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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 6 - Témoignages du 30 avril 2012


OTTAWA, le lundi 30 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 16 heures pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense et pour étudier l'ébauche d'un budget.

Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir le ministre de la Défense nationale, l'honorable Peter MacKay, ainsi que le chef d'état-major de la Défense, le général Walter Natynczyk. Ils sont accompagnés du vice- amiral Bruce Donaldson, vice-chef d'état-major de la Défense, et de Jill Sinclair, sous-ministre adjointe (Politiques). Bienvenue et merci de vous être déplacés, madame et messieurs. Nous sommes heureux de revoir la sous-ministre adjointe.

Comme vous le savez, notre comité étudie la stratégie de défense et de sécurité canado-américaine ainsi que les relations entre les deux pays. Nous avons invité le ministre et le général à prendre part à notre examen et à nous parler du plan de défense combiné, de la Commission permanente mixte de défense et, de façon générale, de notre relation bilatérale en matière de défense avec les États-Unis, y compris les conséquences, pour le Canada, des mesures budgétaires touchant le département de la Défense américain et la nouvelle stratégie de défense de nos voisins. Nous avons déjà entendu le point de vue de deux ou trois témoins américains à ce sujet et nous voulons entendre ce que vous avez à nous dire également. Nous leur avons aussi demandé de nous parler du processus de transformation des Forces canadiennes dans le sillage du rapport Leslie et du budget, ainsi que de la Stratégie de défense Le Canada d'abord . C'est ce qui a guidé notre politique depuis 2008. Comme nous avons beaucoup de choses à discuter, je pense que nous allons commencer.

Monsieur le ministre, vous avez une allocution d'ouverture que je vous invite à entamer.

[Français]

L'honorable Peter MacKay, C.P., député, ministre de la Défense nationale : Madame la présidente, je vous remercie de votre invitation. Il s'agit de ma 25e comparution devant un comité parlementaire depuis que j'ai été nommé au Cabinet en 2006. J'aimerais aussi vous remercier pour votre travail dans cet enjeu tellement important, les relations avec les États-Unis et notre travail en tant que défense nationale avec notre partenaire en Amérique du Nord.

[Traduction]

Je profite de l'occasion pour aborder les sujets mentionnés dans votre lettre, madame la présidente, notamment les relations canado-américaines, le point sur la transformation du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, et un rapport de situation sur les quatre premières années de la Stratégie de défense Le Canada d'abord. J'ai la chance, et c'est toujours très agréable, d'être accompagné du chef d'état-major, de notre vice-chef d'état-major de la Défense et de Jill Sinclair qui m'assistent tous brillamment au ministère de la Défense nationale sur toutes ces questions et sur bien d'autres.

Permettez-moi d'amorcer mon allocution en vous disant un mot du partenariat unique, durable, solide et dynamique que nous entretenons avec les États-Unis en matière de défense. Je vous parlerai de l'ampleur et de la diversité de nos relations sur les plans de la politique, de la stratégie, des opérations militaires de part et d'autre, en ce qui a trait à nos mandats qui consistent à protéger notre continent, à assurer la sécurité dans notre hémisphère et à travailler ensemble afin de promouvoir la sécurité mondiale. D'abord, un mot sur la relation politique.

Madame la présidente, comme vous le savez, j'ai eu le privilège de travailler directement avec mes homologues américains. J'ai été en mesure d'établir d'excellentes relations de travail avec deux personnes extraordinaires, l'ancien secrétaire américain à la Défense, Bob Gates, et celui qui l'a remplacé, Leon Panetta. Tous deux ont été directeurs de la CIA avant de présider aux destinées du Pentagone. Nonobstant l'ampleur et la portée des enjeux et des relations que ces hommes doivent gérer, ils ont, dans leur programme et dans celui de leur département, accordé la priorité à la relation avec le Canada.

J'ai accueilli les deux secrétaires au Canada à quatre reprises afin de tenir des discussions bilatérales. Récemment, j'ai organisé à Ottawa ce que je considère comme la toute première réunion trilatérale historique des ministres de la Défense du Mexique, des États-Unis et du Canada. En fait, je crois pouvoir affirmer en toute confiance que le dialogue politique entre le Canada et les États-Unis, en ce qui a trait aux questions de défense, n'a pas été aussi solide depuis de nombreuses décennies. À bien des égards, cette situation découle de la relation militaire unique — que nos forces respectives entretiennent à tous les échelons, du chef d'état-major de la Défense jusqu'à nos effectifs dans les domaines de la science et de la technologie, de l'enseignement, de la logistique et de l'administration du personnel. Nous entretenons, avec les États- Unis, des relations particulièrement intégrées. Je sais que nous vous en parlons souvent, mais je dois préciser que le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, le NORAD, est un élément déterminant de ces relations. Il demeure unique dans le monde en tant que structure de commandement binationale et je soupçonne que nous allons revenir sur ce sujet.

[Français]

Nous avons plus de 50 ans de coopération réussie dans la défense de l'Amérique du Nord, ce qui constitue un rôle clé des Forces canadiennes définit dans la stratégie de défense Le Canada d'abord. Plus le NORAD s'engage dans les connaissances du domaine maritime, plus nous ressourcerons notre collaboration dans le but d'adopter une approche commune à l'égard de la protection des approches maritimes de nos pays.

[Traduction]

Il existe une autre institution qui soutient notre relation en matière de défense et qui démontre la capacité d'adaptation et le dynamisme requis pour une telle collaboration. Depuis sa création en 1940, la Commission permanente mixte de défense, la CPMD, sert de forum pour le dialogue politico-militaire en lien avec tout l'éventail des questions de défense. Au cours des dernières années, nous avons collaboré en vue de transformer la commission en un instrument devant nous permettre de relever des défis plus larges en matière de sécurité, autrement dit, nous avons modernisé le mandat de cet organisme qui ne date pas d'hier.

La commission est un organisme voué au changement et, ces dernières années, elle a coordonné une bonne partie des transformations apportées à l'architecture de sécurité partagée de l'Amérique du Nord, au lendemain du 11 septembre. Elle a notamment supervisé : la mise sur pied du Commandement Canada et de sa contrepartie américaine, le Commandement de l'Amérique du Nord; la création de nombreux ministères et organismes civils responsables de divers aspects de la sécurité nationale, et le resserrement de la collaboration entre ceux-ci et les intervenants militaires. Je parle ici de la création du département américain de la Sécurité intérieure qui recoupe une grande partie des composantes de la sécurité et, plus récemment, de l'élaboration d'un plan de défense combiné canado-américain, lequel, je sais, a suscité un vif intérêt chez les membres de votre comité.

Ce plan n'engage aucunement les Forces canadiennes et américaines à retenir telle option plutôt que telle autre. Les décisions relatives à la souveraineté n'appartiennent qu'aux gouvernements nationaux. Le plan se veut essentiellement un outil de planification combiné pour les deux parties. J'insiste : il s'agit d'un plan. Il vise à regrouper des ententes et des accords et à les mettre à jour à la lumière de nouvelles structures et autorités en matière de sécurité mises en place depuis 2001, donc au lendemain du 11 septembre. Le plan procure une vision globale et constamment révisée du contexte actuel de la sécurité en Amérique du Nord et constitue un cadre de planification qui aide à guider les militaires canadiens et américains lorsqu'ils doivent intervenir dans des situations où la sécurité serait partagée, que ce soit en temps de paix, en réponse à une crise ou en temps de guerre.

Ce ne sont là que quelques exemples de la portée des accords qui aideront à guider la poursuite de la collaboration entre le Canada et les États-Unis tandis que nous nous efforçons de prévoir les défis du XXIe siècle en matière de sécurité, défis qui ne cessent d'évoluer, et de réagir en conséquence. Il est notamment question : de la menace persistante que pose la nébuleuse terroriste internationale; de la montée de la cybermenace et des menaces basées dans l'espace — je sais que ce sujet, également intéresse beaucoup les membres du comité — ainsi que des virages et des changements géopolitiques, y compris la nouvelle dynamique dans la région de l'Asie-Pacifique, région qui retient de plus en plus l'intérêt de notre gouvernement.

Bien entendu, il y a aussi la question du ralentissement économique mondial et de ses incidences sur la résilience de nos sociétés, parce que la sécurité économique et la sécurité nationale sont inextricablement liées, et je ne fais pas seulement allusion aux budgets de la défense. Nous savons que les pressions économiques ont de nombreux effets dans bien des domaines.

Le Canada et les États-Unis collaborent en tant que partenaires afin de relever ces défis, et d'autres, à l'échelle nationale et à l'échelle internationale. Dans les prochaines années, le renforcement du partenariat avec les États-Unis, ainsi qu'une collaboration plus étroite avec d'autres alliés et partenaires dans le domaine de la sécurité, permettront au Canada d'assurer encore mieux la sécurité de ses citoyens et citoyennes, avec les ressources dont il dispose.

[Français]

Bien sûr, ce genre de collaboration ne portera ses fruits que si chacun des partenaires, y compris le Canada, tire pleinement partie de ses investissements ciblés dans le domaine de la défense.

[Traduction]

C'est pourquoi, malgré les difficultés que pose actuellement notre situation budgétaire, le gouvernement réaffirme son ferme engagement de poursuivre les objectifs relatifs aux capacités établies dans la Stratégie de défense Le Canada d'abord de 2008, et je sais que vous avez examiné de près ce document. Les sénateurs se souviendront que, depuis que notre gouvernement a pris le pouvoir en 2006, le budget de la défense a augmenté en moyenne d'un milliard de dollars par année. Comme vous le savez, nous n'en sommes qu'à la quatrième année d'un plan exhaustif de 20 ans, mais, déjà nous comptons des réalisations, selon moi, plutôt impressionnantes, et ce, dans les quatre piliers de la stratégie.

En ce qui a trait au personnel, nous avons réussi à augmenter les effectifs de la force régulière et de la force de réserve et nous avons atteint les objectifs bien avant les délais fixés. Je reviendrai peut-être sur cet aspect au moment des questions parce que c'est un volet important du dossier ressources humaines.

Simultanément, nous avons amélioré la qualité des soins et des services offerts aux militaires et à leurs familles — première mission et responsabilité de tout gouvernement — notamment, en lançant des programmes de soins pour les militaires malades ou blessés, comme le programme Une tradition de soins. Je sais que cette question passionne et mobilise le sénateur Dallaire.

Quant à l'équipement, nous avons entrepris le programme de réfection le plus ambitieux depuis la guerre de Corée en fournissant des moyens d'une valeur inestimable, comme les nouveaux appareils de transport aérien stratégique et tactique, les hélicoptères de transport moyen et les véhicules de transport de troupes blindés.

Les dépenses en matière d'infrastructures ont aussi augmenté pendant cette période. Au cours des deux dernières années seulement, nous avons lancé près de 100 projets partout au pays afin d'améliorer la qualité et la fonctionnalité des QG, des installations d'instruction et des centres de soutien pour les militaires et leurs familles. Je dois souligner au sujet de cet investissement, qu'une réalisation se démarque, je veux parler des centres de soutien du personnel installés sur nos bases un peu partout au pays et dans nos unités de soutien de zone. C'est l'une des grandes réussites des Forces canadiennes ces dernières années tant pour régler les problèmes concernant le personnel que ceux concernant les infrastructures.

En ce qui concerne la disponibilité opérationnelle, quatrième pilier de la Stratégie de défense Le Canada d'abord, notre intérêt et notre soutien accrus envers l'instruction, l'entretien et les exercices interarmées, comme l'opération NANOOK et d'autres dans l'Arctique canadien, ont permis d'augmenter la capacité d'adaptation et la déployabilité de nos forces armées de manière à pouvoir combler les besoins opérationnels, y compris dans le Grand Nord.

[Français]

En tant que gouvernement, nous sommes fiers de ces réalisations et de nos efforts constants, de concert avec les dirigeants des Forces canadiennes et les hauts fonctionnaires du ministère de la Défense nationale.

[Traduction]

Ces investissements étaient essentiels pour assurer la réussite systématique des missions de nos forces armées durant la période opérationnelle la plus active que nous ayons connue en plus d'une génération. Nous avons en effet enregistré le rythme opérationnel le plus soutenu depuis la guerre de Corée. C'est ainsi que nos hommes et nos femmes en service ont pu apporter une aide d'urgence aux Haïtiens et aux Haïtiennes après le séisme de janvier 2010, même si, pendant ce temps, ils menaient de véritables missions de combat en Afghanistan et contribuaient à assurer la sécurité aux Jeux olympiques de Vancouver, de même que, plus tard, au G8 et au G20. C'est ainsi qu'ils ont aussi réagi, avec célérité et efficacité, lors des inondations et des incendies de forêt au Manitoba, au Québec et en Ontario à l'été 2011, même si, pendant ce temps, ils procédaient à la transition vers une mission d'entraînement en Afghanistan et menaient une autre importante opération, cette fois en réponse à la crise en Libye. Comme vous pouvez le constater, et les archives le montrent clairement, nous étions partout à la fois et les missions s'enchaînaient à un rythme d'enfer.

Bien que cette impressionnante feuille de route, qui regorge de réussites opérationnelles, fasse ressortir la validité du concept initial de capacité, énoncé dans la Stratégie de défense Le Canada d'abord, il est évident que l'actuelle ère de compressions budgétaires et les leçons que nous avons apprises des récentes missions et de la mise en œuvre de notre ambitieux plan de réfection des Forces canadiennes requièrent que nous étudiions en profondeur chaque aspect de nos activités, du bureau administratif jusqu'au champ de bataille.

Pour ce faire, les fonctionnaires de mon ministère s'affairent, depuis quelques années déjà, à revoir nos programmes et nos investissements dans le but d'établir des priorités et de tirer pleinement parti de nos investissements au titre de nos capacités. Ce thème a été le cri de guerre de beaucoup pendant des années : alléger la charge sur le terrain et redéployer les effectifs des quartiers généraux selon les besoins afin d'optimiser l'effet sur le terrain et dans nos opérations.

Au cours de la prochaine heure, vous aurez l'occasion d'entendre directement tout cela de la bouche du général Natynczyk, quelqu'un que vous connaissez très bien, et de son collaborateur immédiat, Bruce Donaldson, qui est également avec nous aujourd'hui, ainsi que de Jill Sinclair, qui représente le secteur des politiques.

Avant de passer à vos questions, permettez-moi de conclure en réitérant l'engagement de notre gouvernement de soutenir les Forces canadiennes pendant que nos hommes et nos femmes en service accomplissent les importantes missions que nous leur avons confiées, tout en bâtissant l'Équipe de la défense la plus efficace et la plus rentable possible avec les deniers publics.

Depuis 2006, nous constatons les immenses avantages que représentent des investissements ciblés dans le domaine de la défense, sous la forme de partenariats renforcés et de réussites opérationnelles, orientation dont je recommanderai l'adoption par l'OTAN, par le NORAD et par tous nos alliés dans le monde. Maintenant, et même si nous devons composer avec de nouvelles contraintes budgétaires, il est important de maintenir ces efforts.

[Français]

Par conséquent, nous devons trouver de nouvelles façons d'utiliser nos ressources limitées là où nous en avons le plus besoin.

[Traduction]

Je vous remercie et je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup pour ces remarques complètes et étoffées. Avant de passer officiellement aux questions, j'ai deux ou trois choses à préciser.

Lors de la réunion triennale en mars, a-t-il été question d'informatique et d'espace?

M. MacKay : Ça n'était pas officiellement inscrit à l'ordre du jour, mais étant donné l'ampleur et la portée de cet événement au Mexique, j'ai pu m'entretenir avec le secrétaire à la Défense Panetta, il juste quelques semaines, à Bruxelles, lors de la rencontre OTAN. Mais non, ce n'était pas à l'ordre du jour.

La présidente : Nos témoins américains — quand ils nous ont parlé de la situation de la défense aux États-Unis — nous ont dit que, faute d'une entente bipartisane, les forces armées américaines allaient devoir subir des réductions budgétaires très importantes et incontournables. Cette question a-t-elle été au centre de vos discussions, à trois?

M. MacKay : Nous avons effectivement fait allusion à la question des budgets dans les trois pays. Il ne serait pas exagéré de dire que nos alliés sont très préoccupés par les décisions qui ne se sont pas encore concrétisées aux États- Unis. Nous n'avons pas reçu beaucoup d'informations à cet égard, mais nous en avons un peu parlé et avons discuté des effets que cette situation aurait sur tout le monde.

La présidente : Merci beaucoup pour ces précisions. Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, messieurs et madame, bienvenue.

[Traduction]

La position stratégique future des Forces canadiennes a été guidée, jusqu'ici, par la Stratégie de défense Le Canada d'abord, comme vous l'avez dit, et elle repose largement sur notre allié le plus proche, les États-Unis. Nous avons envoyé des gens suivre un entraînement là-bas. Il y a eu des échanges et nous avons été sur le terrain en Afghanistan, bien entendu.

Néanmoins, la Stratégie de défense Le Canada d'abord a subi quelques revers suite aux compressions budgétaires auxquelles le MDN a dû faire face et aux conséquences administratives de la non utilisation d'une bonne partie des crédits. De plus, il semble que le processus décisionnel concernant les acquisitions d'immobilisations suive une matrice interne, à Ottawa. En l'absence de position claire et prépondérante en matière de politique étrangère, ne pensez-vous pas que la Stratégie de défense Le Canada d'abord était peut-être un bon outil pour amorcer la reconstruction initiale, mais que vous cherchez à aller plus loin pour relever les défis mondiaux, par exemple comme votre collègue qui a établi un nouveau commandement en Afrique et qui investit massivement dans les forces spéciales et ce genre de priorité?

M. MacKay : La Stratégie de défense Le Canada d'abord avait clairement pour but d'être un document constamment renouvelé ou une base à partir de laquelle nous allions pouvoir construire quelque chose et cela a été largement le cas. Bien entendu, il y a eu des changements et, comme vous l'avez constaté au cours de votre carrière, l'émergence de nouvelles missions et pressions a amené le ministère à réorienter sa stratégie pour donner la priorité à certaines missions. C'est certainement ce qui s'est passé dans le cas de l'Afghanistan. Dans le contexte de cette mission et de ces pressions, nous avons pris des décisions prioritaires, par exemple au sujet du matériel, d'une plus grande utilisation du RSR et, finalement, de l'utilisation de l'aviation. Le besoin crucial d'hélicoptères a fait l'objet d'une des recommandations d'un groupe d'experts dont la présidente faisait partie.

Je prends vos observations et votre question à cœur. Nous réexaminons constamment la mission au sein du ministère de la Défense nationale. Nous le faisons en collaboration très étroite avec le ministère des Affaires étrangères, sur le front politique, comme vous pouvez vous y attendre, et nous établissons les priorités.

Avec les États-Unis, il est impossible d'envisager la défense de l'Amérique du Nord sans travailler main dans la main, côte à côte, selon l'analogie que vous choisirez. Nous recherchons la sécurité continentale d'une façon plus rigoureuse, dirais-je, en ajoutant maintenant la dimension maritime sous les auspices et la responsabilité du NORAD. Nous venons de mentionner l'inclusion plus importante du Mexique et ce que cela signifie sur le plan de la sécurité de l'Amérique du Nord en ce qui concerne la traite d'êtres humains et l'entrée, sur le continent nord-américain, de la drogue en provenance de la région au sud des États-Unis. Pour cette raison, notre gouvernement a donné la priorité à notre présence dans les Amériques et augmenté sa mise, si vous voulez. Notre stratégie a donc mis davantage l'accent sur une collaboration étroite avec des pays comme la Jamaïque. Haïti, de même que l'Afghanistan, ont certainement été des priorités en matière de politique étrangère, sur le plan de l'aide humanitaire.

Pour conclure, je dirais simplement que nous réexaminons constamment toutes les capacités du ministère de la Défense nationale pour qu'elles tiennent compte des objectifs de la politique étrangère et que nous le faisons en collaboration étroite avec les États-Unis, en particulier.

Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, les conflits en cours dans le monde et les menaces qui existent obligent les pays industrialisés, les moyennes puissances comme la nôtre à essayer de les atténuer avant qu'ils n'arrivent chez nous. Pour ce faire, il faut se demander dans quelle mesure les Forces canadiennes devraient participer à des opérations de stabilisation et de renforcement des capacités dans un certain nombre de pays où elles ne seront pas nécessairement déployées en première ligne, mais où elles aideront les puissances régionales à se déployer plus efficacement et joueront plutôt un rôle de forces de réserve. La Stratégie de défense Le Canada d'abord ne donne pas l'impression que nous allons renforcer les capacités, nous engager et stabiliser la situation de façon à aider notre industrie et d'autres secteurs. En réalité, on semble surtout chercher à reconstruire la capacité des Nations Unies. C'est pourquoi j'ai l'impression que nous faisons un tas de choses, mais sans une véritable perspective globale et prépondérante qui permettrait d'inscrire la Stratégie de défense Le Canada d'abord dans une politique que le gouvernement pourrait énoncer.

M. MacKay : Si vous le permettez, sénateur, une bonne partie de ce dont vous parlez se trouve dans la composante disponibilité opérationnelle pour laquelle nous collaborons avec le ministère des Affaires étrangères, le ministère qui nous dit où nous devrions intervenir, de façon réactive ou proactive, comme vous y avez fait allusion. Ce document insiste, sans aucun doute, sur la reconstruction ou le renforcement des Forces canadiennes pour en faire l'institution formidable, déployable et réactive que l'on connaît et à laquelle, je me permets de le dire, vous avez contribué lorsque vous portiez l'uniforme.

Les Forces canadiennes ont une bonne réputation dans le monde. Elles sont très respectées, surtout dans le domaine de la formation et de l'aide que nous apportons aux pays qui en ont besoin, peut-être avant qu'un conflit ne dégénère trop, si je peux m'exprimer ainsi. Cela a toujours été le cas, notamment dans les pays d'Afrique, dans les régions où la situation commence à se détériorer. Le conflit en Bosnie-Herzégovine en est un autre exemple.

Pour répondre à votre question, aucun ministère ne peut s'en charger à lui seul. Il faut la participation de l'ensemble du gouvernement. Nous avons remporté un grand succès, dirais-je, ces dernières années, en collaboration avec la Sécurité publique et l'ACDI, bien sûr, sur le plan de l'aide humanitaire ainsi qu'avec les autres ministères qui nous aident à renforcer la capacité dans les pays, sur un plan non militaire. Prenez le travail qu'Agriculture Canada a pu faire dans un endroit comme l'Afghanistan où des nouveaux débouchés économiques pourront peut-être atténuer les pressions qui mènent aux conflits.

C'est vraiment une approche pangouvernementale que les pays de l'OTAN décrivent parfois comme l'approche globale. C'est tout à fait conforme à la tradition canadienne et je dirais que de nombreux pays, y compris pendant notre récente mission en Afghanistan, ont compté sur le leadership que le Canada exerce grâce à cet atout.

Le sénateur Dallaire : Nous avons acquis des compétences et des connaissances exceptionnelles ainsi qu'une expérience humaine en Afghanistan. La mission va prendre fin et Dieu sait ce qui se passera. Si nous pensons pouvoir aller dans un pays pendant 10 à 12 ans et régler le problème, c'est l'idée la plus simpliste qui soit. Il faut 40 à 60 ans pour aider certains pays à se stabiliser. Nous sommes toujours à Chypre et la situation va encore durer pendant 50 ans.

Néanmoins, si vous prenez notre capacité dans son ensemble et l'approche globale du gouvernement, comme vous le dites, la question est de savoir dans quelle mesure le gouvernement, dans son ensemble, a vraiment acquis l'expérience et les compétences voulues pour se préparer aux prochaines atrocités de masse ou au prochain engagement auquel notre pays participera. Nous avons certainement l'impression, d'après l'expérience acquise, que le MDN a une importante capacité. Néanmoins, nous ne voyons peut-être pas tous les autres ministères qui ont joué un rôle essentiel sur le terrain prendre l'initiative d'acquérir la capacité de faire, comme MDN, de la planification d'urgence et de se préparer afin que la prochaine fois, notre engagement ne soit pas échelonné, mais total. Ne pensez-vous pas avoir la responsabilité de pousser les ministères à répondre à la nécessité de renforcer cette capacité, une véritable capacité au sein du gouvernement canadien?

M. MacKay : Sénateur, je suis entièrement d'accord avec vous — même si je manque d'objectivité — pour dire que le ministère de la Défense nationale a accompli un excellent travail pour ce qui est de tirer la leçon de notre expérience en Afghanistan. Il a dû le faire par nécessité. Comme vous l'avez laissé entendre, une mission antiinsurrectionnelle est une mission pour le moins complexe et extrêmement difficile et dynamique. Si elle a lieu dans un pays comme l'Afghanistan en proie à des tensions tribales et à des conflits depuis des décennies, il est encore plus nécessaire que l'ensemble du gouvernement y participe. Ce n'est pas seulement l'ensemble du gouvernement, car c'est un effort multinational. En plus de notre pays, qui cherche à coordonner les efforts des différents ministères pour obtenir des résultats, vous avez tous les pays de l'OTAN et tous les autres pays donateurs. Je crois que nous sommes maintenant plus d'une soixantaine pour ce qui est de l'Afghanistan.

À mon avis, le Canada a fait un travail exceptionnel sur le plan de la coordination des efforts. Nous nous sommes bâti une solide réputation en travaillant avec les autres pays, à la fois sur le front militaire et en aidant à coordonner la distribution de l'aide. Notre contribution, en tant que membre de la coalition, est extrêmement importante pour préserver la réputation que le Canada a acquise au cours des années, tout comme l'instruction militaire, dirais-je, a pris une importance primordiale pour la suite de notre mission. Nous sommes passés du déploiement initial à une mission de combat dans la province de Kandahar où nous avons participé au Commandement régional Sud et nous allons maintenant aider le gouvernement afghan, d'une façon que vous avez qualifiée de plus concrète, je crois, à assumer la responsabilité de la sécurité et également celle de la gouvernance, à travailler au sein de sa propre fonction publique. Il est encore loin du but, c'est le moins qu'on puisse dire, mais je suis extrêmement fier des deux rôles importants que les Forces canadiennes ont joués sur le plan du renforcement de la capacité de sécurité et maintenant dans le cadre de leur mission de formation qui consiste à conférer à l'armée et à la police afghanes les compétences dont les Afghans auront besoin.

Les choses se présentent bien là-bas en ce qui concerne le nombre, le professionnalisme et les capacités des forces de sécurité. Il y a eu des attaques spectaculaires. Les talibans ont cherché à réaffirmer leur autorité dans le pays, mais les forces de sécurité afghanes assument maintenant l'entière responsabilité de la sécurité dans près de 50 p. 100 du territoire et ont un plan stratégique et calculé pour s'implanter dans la totalité du territoire d'ici 2014. Nous tendons vers cet objectif en tirant la leçon de notre expérience, comme vous l'avez dit, et en travaillant dans le cadre de l'effort multinational et multiministériel que le Canada a consacré à cette mission.

Le sénateur Dallaire : Vous m'avez cité le quatrième rapport sur l'Afghanistan, mais je pensais surtout à ce que nous faisons ici.

Le sénateur Lang : Je voudrais d'abord dire qu'à mon avis, la plupart des Canadiens sont fiers de ce que nos forces ont pu accomplir ces dernières années dans le théâtre où nous avons été engagés en Afghanistan. Si vous prenez la Libye, nous connaissons les résultats obtenus là-bas et le rôle que nous avons joué. Vous avez mentionné Haïti, les inondations et les diverses autres situations internes auxquelles les forces ont dû faire face. Nous pouvons être très fiers du travail qu'elles accomplissent.

Je voudrais aborder un sujet dont les médias parlent depuis un certain temps et c'est celui des F-35. Je crois que nous perdons de vue ce que le Canada doit faire à l'avenir sur le plan de la paix et de la sécurité, non seulement chez-nous, mais aussi à l'étranger. Je veux parler de notre force aérienne et de nos intentions à cet égard.

La dernière manchette que j'ai lue parlait de dépenses scandaleuses. Je voudrais certains éclaircissements. Combien avons-nous dépensé exactement pour les F-35, notre engagement envers les F-35 et, en ce qui concerne nos alliés, où en sommes-nous pour ce qui est des F-35? D'autre part, le fait est que la flotte de notre force aérienne devient désuète. Vous pourriez peut-être nous en parler.

M. MacKay : Premièrement, je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que les hommes et les femmes des Forces canadiennes se sont distingués pendant leur carrière. À mon avis, ce sont nos citoyens les plus patriotes, les plus engagés et les plus courageux.

Le Rapport du vérificateur général a largement attiré l'attention sur l'acquisition de ces appareils qui n'aura pas lieu avant plusieurs années. Nous n'avons pas de contrat comme tel. Nous avons un protocole d'entente à l'égard du développement de la prochaine génération de chasseurs.

Pour répondre directement à votre question concernant le montant d'argent que nous avons dépensé pour l'acquisition de cet appareil, la réponse est zéro. Nous n'avons pas dépensé un sou pour cette acquisition. De l'argent a été consacré au développement de cet avion, qui a commencé en 1997, lorsque nous sommes entrés dans ce consortium avec huit autres pays. De l'argent a été consacré au développement, mais pour ce qui est de l'argent dépensé pour acheter l'appareil, nous n'avons pas dépensé un sou.

En ce qui concerne la nécessité de cet appareil, là encore, je pense que vous avez raison. Si nous devons faire cette acquisition pour remplacer le CF-18, c'est à cause des besoins opérationnels auxquels les Forces armées canadiennes, et particulièrement l'Aviation royale canadienne, doivent répondre dans le cadre de leur mandat quotidien qui est de protéger l'Amérique du Nord, de participer à des missions internationales, ce qu'elles ont fait en Libye, comme vous l'avez dit, et comme nous l'avons vu, par le passé, au Kosovo. Nous avons eu énormément de chance d'avoir un chasseur capable de défendre le territoire le plus vaste de la planète, le littoral le plus long réparti sur trois océans avec l'ouverture des glaces de l'Arctique.

À mon humble avis, les hommes et les femmes en uniforme font un travail dangereux. Ils s'attachent pratiquement à une fusée lorsqu'ils vont dans le ciel pour défendre l'Amérique du Nord. Compte tenu des avis que je reçois de gens comme le chef d'état-major de la Force aérienne, André Deschamps, le chef d'état-major de la Défense et d'autres, j'estime que nous devons donner à nos hommes et femmes en uniforme de la Force aérienne, à nos pilotes, le meilleur équipement existant sur le marché. Ces possibilités sont très limitées, surtout lorsqu'il s'agit de l'équipement le plus moderne.

Le sénateur Lang : Comme je sais que nous manquons de temps, je voudrais aborder une autre question, celle de la cyberdéfense. Vous en avez fait mention dans votre déclaration préliminaire et c'est une question de plus en plus préoccupante dans le monde, pas seulement pour le Canada et les États-Unis. Peut-être pourriez-vous également nous en parler.

M. MacKay : La cyberdéfense pose un sérieux défi dans le monde. Les cyberattaques ont lieu à une fréquence alarmante.

Nous avons, sous la direction du ministère de la Défense nationale, le CST, qui est le Centre de la sécurité des télécommunications. Cet organisme est spécialement chargé de protéger la circulation de l'information au sein du gouvernement du Canada, mais aussi de travailler avec le secteur privé pour protéger l'information. Nous travaillons également en collaboration étroite avec nos alliés, les États-Unis, le groupe des Five Eyes, comme on l'appelle, pour assurer la protection de l'information, de même que dans le domaine du renseignement. Comme les exemples récents de la Libye et de l'Afghanistan nous l'ont montré, nous savons que le renseignement est extrêmement important pour défendre notre pays, surtout en ce qui concerne les communications, l'échange de renseignements entre nos alliés. C'est maintenant un sujet qui mobilise beaucoup d'attention et des investissements importants.

La présidente : Pour ce qui est des États-Unis, nous les avons vus s'orienter vers la création d'un cybercommandement. Envisagez-vous de le faire?

M. MacKay : Nous n'avons pas encore pris de décision à cet égard. Bien sûr, nous avons entendu l'appel claironné par les États-Unis quant à l'importance de la cybersécurité. Je suppose qu'un bon nombre de nos alliés partagent cet avis.

[Français]

Le sénateur Dawson : Merci monsieur le ministre.

[Traduction]

De nombreuses questions peuvent être abordées avec un ministre. Il faut faire un choix. Croyez-moi, je suis connu pour mes opinions politiques, mais ce ne sera pas une décision partisane. Le Toronto Star a publié aujourd'hui un article à propos du taux de suicide à la Défense nationale. Comme vous le savez, je m'intéresse à ce problème depuis de nombreuses années. La Chambre des communes a adopté, il y a quelques mois, une résolution demandant une politique nationale sur la prévention du suicide. Le Sénat a adopté cette même résolution il y a quelques semaines.

La hausse du taux de suicide signifie probablement que sur une période de 10 ans, le suicide a fait autant de morts que la guerre en Afghanistan. Cette progression est alarmante. Même si le suicide peut être parfois considéré comme une responsabilité provinciale parce que cela touche à la santé mentale, le gouvernement canadien a certainement un rôle à jouer. C'est une question dont personne n'aime parler. C'est un sujet très délicat pour certaines personnes. Rares sont les élus qui souhaitent l'aborder, mais en réalité, nous devons le faire. C'est un sujet important dont il faut parler. Compte tenu de cette progression et des chiffres de ces dernières années, il est important, premièrement, d'en parler, et deuxièmement, de veiller à lutter contre le phénomène. La Chambre des communes et le Sénat doivent adopter une politique. J'espère que quelqu'un fera quelque chose.

Je le demande au ministre qui siège au Cabinet, mais pas seulement au ministre de la Défense nationale. Ce sont des taux alarmants. Les taux sont alarmants à la Défense nationale, de même que chez les Autochtones. Cela relève de la compétence du gouvernement fédéral. Je vous demande, en tant que ministre de la Défense nationale, non seulement de me dire ce que vous faites, à la Défense nationale, pour lutter contre l'augmentation des suicides, mais également de coopérer pour assurer l'élaboration d'une politique nationale de prévention du suicide.

M. MacKay : Je voudrais d'abord vous remercier de soulever cette question ici. Au ministère de la Défense nationale, nous en parlons dans le cadre de groupes importants. Nous en parlons avec nos soldats. Je tiens à féliciter publiquement le général Natynczyk, pour son leadership. Je l'ai vu parler, à de nombreuses reprises, au personnel militaire et civil des effets de l'état de stress post-traumatique et du stress opérationnel. Je sais que certains membres du comité, y compris vous-même, avez accordé énormément de temps et d'attention à cette cause.

Je vous dirais, d'abord et avant tout, que nous avons pris un certain nombre de mesures concrètes pour remédier à un problème alarmant qui existe partout, il faut l'avouer. Il ne se limite absolument pas aux membres des Forces canadiennes. Les chiffres vous montreront que le taux de suicide dans les Forces canadiennes est inférieur à la moyenne canadienne.

Les effets du déploiement et, plus particulièrement, l'exposition au combat ont, sans aucun doute, un effet délétère sur la santé mentale des membres des Forces canadiennes. Cela dit, je voudrais revenir sur ce que nous allons faire pour y remédier, ce qui est l'élément essentiel.

Nous avons pour objectif de doubler le nombre de professionnels de la santé mentale à l'emploi du ministère de la Défense nationale. N'oubliez pas qu'ils seront à la disposition non seulement des membres de la force régulière, mais également des réservistes qui sont déployés en Afghanistan, selon un système de rotation, dans une proportion qui atteint parfois 25 à 30 p. 100. Comme nos réservistes sont répartis dans l'ensemble du pays et qu'ils ne sont pas toujours rattachés à une base, nous devons veiller à ce qu'ils aient plus facilement accès à ces professionnels de la santé mentale. L'augmentation de leur nombre est une chose. Les Unités interarmées de soutien au personnel dont j'ai parlé tout à l'heure sont un autre élément essentiel pour encourager les soldats et les membres de leur famille.

Je mentionnerais en passant — et je suis sûr que le général Natynczyk en parlera — que c'est souvent un membre de la famille ou un camarade qui est le mieux placé pour reconnaître les symptômes et la nécessité d'aider quelqu'un. L'attitude ou la mentalité qui régnait par le passé et qu'il faut changer voulait que le soldat serre les dents et ne parle pas de ses problèmes. Le général Natynczyk et d'autres ont fait beaucoup d'efforts pour faire disparaître cette mentalité, en encourageant les gens à en parler.

Il y a deux ans, l'Association canadienne pour la santé mentale a reconnu les efforts que les Forces canadiennes déploient à cet égard.

Je voudrais vous donner deux autres exemples de ce que nous cherchons à faire en établissant un réseau de programmes pour venir en aide aux victimes du stress opérationnel et aux personnes qui ont le sentiment de souffrir mentalement suite à leur service. Je peux vous assurer — et je pense que vous serez d'accord, sénateur — que la souffrance mentale peut être tout aussi débilitante que la souffrance physique. En fait, dans certains cas, elle peut l'être davantage, car elle ne se voit pas. Les efforts que nous faisons pour employer davantage de professionnels de la santé mentale, établir des cliniques et mettre en place des programmes d'éducation en santé mentale pour diffuser simplement plus de renseignements sur les effets de la santé mentale ainsi que sur les programmes et le personnel disponibles au ministère pour aider les gens, montrent que nous agissons. La sensibilisation à l'état de stress post- traumatique et au stress opérationnel est également englobée dans l'investissement que nous avons fait dans notre Tradition de soins pour aider les militaires malades et blessés des Forces canadiennes et leurs familles à surmonter ces problèmes.

Je ne prétends absolument pas que nous ayons fait tout ce qu'il y avait à faire. Néanmoins, votre travail et celui des autres membres du comité, en plus de nos propres initiatives aidera, je l'espère, à résoudre les problèmes de santé mentale et surtout ceux qui peuvent mener au suicide.

Le sénateur Dawson : Merci. En tant que ministre, j'espère que vous pourrez en parler avec vos collègues, car il y a une faille sur ce plan-là en ce sens que chacun pense que cette responsabilité incombe à quelqu'un d'autre. J'apprécie vos observations et j'invite le général à continuer d'en parler, car cela fait partie de la solution.

M. MacKay : Madame la présidente, si vous le permettez, je sais que c'est un sujet qui passionne particulièrement le général Natynczyk et il a peut-être quelque chose à ajouter.

La présidente : Allez-y, s'il vous plaît.

Général Walt Natynczyk, chef d'état-major de la Défense, Défense nationale : Chaque suicide est une vie perdue de trop et nous en avons un trop grand nombre chaque année. Nous sommes le reflet de la société canadienne. Même si nous filtrons les personnes qui entrent dans les Forces canadiennes, nous savons que les meilleures normes de recrutement et méthodes de sélection ne nous permettent pas de détecter les personnes vulnérables aux problèmes de santé mentale lorsqu'elles se présentent.

Je serai bref, mais le ministre me permettra sans doute de dire que si vous voulez faire comparaître le médecin-chef, comme nous l'avons dit, il a réalisé d'énormes progrès ces dernières années. Il vient de tenir une séance d'information pour les officiers généraux et les adjudants-chefs la semaine dernière. Encore une fois, l'éducation joue un rôle primordial. Nous avons consacré énormément d'efforts à la préparation mentale et à la résilience mentale, avant même la participation au combat afin que nos militaires comprennent ce qui leur arrivera lorsqu'ils seront en proie au stress. Vous connaissez bien le programme de décompression de Chypre. Il s'agit d'éduquer les gens, de leur apprendre à reconnaître les signes afin qu'ils sachent ce qui leur arrive et de leur offrir ensuite à tous du counseling. Nous savons que les soldats, les marins et les aviateurs et aviatrices sont plus durs envers eux-mêmes que les autres parce qu'ils ont tous une personnalité de combattant. La différence est que nous sommes des compagnons d'armes qui nous entraidons, qui cherchons les signes de faiblesse. Il faut éduquer, former et soutenir les familles car ce sont les familles qui reconnaissent ces signes avant la plupart d'entre nous.

Quand le ministre et moi-même étions à Edmonton à l'Unité interarmées de soutien au personnel, nous avions devant nous 30 personnes souffrant de stress post-traumatique et j'ai demandé combien d'entre elles avaient pris conscience de leur état et avaient demandé de l'aide de leur propre chef. La réponse était zéro. C'est leur petite amie, leur copain, leurs compagnons d'armes ou leurs parents qui ont dit : « Va chercher de l'aide. » Le plus tôt nous pouvons leur apporter une aide professionnelle, mieux c'est. Nous ne faisons pas encore assez, mais nous travaillons fort.

Le sénateur Dawson : Merci beaucoup.

M. MacKay : Il y a un groupe de soldats blessés, environ 25, que j'ai vus ce week-end à Toronto et qui font le tour de l'Europe en bicyclette pour visiter les champs de bataille de Belgique et de France. Ils souffrent tous de stress post- traumatique et ont pour but de sensibiliser les gens au sujet de leurs troubles afin que d'autres demandent également de l'aide. Il y a un certain nombre de groupes, d'organismes et de réseaux de soutien qui font précisément ce que le sénateur Dawson a si bien dit, qui aident à sensibiliser et à éduquer les gens et abordent ces questions franchement en public, dans tous les détails.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le ministre, merci d'être venu. C'est un plaisir de vous recevoir.

Je vais aller droit au but. Pour ce qui est des chiffres présentés au Parlement au sujet du F-35, qui a signé le rapport, le chiffre définitif établi? Est-ce vous, le ministre des Travaux publics ou le premier ministre? Qui a signé pour un montant de 14,7 milliards de dollars au lieu de 25 milliards de dollars?

M. MacKay : Cela a été signé par le Cabinet.

Le sénateur Mitchell : Tout le monde était au courant au Cabinet?

M. MacKay : Tout le monde — le sous-ministre, le chef d'état-major de la Défense — présente les renseignements sous la forme d'un mémoire au Cabinet et c'est transmis au Cabinet.

Le sénateur Mitchell : Nous sommes tous très fiers du MDN, des Forces canadiennes et des hommes et femmes en uniforme. Un des inconvénients de toute cette affaire est qu'elle a certaines répercussions négatives pour eux. Je voudrais essayer de clarifier les choses.

Quand le MDN, le général et son personnel ont présenté un chiffre pour en faire rapport au Parlement, ce chiffre était-il de 25 milliards de dollars? A-t-il été rejeté au niveau politique et le Cabinet l'a-t-il ramené à 14,7 milliards de dollars ou était-ce le chiffre indiqué?

M. MacKay : Comme vous le savez, le chiffre de 14,7 milliards de dollars ne comprend pas les coûts associés à l'utilisation d'une flotte de chasseurs. Les 9 à 10 milliards supplémentaires — selon la période — comprennent des choses comme le carburant, les salaires et l'entretien de ces appareils. C'est ce que nous payons actuellement. C'est l'argent que nous investissons dans les F-18. Ajoutez à ce chiffre le coût d'acquisition de l'appareil proprement dit qui est, comme nous l'avons dit, de 9 milliards de dollars, puis les coûts d'entretien — l'équipement de bord, les armes, les diverses composantes de l'appareil qui sont ajoutées ou supprimées — et c'est ainsi que vous arrivez à des chiffres différents. C'est une différence comptable qui a été soulignée. À ma connaissance, les coûts d'utilisation n'ont jamais été inclus dans les programmes d'acquisition aussi importants que celui du F-35. C'est plus compliqué, parce que nous faisons partie d'un consortium et que le développement de l'appareil a commencé en 1997, sous un gouvernement précédent.

Le sénateur Mitchell : Vous essayez, je pense, d'établir la distinction entre le coût des avions et leur coût d'entretien et d'utilisation pendant leur cycle de vie, et cetera. Pourquoi ne pas dire simplement 9 milliards de dollars? Si vous en êtes à 14,7 milliards de dollars et que vous comptabilisez certains coûts supplémentaires sur la durée du cycle de vie, pourquoi ne pas aller directement jusqu'à 25 milliards de dollars et de plus, pourquoi ne pas tenir compte de l'attrition pour les 14 milliards que vous allez probablement perdre étant donné les moyennes à cet égard? Je ne comprends pas. Si vous n'incluez pas les coûts supplémentaires, pourquoi ne pas parler simplement d'un coût d'acquisition de 10 milliards ou 9 milliards de dollars?

M. MacKay : C'est ce que nous avons dit. Nous soulignons que le vérificateur général nous demande maintenant d'inclure les coûts d'utilisation, mais que ce n'est pas ainsi que notre gouvernement ou le gouvernement précédent ont procédé à l'acquisition de matériel militaire. Par exemple, pour la dernière grande acquisition d'hélicoptères militaires — le contrat d'hélicoptères maritimes dont l'acquisition a suscité un certain nombre de problèmes — nous n'en avons pas encore pris livraison. Le rapport au Parlement, qui tenait compte des divers coûts ou estimations, n'incluait pas le coût d'utilisation de l'appareil étant donné que les Sea King sont encore en service.

Le sénateur Mitchell : Vous dites que si vous passez d'un chiffre de 9 milliards de dollars à un chiffre de 14,7 milliards de dollars, la différence de 5,7 milliards de dollars ne représente pas des coûts d'acquisition.

M. MacKay : Ce sont des coûts d'entretien.

Le sénateur Mitchell : Si vous incluez ces coûts d'entretien, pourquoi n'avez-vous pas inclus les 9 milliards de dollars supplémentaires?

M. MacKay : Il faut distinguer les coûts d'entretien du coût des salaires et du carburant. Les différents coûts associés à l'entretien de la flotte actuelle n'ont jamais été inclus en ce qui concerne le personnel, le carburant, et cetera.

Le sénateur Mitchell : Pour ce qui est de la proportion de cet argent qui sera dépensée au Canada pour créer des emplois, pourriez-vous m'en donner une idée?

M. MacKay : C'est une question qu'il faudrait plutôt poser à Industrie Canada. Ce n'est pas du ressort de la Défense nationale, tout comme les efforts déployés actuellement pour présenter ce projet d'acquisition au Parlement dans le cadre du plan en sept étapes. Nous allons augmenter la reddition de comptes, la transparence et la possibilité pour les gens d'examiner les diverses estimations qui ont permis d'arriver à ces chiffres. Ce sont des chiffres très élevés, car cet argent est dépensé sur une période extrêmement longue.

Néanmoins, j'en reviens à la question que le sénateur Lang a posée tout à l'heure quant à la nécessité de cet appareil et l'importance d'avoir des chasseurs pour défendre notre souveraineté, participer à des missions internationales et surtout, pour protéger nos pilotes. L'avion moderne que nous connaissons aujourd'hui est un appareil extrêmement perfectionné. Ce genre d'équipement permet aux pilotes de faire un travail très difficile et très dangereux en protégeant l'espace aérien du Canada, en participant aux missions du NORAD et de l'OTAN, comme nous l'avons vu en Libye.

Le sénateur Mitchell : Vous dites qu'il est important de nous doter du meilleur équipement qui soit.

M. MacKay : C'est ce que je crois.

Le sénateur Mitchell : Moi aussi, mais comment savez-vous que c'est le meilleur étant donné qu'il n'a pas encore été fabriqué? Que ferez-vous si ce n'est pas le meilleur?

M. MacKay : Ces appareils volent déjà.

Le sénateur Mitchell : Ils ne volent pas particulièrement bien.

M. MacKay : C'est un avion expérimental qui a été...

Le sénateur Mitchell : Nous savons que ce sont les plus coûteux. Nous ne savons pas si ce sont les meilleurs.

M. MacKay : Nous savons que ce sont les seuls que nous puissions obtenir. Comme vous vous en doutez, je reçois de nombreux avis des gens du ministère qui ont soit volé à bord de simulateurs ou d'appareils comme celui-là et qui ont examiné ses spécifications. En ce qui concerne l'avenir, c'est Travaux publics qui administre cette future acquisition pour laquelle, comme je l'ai mentionné, aucun argent n'a été déboursé, aucun contrat n'a été signé. C'est peut-être ce qu'on oublie parfois, mais il ne manque pas un seul sou dans ce dossier.

Le sénateur Mitchell : Pour revenir sur la question des acquisitions, pour les navires, les Travaux publics ont supervisé le processus avec beaucoup de succès, apparemment sans ingérence politique. Nous voyons maintenant qu'ils vont se charger de l'acquisition des VCR et des F-35. Il y a lieu de se demander quel sera le rôle du MDN et quel rôle il jouera? Allons-nous bénéficier de son expertise ou laisser cela aux autres?

M. MacKay : Cela me préoccupe également. Nous voulons veiller à préciser les spécifications requises pour le type de véhicules, d'avions ou de navires de remplacement dans le cas des nouveaux navires de combat. Ce sera le cas. Ces données seront fournies régulièrement. Le plan en sept étapes que vous connaissez sans doute décrit exactement comment les divers ministères travailleront avec le secrétariat. Il y aura des sous-ministres de tous ces ministères, plus la supervision supplémentaire d'un agent indépendant de l'extérieur. Dans le cas du F-35, ces personnes n'ont pas encore été désignées. Nous avons toutefois un surveillant de l'équité qui a largement contribué au succès de la stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale.

Je pense qu'un observateur externe améliore la crédibilité et la vérification des chiffres. Dans l'ensemble, nous reconnaissons que le ministère de la Défense nationale doit travailler en collaboration étroite avec ces ministères, car chacun a un rôle très distinct à jouer. En ce qui concerne les Travaux publics, leur rôle consiste surtout à travailler, dans ce cas-ci, avec le gouvernement des États-Unis et Lockheed Martin, pour s'assurer que le contrat répond à certains critères avant qu'il ne soit signé. À cette fin, nous avons gelé l'enveloppe de financement. Non seulement le coût d'acquisition de 9 milliards de dollars n'a pas été dépensé, mais il ne le sera pas tant que les sept étapes n'auront pas été franchies. C'est la garantie que nous donnons aux Canadiens et au Parlement pour assurer la supervision, la transparence et la crédibilité de cette acquisition.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous n'avons presque plus de temps et deux autres sénateurs désirent la parole.

Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, vous inquiétez-vous des restrictions budgétaires aux États-Unis et de leurs effets sur nos relations pour la défense continentale?

M. MacKay : Je dirais les choses ainsi : je ne sais pas exactement quelles seront les répercussions des restrictions budgétaires aux États-Unis. Normalement, nous ne faisons pas de commentaires détaillés, même lorsque nous sommes au courant.

Cela m'inquiète et j'ai vu que les États-Unis assument une part disproportionnée du fardeau par rapport à bien d'autres pays, notamment nos partenaires de l'OTAN. Je sais que cela vous préoccupe. La question du partage du fardeau est constamment abordée dans les corridors de l'OTAN et de Bruxelles. Les États-Unis ont essayé de faire comprendre à leurs partenaires de l'OTAN que nous n'avons pas à nous inquiéter. Néanmoins, ils s'attendent à un plus grand partenariat et une plus grande participation aux missions. Cela fait un certain temps qu'ils le demandent. J'ai entendu, à de nombreuses reprises, le secrétaire Gates et le secrétaire Panetta exprimer clairement ce souhait.

Le sénateur Nolin : Je me souviens qu'il y a plus de deux ans, le secrétaire Gates et vous-même aviez été surpris par l'augmentation du budget en Afghanistan. Vous avez donné au secrétaire-général, à Bruxelles, l'ordre de rationaliser les opérations de l'OTAN. Êtes-vous satisfait des résultats, des restrictions budgétaires importantes aux États-Unis et de ce qui s'est passé à Chicago?

M. MacKay : Disons que, de toute évidence, il reste du travail à faire au sein de l'OTAN. La réforme de l'OTAN est en cours et il y a certains signes encourageants en ce qui concerne la structure de l'organisation et son coût. Ce n'est certainement pas un organisme parfait. Néanmoins, comme pour l'ONU, je suppose que cette solution est préférable à toutes les autres. Ce qui différencie l'OTAN des Nations Unies, c'est qu'il a la capacité d'opérationnaliser et de soutenir certaines déclarations.

Comme vous venez de le mentionner, l'OTAN va se réunir en Amérique du Nord, pour la première fois depuis de nombreuses années. On examinera notamment comment l'OTAN pourra continuer à jouer un rôle pertinent dans la sécurité mondiale et comment nous pourrons continuer à intervenir en dehors de sa zone, comme nous l'avons fait en Afghanistan, d'une façon plus efficiente et efficace qui répartira le fardeau plus équitablement entre les partenaires de l'OTAN.

Je vais vous donner un autre exemple. La participation de l'OTAN à la mission en Libye n'a pas été totale. Seulement neuf des 28 pays de l'OTAN y ont participé.

Le sénateur Nolin : Nous avons eu des nouveaux partenaires.

M. MacKay : C'est une très bonne remarque. L'arrivée de nouveaux partenaires qui ne sont pas actuellement membres de l'OTAN est une chose sur laquelle le secrétaire Panetta et les secrétaires à la défense américains qui l'ont précédé ont insisté. Le Canada est un des partenaires de défense très fiable et robuste sur lesquels compte l'OTAN. Cela ne se limite pas à l'OTAN. Il y a aussi nos relations avec les Amériques, avec le Mexique et les efforts que nous faisons dans notre propre zone pour accroître notre capacité sur le plan de la sécurité.

Le sénateur Day : Monsieur le ministre, je me joins à mes collègues pour vous féliciter, vous et votre équipe, pour le leadership que vous avez manifesté ces dernières années sur un bon nombre de dossiers concernant la défense nationale.

M. MacKay : Merci, sénateur.

Le sénateur Day : Néanmoins, je voudrais approfondir certaines questions et vous donner l'occasion d'en dire plus, notamment suite à vos propos et à votre insistance sur le plan ambitieux de mise à niveau qui devrait conduire à une politique d'acquisition.

Je sais, et je pense que tous mes collègues ici le savent, qu'en 2010, il y a eu un examen stratégique portant sur les dépenses du MDN et d'autres ministères, mais particulièrement du MDN dans le cas qui nous intéresse. En 2011, il y a eu un plan d'action pour la réduction du déficit. Des compressions supplémentaires sont prévues dans le budget de 2012. La réduction des dépenses vise trois domaines. Je crains qu'une bonne partie du travail réalisé pour augmenter le budget de la Défense nationale ne soit compromise étant donné qu'environ 2 milliards de dollars seront soustraits du budget de base sur une période de trois ans.

De plus dans le dernier budget, il est dit à la page 252 :

Pour s'assurer que les fonds nécessaires aux acquisitions d'immobilisations d'envergure seront disponibles en temps voulu, le gouvernement rajuste le profil de financement de la Défense nationale en reportant prospectivement 3,54 milliards de dollars sur sept ans à la période pendant laquelle les acquisitions seront effectuées.

Il y a donc 3,54 milliards de dollars qui seront reportés en plus des 2 milliards de dollars qui seront soustraits du budget. Pourriez-vous nous aider à comprendre ce report? Quelles conséquences cela aura-t-il sur les acquisitions déjà annoncées? Je ne parlerai pas des F-35. Parlons des navires et de ce programme.

M. MacKay : Merci beaucoup, sénateur Day. J'apprécie votre enthousiasme pour le programme de mise à niveau du ministère, car je pense que c'est certainement un des éléments clés. Nos soldats doivent pouvoir aller où on a besoin d'eux. Quand ils y sont, il faut qu'ils soient protégés. Cela reste la principale considération en ce qui concerne les acquisitions — l'équipement doit pouvoir se rendre sur le théâtre des opérations quand on en a besoin de toute urgence, comme c'était le cas en Afghanistan. Je peux dire, sans équivoque, que la capacité d'envoyer sur le théâtre des hélicoptères, des Chinook, des chars Leopard 2 et de l'artillerie lourde M777 a sauvé des vies et a évité la perte d'autres vies. C'est un élément essentiel et urgent de la mise à niveau.

Je dirais d'abord que le budget du ministère de la Défense nationale a augmenté de plus de 1 milliard de dollars au cours des six dernières années et cela régulièrement, chaque année. Le budget a suivi une trajectoire vers le haut, ce qui a entraîné la croissance de tous les piliers — le personnel, l'équipement, l'infrastructure et la disponibilité opérationnelle. Sur le plan de l'infrastructure, il y a eu un investissement important dans les différentes bases du pays et dans les endroits où nos soldats s'entraînent.

En ce qui concerne l'équipement, nous avons 14 grands projets d'acquisition en cours et comme je l'ai déjà mentionné, une bonne partie de la livraison de ces importants contrats a été accélérée en raison de l'Afghanistan. Il y a eu le Globemaster, le Hercules C-130, le Howitzer et les hélicoptères de transport moyen-lourd, des tout nouveaux Chinook qui entreront en service très prochainement. Comme vous l'avez mentionné, il y a eu des acquisitions dans le domaine de la construction navale. Cela se passe sur une longue période. Comme vous le savez, il ne s'agit pas de matériel existant. Ce sont des navires hautement technologiques qui seront construits au Canada, ce qui entraînera d'énormes retombées industrielles dans toutes les régions du pays, pas seulement sur les côtes. Nous avons ensuite le chasseur et l'avion de recherche et de sauvetage à voilure fixe qu'il est nécessaire de remplacer.

Certains des paiements différés résultant de la livraison tardive des hélicoptères maritimes expliquent le report de cette somme. L'entreprise en question, Sikorsky, n'a pas pu livrer ces hélicoptères quand elle était censée le faire. Comme vous le savez la Défense n'a pas non plus la possibilité de reporter le même montant dans son budget, le même pourcentage que les autres ministères en raison de la taille de son budget annuel qui dépasse les 20 milliards de dollars. Le ministère des Finances a dit, à juste titre : « Vous ne pouvez pas reporter 5 p. 100 ou plus comme les autres ministères. Vous devez vous contenter d'un certain budget. » C'est très difficile pour les grands projets d'immobilisations qui s'étendent sur de nombreuses années. Quelqu'un m'a dit que c'était comme essayer de faire atterrir un gros porteur sur un porte-avions. Vous essayez d'établir, chaque année, un énorme budget dans lequel les acquisitions s'étendent parfois sur de nombreuses années.

Pour répondre à votre question, certains des ajustements qui ont été faits dans ce budget nous permettront de reporter et de comptabiliser une partie de ces acquisitions, par exemple dans le cas du programme d'hélicoptères maritimes qui a pris du retard. Pour les autres, pour le F-35, pas un sou n'a été dépensé, aucun contrat n'a été signé, il ne manque pas un centime. Le processus est soumis à un examen considérable, rigoureux et détaillé avant que le budget ne soit débloqué.

Le sénateur Day : Monsieur le ministre, nous avons appris que le processus d'acquisition des véhicules de combat rapproché venait d'avorter le week-end dernier.

M. MacKay : Je suis content que vous souleviez cette question, car le système a fonctionné exactement comme il le devait.

Le sénateur Day : Je me demande s'il a avorté à cause des restrictions budgétaires et si cela veut dire que ce programme n'ira pas de l'avant et que nous l'abandonnerons ou si c'est à cause de certains problèmes d'acquisition?

M. MacKay : Ce programme est suspendu pour le moment. Selon le processus prévu, les entreprises soumissionnent et on doit alors procéder à des tests rigoureux. Pour ce qui est des véhicules de combat, ils doivent répondre à toute une série de critères, notamment en ce qui concerne l'épaisseur de la coque et sa résistance aux explosions, la précision des canons, la présence d'une sortie, c'est-à-dire le véhicule bouge-t-il lorsqu'il est stationné et les occupants peuvent-ils en sortir par des trappes. Tout cela contribue à créer un processus d'évaluation rigoureux. Ce qui est arrivé, c'est qu'aucun des véhicules n'a été jugé satisfaisant.

Cela étant, la dernière chose que nous voudrions faire est de nous ingérer politiquement en disant : « Laissez tomber ces critères et procédez à l'acquisition. » Le processus a fonctionné exactement comme il le devait et il a été supervisé, non pas par la Défense, qu'on aurait pu accuser de manquer d'objectivité ou qui aurait pu essayer de dire : « Acceptez simplement ce véhicule parce que nous en avons besoin », mais par le ministère des Travaux publics, comme cela doit être.

Le sénateur Day : N'est-ce pas ce même véhicule que nos alliés utilisent aux mêmes fins et qui est jugé conforme ou le MND a-t-il des exigences particulières?

M. MacKay : Le MND a établi les normes qu'il juge nécessaires à partir de l'expérience récente en Afghanistan, surtout sur le plan de la protection. Je ne vous apprendrai rien, car vous suivez ces questions de près, mais les IED doivent être une considération primordiale, sinon le principal facteur : la capacité de survie à l'intérieur d'un véhicule de combat rapproché lorsqu'il entre en contact avec des explosifs.

Le sénateur Day : Je voudrais parler de la question financière. J'aimerais poursuivre sur l'autre sujet, mais nous n'en avons pas le temps.

La présidente : Une brève question, s'il vous plaît.

Le sénateur Day : Il y a un report important de plus de 2 milliards de dollars, de 2,9 milliards de dollars, à cause des crédits inutilisés. Pouvons-nous supposer qu'en raison du resserrement des activités, vous avez 3,5 milliards qui sont reportés sur d'autres années pour des achats d'équipement? Une somme de 2,9 milliards de dollars a été inutilisée. Cela représente beaucoup de matériel militaire. Pouvons-nous supposer que la situation s'est suffisamment améliorée et que vous avez tous les outils voulus pour réduire nettement les crédits inutilisés? Est-ce arrivé parce que le processus d'acquisition est beaucoup plus long qu'on ne s'y attendait ou parce qu'il a avorté comme dans le cas du véhicule de combat rapproché et que nous devons lancer un nouvel appel d'offres, si bien que les choses ne se passent pas aussi rapidement que prévu?

M. MacKay : Ou comme je l'ai dit, dans le cas de l'hélicoptère maritime, les entreprises du secteur privé n'ont pas respecté leurs obligations. Cela ne relève pas de la Défense nationale, mais c'est pourquoi un bon nombre de ces contrats prévoient des pénalités parce que cela oblige le ministère de la Défense nationale à assumer le coût des retards, à rendre l'argent, comme vous l'avez dit et à le reporter, à le redonner au ministère ou à l'annuler pour qu'il se retrouve dans le budget de l'année prochaine. Cela pose des difficultés. Notre sous-ministre et nos directeurs financiers font tout en leur pouvoir pour que cela n'arrive plus à l'avenir. Nous avons maintenant un peu plus de marge de manœuvre. Le pourcentage des crédits qui peuvent être reportés est maintenant de 2,5 p. 100.

Gén Natynczyk : C'est passé de 1 p. 100 à 2 p. 100.

Le sénateur Day : Pour les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital ou seulement pour les dépenses de fonctionnement?

M. MacKay : C'est pour le budget total. Au ministère de la Défense nationale, la différence entre 2 p. 100 et 5 p. 100 est énorme étant donné la taille de notre budget.

Le sénateur Day : Si nous pouvons faire des recommandations pour vous aider à éviter la péremption de fonds, si vous pouviez transférer davantage d'argent des dépenses de fonctionnement aux dépenses en capital ou vice versa quand la situation évolue, y a-t-il des recommandations ou des suggestions que vous pourriez nous faire pour éviter ce genre de situation?

M. MacKay : Nous sommes toujours prêts à recevoir des suggestions. Je sais que vous avez, par le passé, fait d'importantes études sur la transformation, par exemple, en adressant des recommandations au ministère de la Défense et nous serions donc prêts à recevoir vos suggestions concernant les acquisitions et la possibilité d'un rajustement des crédits. Nous sommes certainement prêts à recevoir les recommandations de votre comité.

La présidente : Nous allons nous en souvenir. Merci beaucoup.

Le sénateur Day : C'est un dur coup pour le système d'approvisionnement et je pense que l'idée de créer une entité distincte pour les acquisitions de façon à alléger le fardeau de l'un ou l'autre ministère est peut-être la solution que vous envisagez lorsqu'on voit le groupe spécial mixte que vous constituez pour l'avion.

M. MacKay : La dépolitisation a été l'un des principaux sous-produits de ce processus, mais je conclurai en disant que les acquisitions sont de nature très complexe. Ce n'est pas simple compte tenu de tous les calculs, de l'inclusion, d'abord et avant tout, de ce dont les militaires ont besoin et de la composante canadienne, ce que nous allons inévitablement essayer de faire par l'entremise d'Industrie Canada. Tous les gouvernements sont conscients du fait qu'il doit y avoir des retombées industrielles dans l'ensemble du pays. Par-dessus le marché, il y a des spécifications techniques à respecter pour ce qui est des aéronefs.

Nous n'avons pas parlé des sous-marins. Les sous-marins sont aussi complexes que la navette spatiale si l'on tient compte de toutes les pièces mobiles et de la complexité des composantes qui entrent dans la fabrication d'un sous- marin moderne.

L'approvisionnement a posé des difficultés à de nombreux gouvernements, quelle que soit leur couleur politique. En fin de compte, en tant que ministre de la Défense, je considère comme une obligation, et je pense que tout le monde au gouvernement en ferait autant, de fournir le meilleur équipement pour assurer le succès de la mission, pour protéger nos hommes et nos femmes qui ont le courage, le patriotisme et le désir de servir et de les envoyer là où ils peuvent réussir et rentrer de mission pour retrouver leur famille et leur pays.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous apprécions que vous nous ayez donné de votre temps et que vous ayez accepté de rester avec nous quelques minutes de plus. Le chef d'état-major de la Défense, le général Natynczyk, va rester avec nous, de même que le vice-amiral Bruce Donaldson et la sous-ministre adjointe Sinclair.

Nous allons poursuivre notre discussion sur la Stratégie de défense Le Canada d'abord, les relations Canada—États- Unis, la transformation et de nombreux sujets connexes.

Nous recevons aujourd'hui tout un groupe d'invités. Je vais les présenter le plus rapidement possible, car la plupart de ces visages nous sont familiers. Bien entendu, le général Walter Natynczyk, le chef d'état-major de la Défense, est avec nous et nous nous réjouissons que vous restiez. Le vice-amiral Bruce Donaldson, vice-chef d'état-major de la Défense et Jill Sinclair, sous-ministre adjointe aux politiques, sont également présents. Merci de rester avec nous. Il y a aussi le major-général Jonathan Vance, directeur d'état-major, État-major interarmées stratégique. Bienvenue. Vous êtes également un visage familier.

Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue au contre-amiral Ron Lloyd, chef de développement des Forces et au premier maître de 1re classe Robert Cléroux, adjudant—chef des Forces canadiennes.

Merci et c'est un plaisir de vous compter parmi nous.

Gén Natynczyk : Je suis heureux d'avoir la possibilité de vous donner plus d'information à l'appui de la présentation du ministre. Les personnes qui sont ici sont celles qui me fournissent d'excellents conseils et je tiens à mentionner de nouveau Jill Sinclair qui m'apporte un excellent soutien sur le plan de la politique et le premier maître de 1re classe des Forces canadiennes, Robert Cléroux, qui m'accompagne partout où je vais et qui sonde les opinions des soldats, des marins et des aviateurs.

Dans ses observations, le ministre a fait le point sur la Stratégie de défense Le Canada d'abord.

[Français]

Depuis le mois de juillet de cette année, les Forces canadiennes ont connu une période très exigeante. À l'appui de nos opérations permanentes et de nos instructions, nous nous sommes concentrés aux fins de la Stratégie de défense Le Canada d'abord sur la sauvegarde de nos forces d'aujourd'hui dans le but de soutenir les efforts de nos hommes et de nos femmes qui mettent leur vie en danger.

Nous avons également fait des progrès en leur fournissant l'équipement dont ils ont besoin pour réussir leurs prochaines missions à l'étranger et au pays.

En dernier lieu, nous avons accordé une priorité aux soins donnés à nos malades et blessés, ainsi qu'au soutien de leur famille.

[Traduction]

Nous nous reportons toujours à la Stratégie de défense Le Canada d'abord lorsque nous élaborons nos projets en vue d'atteindre ces objectifs fondamentaux. Mais le processus a été soumis à d'autres influences dont j'aimerais vous parler aujourd'hui. Plus particulièrement, j'aimerais décrire la situation opérationnelle et le portrait financier, selon mon point de vue, et expliquer brièvement notre réaction à ces éléments. Au cours des dernières années, les hommes et les femmes des FC ont mené avec succès de nombreuses opérations au pays et à l'étranger. En effet : nous avons contribué à assurer la sécurité aux Jeux olympiques de Vancouver; nous avons fourni de l'aide humanitaire après le séisme en Haïti; nous avons aidé à protéger les civils en Libye et nous participons aux opérations de Enduring Freedom en Afghanistan.

Sur une base permanente, nous continuons de répondre aux besoins de la population canadienne lorsqu'une catastrophe survient au pays, qu'il s'agisse d'inondations, d'incendies de forêt et même d'ouragans. Jour après jour, les hommes et les femmes des Forces canadiennes sont prêts à répondre aux appels d'opérations de recherche et sauvetage. Nous venons de mener avec succès une opération de recherche et de sauvetage à 80 milles à l'est de St. Anthony. Pour assurer notre souveraineté territoriale, notre personnel patrouille le ciel canadien jour après jour et prête main-forte aux gouvernements provinciaux et aux municipalités.

À l'échelle internationale, le Canada a de quoi être fier, car ses hommes et ses femmes ont combattu courageusement à Kandahar. L'an dernier, notre mission de combat là-bas a pris fin, et nous nous consacrons maintenant à une mission de formation sous l'égide de l'OTAN qui se déroule essentiellement à Kaboul.

De plus, certains de nos contingents, à l'appui de l'ONU, se trouvent en Afrique, au Moyen-Orient et en Haïti, et notre navire, le Charlottetown, participe à un effort de coalition afin de lutter contre le terrorisme.

Toutefois, par suite du retrait de notre force opérationnelle de Kandahar, le Canada compte, pour le moment, très peu d'engagements internationaux. En fait, c'est le plus faible niveau jamais atteint depuis de nombreuses années.

Notre priorité demeure inchangée : remplir nos missions opérationnelles permanentes, tant au pays qu'à l'étranger. Puisque nous ne pouvons pas prédire le prochain défi opérationnel qui sera lancé aux Forces canadiennes, nous devons tirer parti des leçons que nous avons retenues lors des dernières opérations et accroître notre efficacité en tant que force militaire, tout en rehaussant notre agilité dans le but de nous préparer à un avenir incertain.

Entre-temps, nous nous efforçons d'assurer la disponibilité opérationnelle, la viabilité et la capacité d'intervention des Forces canadiennes. Dans certains cas, cela veut dire remplacer ou moderniser des capacités qui nous ont rendu de fiers services lors des dernières opérations. En d'autres temps, le défi consiste en la nécessité de concevoir, d'acquérir et d'intégrer de nouvelles pièces d'équipement et technologies afin de contrer les menaces à la sécurité en constante évolution. À tous égards, nous aurions pris ces mesures même si la situation économique du Canada était demeurée inchangée depuis 2008.

Le climat financier changeant — plus particulièrement les compressions budgétaires annoncées récemment et qui toucheront notre ministère — a considérablement compliqué notre tâche, et a rendu notre situation actuelle encore plus difficile à gérer. Pour nous attaquer à cette question, nous travaillons à équilibrer les changements nécessaires de manière à rendre les Forces canadiennes encore plus efficaces, à procéder aux investissements dont nous avons besoin pour continuer de fournir une force de combat efficace, moderne, agile et prête à mener des opérations. Par exemple, nous réorganisons les structures de commandement et de contrôle, et nous adoptons de meilleures pratiques quant à notre administration et notre gestion des Forces canadiennes; nous regroupons nos centres de recrutement du pays et tirons plus avantage du recrutement en ligne, lequel a d'ailleurs été très fructueux; nous transférons les fonctions de plusieurs de nos Unités de soutien du secteur à des bases à proximité dans le but de réduire les coûts d'infrastructure; et nous restreignons certains de nos programmes d'instruction individuelle. Parallèlement, nous rééquilibrons les coûts relatifs au personnel, en partie en réduisant le nombre de fonctionnaires, d'entrepreneurs et de réservistes à temps plein. Nous cédons du vieil équipement, tel que le système ADATS et les chars d'assaut Leopard I. Tout au long de ces changements, nous privilégions les unités tactiques et opérationnelles tout en réduisant d'environ 25 p. 100 le nombre de militaires affectés au quartier général national.

Le but général de ces économies est de permettre aux Forces canadiennes de poursuivre leurs activités dans le respect du financement qui leur est accordé, tout en minimisant l'impact d'une situation budgétaire difficile sur les quatre piliers de la Stratégie de défense Le Canada d'abord, à savoir le personnel, l'infrastructure, l'équipement et la disponibilité opérationnelle.

Les dirigeants des Forces canadiennes reconnaissent les impératifs financiers d'aujourd'hui. Nous sommes déterminés à exercer nos activités selon nos moyens. Notre devoir consiste à optimiser le financement accordé à la défense. Ce faisant, nous assurerons la sécurité du Canada et de sa population, et nous continuerons de contribuer à la paix et à la sécurité mondiales.

Madame la présidente, pendant les dernières années, les Forces canadiennes ont, certes, connu une faste période.

[Français]

Nous formons une force hautement motivée, de classe mondiale, professionnelle et disciplinée. Notre équipement est en majeure partie moderne et a fait ses preuves dans les opérations. Nos hommes et nos femmes militaires travaillent sans relâche ici au pays et à l'étranger au nom de l'ensemble de la population canadienne. Ce dévouement est reconnu grâce au lien qui unit la population canadienne à ses militaires et à la confiance que l'on témoigne aux membres des Forces canadiennes.

[Traduction]

En ma qualité de chef d'état-major de la Défense, mes priorités demeurent inchangées. La première est de soutenir les forces d'aujourd'hui, des forces qui possèdent une grande expérience du combat. La deuxième est de bâtir les forces de demain. La troisième est de prendre soin de nos effectifs. Quand je dis cela, je parle aussi des blessés, des malades, des familles de nos soldats tombés au combat et de toutes nos familles. Nous prenons des décisions difficiles pour nous assurer que les Forces canadiennes de demain disposent des capacités et des structures dont nos hommes et nos femmes ont besoin pour réussir et nous assurer que le gouvernement du Canada possède les options appropriées à l'environnement de la sécurité future. Il n'est jamais facile de procéder à des transformations, et nous devons être conscients que l'avenir est imprévisible. Cela dit, j'ai pleinement confiance dans le dévouement et le professionnalisme de nos effectifs, avec l'appui de leur famille. Leur moral est bon et, bien que l'incertitude récemment causée par les compressions liées à l'examen stratégique et au plan d'action de réduction du déficit ait été difficile à surmonter, les effectifs s'adaptent bien aux changements annoncés. Les hommes et les femmes membres de vos Forces canadiennes comprennent que la transition que je viens de décrire est essentielle si nous voulons que notre armée demeure capable de répondre aux besoins de la population canadienne en matière de défense et de sécurité.

Madame la présidente, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Merci. Pourriez-vous nous dire brièvement si l'examen stratégique ou l'examen budgétaire, le plan d'action de réduction du déficit a changé l'orientation de la transition ou l'a peut-être accélérée?

Gén Natynczyk : Je pense que cela a simplement renouvelé nos efforts en vue d'une transition et d'une transformation. Selon mon expérience, dans les années 1990, je tenais à m'assurer que, dans le cadre de cet effort, nous allions préserver notre capacité opérationnelle et tactique, nos navires, escadrons et bataillons et que le reste d'entre nous réaliseraient des gains d'efficience pour assurer le fonctionnement de nos forces régulières et de réserve ainsi que nos cadets et rangers.

La présidente : Cela n'a pas incité les gens à dire : « Nous devons revoir ce que nous pouvons attendre de la transformation? »

Gén Natynczyk : Cela fait deux ans, ce mois-ci, que j'ai commencé la transformation en faisant venir le général Leslie dans mon bureau pour lui dire : « Je vois des nuages se profiler à l'horizon. Je vous demande de travailler sur certains de ces projets afin que nous soyons prêts. » Nous avons prévu ce qui pourrait arriver et nous sauvegardons notre capacité opérationnelle.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Dallaire : Si vous le permettez, je voudrais poser rapidement mes questions parce qu'elles sont reliées les unes aux autres et vous pourrez ensuite décider comment y répondre.

Premièrement, pourquoi a-t-on cessé de transférer au crédit 1 l'argent du crédit 5? Quelles sont les répercussions de la perte d'environ 500 millions de dollars par année qui résulte de l'inutilisation de cet argent?

Quelles conséquences le budget a-t-il sur votre programme d'immobilisations, autrement dit, combien de projets ont-ils été mis de côté, réduits ou annulés. Quelles répercussions cela a-t-il sur la poursuite de votre amélioration des forces, sans parler de l'équipement qui doit être remis à neuf dans le cadre du budget E et E?

Dans le contexte qui semble être actuellement celui de l'OTAN, il y a des scénarios beaucoup plus complexes joués par les Nations Unies que nous avons littéralement abandonnés. J'ai rencontré les officiers au Congo, au Soudan, en Ouganda ainsi que des Américains. Il y a 45 ou 50 officiers engagés aux Nations Unies alors qu'il y en a 100 000 dans ces missions. J'ai l'impression que nous pourrions réunir une capacité considérable en renforçant la capacité dans ces pays, dans ces missions, en aidant à réformer les Nations Unies, mais surtout, en suivant la voie que suit AFRICOM et en y affectant plus qu'un colonel.

Gén Natynczyk : Merci pour ces questions. Je vais parler de la mission des Nations Unies et je demanderai ensuite au vice-amiral Donaldson de poursuivre sur le sujet de la programmatique, qui est son domaine.

Au cours des années, nous avons posté des officiers de premier plan, des leaders de premier plan dans des missions des Nations Unies où ils peuvent jouer un rôle vraiment utile. Nous avons commencé au Congo, en 1960; nous avons commencé certaines opérations au Moyen-Orient dans les années 1950. Avec le temps, nous avons constaté que si l'on plaçait les bonnes personnes au bon endroit, cela avait un effet exponentiel sur les opérations, que ce soit l'équipe de cinq en Haïti, de 11 au Congo, les gens envoyés en Sierra Leone ou les observateurs militaires des Nations Unies au Soudan. Nous avons encore des gens au BNUS, d'autres à la FINUL depuis 1953 et des officiers clés qui travaillent là avec la communauté internationale.

En même temps, je tiens à féliciter la sous-ministre adjointe aux politiques, madame Sinclair, pour le programme d'aide à l'instruction militaire. Nous faisons venir des officiers étrangers au Canada pour recevoir une instruction militaire et ce programme se poursuit. Nous n'en parlons pas suffisamment. Nous envoyons également des officiers à l'étranger. Nous renforçons les capacités, notamment en Sierra Leone. La question est de savoir à quel niveau.

Au cours des derniers 18 à 24 mois d'opérations, surtout au cours de l'hiver et du printemps 2010 pour nos engagements opérationnels et l'entraînement aux opérations — nous avons engagé 12 000 soldats. L'intensité de nos opérations était assez forte. Je me souviens quand nous avons cherché à réduire notre présence sur le plateau du Golan où nous avions le camp Maple Leaf. Vous vous souvenez du bataillon logistique que nous avions là-bas. Comme une taxe invisible pesait sur les forces, nous n'avions pas d'unités cohérentes à envoyer à l'étranger. La question est de savoir où les Canadiens peuvent contribuer le plus efficacement à ces missions pour créer une capacité à long terme. Maintenant que notre rythme opérationnel a changé, le gouvernement du Canada a certainement des options différentes de ce qu'elles étaient en 2010. Ce n'est pas à moi d'en dire plus à ce sujet.

Vice-amiral Bruce Donaldson, vice-chef d'état-major de la Défense, Défense nationale : Notre priorité est de réussir la mise à niveau des Forces canadiennes.

Pour ce qui est des effets du changement de politique à l'égard du transfert du crédit 5 au crédit 1, cela n'a pas eu des conséquences très importantes sur la mise à niveau. Pour ce qui est de gérer notre argent, cela nous a laissé moins de souplesse.

En même temps, comme la comptabilité d'exercice est en place et que nous nous habituons à gérer nos finances dans ce contexte, nous cherchons davantage à appliquer la comptabilité d'exercice à nos dépenses du crédit 5, car cela permet de les transférer plus facilement qu'avec un compte en banque qui disparaît au bout de 365 jours. Nous apprenons à mieux gérer les choses.

Comme le directeur financier vous l'a dit la dernière fois que je suis venu devant le comité, il faut surtout retenir que nous devons continuer de travailler sur deux choses. L'une d'elles est le processus d'approvisionnement. Il est lourd et ne nous sert pas aussi bien qu'il le pourrait. De nombreuses initiatives de réforme sont en cours pour essayer d'accélérer l'approbation du programme par les divers ministères, le contrat et la livraison de l'équipement.

Nous devrons examiner la série de règles qui régissent la façon dont nous gérons l'argent pour effectuer la mise à niveau. Comme je l'ai dit, nous voulons essayer d'appliquer la comptabilité d'exercice à une plus grande partie de notre crédit 5. Nous envisageons également des reports et un certain nombre de mécanismes différents.

Le report de crédits qui a été mentionné dans les questions, tout à l'heure, est un exemple d'une meilleure utilisation des règles pour permettre l'utilisation de l'argent du crédit 5 quand nous en avons besoin en fonction de notre capacité à réaliser nos programmes.

L'examen stratégique et le plan d'action pour la réduction du déficit n'ont pratiquement pas touché le programme de mise à niveau. L'examen stratégique portait sur 5 p. 100 de nos programmes existants les moins efficients et les moins prioritaires. Il y eu une réduction de 1 milliard de dollars dans les programmes actuels. Cela n'a pas touché la mise à niveau.

Le Plan d'action pour la réduction du déficit proposait des réductions de 5 et 10 p. 100 du budget de fonctionnement grâce à une augmentation de l'efficience. Encore une fois, le programme d'immobilisations n'a pas été touché. En aval, compte tenu des effets cumulatifs, nous allons devoir faire preuve de plus d'imagination pour gérer le coût d'utilisation de l'équipement. Cela comprend le carburant, les salaires, ce genre de choses. Comme l'enveloppe financière est réduite, nous allons devoir chercher à tirer le maximum de l'argent que nous avons pour gérer des Forces canadiennes remises à niveau. En ce qui concerne les effets des restrictions budgétaires, le programme de mise à niveau a été plus ou moins épargné. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Dallaire : Je ne vois pas comment vous pouvez dire que vous pouvez absorber raisonnablement bien la perte de 500 millions de dollars par année pour le crédit 1.

Cependant, cela veut-il dire que votre budget E et E a été durement touché, ce qui se répercute sur l'instruction, les exercices, les munitions et la possibilité, pour les vétérans professionnels, de garder le rythme et de continuer à servir et à se sentir utiles, ou ce budget n'a-t-il pas été touché? Dans ce cas, il doit y avoir des conséquences sur le personnel et je ne pense pas que ce soit le cas.

Gén Natynczyk : Nous veillons à rechercher des gains d'efficience un peu partout afin que les unités tactiques et opérationnelles puissent aller sur le terrain, en mer, dans les airs et maintenir leur capacité opérationnelle. Nous examinons la façon dont nous faisons l'instruction afin de la diriger vers les activités opérationnelles plutôt que toutes sortes de mouvements logistiques et ce genre de choses.

Le sénateur Lang : Je voudrais revenir à votre déclaration préliminaire. Vous avez donné quatre exemples de la réorganisation en cours. Vous avez parlé d'une réorganisation du commandement et du contrôle, d'une consolidation des centres de recrutement — on peut laisser cela de côté, je pense — et vous avez parlé de transférer les fonctions de plusieurs de nos unités de soutien du secteur dans des bases situées à proximité.

Vous pourriez peut-être nous décrire de façon plus précise ce que vous faites dans ce domaine et ce que vous envisagez pour l'avenir.

Pourriez-vous nous dire où vous en êtes sur le plan des réserves? Comme vous le savez, nous avons produit un rapport approfondi sur les réserves que nous avons présenté l'automne dernier. Comment les réserves s'inscrivent-elles dans la réorganisation?

Gén Natynczyk : Nous avons des petits groupes de gens qui resteront en place dans des endroits comme Chilliwack, Calgary, North Bay et Moncton où ils ont surtout soutenu les réserves de la région. Nous transférons ces fonctions à la base la plus proche pour réduire les frais généraux et les frais de personnel à chacun de ces emplacements en continuant d'assurer le même soutien dans la mesure du possible — par exemple, les fonctions de Chilliwack sont transférées à Esquimalt ou à Edmonton, selon ce qui convient le mieux. C'est ce que nous faisons un peu partout pour devenir plus efficients. Je pense donc que nous suivons la bonne voie.

En ce qui concerne les réserves, nous essayons de revenir au niveau de 2006 en ce qui concerne à la fois les réservistes à temps plein et les réservistes à temps partiel. En 2006, avant que les opérations ne démarrent vraiment à Kandahar, nous avions environ 4 500 réservistes à temps plein. En raison de l'intensité opérationnelle et surtout des Jeux olympiques qui se sont ajoutés à l'Afghanistan, puis nos opérations en Haïti, nous avons eu environ 11 000 réservistes à temps plein. Je dirais que les opérations militaires étaient à leur niveau le plus élevé depuis la guerre de Corée. Pour le moment, nous n'avons plus qu'environ 1 300 personnes qui participent à des opérations à l'étranger. Nous nous mettons au régime.

Quel doit être le nombre de réservistes à temps plein par rapport au nombre de réservistes à temps partiel pour que la priorité soit donnée à l'entraînement des réservistes à temps partiel? Le vice-chef d'état-major de la Défense a dirigé une équipe qui a étudié la question et nous sommes maintenant d'accord sur un chiffre d'environ 4 500. Nous avons amorcé la trajectoire de descente afin que l'argent aille non seulement à l'instruction des réservistes à temps partiel, mais que nous ayons aussi des réservistes à temps plein qui pourront contribuer à leur instruction.

Le sénateur Lang : Pour passer à un autre sujet, étant donné la transformation en cours, quelles en seront les conséquences sur vos exercices annuels dans l'Arctique?

Gén Natynczyk : Les exercices de l'Opération NUNALIVUT et de l'Opération NANOOK?

Le sénateur Lang : Oui.

Gén Natynczyk : À mon avis, cela ne devrait pas du tout se répercuter sur nos opérations dans le Nord et nos patrouilles dans le Nord, non seulement en ce qui concerne les trois principales opérations, mais aussi les patrouilles de souveraineté normales, les patrouilles de rangers et les programmes de rangers juniors. Pour le moment, je ne vois rien qui pourrait toucher le rythme de nos opérations dans le Nord.

La présidente : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'une réduction d'environ 25 p. 100 au quartier général. Pourriez-vous nous en dire plus?

Gén Natynczyk : Nous examinons la structure des Forces canadiennes, l'armée, la marine, l'aviation, le directeur du Personnel de même que le quartier général opérationnel. Nous faisons des coupes au niveau stratégique de façon à investir au niveau opérationnel et tactique. Nous réduisons le nombre de réservistes à temps plein, mais nous voulons réduire également la force régulière au niveau national, qui fait un excellent travail en raison du rythme opérationnel ces dernières années, en l'utilisant pour combler les vides créés par la réduction du nombre de réservistes à temps plein comme l'exige le nouveau rythme opérationnel, tout en faisant les gains d'efficience nécessaires pour assurer la disponibilité opérationnelle.

La présidente : Merci pour cet éclaircissement.

Le sénateur Plett : Général, j'apprécie, moi aussi, tout ce que les Forces canadiennes font à l'étranger et au Canada. Je viens du Manitoba et nous sommes très contents de ne pas avoir besoin de vous ce printemps.

Vam Donaldson : Le printemps n'est pas encore terminé, sénateur.

Le sénateur Plett : Il faudrait qu'il pleuve beaucoup. Bien entendu, les incendies de prairie commencent et nous devrons donc peut-être demander votre aide sur ce plan-là. Merci beaucoup pour ce que vous avez fait.

Je voudrais revenir sur certaines de vos déclarations et vous poser deux questions. Vous avez dit que les engagements internationaux du Canada sont au niveau le plus faible jamais atteint depuis de nombreuses années, mais vous ajoutez que nous ne pouvons pas prédire le prochain défi opérationnel qui sera lancé aux Forces canadiennes. Vous essayez de devenir plus efficient sur le plan militaire malgré les restrictions budgétaires et tous ces éléments posent des difficultés. Ma question concerne l'équipement. Vous dites que notre équipement est en grande partie moderne et qu'il a fait ses preuves sur le terrain. Je suppose qu'une partie de cet équipement montre également des signes d'usure. Vous vous débarrassez des chars Leopard I, et cetera.

Compte tenu du Budget 2012, comme le ministre de la Défense et le sénateur Lang l'ont fort bien dit tous les deux, nous devons mettre notre équipement à niveau, comme nous le faisons avec le F-35. D'autres essaient de politiser la question et de se lancer dans des débats à ce sujet. Dans ces conditions, comment pouvez-vous nous assurer que les Forces canadiennes continueront d'acquérir l'équipement et le matériel dont nous avons su si bien nous doter ces dernières années et, compte tenu des restrictions budgétaires, comment allons-nous pouvoir continuer?

Gén Natynczyk : Merci pour cette question. Les Forces canadiennes participent au processus d'acquisition en donnant des avis militaires. Nous ne faisons pas l'acquisition de l'équipement. Nous faisons seulement part de notre expérience, de ce que nous savons des besoins de nos soldats pour les 40 à 50 prochaines années. Comme le vice-chef d'état-major de la Défense l'a mentionné et comme on l'a dit quand le ministre était là, le processus d'acquisition dépasse largement le cadre des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale. C'est une responsabilité pangouvernementale. Nous pouvons seulement jouer notre rôle le mieux possible en fournissant des renseignements à l'ensemble du gouvernement pour les prises de décisions concernant l'équipement.

Le gouvernement nous a très bien soutenus. J'ai été le vice-chef d'état-major à la Défense de 2006 à 2008, j'occupe mon poste depuis 2008 et je peux voir à quel point nous avons progressé pour améliorer nos véhicules blindés légers, les VBL et pas seulement au combat. Je viens de visiter la chaîne de montage d'Edmonton, en Alberta où tous les VBL qui ont été utilisés au combat font l'objet d'un programme de modernisation absolument extraordinaire, tout comme les chars ou les pièces d'artillerie que nous avions déployés à l'étranger. Nous sommes en train de rénover ce matériel afin que nos troupes puissent s'en servir pour la prochaine opération.

Les avions Hercules nous ont rendu des services inestimables en Afghanistan. Ils ont été rapatriés et mis hors service. Ils ont été remplacés par un tout nouvel avion, le C130J. Ils avaient été achetés dans les années 1960 et on les remplace par des appareils flambant neufs et vraiment extraordinaires, comme le C17 Globemaster. Je suis allé sur la côte est et sur la côte ouest pour assister à la modernisation du NCFM Calgary, sur la côte ouest et du NCFM Halifax, sur la côte est. D'énormes efforts sont déployés pour moderniser la force. Malheureusement, nous entendons dire que ces programmes sont en difficulté, pour une raison quelconque, soit parce que les entreprises ne peuvent pas fournir des produits répondant à tous les critères, soit pour une question de processus. Les hommes et les femmes qui travaillent dans ces unités voient arriver une bonne quantité de bon matériel.

Le sénateur Plett : Ma question suivante est plus générale et concerne l'Afghanistan. Nous avons constaté, sans aucun doute, le niveau d'engagement et le professionnalisme de nos hommes et femmes, du niveau du simple soldat jusqu'au vôtre. Nous pouvons être très fiers de nos hommes et nos femmes en uniforme.

Pourriez-vous me dire quelle est la situation actuelle? Où en sommes-nous actuellement en Afghanistan? Quels sont nos résultats? Nos efforts aboutissent-ils sur le plan de l'instruction? Pourriez-vous nous en donner un aperçu général?

Gén Natynczyk : Je vous dirais que nos hommes et nos femmes font un travail extraordinaire. Comme vous m'avez peut-être déjà entendu le dire, je dirais que tous nos soldats sont d'une compétence inégalable.

Le niveau de professionnalisme, de formation et de discipline de nos hommes et de nos femmes, où qu'ils aillent, est de calibre mondial. Nous servons de modèle, partout où nous allons. C'est pourquoi nos alliés veulent une plus grande participation du Canada, une plus grande participation de nos hommes et de nos femmes. Comme nous l'avons vu à Kandahar et maintenant à Kaboul, les Afghans ont beaucoup de respect pour nos soldats parce que nous les respectons. Je ne sais pas vraiment pour quelle raison, si c'est à cause de l'éducation dispensée ici ou parce que nous représentons une mosaïque culturelle, mais notre arme secrète ce sont les Canadiens qui arrivent avec un sourire et une poignée de main amicale. Nous gagnons la confiance des gens partout où nous allons. Cela a énormément d'effets en Afghanistan pour la formation des hommes et des femmes des forces de sécurité afghanes, tant de la police que de l'armée.

À l'heure actuelle, le contingent canadien fait là-bas un travail extraordinaire sous le commandement du major-général Mike Day. Les forces de sécurité afghanes de la police et de l'armée ont maintenant dépassé le seuil des 300 000 et se dirigent vers l'objectif de 320 000. Nous avons non seulement les chiffres, mais la qualité.

Je ne saurais trop souligner la qualité de l'éducation. Des dizaines de milliers de policiers, soldats et aviateurs afghans suivent un programme pour apprendre à lire et à écrire. C'est un outil extraordinaire pour pouvoir demander quelque chose ou de l'aide ou savoir combien ils sont payés. Nous assistons à une amélioration de la professionnalisation de la force afghane.

Ce dont elle ne manque pas, c'est de courage. Elle a énormément de courage. Si vous pouvez adjoindre à ce courage des connaissances, de l'expérience et de l'éducation, elle pourra défendre son pays.

La force de sécurité afghane mène maintenant à elle seule 40 p. 100 de toutes les opérations. Nous nous attendons à ce que cela augmente rapidement. En fait, je vais demander au général Vance de compléter ma réponse.

Major-général Jonathan Vance, directeur d'état-major, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : Comme l'a dit le chef, notre mission d'instruction a énormément de succès. Les forces afghanes ont doublé leur effectif depuis que nous sommes en Afghanistan.

L'objectif visé est d'achever la transition d'ici 2014, date à partir de laquelle les forces afghanes dirigeront elles- mêmes toutes les missions avec un modeste programme d'assistance à la force de sécurité assuré par l'OTAN, y compris les forces américaines qui resteront après 2014. Nous n'aurons plus à planifier et gérer des opérations de contre-insurrection avec leur aide, car elles mèneront elles-mêmes l'effort de contre-insurrection jusqu'au bout avec le soutien de l'aide en place.

Pour conclure, je dirais que la presse parle beaucoup du retrait des troupes. Cela peut être utilisé comme arme politique. En réalité, le retrait progressif des renforts a été prévu quand le président a décidé d'envoyer des renforts. Il a dit : « Je vais envoyer des troupes supplémentaires, mais je les retirerai ensuite alors faites-en le meilleur usage possible. » C'est ce qu'ont fait le général McChrystal et le général Petraeus et ensuite le général Allen. Les renforts rentreront au pays et, en toute logique, ils cèdent le contrôle sur la moitié du pays.

Le commandement régional de Kaboul et le commandement régional de l'ouest sont aux mains des Afghans. Le commandement régional sud et le commandement régional est suivront. C'est un grand défi. Cela ne veut pas dire que le conflit sera terminé, mais les forces afghanes vont-elles pouvoir y faire face seules? La réponse est oui. Tel est l'objectif.

Gén Natynczyk : Permettez-moi d'ajouter que lors de la dernière attaque spectaculaire qui a eu lieu à Kaboul, ce sont les forces de sécurité afghanes qui ont réglé la situation avec rapidité et professionnalisme, ce qui atteste également de leur professionnalisation.

Le sénateur Manning : Je suis certainement d'accord avec mes collègues pour dire que nous sommes fiers du travail que nos hommes et nos femmes en uniforme accomplissent quotidiennement. Depuis deux ans, nous nous sommes beaucoup rapprochés des Forces canadiennes.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'une question très importante à mes yeux, comme je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, concernant la recherche et le sauvetage. Il y a eu de très belles opérations de sauvetage, mais malheureusement elles ne font pas la une des journaux. C'est ce que nous reprochons aux manchettes de nos journaux.

Nous en avons vu des exemples il n'y a pas si longtemps, au sujet de la mort d'un garçon de 14 ans, au Labrador, par exemple. La confiance dans la capacité de recherche et de sauvetage — et je sais qu'il y a la question de la compétence des provinces par opposition à la compétence fédérale, et cetera — pose un problème. Le ministre en a parlé à de nombreuses reprises et s'est engagé à ce que chaque mission de recherche et de sauvetage fasse, après coup, l'objet d'un examen, d'une enquête afin que nous en tirions la leçon.

Aujourd'hui, je voudrais vous donner l'occasion de prendre un instant pour vous adresser aux Canadiens en ce qui concerne le niveau de confiance dans cette branche du ministère. Je sais aussi, mais certains l'ignorent peut-être, que la Garde côtière, qui relève du ministère des Pêches et des Océans, joue également un rôle. Pour ce qui est de la recherche et du sauvetage comme tels, comment allons-nous regagner la confiance qui a peut-être été perdue, dans certains cas, compte tenu du bon travail qui est fait sur ce plan-là?

Comme je l'ai déjà dit, je ne cherche pas aujourd'hui à exploiter cela à des fins politiques, comme bien d'autres. Je désire montrer que nous cherchons les aspects positifs et à en tirer la leçon. J'aimerais vous donner la possibilité d'en parler.

Gén Natynczyk : Votre question me touche. Lorsque vous évoquez l'exemple du Labrador, vous comprendrez que toutes mes pensées aillent à la famille de Burton Winters.

La partie que nous jouons n'est pas facile. Le pays est immense et nous avons l'un des climats et l'un des environnements les plus durs au monde.

Les hommes et les femmes des Forces canadiennes font montre d'un courage irréprochable. Si nous apprenons qu'il y a un Canadien ou une Canadienne en difficulté et qu'il est de notre responsabilité d'aller aider et récupérer cette personne, comme pour cet homme de 64 ans que nous sommes allés chercher sur un bateau de pêche et qui est en train d'être acheminé vers un hôpital de St. John's, nous n'hésitons pas à remuer ciel et terre pour y parvenir.

J'ai aussi une pensée émue pour la famille du sergent Janick Gilbert, décédé le 27 octobre de l'année dernière en essayant de sauver deux chasseurs dans la région de Hall Beach au Nunavut. Là encore, les gens du SAR se sont dévoués corps et âme pour arriver là-bas et ils ont affronté des conditions indescriptibles pour les sauver. Le sergent Gilbert faisait partie des trois voltigeurs qui sont sortis de l'avion Hercules pour accomplir leur mission de recherche et de sauvetage, et il a sacrifié sa vie pour sauver celle des autres.

Les Forces canadiennes jouent un rôle dans le système de recherche et sauvetage de notre pays. Le ministre en a la responsabilité d'ensemble, qui consiste à coordonner tous les ministères et services, mais lorsqu'il s'agit de recherche et sauvetage en milieu terrestre, cela devient du ressort des municipalités et des provinces. En ce qui a trait à la recherche et sauvetage en milieu maritime, c'est la Garde côtière qui s'en occupe, et les Forces canadiennes sont chargées des opérations avec les moyens aériens.

Pendant toutes les années où j'ai été vice-responsable puis responsable en chef, j'ai pu observer les facteurs qui font le succès de la R et S, comme ceux dont nous parlons aujourd'hui. Le premier facteur commun, c'est la prévention. Que ce soit en mer ou sur terre, nos personnels sont parés, avec l'équipement adéquat de communications ou autre, et ils gardent le contact opérationnel avec les autres intervenants. Le deuxième facteur, non moins important, c'est l'échange en temps opportun d'informations précises. Ces informations, nous en sommes tributaires pour pouvoir lancer notre opération.

Le troisième facteur, ce sont les informations météorologiques, non seulement sur la zone d'intervention, mais également sur tout le parcours que nous allons devoir accomplir depuis la base de lancement des opérations. Il y a quelques semaines, nos équipes sont parties de Greenwood et elles ont sauvé un voilier en péril au large de l'île de Sable, en plein milieu d'une tempête de neige; ils ont trouvé à bord des gens pour le moins intéressants, toujours est-il que nos gardes se sont lancés au milieu d'une tempête de neige pour les ramener.

Le dernier facteur est un facteur intangible, et c'est la chance : c'est lorsque vous avez une trouée dans les nuages ou que vous réussissez, à travers une tempête, à apercevoir les gens à sauver. Mais il y a une chose sur laquelle on peut compter, une fois que ces facteurs sont réunis, et c'est le courage de nos équipes.

Vous pouvez me croire, depuis le sommet de la pyramide, c'est-à-dire moi, jusqu'au plus récemment engagé des techniciens R et S assis au fond d'un avion, rien n'est plus important pour nous tous que de sauver la vie des Canadiens ou des personnes qui viennent visiter notre pays, où qu'elles se trouvent. Et nous en sauvons beaucoup, des visiteurs du Canada lorsque, malheureusement, ils se trouvent en difficulté.

Je vous remercie d'avoir posé cette question.

Le sénateur Mitchell : Général, pour revenir à une question concernant le Nord qui a déjà été abordée, avez-vous l'intention d'y déployer de façon permanente des équipements et du personnel, de manière à améliorer et à renforcer votre présence dans la région?

Gén Natynczyk : La Stratégie de défense Le Canada d'abord prévoit, parallèlement au Centre d'entraînement de l'Arctique de Resolute, le centre d'amarrage et de ravitaillement en carburant de Nanisivik, le renforcement des capacités de la force opérationnelle interarmées du nord à Yellowknife, avec aujourd'hui un détachement à Iqaluit assurant notre présence à Alert Bay, ainsi que des centres opérationnels avancés à Inuvik, Yellowknife, Rankin et Iqaluit. Vous aurez également appris que nous avons constitué une nouvelle unité de réserve, là encore une compagnie du Loyal Edmonton Regiment, à Yellowknife. Nous avons élargi la présence des Rangers dans tout l'Arctique à travers la force opérationnelle interarmées du nord, avec commandement national unifié et coopération avec les communautés où nous pouvons implanter des patrouilles de Rangers. Tout ce monde-là accomplit un travail absolument remarquable et très important dans le cadre de la Stratégie de défense Le Canada d'abord.

Le sénateur Mitchell : Moi, je viens de l'Alberta. Je crois savoir que les centres de soutien aux familles sont financés en fonction de l'importance des effectifs de la Force régulière basés dans le secteur. Or, dans un endroit comme Calgary, il n'y a pas de forces régulières même s'il leur faut servir d'appui à des effectifs importants des forces de réserve que l'on déploie, qui reviennent à la base, et cetera. Je me suis laissé dire que la formule de financement ne convient guère à un secteur comme celui de Calgary. Êtes-vous au courant de ce problème?

Gén Natynczyk : Je dois dire que je n'étais pas au courant du problème posé par la formule. Nous venons d'apporter des changements en ce qui concerne la Direction des services aux familles des militaires, qui relève à présent du directeur de la Qualité de vie, le colonel Russ Man, quelqu'un de très capable et de vraiment remarquable. Je sais que le Centre de ressources aux familles des militaires de Calgary est parmi les meilleurs. Là encore, nous assurons une partie du financement, et eux-mêmes se débrouillent très bien pour lever des fonds sur place, tout comme certains autres centres de ressources aux familles des militaires dans le pays. Non, je ne savais pas que la formule posait problème, mais je vais m'en occuper, et nous reviendrons sans doute vers vous à ce sujet.

Le sénateur Mitchell : J'en reviens à la passation des marchés. Je crois bien qu'il existe des directives très claires du Conseil du Trésor, mais aussi des directives émanant de notre ministère à propos de la comptabilisation des coûts applicables à l'ensemble du cycle de possession. Il y a, à l'évidence, divergence de vues avec le ministre sur ce sujet. Quelles orientations donnez-vous à votre personnel et à votre ministère pour l'interprétation des directives du Conseil du Trésor et de vos propres directives?

Gén Natynczyk : Là, vous débordez largement mon mandat, qui consiste à donner des avis et des orientations à caractère militaire. En ce qui concerne ce que j'appellerai le travail « programmatique », cela relève directement du ministère. Le vice-chef a une fonction de coordination, mais, en ce qui concerne les autorisations et l'obligation redditionnelle, cela dépasse de très loin les Forces canadiennes.

Le sénateur Mitchell : Où en êtes-vous de l'augmentation de la présence des femmes au sein des Forces canadiennes? Lorsque je me suis rendu en Afghanistan, j'ai été très impressionné. J'ai pu observer, en particulier, la façon dont les éléments féminins sont intégrés à nos forces et le respect qu'on leur porte. Je pense que vous accomplissez de véritables progrès dans ce domaine. Est-ce là une priorité?

Gén Natynczyk : Chaque fois que j'essaie d'en faire une priorité, les éléments féminins au sein de nos forces me disent qu'elles n'y tiennent pas du tout, car elles n'ont aucune envie qu'on les distingue du reste de nos personnels. Je ne peux que me féliciter de la façon dont les hommes et les femmes des Forces canadiennes ont affronté et dominé les défis, qu'il s'agisse des opérations de combat ou des interventions humanitaires. Je m'enorgueillis aussi de savoir que nous avons un commandant de compagnie en Afghanistan, le major Eleanor Taylor, à la tête d'une compagnie de combat de 150 fantassins, qui s'acquitte magnifiquement de sa tâche. Je suis aussi fier de savoir que le NCSM Halifax, qui croise au large de Haïti, est commandé par une femme, Josée Kurtz, qui elle aussi accomplit sa mission de façon admirable. Il en va de même pour les Snowbirds, auxquels j'ai rendu visite : leur commandant d'unité m'a décrit leur travail, et j'ai pu constater la façon extraordinaire dont ils s'acquittent de leur tâche. Donc, même si ces personnes ne veulent pas se distinguer du reste de nos personnels, il n'en reste pas moins que nous représentons un critère de référence pour les autres pays, tout en reflétant la façon dont évolue la société canadienne.

Le sénateur Mitchell : Nous nous sommes rendus, avec notre présidente et d'autres sénateurs, à Wainwright cet été et je dois dire que cela a été une expérience forte. Un colonel nous a fait un exposé sur un exercice avec tir à balles réelles. Il en a profité pour nous décrire un certain nombre de secteurs de par le monde dans lesquels nos militaires perçoivent une éventuelle menace dans l'avenir. Il nous a dressé une liste de six ou sept menaces, parmi lesquelles le changement climatique, qui pourraient créer des tensions et entraîner des guerres. Quelle place ce genre de dimension occupe-t-elle dans vos réflexions?

Gén Natynczyk : Effectivement, dans certaines régions du monde, la sécheresse et la famine, par exemple, ont sans aucun doute un impact. Je pense aussi à ce qui s'est produit en Asie du Sud-Est, avec les catastrophes naturelles comme les tsunamis et autres, qui montrent bien que la situation dans le monde est tout à fait imprévisible. Pour répondre à ces situations, il nous faut des forces prêtes à l'action et une grande agilité d'intervention. Le fait de disposer d'appareils comme le C-17 a complètement transformé nos modes opératoires, car nous pouvons, en un seul voyage, transporter à l'échelle mondiale une cargaison équivalente à celle de cinq avions Hercules pour pouvoir apporter les secours nécessaires. Je confirme donc que le changement climatique a des répercussions, mais principalement dans le domaine humanitaire.

Le sénateur Day : Général Natynczyk, pourriez-vous nous parler de la formation des forces spéciales et de votre politique dans ce domaine? Êtes-vous satisfait de leur entraînement et de leur équipement, et est-ce que les forces spéciales sont en expansion?

Gén Natynczyk : Eh bien, sénateur, je peux vous dire qu'en matière de forces spéciales, nous disposons d'une des meilleures capacités à l'échelle mondiale. Là encore, à égalité d'effectifs, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, notre principal atout, c'est la qualité de l'élément humain. Lors de nos campagnes de recrutement, nous voyons se présenter, au moment de la sélection pour nos forces spéciales, des personnes qui ont déjà un bagage important d'expérience, que ce soit dans le domaine terrestre, aérien ou maritime, parce que bien souvent ces personnes ont déjà été postées à plusieurs reprises en Afghanistan ou ailleurs, ce qui nous permet de placer assez haut la barre de nos exigences. Quant à l'instruction que nous leur donnons, elle est comparable à celle dispensée par nos partenaires internationaux les plus proches. Nos niveaux de référence sont donc très élevés, si bien que nous pouvons avoir une totale confiance dans notre capacité d'interopérabilité avec ces partenaires. Quant à notre équipement, d'après moi, il soutient la comparaison à l'échelle mondiale.

Je vous rappelle que nous avons créé la mission de contre-terrorisme, avec le système d'appui au Régiment d'opérations spéciales du Canada, le 427e escadron d'hélicoptères, ainsi que la capacité nucléaire, biologique et chimique, le tout de manière intégrée. Nombre de nos alliés dont les forces militaires sont comparables aux nôtres nous prennent comme modèle.

Nous avons également, en matière de formation et d'entraînement, un cadre institutionnel qui nous permet de tenir à jour l'expérience dont nous aurons besoin dans l'avenir. Bien sûr, une bonne partie des renseignements concernant ces domaines sont confidentiels, mais je pense que les Canadiens seraient très impressionnés s'ils connaissaient le niveau de capacité dont nous disposons.

Le sénateur Day : Étant donné qu'il s'agit d'un effectif restreint au sein de nos forces, est-ce que les personnels des forces spéciales ont les mêmes perspectives de promotion, ou est-ce que ces personnes se contentent de servir dans ces unités pendant quelques années, pour s'en aller ensuite ailleurs et bénéficier des mêmes perspectives de promotion que les autres membres des forces armées?

Gén Natynczyk : Nous avons accompli un véritable bond en avant en 2005, avec la création du Commandement des forces spéciales du Canada.

Notre système est aujourd'hui suffisamment mûr pour permettre de planifier le roulement des responsables et de tabler sur l'enrichissement réciproque qu'apporte l'intégration de membres des forces spéciales à d'autres unités quitte à les réintégrer par la suite dans les forces spéciales. Tout cela a beaucoup profité à nos unités aériennes, terrestres et maritimes. Nous avons atteint un niveau de maturité tel que nous pouvons considérer les forces spéciales sur un pied d'égalité avec l'armée de terre, la marine ou l'armée de l'air, ce qui est une excellente chose.

Le sénateur Day : Permettez-moi deux très brèves questions. Il y a quelque 27 000 réservistes, et vous cherchez à protéger leur effectif; néanmoins, vous avez également annoncé une réduction, progressive dans toute la mesure du possible, des effectifs de réservistes à plein temps. Allez-vous pouvoir conserver ce chiffre de 27 000 réservistes ou allez- vous le réduire?

Gén. Natynczyk : Nous allons maintenir le chiffre de 27 000 réservistes. L'une de nos difficultés tient au nombre de réservistes qui souhaitent intégrer la Force régulière. Sur les 4 500 que j'absorbe cette année au sein de la Force régulière, près de la moitié représentent des transferts d'éléments. Cependant, nous assistons également à un nombre important de transfert d'éléments de la Force régulière vers la Réserve. Nous maintenons donc le chiffre de 27 000 personnes en essayant de préserver un niveau optimal d'entraînement. Quant aux 68 000 membres de la Force régulière, nous essayons de maintenir et même de renforcer leur entraînement.

Le sénateur Day : Amiral, vous avez effectué une étude sur la capacité d'emploi de la Première réserve des forces canadiennes. Est-ce que l'étude est achevée et est-ce que nous pourrions en disposer?

Vam : L'étude est achevée et j'en connais les résultats, mais je dois aussi m'assurer de ses conditions de diffusion. Je vais donc vérifier cela et me ferai un plaisir de revenir vers vous à ce sujet.

Le sénateur Day : Pourriez-vous communiquer la documentation à notre greffier pour qu'il la diffuse?

Vam Donaldson : Avec plaisir. Je ne pense pas que l'étude ait déjà été traduite, et cela risque donc de ralentir le processus.

Le sénateur Day : Pourriez-vous également communiquer au greffier une explication de la différence entre la comptabilité de trésorerie et la comptabilité d'exercice, et l'incidence de la reconfiguration dont vous nous avez parlé tout à l'heure? C'est une question très technique, mais nous vous saurions gré de nous donner un exemple pour nous aider à comprendre.

Vam Donaldson : Je me ferai un plaisir de vous en communiquer les 12 volumes, sénateur, parce que c'est une question compliquée, mais nous essaierons d'en extraire la substantifique moelle.

Le président : Vous pouvez nous envoyer la synthèse.

Vam Donaldson : Oui, et à beaucoup d'autres gens dans l'administration publique, ça leur sera utile également.

Le sénateur Nolin : La semaine dernière, nous parlions avec le lieutenant-général Beare de la reconstitution de l'effectif des réservistes, aujourd'hui à 1 300, et j'aimerais vous demander de nous en communiquer par écrit la composition.

Gén Natynczyk : Mission par mission?

Le sénateur Nolin : S'il vous plaît.

Gén Natynczyk : Comptez sur moi.

Le sénateur Nolin : Ma dernière question porte sur la cyberdéfense, à laquelle le ministre a fait allusion et qui devient de plus en plus importante. D'ailleurs, elle a été intégrée au concept stratégique de l'OTAN. Où en sommes-nous à ce sujet? Le ministre a expliqué qu'il s'agit d'un sujet très sensible pour la sécurité. Où en est la réflexion au sein des FC?

Gén Natynczyk : Je pense que la cybersécurité est un sujet de première importance, c'est une menace émergente à laquelle, selon moi, nous ne consacrons pas suffisamment de temps. En fait, ce ne sont ni les Forces canadiennes ni le ministère de la Défense nationale qui déterminent la position du gouvernement, mais plutôt Sécurité publique Canada. Nous, nous assumons la responsabilité des Forces canadiennes et des réseaux de défense au niveau du ministère. Nous avons, au sein du Groupe des opérations d'information des Forces canadiennes (CFIOG) et du Centre des opérations réseaux des Forces canadiennes, des hommes et des femmes très capables qui se consacrent à cette question, et nous investissons dans ce secteur afin de renforcer les capacités de défense des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale. Parallèlement, nous collaborons avec les responsables de Sécurité publique Canada et nous leur apportons un appui, ainsi qu'aux services des Affaires étrangères. Je vous rappelle que le ministère des Affaires étrangères maintient des relations avec un grand nombre d'autres pays. Compte tenu du caractère sensible de la question, nous faisons un échange de bonnes pratiques, notamment au sein de la communauté des Five-Eyes, je veux dire États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande. Dans le contexte actuel, hormis notre propre défense et celle des Forces canadiennes, nous jouons surtout un rôle d'appui.

Jill Sinclair, sous-ministre adjointe (Politiques), Défense nationale : Je crois que vous avez parfaitement compris qu'il s'agit d'un domaine dans lequel il doit y avoir une liaison très étroite entre les ministères gouvernementaux, mais aussi entre alliés, afin d'assurer une couverture sans failles. Je voudrais ajouter que l'OTAN considère à présent la cyberdéfense comme l'une de ses missions. Les pays membres de l'OTAN ont créé le Centre d'excellence OTAN de Tallinn, en Estonie, où on réfléchit à la façon de protéger les systèmes OTAN eux-mêmes et de renforcer les défenses des alliés face aux cybermenaces.

Le sénateur Nolin : Peut-être devrions-nous approfondir la question nous-mêmes.

La présidente : C'est sur notre liste.

Le sénateur Nolin : C'est une bien longue liste.

Gén Natynczyk : Nous avons justement nommé un directeur général pour la cybersécurité. Il s'agit du brigadier-général Greg Loos, ancien commandant du CFIOG, qui a une connaissance approfondie de ce domaine. Nous avons créé ce poste, comme nous l'avons fait l'an dernier pour le directeur général du secteur spatial, de manière à définir de façon proactive ce qui convient comme structure. Je sais que l'on a déjà parlé d'un cybercommandement qui serait installé dans le sud. Nous avons demandé au général de définir ce qui conviendrait aux Forces canadiennes, compte tenu des ensembles de mission que nous a assignés le gouvernement du Canada.

Le sénateur Nolin : Il s'agit en effet de définir le lien interne avec nos partenaires. Je vous remercie.

La présidente : Merci. Je voudrais profiter de la présence de nos autres témoins pour poser une question rapide au contre-amiral Lloyd, chef de développement des Forces. Qu'est-ce que vous entreprenez afin de développer les capacités nécessaires pour que nous disposions d'une force répondant aux besoins, réactive au plan opérationnel et capable de faire la différence au plan tactique? De façon concrète, je voudrais savoir quelle est, à l'heure actuelle, votre tâche la plus difficile.

Contre-amiral Ron Lloyd, chef de développement des Forces, Défense nationale : Je crois que la tâche la plus difficile consiste indubitablement, aujourd'hui, à déterminer les pôles géographiques critiques du futur contexte de sécurité. Nous pensons que les Forces canadiennes seront déployées au nom du pays au cours de la prochaine ou des deux prochaines décennies. Pour pouvoir comprendre ce contexte, nous prenons en compte les six missions qui sont dans la Stratégie de défense Le Canada d'abord, afin de déterminer quelles capacités seront nécessaires pour mener ces opérations à bien.

Ensuite, nous examinons le cadre budgétaire dans lequel nous opérons, afin de le faire cadrer avec les considérations précédentes et fournir à nos dirigeants des informations de qualité pour une prise de décisions propre à assurer la meilleure défense, je veux dire la configuration de l'équipe MDN/FC dans l'avenir. C'est la tâche principale que j'accomplis pour le compte du chef. De plus, comme il l'a indiqué concernant le directeur général Espace et le directeur général Cybermenace, il faut développer cette capacité, faire le point de la situation et définir des orientations. Ces deux officiers collaborent avec moi pour mieux définir les voies du développement de la force dans l'avenir.

La présidente : Est-ce que vous utilisez des scénarios prospectifs pour fixer les configurations nécessaires?

Cam Lloyd : Nous venons de terminer un cycle d'analyse pour chacune de ces missions. Mon équipe est dirigée par le colonel Sam Michaud et par le colonel Mike Rouleau, qui travaillent en étroite collaboration avec l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air, ainsi que les forces spéciales. Ils ont achevé une analyse d'environ 3 500 heures portant sur chacune des missions et des plans d'action que nous pourrions adopter, en tant que pays, pour bien comprendre les points forts et les points faibles des différents assemblages de forces. Une fois appréhendées les faiblesses, je crois que nous sommes mieux placés pour évaluer les risques, et une fois la force assemblée, il faut s'interroger sur la nature du risque stratégique et se demander, enfin, si le résultat obtenu est conforme à la politique budgétaire.

Il faut ensuite analyser les risques opérationnels sous l'angle de l'emploi de la force et des difficultés de la disponibilité opérationnelle afin de rationaliser l'emploi des crédits, comme l'a expliqué le CEMD. En fin de compte, cela se ramène à définir la marge de négociation et la fourchette décisionnelle afin de s'assurer que les forces que nous aurons ainsi constituées — non pas pour dans cinq ans, mais pour être prêtes à l'action dès demain — les hommes et les femmes que nous allons déployer, auront les capacités nécessaires pour opérer avec succès jusqu'à la fin de cette décennie et le début de la prochaine.

La présidente : Je voudrais poser la même question à la SMA Sinclair. Quelle est votre principale difficulté, au plan des orientations générales?

Mme Sinclair : Je crois que c'est la cohérence, parce que, comme l'ont décrit l'amiral et le CEMD, nous vivons dans un monde complexe et dans un contexte international marqué par l'incertitude. C'est pourquoi nous devons surtout veiller à la cohérence de l'ensemble de notre équipe de défense, une cohérence à l'échelle gouvernementale, comme on l'a déjà dit je crois. Nous nous attachons à tirer des enseignements des opérations engagées dans des situations complexes comme l'Afghanistan, mais nous devons aussi veiller à la cohérence avec nos amis et nos alliés, car le manque d'unité ne pardonne pas. Je crois que c'est cela le principal défi à relever.

La présidente : Je m'adresse à présent à l'adjudant-chef. Je sais que vous devez aussi affronter toute une série de problèmes liés aux ressources humaines. En quoi consiste votre mission?

Premier maître de 1re classe Robert Cléroux, adjudant-chef des Forces canadiennes, Défense nationale : Je suis le principal sous-officier occupant un rôle de conseiller auprès des Forces canadiennes par le truchement du chef d'état-major de la Défense, et ma principale responsabilité est de conseiller ce dernier sur toutes sortes de questions et de problèmes liés au bien-être et au moral, ainsi qu'au développement et au déploiement des personnels n'ayant pas atteint le grade d'officier. Comme l'a dit le chef d'état-major dans ses propos liminaires, je reste convaincu que le moral est excellent sur le terrain, mais nos soldats s'inquiètent tout de même. Compte tenu des compressions découlant de l'examen stratégique et du plan d'action pour la réduction du déficit, ils craignent de futures compressions budgétaires. C'est pourquoi je m'attache principalement à communiquer avec les hommes et les femmes qui composent notre force, afin de moduler leurs attentes et d'essayer de suivre l'évolution du moral de nos troupes.

La présidente : Et vous pensez que le moral reste bon, en dépit de l'incertitude?

Pm 1 Cléroux : Oui, le moral est bon et les gens veulent être déployés sur le terrain, ils souhaitent participer à toutes les opérations dans lesquelles nous sommes engagés. J'espère simplement que, s'il doit y avoir d'autres compressions, elles seront annoncées rapidement et que nous pourrons y faire face.

La présidente : Major-général Vance, si vous le permettez, j'aimerais savoir quels sont les principaux problèmes stratégiques qui vous préoccupent.

Mgén Vance : En tant que directeur de l'état-major interarmées, nous sommes le principal soutien opérationnel du chef d'état-major dans ses fonctions de commandement et de contrôle des Forces canadiennes. Contrairement aux autres forces armées, notre chef de la défense est également commandant en chef des opérations. Donc, en tant que CENTCOM, ou AFRICOM, enfin tous les « com », il bénéficie de ce soutien. Dans des contextes autres que le nôtre, le chef d'AFRICOM relève directement du président, par exemple. Notre chef, lui, relève directement du gouvernement, et nous lui apportons notre soutien.

Madame la présidente, notre horizon va de zéro à trois ans, et notre rôle consiste à conseiller le CEMD et à appuyer le processus décisionnel une fois que le gouvernement a assigné leur mission aux Forces canadiennes. Nous essayons de constituer le meilleur ensemble de forces possible, chiffres à l'appui, et de déterminer les effets opérationnels ainsi que l'état final probable et la stratégie de sortie. Une fois que nous avons communiqué cela au CEMD, il y ajoute sa propre expérience, qui est considérable, et c'est ensuite transmis en haut lieu, là où sont prises les décisions.

Je voudrais revenir à ce que disait Jill Sinclair : nous vivons dans un monde complexe, et c'est pourquoi nous essayons, dans ce contexte mouvant, d'assembler différentes pièces en un tout cohérent avec le meilleur résultat possible, non seulement pour assurer la sécurité, la protection et l'efficacité opérationnelle de nos troupes, mais aussi pour obtenir le succès de la mission, et ce n'est pas facile. Il vous suffit, aujourd'hui, d'ouvrir le journal pour comprendre que notre attention est focalisée sur le Moyen-Orient. Lorsqu'il y a conflit ou tension dans le monde, nous suivons cela de près, que cela risque ou non d'impliquer le Canada. Je peux vous dire que Mme Sinclair suit tout cela de près. Quant à moi, ce qui mord sur mon temps de sommeil, c'est de vouloir m'assurer que, si le CEMD nous dit, suite à une décision du premier ministre, « On y va! », je veux être sûr que tout est bien en place pour que nous puissions y aller. C'est cela notre mission.

La présidente : Général Natynczyk, je vous remercie ainsi que toute votre équipe. Je pense qu'il n'y a pas de Canadiens plus en sécurité que nous, qui nous trouvons dans cette salle, puisque nous avons le plaisir d'être en présence des cerveaux qui assurent cette sécurité. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré et des perceptions que vous nous avez fait partager. Cela aide à comprendre en quoi consiste votre tâche d'assemblage de toutes ces pièces et la façon dont elles s'imbriquent. Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré et de la franchise de vos propos.

Nous allons suspendre brièvement la séance et nous réunir à nouveau pour traiter des activités du comité.

(La réunion se poursuit à huis clos.)

(La réunion reprend en public.)

La présidente : Puis-je avoir une motion d'approbation de ce budget?

Le sénateur Manning : Je propose la motion.

La présidente : Quelqu'un pour l'appuyer?

Le sénateur Dallaire : J'appuie la motion.

La présidente : Merci beaucoup, je la déposerai à la Chambre dès que possible, peut-être dès demain.

Josée Thérien, greffier du comité : Il faut d'abord la soumettre au Comité de la régie interne.

La présidente : Mesdames et messieurs je vous remercie, la séance est levée. Nous allons tenir la réunion du comité directeur.

(La séance est levée.)


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