Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 2 - Témoignages du 17 octobre 2011
OTTAWA, le lundi 17 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense s'est réuni aujourd'hui, à 16 h 4, pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense (sujet : Rapport sur la transformation 2011).
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs, bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Nous avons un ordre du jour très chargé aujourd'hui. Nous allons nous pencher sur plusieurs questions, dont la transformation, et nous allons examiner séparément la question des réserves et un programme qui a existé longtemps au Canada et qu'on tente de raviver, à savoir le Programme canadien de leadership. Il s'agissait autrefois du programme de formation des officiers offert dans les universités
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des personnes très haut placées qui nous aideront à examiner ces questions compliquées. Nous savons tous que l'heure est aux compressions. Tous les ministères se serrent la ceinture, y compris le ministère de la Défense nationale. Bien sûr, cela a une incidence sur les Forces canadiennes.
Nous recevons aujourd'hui des hauts fonctionnaires du côté militaire et du côté ministériel pour parler d'adaptation dans un contexte de compression et, en particulier, du rapport récent au sujet de la transformation rédigée par Andrew Leslie, lieutenant-général aujourd'hui à la retraite, afin de déterminer les aspects qui seront mis en œuvre, le cas échéant. Le général Leslie était ici il y a deux semaines, à l'occasion de notre dernière séance, pour exposer ses idées sur la façon de faire réaliser des économies au MDN et aux FC tout en maintenant et même en améliorant leur efficacité opérationnelle. Nous voulons savoir comment ces propos sont accueillis et quels sont les projets à l'interne.
Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons le vice-amiral Bruce Donaldson, vice-chef de l'état-major de la Défense. Nous sommes heureux de l'avoir avec nous. Matthew King est également parmi nous. Il est le sous- ministre délégué à la Défense. Nous accueillons également Kevin Lindsey, sous-ministre adjoint à la Défense et dirigeant principal des finances du MDN, responsable d'un budget de 21 milliards de dollars. Ce sont de gros chiffres dont nous allons parler aujourd'hui. Nous tenterons de garder nos autres questions au sujet des réserves pour notre deuxième groupe de témoins, et le vice-amiral a accepté de rester avec nous à cette fin.
Je vais demander à mes collègues de s'assurer que leurs questions sont ciblées, brèves, précises et directes et qu'ils poseront la question la plus importante en premier, parce qu'on risque de ne pas avoir le temps de faire un deuxième tour.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue au vice-amiral Bruce Donaldson. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire.
Vice-amiral Bruce Donaldson, vice-chef de l'état-major de la Défense, Défense nationale : Merci, madame la présidente. Permettez-moi de commencer en vous remerciant pour cette occasion de comparaître aujourd'hui et d'aborder la question de la transformation des Forces canadiennes. Je suis heureux d'être de retour auprès du comité et aussi d'avoir l'occasion de remercier le comité, au nom des Forces canadiennes, de son intérêt continu pour les grandes questions touchant la défense et de son soutien permanent pour les hommes et les femmes qui portent l'uniforme.
Pour gagner du temps et assurer l'efficacité, je ferai cet après-midi une déclaration préliminaire au nom de l'Équipe de la Défense, après quoi nous serons heureux de répondre individuellement à vos questions du mieux que nous le pouvons.
[Français]
Madame la présidente, nous vivons dans un monde qui évolue rapidement, où les menaces et défis en matière de sécurité sont de plus en plus complexes et imprévisibles. Comme nous l'avons appris, surtout au cours de la dernière année, nous ne pouvons pas prévoir où aura lieu la prochaine crise ou catastrophe naturelle. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada reconnaît l'importance de maintenir des forces armées modernes, compétentes et souples pour aider à protéger la sécurité et les intérêts des Canadiens.
[Traduction]
Au cours des 10 dernières années, le gouvernement a fait des investissements stratégiques dans les Forces canadiennes par le truchement de la Stratégie de défense Le Canada d'abord, qui a permis de bâtir une force souple, agile et robuste qui est à la fois très respectée par nos alliés et une source permanente de fierté pour la population canadienne. Nos opérations en Afghanistan ont été de loin notre engagement le plus important, le plus intense et le plus visible au cours de cette période. Les Forces canadiennes ont cependant soutenu simultanément de nombreuses autres opérations, tant au pays qu'à l'étranger. En fait, sur les six missions essentielles énoncées dans la Stratégie de défense Le Canada d'abord, les Forces canadiennes en exécutaient cinq simultanément à un moment donné en 2010. Nous menions de vraies opérations de combat en Afghanistan, nous réagissions à une crise humanitaire soudaine de grande ampleur en Haïti et nous appuyions la sécurité aux Jeux olympiques de Vancouver — ce qui supposait d'être prêts à intervenir en cas d'attaque terroriste — tout en continuant d'assurer des services de surveillance maritime et aérienne ainsi que de recherche et de sauvetage.
[Français]
Nous avons également été très occupés cette année. En Afghanistan, nous avons mené simultanément trois opérations importantes : la conclusion de nos opérations de combat sans perte de concentration ou d'intensité, tout en planifiant et en exécutant un effort logistique majeur visant à réduire notre présence dans la province de Kandahar, puis en lançant notre importante nouvelle opération de formation à Kaboul.
[Traduction]
Outre ces trois lignes d'opération, nous avons, comme vous le savez, assumé un rôle majeur aux côtés de nos alliés en assurant l'application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ayant pour objet de protéger la population civile en Libye, puis nous sommes intervenus lors d'inondations importantes et d'autres situations d'urgence ici au pays.
Une fois toutes ces opérations réunies, ce niveau d'activité soutenu a exercé des pressions énormes, et souvent imprévisibles, sur notre personnel, notre équipement, nos capacités logistiques et nos services de soutien. L'Équipe de la Défense, fortement intégrée, a travaillé sans relâche tout au long de cette période pour faire en sorte que les Forces canadiennes disposent des outils et du soutien dont elles ont besoin pour assurer la réussite opérationnelle. Des civils ont travaillé en étroite collaboration avec leurs collègues militaires en exécutant des tâches essentielles dans tous les secteurs, notamment en faisant l'acquisition de matériel de défense dont on a un urgent besoin, en assurant l'entretien et la maintenance des flottes et des parcs, en mettant au point des technologies de pointe, en fournissant des services de soins intensifs et de soutien aux membres des Forces canadiennes et à leur famille et en s'occupant de diverses autres tâches.
Une autre clé de notre réussite durant cette période éprouvante a été l'apport précieux de notre Force de réserve. Des réservistes se sont portés volontaires pour servir à temps plein, aussi bien dans les opérations courantes qu'en remplaçant les titulaires de postes de soutien importants, afin que les membres de la Force régulière puissent se déployer et que notre force puisse augmenter rapidement en effectifs pour répondre aux nouveaux besoins liés aux soins prodigués à nos militaires blessés et aux membres de leur famille. Les réservistes ont joué un rôle clé au cours des dernières années dans le maintien de la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes et dans leur succès. Il n'est donc pas étonnant que le nombre de réservistes travaillant à temps plein ait augmenté considérablement au cours de cette période, tout comme le nombre de fonctionnaires civils au service du ministère, et c'est la même chose pour notre budget consacré au personnel. Un élément venant s'ajouter à ces facteurs a été un recours accru aux services d'entrepreneurs qui ont assuré un excellent rapport qualité-prix durant cette période d'activité intense. En deux mots, nous avions besoin de ressources supplémentaires pour soutenir des projets d'approvisionnement complexes et des opérations cruciales qui étaient nécessaires à la réalisation de notre mandat.
[Français]
Toutefois, madame la présidente, de même que les besoins à court terme en matière de personnel étaient logiques et prévisibles, il était nécessaire de rajuster nos effectifs et, plus généralement, nos besoins en matière de ressources, alors que notre cadence opérationnelle a fini par diminuer.
Bien que les Forces canadiennes mènent toujours des opérations en Afghanistan, en Libye et ailleurs, nous reconnaissons que la fin des opérations de combat dans la province de Kandahar s'est traduite par une réduction de la demande pour des acquisitions urgentes et des services accrus de soutien de la mission. Notre défi, qui était de répondre à un besoin opérationnel immédiat, un défi auquel nous avons répondu avec succès, est maintenant d'adapter nos structures et nos processus à un nouveau contexte stratégique.
[Traduction]
Bien évidemment, les réalités économiques auxquelles le Canada est confronté sont une considération majeure dans ce nouveau contexte, mais elles ne constituent qu'un élément de la situation dans son ensemble. En composant avec les nouvelles pressions financières, nous devons continuer d'assurer la force de demain en veillant à la réalisation de la Stratégie de défense Le Canada d'abord, laquelle répondra aux besoins de la population canadienne au cours des années à venir. Cela nous oblige à intégrer les leçons retenues lors des opérations en Afghanistan et lors d'autres opérations récentes et de s'y adapter, en plus de prévoir et de chercher à acquérir les capacités qui seront nécessaires pour relever les défis futurs dans des domaines naissants comme la guerre spatiale et la cyberguerre. Il s'agit là de priorités difficiles à concilier avec la réalité opérationnelle, mais les chefs civils et militaires au sein de l'Équipe de la Défense les voient venir depuis longtemps et ont adopté diverses mesures en vue d'étudier soigneusement les prochaines étapes à suivre afin de mieux nous préparer pour l'avenir.
Ce processus a été lancé avec l'examen stratégique de 2009-2010, dans le cadre duquel nous avons cherché à recenser et à supprimer nos programmes à faible priorité et rendement en réponse au budget de 2010. Nous avons également examiné des façons de réduire considérablement le nombre de réservistes à temps plein et nous cherchons des moyens de revigorer la Force de réserve à temps partiel à l'appui de la mission essentielle des Forces canadiennes, plus particulièrement en ce qui concerne les opérations au pays, et j'ai hâte de poursuivre cette discussion durant la prochaine séance, madame la présidente.
Nous avons adopté une stratégie en vue de réduire l'effectif de sorte qu'il atteigne un niveau durable à long terme. Compte tenu de tous les travaux en cours, le sous-ministre et le chef d'état-major de la Défense ont mis sur pied l'Équipe de transformation des Forces canadiennes au printemps de 2010 pour nous aider à poursuivre sur notre lancée et à améliorer l'efficience. Il s'agissait d'un processus interne réunissant des civils et des militaires de l'ensemble du portefeuille de la Défense libérés des activités quotidiennes d'administration de la défense et ayant un mandat clair : réunir les différents milieux exerçant une influence sur la transformation; poser les questions difficiles et examiner de nouvelles façons de faire novatrices; nous aider à définir des moyens d'accroître notre efficacité et notre efficience opérationnelles afin de réinvestir dans la force de demain.
À cet égard, le travail de notre Équipe de transformation a connu un énorme succès. Elle a produit le genre de recommandations fécondes et instructives que nous recherchions : certaines confirment le chemin que nous empruntions déjà. Il y en a qui sont sensées et que nous proposons de mettre en œuvre. D'autres encore, comme nous nous y attendions, sont très ambitieuses et exigent un examen approfondi avant que nous puissions déterminer si elles sont dans notre intérêt ou pas.
[Français]
En reprenant les contributions de l'Équipe de transformation et de diverses analyses venant de l'ensemble du ministère, nous avons élaboré un certain nombre d'options pour mieux positionner les forces canadiennes pour les dix prochaines années et les années ultérieures.
Comme ces options sont actuellement étudiées par le gouvernement, M. King et moi sommes actuellement limités dans ce que nous pouvons dire au sujet de la voie à suivre.
Ce que je peux dire, cependant, c'est que le travail de l'équipe de transformation a été extrêmement utile, alors que nous continuons de nous adapter à l'évolution du contexte stratégique.
[Traduction]
Je vais conclure en rappelant que nous tous ici aujourd'hui, de même que tous les membres de l'Équipe de la Défense, aussi bien les militaires que les civils, prenons très au sérieux notre travail et nos responsabilités en matière de gestion des ressources publiques. Permettez-moi de vous rassurer : nous comprenons parfaitement que nous avons la responsabilité de soutenir le gouvernement dans ses efforts visant à protéger non seulement la sécurité physique de ses citoyens, mais également leur sécurité économique. Ensemble, nous travaillons à faire en sorte que les Forces canadiennes continuent d'offrir le même niveau d'excellence opérationnelle dans l'avenir qu'au cours des dix dernières années, dans le cadre d'une structure abordable et viable.
J'ai une confiance sans bornes à l'égard des militaires et des civils qui constituent l'Équipe de la Défense et j'estime que c'est un privilège de diriger cet incroyable groupe de professionnels dévoués.
Je vous remercie de nous avoir invités à venir vous rencontrer, et je serais heureux de répondre maintenant à vos questions.
La présidente : Merci. Permettez-moi de récapituler, car je sais qu'il s'agit d'un sujet compliqué pour le comité.
Le processus de transformation est en cours, et on met à contribution des rapports comme celui du général Leslie, entre autres. Vous avez l'examen stratégique, qui visait la période 2009-2010. Ces choses sont-elles sur le point d'être mises en œuvre?
Vice-amiral Donaldson : Oui, nous sommes en train de synchroniser la mise en œuvre des dessaisissements prévus ici, mais nous ne sommes pas encore autorisés à en parler en détail.
La présidente : D'accord. Alors, d'une part, vous avez le plan d'action pour la réduction du déficit, qui touche l'ensemble du gouvernement à l'heure actuelle, et, d'autre part, il y a un examen administratif, si je comprends bien. Ces quatre choses fonctionnent simultanément dans la catégorie de la « transformation ». Est-il juste de le dire comme ça?
Vice-amiral Donaldson : Selon moi, aucun élément ne peut être compris de façon isolée. Lorsque nous parlons de transformation, ce que nous entendons réellement par cela — à tout le moins au MDN et dans les Forces canadiennes —, c'est la réorientation continue des Forces et du ministère qui les soutient en fonction des exigences de demain.
Ce genre de transformation globale a vu le jour sous le commandement du général Hillier, il y a longtemps, et a vraiment commencé par l'impact opérationnel. Nous avons commencé là parce que nous savions que nous étions sur le point d'entrer dans une phase particulièrement chargée pour les Forces canadiennes et une période à risque élevé pour le gouvernement du Canada, de 2009 à 2011. Nous voulions nous assurer d'être le mieux placés possible pour contribuer à l'impact opérationnel et à la conduite des opérations des Forces canadiennes, alors nous avons mis sur pied les commandements opérationnels.
Vous avez entendu le général Hillier vous dire comment et pourquoi il fait cela. C'était toujours dans le but d'entreprendre de nouvelles rondes de transformation afin que nous puissions faire des choses comme examiner les façons d'aligner la mise sur pied des forces et le développement des forces de demain sur le nouveau modèle d'emploi et d'aligner les méthodes du ministère de la Défense nationale sur ce nouveau modèle d'emploi. Je ne voudrais pas dire que nous en profitons, parce que c'est maladroit, mais nous sommes encouragés à continuer cela maintenant, à mesure que nous nous attaquons à certains de ces problèmes, et à tirer avantage des occasions que nous offre un changement d'orientation budgétaire.
Nous devons trouver le moyen de nous offrir la force de demain, de l'orienter en fonction de ce que nous avons appris au fil de nos opérations et des nouveaux domaines que nous étudions, comme la guerre spatiale et la cyberguerre, et de nous assurer de dépenser chaque dollar comme le veut le gouvernement.
La présidente : Nous allons tenter de revenir à cette question touchant la façon de planifier la transformation. Actuellement, vous n'êtes pas certain de la nature de la mission et vous partez de l'Afghanistan pour aller en Libye.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Messieurs, bienvenue. Je vais essayer de rester autant que possible au niveau stratégique de la génération de force d'acquisition de matériel, du support et de la nature stratégique de vos rôles dans l'évolution des forces armées.
[Traduction]
Je n'ai pas réussi à trouver précisément le rôle de M. King en tant que sous-ministre délégué sans portefeuille et ce que vous faites précisément dans le cadre de cet exercice.
Monsieur Lindsey, en votre qualité de DPF — ou de sous-ministre adjoint, peu importe — êtes-vous actif dans la gestion des ressources financières et la responsabilisation à cet égard en plus de la gestion du programme? Ou ces responsabilités sont-elles toujours attribuées à d'autres secteurs, auxquels vous êtes comptable, du fait de votre appartenance à la même organisation?
Matthew King, sous-ministre délégué, Défense nationale : Je suis le sous-ministre délégué, ce qui signifie également que j'ai été nommé par décret. Il s'agit d'un concept organisationnel qui est devenu courant au cours des six ou sept dernières années. Nous avons un sous-ministre de la Défense nationale, Robert Fonberg, et je fais essentiellement office de commandant en second. Chaque sous-ministre adjoint et chaque sous-ministre délégué a sa propre façon de collaborer. M. Fonberg et moi — bien que j'occupe mon poste seulement depuis un an à compter d'hier — nous nous dirigeons vers une formule « deux pour un », où, essentiellement, nous jouons tous les deux un seul rôle. Nous avons tendance à prêter chacun autant attention à chaque dossier. Il y a peut-être un ou deux gros achats, par exemple, qui prennent plus de mon temps que du sien, mais, en général, nous essayons de fonctionner selon une formule « deux pour un ».
Une fois, le vice-chef et moi — seulement pour vous donner un exemple concret — avons été appelés à diriger le processus, l'été dernier, en ce qui concerne le plan d'action pour la réduction du déficit. Le vice-chef et moi avons constitué une équipe et avons examiné toutes sortes de données, dont celles tirées du rapport sur la transformation, et nous avons commencé à concevoir à l'intention des ministres une proposition montrant à quoi ressemblerait une réduction budgétaire de 5 ou 10 p. 100. J'espère que cela vous aide un peu.
Kevin Lindsey, sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Défense nationale : Je vais commencer par répondre à la deuxième partie de la question.
En ce qui concerne la gestion du programme, c'est surtout le rôle du vice-chef, dans le cadre de ses fonctions, qui est responsable de l'exécution du programme de la Défense. Il le fait grâce à un certain nombre de leviers, surtout, à mon avis, par l'intermédiaire du conseil de gestion du programme, qu'il préside. J'assiste aux réunions et mon personnel offre un soutien à cet organe, mais la responsabilité à l'égard du Programme des services de la Défense est surtout du ressort du vice-chef.
Quant à la gestion financière, j'ai des responsabilités liées à la gestion financière globale du ministère; toutefois, quand vient le temps de répartir les ressources en vue de soutenir le Programme des services de la Défense et de la planification des activités, le vice-chef et moi, par l'entremise du chef de programme, sommes unis par un lien très important; nous ne fonctionnons pas indépendamment.
Le sénateur Dallaire : Ma question se rattache à la transformation et à certains des objectifs énoncés et certaines des recommandations ayant une incidence importante sur vos rôles et, comme vous venez de le mentionner, au travail récent touchant la transformation, où le vice-chef et vous êtes, en quelque sorte, interdépendants, parce que, pour moi, le vice-chef a toujours en quelque sorte été le chef d'état-major qui présidait tous les volets du ministère qui regroupe les Forces canadiennes et la Défense nationale depuis 1972.
Votre rôle a-t-il changé, dans la mesure où cette responsabilité n'est plus — à première vue — de votre ressort?
Vice-amiral Donaldson : La Loi fédérale sur la responsabilité nous oblige à préciser comment nous gérons les questions qui relèvent du sous-ministre. Nous avons pris quelques mesures pour nous assurer que nous le faisons conformément aux exigences. Le gouvernement du Canada a accepté il y a longtemps le modèle du DPF, qui prévoit une façon de diriger le ministère qui est différente de celle que nous préconisions autrefois. Par conséquent, nous avons pris certaines mesures pour éclaircir les voies redditionnelles, mais nous avons maintenu la coordination globale du programme et chargé le vice-chef d'une fonction analogue à celle d'un chef d'état-major. Je dirais que nous procédons à une autoévaluation dans ce secteur à mesure que nous traversons cette période de transformation.
Comme le ministère s'adapte à un renouvellement de l'orientation des Forces canadiennes, c'est là le type de questions que nous devons nous poser et auxquelles nous devons répondre.
Le sénateur Dallaire : C'est pourquoi j'aimerais demeurer au niveau stratégique. Le général Leslie a fait remarquer, dans le cadre de ses recommandations relatives à la transformation, que ce domaine n'est pas particulièrement évident — par comparaison à ce qu'il a peut-être été par le passé —, parce que la responsabilisation a occasionné des changements qui sèment peut-être la confusion chez les personnes responsables de la mise sur pied des forces et de l'emploi des forces.
Les tenants de la transformation avancent que nous pouvons être plus efficaces et efficients, entre autres choses, et proposent une série de recommandations. Pour citer un exemple de l'an dernier, comment, sous l'ancien régime, avant cette transformation — et la transformation va-t-elle changer cela — le ministère renonce-t-il à quelque chose comme 1,5 milliard de dollars? Ce chiffre est-il approprié? Je ne compte pas le report de 3 p. 100. Comment pourrait-on faire cela dans le cadre d'un plan d'activité — avoir ce pourcentage et cette capacité et ne pas commencer de transformation?
Nous savons qu'il n'y a plus de transfert du crédit 5 au crédit 1, ce qui est complètement différent de ce qui se faisait avant. Où le processus organisationnel a-t-il déplacé la capacité de générer les résultats que les responsables de la mise sur pied des forces et de leur utilisation ont besoin d'obtenir plus rapidement ainsi que toutes les ressources qui leur sont accordées?
Vice-amiral Donaldson : Eh bien, sénateur, votre question est compliquée, mais je vais tenter d'y répondre brièvement.
Tout d'abord, je crois que vous avez affirmé que les activités de mise sur pied des forces et d'emploi des forces sont plus confuses dans cet environnement. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je crois que les responsables ont une orientation claire et savent ce qu'ils doivent faire pour produire les effets escomptés et mettre sur pied des forces. Il n'y a aucune confusion sur ce front.
Je dirais que, à mon avis, vos commentaires sont le résultat de la description du général Leslie concernant la façon dont le ministère a été dirigé et la non-utilisation des crédits. Avec le respect que je vous dois, je crois que l'interprétation du général Leslie et les faits attestés sont peut-être différents. Si nous regardons réellement ce qui est survenu au ministère durant la période dont il parle, nous ne conviendrons pas nécessairement de la définition de « fonds périmés ». Je crois que les faits attestés sont justes. Je vais laisser à mes collègues le soin d'approfondir, si cela vous intéresse.
Toutefois, je dirais que nous faisons face à une difficulté. Nous faisons face à des difficultés liées à la capacité à mesure que nous allons de l'avant. Je crois qu'il faut convenir que l'énorme augmentation du budget au cours des dernières années — et nous avons observé une augmentation équivalente de la nécessité de produire des résultats avec le Programme des services de la Défense — s'est accompagnée d'éléments coûteux. Il y a également eu énormément de réinvestissement dans l'approvisionnement national et d'autres produits livrables nécessaires qui ont exercé des pressions massives sur l'organisation. Au fil de la transformation, nous devons nous pencher sur notre capacité et déterminer comment nous obtenons des résultats à cet égard pour l'avenir. J'espère que cela répond à votre question.
M. Lindsey : J'aimerais seulement appuyer l'affirmation du vice-chef selon laquelle le ministère a en fait des antécédents remarquables pour ce qui est d'utiliser tous les fonds. Cette affirmation est soutenue par les données financières dans l'un des appendices du rapport du général Leslie.
Les comptes publics seront déposés la semaine prochaine, et nous devons respecter cette date de dépôt. Je dirais avec confiance que le chiffre de 1,5 milliard de dollars attribué au dernier exercice est très exagéré.
Le sénateur Nolin : Merci, amiral, d'avoir accepté notre invitation. Je vais essayer de poser ma question brièvement.
Quelles sont les principales difficultés que devront surmonter le MDN et les FC dans les dix prochaines années, et dans quelle mesure le rapport que vient de publier le général Leslie aidera-t-il? Comment ces recommandations aideront-elles à surmonter ces difficultés?
Vice-amiral Donaldson : À mon avis, la principale difficulté que nous observons, lorsque nous regardons vers l'avenir, consiste à réussir à se doter d'une force abordable et capable, surtout en ce qui concerne certains des grands programmes d'équipement qui sont toujours en cours. Nous devons prendre la bonne direction pour produire la force de demain et nous devons nous assurer que nous dépensons les fonds qui nous ont été octroyés de façon à contribuer le plus possible à la réalisation de cette force de demain.
En même temps, comme le chef d'état-major de la Défense a vite fait de le signaler, nous avons deux autres priorités. Premièrement, il faut maintenir l'excellence aujourd'hui. Comme nous l'avons démontré en Libye, il faut réagir assez rapidement et, parfois, dans des domaines où nous n'avons pas été actifs depuis une période allant jusqu'à 10 ans. Ce n'est pas une raison pour ne pas réagir. Nous devons être prêts à réagir et à faire ce que les Forces canadiennes doivent faire pour les Canadiens.
Nous devons aussi prendre soin de nos gens, en particulier nos blessés et nos malades ainsi que les familles de nos soldats morts au combat. L'histoire de notre mission de combat en Afghanistan n'est pas terminée, et elle se poursuivra peut-être pendant des décennies. Nous devons nous assurer que nous investissons dans ces secteurs clés.
Nous qualifions l'ouvrage du général Leslie de rapport parce que nous lui avons demandé un coup d'œil ponctuel relatif au processus de transformation qui se poursuit et qui se poursuivra pendant plusieurs années. Toutefois, il a enlevé un certain nombre de secteurs — comme nous lui avons demandé de le faire —, où nous pourrions nous réinvestir afin de réussir à produire ces forces de demain. Il a formulé des suggestions sur les remaniements possibles qui permettraient d'accroître la cohérence liée à la production des forces d'aujourd'hui et des effets opérationnels d'aujourd'hui ainsi qu'à la mise sur pied des forces dont nous avons besoin pour poursuivre le processus.
Je dirais aussi — comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire — que nous avons demandé au général Leslie de sortir des sentiers battus. Nous lui avons dit de prendre une feuille de papier et de déterminer — en admettant qu'on puisse faire tout ce qu'on veut — comment réorienter les choses de façon à nous donner plus d'options qui contribueront à l'obtention de résultats dans l'avenir. Il a fait un excellent travail. Son équipe a fait des dépenses, mais elle est de retour dans mon organisation et met en œuvre beaucoup de choses qui figuraient dans le rapport.
Elle prend aussi toutes les idées — les modèles — à l'origine de ces recommandations et les applique à mesure que nous avançons, afin que nous profitions pleinement du génie à l'origine des concepts organisationnels proposés par le général Leslie dans son rapport.
Je crois que cela s'est avéré très utile et nous a aidés à orienter notre équipe de développement des forces. Nous continuons d'examiner la structure de commandement et de contrôle des Forces canadiennes et la transformation à mesure que nous cheminons. Nous continuons de parler de la structure ministérielle qui l'appuiera. Nous continuons de parler de la forme que devrait prendre le quartier général de la Défense nationale. Nous continuons de parler d'autres solutions pour créer un espace d'investissement pour les forces de demain à mesure que nous allons de l'avant.
Tout cela s'inscrit dans les considérations relatives au plan d'action pour la réduction du déficit. Ce que nous pouvons aborder en détail aujourd'hui, ce que nous pouvons approfondir est limité, parce que beaucoup de choses ont été présentées au Cabinet à des fins de décision.
Le sénateur Nolin : Il y a un volet important en ce qui concerne les réserves dans le rapport, et nous l'aborderons durant la deuxième heure de notre réunion.
Je présume que vous ne souscrivez pas aux commentaires formulés par le général Hillier en septembre. Il aurait dit que, si on mettait en œuvre le rapport tel quel, il pourrait détruire les forces armées. Êtes-vous d'accord avec lui?
Vice-amiral Donaldson : Premièrement, je tiens à dire que je connais le général Hillier et que j'ai collaboré très étroitement avec lui. J'ai énormément de respect pour le général Hillier et pour le général Leslie. Je sais que les deux ont déjà été en désaccord ou ont semblé être en désaccord sur cette question. Je dirais que ce sont des hommes assez catégoriques — tous les deux — et qu'ils ont souvent pris des positions diamétralement opposées sur une question donnée. Je m'avancerais à dire que le rapport sur la transformation n'a jamais été conçu pour être mis en œuvre exactement tel quel. Ce n'est pas ce que nous avons demandé. Nous avons demandé des idées.
Le général Leslie reconnaît qu'il y a certaines idées là-dedans qui doivent être soigneusement étudiées. Ce n'est pas seulement une question de faisabilité; elles touchent parfois la culture des Forces canadiennes, la composition future de la force et la création d'une armée, d'une force navale et d'une force aérienne solides au sein des Forces canadiennes.
Je crois que le général Hillier voyait probablement le rapport ainsi; c'est-à-dire que, si nous prenions simplement le tout et le mettions en œuvre en bloc, nous minerions de nombreux autres aspects qui assurent la cohésion des Forces canadiennes d'aujourd'hui.
Cela étant dit, je crois que le général Leslie n'avait aucune intention de fragiliser les Forces canadiennes, qu'il cherchait plutôt des façons novatrices de faire avancer les Forces canadiennes vers l'avenir, et toute chose doit évoluer. Je vois les deux côtés de la médaille, et je ne juge pas particulièrement utile de prendre une position ou une autre.
Je tiens à dire qu'il y a des idées dans le rapport sur la transformation qui reflètent l'orientation que nous avons demandé à l'équipe de suivre, c'est-à-dire : comment pourrait-on faire cela en déboursant moins? Comment pourrait- on libérer des gens et des ressources pour investir en nous-mêmes? Nous lui avons demandé de mettre cela à la tête de ses priorités.
Certaines personnes estiment peut-être, si on examine le Parlement, qu'on pourrait restructurer le Parlement pour qu'il soit plus efficace et plus rentable.
La présidente : Lorsque vous aurez terminé avec le MDN, vous pourrez venir faire la même chose au Sénat. Le processus est entamé.
Vice-amiral Donaldson : Ce que j'essaie de dire, c'est que la structure du Parlement va au-delà de l'efficience et de la rentabilité et se rattache à ce que nous essayons de créer. C'est lorsque l'on tente de concilier cela avec l'orientation de l'équipe du général Leslie qu'il faut prendre garde de bien comprendre certaines des autres répercussions qu'auraient ces mesures de transformation.
À l'heure actuelle, nous avons mis en œuvre environ le tiers des recommandations du rapport; nous nous attaquons à un autre tiers de ces recommandations, ou nous les avons proposées; et nous examinons l'autre tiers. C'est là que nous en sommes avec le rapport.
Le sénateur Lang : J'aimerais approfondir un peu, de façon générale, le sujet des forces de demain. Nous avons parlé de la transformation et d'une réduction du financement des forces armées visant à remplir le nouveau rôle tel que nous le concevons, car nous allons finir par nous retirer des deux théâtres.
J'aimerais savoir comment vous percevez les forces de demain. Percevez-vous leurs opérations de la même façon qu'aujourd'hui ou verrons-nous d'importantes différences à la suite de la restructuration, du point de vue des opérations au cours des trois ou quatre prochaines années, à mesure que nous faisons face à différentes menaces et différentes technologies et compte tenu de toutes les responsabilités connexes?
C'est là qu'il faut être agile — c'est le mot juste, je crois — pour être en mesure de lutter contre les forces nouvelles et imprévues qui pourraient se faire jour. Cela fait peut-être partie de la discussion qui devrait avoir lieu. Il est question non pas de transformation, mais de ce à quoi nous ressemblerons lorsque tout cela sera fini.
Vice-amiral Donaldson : Merci de votre question. Premièrement, au chapitre de la réduction des ressources, nous nous en tirons assez bien. On nous a demandé de ralentir la croissance par rapport à ce qui avait été prévu. Comme nous menons d'année en année nos activités en fonction du budget de la Défense, on a beaucoup réfléchi à la façon dont nous composerons avec les contraintes financières liées à un budget futur réduit, même s'il est de loin supérieur à celui que nous avions avant.
Par conséquent, lorsque nous parlons de l'argent retiré à la Défense, je prends garde lorsque je me trouve à proximité de mes prédécesseurs, en ma qualité de vice-chef, car, lorsque je me plains au sujet de l'argent, ils se mettent en colère. Il est question d'utiliser l'argent que nous avons de façon optimale et de s'assurer que, à l'interne, nous l'affectons à des choses prioritaires, que nous n'oublions pas de veiller à la réalisation des forces de demain et que nous n'hypothéquons pas l'avenir des forces avec nos décisions relatives aux dépenses quotidiennes au sein des forces. Essentiellement, nous devons mettre de l'ordre dans nos priorités.
Au cours des trois ou quatre prochaines années, selon moi, nous garderons essentiellement la même forme. Il n'y a pas de changements radicaux prévus sur le plan des opérations des Forces canadiennes.
Je suis fier de l'agilité que nous avons aujourd'hui. Lorsque nous nous préparions aux Jeux olympiques et que nous combattions en Afghanistan, nous avions organisé les Forces canadiennes pour qu'elles puissent traverser une période où la majeure partie du personnel se consacre — simultanément — à une activité quelconque qui avait un lien avec les objectifs opérationnels : la préparation au déploiement en Afghanistan — et une grosse équipe avait été déployée en Californie — en Afghanistan, le soutien de la mission en Afghanistan, après une rotation récente; le recrutement d'un effectif de soutien de sécurité pour les Jeux olympiques sur la côte Ouest du Canada — de l'ordre d'environ 4 000 personnes; ou la réorientation des forces prêtes à l'action advenant un imprévu durant cette période qui a présenté pour nous un énorme défi, car nous devions être prêts pour tous les événements qui nous attendaient.
Ensuite, il y a eu Haïti. En deux jours, nous avons mobilisé 2 000 soldats et deux navires, car le besoin était là. Nous avons mis sur pied, orienté et déployé ces forces afin de fournir du soutien à ce pays. Ça, c'est de l'agilité.
Nous avons pu intervenir en Libye, sans compromettre la continuité des opérations de combat en Afghanistan et malgré la préparation du plus gros redéploiement des Forces canadiennes — principalement l'Armée de terre — pour les rapatrier au Canada, depuis la fin de la guerre de Corée. Les événements sont survenus, et nous avons réagi. Nous étions là, pas seulement avec des aéronefs, mais aussi avec des navires, des capacités de commandement et de contrôle et tout ce que le gouvernement nous a demandé de fournir.
Dans les trois ou quatre prochaines années, je ne crois pas que cela va changer. Je suis très fier de l'agilité que nous avons aujourd'hui.
Or, le coût de la vie aura augmenté dans 20 ou 30 ans. Le coût de l'entretien de l'équipement et le coût de l'approvisionnement, dans une industrie de la défense qui enregistre un taux d'inflation d'environ 7 p. 100, seront problématiques dans environ 10 ou 15 ans.
Ainsi, nous devons nous assurer que nous avons sélectionné, orienté et préparé une force canadienne qui a l'agilité que nous possédons aujourd'hui, mais dont la taille n'entraînera pas d'investissements qui se feront au détriment de la force de demain. C'est là le type de travail de transformation que nous examinons à l'heure actuelle, en parallèle avec toutes les autres choses qui se passent.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?
Le sénateur Lang : Oui, dans une certaine mesure. Il est difficile de voir l'avenir dans une boule de cristal et de voir où nous irons, de concert avec nos alliés, pour combler nos besoins dans 10 ans, surtout dans le secteur de la technologie — le coût de la technologie —, et de déterminer si nous serons financièrement capables d'assumer ces obligations.
J'aimerais passer au Rapport sur la transformation, que vous avez mentionné plus tôt. Vous avez signalé qu'environ le tiers des recommandations avait été mis en œuvre, qu'un autre tiers faisait l'objet d'un examen à des fins de mise en œuvre et que le dernier tiers était toujours à l'étape de l'examen.
J'avais cru comprendre que ce document particulier — ou ce plan, serait soumis à l'approbation du Cabinet avant d'être mis en œuvre. De toute évidence, il y a quelque chose qui m'échappe par rapport au processus. Qu'est-ce qui va au Cabinet, plutôt que le Rapport sur la transformation?
Vice-amiral Donaldson : L'Équipe de transformation était une équipe interne qui cherchait des façons internes de créer de la flexibilité, de nous réinvestir et de nous réorienter. Un certain nombre des mesures proposées dans le rapport exigent une décision de notre ministre; un certain nombre d'entre elles doivent être soumises au Cabinet; et un certain nombre d'entre elles représentent les économies que nous pouvons proposer dans le cadre de la décision à prendre par rapport au plan d'action pour la réduction du déficit. De toute évidence, cela doit être soumis au Cabinet et fera l'objet d'un examen.
Certaines de ces choses relèvent clairement de la compétence du ministère. Je ne veux pas attendre un an avant de faire des choses que nous devrions être en train de faire. Certains des travaux de l'Équipe de transformation se rattachaient à des travaux déjà en cours avant la mise sur pied de l'Équipe de transformation, mais il était sensé pour moi d'attribuer ces tâches à l'Équipe de transformation pour que nous puissions adopter une approche cohérente à l'égard de tous les changements que nous proposions à mesure que nous avancions. Nous sommes déjà à l'étape de la mise en œuvre dans quelques secteurs.
La présidente : Nous devons faire vite ici, parce que la liste des témoins est longue.
Le sénateur Lang : Pourriez-vous nous préciser l'échéancier pour les dernières décisions relatives à ce rapport ou à d'éventuels rapports connexes?
Vice-amiral Donaldson : Encore une fois, pour ce qui est de prendre une décision finale relativement au rapport, il n'a jamais été question de prendre une décision à l'égard de l'ensemble du rapport. Il y a toute une série de recommandations, et les décisions relatives aux recommandations surviendront à différents moments. Celles liées aux options relatives au plan d'action pour la réduction du déficit feront l'objet d'une décision du Cabinet qui sera annoncée dans le prochain budget.
Le sénateur Plett : J'ai trois questions brèves, et je vais les poser toutes les trois avant que vous répondiez.
Le général Leslie a mentionné qu'il y avait eu une augmentation importante du personnel de direction — les SMA, les DG, les EX-3, les EX-4 et les EX-5 — au Quartier général de la Défense nationale de 2004 à 2010. Quel est la justification ou le raisonnement qui sous-tend cette croissance? Par exemple, dans quel secteur a-t-on observé la plus grande croissance, et pourquoi? Pouvez-vous expliquer de façon générale ce qui a stimulé la croissance dans le secteur civil?
Enfin, voici un extrait du témoignage du général Leslie devant le Sénat :
[...] nous croyons qu'il faudrait réduire assez sensiblement le nombre de quartiers généraux pour libérer du personnel extrêmement précieux — membres de la Force régulière et fonctionnaires...
Si le ministère devait mettre en œuvre cette recommandation du général Leslie, quel rôle croyez-vous que joueraient ces fonctionnaires dans l'avenir?
Vice-amiral Donaldson : Le général Leslie emploie une langue très colorée. Puis-je donner la parole à mon collègue, M. King?
M. King : Je vais commencer par parler de la croissance du secteur civil, puis je vais passer à la croissance du groupe de la direction.
Premièrement, je crois que le vice-amiral Donaldson a signalé que, durant la période de 2004 à 2010 visée par l'examen du général Leslie et de son équipe, il y a eu une croissance d'environ 30 p. 100 du secteur civil du MDN et des FC. Je crois que le général Leslie a parlé de 8 000 personnes; c'est probablement un peu moins, mais pas assez pour pinailler, alors je vais utiliser ce chiffre pour l'instant.
Question de vous situer dans le contexte, des 28 000 fonctionnaires qui travaillent au sein de cette organisation, 64 p. 100 relèvent du commandement militaire; de ce nombre, 70 p. 100 travaillent à l'extérieur d'Ottawa, dans les escadres et les bases. Ces gens offrent un soutien direct à nos forces ou participent aux nombreuses activités de préparation qui ont lieu chaque jour d'un océan à l'autre. Ce ratio est le même depuis 2004, alors, des 8 000 nouveaux fonctionnaires qui se sont joints au ministère sur cette période de neuf ans, si je ne me trompe pas, 70 p. 100 sont allés dans les régions, et 30 p. 100 sont ici au quartier général.
Je pourrais vous donner quelques brèves raisons pour cette croissance. Une augmentation budgétaire de 51 p. 100 sur cette période, à mes yeux, suppose l'embauche de nouvelles personnes pour gérer ces ressources. Nous avons observé un rythme des opérations constamment élevé durant cette période. Je crois que, selon les chiffres que nous avons, 50 000 soldats de la Force régulière étaient en Afghanistan, en revenaient ou s'apprêtaient à y aller ou à y retourner. Compte tenu de cette concentration des efforts, des fonctionnaires étaient souvent appelés à remplacer des membres des FC qui occupaient un poste dans un environnement au rythme plus lent. Des réservistes à temps plein étaient appelés à remplacer ainsi qu'à prêter main-forte aux entrepreneurs qui faisaient d'importants travaux pour nous. Sur cette période, les FC ont été restructurées de façon fondamentale, sous le général Hillier, et on a créé quatre autres commandements. Cet exercice a également accaparé un bon nombre de fonctionnaires.
Tout cela pour dire que, à mesure que nous construisons, surtout depuis 2006, il a toujours été entendu que, lorsque le rythme ralentirait, les ressources affectées aux tâches de soutien des efforts déployés seraient adaptées à l'avenant. De toute évidence, nous sommes actuellement dans une telle période. Je lance ces quelques points sur la nature de la croissance.
Quant à la croissance du groupe de la direction de 2004 à 2010, le général Leslie a déclaré dans son rapport que nous sommes passés de 101 EX à 160 EX en 2010. Les EX, dans le contexte civil, commencent à l'échelon des directeurs et vont jusqu'aux directeurs généraux et aux sous-ministres adjoints et leurs supérieurs. J'avancerais que certains des facteurs que je viens d'énumérer sont à la base de la croissance du secteur civil, à savoir l'augmentation du budget, les efforts de remplacement que nous avons déployés et ce genre de choses.
Il y a quelques facteurs importants à prendre en considération lorsque l'on regarde l'ensemble du groupe de la direction au MDN. Nous avons augmenté de — je ne sais quoi — 40 ou 51 p. 100 par rapport à 2004. Même avec cette augmentation, la proportion d'EX par rapport aux non-EX au ministère était de un pour 195. Si vous ajoutez les lieutenants-colonels et les colonels — qui, selon vos calculs, peuvent appartenir aux EX-1 ou aux EX moins 1 —, la proportion passe à 1 pour 150. Si vous regardez la tendance générale au sein de l'administration publique centrale — c'est- à-dire, la moyenne à l'échelle des ministères —, ce ratio est de 1 pour 39. Même si nous en avons ajouté un bon nombre sur cette période de 10 ans — encore une fois, en partie en raison de l'accélération du rythme opérationnel, en partie en raison de l'importante augmentation du budget —, nous savons que nous nous situons toujours bien en deçà de la moyenne pour l'ensemble du secteur public. J'espère que cela répond un peu à votre question.
Le sénateur Plett : Cela répond à la question, oui.
Vice-amiral Donaldson : Vous avez posé une question au sujet de la réduction éventuelle des postes de commandement et de leurs effectifs. Selon le poste de commandement, il ne s'agit pas toujours d'un grand nombre de personnes. Toutefois, nous savons qu'il faudra pourvoir un certain nombre de postes dans les Forces canadiennes en raison du nouvel équipement et de la nouvelle organisation. Mon équipe tente de déterminer d'où proviendront ces gens. Ils proviendront de secteurs où des activités seront interrompues. Les réductions touchent les postes de commandement et le nombre de personnes affectées aux postes de commandement, bien que le rapport ne soit pas direct, procureraient une souplesse accrue pour ce qui est d'affecter des gens dans les secteurs où nous n'avons pas encore affecté de gens; par exemple, pour l'équipement comme les véhicules aériens sans pilote ou les hélicoptères moyens-porteurs, lorsqu'ils seront mis en service. Un certain nombre des nouvelles fonctions que nous acquérons exigent des gens; ces gens proviennent des secteurs d'activité qui deviennent désuets parce que nous nous tournons vers l'avenir. Cela s'inscrit dans cette catégorie, en ce qui concerne la réaffectation du personnel. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Plett : Oui, merci.
La présidente : Nous avons trois autres interventions et environ six minutes.
Le sénateur Segal : Je crois que c'est M. Lindsey qui a eu l'amabilité de parler du cadre de référence et des appendices de l'étude menée par le général Leslie. Ces documents ne sont pas à notre disposition. Il nous est difficile d'examiner le rapport du général Leslie, qui — j'en suis certain — a été rédigé en toute bonne foi, lorsqu'il dit : « Sous l'impulsion de l'intention du ministre de la Défense nationale (annexe A, appendice 1) ». Nous n'avons pas accès à ces appendices. Nous n'avons aucune idée de l'intention du ministre. Je tiens à faire valoir que nous avons tous la tâche plus facile lorsque nous pouvons voir ces documents. C'est peut-être la plus longue traduction de l'histoire de l'humanité.
Vice-amiral Donaldson : Nous en prenons bonne note. Nous espérions qu'ils soient publiés aujourd'hui, mais nous avons peu d'influence sur le déroulement du processus et nous devons les faire traduire pour les soumettre.
Le sénateur Segal : À la page 4 du mémoire qu'a présenté le vice-amiral au comité, il est écrit ce qui suit :
Notre défi, qui était de répondre à un besoin opérationnel immédiat — un défi auquel nous avons répondu avec succès —
Et je crois que les Canadiens seraient d'accord avec cela.
— est maintenant d'adapter nos structures et nos processus à un nouveau contexte stratégique.
Je crois que vous conviendrez du fait que, qu'il s'agisse d'Afghanistan 1 ou d'Afghanistan 2, de la Libye ou d'Haïti, des choses se produisent pendant que vous faites des projets, des choses se produisent pendant que vous définissez de nouveaux contextes. Quel est le nouveau contexte? À quel moment quelqu'un va-t-il nous décrire le nouveau contexte, ou est-ce la Stratégie de défense Le Canada d'abord jusqu'à nouvel ordre?
Ce qui me frappe, c'est que les Canadiens examinent ce qui se passe à toutes sortes d'égards un peu partout dans le monde, et constatent que de nouvelles situations bouleversantes font leur apparition, situations pouvant avoir des répercussions sur ce qui se passe dans le détroit d'Hormuz, et éventuellement sur des États en déroute dans les Antilles, et donc des conséquences directes sur le Canada au chapitre de la sécurité nationale. Les membres du comité et moi- même, à titre de citoyens, aimerions comprendre comment vous définissez cela, et si vous en faites part à quiconque de manière à ce que les Canadiens puissent comprendre le contexte à l'intérieur duquel vous tentez de prendre les décisions délicates que vous devez prendre.
Vice-amiral Donaldson : Il s'agit d'une excellente question. Elle touche au cœur de la prochaine question que nous examinerons. Cela dit, à mes yeux, cette question dépasse le seul cadre des éléments relevant des Forces canadiennes ou du ministère de la Défense nationale — elle concerne véritablement un contexte stratégique au sein duquel fonctionne le Canada, et je ne voudrais pas anticiper sur la politique du gouvernement à cet égard.
Le contexte stratégique auquel je fais allusion est celui au sein duquel la Défense nationale exerce ses activités. Ce contexte comporte quatre éléments que je souhaite faire ressortir.
Au moment où nous effectuons notre planification, nous devons garder présent à l'esprit le fait que des événements se produisent, mais également le fait que nous avons conféré aux Forces canadiennes la souplesse, la confiance et la capacité dont elles ont besoin actuellement pour être en mesure de réagir à ces événements à mesure que nous allons de l'avant.
Tout d'abord, le contexte a changé sur le plan financier. Cela signifie non pas qu'il n'y a plus d'argent de disponible, mais que le montant d'argent et le moment où il est versé ont changé, de sorte que nous devons revoir notre planification en fonction de ces nouvelles données. Je comprends tout à fait les raisons qui justifient ces changements, et je suis d'accord avec elles, mais il n'en demeure pas moins que nous devons revoir notre planification en tenant compte de cette nouvelle donne, et nous devons nous assurer que nous utilisons de façon optimale l'argent que nous dépensons afin de préserver cette capacité de réagir et notre capacité de nous occuper de nos gens. En outre, nous devons être en mesure de réinvestir de l'argent dans l'avenir des Forces canadiennes.
L'autre élément qui a changé tient à ce que nous avons appris. Nous devons intégrer des connaissances comme celles découlant des centres du renseignement de toutes sources, que nous sommes parvenus à mettre en place par essais et erreurs en Afghanistan. Nous avons réussi à ce chapitre. Ces centres sont dotés d'une très bonne structure dont ne disposent pas nos forces armées, et dont celles-ci ont besoin.
À certains égards, en Afghanistan, les Forces canadiennes sont devenues une armée aéromobile. Nos forces armées n'ont pas été conçues pour constituer une armée aéromobile, et nous devons agir de façon avisée au moment d'intégrer cette capacité aux Forces canadiennes dans l'avenir.
Je peux citer un certain nombre d'autres exemples d'éléments qui nous ont amenés à réfléchir à la manière dont nous devrions nous adapter en fonction de ce que nous avons appris.
Nous devons exécuter la Stratégie de défense Le Canada d'abord, laquelle permettra de bâtir les forces armées de l'avenir, de manière à ce qu'elles nous procurent cette souplesse et cette capacité. J'estime que la structure de cette stratégie demeure valide pour ce qui est de ce qu'elle énonce pour l'avenir des Forces canadiennes; nous devons simplement la prendre en charge et l'exécuter. Nous avons mis l'accent sur la réussite de notre mission en Afghanistan, et nous avons fait porter la majeure partie de nos efforts sur cette mission. À présent, nous devons adopter une vision à plus long terme, et orienter nos efforts vers la construction des forces armées de l'avenir.
Enfin, nous devons nous pencher sur la place qu'occupent les Forces canadiennes dans de nouveaux domaines comme la cybersécurité. En 2008-2009, au moment d'élaborer la Stratégie de défense Le Canada d'abord, nous n'avions pas tenu compte de la cybersécurité, ni prévu la place qu'elle occuperait aujourd'hui. Notre Force de réserve a obtenu un succès retentissant en Afghanistan, et cela doit transparaître dans ce que nous allons faire dans l'avenir. Dans le domaine spatial, les choses ont évolué depuis la première fois où nous nous sommes penchés là-dessus. Nous devons aussi tenir compte de quelques-uns de ces éléments.
Lorsque j'ai mentionné le contexte stratégique, je songeais non pas tant au contexte stratégique mondial — même si je suis conscient du fait qu'il évolue lui aussi — qu'au contexte au sein duquel nous tentons de mettre en œuvre les priorités en matière de défense à mesure que nous progressons.
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Day : La discussion est intéressante et utile pour nous tous.
Je me demande si nous ne sommes pas en train de semer une certaine confusion concernant l'utilisation du terme « transformation » et la manière dont l'a utilisé le général Hillier au moment d'évoquer une restructuration des forces armées en vue de les rendre plus efficaces, et de faire en sorte qu'elles ne soient pas uniquement animées par le fait de tenter de faire des économies de 5 p. 100 une année donnée et de 5 ou 10 p. 100 l'année suivante. J'aimerais que nous revenions là-dessus.
Est-ce que la nouvelle équipe que vous avez mise sur pied examine les divers éléments qui constituent les forces armées, et est-ce qu'elle affirme que nous pourrions disposer de forces armées qui seraient beaucoup plus à même d'exécuter la stratégie Le Canada d'abord, mais que cela ne se produira pas parce qu'elles doivent réduire de 5 ou 10 p. 100 leurs dépenses? Quel est l'élément moteur de ce qui se passe actuellement, tant dans le domaine militaire que dans le domaine civil?
Vice-amiral Donaldson : Vous venez essentiellement de présenter un résumé de ma vie. Ma vie est déterminée par à peu près tout ce que vous venez de mentionner.
Nous devons déterminer quelle taille doivent avoir nos forces armées de manière à ce que nous disposions de l'agilité, de la souplesse et de la capacité dont nous avons besoin, mais faire en sorte que cette taille ne soit pas d'une ampleur telle qu'elle nous oblige à surinvestir dans certaines capacités, au détriment des investissements dans l'avenir des Forces. Nous devons établir un juste équilibre entre la manière dont nous investissons dans nos activités d'aujourd'hui et celle dont nous investirons notre argent dans 10 ou 15 ans, de manière à ce que nous puissions livrer ce matériel et faire en sorte qu'il soit utile pour nous.
Cela concerne tous ces domaines, car il y a eu des changements sur le plan de l'argent dont disposent les forces armées pour remplir leur fonction. Nous devons nous adapter en conséquence. Une certaine incertitude plane à cet égard, mais nous devons savoir comment nous nous adapterons à cela, et l'expliquer au gouvernement. En ce qui concerne les propositions liées au plan d'action sur la réduction du déficit, à savoir des réductions de 5 et de 10 p. 100 des dépenses de fonctionnement, nous devons indiquer ce que nous pourrions faire différemment, et les risques que cela pourrait entraîner pour les forces armées de l'avenir, pour l'efficacité et la capacité de réagir des forces armées d'aujourd'hui et notre capacité de prendre soin de nos hommes et de nos femmes.
Épargner de l'argent est non pas une option qui s'offre à moi, mais une réalité à laquelle je dois faire face. Cependant, l'objectif des Forces canadiennes et de la Défense nationale demeure le suivant : que les Forces canadiennes soient efficaces aujourd'hui, et qu'elles le soient demain.
Il est difficile d'indiquer quel est l'élément moteur de la transformation des forces armées, car il en existe un très grand nombre.
Je crains que cela ne constitue pas vraiment une très bonne réponse à votre question.
Le sénateur Day : Le général Leslie a formulé un certain nombre de recommandations, et je me demande si vous pouvez seulement en examiner quelques-unes. Le printemps dernier, lorsque vous avez commencé à occuper vos fonctions actuelles, vous avez mis sur pied l'Équipe de transformation des Forces canadiennes. L'objectif de ce groupe, lequel est constitué de civils et de militaires, est de réunir les différents fils de transformation. Entendez-vous par là les éléments les plus accessibles? Entendez-vous par là le fait d'économiser de l'argent immédiatement, de faire des économies de 5 et 10 p. 100, ou alors quelques-unes des suggestions du général Leslie, par exemple le fait de recapitaliser le vice-chef d'état-major de la Défense à titre de gestionnaire des forces — il s'agit là d'un rôle différent de celui qu'il recommande — et de vous désigner, vous et le poste que vous occupez, à titre d'autorité de la disponibilité opérationnelle? Il s'agit là de rôles différents de ceux liés à une gestion dont l'objectif consiste à trouver des moyens de faire des économies de 5 ou 10 p. 100.
Vice-amiral Donaldson : En effet, et l'Équipe de transformation s'est vu confier un mandat assez vaste comportant quelques secteurs d'intervention privilégiés — l'un d'entre eux consistait à trouver des moyens d'économiser de l'argent afin de le réinvestir dans les forces armées, et un autre consistait à examiner des façons de fonctionner plus efficacement, et donc de fonctionner avec un personnel restreint. Nous devions également mettre de côté l'efficience et les coûts, et déterminer s'il existait une façon d'agir de façon plus efficace. Dans son rapport, qui constitue une sorte d'instantané, l'Équipe de transformation indiquait où elle en était à cet égard, et lorsqu'elle a terminé ses travaux, les membres se sont retrouvés au Quartier général, car comme je l'ai mentionné, la vie continue, et les gens reprennent leur travail.
Le sénateur Day : Vous parlez de l'équipe du général Leslie.
Vice-amiral Donaldson : Je parle de l'équipe du général Leslie. Les recommandations qu'elle a formulées englobent tous ces aspects, et cela est confus. Ces recommandations sont très déroutantes pour une personne extérieure, mais elles n'ont pas vraiment été conçues pour être comprises par les non-initiés. L'attention qu'elles ont reçue a été plus grande que celle à laquelle nous nous attendions, et cela est bien — comme l'a dit Oscar Wilde, il n'y a qu'une chose pire que le fait de faire parler de soi, et c'est de ne pas faire parler de soi. On ne parle pas ici d'une chose définitive, comme celle décrite par lord Levene, et qui a été étudiée, approuvée et mise en place, et qui énonce une orientation claire — ce document expose un certain nombre d'idées qui peuvent être retenues, qui peuvent faire l'objet d'un examen plus poussé ou qui peuvent éclairer d'autres travaux sur le sujet.
Il est difficile de répondre à la question de savoir quand nous mettrons en œuvre le Rapport sur la transformation puisqu'il n'était pas destiné en soi à être mis en œuvre — il avait pour but de formuler une série de recommandations qui orienteraient nos activités actuelles, qui nous permettraient de travailler de manière à ce que nous puissions créer à court terme des choses qui éclaireraient les débats qui auront lieu dans l'avenir.
Le sénateur Day : Nous pourrions peut-être écouter ce que les civils ont à dire sur cette question, car durant la dernière réunion, j'ai eu l'impression que les recommandations du général Leslie ayant eu une incidence sur les fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale ont été mises de côté, et qu'elles seront examinées par un autre groupe à un autre moment. Si c'est le cas, il faut rappeler que l'Équipe de transformation est constituée de civils et de militaires. Êtes-vous en train de reconstituer l'équipe, ou ai-je été mal informé?
M. King : En l'occurrence, le général Leslie faisait allusion au travail que l'équipe de militaires et de civils a effectué, de façon relativement préliminaire, afin de commencer à formuler des recommandations ou des idées, et ce, même sur la manière de restructurer le ministère en fonction de ce à quoi les Forces canadiennes pourraient ressembler après leur propre restructuration. À l'époque, j'ai participé au processus décisionnel, et le sous-ministre et moi étions d'avis que la meilleure façon d'agir consistait à mettre l'accent sur la formulation d'idées novatrices concernant la restructuration éventuelle des FC, en tenant pour acquis que le ministère s'adapterait en fonction de cette restructuration. À nos yeux, il n'était pas efficient de tenter d'effectuer ces deux restructurations en même temps, et au bout du compte, cela reviendrait en quelque sorte à jouer aux devinettes, ou pourrait même constituer un attrape-nigaud, car même si, à de nombreuses occasions, nous avons affirmé publiquement que la restructuration de la partie civile du ministère s'effectuerait en fonction de la restructuration des FC en tant que telles — peu importe la forme que prend cette restructuration —, nous estimions qu'il était inutile d'effectuer ces deux restructurations en même temps. Nous avons estimé que nous devions d'abord effectuer l'une de ces restructurations, examiner son résultat, puis effectuer l'autre en conséquence.
Il s'agit là de la première partie de ma réponse, sénateur. J'ai bien aimé la première partie de votre question concernant les éléments moteurs et l'efficience. Le vice-amiral a parlé de confusion, et de façon plus précise, l'utilisation du terme « transformation » est devenue un obstacle nous empêchant d'aller de l'avant.
Pour que tout reste clair dans ma tête, je me dis que l'examen stratégique avait pour but de cerner les dépenses directes liées aux programmes. On a demandé aux ministères de mettre le doigt sur leurs programmes offrant le plus faible rendement, sur leurs programmes les moins importants, ceux-ci devant représenter 5 p. 100 de l'ensemble de leurs programmes. Cette requête avait du sens. Il s'agissait vraiment d'une bonne chose. Il n'a pas été facile de le faire, mais cela était censé se dérouler de façon cyclique. Il s'agit d'une idée intéressante. Le travail de la DPBI consistait davantage à examiner la manière dont nous pourrions faire cela, et j'estime que cela pourrait être véritablement important dans l'avenir pour le MDN et les FC. Le budget de la Défense nationale est, de loin, le budget le plus important qu'accorde le gouvernement à un ministère — les dépenses de programmes directes du MDN sont, de loin, les plus élevées de tous les ministères. Il va de soi que ces processus soient plus complexes et plus chronophages que ceux de tout autre ministère — je pourrais signaler, par exemple, les processus d'approvisionnement —, et nous disposons de toutes sortes de mesures indiquant que nous devons accélérer davantage le processus décisionnel.
Dans cette optique plus précise, la DPBI représente pour nous une véritable occasion de bonifier la manière dont nous faisons le travail. Comme le vice-amiral l'a mentionné, bon nombre de ces initiatives, y compris le rapport du général Leslie, ont été prises bien avant que nous sachions que la DPBI serait créée. Lorsque nous avons compris que la cadence opérationnelle diminuerait, nous avons commencé à déployer des efforts en vue de devenir plus efficients. En ce qui concerne la valeur, le principe est simple — il s'agit de faire en sorte qu'une réduction de 1 $ au chapitre des intrants ne se traduise pas nécessairement par une réduction de 1 $ au chapitre des extrants ou des effets stratégiques, et c'est ce principe qui nous orientera.
Le sénateur Munson : Je ne veux pas tourner quoi que ce soit en dérision, mais vous vous rappelez cette vieille bande dessinée, les Transformers — il ne faut pas se fier aux apparences. Le général Leslie demeure véritablement préoccupé par le nombre de militaires au sein de la bureaucratie à Ottawa. Il n'a de cesse de le répéter. J'aimerais connaître votre opinion sur la bureaucratie. Y a-t-il trop de fonctionnaires à Ottawa? Cet argent pourrait-il être utilisé à meilleur escient, par exemple sur un champ de bataille, je veux dire un autre champ de bataille que celui d'Ottawa?
Vous avez examiné des moyens de réduire le nombre de réservistes à temps plein — quels sont ces moyens?
Vice-amiral Donaldson : Nous allons devoir étudier cette question, sénateur — je plaisante.
À Ottawa, la bureaucratie est lourde dans certains secteurs. Le hic, c'est que je ne suis pas certain que le fait de mettre le doigt sur les activités inutiles est aussi facile que l'avance le Rapport sur la transformation, de sorte que, à mon avis, c'est la réforme des processus que nous envisageons et le travail par processus que nous envisageons — lequel est lié au plan d'action sur la réduction du déficit et, en fait, découle de celui-ci, car comme je l'ai dit, nous ne pouvons pas nous permettre de cesser de trouver des moyens de réinvestir dans les FC — qui nous indiqueront quelles sont ces activités inutiles. La plupart de nos activités découlent des exigences du gouvernement du Canada. Elles découlent d'un besoin de précision au chapitre des coûts, de l'analyse des options et de l'échelonnement de nos activités, de sorte qu'il est difficile de déterminer à quel moment nous pouvons dire : trop, c'est trop.
Nous avons pris l'engagement de réduire la taille de notre Quartier général, et nous menons actuellement des travaux pour tenter d'établir plus précisément par quels moyens nous pourrions y parvenir — quelques-uns de ces moyens sont liés aux options du gouvernement touchant les 5 et 10 p. 100, et d'autres sont liés à l'examen continu que nous devons effectuer quant à la taille du Quartier général de la Défense nationale et des Forces canadiennes, et à la manière dont la partie civile pourrait réagir à cela.
C'est ce que j'avais à dire concernant la taille de la bureaucratie à Ottawa. Je suis d'accord pour dire que la taille de cette bureaucratie doit être réduite — cependant, il est parfois très difficile de déterminer à quel endroit nous devons effectuer les coupures.
En ce qui a trait au nombre de réservistes, nous avons mené l'an dernier une étude sur la capacité d'emploi des membres de la Première réserve, laquelle nous a informés sur les secteurs où les réservistes à temps plein sont le plus utiles, et les secteurs où nous devrions passer d'une situation où des réservistes à temps plein occupent certains types d'emploi à une situation où ces emplois seraient occupés par d'autres personnes ou seraient supprimés afin de soutenir la bonne santé des réserves. Nous aurons du temps pour discuter de cela au cours de la prochaine séance.
Le sénateur Munson : Je suis conscient de cela. Je l'ai mentionné simplement parce que vous en avez parlé durant votre exposé.
La présidente : J'ai une dernière question à vous poser. Elle concerne la réponse que vous avez fournie à la question du sénateur Segal concernant le fait de comprendre le rôle et l'avenir — nous ne disposons pas d'une boule de cristal. Participons-nous activement à une quelconque discussion avec nos alliés — dans le cadre de l'OTAN ou par un autre moyen — afin de leur indiquer que nous songeons à faire ceci ou cela, et de leur demander de nous dire ce qu'ils entendent faire? Est-ce que de telles discussions ont lieu?
Vice-amiral Donaldson : Oui. Nous parlons sans cesse de nos alliés. En fait, le général Leslie a consacré beaucoup de temps à établir, pour notre compte, des comparaisons avec nos alliés. Je crois qu'il vous a fourni des renseignements à cet égard, et j'estime que cela est très important.
En outre, il est important de reconnaître que les circonstances sont parfois différentes. Les Forces canadiennes se sont beaucoup transformées il y a 15 ans environ — en d'autres termes, nous avons subi d'importantes coupures budgétaires, auxquelles nos alliés procèdent actuellement. Nous nous sommes adaptés à ces coupures.
Nous n'avons pas évolué de la même façon que nos alliés. Le principe qui sous-tend notre transformation consiste à célébrer notre prospérité actuelle, mais pas au détriment de notre prospérité de demain. Nous veillons à nous placer dans une position qui nous permettra de profiter d'une merveilleuse occasion de recapitaliser les Forces canadiennes, et d'en tirer le meilleur profit dans l'avenir.
La présidente : Merci beaucoup à vous tous. Cette discussion a été très utile. Selon moi, c'est de cette façon que le comité doit fonctionner, et je souhaite pouvoir vous inviter à vous présenter ici dans l'avenir de manière à ce que nous puissions nous tenir au courant de la manière dont cela progresse et dont la transformation prend forme.
Merci beaucoup, monsieur King et monsieur Lindsey. Nous demandons au vice-amiral Donaldson de demeurer parmi nous pour la prochaine partie de la réunion, durant laquelle nous nous concentrerons sur la transformation au sein des réserves.
Sans plus tarder, nous allons poursuivre notre étude portant, de façon générale, sur la transformation des Forces canadiennes, mais aussi sur la question globale de l'avenir des réserves. Le comité se penche plus particulièrement sur cette question. Il rédigera un rapport sur cette question, plus tôt que tard, espérons-le. C'est la raison pour laquelle nous voulions aborder ce sujet séparément des autres, et demander au vice-amiral Donaldson de demeurer parmi nous. Je le présente de nouveau — il s'agit du vice-amiral Bruce Donaldson, vice-chef de l'état-major de la Défense. Nous accueillons également le nouveau chef, Réserves et cadets, le contre-amiral Jennifer Bennet, et le sous-ministre adjoint, Infrastructure et Environnement, Scott Stevenson. Nous allons parler du MDN dans son ensemble, mais vous pouvez poser des questions plus ciblées.
Comme on l'a mentionné durant la première partie de la réunion, nous vivons à une époque de contraintes budgétaires, et la plupart des changements auxquels les gens réfléchissent découlent de cette conjoncture. Toutefois, à mesure que nous apportons des changements aux opérations que nous menons en Afghanistan, en Libye ou peut-être plus près d'ici, nous constatons également l'apparition d'une nouvelle orientation.
J'aimerais entendre l'opinion de tout le monde à ce sujet. Comme le général Leslie a abordé cette question de façon très générale, je mentionne que, à mesure que nous progressons sur la voie de cette transformation, nous devrions établir une distinction entre les opérations externes menées par la Force régulière dans le cadre de missions en Libye, en Haïti et en Afghanistan, et les opérations de nature plus intérieure menées par les réserves, bien que ces deux types d'opérations finissent toujours par s'entrecroiser. S'agit-il d'un bon point de départ? J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
Vice-amiral Donaldson : Je sais que nous devons composer avec les contraintes de temps. Je ne sais pas si cela peut se faire, mais je propose que vous considériez que la déclaration préliminaire que je vous ai fournie a été lue aux fins du compte rendu.
La présidente : Nous pouvons faire cela, sans aucun doute. Merci de le proposer.
Vice-amiral Donaldson : Cela nous permettra de disposer de plus de temps pour les questions.
Il n'y a pas si longtemps, 15 000 des 27 000 membres de la Première réserve étaient des réservistes en service à temps plein — « service à temps plein » signifie que ces réservistes effectuaient tous les types d'activités, tant celles à l'appui de nos opérations que celles à l'appui de notre institution.
Je mentionne également que je me suis enrôlé dans les Forces canadiennes à titre de membre de la Réserve navale, ce dont je suis extrêmement fier. Je me fais un devoir de m'assurer que le Canada dispose d'une Force de réserve saine et qualifiée pour l'avenir. Au cours de la première partie de la réunion, nous avons parlé du fait que nous devions progresser vers l'avenir — je ne peux pas imaginer que les Forces canadiennes puissent le faire sans disposer d'une solide Force de réserve, et je ne peux pas imaginer non plus qu'elles puissent le faire sans disposer d'une armée, d'une marine et d'une force aérienne solides.
Il s'agit de questions complexes. Elles comportent certains aspects difficiles à comprendre, tout comme la transformation dont parle le général Leslie. Mes collègues et moi, de même que le général O'Brien, de la Réserve de l'Armée de terre, le général Reid, de la Réserve aérienne, le commodore Craig, de la Réserve navale et le colonel Stevens, de la Réserve des services de santé, sommes prêts à répondre à des questions portant sur des points de détail que vous pourriez nous poser. Nous sommes prêts, madame la présidente, à répondre à vos questions.
La présidente : Il y a d'autres personnes dans l'assistance auxquelles nous pouvons nous adresser, au besoin.
Vice-amiral Donaldson : Je n'aime pas placer les gens sur la sellette, mais je dois dire que je suis accompagné d'une équipe d'étoiles.
Le sénateur Dallaire : Les réservistes ont été mobilisés au cours des cinq dernières années. En ce qui concerne les chiffres que vous avez mentionnés, il faut dire que certains de ces réservistes veulent être mobilisés, alors que d'autres veulent plutôt être appelés, au besoin, à venir renforcer les forces armées. D'aucuns envisagent des promotions individuelles, d'autres, d'acquérir des capacités au sein d'une sous-unité ou d'un peloton. En outre, chaque secteur présente des caractéristiques qui lui sont propres — la Force aérienne est intégrée par beaucoup d'ex-militaires, et met l'accent sur l'aspect technique, et la marine a mis l'accent sur les NDC et les missiles Scud, et leur donne une ampleur accrue. Quant à l'Armée de terre, elle se caractérise elle-même d'une façon tout à fait différente.
Disposez-vous d'un cadre conceptuel vous permettant d'établir le niveau de capacité opérationnelle que les réservistes devraient conserver, particulièrement les anciens combattants qui possèdent actuellement un niveau élevé de capacité, et ce, en vue de déterminer dans quelle mesure vous souhaitez recourir à eux dans le cadre d'opérations futures? Disposez-vous de lignes directrices vous permettant d'établir combien il vous en coûtera pour faire en sorte que ces réservistes conservent tel ou tel niveau de capacité opérationnelle?
En outre, est-ce que les chiffres que vous avez mentionnés sont exacts? Le nombre est-il de 27 000, de 30 000 ou de 33 000? Pouvez-vous nous indiquer, à des fins de planification, un nombre que nous devrions atteindre pour répondre à telle ou telle exigence?
Vice-amiral Donaldson : Excellentes questions, sénateur. Je vais fournir une partie de la réponse, puis je céderai la parole au contre-amiral Bennett. En soi, le terme « mobilisation » peut prêter à confusion. Je dirais, pour ma part, que les Forces canadiennes sont mobilisées depuis un certain nombre d'années — si je dis cela, c'est parce que l'ensemble des Forces, et non pas seulement les forces de réserve, ont été appelées à se rendre en Afghanistan pour soutenir les opérations menées là-bas, à participer à la mission de soutien opérationnel et à participer à d'autres missions comme celles menées en Haïti, ou ici même, au pays, par exemple à la suite d'une inondation.
Les membres des Forces canadiennes qui travaillaient au Quartier général, et les instructeurs qui travaillaient dans les écoles, ont été appelés à se préparer à être déployés. Dans un tel contexte, les réserves auront apporté une contribution, non seulement parce qu'elles ont déployé leurs membres dans le cadre d'opérations, mais aussi parce qu'elles ont contribué à former des recrues et à fournir des employés pouvant occuper temporairement des postes vacants afin que les travaux et les analyses nécessaires puissent être menés au Quartier général.
En outre, les réservistes constituent une nouvelle capacité pour les Forces canadiennes. Par exemple, à l'heure actuelle, nos unités interarmées de soutien au personnel sont composées principalement de réservistes, car nous devions faire en sorte que ces unités soient opérationnelles dès maintenant, et les personnes disponibles à cette fin étaient des réservistes.
Dans une certaine mesure, le terme « mobilisation » prête à confusion, car il renvoie à une notion qui remonte à la guerre froide, et les événements survenus depuis l'ont fait tomber en désuétude. Nous avons besoin d'un nouveau terme.
Pour la suite des choses, notre cadre conceptuel est le suivant : nous nous attendons à ce que tous les réservistes canadiens conservent un certain niveau de disponibilité opérationnelle, qu'ils entretiennent leur capacité de réagir dans les plus brefs délais lorsqu'ils sont appelés à intervenir pour combler un besoin du Canada. Il existe également un autre groupe de réservistes qui doivent présenter un degré supérieur de disponibilité opérationnelle afin qu'ils puissent se joindre, au besoin, à des forces visées par un déploiement. Je pense que l'Armée de terre envisage d'adopter un modèle de ce genre.
Nous devons également permettre aux réservistes de se préparer à soutenir des opérations qui sont en cours durant une première ou une deuxième rotation, lorsque ce que nous faisons et la manière dont les réservistes peuvent y contribuer sont clairs. La mission d'entraînement en Afghanistan représente un excellent exemple de cela.
Il faut que les réserves soient en mesure de soutenir les Forces canadiennes dans l'avenir, et ce, à de nombreux chapitres. Nous avons mené une étude sur la capacité d'emploi des membres de la Première réserve pour tenter d'établir, d'abord et avant tout, le nombre de réservistes à temps plein dont nous avions besoin pour soutenir notre institution, pour soutenir l'institution que représente la Réserve, et pour faire en sorte de revigorer la mise sur pied de la Force de réserve. En outre, cela fait ressortir dans quelle mesure nous devons investir dans la préparation des réservistes à temps partiel de manière à ce qu'ils soient prêts à faire les choses que je viens de mentionner.
En ce qui concerne la façon de procéder afin de structurer les réserves à cette fin, l'armée, la marine et la Force aérienne ont une vision différente des choses, mais selon le cadre dont disposent les Forces canadiennes, cela doit avoir lieu. Il s'agit là de choses que nous avons examinées dans le cadre de l'étude. En outre, nous avons tenté de cerner les autres obstacles pouvant nous empêcher d'utiliser les réservistes de façon satisfaisante dans l'avenir. Par exemple, nous avons tenté de circonscrire le type de perfectionnement professionnel auquel nous devions nous attendre des officiers de réserve. Je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il est important de fixer quelques conditions de service en ce qui a trait aux officiers supérieurs travaillant, par exemple, au quartier général, de manière à ce qu'ils puissent posséder l'ensemble des compétences attendues d'eux. Nous nous sommes également penchés sur des choses de ce genre.
À mesure que nous réduisons le nombre de réservistes à temps plein occupant des fonctions que nous leur demandons d'accepter et d'exécuter, à un moment où nous avons besoin qu'ils fassent cela, nous réinvestissons de l'argent dans le type de réserve disponible qui servira nos intérêts dans l'avenir, à savoir une réserve dont les membres sont disponibles pour participer à des opérations et pour soutenir, au besoin, notre institution, une réserve souple et prompte à réagir aux besoins des collectivités, de sorte que si quelque chose tourne mal, nous disposerons de réservistes en bonne santé, en forme, bien entraînés, bien orientés et prêts à intervenir. C'est le type de réserve dont nous avons besoin partout au pays.
Contre-amiral Jennifer Bennett, chef, Réserves et cadets, Défense nationale : Si vous le permettez, j'ajouterais deux ou trois autres éléments que nous devons examiner. Un certain nombre des alliés du Canada se penchent sur la différence entre une réserve stratégique et une réserve opérationnelle, et le juste équilibre qu'il faut établir entre les deux — le Canada n'est pas le seul pays qui étudie cette question. Plus particulièrement, aux États-Unis, où on a opté pour une réserve de nature principalement opérationnelle, on a découvert que la durabilité de ce type de réserve constituait le plus grand défi.
On pourrait faire valoir que, au Canada, la question qui se pose avec le plus d'acuité est celle non pas du niveau de disponibilité opérationnelle, mais de la durabilité, et de la capacité de soutenir des réservistes habituellement recrutés au sein de la communauté des employés à temps partiel, de faire en sorte qu'ils conservent un niveau élevé de disponibilité opérationnelle. Au moment où nous examinons le niveau de disponibilité opérationnelle que doivent présenter les forces de réserve, nous devons également nous pencher sur les tâches, les rôles et les missions qui leur sont propres, sur notre capacité de créer et de soutenir leur disponibilité opérationnelle, et sur les avantages que présente le fait d'assigner aux forces de réserve des missions spécifiques plutôt que de tenter d'obtenir des effets intégrés ou une augmentation. Là encore, conformément à l'étude mentionnée par le vice-chef, chaque environnement examine, pour sa part, la force de réserve dont il dispose, car les FC ont connu une évolution assez spectaculaire, non seulement au cours de la dernière décennie — où nous avons participé à une guerre —, mais également au cours des 20 dernières années. Les FC se penchent sur la disponibilité opérationnelle que doit afficher chaque environnement et la durabilité d'une réserve opérationnelle par rapport à celle d'une réserve stratégique, et chaque environnement devrait présenter un équilibre à ce chapitre.
Le sénateur Dallaire : Nous avons dépassé le concept de la force totale qui était en vogue dans les années 1970. Nous examinons à présent des instruments beaucoup plus raffinés, qu'il s'agisse de tâches ou de capacités spécifiques. Toutes ces choses ont un coût, particulièrement au sein des forces de réserve — les réservistes sont payés chaque jour, et leur rémunération provient du budget de fonctionnement et entretien, et non pas d'un fonds permanent, de sorte que nous ne pouvons pas établir une certaine garantie d'emploi, comme nous pouvons le faire avec les membres de la Force régulière. De surcroît, l'infrastructure dont nous disposons pour soutenir cette nouvelle génération de réservistes composés d'anciens combattants ayant servi au sein des FC, étant prêts à servir et disposant d'un degré élevé de capacité que nous souhaitons peut-être — ou pas — entretenir, cette infrastructure, dis-je, particulièrement celle dont dispose l'armée, est désuète. Bon nombre de ces forces sont inefficaces sur le plan pédagogique. Elles supposent des coûts considérables sur le plan patrimonial, et cetera.
Est-on en train d'élaborer une vision des choses plus structurée en ce qui a trait à la mise en place et à la stabilité des ressources au sein des réserves? Par exemple, existe-t-il un plan d'infrastructure visant les forces de réserve, comme il existe un plan visant les PSP et d'autres programmes, ou est-ce que l'infrastructure n'est qu'un élément parmi d'autres, qui se retrouve au bas de la liste?
Vice-amiral Donaldson : Je répondrai en premier, puis je céderai la parole au contre-amiral Bennett, qui aura peut- être quelque chose à ajouter. M. Stevenson répondra à votre question concernant l'infrastructure.
Sénateur, vous avez abordé deux ou trois points. Tout d'abord, vous avez posé une question concernant les chiffres qui ont été mentionnés — vous voulez savoir si 27 000 est le nombre exact. Je dirais que nous disposons d'environ 27 000 réservistes, et bientôt de 30 000. Je dirais que les forces régulières comptent environ 68 000 membres, et bientôt 70 000. Nous devons établir notre structure en fonction de ces nombres, puis nous déterminerons si d'autres nombres seraient plus appropriés. Toutefois, il s'agit des effectifs dont nous disposons, et c'est sur eux que nous devons nous fonder. Cela ne signifie pas que nous n'envisagerons pas d'autres combinaisons; cependant, j'estime que nous disposons actuellement de forces solides, qui nous ont rendu d'assez grands services.
En ce qui concerne la rémunération et les choses de ce genre, je dois dire que je mène la vie dure à tout le monde. Si nous réinvestissons dans la réserve disponible et réduisons le nombre de réservistes à temps plein de la classe B, c'est non pas pour réduire le nombre de personnes participant à des opérations, mais pour réduire le nombre d'employés à temps plein au sein de notre établissement.
En outre, en ce qui concerne le reste des 27 000 membres de la Première réserve, je cherche à mettre en évidence le nombre de jours par année pendant lesquels ils doivent être prêts, les compétences qu'ils doivent posséder, le temps qu'ils doivent investir pour acquérir ces compétences et l'argent dont nous disposons à cette fin.
Nous allons cerner cela, et nous effectuerons notre planification en conséquence. Dans l'avenir, il ne s'agira pas d'une question discrétionnaire. L'armée a déjà adopté une telle orientation, mais je veux être en mesure de cerner tout cela. De plus, je veux établir des critères mesurables en ce qui a trait à la disponibilité opérationnelle, et je veux constater que les réserves commencent à présenter la disponibilité opérationnelle à laquelle nous nous attendons d'elles, que cette disponibilité est mesurée et que des mises au point sont effectuées, de sorte que l'argent dont nous disposons est utilisé de manière optimale.
Nous tentons de planifier davantage l'utilisation de la réserve disponible, à l'instar de ce que nous faisons pour tous les autres éléments importants de l'exécution du programme des services de défense.
En ce qui concerne les compétences des anciens combattants, le meilleur endroit pour les transmettre est le manège militaire. Vous avez mentionné quelques-uns des problèmes que posent certains manèges militaires au pays, mais nous avons besoin d'un programme stimulant, d'un programme à temps partiel de renforcement de la disponibilité opérationnelle qui incite les anciens combattants à transmettre leurs compétences aux membres de leur unité, de faire en sorte que leur unité exécute mieux ses tâches et qu'elle soit prête à affronter ce qui l'attend — j'entends par là non pas uniquement une inondation dans la collectivité où elle se trouve, mais aussi une intervention en Libye, en Afghanistan ou en Haïti.
À mon avis, il faut que les gens sentent qu'on ne les assigne pas uniquement à des tâches à exécuter au Canada, car les compétences qu'ils possèdent sont aussi valables que celles de tout autre membre des forces régulières.
Nous avons également offert aux réservistes ayant servi en Afghanistan qui aimeraient servir à temps plein un statut de candidat prioritaire pour ce qui est d'un transfert au sein des forces régulières. Cela pose un problème.
Le sénateur Dallaire : Vous avez de la difficulté à rendre cela plus simple?
Vice-amiral Donaldson : C'est simple comme bonjour, mais le hic, c'est que le nombre de personnes dont nous avons besoin actuellement est limité, car il se trouve que les gens ne veulent pas quitter les forces. Il est important pour nous de gérer cela aussi de façon prioritaire pour la suite des choses.
Contre-amiral Bennett : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Il faut également que les anciens combattants contribuent à former la prochaine génération. Il faut qu'ils réintègrent nos rangs à titre d'instructeurs. Quiconque possède une vaste expérience, particulièrement une expérience du combat, constitue un énorme atout au sein d'un manège militaire ou d'une unité, et nous aimerions qu'un plus grand nombre d'anciens combattants assument de telles fonctions.
Pour ce qui est de la stabilité du financement et du budget des réserves et de la rémunération de ses membres, je mentionnerai qu'une partie des mesures prises à la suite de l'étude sur la capacité en matière d'emploi de la Première réserve consiste à examiner cette question de façon plus approfondie afin d'établir, comme le vice-chef l'a mentionné, un financement stable au sein du budget, de manière à ce que nous puissions mieux cerner les coûts et mieux répartir l'argent.
Scott Stevenson, sous-ministre adjoint (Infrastructure et environnement), Défense nationale : En ce qui a trait à l'état de l'infrastructure des réserves, et principalement celle de l'armée — je laisserai de côté la Réserve navale et la Réserve aérienne, car les installations dont elles disposent sont généralement dans un état différent —, je mentionnerai que la Réserve de l'Armée de terre est en assez bon état, ce qui signifie qu'elle n'est pas dans un état optimal, que les principaux systèmes de chacune de ses installations fonctionnent, ou que la probabilité d'une défaillance de ces systèmes est peu élevée. Pour l'essentiel, cela signifie que les investissements dans ces infrastructures ont été réduits au minimum. Dans le cadre de la Stratégie de défense Le Canada d'abord, on a reconnu que, pendant de nombreuses années, nous n'avons pas investi suffisamment d'argent dans ces infrastructures, et qu'elles ne sont donc pas dans l'état souhaité. Leur état s'est dégradé depuis 10 ans, voire davantage.
Le MDN n'établit pas de distinction entre l'infrastructure des réserves et celle des forces régulières; il vise plutôt à investir progressivement davantage d'argent dans l'entretien et la réparation des installations, de façon à atteindre la cible fixée en matière d'investissements dans la Stratégie de défense Le Canada d'abord. Pour ce qui est des investissements, un ordre des priorités est établi en fonction de l'état de l'installation — il faut d'abord investir dans l'entretien et la réparation des installations qui sont dans un piètre état, et l'infrastructure des réserves ne se verrait pas nécessairement reléguée au bas de la liste des priorités en matière de financement.
Le sénateur Nolin : En répondant aux questions du sénateur Dallaire, les témoins ont répondu à la plupart des questions que je voulais poser.
J'aimerais entendre ce que vous avez à dire concernant le rôle joué par les réserves dans les collectivités. Elles ont joué un rôle clé dans l'histoire canadienne et dans notre histoire militaire, et peu de gens le savent. Pourrions-nous demander aux réserves de participer au rétablissement du contact avec nos diverses collectivités?
Cela serait stimulant. À Montréal, cela représenterait un grand défi, mais la réserve pourrait certainement jouer un rôle là-bas. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
Vice-amiral Donaldson : À mon avis, dans les collectivités, les réserves ont trois rôles à jouer. Le premier est de nature opérationnelle. En d'autres termes, les réservistes sont entraînés pour intervenir en cas de catastrophe au sein d'une collectivité, et sont prêts à le faire. Ils ne sont pas les premiers intervenants, mais bien souvent, on fait appel à notre force de dernier recours quelques minutes seulement après une première intervention.
Au Canada, sur le plan opérationnel, nous avons pris des dispositions, par le truchement de Commandement Canada et des Forces opérationnelles interarmées, pour que nous puissions être en mesure de mobiliser rapidement les réservistes dans les collectivités, et pour établir des relations avant une crise afin de permettre aux réserves de réagir efficacement à une situation de crise.
Le deuxième rôle des réserves consiste, à mes yeux, à représenter les Forces canadiennes et à représenter leur propre régiment au sein des collectivités. Les commandants et les services font de la sensibilisation dans les communautés et assurent une présence, et font du bon travail à cet égard. De toute évidence, cela varie d'une collectivité à l'autre.
En outre, nous entretenons des relations avec quelques-unes de nos unités qui ne se trouvent pas dans la collectivité qui leur a donné leur nom — par exemple, certains de nos navires de défense côtière portent le nom d'une collectivité canadienne, et entretiennent une relation avec la collectivité en question.
Nous tentons de prendre au sérieux les liens avec la collectivité et les importants liens de nature historique, de même que la présence que les Forces canadiennes sont censées assurer dans les collectivités du pays. Je crois que, dans la plupart des cas, elles font du bon boulot à ce chapitre. Comme vous l'avez mentionné, dans certaines collectivités, il est plus difficile de faire cela que dans d'autres. Dans certains cas, il faut peut-être que ce lien soit un peu moins important.
Pour ce qui est du dernier rôle, j'estime que les réserves représentent un excellent modèle à suivre pour la jeunesse, mais aussi un modèle à suivre pour leurs concitoyens, un modèle en matière de leadership et de dévouement à l'égard du pays. Elles procurent aux collectivités une chose que peu d'autres organisations peuvent leur procurer. Nous sommes fiers que le Canada compte, dans toutes ses collectivités, des réservistes qui représentent un modèle à suivre positif.
Le sénateur Nolin : Il sera plus intéressant pour de nombreux Canadiens d'entendre parler des réservistes de l'expérience qu'ils ont vécue en Afghanistan.
Vice-amiral Donaldson : Je suis d'accord avec vous, sénateur. Il s'agit d'une arme à double tranchant. Les réservistes qui reviennent de l'Afghanistan auront vécu une expérience qui inspirera leur collectivité, mais dans certains cas, les collectivités devront se mettre à l'écoute de ces personnes et les aider. Certaines personnes ont vécu des choses difficiles en Afghanistan. Nous devons en être conscients. Je crois que les collectivités offrent un soutien énorme à cet égard. Nous travaillons de la manière la plus étroite possible avec les collectivités afin d'offrir des soins de cette nature, des services de surveillance et diverses options aux personnes qui reviennent de l'Afghanistan ou d'une autre mission difficile, dans les cas où elles ne se retrouvent pas dans la même garnison que celle des personnes avec lesquelles elles ont été déployées. Nous devons surveiller ces gens-là de très près.
Contre-amiral Bennett : À mes yeux, au chapitre du lien avec les collectivités, notre rôle comporte deux volets — il faut prendre en considération non seulement les gens qui agissent à titre de représentants de la collectivité et des citoyens, mais également les plateformes dont nous disposons pour établir un lien, par exemple en invitant les membres de la collectivité à assister à des événements comme les cérémonies de citoyenneté. La réserve peut jouer un rôle important au moment d'accueillir de nouveaux citoyens canadiens et d'agir à titre de modèle à suivre en matière de service au Canada en invitant les gens dans les unités. Nous pouvons examiner l'atout que représentent les gens appartenant aux unités de réserve. En outre, les unités elles-mêmes pourraient être intégrées dans d'autres plans et d'autres événements visant à accueillir les membres de la collectivité.
De plus, j'estime qu'il est important que les réservistes jouent ce rôle à titre de citoyens et de membres de la collectivité. Nous menons beaucoup d'activités d'information dans la collectivité qui ne sont pas nécessairement liées à l'entraînement des Forces canadiennes, mais qui nous permettent d'être présents dans la collectivité, de donner un visage aux Forces canadiennes et de mieux faire comprendre leur rôle. Le rôle que nous jouons dans les collectivités comporte deux volets, à savoir les gens et les unités elles-mêmes.
Le sénateur Nolin : Merci beaucoup.
Le sénateur Segal : J'ai deux questions à poser. Je vais les formuler, puis je donnerai à nos invités l'occasion d'y répondre.
J'ai remarqué que le vice-amiral Donaldson avait affirmé, durant sa déclaration préliminaire qui est à présent consignée au compte rendu, que le changement de cadence permettait aux forces de réserve de renouveler leurs effectifs, de soutenir ces effectifs et de se concentrer sur les besoins des unités et des personnes qui les composent.
Ma question est de nature quelque peu rhétorique. Si vous réduisez le nombre de jours d'entraînement et les budgets connexes, de sorte que les commandants locaux ne disposent plus de la même capacité que celle dont ils disposaient auparavant, peut-on véritablement parler de renouvellement des effectifs? Ce n'est pas vraiment le cas à l'échelle locale. J'aimerais que vous me disiez comment vous composez avec cela sur le plan financier. Je pourrais citer M. Stevenson, qui a eu l'obligeance de dire — et je pense qu'il s'agit des mots qu'il a lui-même employés — que l'infrastructure des réserves ne se verrait pas nécessairement reléguée au bas de la liste. Si je peux me permettre, il ne s'agit pas là d'une déclaration bien inspirante concernant les infrastructures dont disposent les réservistes. Peut-être que vos mots n'ont pas bien véhiculé votre pensée. Je ne veux pas être déloyal, mais nous nous souvenons de l'époque où les réservistes n'étaient pas payés en temps opportun, et où ils devaient compter sur l'aide de leurs amis et leur famille entre deux chèques de paie. Nous savons que le changement qui s'est produit, lequel comprend notamment le fait qu'un grand nombre des réservistes le sont devenus après qu'ils ont été membres des forces régulières, a modifié la dynamique. Les gens travaillent avec diligence là-dessus, et je serais intéressé à connaître votre point de vue.
Je tiens à citer les propos de trois chefs d'état-major de la Défense qui, selon moi, ont joué un rôle très important puisqu'ils ont redéfini la relation entre vous, les gens en uniforme, et les personnes faisant partie du gouvernement élu en bonne et due forme. À propos d'une mission en Éthiopie et en Érythrée dans le cadre de laquelle le Canada avait été appelé à jouer un rôle d'observateur à la frontière, le général Baril a eu le mérite d'affirmer ce qui suit : « Nous n'aurons la capacité de jouer ce rôle que pendant quelques mois seulement. » Je crois que cela a duré six mois. « Nous devrons avoir quitté à telle ou telle date. » Pour la première fois, cela a été dit clairement et précisément en public — on n'a pas adopté l'attitude militaire habituelle qui consiste à obéir aux ordres et à faire ce que l'on nous demande, et on a affirmé clairement que les ressources dont nous disposions restreignaient notre capacité de jouer notre rôle.
Je crois qu'il est juste de dire que le général Henault a adopté une attitude semblable à l'égard d'une ou deux autres opérations. De fait, il a affirmé que nous pouvions faire ceci ou cela, mais qu'il y avait une contrainte, et que cette contrainte était le temps nécessaire pour effectuer le type de déploiement requis. Je crois qu'il a reçu un certain appui des milieux politiques, et qu'il lui a été permis de mener ses affaires en tenant compte des réalités opérationnelles et des ressources dont il disposait.
Je pense que l'on peut dire que, pour sa part, le général Hillier a affirmé ceci : si vous voulez que nous fassions ceci, nous avons besoin de cela — par « cela », il faut entendre le matériel, les aéronefs ou quoi que ce soit d'autre dont il avait besoin.
Nous approchons à présent de la fin des opérations de combat en bonne et due forme en Afghanistan. Par conséquent, nos priorités changent, et la cadence change. Quand l'état-major des réserves ou des Forces canadiennes a-t-il l'occasion d'indiquer franchement, non pas à nous, mais, en privé, aux personnes dûment élues, que les forces régulières et les forces de réserve ne disposent pas du nombre de membres qui leur permettraient de mener leurs missions, qu'il faudrait probablement que les forces régulières comptent 100 000 membres, et les forces de réserve, 50 000, si nous voulons mettre en œuvre cette nouvelle politique étrangère, cette politique étrangère énergique dont il est question. Ce n'est pas à moi qu'il revient de dire s'il s'agit là de la réponse appropriée.
Quand une telle discussion pourrait-elle avoir lieu? Elle pourrait avoir lieu durant un débat à la Chambre des communes, dans le cadre d'une réunion du comité ou dans les médias, mais je pense que les Canadiens aimeraient savoir que les hommes en uniforme, l'état-major des FC qui respecte le rôle joué par le gouvernement dûment élu ou les autorités civiles — là n'est pas la question — ont l'occasion de dire franchement la vérité à propos de l'adéquation entre les ressources dont vous disposez et une politique étrangère, une politique en matière de défense, une politique stratégique et une politique en matière de sécurité, lesquelles changent chaque jour. J'estime que cela concerne directement les réserves et le genre de démarche que vous adoptez.
Vice-amiral Donaldson : Nous n'aurions pas trop d'une fin de semaine pour discuter de cette deuxième question.
Si vous me le permettez, je répondrai rapidement aux deux questions, sans minimiser l'importance qu'elles revêtent.
Vous avez fait allusion aux problèmes de financement et au fait que nous devions réduire le nombre de jours d'entraînement. Il s'agit du dernier domaine où j'effectuerai des coupures — j'ai l'intention d'accroître le nombre de jours d'entraînement des réservistes. Nous devons acquérir de la souplesse. Nous n'avons pas les moyens de verser un salaire à une multitude d'autres personnes occupant un poste à temps plein — nous avons les moyens de constituer une réserve disponible. Nous sommes en train de définir la façon de le faire, et nous nous assurons d'avoir examiné convenablement le nombre de jours — qui était insuffisant, à mon avis — durant lesquels nous devons verser un salaire à chaque réserviste de classe A afin que nous disposions de la disponibilité opérationnelle requise aux divers échelons dans l'avenir.
Je comprends tout à fait votre préoccupation à ce sujet, et je peux vous dire que tout cela est parfaitement clair dans mon esprit. La pire chose que nous pouvons faire, c'est de tenter de faire des économies au détriment de la disponibilité opérationnelle de nos forces de réserve.
Cela dit, nous devons établir le niveau de disponibilité opérationnelle dont nous avons besoin, et nous devons disposer du financement requis pour l'atteindre. Nous créons sans problème plus de disponibilité opérationnelle que nécessaire dans certains domaines clés, mais cela se fait au détriment de quelques-unes des autres choses que nous devons faire. Il s'agit du dernier domaine où nous effectuerons des coupures, mais nous devons garder présent à l'esprit le niveau de disponibilité opérationnelle que nous devons créer, nous devons veiller à le protéger et à obtenir le financement requis à cette fin. Toutefois, nous tirons le meilleur parti de tout ce qui s'ajoute à cela sur le plan des postes de dépenses, si cela se fait aux dépens de notre capacité de recapitaliser les Forces dans l'avenir.
De plus, nous menons des activités liées à la planification des investissements, à l'établissement de modèles pour les Forces et à d'autres choses du genre.
Malgré tout le respect que je vous dois, je dois souligner que le général Baril et le général Henault se trouvaient dans une situation différente. Je crois qu'ils se sont sentis obligés d'indiquer clairement, une fois que leur opération avait débuté, les limites des Forces canadiennes dans le cadre de certaines missions dangereuses. J'estime que le général Hillier a exposé d'une façon particulière ses besoins et ceux des Forces canadiennes. Quant au dialogue que nous entretenons avec le gouvernement, je dirais qu'il est plus raisonnable qu'il ne l'était auparavant. Il s'agit toujours de déterminer à quel endroit se situe la frontière entre « insuffisant » et « suffisant », et il s'agit là de questions épineuses, mais je suis sûr que, dans l'avenir, on nous écoutera lorsque nous indiquerons ce dont nous avons besoin à la lumière de notre propre expérience.
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Munson : L'échelle salariale des réservistes est-elle adéquate? Quel est leur salaire? Je pose la question en raison de la conjoncture économique qui règne au pays.
Vice-amiral Donaldson : Je peux vous fournir une réponse de nature stratégique, et je céderai ensuite la parole à mes collègues.
Le sénateur Munson : Quelle est l'échelle salariale des réservistes? Est-elle adéquate?
Vice-amiral Donaldson : Je vais vous donner mon point de vue. L'échelle salariale actuelle est adéquate. Si elle ne l'était pas, les gens changeraient d'employeur. Est-elle équitable? J'estime qu'elle l'a été au fil du temps, mais nous devons nous pencher sur la question de savoir si elle l'est autant que nous le souhaiterions.
Nous devons tirer au clair de nombreux aspects liés à la rémunération des réservistes, de nombreux aspects liés aux avantages sociaux offerts aux réservistes, de nombreux aspects liés aux avantages sociaux offerts aux membres des forces régulières, et nous devons rassembler tout cela de manière beaucoup plus cohérente. C'est ce que j'avais à dire en ce qui concerne l'aspect stratégique.
Contre-amiral Bennett : Notre système de rémunération est contraignant, mais je pense que la plupart des réservistes affirmeraient que leur salaire est très bon, particulièrement pour un emploi à temps partiel, vu les avantages sociaux qui sont offerts dans le cadre d'un emploi considéré comme un emploi occasionnel.
Bien sûr, la rémunération est fonction du grade, lequel est fonction des promotions. Certaines personnes peuvent demeurer très longtemps à un certain niveau, et une promotion est l'unique façon d'obtenir une augmentation de salaire. Cependant, pour l'essentiel, la rémunération versée est tout à fait équitable pour un emploi à temps partiel.
Là où le bât blesse, comme le vice-chef vient de le mentionner, c'est au chapitre de la comparabilité entre des emplois à temps plein, ou au chapitre du principe « à travail égal, salaire égal ». Dans le passé, à un certain nombre d'occasions, nous avons revu à la hausse le salaire des réservistes, ce qui explique son niveau actuel. Un réserviste touche une rémunération équivalant à 85 p. 100 de celle d'un membre des forces régulières du même grade. Il existe un certain nombre d'incitatifs liés à chaque grade, à l'exception de la classe C, laquelle regroupe les employés déployés pour des opérations à l'étranger. Ces réservistes touchent exactement le même salaire que celui des membres des forces régulières, et ont accès à une gamme plus complète d'avantages sociaux.
Dans le cadre de notre étude sur la capacité d'emploi, nous nous pencherons sur les salaires et la rémunération qui sont liés aux modalités actuelles du service.
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Munson : Vice-amiral Donaldson, durant votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des moyens de réduire considérablement le nombre de réservistes à temps plein. Je crois que tous les Canadiens sont fiers des réservistes et du travail qu'ils ont accompli. Si des coupures sont effectuées, comment vous y prendrez-vous pour que les réserves continuent d'attirer de nouveaux membres?
Vice-amiral Donaldson : Je pense qu'une multitude de réservistes sont actuellement affectés à des tâches qui ne sont pas liées à l'emploi pour lequel ils se sont enrôlés. Ils sont prêts à les assumer. Ils possèdent des compétences dont ils peuvent faire profiter notre institution, mais nous ne nous attendions pas à ce qu'une telle proportion de ce travail soit accomplie par des réservistes. Nous sommes actuellement en mesure de décider où nous voulons investir, et nous voulons investir dans une réserve disponible, une réserve à temps partiel assortie d'un volet de service à temps plein au sein de l'institution, avec l'option d'un service à temps plein à l'appui d'opérations. C'est la nature même d'une réserve, et c'est vers cela que nous devons nous orienter pour l'avenir.
Nous devons déterminer le nombre adéquat de réservistes à temps plein dont nous devons disposer pour soutenir les réserves dans les manèges militaires, où nous avons besoin de personnel à temps plein pour soutenir l'institution des Forces canadiennes et les opérations non pas à l'étranger, mais au pays. En outre, nous devons définir le type de service à temps plein qui convient au perfectionnement professionnel des réservistes au-delà de la formation de classe B offerte durant l'été.
Certains sont comparables, mais il existe un nombre, et nous sommes très près du nombre qui a été fixé. J'estime que ce nombre pourrait évoluer au fil du temps, à mesure que nous acquérons de l'expérience, de la même manière que je peux confirmer le nombre de 70 000. Le nombre de 30 000 pourrait être confirmé dans l'avenir. Il s'agit cependant d'un nombre que nous avons fixé, que nous utilisons comme cible, et nous allons faire en sorte que notre institution dispose des outils pour l'atteindre et obtienne les résultats que nous souhaitons.
En ce qui a trait à la nature des coupures, oui, il y aura des restrictions budgétaires visant les réservistes à temps plein, mais de toute façon, nous n'avions pas l'argent requis — cet argent provient d'autres sources. Nous devons réinvestir cet argent là où il doit l'être, et nous devons nous assurer que nos investissements dans les réserves sont axés sur la création d'une force de l'avenir disponible, capable et professionnelle, présente tant dans les manèges militaires que dans les unités partout au pays.
Le sénateur Plett : On a répondu à la plupart des questions que je voulais poser. Cependant, je poserai une question qui ressemble à une question du sénateur Munson, mais je la formulerai de manière quelque peu différente. J'espère qu'on me répondra clairement, par oui ou par non.
La recommandation du général Leslie, à savoir le fait de réduire le nombre de réservistes et d'employés civils, semble entrer en contradiction avec les propos qu'a tenus David Pratt devant le comité, à savoir que les réservistes devraient jouer un plus grand rôle et être plus présents sur les campus des universités et des collèges communautaires.
Est-ce que les coupures recommandées par le général Leslie entravent la capacité des réserves de refléter la face changeante du Canada — oui, non ou peut-être?
Vice-amiral Donaldson : Non, je ne le crois pas. Les réserves peuvent être présentes à temps partiel sur les campus universitaires et dans les collectivités. Cela peut se faire dans le cadre de la création d'une réserve disponible dans les collectivités du Canada, dont j'ai parlé. Un service à temps plein n'est pas nécessaire pour refléter le visage du Canada — en fait, cela peut être nuisible. Cela peut avoir pour effet d'affecter des réservistes qui seraient autrement emballés à l'idée de faire toutes sortes de choses à des tâches au quartier général de la Défense nationale pour lesquelles nous avions formé des membres des forces régulières, mais auxquelles nous avons dû assigner un réserviste parce que nous ne disposions de personne d'autre au moment opportun.
Nous ne voulons pas que les réservistes soient employés de cette façon de manière régulière — c'était assurément le cas au cours des cinq dernières années, où beaucoup de choses ont dû être faites rapidement. Nous avons amélioré le blindage des véhicules. Nous avons étudié la manière de nous défendre contre des dispositifs explosifs de circonstance. Nous avons fait appel à 10 000 personnes et avons dû les former, mais tous les instructeurs se trouvaient en Afghanistan — nous avons donc eu besoin de gens pour entraîner les recrues. Nous avons dû bonifier des secteurs comme le perfectionnement professionnel au sein des Forces. Nous avons dû comprendre toute une série d'initiatives nous ayant été présentées en même temps, à un moment où nous devions nous plier à des impératifs opérationnels. Le personnel de bon nombre des forces opérationnelles interarmées du pays, par exemple, est composé de réservistes — cela pourrait être tout à fait approprié, mais nous les avons pourvues en réservistes avant que nous sachions que c'était la chose à faire.
Nous avons fait appel aux réservistes et leur avons demandé de faire une foule de choses. Ce que je dis, c'est que nous devons indiquer clairement le rôle que nous voulons que les réservistes jouent. Le fait d'apporter des modifications aux tâches qu'exécutent les réservistes à temps plein et à temps partiel, et de faire en sorte qu'ils disposent de la souplesse requise pour effectuer ces tâches à temps partiel permettra de créer une meilleure réserve, une réserve aux capacités accrues. Nous serons en mesure d'investir une partie de cet argent dans certains secteurs qui ont besoin de cet argent et où nous n'investissions pas auparavant, et une autre partie de cet argent dans la création de la réserve disponible améliorée dont nous avons besoin pour l'avenir. Je ne suis pas d'accord avec le point de vue selon lequel, d'une façon ou d'une autre, cela diminuera l'importance du rôle joué par les réserves — au contraire, je crois que cela l'accroîtra.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup de cette excellente réponse, et continuez votre bon travail. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le sénateur Lang : Nous sommes tous encouragés par votre engagement à l'égard des réserves et par ce que vous venez de dire concernant le fait de tourner le regard vers l'avenir et que vous pouvez orienter les réserves pour répondre aux besoins du Canada et des forces armées. Il y avait ici une préoccupation à l'égard de la possibilité bien réelle qu'elles puissent être décimées pendant que les différentes bureaucraties du ministère se disputaient concernant la façon de restructurer les finances des forces armées.
Vous avez parlé plusieurs fois, je crois, d'une étude sur la capacité des réserves. Je pense que c'est l'expression que vous avez utilisée.
La présidente : Il a parlé d'une étude sur la capacité d'emploi de la Première réserve.
Le sénateur Lang : Cette étude est-elle accessible? Sinon, quand sera-t-elle terminée?
Vice-amiral Donaldson : Sénateur, l'étude m'est destinée, et je ne l'ai pas encore vue. Ce que je dirais à propos de celle-ci, c'est qu'elle a forcé la résolution de certaines questions extrêmement difficiles. Elle a forcé une réflexion sur nos priorités réelles et sur la façon dont nous allions adapter notre organisation.
Comme c'est toujours le cas lorsqu'une étude est difficile, il y a des opinions dissidentes. Mon point de vue, c'est qu'il s'agit d'une voie vers l'avenir et qu'il faut donc nous assurer que tout le monde vise les mêmes objectifs.
Je m'attends à avoir l'occasion, au cours des prochaines semaines — le contre-amiral Bennett connaît probablement la réponse à la question — d'examiner le rapport en question. Ce n'est pas quelque chose que je voudrais rendre public, du moins pas avant que nous ayons informé le chef, diffusé le document au sein du ministère et informé le ministre. Certaines des recommandations toucheront probablement les options du plan d'action de réduction du déficit, ce qui fait qu'il est peu probable que nous publiions simplement le rapport tel quel, mais c'est le genre de chose dont je serai fier de vous parler lorsque ce sera prêt. Le rapport soulèvera probablement autant de questions qu'il en réglera, mais il s'agit de la première étape, une mesure stratégique pour mettre les réserves sur la voie de l'avenir.
La présidente : Puis-je demander au contre-amiral Bennett son point de vue là-dessus? S'agit-il de votre projet de transformation? Comment décririez-vous l'étude sur la capacité d'emploi de la Première réserve?
Contre-amiral Bennett : Ce n'est pas mon projet. C'est un projet qui a été mis sur pied par le vice-chef d'état-major de la Défense. Je faisais partie des coresponsables de ce projet, mais il a aussi fait intervenir le chef — Développement des forces, le chef de programme, le chef du personnel militaire et moi-même, ainsi que tous les responsables de la mise sur pied d'une force de réservistes. Nous sommes actuellement en train de transmettre le rapport final et les recommandations au vice-chef.
Pour ajouter quelque chose, il ne s'agit pas de réduire la réserve; il s'agit de rééquilibrer la réserve. L'effectif de la Force de réserve est donc non pas réduit, mais bien rééquilibré pour que l'on puisse mettre davantage l'accent sur l'aspect temps partiel de la Force de réserve. L'étude en question nous a permis de déterminer le nombre raisonnable de postes à temps plein concernant la Force de réserve, nos tâches, rôles et missions actuels et ce qui pourrait être approprié dans l'avenir.
Le sénateur Dallaire : Puis-je poser une question complémentaire?
La présidente : Le sénateur Lang est en train de poser une question.
Le sénateur Dallaire : Il n'a pas encore commencé à la poser.
La présidente : J'en ai posé une, en fait. Est-ce que ça concerne précisément cette question?
Le sénateur Dallaire : Oui.
La présidente : Allez-y, brièvement.
Le sénateur Dallaire : Le chef du personnel militaire a comparu devant nous il y a quelques mois seulement, et il nous a dit qu'il est en train de faire un examen important de tout l'aspect personnel et administration de l'organisation. Nous lui avions demandé de venir nous parler du problème de la réserve. Il a dit qu'il avait besoin de trois ans pour régler la question. A-t-il un rôle à jouer, et va-t-il présenter les résultats plus tôt? Une bonne partie de ce dont nous avons parlé est très liée à la question.
Vice-amiral Donaldson : Comme je l'ai dit, le rapport va soulever autant de questions qu'il va en régler — nous devons régler telle chose; telle autre chose n'a aucun sens; nous devons mettre à jour tel ou tel règlement, et ainsi de suite. Cela concorde beaucoup avec ce que fait le chef du personnel militaire.
Le sénateur Lang : Je veux parler de l'une des recommandations du lieutenant-général Leslie. Celle-ci avait trait aux réservistes à temps plein, et il était question qu'ils soient réservistes à temps partiel ou membres de la force. Vous pourriez peut-être faire un commentaire sur cette recommandation.
Vice-amiral Donaldson : Je ne suis pas sûr qu'il y soit arrivé. Je pense qu'il a dit que nous devrions réduire le nombre de réservistes à temps plein pour qu'il s'établisse autour de 4 500, sans compter ceux qui participent aux opérations. Je déteste utiliser l'acronyme anglais; franchement, je trouve que ce n'était pas un très bon choix d'acronyme, mais l'étude sur la capacité d'emploi de la Première réserve a été placée sous l'égide de l'Équipe de transformation pour l'année où les travaux étaient en cours de façon à garantir qu'elle concordait avec le travail de cette équipe.
Il y avait un certain nombre d'autres initiatives, comme je l'ai dit au cours de la dernière séance, que nous avons confiées au général Leslie pendant cette période, même si elles auraient continué de façon indépendante pour garantir que ce qui allait ressortir du travail de l'équipe de transformation serait en fait harmonisé à l'échelle du ministère et des Forces canadiennes.
Je suis d'accord avec le général Leslie là-dessus, même que j'irais plus loin et dirais qu'il y a plusieurs fonctions que les membres de la Force de réserve peuvent remplir à temps plein, qui sont extrêmement utiles et qui devraient être assumées par des réservistes à temps plein au sein de notre organisation. Le chiffre est beaucoup plus petit qu'il l'est aujourd'hui, et il est beaucoup plus petit qu'il y a deux ans.
Est-ce que ça répond à votre question, sénateur?
La présidente : Oui, je pense que ce qui était évoqué, c'est que, lorsque les gens ont participé à des activités opérationnelles, en Afghanistan ou ailleurs, peu importe, ils sont enthousiastes; c'étaient des réservistes, ils veulent demeurer réservistes à temps plein, mais c'est une autre décision qui doit être prise : soit recommencer à temps partiel, soit se joindre à la Force régulière.
Vice-amiral Donaldson : Assurément, madame la présidente. Les ensembles de compétences en question doivent réintégrer leur unité; il s'agit d'unités de réserve. Il y a des occasions de continuer à servir dans la Force régulière à temps plein. Il y a d'autres occasions de servir dans le cadre d'autres opérations ou de servir au sein du système d'entraînement à temps plein, mais je ne considérerais pas cela comme un cheminement de carrière en tant que tel. La réserve est une force à temps partiel, et la Force régulière est une force à temps plein.
La présidente : Merci de cette précision.
Le sénateur Day : L'une des choses que nous avons apprises en Afghanistan, c'est l'importance du lien entre les militaires et les civils et le rôle complémentaire que les réservistes ont joué au sein des équipes provinciales de reconstruction. Lorsque nous nous sommes rendus en Afghanistan, je me rappelle qu'il y avait un soldat de Moncton qui était étudiant à l'université et qui était très enthousiasmé par le rôle qu'il avait eu à jouer dans la construction d'une route — c'était une activité militaire inhabituelle et très exigeante, mais très importante par rapport à notre mission là-bas.
Je sais que vous savez, vice-amiral, et j'espère que vous le savez tous, à quel point le comité a soutenu les réservistes et continue de le faire. Nous avons été en contact avec des soldats d'un peu partout au pays, des militaires à la retraite, parfois des réservistes, mais le plus souvent d'autres observateurs dans les collectivités, et tous ces gens ont porté un certain nombre de choses à notre attention. Je vais vous en faire part, et vous pourrez me dire si la situation est maîtrisée dans ces domaines à l'heure actuelle.
Une de ces choses, c'est que, pendant la mission en Afghanistan, une bonne partie de l'équipement à la fine pointe de la technologie était acheminée à Wainwright pour l'entraînement des groupes tactiques là-bas, ce qui fait qu'il n'y avait plus d'équipement pour l'entraînement au manège militaire. L'intérêt des gens qui demeuraient comme réservistes dans les unités s'en est trouvé diminué.
Nous avons aussi entendu dire que, même s'il y a un effectif autorisé pour une unité de réserve, le major ou le colonel responsable de cette unité n'a pas reçu suffisamment d'argent par voie de transfert pour rémunérer cet effectif autorisé. Ce qui se passe, c'est qu'on n'embauche pas de personnel jusqu'à ce qu'on atteigne l'effectif autorisé, on cesse de recruter, et il y a moins de journées d'entraînement. Certains étudiants à l'université — et il s'agit de réservistes très importants — comptent sur leur travail de réserviste pour payer leurs frais de scolarité, et ils constatent qu'ils n'obtiennent pas les fonds auxquels ils s'attendaient vu ce qu'ils avaient reçu dans le passé.
Est-ce que la situation est maîtrisée dans ces domaines à l'heure actuelle? Travaillez-vous là-dessus? Les réservistes semblent avoir été traités de façon un peu moins équitable au cours de la dernière grande période de pointe.
Vice-amiral Donaldson : Merci de ces excellentes questions, et, encore une fois, merci de l'intérêt que le comité continue de montrer à l'égard de la Réserve et des Forces canadiennes, qui sont des institutions précieuses pour le Canada.
On entend toujours au manège militaire des choses qui surprennent les gens comme le vice-chef, alors je vous encourage à continuer de faire cela et à me faire savoir s'il y a des choses que nous pouvons améliorer.
Je vais commencer par les choses positives que vous avez décrites. Je crois que vous avez parlé à un membre de l'EPR qui est probablement un spécialiste civil-militaire. C'est une spécialisation que l'armée a donnée à la Force de réserve et qui, je crois, demeurera un domaine de spécialisation, sans réduire l'importance des aptitudes au combat. Je crois que, si l'on jetait un fusil entre les mains du soldat en question en situation de combat, il se battrait aussi bien que les meilleurs soldats. Cependant, comme domaine auquel une attention est accordée, il s'agit d'un très bon rôle à confier aux unités de réserve, selon l'expérience. Les unités de réserve jouent ce rôle depuis un certain temps en Afghanistan, ainsi que plusieurs autres rôles.
Pour ce qui est de l'autre question, je pense que l'armée a fait face à un problème difficile en Afghanistan consistant à s'assurer qu'un équipement dont la quantité est limitée se trouvait au bon endroit pour soutenir le chemin de la guerre, ce qui était une tâche vraiment difficile. Je pense que cela a eu un effet sur le manège militaire. Maintenant, le commandant de l'armée rééquipe et réoriente l'armée, et il s'agit notamment de s'assurer que les manèges militaires ont ce dont ils ont besoin. C'est une chose que nous allons surveiller, et nous allons nous assurer qu'on s'en occupe.
Pour ce qui est de l'effectif des unités et de la rémunération, lorsque je dis que je veux déterminer s'il est nécessaire de créer une réserve prête personne par personne et la somme que nous devons investir là-dedans, c'est exactement ce que j'essaie de dire. Je sais que le commandant de l'armée et les commandants de la marine et de la force aérienne s'occupent déjà de cela, en s'assurant qu'ils savent quelle somme ils doivent engager pour que nous puissions créer la réserve dont nous avons besoin pour l'avenir. Cela va évoluer, d'ici à un certain nombre de jours, je crois. Il faudra peut-être que nous imposions des limites, en fait. Le nombre de jours de travail que les gens voudront faire et les types d'ensembles de compétences que nous voudrons leur faire acquérir exigeront un investissement permanent.
Je suis d'accord pour dire que la capacité des officiers qui commandent les unités de prévoir ce qu'ils doivent faire pour préparer leur unité, de quoi aura l'air leur budget et ainsi de suite est très importante. Ce que je peux connaître à cet égard est limité, mais je crois qu'il s'agit maintenant d'une priorité pour la suite des choses. Je ne sais pas si le contre-amiral Bennett aurait un autre point de vue là-dessus.
Contre-amiral Bennett : L'un des problèmes qui se posent dans les unités, c'est le taux d'assiduité et le fait que les unités ne sont pas financées en fonction du plein taux d'assiduité. Celui-ci fluctue selon l'époque de l'année en fonction de l'horaire des cours universitaires et de l'intérêt.
Encore une fois, certains des exemples que vous avez entendus peuvent être propres à une région, et il est certain qu'ils ne correspondent pas à ce qui se passe à l'échelle nationale d'après les recherches que nous avons faites. C'est une préoccupation. Le caractère prévisible de la rémunération est une préoccupation pour les réservistes. Encore une fois, avec une force temporaire et des fluctuations du taux d'assiduité, il y a parfois un coussin plus important dans certaines unités que d'autres qui leur permet de faire face à une période de pointe ou de compléter la formation. C'est une chose qui, grâce à un nouveau modèle de financement portant sur la façon dont le financement des réserves est suivi, contribuera à accroître le caractère prévisible dans une certaine mesure. Comme je l'ai dit, l'assiduité est toujours une variable, et il est difficile de prévoir quel sera le taux d'assiduité d'une année à l'autre.
Le sénateur Day : Oui, mais si vous dites à vos réservistes de ne pas se donner la peine de venir parce que vous n'avez pas d'argent pour les payer, cela se reflète dans le problème d'assiduité.
Contre-amiral Bennett : Exactement.
Vice-amiral Donaldson : C'est le problème que nous essayons de régler.
Le sénateur Day : Permettez-moi de faire un compliment, pour compléter cela. On nous a dit que la marine, une fois qu'elle a établi le budget pour l'année, permet à l'unité de réserve de gérer ce budget, tandis que les deux autres forces n'ont pas laissé le budget entièrement entre les mains de la force aérienne et de l'armée et que, donc, au cours de l'année, s'il fallait de l'argent, une partie de cet argent était enlevée aux réservistes. J'espère que vous allez examiner cette question pour vous assurer que, une fois que le budget est établi et que le commandement de l'unité sait ce qu'il va avoir pour l'année, vous allez le laisser gérer son propre budget.
Contre-amiral Bennett : À titre de précision, la Réserve de la force aérienne est financée différemment de la Réserve de l'armée, puisqu'elle n'a pas d'unité de réserve en tant que telle. La Réserve navale dispose d'une structure nationale dans le cadre du processus de planification des activités qui octroie un financement aux officiers de commandement qui ont une meilleure emprise sur leur budget. Nous allons assurément examiner deux choses dans l'avenir — la façon dont le modèle de financement de la Réserve de l'armée est appliqué et la façon dont le financement est suivi dans les secteurs de la réserve — pour être en mesure de fournir un meilleur point de vue.
Vice-amiral Donaldson : Nous devons également gérer l'argent au-delà du niveau de l'unité pour nous assurer d'en retirer le maximum. Je ne voudrais vraiment pas voir une division de réserve — disons la division de la Réserve navale, parce que vous dites qu'elle est en mesure de gérer ses propres budgets — saisir l'occasion quand elle passe parce que, au cours d'une année donnée, elle a un petit surplus, et au cours d'une autre, un déficit l'empêchant de faire l'entraînement parce que les budgets étaient fixes.
Dans le cadre de notre processus budgétaire, nous procédons à des examens trimestriels pour déterminer quels sont les domaines qui exigent plus d'argent et quels sont ceux qui en exigent moins. Il s'agit d'une intervention bien placée qui garantit que le degré de préparation est le même dans toutes les unités.
La présidente : J'ai deux ou trois choses à préciser pour le compte rendu. Pour ce qui est de la façon dont les médecins ou les avocats, par exemple, sont intégrés aux réserves, il s'agit d'une approche différente; ils peuvent être là pendant un an et être adjoints aux forces spéciales ou peu importe. Est-ce que c'est effectivement un modèle que vous envisagez? Vous recherchez un éventail plus large de compétences, surtout des compétences civiles, lorsqu'il s'agit du cyberespace ou d'autres choses du genre? Est-ce un modèle qui pourrait être plus intéressant pour les gens, de dire que vous pouvez venir et faire telle chose selon certaines modalités, ou encore que nous allons recourir à vous pour telle chose parce que nous aimerions que vous examiniez telle question, puis de dire « merci beaucoup » et les laisser entretenir une relation différente? Est-ce une possibilité?
Vice-amiral Donaldson : De façon générale, c'est un modèle que je trouve intéressant. Cependant, ma vision d'une force de l'avenir, c'est celle d'une force à temps plein et d'une force à temps partiel, d'une relation avec les Canadiens qui les encourage à passer un certain temps au sein d'une force à temps partiel avec des ensembles de compétences que possèdent des gens que nous trouvons très difficiles à recruter et à maintenir en poste au sein de notre force à temps plein tout en s'engageant pour des périodes de service à temps plein au cours d'une carrière de 20 à 25 ans. C'est difficile à gérer. Je ne suis pas sûr que nous ayons déjà les outils nécessaires pour gérer ce type d'approche.
Dans certains domaines précis dans le cadre d'opérations comme celles de l'Afghanistan, c'est beaucoup plus facile à gérer dans ce contexte, mais j'aimerais que nous adoptions une nouvelle façon d'envisager le service. Je pense que nous allons devoir attendre quelques années. Notre programme de changement est passablement chargé à l'heure actuelle, et nous verrons si l'occasion d'envisager cela se présente à nous dans l'avenir. Je pense que le contre-amiral Bennett peut vous répondre pour ce qui est des détails.
Contre-amiral Bennett : Les programmes en question sont actuellement alignés sur des programmes semblables au sein de la Force régulière pour ce qui est de la recherche d'ensembles de compétences très précis. La raison pour laquelle cela fonctionne à l'heure actuelle dans le cas des avocats et des médecins, c'est que nous sommes en mesure d'adapter l'entraînement initial et la façon dont ils sont recrutés parce qu'ils sont surtout employés pour leur ensemble de compétences civiles; cela s'inscrit dans le modèle des Forces canadiennes.
De plus, je suis d'accord avec le vice-amiral pour dire qu'il vaut certainement la peine de jeter un coup d'œil là-dessus, mais c'est très complexe, parce que certains de ces ensembles de compétences s'assortissent de besoins plus grands que ceux des autres en matière d'entraînement au sein des Forces canadiennes ou de combats dans le cadre d'opérations. Il est certain que cela a fonctionné quant à la façon dont nous avons attiré et formé les gens qui possèdent ces compétences et gardé leur nom sur des listes de réserve spéciales dont il vaudrait la peine d'envisager l'expansion dans l'avenir. La raison pour laquelle cela fonctionne actuellement, c'est que c'est harmonisé avec certains des grands programmes et que c'est lié très précisément à un ensemble de compétences.
La présidente : Comme vous le savez, la discussion avec notre dernier groupe de témoins de la journée portera sur toute la question de ce que les gens se rappelleront comme étant le Corps-école d'officiers canadiens et qui est maintenant le Programme canadien de leadership.
Est-ce qu'il y a un point de vue du côté de la réserve quant à savoir s'il s'agit d'une bonne idée ou non?
Contre-amiral Bennett : J'ai été informée par le groupe. Il ne fait aucun doute qu'il est valable de faire participer les Canadiens à une expérience de leadership qui va leur permettre d'accroître leurs aptitudes à cet égard. Nous le faisons à l'heure actuelle dans le cadre de deux de nos programmes pour les jeunes, celui des cadets et celui des Rangers juniors canadiens, quoique nous nous adressions à un public beaucoup plus jeune. Le programme a assurément connu du succès dans le passé.
Je dirais que le problème le plus important auquel nous faisons face demeure celui du personnel pour diriger notre système de formation ou pour y ajouter des gens. Il n'y a pas de manque d'enthousiasme à l'égard de la valeur d'un programme comme celui-ci pour mobiliser les Canadiens et leur offrir une expérience de leadership. Encore une fois, il s'agit de déterminer où le programme peut s'inscrire dans le cadre de nos systèmes de personnel et de formation déjà utilisés à pleine capacité.
Vice-amiral Donaldson : À titre de vice-chef, il faut toujours que je pose cette question : qui va payer pour cela? Vu toutes les autres choses que vous avez entendues aujourd'hui, vous comprendrez que nous ne serions pas à l'aise avec un système sans ressources.
La présidente : Très bien, merci beaucoup à tous. La séance nous a été très utile dans le cadre de l'étude que nous nous préparons à mettre au point. Monsieur Stevenson, nous nous adresserons peut-être de nouveau à vous pour vous poser quelques questions sur les ressources et la situation réelle.
Merci, messieurs, de votre patience et d'avoir accepté de participer. Nous en sommes maintenant à la troisième partie de nos débats d'aujourd'hui. Nous poursuivons notre étude sur la Réserve des Forces canadiennes, mais sous un angle particulier. De 1912 à 1968, il y avait dans nos universités un programme intitulé Corps-école d'officiers canadiens. Les étudiants qui s'y inscrivaient recevaient un entraînement de base sur les plans militaire et du leadership, qu'ils appliquaient ensuite dans leur vie, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, en se joignant aux unités de réserve, en entrant dans l'armée, la marine ou la force aérienne.
Depuis 1968, nos militaires et ces programmes de leadership ont essentiellement disparu des collèges et universités du Canada. Il y a beaucoup de gens qui souhaitent maintenant refaire le changement dans l'autre sens, y compris des personnes influentes du milieu des affaires.
Deux promoteurs du programme qu'ils proposent d'appeler Programme canadien de leadership se joignent à nous aujourd'hui pour livrer un témoignage concernant la question. Robert Roy est le chef du 7 Year Project, dont les participants se penchent sur la question et produisent des documentaires et de l'information à ce sujet. Il est accompagné de John Richmond, ex-militaire et directeur des relations avec la communauté, qui s'occupe de programmes particuliers dont nous espérons entendre parler.
Vous l'aurez peut-être deviné vu ma façon de présenter nos témoins, mais j'avoue que j'ai un intérêt personnel pour la question. Je pense que c'est quelque chose qu'il est important de faire, et j'ai pris part aux débats. Je vais essayer de limiter mes commentaires et mes questions le plus possible, mais nous allons simplement commencer. Est-ce que l'un d'entre vous a une déclaration préliminaire à faire?
Robert Roy, chef, The 7 Year Project : J'aimerais remercier le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense de nous avoir invités, mon collègue et moi, à témoigner dans le cadre de vos audiences importantes sur la transformation des Forces canadiennes et l'avenir des forces de réserve du Canada. Derrière nous se trouve Paul Chapin, qui est aussi disponible pour répondre aux questions.
Nous représentons le Breakout Educational Network, qui est un organisme de politiques publiques unique et le seul du genre au Canada à travailler avec le médium audiovisuel, une façon qui est le mieux décrite par l'expression « des politiques que l'on peut voir ». Cela nous donne une énorme capacité de joindre un vaste groupe de citoyens avec des documents d'information qui parlent au cœur comme à l'esprit.
En outre, comme nous commençons par les citoyens ordinaires comme public cible principal de notre projet et avons mis sur pied, par l'intermédiaire de nos partenaires de production et de diffusion, Stornoway Productions et le ichannel, un modèle de production et de diffusion pour remplir nos engagements, nous faisons en fait participer le public au débat d'une façon avec laquelle la plupart des gens sont à l'aise, par les films et la télévision. Bref, nous travaillons dans le domaine de la culture, et cela nous permet d'apporter quelque chose d'unique dans le débat sur la transformation et les réserves qui a lieu actuellement devant le comité.
Le travail de recherche et développement que nous avons fait pour de nombreux films nous a amenés à conclure que le principal problème auquel les Forces canadiennes faisaient face, c'était d'être déconnectées du public canadien. Comme apprentis stratèges, nous connaissons l'observation de Clausewitz selon laquelle la trinité remarquable du peuple, de l'armée et du gouvernement forme le fondement essentiel des opérations militaires et est le centre de gravité d'un pays.
Nous sommes déterminés à mettre fin à cette déconnexion, non pas comme gouvernement ou comme armée, mais plutôt comme gens du peuple qui cherchons nos propres réponses et défendons nos propres intérêts. En effet, comme M. Douglas Bland, de l'Université Queen's nous l'a dit en entrevue, la vraie responsabilité concernant la défense du Canada incombe au peuple canadien.
Ainsi, nous avons lancé le 7 Year Project du Breakout Educational Network en 2006, dans le but de trouver des façons de créer les liens ou de connecter les Canadiens avec leur armée à titre d'institution nationale. Notre initiative inaugurale a consisté en la production d'un documentaire d'une heure intitulé Citizen. Soldier., que je vous recommande pour la description qu'il fait de la contribution que les hommes et les femmes qui font partie des réserves apportent à leurs différents services, à leur collectivité et à leur employeur, ainsi que de leurs propres qualités en tant que leaders et citoyens.
Fait plus important par rapport à la direction du 7 Year Project, c'est que le film Citizen. Soldier. nous a permis de cerner deux initiatives dont nous pensions qu'elles seraient d'excellents moyens d'établir le lien entre le citoyen et les Forces canadiennes.
Le colonel Brian MacDonald nous a fait remarquer qu'on peut considérer que la déconnexion générationnelle d'avec les Forces canadiennes remonte à 1968, année où deux choses se sont passées. Premièrement, les forces de réserve ont été réduites et combinées, ce qui a réduit l'empreinte de l'armée dans les collectivités canadiennes. Deuxièmement, même si cela peut être plus important, le programme du Corps-école d'officiers canadiens pour les étudiants de niveau universitaire a été annulé juste au moment où les universités prenaient de l'expansion de façon exponentielle avec le début du baby- boom. À ce moment crucial, les Forces canadiennes ont choisi de se retirer des universités, et le résultat a été une génération entière de cadres supérieurs et intermédiaires au Canada qui n'ont jamais connu l'armée.
Qu'étaient le COTC — le Corps-école d'officiers canadiens — et ses équivalents de la marine et de la force aérienne? Nous avons décidé de trouver la réponse. Il s'avère que celle-ci ne s'est pas perdue dans les catacombes du temps. Beaucoup de Canadiens éminents des milieux des affaires, universitaires, politiques, des arts et même militaires étaient en mesure d'affirmer que l'expérience formatrice du COTC à l'université était à l'origine du succès qu'ils avaient connu plus tard au cours de leur vie et de leurs contributions à la vie du pays.
J'ai produit deux documentaires sur le sujet : No Country for Young Men, qui raconte l'ascension et la chute du COTC, une excellente initiative canadienne qui a été mise au rancart, comme le dit la bande-annonce qui a été fournie aux médias; et nous avons produit For Queen and Country, tourné à l'Université Cambridge, au Royaume-Uni. Dans ce film, on suit des étudiants qui sont membres d'un corps de formation d'officiers, et il y a des discussions avec des diplômés, des universitaires, des employeurs, des politiciens et des généraux au sujet du succès constant du programme au Royaume-Uni.
Les deux films ont connu énormément de succès pour ce qui est d'attirer l'attention sur notre initiative : le retour du COTC, nouvelle mouture, dans les universités canadiennes. Pour distinguer le programme du COCT, nous l'avons rebaptisé Programme canadien de leadership ou PCL. Notre rôle consiste à maintenir la pression sur les gens qui peuvent faire de ce projet une réalité.
Le lien avec les étudiants et les universités est important pour l'avenir des relations entre la population civile et l'armée, mais, pour obtenir un effet plus immédiat, nous avons mis sur pied une autre initiative qui a connu du succès — au sujet de laquelle j'espère que vous allez poser des questions à mon collègue, John Richmond — le Conseil communautaire de la garnison ou CCG, qui s'adresse directement à la base, aux gens dans la collectivité qui cherchent des façons d'exprimer leur soutien et leur intérêt à l'égard des Forces canadiennes aujourd'hui. Le réseau en expansion du CCG nous offre l'occasion d'obtenir un soutien national venant des citoyens à l'égard de programmes communautaires comme le PCL.
En lançant le CCG et le PCL, le 7 Year Project vise à intégrer le volet citoyen dans les relations avec la population civile et l'armée au Canada. Le citoyen est l'autre membre nécessaire de cette équation. L'un ne peut exister sans l'autre. Comme notre projet est axé sur les citoyens et lancé par des citoyens, nous donnons une crédibilité, une connexion à cet enjeu national essentiel que l'initiative gouvernementale ou militaire ne pourrait pas avoir.
Nous avons hâte d'entendre vos questions et commentaires.
La présidente : Merci beaucoup.
Monsieur Richmond, vous pourriez peut-être nous donner un aperçu du projet de la garnison, simplement pour que les gens sachent à quoi vous faites référence.
John Richmond, directeur, Relations avec la communauté, The 7 Year Project : Au moment de la fermeture de la base de la Force régulière à London, en Ontario, un groupe de personnes en lien avec la base était préoccupé par l'apathie manifeste du public à l'égard du retrait des unités de la Force régulière de la BFC de London.
Ils ont essentiellement réalisé une étude pour montrer ce que la collectivité avait perdu, non seulement sur le plan financier, avec les salaires et l'infrastructure, mais également sous forme de services. Il s'est avéré que les gens qui portent notre uniforme et s'engagent envers le pays dans le cadre d'opérations et de l'entraînement sont également ceux qui dirigent les groupes de louveteaux, de scouts et de guides et les équipes sportives des ligues mineures et sont aussi des agents de police et des représentants du service des incendies.
J'ai entendu l'expression « premiers intervenants ». Les premiers intervenants viennent de bien des domaines, qu'il s'agisse d'enseignants, d'infirmières ou de médecins.
Ils ont constitué un groupe, créé en 2004, qu'on appelle le Conseil communautaire de la garnison de la région du grand London. Dans le cadre du travail de préparation de la production de Citizen. Soldier., M. Roy a pris connaissance du projet, et celui-ci est documenté dans le film. Nous avons créé un modèle de ce qui s'est fait à London, et nous avons commencé à appliquer ce modèle ailleurs et à le présenter à des collectivités d'un peu partout au Canada.
Je vis à Niagara, alors bien sûr le premier choix a été de présenter le modèle là-bas. Il y a maintenant un Conseil communautaire de la garnison de Niagara, qui est enregistré en bonne et due forme en Ontario et au Canada à titre d'organisme sans but lucratif. On m'a dit à un moment donné que cela ne fonctionnerait jamais à Montréal ni à Québec.
[Français]
Québec est la province favorite de mon épouse et moi. Nous avons aussi les Amis des Forces canadiennes, situé à Montréal. Nous avons fait des enquêtes, dans la ville de Québec, qui ont mené à la production d'un documentaire intitulé Armée de passion, reflétant la passion des habitants de la ville de Québec pour leurs militaires.
[Traduction]
De plus, nous avons fait du travail de relation avec les gens de Pictou, en Nouvelle-Écosse, où il y a une organisation extraordinaire qui s'appelle le conseil consultatif communautaire, lequel est composé de civils qui travaillent avec l'armée et met sur pied des projets organisés par l'armée et payés par les civils.
En outre, nous discutons avec le maire de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, M. Brad Woodside. Des gens expriment un intérêt à Medicine Hat. J'y ai moi-même passé de nombreuses années. Des gens ont assurément exprimé un certain intérêt à Victoria, ainsi que dans les collectivités du Sud de l'Ontario.
Ce qu'il est important de savoir au sujet du Conseil communautaire de la garnison, c'est qu'il s'agit d'une organisation communautaire et axée sur les citoyens qui dépend de l'initiative et du leadership des gens de la collectivité qui doivent s'adresser à l'armée.
Nous croyons qu'il n'appartient pas nécessairement à l'armée de chercher à établir un lien avec la collectivité. Cependant, à titre de cosignataires de tout contrat de service, les citoyens canadiens ont le devoir de s'adresser à leur armée pour voir ce qui doit être fait. Le conseil de Regina, en fait, est la quatrième organisation ayant reçu la sanction officielle.
La présidente : C'était très intéressant, et je sais qu'il y a d'autres questions pour M. Roy au sujet de l'intérêt dans les universités.
Le sénateur Dallaire : Madame la présidente, je veux vous féliciter de faire partie du comité consultatif de cette organisation. J'ai déjà reçu beaucoup d'information sur le sujet de la part du sénateur Rompkey, et mon opinion est très favorable à cet égard.
Je pense qu'il y a un angle qui n'a pas été abordé, et je pense que vous souhaiterez peut-être prendre cela en considération. C'est la raison pour laquelle je vous pose la question.
Un aspect de la question, c'est que les gens ne veulent pas voir nos recruteurs dans les universités ni même dans les écoles secondaires. Avez-vous, au CCG, un point de vue sur la façon de convaincre certaines universités et organisations d'étudiants de nous permettre de revenir et de faire partie des journées des employeurs normales où les gens viennent vendre leur salade? Il y a comme un relent du Vietnam qui nous a chassés des campus. Ce n'est pas la tendance dominante, quoique ça l'est dans certaines régions. Au Québec, par exemple, dans les écoles secondaires et dans les cégeps, il est difficile d'avoir une place, et vous pourriez peut-être envisager de vous pencher là-dessus.
La seconde partie de cela, toutefois, c'est qu'il n'y a rien ici qui indique que la future base de recrutement des forces, ou encore les gens intéressés par les forces, sera autre que les Blancs. C'est-à-dire que rien ne dit que le processus serait exactement le même que celui que nous avons suivi dans le passé. Je faisais partie du régiment de milice de Jean Lesage, qui était le premier ministre de la province. Il était passé par le COTC. Le ministre Garon a fréquenté le COTC à Shilo et a fini par devenir séparatiste, mais ça, c'est une autre histoire. Il y a aussi M. L'Allier, qui a été maire de Québec. Beaucoup de ces gens sont passés par le COTC, qui était une introduction extraordinaire.
Nous avons travaillé sur cet aspect, mais qu'en est-il de toute la nouvelle composition ethnique du Canada? Pourquoi est-ce que cette chose ne met pas cela directement au centre, à l'avant-plan, pour présenter à beaucoup de ces nouveaux immigrants ce lien avec les forces?
M. Roy : Merci, sénateur. Vous avez touché deux points intéressants que nous avons en fait abordés dans nos réflexions sur ce projet en particulier. Permettez-moi de répondre à la première question.
À titre de cinéaste du projet, je me suis rendu récemment aux États-Unis pour parler du retour du projet du ROTC à Harvard, Yale et Columbia. Bien entendu, il y a eu un énorme débat là-dessus.
En fait, ce que je voulais faire, c'était d'examiner le processus, surtout à Columbia, pour ce qui est de la façon dont les défenseurs du projet de retour du ROTC travaillaient avec le Sénat, les facultés universitaires et les étudiants pour rétablir le programme, avec l'idée que je pourrais ramener cela au Canada et apprendre quelque chose de l'expérience vécue aux États-Unis.
Lorsque nous avons produit les deux films en question, la réaction du milieu universitaire au Canada a été tout à fait inattendue. Nous avions organisé une projection pour plusieurs membres de l'armée à différents endroits, et, d'une façon ou d'une autre, des gens de l'Université de l'Alberta ont mis la main là-dessus, nous ont appelés d'Edmonton et nous ont dit : « Nous aimerions mener ce projet à titre de projet pilote, dès maintenant. Donnez-nous les clés du modèle. »
Nous avons dû leur répondre que, malheureusement, nous n'en avions pas encore parlé avec l'armée, mais que nous étions en train d'y travailler. Ils tenaient à mener ce projet particulier, comme projet de leadership, au sein de leur école comme programme parascolaire.
Pendant la même période, nous avons présenté des exposés à l'Association des universités et collèges du Canada et reçu l'appui de son président, de même que celui du Conseil des universités de l'Ontario.
Le milieu universitaire du Canada ne semble pas trouver que ce projet en particulier pose problème. Je sais bien qu'il va y avoir des manifestations d'étudiants ou des gens qui s'y opposeront, mais, comme aux États-Unis, ce n'est pas quelque chose pour toutes les écoles, tous les campus ou tous les étudiants.
Oui, je pense que nous serions en mesure de répondre à la question concernant le retour d'un programme de recrutement sur le campus au sujet de cette chose en particulier, ce qui est assez intéressant. L'Université de l'Alberta et le président de Dalhousie m'ont dit que, si c'était un club, cela ne poserait pas de problème. C'est ce que nous avons constaté au Royaume-Uni, où 1 200 personnes se présentent au kiosque de recrutement de l'Université de Londres et on retient 200 candidats. Il y a trop d'inscriptions au Royaume-Uni.
La présidente : Avant de répondre à la seconde question, sachez bien ceci : il ne s'agit pas d'un outil de recrutement de l'armée. Je pense que le sénateur Dallaire parlait du fait qu'il y a des journées sur les campus où on peut être recruté par Google ou IBM ou une entreprise quelconque. C'est quelque chose d'autre, parce qu'il s'agit d'aptitudes au leadership.
M. Roy : Il s'agit d'aptitudes au leadership, et c'est la raison pour laquelle les universités sont intéressées. Elles souhaitent tirer parti de l'expérience d'acquisition d'aptitudes au leadership par leurs étudiants au sein des Forces canadiennes. Elles font face aux exigences du milieu des affaires; que faites-vous vraiment en ce qui concerne une formation pratique et concrète en matière de leadership? Elles peuvent parler d'un cours de psychologie 101 sur le leadership ou d'un cours de MBA. Ce n'est rien de concret. Elles voient cela, et c'est la raison pour laquelle elles souhaitent adopter ce programme en particulier.
Votre second point concernant le multiculturalisme est intéressant. Ce qui a mené le COTC à sa perte, c'est la Commission Suttie en 1964, qui était la version militaire de la Commission Glasgow sur l'efficacité du gouvernement. Selon la commission, si le COTC et ses équivalents de la marine et de la force aérienne n'étaient pas en mesure de présenter de chiffres concernant le recrutement, le programme devrait être supprimé. L'un des membres de la Commission Suttie était le brigadier général Bruce Legge, qui est décédé il y a un certain nombre d'années. Il a dit longtemps après que cela aurait été un excellent programme pour faire connaître les Forces canadiennes à des étudiants appartenant à différentes cultures. Si nous n'avons pas mis cela à l'avant-plan, je pense que nous devrions le souligner. C'est l'un des avantages que le programme du COTC et le PCL peuvent offrir aux forces dans le cadre de leurs initiatives de recrutement futures. Le programme ne permettrait peut-être pas de trouver des recrues directement, mais il ferait connaître l'armée auprès de la population en général.
Le sénateur Dallaire : Le but n'est pas tant de disposer d'un outil de recrutement que d'informer la nation canadienne, ses citoyens et ses leaders. Cela m'amène à parler des unités de milices et de leur participation.
Est-ce qu'il y a eu des commandants du secteur et des unités de milices qui ont bien accueilli l'initiative dans leur ville, municipalité ou campus et qui l'ont fait de façon officieuse parce qu'ils n'ont pas reçu de financement à cet égard et que cela ne fait pas partie de leurs mandats dont même le vice-amiral a parlé, mais sans donner de précision?
M. Roy : Nous avons lancé le projet en 2006. J'ai au moins présenté le concept aux prédécesseurs du contre-amiral Bennett, à trois ou quatre personnes avant elle. Il faut admettre que notre projet est devenu plus complexe et que nous savons mieux qu'avant ce que nous essayons de faire. Lorsque nous avons parlé avec le contre-amiral Bennett récemment, je pense qu'elle a été impressionnée par ce que nous concevions et proposions.
Nous n'essayons pas de mettre au point des détails du fonctionnement du projet. Nous savons que cela revient à l'armée et doit être négocié avec les universités. Notre rôle consiste à maintenir la pression publique à l'égard de ce programme particulier pour que le public demande au gouvernement de fournir des fonds, comme le vice-amiral Donaldson l'a recommandé. D'où l'argent viendra-t-il? Il viendra du fait que les gens exigeront que leurs enfants aient accès au programme.
Le sénateur Dallaire : Vous êtes donc une organisation de promotion?
M. Roy : Non.
Le sénateur Dallaire : Dites oui. C'est le but de l'exercice que de vendre le produit.
M. Richmond : Pour vous donner un exemple, lorsqu'on a essayé d'empêcher les recruteurs de s'installer dans l'un des campus de l'Université de Western Ontario il y a deux ou trois ans, les étudiants se sont rebellés contre leur fédération et l'ont forcée à admettre les recruteurs sur le campus. Il y a un intérêt chez les jeunes.
Comme un jeune le dit dans l'un des documentaires de M. Roy, ils doivent être présents sur nos campus. Comment pourrions-nous affronter nos peurs autrement? Cette personne était assurément contre l'armée.
Je ne crois pas que ce soit l'enjeu le plus important. Pour ce qui est des nouveaux Canadiens, compte tenu de la prépondérance de nouveaux Canadiens de la première et de la deuxième générations qui instillent dans l'esprit de leurs enfants l'idée qu'ils doivent fréquenter l'université, la seule façon de joindre ces gens, c'est de s'adresser à eux dans les universités, parce qu'ils n'ont pas été en contact dans le passé avec l'armée canadienne et ne sont donc pas encouragés à s'adresser à nous.
Comme citoyens, nous devons encourager tout ce qui peut exposer les nouveaux Canadiens à l'ensemble des aspects de notre patrimoine et de notre culture, y compris l'infrastructure qui a fait du pays ce qu'il est. Un de ces éléments, c'est l'armée canadienne. Les campus universitaires sont le moyen d'y parvenir.
Le sénateur Lang : Bienvenue. J'aimerais aborder la question du coût de ce que nous sommes en train d'examiner. Je pense que tout le monde ici présent serait d'accord pour dire que le programme en question serait très bon pour les jeunes du Canada. Je dois dire que je vous admire de consacrer votre temps à la promotion de ce programme. De toute évidence, vous connaissez du succès, puisqu'il y a maintenant quatre universités...
M. Roy : L'Université de l'Alberta a pris un engagement à l'égard d'un programme à coûts partagés si le gouvernement décide qu'il s'agit d'une politique à appuyer.
Le sénateur Lang : C'est dans cette voie que je voulais orienter la discussion.
L'Université de l'Alberta a dit qu'elle serait prête à assumer une part des coûts. De quel genre de sommes parlons-nous, pour que l'Université de l'Alberta offre un programme du genre? Je présume que le partage des coûts se ferait avec l'armée. Est-ce exact?
M. Roy : Nous avons rédigé un modèle de mémoire au cabinet qui précise certains de ces coûts au sujet desquels nous faisons des hypothèses. Nous n'avons pu avoir recours qu'à nos connaissances et à l'information accessible au public concernant ce qu'un étudiant de cette nature particulière recevrait. Nous avons fondé nos chiffres sur la rémunération de base d'un réserviste, qui est d'environ 12 000 $ par année. Nous avons débattu ici aujourd'hui du fait que cette rémunération varie ou non.
Plus précisément, nous avons estimé qu'une somme de l'ordre de 1,6 million de dollars par année pour un projet pilote à l'Université de l'Alberta serait essentiellement ce que nous viserions.
La présidente : À partager, ou quelle serait la part des coûts assumés par l'université?
M. Roy : Ce serait le coût total du programme et la façon dont les coûts seraient partagés sur le plan des installations et des choses que l'université pourrait fournir par rapport à d'autres choses, par exemple les coûts liés aux étudiants, à l'organisation du transport, à l'administration, ainsi que pour payer le groupe de dirigeants qui y prendraient part. Tout cela a été calculé dans cette somme de l'ordre de 1,8 million de dollars.
Le sénateur Dallaire : Combien d'étudiants?
M. Roy : Nous visons environ 50 étudiants pour la première année. L'Université de l'Alberta envisage de faire augmenter le chiffre sur quatre ans, et ce serait donc 50 étudiants la première année et 50 la seconde. Il y aurait une croissance, mais les chiffres diminueraient à la fin.
M. Richmond : Ce qui n'est pas calculé là-dedans, parce que nous n'avons pas accès à l'information, c'est qu'il y aurait des coûts pour le ministère de la Défense nationale découlant des ressources de formation nécessaires pour mener les programmes offerts au cours de l'été. Les coûts que nous avons inclus sont les salaires et les dépenses liés à la formation de base, qui s'appliqueraient au groupe la première année. Avec une seconde cohorte au cours de la deuxième année, les coûts augmenteraient.
Cependant, la question de l'effectif a été soulevée au sujet de la formation. J'ai moi-même vécu une expérience à cet égard, puisque j'ai subi une blessure qui m'a empêché d'exercer mon premier métier au sein de l'armée. Lorsque j'ai été démobilisé dans les années 1990, je me sentais encore tout à fait capable d'apporter une contribution. Nous avons la possibilité ici de recourir à nos anciens combattants démobilisés le plus récemment, les plus jeunes et les plus brillants, qui ne peuvent peut-être pas continuer d'exercer le premier métier qu'ils avaient choisi, pour enseigner le leadership à des gens qui auront ainsi devant eux un exemple concret de ce qu'est véritablement le service. Quand on y pense, il s'agit de présenter le leadership comme une forme de service à l'intérêt supérieur, de service au pays.
Comme M. Roy l'a fait remarquer, j'ai examiné le matériel qu'ils avaient produit, qui donnait des exemples de gens qui avaient fait partie de l'ancien programme — des gens comme M. Broadbent et M. John Wood, le directeur artistique à Stratford, qui n'avaient pas pris d'engagement à l'égard des Forces canadiennes après l'université. Ce qu'ils avaient appris, par exemple, si l'on prend les parlementaires en 1968, lorsque le programme a été annulé, c'est que plus de 34 p. 100 de nos parlementaires avaient une expérience quelconque de l'armée, même si celle-ci se limitait au programme de formation offert à l'université.
Lorsque M. Harper a pris le pouvoir en 2006 dans le cadre de la 39e législature, ce chiffre était passé à 3,1 p. 100. Ils étaient 13 au total : cinq sénateurs et huit parlementaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles un programme du genre est bénéfique, parce qu'il sensibilise nos parlementaires, nos hommes et nos femmes d'affaires, et nos dirigeants locaux à l'égard de ce que l'armée fait vraiment pour notre pays, et je ne parle pas des forces armées. Ça va au-delà de ça et touche également notre prestige à l'échelle internationale.
M. Roy : Pour ce qui est de l'établissement des coûts, M. Richmond a mentionné cela à l'égard de la capacité de formation actuelle d'un groupe de 50 étudiants et plus qui prendra part au programme en question en ce qui concerne l'Université de l'Alberta. Je pense qu'il existe une petite capacité excédentaire relativement à la formation pendant l'été et autres choses du genre qui permettrait aux Forces canadiennes d'absorber ce petit nombre de participants. Si on parle de la situation dans 15 ans, c'est-à-dire ce que nous visons, l'expansion du programme à l'échelle nationale, où il pourrait finir par y avoir près de 3 000 ou de 4 000 jeunes inscrits au programme, alors l'intégration de 3 000 ou de 4 000 personnes dans le cadre du processus poserait un problème immédiat, mais peut-être que cela peut être intégré au projet de transformation des Forces canadiennes.
L'obstacle auquel nous nous sommes heurtés ne tient pas tant au fait que les responsables ne pensent pas que le programme n'a pas de valeur; c'est simplement que nous n'avons pas été en mesure de discuter avec eux des éléments de base, et ma grande crainte, c'est que les universités semblent très intéressées par le projet, mais que nous n'avons pas trouvé à qui nous adresser au sein des Forces canadiennes.
Le sénateur Day : Monsieur Roy, vous avez parlé du COTC, mais cela comprend également le concept de la Division universitaire d'instruction navale et celui du Programme universitaire d'entraînement de la Réserve pour les différentes forces et les différents programmes qui existaient, et qui étaient très semblables, mais simplement pour des forces différentes.
Comme je mets l'accent là-dessus, je présume qu'il y aurait une formation pendant l'été et qu'il s'agirait d'un entraînement militaire, puis de quelque chose durant la semaine, quelque chose de très semblable aux unités de réserve dont nous avons parlé ici.
M. Roy : Je peux certainement aborder le sujet et répondre en partie à une question antérieure, c'est-à-dire celle de savoir si nous avons été en contact avec la structure de commandement à l'échelon local. Oui, nous avons été en contact avec le contre-amiral Bennett et ses prédécesseurs, mais, dans la région de Toronto, j'ai également été en contact avec le commandant de brigade, et il a effectué un certain travail de dotation concernant la façon dont le projet en question pourrait fonctionner avec l'école tactique qu'ils avaient mise sur pied au sein de la brigade. L'école de Toronto est probablement un peu plus avancée que certaines régions du pays, mais, selon lui, cela pourrait fonctionner à son école tactique avec des recrues des trois services. Nous parlons de gens qui n'ont pas encore nécessairement décidé qu'ils souhaitent se joindre à l'armée, à la marine ou à la force aérienne, mais, l'avantage, c'est qu'il y aurait un bassin de jeunes, peut-être de différentes écoles, qui se réuniraient à un endroit, ce qui fait que l'on pourrait appliquer un ensemble de ressources à leur entraînement à partir du niveau de base, ce qui se ferait pendant la semaine et pendant deux ou trois fins de semaine par mois. Ils pourraient certainement être en relation avec leur unité de réserve locale, que ce soit l'armée, la marine ou la force aérienne, selon leur désir, mais ils participeraient à l'entraînement militaire pendant l'été, ce qui constituerait la majeure partie de leur contribution à leur scolarité et à leur emploi d'été, mais ils feraient alors partie de l'armée, de la marine ou de la force aérienne, selon leurs aspirations.
Comme je l'ai dit, il s'agit de détails concernant le fonctionnement que nous avons été en quelque sorte réticents à aborder, parce que nous sommes d'avis qu'il appartient aux gens qui vont se charger de l'organisation de les régler.
Le sénateur Day : Vous abordez la question de savoir s'il y aurait une exigence de service militaire par la suite. Il y a beaucoup de gens, comme le sénateur Dallaire l'a mentionné, qui participent seulement pendant qu'ils fréquentent l'université parce que ça les aide à terminer leurs études, mais qui gardent des connaissances au sujet des forces armées.
M. Richmond : Le programme que nous proposons n'est pas un outil de recrutement pour les Forces armées canadiennes, qu'il s'agisse de la réserve ou des forces régulières. Cependant, l'avantage indirect à long terme pour le Canada est là. L'avantage à court terme, c'est qu'il offrira, surtout pour les unités de réserve, ce qui est essentiel, en raison de la fermeture d'un si grand nombre de nos bases situées en milieu urbain, le seul contact que les Canadiens ont avec l'armée. Il créera un bassin pour les réserves de gens qui, autrement, n'en entendraient jamais parler. Les gens qui se découvrent un intérêt à l'égard du service à temps partiel pourraient se voir offrir l'occasion de se joindre aux unités locales.
Ce qui est bien, c'est que cela offre aux unités locales et à la Force régulière une période de quatre ans pour examiner le cas de leaders potentiels avant de s'engager à leur offrir des contrats après l'obtention de leur diplôme. Cela offre également à la personne concernée la possibilité de présenter une demande ou de continuer d'exercer son métier dans le civil.
Le sénateur Day : L'autre aspect de la question — et c'est la raison pour laquelle vous devriez être en contact avec l'amiral Bennett, c'est qu'il y a beaucoup d'étudiants de niveau universitaire qui font le trajet pour se rendre aux unités de réserve au sein desquelles ils servent. Si c'était organisé de façon plus pratique sur un campus universitaire, il y a beaucoup plus de gens qui pourraient souhaiter participer.
M. Richmond : L'une des choses que nous avons tous les deux découvertes en parlant avec des professeurs et des présidents d'université, c'est qu'ils ne savent pas du tout qui est associé aux Forces canadiennes sur le campus, et même s'il y a des gens qui le sont. Ils ne savent pas du tout s'il y a des gens inscrits au PFOR ou des officiers de la réserve qui fréquentent leur université.
Le sénateur Day : Monsieur Roy, vous parliez de leadership avant que nous n'abordions l'aspect militaire. Avez- vous pensé aux autres types de services publics comme le CUSO ou d'autres programmes actuels ou passés qui concernent le leadership, la discipline et toutes les choses que vous recherchez, mais pas en uniforme et en travaillant au sein de l'armée pendant l'été?
M. Roy : Je comprends. Par le passé, les organisations du genre ont essayé de créer des liens, et je ne pense pas que cela ait fonctionné pour les deux côtés.
Notre programme n'est pas pour tout le monde. Nous le comprenons, et nous n'essayons pas de faire porter l'uniforme aux gens. Nous comprenons qu'il y a d'autres modèles de formation en matière de leadership et que notre programme n'est qu'un des moyens d'y arriver.
Ce que nous avons proposé, cependant, c'est que l'exposition à l'armée pourrait être très utile dans le cadre de l'approche pangouvernementale, parce que différents ministères, entre autres l'ACDI, les Affaires étrangères et les Transports, souhaiteraient, je crois, embaucher des diplômés qui ont une certaine expérience de l'armée et y ont été exposés.
C'est pour cela que le projet a été mis sur pied au départ. Le sénateur Wallin a mentionné qu'il a commencé en 1912 à l'Université McGill. Il a ensuite été rétabli après la Seconde Guerre mondiale avec deux objectifs principaux. L'un était de contribuer à la mobilisation en vue d'une éventuelle troisième guerre mondiale, qui, heureusement, ne s'est jamais produite, et l'autre, ce qui a en quelque sorte été oublié, c'était de fournir à l'armée un bassin de gens qui occuperaient à un moment donné des postes d'influence et qui, connaissant l'armée et y ayant été exposés, pourraient en défendre les intérêts. Je sais que ces gens sont de bons citoyens canadiens, et nous connaissons des anecdotes qui l'illustrent.
Le sénateur Day : C'est un aspect important.
Lorsque le programme a été annulé en 1968, est-ce que c'était dans le cadre de la restructuration d'unification qui s'est faite à l'époque, ou est-ce que c'est en raison d'une décision indépendante fondée sur l'aspect financier?
M. Roy : C'est que les comptables zélés du recrutement disaient que le rendement, vu le coût, n'était pas suffisant sur le plan des recrues.
Bien entendu, à Columbia, à Yale et à Harvard, le ROTC a été supprimé à l'époque du Vietnam, alors, il a pu y avoir un élément de cela. Toutefois, ces universités de l'élite américaine rétablissent le programme dans leurs campus. Elles comprennent quels sont les avantages. Ce n'est pas une solution miracle pour combler le fossé entre l'armée et la population civile, mais elles comprennent que le programme contribue à régler le problème que l'une des personnes que j'ai interrogées a décrit comme étant un scandale civil faisant des ravages, c'est-à-dire que les diplômés des universités d'élite ne contribuent pas au service militaire du pays. Ce n'est pas un problème avec lequel nous sommes aux prises, mais c'est un modèle que nous envisageons.
La présidente : Je ne sais pas si les membres du comité ont reçu les documentaires.
M. Roy : Nous serions heureux de les mettre à la disposition de tous les membres.
La présidente : Ce serait bien, parce qu'on entend effectivement des chefs de file du monde des affaires qui sont indépendants, des gens qui ne participent pas et qui n'ont pas l'intention de le faire, parler de ce que cela détermine leur aptitude au leadership et du fait qu'ils recherchent ce genre d'aptitude chez les autres lorsqu'ils embauchent des gens dans le monde des affaires. Certains de ces points sont abordés.
Y a-t-il un site web ou quelque chose?
M. Roy : Il y a un site web : www.thesevenyearproject.com. Nous allons veiller à ce que tous y aient accès.
Le sénateur Dallaire : La Commission Suttie a donné lieu à une réduction massive des forces en 1964, de l'énorme structure militaire composée de quelque 150 000 personnes que nous avions. C'était un mélange de réduction, mais également un signe des temps concernant l'armée, la présence sur les campus et ainsi de suite, ce qui était assez fréquent, si vous vous rappelez bien, à l'époque des conscrits réfractaires.
Vous vivez à une époque qui respecte le critère, comme vous avez dit, du concept pangouvernemental, des nouveaux concepts de recours à la force militaire, qui ne sont pas nécessairement cinétiques. Il faut que cet aspect ressorte de façon de plus en plus délibérée, parce qu'il s'agit de la nature changeante du conflit et de notre engagement, ce qui veut dire que nous avons besoin de gens qui ont non seulement des aptitudes acquises par l'expérience, mais également des gens dans les campus qui ont des capacités intellectuelles. Est-ce que vous envisagez d'insister un peu plus là-dessus?
M. Roy : Nous allons assurément le faire. Il est assez intéressant de constater que la récente initiative stratégique de la défense au Royaume-Uni visant essentiellement à réduire d'une façon radicale le budget de la défense du pays témoigne de ce que la formation des officiers, le maintien du lien avec les universités et du lien de l'armée avec les sociétés demeurent sacro-saints. C'était un lien précieux qu'il fallait continuer de financer. Il a été épargné par les compressions budgétaires.
M. Richmond : Au sujet de l'aspect pangouvernemental, si vous examinez le projet d'un point de vue d'ensemble, nous parlons de Citoyenneté et Immigration, d'Anciens Combattants Canada et du ministère de la Défense nationale, bien sûr, mais presque tous les éléments clés, tous les ministères clés du gouvernement pourraient avoir un rôle à jouer pour en faire un succès, et donc pourraient donc avoir un rôle à jouer dans le financement du projet. Nous avons déjà saisi l'occasion d'informer plusieurs députés et avons obtenu un soutien incroyablement fort. Maintenant, il s'agit de passer à la prochaine étape.
La présidente : Messieurs, merci beaucoup de la description claire que vous avez faite de tout cela. Cette description s'inscrit très bien dans le cadre de notre examen des réserves. Ce sont les derniers mots là-dessus aujourd'hui. Merci de votre présence ici aujourd'hui.
Nous allons suspendre les travaux. Je vais juste échanger quelques mots de façon officieuse avec les témoins.
(La séance est levée.)