engagement dès le départ dans la définition du cadre.
Mme Salmon : Avant que vous ne présentiez une demande.
M. Hancock : Absolument.
Mme Salmon : Vous comprenez donc les règles. Pour revenir à ce que vous disiez, sénateur, cela serait très utile.
Le président : À titre d'information, pour consultation future, pourriez-vous nous dire quels sont les pays, selon vous, qui ont une industrie aquacole prospère et dont nous pourrions nous inspirer?
Mme Salmon : La Norvège et l'Écosse connaissent une croissance rapide. Pour ce qui est des pratiques durables et novatrices, il suffit de regarder le Canada pour voir que nous excellons dans le domaine. N'empêche que nous sommes une industrie mondiale. Nous pouvons apprendre les uns des autres. Si la Norvège met en œuvre un programme de recherche et développement, par exemple, nos entreprises en seront informées.
Nous travaillons en étroite collaboration. Étant donné que nous sommes membres de l'International Salmon Farmers Association, nous sommes tous reliés et nous pouvons tirer des leçons. Je ne crois pas qu'on ait besoin de sortir du Canada pour observer des pratiques exemplaires, mais si je pense à des pays qui appuient une industrie en plein essor, je dirais la Norvège et l'Écosse.
M. Hancock : En outre, beaucoup d'autres pays d'Europe ont des industries bien établies qui ne connaissent pas nécessairement de croissance. Jusqu'à récemment, l'Espagne était le premier producteur mondial de mollusques et crustacés. La France a une industrie vieille de 800 ans. On retrouve de nombreux exemples en Europe. Honnêtement, le reste du monde a une avance sur nous; on y fait de l'aquaculture depuis longtemps et on a complètement adopté cette industrie. Par contre, au Canada, l'aquaculture, c'est tout nouveau et cela nous donne du fil à retordre.
La sénatrice Raine : En terminant, j'aimerais que vous me disiez comment l'aquaculture devrait être définie dans les lois fédérales.
Mme Salmon : J'opterais sans aucun doute pour la définition de la FAO, à savoir une activité agricole. C'est d'ailleurs une question problématique. Nous sommes visés par la Loi sur les pêches et nous travaillons en milieu aquatique. Les gens croient à tort que l'aquaculture, c'est comme la pêche, mais c'est plutôt comme l'agriculture. Ce serait ma recommandation.
Le sénateur McInnis : Si je puis me permettre, il est assez facile de distinguer l'exploitation aquacole de l'exploitation agricole, où il n'y a pas de cible mouvante, de courants ni d'action de chasse d'eau.
Mme Salmon : Absolument, c'est différent. Je ne voulais pas dire que ce n'était pas différent.
Les activités réelles d'ensemencement, d'entretien et de récolte sont les mêmes.
Le sénateur McInnis : Je suis d'accord.
Mme Salmon : L'agriculture et l'aquaculture sont différentes, mais les activités sont les mêmes.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je voudrais présenter mes excuses, car je croyais que le comité se réunissait à 17 heures, mais pas avant l'ajournement du Sénat. Lorsque je me suis informé pour savoir si le comité avait eu la permission de siéger même si le Sénat siégeait, on m'a dit non. J'étais en Chambre. Je comprends que vous avez eu la permission de siéger même si le Sénat siège, n'est-ce pas?
[Traduction]
Le président : Oui, nous l'avons obtenue la semaine dernière. Nous avions prévu que nos invités viendraient témoigner, alors nous avions obtenu la permission.
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'offre mes excuses à nos témoins. La prochaine fois, je lirai le dernier avis affiché sur mon iPad.
[Traduction]
Le président : Vos excuses sont acceptées dans les deux langues officielles ou plutôt dans les trois.
Je tiens à remercier les sénateurs ainsi que nos témoins. Cette séance a été intéressante et nous sommes impatients de poursuivre nos discussions sur le sujet.
(La séance est levée.)