Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 3 - Témoignages du 12 décembre 2011
OTTAWA, le lundi 12 décembre 2011
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 15 h 56, pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale.
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur la GRC qui a connu une période difficile au cours des dernières années. J'aimerais vous donner un court résumé des événements.
Quelques enquêtes d'importance ont eu lieu au cours des 10 dernières années environ : le rapport Brown du Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC; les rapports de suivi McAusland relatifs au Conseil de mise en œuvre de la réforme à la GRC; l'enquête Braidwood sur le recours au Taser; la Commission d'enquête relative aux mesures d'investigation prises à la suite de l'attentat commis contre le vol 182 d'Air India; et l'enquête relative à l'affaire Maher Arar. De plus, il y a eu des enquêtes relatives à des décès en détention et, plus récemment, il y a eu des allégations de harcèlement sexuel formulées par des agentes de la GRC. Il s'agit d'un tableau complexe.
Aujourd'hui, nous accueillons le nouveau commissaire de la GRC, Rob Paulson, qui a été officiellement assermenté il y a quatre jours. Il est membre de la force depuis 25 ans et, avant cela, il a travaillé pendant sept ans au sein des Forces canadiennes. Il a occupé de nombreux postes, mais au cours des dernières années il a été directeur général de la Sous-direction du renseignement sur les crimes graves et le crime organisé; directeur général du Service national de la police criminelle; commissaire adjoint des Enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale; et commissaire adjoint des Services de police contractuels et autochtones. L'an dernier, il a été nommé sous-commissaire de la police fédérale et il est maintenant commissaire de la GRC.
Commissaire, vous avez parlé publiquement au cours des dernières semaines de votre rôle et de certains de vos projets. Vous avez parlé du besoin de mettre fin au comportement que vous avez qualifié de mal intentionné dont vous avez été témoin au sein de la GRC. Nous aimerions savoir ce que vous avez à dire. Avant de passer aux questions, aimeriez-vous faire une déclaration préliminaire ou des commentaires?
Bob Paulson, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Je n'ai pas de déclaration préliminaire et je serai heureux de répondre à vos questions.
La présidente : En tant que citoyenne qui a grandi dans une petite collectivité, je suis très reconnaissante envers les milliers d'agents de la GRC, qui font preuve d'un professionnalisme, d'une morale et d'une éthique exemplaires, qui vont travailler au quotidien pour nous protéger ainsi que nos collectivités. Et pourtant, ce sont les mauvais acteurs qui sont sous les feux de la rampe. Quand cela se produit, ils mettent en lumière certaines faiblesses du système. Vous vous êtes penché là-dessus non seulement en tant que membre actif de longue date, mais aussi dans vos nouvelles fonctions. Je sais que vous avez de nombreuses priorités, mais quel est le premier morceau auquel vous voulez vous attaquer?
M. Paulson : Quand on m'a présenté aux Canadiens à la Chambre des communes, j'ai dit que la controverse et le problème de harcèlement figurent au premier rang de ma liste. J'ai quelque peu changé ma position à cet égard parce que, à la base, mes priorités sont le leadership et la reddition de comptes. À court terme, je dois mettre en œuvre des mesures qui montreront aux Canadiens que nous rendons des comptes à la population et à chacun d'entre nous et que nous avons le leadership nécessaire pour surmonter certains de ces défis.
La présidente : Quand vous parlez de « reddition de comptes », entendez-vous par là qu'il y aura des mesures formelles ou que ça se fera par votre entremise?
M. Paulson : Dans tous les sens du terme, je veux dire que nous rendrons des comptes aux Canadiens par le biais de processus déjà en place et peut-être de certains autres qui seront créés; je veux dire qu'il y aura « reddition de comptes » en montant dans l'ordre hiérarchique; je veux dire qu'il y aura « reddition de comptes » envers les employés; et je veux dire qu'il y aura « reddition de comptes » entre collègues pour notre comportement et notre conduite.
L'une des choses que j'ai répétées à plusieurs reprises est que bien que nous comprenions tous que le travail que nous faisons auprès des Canadiens est important, la façon dont nous le faisons est probablement plus importante. C'est ce sur quoi j'essaie de me concentrer.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Bienvenue, monsieur le commissaire. Je vous félicite pour votre nomination. Mes questions concernent vos nouvelles fonctions.
J'ai assisté à un dîner régimentaire du Lower Mainland de la Colombie-Britannique récemment, auquel participaient plusieurs centaines de vétérans. On sentait que les troupes n'étaient pas particulièrement heureuses de leur sort, de l'image que les Canadiens ont d'eux et de l'image qu'ils se font d'eux-mêmes, comme s'ils sentaient que leurs blasons avaient été un peu ternis. Et cela les affectait.
Pendant les années 1990, les forces armées ont connu beaucoup de problèmes, entre autres avec les opérations en Somalie.
À un certain moment, on a dû développer un nouvel ethos. Le corps des officiers a dû être réformé ainsi que toute la direction supérieure.
Croyez-vous qu'une réforme des cadres serait aussi salutaire afin de redonner confiance aux troupes?
M. Paulson : Merci, sénateur. C'est exactement cela. Je crois que nos officiers veulent avoir du changement au sein de la GRC. Nous devrons travailler sur l'idée que l'on se fait du leadership, et ce que cela veut dire pour les officiers gestionnaires.
On a déjà commencé à faire de la formation en leadership avec les militaires et le général Natynczyk a généreusement invité nos officiers à suivre leur formation avec les officiers des Forces armées canadiennes. Je suis complètement d'accord avec vous qu'il faut un changement rapide dans l'ethos de nos officiers qui sont en charge.
[Traduction]
Le sénateur Dallaire : Le service de police du renseignement a adopté une nouvelle doctrine pour être proactif et miser sur la prévention. Pour le maintien de l'ordre de la GRC, est-ce que c'est devenu une méthode d'enseignement ou une méthodologie formelle qui est promue au sein des autres forces du Canada, ou nous en tenons-nous encore au mode réactif par opposition au mode proactif du renseignement?
M. Paulson : Je pense que ça s'est implanté. Les services de police fondés sur le renseignement ont malheureusement différents sens aux yeux des gens. Il n'y a pas de définition cohérente. Dans le sens classique du terme, nous voulons travailler avec du renseignement et du renseignement tactique qui nous permettront d'atteindre nos objectifs. L'élaboration de stratégies comprend aussi un volet qui nécessite des renseignements. « Renseignement » se traduit par le fait d'être bien renseigné quant à la meilleure façon de rentabiliser nos investissements en cette période de compressions budgétaires.
La meilleure façon dont on me l'a expliqué et la meilleure façon de mettre la notion en pratique est la suivante : si nous voulons débusquer un groupe de crime organisé particulièrement problématique, nous ne pouvons envoyer tous les membres en prison. Dans un monde idéal, nous enverrions peut-être tous les criminels en prison, mais la réalité est différente. On accule les 10 cibles les plus influentes d'un groupe de crime organisé au mur et on leur demande, compte tenu des ressources disponibles et de la vulnérabilité des cibles, qui aurait le plus grand effet sur la capacité de ce groupe de crime organisé d'influencer les vies des Canadiens si on retirait cette personne. À mon avis, c'est le plus gros morceau. Ça s'est implanté dans notre élaboration de stratégie et par notre formation pour la gestion de cas d'importance. Il y a toujours, au sein de notre service, une incompréhension quant à la définition de ce concept.
Le sénateur Dallaire : J'espère que ça se clarifiera parce que j'ai l'impression qu'il s'agit d'une doctrine fondamentale pour déterminer des concepts d'activités, de formation et de tactiques, d'organisation et même d'équipement.
M. Paulson : Je suis d'accord.
Le sénateur Dallaire : Ma prochaine question porte sur les Services nationaux de police dont vous faites la prestation. Vous avez siégé au conseil consultatif et vous l'avez présidé pendant un certain temps. Vous avez toujours semblé avoir du mal à disposer des ressources nécessaires pour contrer les défis complexes découlant des tests d'ADN et divers autres types de capacités, y compris les systèmes d'infiltration, les exigences en laboratoire, et cetera. Ne pensez-vous pas qu'il devrait y avoir un système national auquel tout le monde contribuerait plutôt que de faire un échange de quelques policiers rattachés à la GRC? La GRC pourrait-elle diffuser cette capacité et exiger qu'elle soit davantage participative?
M. Paulson : Vous avez raison, je pense que ça peut l'être. Récemment, nous avons pris des mesures considérables pour réaliser cet objectif précis. Comme votre question supposait un fondement pour ce changement, vous êtes peut- être conscient du fait que nous avons changé le modèle de gouvernance par rapport à la façon dont nous rassemblons les partenaires de partout au Canada au sein de notre organisme de surveillance des services nationaux de police. Des représentants des services policiers autres que la GRC de toutes les provinces et tous les territoires discutent des priorités, compte tenu du manque d'argent et des nombreux services à offrir, de la façon de prioriser la prestation de ces services et la façon dont nous pouvons obtenir des ressources supplémentaires. Nous en discutons depuis quelques mois. Nous verrons les résultats au cours de la prochaine année ou un peu après.
Le sénateur Lang : Je vous félicite pour votre nomination. Je m'exprime au nom de nombreux Canadiens lorsque je dis que votre nomination rassure les Canadiens étant donné que vous êtes membre de la GRC et que, évidemment, vous avez gravi les échelons des forces policières.
J'aimerais également souligner le fait que la plupart des Canadiens font confiance à la GRC. Au cours des dernières années, dans certains cas, cette confiance a été ébranlée. Bien sûr, c'est en partie pour cette raison que vous occupez ce poste : pour qu'il s'agisse d'un endroit meilleur pour ceux qui travaillent à la GRC et pour tous les Canadiens. J'aimerais me faire l'écho de ce qu'a dit le président à propos du Canada rural et du fait que la GRC fait partie intégrante de ces collectivités 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Les membres de la GRC détiennent une certaine confiance morale dans l'exercice de leurs fonctions pendant et après les heures de travail.
J'ai eu le plaisir de lire l'affirmation suivante à votre sujet dans un bulletin de nouvelles :
Lorsque des incidents « scandaleux » ont lieu, il promet d'exercer plus rapidement la discipline, notamment en assurant des suspensions plus rapides que ce qui a été observé par le passé récent.
J'aimerais vous entendre en dire plus sur cette affirmation qui est importante à mon avis. Il s'agit d'une affirmation qui traite à la fois de philosophie et d'action, et je pense que c'est ce que recherchent les Canadiens. Vous pourriez peut-être nous en dire plus.
M. Paulson : Je vous remercie de vos commentaires chaleureux au sujet de ma nomination. Je suis d'accord avec vous. Je pense en effet que la GRC joue un rôle si important et, en général, exerce ce rôle quotidiennement pour les bienfaits des Canadiens, donc encore une fois merci.
Je parlais de ce que le président a qualifié de comportement répréhensible que les gens ne peuvent fondamentalement concilier avec l'idée d'un agent de police. La semaine dernière, je soulignais le fait que nous avons dans nos autorités existantes la capacité de faire exactement cela, c'est-à-dire que dans des cas de comportement scandaleux — et c'est indiqué clairement dans notre système disciplinaire — de suspendre les membres, d'exiger leur licenciement, mais en attendant que se déroule le processus disciplinaire portant sur la décision de licenciement, de suspendre leurs salaires et indemnités. Je pense que ces mesures contribueraient grandement à améliorer la situation.
Il s'agit d'une possibilité chez certaines autorités surtout dans les cas où l'intégrité de l'organisation est compromise si elle continue de se ranger dans le camp de la personne accusée de comportement scandaleux. Il serait tout à fait logique d'appliquer ces pouvoirs dans des cas de ce genre.
La semaine dernière, j'ai rencontré tous les commandants du pays. Je les ai convoqués pour une réunion spéciale sur ce sujet, afin d'adopter les mêmes mesures disciplinaires au sein de la GRC. Je pense qu'ils sont tous repartis avec une bonne compréhension du comportement que nous devons adopter.
Des erreurs surviendront. Nous voulons apporter un soutien aux agents qui commettent des erreurs ou des erreurs bien intentionnées, mais il y a certains cas récents qui nous scandalisent à la fois en raison de la nature du comportement et parce que le contrevenant est un agent de police. Je pense que les Canadiens ont le droit de s'attendre à mieux de notre part.
Le sénateur Lang : J'apprécie vos éclaircissements. Nous avons hâte de vous voir exercer cette responsabilité, ainsi qu'avec ceux qui sont sous vos commandes.
J'aimerais maintenant passer à un autre domaine et vous demander de nous en dire plus — la question de l'examen financier que, comme les autres ministères, vous devez subir étant donné la situation financière au Canada. Vous pourriez peut-être nous en dire plus sur ce que vous prévoyez pour ce processus au sein de la GRC, et comment vous trouverez le moyen d'appliquer des réductions dans certains domaines tout en maintenant le soutien pour les simples agents de police qui se trouvent sur les premières lignes.
M. Paulson : Ce processus est en cours. Rien n'a été décidé, mais nous avons offert, avec des collègues d'autres ministères, différentes façons dont nous pourrions réduire nos dépenses. Bien sûr, la GRC est une entité bien différente en raison des ententes contractuelles avec les provinces. Il s'agit d'une situation basée sur les recettes, c'est donc légèrement différent.
Pour ce qui est des gains d'efficacité, nous avons deux principes directeurs. Il s'agissait des principes présentés par le gouvernement pour accroître l'efficacité au quartier général plutôt que sur le terrain, avec pour objectif de ne pas avoir un impact sur nos opérations. Dans des situations individuelles, nous nous penchions plutôt sur la direction que sur les fournisseurs de services.
Voilà en gros comment nous nous sommes organisés — afin d'examiner nos services administratifs. En fait, M. McAusland et le Conseil de mise en œuvre de la réforme et M. Brown, je pense, ont fortement critiqué la façon dont nous dirigions nos opérations au bureau central en ce qui a trait au soutien de nos membres de première ligne. Beaucoup d'études ont déjà été terminées qui portent sur les gains d'efficacité possibles.
Voilà essentiellement notre stratégie; ces possibilités ont été élaborées et présentées au gouvernement. Nous ne connaîtrons la décision finale que lors du budget de l'année prochaine, mais nous avons trouvé un certain nombre de domaines où nous pouvons mieux gérer notre bureau central.
Jusqu'à présent, ces mesures n'ont pas eu d'impact sur nos opérations de première ligne ni sur nos contrats, évidemment.
Le sénateur Day : Je vais tenter de vous poser des questions sur des aspects que vous connaissez en tant qu'agent de la GRC, plutôt qu'en tant que commissaire.
J'aimerais tout d'abord que vous m'en disiez plus sur la force de réserve au sein de la GRC et ce qui est prévu pour son expansion. J'ai vu des agents auxiliaires de la GRC, mais j'ai pu comprendre qu'en Colombie-Britannique il y avait une initiative qui pourrait être lancée.
M. Paulson : Pour vous placer en contexte, nous avons un programme d'auxiliaires de longue date où les membres de la collectivité nous offrent leur soutien dans l'exercice de nos fonctions de policiers dans la collectivité. Ils le font sans rémunération; ils le font après avoir reçu une certaine formation. Il s'agit d'une façon efficace de permettre aux agents de se familiariser avec les collectivités et de connaître les gens. Cela a été un programme très réussi.
La réserve permet de recruter des agents qui pourraient avoir pris leur retraite et qui possèdent énormément de connaissances, de compétences et d'expérience professionnelles, car nous sommes de plus en plus une force policière très jeune. Je pense que, et c'est stupéfiant, près de 60 p. 100 de nos agents auront moins de quatre ans de service dans très peu de temps. Cela nous préoccupe grandement.
Nous recruterons des membres qui ont quitté la force à titre d'agent ayant pleinement repris leurs fonctions. Il s'agit d'agents de la paix à temps partiel, mais qui continuent à soutenir nos opérations. Cela aide grandement la force.
Le sénateur Day : Allez-vous étendre ces mesures partout au Canada?
M. Paulson : En ce qui concerne l'autorité des commandants, ce sera le cas, mais maintenant la décision relève des provinces. En général, ces réserves — bien que pas toujours, peuvent être utiles dans le contexte des contrats ou des services policiers de première ligne.
La dernière fois que j'ai comparu devant vous, j'étais sous-commissaire de la police fédérale. Il y a également des possibilités de ce côté. Nous allons étendre l'autorité pour ce faire, et je pense que nos politiques sont déjà en place. Il s'agira maintenant d'avoir les fonds et les plans qui permettront de déployer ce service de façon plus vaste. Toutefois, j'appuie certainement cette initiative en tant que commissaire.
Le sénateur Day : J'aimerais également que vous nous parliez un peu de la formation. Je m'inquiète du fait que la formation à Régina n'est peut-être pas assez longue pour que les nouvelles recrues comprennent la philosophie et ce que c'est que d'être un agent de la GRC de manière satisfaisante.
Je sais que vous dites que beaucoup de formation se fait sur le terrain; et lorsqu'ils sont envoyés à un poste particulier, ils reçoivent beaucoup de formation de la part des hauts gradés qui s'y trouvent. Toutefois, dans les forces armées, ils reconnaissent qu'à ce niveau ils devraient tous détenir un diplôme. Certains des diplômés des collèges militaires se rendent ensuite à la GRC.
Avez-vous envisagé une période de formation plus longue qui comprend une formation officielle plus approfondie, ainsi qu'une formation et une familiarisation qui semblent faire défaut dans certaines histoires dont nous entendons parler ces jours-ci?
M. Paulson : Je pense que je peux vous dire d'ores et déjà que nous n'envisageons pas de prolonger la durée du séjour des agents au dépôt. J'y étais il y a deux semaines et j'ai été impressionné par la formation offerte; l'approche moderne de formation fondée sur des scénarios. Le rythme et les heures de formation au dépôt sont très impressionnants. Il s'agit d'une belle expérience de se rendre au dépôt et de participer à une séance d'information. Je vous encourage à communiquer avec mon bureau; je serais heureux de vous organiser une visite.
Toutefois, je pense que votre argument est juste. Même si je ne suis pas d'accord avec vous, je pense que vous avez raison. Nous nous sommes axés sur des possibilités de formation au niveau de la supervision, de la gestion et de la direction, car je pense que nous devons nous concentrer sur ces domaines. Nous avons récemment lancé un programme de perfectionnement de la supervision qui offre de la formation interne aux superviseurs, mais qui encourage également du perfectionnement indépendant à l'extérieur de l'organisation. Le programme de perfectionnement de la gestion cible aussi les gestionnaires intermédiaires, et nous avons un programme de perfectionnement de la direction, dont j'ai parlé au sénateur Dallaire.
Le général Natynczyk a généreusement offert de nous ouvrir des portes au collège militaire pour le perfectionnement de notre direction — pas en matière de questions militaires, mais en leadership et en gestion à large échelle. Je suis conscient de la nécessité d'offrir une formation continue à nos agents. C'est ce que nous devons mettre en œuvre du recrutement jusqu'à la retraite.
Le sénateur Day : À titre de précision, pourriez-vous nous dire combien de temps les recrues passent au dépôt avant de patrouiller en uniforme de la GRC?
M. Paulson : Vingt-six semaines, mais ils sont ensuite sous surveillance étroite d'un formateur pendant 26 semaines supplémentaires sur le terrain. Ils portent l'uniforme, mais nous reconnaissons que le travail de policier s'est grandement complexifié ces dernières années.
Nous veillons à offrir cette formation sur le terrain pendant six mois. Toutefois, dans certains cas — je ne pense pas qu'on devrait aborder cela — les agents se retrouvent seuls à patrouiller peu de temps après leur arrivée sur le terrain. Cela continue de représenter un défi pour nous.
Le sénateur Manning : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le commissaire. Je vous félicite pour votre nomination. Je vous souhaite plein succès à l'avenir.
J'étais en Belgique il y a quelques années lors de la cérémonie à la Porte de Menin, où nous commémorions les soldats canadiens tombés sous les drapeaux. Quelques agents de la GRC nous accompagnaient à l'époque, et la file d'attente de toutes les personnes de partout dans le monde qui voulaient se faire prendre en photo avec quelqu'un en uniforme de la GRC était incroyable. Il est clair qu'on a beaucoup d'estime pour vous, et nous sommes impatients de voir votre travail dans les années à venir.
Pendant mon enfance à Terre-Neuve-et-Labrador, lorsque nous apercevions une voiture de la GRC, nous cherchions à l'éviter. Nous étions jeunes et nous n'avions pas forcément fait quelque chose de mal, mais notre relation était légèrement différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Ma fille a neuf ans, et une fois par mois des agents locaux de la GRC visitent son école pour participer au programme Dare et aux services de police communautaires. Les enfants se font balader dans une voiture de police et cela crée des rapports très différents avec les services de police communautaires.
Je sais qu'il s'agit d'un effort déployé par la GRC depuis quelques années maintenant. Est-ce devenu une politique qui est maintenant acceptée partout au pays? Pensez-vous étendre ou améliorer ce genre de sensibilisation? Personnellement, je pense qu'il s'agit de beaux progrès pour la GRC dans la communauté.
M. Paulson : Oui, nous cherchons à miser là-dessus.
Je dirais que la GRC est une force policière frontalière. Nous nous rendons dans beaucoup de frontières différentes aujourd'hui. Des frontières qu'il faut prendre au sens figuré, plutôt qu'au sens propre, mais nous soulignons ces valeurs canadiennes par le biais de nos services policiers lors de nos interactions avec les citoyens.
Nous avons un programme de réduction de la criminalité, mis en œuvre partout au Canada; il s'agit en gros de services de police communautaire dopés aux stéroïdes. Autrement dit, des agents dévoués rassemblent tous nos groupes communautaires — comme le secteur de la santé, les tribunaux et d'autres personnes qui détiennent des responsabilités dans le contexte de la justice criminelle — afin de résoudre les problèmes liés à certains de ces délinquants prolifiques.
Environ 90 p. 100 des crimes sont commis par environ 20 p. 100 des contrevenants. Si on peut s'attaquer aux causes profondes de ces infractions, on pourra alors réduire la criminalité. La meilleure façon de constater que les services policiers sont efficaces, c'est lorsque le taux de criminalité diminue et que le taux d'affaires classées augmente. Nous prenons ces mesures de façon vigoureuse partout au pays.
Le Nouveau-Brunswick a récemment démontré un succès étonnant dans sa capacité de réduire ces taux de criminalité. Différentes régions de l'Alberta et de la Colombie-Britannique le font aussi, où nous nous réunissons et nous exerçons un rôle de leadership dans la communauté afin de rassembler les gens, les représentants en santé mentale, les conseillers en matière de drogue et les groupes communautaires afin de cibler certains des problèmes auxquels nous faisons face avec pour espoir de les résoudre, plutôt que de simplement mettre les contrevenants en prison.
Voilà comment je perçois les services de police communautaires, où les gens se retroussent les manches, et participent activement au processus. Je pense vraiment que c'est cela qui représente notre avenir en matière de services policiers de première ligne.
Le sénateur Manning : Pour ce qui est du recrutement, quels sont les chiffres en ce moment? Pour une jeune personne aujourd'hui qui cherche à faire carrière dans la GRC, quelles sont les statistiques à cet égard?
M. Paulson : Je me trompe peut-être, car j'ai pris connaissance de beaucoup d'information dans la dernière semaine, mais nous nous penchions sur ces chiffres l'autre jour. Vous avez peut-être entendu que nous avons décidé d'accroître le nombre de cadettes recevant une formation au dépôt à 35 p. 100, lorsque le taux de disponibilité sur le marché du travail — bien qu'il s'agit d'une statistique du recensement de 2006 — était de 20 p. 100 environ.
Je pense que nous avons environ 1 200 demandes en traitement en tout temps. Le nombre de demandes a baissé. Mes agents de recrutement m'ont avisé lorsque j'ai décidé de faire passer ce chiffre à 35 p. 100, que nous pouvions peut- être le faire à court terme et que ça pourrait répondre à nos besoins immédiats, mais que ce n'était pas durable. Nous devons nous concentrer sur les groupes visés par l'équité en matière d'emploi, en particulier les femmes, pour les encourager à se joindre à la force policière.
Il est vrai que les critiques récentes sur la façon dont nous gérons les plaintes formulées par les femmes et la façon dont nous y réagissons ne sont pas les meilleures façons de susciter chez les femmes un intérêt pour faire carrière dans la police. Toutefois, je pense que nous devons miser sur nos succès et sur le fait que 98 p. 100 de nos agents font un excellent travail chaque jour. Les chiffres sont encore élevés; beaucoup de gens tentent de se faire admettre dans l'organisation.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur Paulson, merci d'avoir accepté notre invitation. Je voudrais, premièrement, joindre ma voix à celle de mes collègues pour vous féliciter de votre nomination. Il n'est pas facile d'être commissaire de la GRC. Tout comme le disait la présidente, vous avez des défis énormes devant vous.
Un de ces défis vise la modernisation des relations de travail au sein de la GRC. Vous n'êtes pas sans savoir que les tribunaux de l'Ontario ont rendu une décision qui remet en question la constitutionnalité de certains articles de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.
Le gouvernement a déposé, il y a un peu plus d'un an, un projet de loi visant justement à moderniser les relations de travail dans la GRC.
J'ignore si vous avez été adéquatement informé sur tous les détails, mais je vous pose quand même la question: est-ce que c'est votre intention de demander au gouvernement de déposer le projet de loi C-43 à nouveau?
M. Paulson : Oui. Je suis prêt à faire le nécessaire afin que les relations de travail avec nos officiers restent bonnes. Honnêtement, il n'est pas de ma responsabilité de prendre ces décisions, mais si le gouvernement est prêt à prendre ces décisions, je suis prêt à les appliquer.
Le sénateur Nolin : Je veux comprendre votre réponse. Vous me dites que si le gouvernement veut changer la relation qui doit exister entre le commissaire et la force de travail de la GRC, ce sera une décision politique, ce n'est pas à vous à la prendre. En attendant, vous appliquez toute la Loi sur la Gendarmerie royale, incluant l'article 96 qui interdit aux membres de la GRC de se syndiquer, article qui a spécifiquement été déclaré inconstitutionnel par les tribunaux, du moins à la Cour supérieure de l'Ontario. Vous me dites que tant que le gouvernement n'aura pas changé sa position, vous continuez à...
M. Paulson : Je continue de gérer la force de la façon que je connais. Mais ce n'est pas terminé, la décision n'a pas encore été rendue. On devra donc attendre, mais il est très clair que nos employés doivent avoir la liberté de négocier avec le gouvernement. Ce n'est pas moi leur employeur, mais le Conseil du Trésor. Avec le pouvoir que je détiens à l'heure actuelle, je vais continuer de garder mes yeux ouverts afin que les employés soient représentés et qu'ils soient libres de chercher une façon d'être représentés comme ils le veulent.
Le sénateur Nolin : La dernière partie de votre réponse m'intrigue un peu. Voulez-vous répéter la réponse en anglais pour être certain que je comprends bien votre opinion? Parce qu'elle est lourde de conséquence.
Je vais vous dire en français ce que j'ai compris. Vous nous dites que les membres de la GRC sont libres de choisir la façon dont ils veulent traiter avec leur employeur.
[Traduction]
M. Paulson : Je sais ce que je dis maintenant.
Le sénateur Nolin : Je comprendrais si vous disiez que vous ne voulez pas vous engager, car l'affaire est devant les tribunaux.
M. Paulson : Je ne veux pas m'engager, mais je pense qu'il faut être clair et dire qu'il vaut la peine de défendre le principe fondamental selon lequel les employés sont capables de se rassembler et de se représenter. Je pense qu'il s'agit d'un principe important dont les employés doivent bénéficier. Je le pense vraiment, et je n'hésite pas à le dire.
Je dis simplement qu'une fois que les moyens de les représenter ont été cernés, je serai heureux de travailler avec quiconque veut mettre en place ce processus. Le plus important, c'est d'avoir des employés pleinement engagés, heureux et satisfaits. Sans cela, j'aurais des gros problèmes.
[Français]
Est-ce que c'est plus clair en anglais?
Le sénateur Nolin : C'est très clair. J'aime bien votre réponse.
Si vous me permettez, madame la présidente, je complèterai avec une sous-question qui fait un peu le pont avec ce que le sénateur Lang soulevait plus tôt.
Vous avez parlé de la discipline et de la rencontre que vous avez eue avec vos officiers commandants la semaine dernière, je crois, ceux qui ont la responsabilité d'appliquer la discipline. C'est ce que j'ai compris de votre réponse.
Je tente d'éclaircir une phrase que vous avez dite à un journaliste qui vous posait la question récemment et à qui vous avez répondu que la GRC était une organisation paramilitaire mais qu'elle n'agissait pas en conséquence.
J'essaie de tout rattacher, vos réponses à mes questions sur les relations de travail et vos réponses sur la discipline et la force paramilitaire. Je voudrais vous entendre sur ce sujet.
M. Paulson : Je peux juste dire que lorsque je parlais de la force paramilitaire, je parlais d'un moyen de rendre tout le monde imputable. Je suis en charge de tout le monde.
Le sénateur Nolin : Vous êtes le patron.
M. Paulson : On a des sous-commissaires et on a des commissaires adjoints et ainsi de suite. Il me semble qu'il est très facile de communiquer avec tout le monde de façon simple et claire. Je veux que mes officiers soient imputables à moi et aux Canadiens. C'est ce que je voulais dire.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir sur le problème de harcèlement. Je sais que cela se produit peut-être seulement de temps à autre, mais c'est le cas depuis longtemps. Cela laisse entendre qu'il y a un problème dans cette culture. Cela ne se passe pas partout. Je sais qu'il y a des gens merveilleux dans cette carrière. J'ai un père militaire, et j'ai confiance en ce genre d'organisation.
Toutefois, au niveau culturel, il faut se pencher sur le fait que tant de femmes ont porté plainte; je me pose des questions sur celles qui ne l'ont pas fait. La réalité, c'est que certaines femmes ne se sentent pas en sécurité dans cette organisation — pas toutes. Où est la culture de l'organisation qui dit que les gens doivent les défendre et les rassurer qu'elles peuvent porter plainte?
Vous dites que vous avez eu une réunion. C'est super. L'armée vous a offert de travailler sur la formation des agents, mais vous n'avez pas dit que vous avez reconnu qu'il s'agissait d'un problème. Avez-vous un programme en place, ou mettez-vous sur pied un programme continu dans le cadre duquel un haut gradé est disponible pour vous aider chaque jour à travailler sur ce problème et à peaufiner ce programme? Il serait peut-être utile d'envisager une enquête publique où les gens peuvent témoigner ou un message peut être envoyé à vos forces disant que les Canadiens ne sont pas satisfaits de cette situation? La GRC est un symbole du Canada, qui va au-delà des services policiers; un symbole qui reflète l'image que nous nous faisons de nous-mêmes en tant que peuple.
Avez-vous l'impression d'en faire assez? Avez-vous un programme en place qui sera continu et constant?
M. Paulson : Oui. Je pense que nous avons un programme continu et constant, et il s'agit de notre agent professionnel en intégrité et du travail qui l'effectue depuis un certain temps. Je serai heureux d'en faire le parcours. J'ai également demandé que du travail supplémentaire soit fait à l'égard du harcèlement.
Je pense qu'il est important que nous y passions quelques minutes. Je pense qu'un seul cas de harcèlement en est un de trop, mais nous devons reconnaître que le harcèlement existe dans la plupart des milieux de travail au Canada. Je ne tente pas de minimiser le problème lié à la GRC.
À mon avis, afin de comprendre cette situation et d'y trouver une solution, je pense que sur le plan culturel la GRC est différente, ce qui a aggravé la situation ou l'a rendue difficile à comprendre pour les Canadiens. Nous parlions de la structure paramilitaire de l'organisation, bien que nous ne parlions pas de ce point de vue. D'après moi, le problème réside dans le fait que le pouvoir a été perçu comme de l'autorité. Les agents de la paix ont de l'autorité et du pouvoir à l'égard des citoyens. Par conséquent, les agents ne sont pas toujours capables de gérer ce pouvoir dans leurs rapports avec leurs collègues. Voilà la théorie selon Bob.
Je pense que pour régler ce problème il faudra changer la façon dont nous gérons notre programme de leadership, nos agents, et la façon dont nous tenons nos agents responsables. Voilà le volet sur la reddition de comptes.
Je ne nierai pas que nous avons un problème en matière de harcèlement, mais nous faisons bien des choses pour lutter contre le harcèlement, y compris le déploiement à court terme de cadres de responsabilisation des superviseurs et la prise en compte du facteur de la prévisibilité. Nous avons de nombreux outils et endroits auxquels les agents peuvent avoir recours pour se plaindre du harcèlement et régler ce problème. Je n'essaie pas de minimiser quoi que ce soit, mais certaines de ces affaires remontent à longtemps. Elles ne sont pas pour autant acceptables, puisque certaines des allégations sont scandaleuses.
J'ai tenu des réunions ce matin au sujet du processus actuel que je viens de centraliser. Je dis aux Canadiens depuis une semaine que j'ai centralisé le processus de surveillance du harcèlement. Il faut que ce soit vrai et que cela ait un sens. Ce matin, c'est exactement ce que nous avons fait; nous en avons fait le tour. Qu'est-ce que cela signifie? Est-ce que cela signifie que nous poursuivrons cette enquête à l'extérieur d'Ottawa? Non. Cela signifie que j'ai un outil à ma disposition et que mes hauts gradés ont les moyens qui leur permettent de s'informer très rapidement de l'évolution des affaires, des délais, du respect de ces délais, de l'examen des plaintes de ces personnes et de tout ce qui inquiète les gens en ce moment.
Je comprends qu'il s'agit d'une réponse plutôt précipitée, mais je veux que les gens sachent que nous nous sommes saisis de ce problème. J'ai reçu au moins quatre courriels personnels aujourd'hui de la part de personnes de l'extérieur de la force qui disent : « Je vous ai entendu parler, c'était bien. Voici mon histoire; qu'allez-vous faire? » Nous nous rassemblons et nous nous penchons sur ce problème. Certains cas, je vous dirai franchement, ne devraient pas se qualifier de harcèlements.
Certains de ces cas méritent une procédure pénale ou une poursuite intentée sous le régime du code de déontologie, alors que d'autres cas méritent simplement un retour au travail des personnes impliquées en leur recommandant d'adopter un comportement plus intelligent. Il y a toutes sortes de réactions.
Le sénateur Mitchell : C'est rassurant. Si vous garantissez que c'est ce que vous voulez faire, je vous crois sur parole. Absolument. Toutefois, je veux vous signaler que les Canadiens sont très inquiets à ce sujet et ce type de comportement est inacceptable dans un établissement. Un seul cas de harcèlement, comme vous le dites, est un cas de trop.
Il y a de nombreuses années, j'ai rencontré le chef de police de l'époque de la Ville d'Edmonton, Doug McNally, un homme admirable. Il s'était décidé à changer la culture qui régnait dans le service de police d'Edmonton. Une belle force policière, mais elle était militariste et il voulait en faire une force policière communautaire. Il admet qu'il avait eu des centaines de réunions individuelles et avec des groupes de deux ou trois personnes où il expliquait ce qu'il faisait et ce qu'il devait faire pour changer cette culture. Il a dit qu'il ne permettrait pas aux gens qui ne comprenaient pas d'être promus et qu'il licencierait ceux qui ne comprenaient vraiment pas. Il s'était tout à fait engagé, chaque jour et à chaque instant, à changer cette culture.
À mon avis, il ne suffit pas de simplement dire, par exemple, que nous devons travailler avec les autres dirigeants et la chaîne de commandement ou de nous adapter à eux. Cela va beaucoup plus loin que cela. Cela implique la formation. Sans doute, cela signifierait embaucher davantage de femmes au niveau des cadres supérieurs. Envisagez- vous de prendre une mesure à cet égard? Il y a très peu de femmes.
M. Paulson : J'ai annoncé la nomination de la sous-commissaire Line Carbonneau, qui me fournira la réponse d'ici la fin de l'exercice financier à la question suivante : comment avoir plus de femmes au niveau des cadres supérieurs? Je vais vous raconter un fait intéressant. À 3 heures du matin je reste sans dormir, et j'envoie des messages à mes sous- commissaires sur les moyens de régler cette situation. Mme Carbonneau m'a pris à l'écart pour me dire de veiller à ce que les femmes nommées méritent bien leur nomination. Il y a de nombreuses femmes qui ont travaillé fort afin d'atteindre le niveau de cadre supérieur, et on ne veut pas que des collègues reçoivent une promotion tout simplement en raison de leur sexe. J'ai dit : « Compris. C'est votre travail maintenant, Line, de régler la situation, mais je vous remercie pour ces conseils. » C'était ma façon de penser, et c'est la façon de penser de certains autres.
La réponse est d'avoir plus de femmes expérimentées et crédibles; et nous en avons beaucoup, croyez-moi. Je sais, il y en a partout au pays. Elles sont toutes prêtes à relever le défi. Tout le monde doit relever le défi et réparer cette organisation. Je vais mener la charge, mais je ne peux pas le faire seul.
Le sénateur Mitchell : Je vous prendrai peut-être au dépourvu, et je comprendrais, mais vous venez de dire, « Les mettre en prison seulement ne fonctionne pas; il faut la cause du problème. » Voulez-vous faire des commentaires sur le programme actuel de répression du crime qui mettra davantage de personnes en prison ou préféreriez-vous ne pas faire de commentaires?
M. Paulson : Je vous dirais d'en mettre le plus possible en prison; mais les mettre en prison ne les réhabilite pas. J'ai une anecdote à raconter. Le deuxième jour après ma nomination, je me trouvais au détachement de Richmond. J'ai assisté à une séance d'information sur la surveillance du quartier. Un des agents, une sergente, parlait d'un jeune étudiant qui faisait des siennes dans une école secondaire — prenait de la drogue, cassait des fenêtres et se bagarrait. Elle cherchait à régler le problème. Elle se demandait qui faire venir : les ressources humaines ou les représentants du bien-être social ou des psychologues. La police essayait de régler le problème avec le jeune homme plutôt que de le mettre en garde à vue.
Le sénateur Lang : Je ferai suite à la question du sénateur Mitchell par rapport à la situation en matière de harcèlement sexuel qu'affronte actuellement la GRC. Monsieur Paulson, j'apprécie certains de vos commentaires à ce sujet, mais à mon avis, il y a deux aspects dont un concerne l'échéancier. À votre avis, quel serait l'échéancier pour régler la situation immédiate actuelle? Certains des enjeux existent depuis longtemps, selon une émission télévisée que j'ai regardée hier soir.
Le deuxième sujet que j'aimerais aborder est l'approche future par rapport au processus au sein de la GRC en réponse à une situation difficile tel le harcèlement sexuel. Certains de ces dossiers vont mener peut-être à des mises en examen et d'autres seront sans fondement du tout. Vous devez envisager toutes les possibilités. Pensez-vous retenir les services d'une tierce partie qui pourrait régler cette situation au sein de la GRC afin que, dans ce cas, les femmes qui estiment pouvoir porter plainte pour harcèlement sexuel se sentent à l'aise pour raconter leur histoire à des fins d'inculpation?
M. Paulson : La réponse courte est oui. Mais je dois donner des précisions. Je ne demanderais pas à une tierce partie de gérer tout cela. Je pense à une tierce partie qui mènerait les enquêtes et veillerait à ce que le public sache que ces enquêtes sont faites par un organisme indépendant. Je vais permettre aux commandants de louer les services d'enquêteurs de problèmes de harcèlement au travail. En cas d'infraction criminelle ou de violation du code de déontologie, il faut agir tout de suite. Dans les cas où il faut faire appel à notre politique en matière d'enquête indépendante, nous retiendrons les services d'agences, si elles existent dans les régions ou les services d'autres forces policières pour nous aider à assurer l'indépendance de l'enquête. Je ne vais pas donner l'impression que je donnerais les dossiers en matière de harcèlement à une tierce partie. Certains des dossiers peuvent être réglés beaucoup plus rapidement, ce qui serait à mon avis dans l'intérêt de l'accusé et du plaignant.
La présidente : Le sénateur Lang a soulevé le point suivant : Quand une femme au sein de la force juge qu'elle ne peut compter sur personne dans son détachement, que devrait-elle faire?
M. Paulson : Je vois. Avant qu'il n'ait quitté la GRC, l'ancien commissaire Elliott a rassuré tout le monde en publiant un communiqué exhaustif portant sur la démarche à suivre et les personnes-ressources , y compris les gens à Ottawa et à l'extérieur de la GRC, les sous-représentants et beaucoup d'autres. Nous allons rassurer tout le monde : il y a des voies à suivre hors de la chaîne de commandement.
La présidente : Cette information a-t-elle été diffusée? En êtes-vous satisfait?
M. Paulson : Oui.
[Français]
Le sénateur Dawson : Monsieur Paulson, je me joins à mes collègues pour vous féliciter de votre nomination. Je vous dirais qu'avec la présentation de la présidente, je ne comprends pas que vous ayez accepté ce poste, mais vous l'avez fait et je vous souhaite bonne chance. Vous avez une lourde tâche à accomplir et vous pouvez compter sur le comité pour vous venir en aide.
Mon premier commentaire fait suite à celui du sénateur Nolin. Vous avez dit qu'il y a beaucoup de harcèlement dans d'autres institutions. Vous avez raison, mais les autres institutions ont un syndicat pour les défendre. Et dans votre cas, puisque les policiers n'ont légalement pas le droit de se syndiquer, ils perdent un moyen de porter plainte pour harcèlement.
Donc, puisqu'ils n'ont pas ce pouvoir, vous avez la responsabilité supérieure de vous assurer qu'ils ont d'autres moyens d'être entendus.
M. Paulson : Oui, c'est ce qu'on vient de dire. D'après moi, il y a d'autres moyens de porter plainte.
Le sénateur Dawson : Mais la syndicalisation pourrait aussi être une option pour eux?
M. Paulson : C'est leur responsabilité.
Le sénateur Dawson : Mon autre question concerne la notion de hard on crime du gouvernement. On a dit qu'il y avait un coût pour les cours de justice, qu'il y a un coût énorme pour les prisons. Le gouvernement vous dit que vous devez faire des compressions. Vous êtes comme tous les autres départements à Ottawa, vous avez le mandat de faire des compressions puisque le gouvernement est dans une période difficile. En même temps, ils augmentent votre tâche dans le domaine de l'application des lois concernant la possession de marijuana, ils augmentent votre tâche concernant le suivi des libérations conditionnelles, et cetera.
Comment pouvez-vous compenser le fait qu'on vous demande d'un côté de faire des compressions et de l'autre, une augmentation de travail?
M. Paulson : Au cours des 25 dernières années, cela arrivait chaque jour quand j'arrivais au bureau. Il y a toujours un moyen de dépenser plus d'argent. Il revient au gestionnaire de décider des priorités et de prendre des décisions dans le meilleur intérêt du public. C'est ce que je fais chaque jour.
Le sénateur Dawson : Je vous encourage à continuer et je répète que le comité pourra vous venir en aide si jamais il peut vous aider.
[Traduction]
La présidente : Je tiens à me joindre aux autres membres du comité au sujet du recrutement et de la promotion. J'espère que vous allez continuer d'offrir des promotions en vous fondant sur le mérite et les compétences.
Vous avez, je pense, abordé la question d'une commission responsable de la surveillance et des plaintes. Il y a eu une telle loi. Je sais que les tribunaux sont saisis de quelques causes. S'agit-il d'une bonne structure, à votre avis?
M. Paulson : Voulez-vous dire telle que proposée auparavant?
La présidente : Oui.
M. Paulson : J'avoue que je ne connais pas toutes les nuances de cette proposition. Pourtant, la force ne voit pas d'inconvénient à la surveillance et à l'examen. Je viens de rencontrer des collègues à la Commission des plaintes du public contre la GRC afin d'essayer de faciliter l'examen systémique en cours par rapport à notre gestion du harcèlement. Je suis très ouvert à cet examen et quand je peux, j'encourage la transparence.
Mon expérience m'a appris que plus il y a de personnes qui partagent la complexité et le défi auquel je fais face, plus il y aura de personnes qui éprouveront de la sympathie à mon égard.
La présidente : Une idée soulevée dans le passé est celle de faire participer d'autres forces policières parce que vous n'avez tout simplement pas le temps de tenir une grande réunion hebdomadaire à Ottawa du comité. Par exemple, la police locale en Alberta pourrait faire enquête d'un cas. Avez-vous le pouvoir de le faire?
M. Paulson : Je pense l'avoir. Il y a la réponse à l'enquête indépendante des situations graves, que j'ai rédigée quand j'avais de telles responsabilités. Il s'agit bien de rassurer les Canadiens que l'examen et la surveillance seront faits de façon indépendante, et que les constats sont fiables et en quelque sorte utiles à maintenir et à conserver la confiance dont nous devons jouir afin d'être une force policière efficace.
Il y a, à mon avis, beaucoup d'occasions pour nos forces policières homologues et pour d'autres experts d'examiner notre façon de faire. Honnêtement, je suis ouvert à l'idée de faire mieux.
La présidente : Dans le cas d'une telle situation, pensez-vous pouvoir demander à cinq personnes de se pencher sur un cas; considérant qu'elles connaissent et comprennent la collectivité?
M. Paulson : Oui. Absolument.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Lors des réformes des années 1990 à la Défense, le ministre avait cinq comités consultatifs. Ce n'était pas nécessairement ce qui était proposé mais cela a amené beaucoup d'informations qui ont été utiles afin de rétablir la crédibilité des forces armées.
Est-ce que vous encouragez le ministre à consulter des organisations de l'extérieur? On a touché à tout ce qui concerne les opérations, on a touché aux femmes dans les forces armées, on a touché au développement des officiers, et cetera. Est-ce que vous considéreriez la consultation d'organismes extérieurs pour la mise en place des réformes?
J'utilise ici le mot « réforme » pour définir votre désir de rectifier la situation pour vos troupes.
Dans la même veine de réforme, on demande de plus en plus aux officiers de se déployer outremer, dans des missions, par exemple, mais on ne semble pas nécessairement ouvrir la porte à ceux qui sont blessés psychologiquement. Et on ne semble pas non plus vouloir les rendre admissibles à la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Est-ce qu'il ne faudrait pas revoir ces dimensions et les mettre à jour afin de satisfaire aux besoins de vos officiers?
M. Paulson : Peut-être, mais il semble que notre système actuel est suffisant pour les besoins en santé de nos officiers.
Je suis d'accord qu'après avoir travaillé dans des pays étrangers, il est parfois difficile de revenir au Canada pour travailler dans des régions éloignées. Ils ont en effet des besoins psychologiques. Je suis toujours ouvert aux conseils des gens afin de m'aider à améliorer le système en place.
Le sénateur Dallaire : C'est souvent ce qu'on entend, et je pense que cela pourrait vous aider d'avoir l'avis de quelqu'un de l'extérieur, afin de mettre en place votre réforme.
M. Paulson : Toute aide serait la bienvenue.
[Traduction]
Le sénateur Finley : Je me joins à mes collègues pour vous féliciter et, jusqu'à un certain point compatir avec vous.
D'après les rumeurs récentes, il n'y a aucun doute que tout s'écroule chez la GRC. Pourtant, je pense qu'il y a eu pire, des cas plus flagrants dans d'autres forces policières importantes. Je pense surtout à la Metropolitan Police de Londres au Royaume-Uni pendant les années 1960, 1970 et 1980 où la corruption, l'intimidation et la subordination de témoins étaient généralisées. Ils semblent avoir fait un grand ménage.
Avez-vous étudié la façon dont ils s'y sont pris, comment ils ont changé cette culture? Êtes-vous en communication ou travaillez-vous avec ces gens-là? Il y a eu d'autres forces policières, bien sûr, au Royaume-Uni, par exemple à Manchester, qui ont aussi eu un problème. Avez-vous communiqué avec ces forces?
M. Paulson : Non. Je suis en fréquente communication avec elles concernant d'autres domaines liés à mes responsabilités précédentes, mais je n'ai pas communiqué avec elles sur ce point précis. Bien sûr, je vais m'y intéresser et enquêter sur ces efforts.
J'ai bien aimé votre façon de présenter la question — sans pointer ailleurs et dire, ça pourrait être pire, mais il faut garder le contexte en tête. Je pense que tout le monde l'a reconnu aujourd'hui, alors je prêche probablement pour ma paroisse.
La grande majorité fait un excellent effort; mon discours lors de la cérémonie de passation de commandement reconnaissait expressément que jour après jour, nos officiers font un travail extraordinaire pour protéger les Canadiens. Bien que nous devions faire des changements importants et des améliorations majeures et les montrer aux Canadiens, il faut conserver un équilibre. Néanmoins, je vais faire une recherche sur cette situation.
Le sénateur Day : Monsieur le commissaire, lors de votre passation de commandement, vous avez parlé de la taille du quartier général. Je me demande si, nous ne vous avons pas causé des problèmes, étant donné que toutes les lois que nous adoptons exigent de vous une surveillance, des vérifications et la reddition de comptes.
Votre force compte environ 31 000 membres. De façon réaliste, étant donné les lois actuelles et les exigences qui vous sont imposées, pourriez-vous réduire de façon importante le quartier général ici? Avez-vous considéré le déplacement du quartier général à l'extérieur d'Ottawa dans le but de réduire la bureaucratie? Le commissaire précédent vous a peut-être poussé dans le mauvais sens à cet égard, sans le vouloir bien sûr.
M. Paulson : Je ne peux pas permettre une telle déclaration, sénateur. L'ancien commissaire connaissait également le besoin de réduire la taille du quartier général.
Je pense qu'il y a un certain degré de vérité dans ce que vous dites en termes de reddition de comptes et des processus que nous essayons d'utiliser afin d'appuyer les différents éléments par rapport à notre comportement. J'ai déjà dit lors de cette même discussion que, tant que nous avons un quartier général qui compte environ 4 000 personnes, ce qui est un peu trompeur dans le sens que beaucoup d'entre eux travaillent dans les opérations ici à la division A afin de mener des enquêtes importantes; certains de nos spécialistes aux laboratoires à travers le pays sont représentés au quartier général également. Donc, bien que je sois d'accord qu'on pourrait améliorer ces chiffres, ils ne sont pas aussi pires qu'on le prétend.
Je dirais ceci à propos du soutien administratif à Ottawa. Nous devons faire savoir à nos dirigeants que nous préparons et établissons les priorités de la bonne façon. Cela implique la participation de beaucoup de gens. Beaucoup d'informations sont fournies et un grand volume de travail est effectué. Je ne sais si nous en avons autant besoin, honnêtement. Si c'est le cas, nous trouverons le moyen d'avoir ce soutien à court terme.
Je ne dis pas que ces gens s'assoient dans des chaises de jardin ou se prélassent d'une façon ou d'une autre; tout le monde travaille fort. Pourtant je ne sais pas s'ils travaillent fort pour accomplir ce que nous devons vraiment réaliser, c'est-à-dire instaurer la reddition de comptes et le leadership au sein de cette organisation et s'assurer que les gens sachent qu'on arrive à faire le travail fondamental de la GRC.
[Français]
Le sénateur Nolin : Votre expérience au sein de la GRC vous a amené à enquêter de très près sur les activités antiterroristes au Canada.
M. Paulson : Oui.
Le sénateur Nolin : Pouvez-vous nous indiquer s'il y a des outils ou des pouvoirs, maintenant que vous êtes le patron, qui vous apparaissent nécessaires pour poursuivre cette tâche adéquatement, tâche qui n'est pas facile non plus?
M. Paulson : Non, ce n'est pas facile, c'est vrai. D'après moi, nous n'avons pas besoin de pouvoirs additionnels ni d'autorité. Ce dont nos gestionnaires ont besoin, c'est du courage afin de gérer leurs employés d'une façon efficace, pour nous assurer de trouver rapidement les preuves dont on a besoin.
Le sénateur Nolin : Et que ce soit des preuves légales, qui vont affronter la dure réalité des tribunaux. C'est ce que j'ai compris de votre réponse. Cela prend des officiers qui connaissent leur métier.
[Traduction]
La présidente : Commissaire Paulson, nous apprécions tous votre franchise, votre honnêteté, et votre volonté d'assumer ces responsabilités. Vous avez notre appui et nous voulons aussi vous faire part de ce qu'attendent les Canadiens, soit que vous allez leur redonner la GRC qu'ils aiment et connaissent.
Merci pour le temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Nous espérons vous revoir pour discuter dans quelques mois, peut-être un an et faire le point de la situation.
(La séance se poursuit à huis clos.)