Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 7 - Témoignages du 14 mai 2012
OTTAWA, le lundi 14 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 15 h 59, pour étudier la teneur des éléments de la Section 12 de la Partie 4 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. J'aimerais commencer par vous donner un aperçu du sujet à l'étude.
En 2005, sous un gouvernement libéral précédent, le Canada et les États-Unis ont lancé un projet pilote appelé Shiprider. La GRC et des agents de la Garde côtière américaine travaillaient au sein d'équipes autorisées à agir en tant qu'agents de la paix dans le pays voisin le long des voies navigables que partagent le Canada et les États-Unis, afin que les criminels poursuivis par la GRC, par exemple, ne puissent plus s'échapper par les eaux américaines.
Le projet pilote a connu un énorme succès, ce qui a entraîné la signature de l'accord-cadre sur les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi entre le Canada et les États-Unis. Le projet de loi permettant de mettre en œuvre l'accord a été approuvé par le Sénat à la dernière législature, mais est mort au Feuilleton lors des élections.
Comme je l'ai dit à certains de nos invités, tout ce que nous faisons aujourd'hui a déjà été fait. En effet, le contenu revient sous la forme du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget, section 12, partie 4. Il s'agit essentiellement du même projet de loi, auquel on a apporté quelques changements opérationnels. Par exemple, on a ajouté un principe selon lequel les activités de Shiprider doivent être menées sous la direction d'un agent désigné du pays hôte.
Vous êtes nombreux à savoir que la semaine dernière, le Sénat a adopté une motion qui renvoie au comité les documents, les preuves et les travaux relatifs au projet de loi S-13, titre sous lequel il a été étudié lors de la dernière session de la législature précédente. Ces documents sont maintenant accessibles. J'espère que vous avez eu la chance de visiter le site web et de les consulter — vous les trouverez en cliquant sur le lien du CSPSND, sur le site web du comité —, car nous avons déjà entendu un grand nombre de témoins à ce sujet. Encore une fois, ces documents sont accessibles en ligne.
Un peu plus tard aujourd'hui, nous allons entendre des témoins de la GRC, qui joue évidemment un rôle essentiel dans cette affaire; toutefois, nous allons commencer par vous expliquer en quoi consiste Shiprider. Aujourd'hui, nous accueillons quatre témoins de Sécurité publique Canada : Stephen Bolton, directeur, Interopérabilité en matière de sécurité publique, et Richard Wex, sous-ministre adjoint, Secteur de la police et de l'application de la loi. Nous accueillons également, de Justice Canada, Michael Zigayer, avocat-conseil, Section de la politique et matière de droit pénal, et Sophie Beecher, conseillère juridique, Services juridiques.
D'après ce que je comprends, M. Wex va faire un exposé.
Richard Wex, sous-ministre adjoint, Secteur de la police et de l'application de la loi, Sécurité publique Canada : En effet. Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du comité. Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Vous avez fait un bon résumé de notre exposé, mais je vais tout de même le lire pour le compte rendu.
À titre de renseignement, l'objectif du projet de loi est de prévoir un fondement législatif et de ratifier l'accord-cadre conclu entre le Canada et les États-Unis, en mai 2009, au sujet des opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi, mieux connues sous le nom de « Shiprider ». Deux projets de loi essentiellement similaires à celui-ci ont été déposés à la Chambre des communes en 2009, puis au Sénat en 2010. Comme l'a mentionné la présidente, ils sont morts au Feuilleton.
Le modèle de prestation des services de police décrit dans l'accord-cadre représente une évolution dans la façon dont le Canada et les États-Unis souhaitent assurer la sécurité à la frontière maritime. En effet, il va au-delà des méthodes habituelles de collaboration entre nos organismes d'application de la loi, afin de se concentrer sur une véritable intégration des efforts de nos agents relativement à la patrouille de la frontière maritime.
Les organismes d'application de la loi travaillant près de la frontière canado-américaine sont de plus en plus amenés à effectuer des enquêtes sur des activités criminelles qui dépassent nos frontières nationales respectives. Ces enquêtes transfrontalières — sur la contrebande d'armes à feu et de tabac, et sur le passage de clandestins, par exemple — sont entravées par le fait que les agents d'application de la loi perdent leur statut d'agents de la paix lorsqu'ils quittent leur territoire de compétence et traversent la frontière. En effet, dès qu'un criminel traverse la frontière, nos agents perdent leurs pouvoirs de le poursuivre et de l'arrêter. La frontière devient donc un obstacle pour nos agents de police.
Les mêmes limites s'appliquent aux agents des États-Unis. Les criminels connaissent ces limites et en profitent, certainement dans le contexte maritime, pour éviter d'être arrêtés et poursuivis.
Le modèle Shiprider vise à résoudre ce problème. Il prévoit la collaboration d'agents chargés de l'application de la loi spécialement formés et désignés du Canada et des États-Unis à bord de bateaux et l'autorisation de faire appliquer la loi des deux côtés de la frontière internationale. En travaillant ensemble, ces agents armés du Canada et des États- Unis peuvent se déplacer librement sur le même bateau, de part et d'autre de la frontière, pour lutter contre la criminalité transfrontalière dans les eaux communes. Des agents d'application de la loi canadiens et américains participant au programme Shiprider seraient en mesure d'appliquer la loi et de lutter contre la criminalité des deux côtés de la frontière internationale, sans être limités par les contraintes habituelles liées aux compétences territoriales auxquelles font face les services de police.
Tout comme les criminels ne considèrent pas la frontière comme un obstacle à leurs activités, nous voulons faire en sorte qu'elle n'en soit plus un pour les agents d'application de la loi canadiens et américains, afin d'égaliser les chances et de leur permettre d'accomplir leur travail.
Par le passé, les questions ont été axées sur la souveraineté. Il est important de souligner, comme l'a fait remarquer la présidente, que toutes les opérations seront menées sous la direction et le contrôle d'agents d'application de la loi du pays hôte, lesquels seront appuyés par des agents d'application de la loi de l'autre pays.
Par exemple, dans les eaux canadiennes, les activités seront toujours menées conformément aux lois, aux politiques et aux procédures du Canada — y compris la Charte —, et sous la direction d'un agent d'application de la loi du Canada.
[Français]
Il est important de noter que toutes les opérations Shiprider seront menées sous la direction et le contrôle d'agents d'application de la loi du pays hôte et en conformité avec les lois canadiennes.
[Traduction]
Ce modèle novateur de collaboration entre les services de police mise non seulement sur l'utilisation de manière plus efficiente des ressources d'application de la loi, y compris les agents et les bateaux, mais il a été prouvé qu'il permet aussi de lutter plus efficacement contre la criminalité transfrontalière.
Vous vous rappelez peut-être qu'entre 2005 et 2007, le Canada et les États-Unis ont entrepris un certain nombre de projets pilotes pour mettre à l'essai le projet Shiprider et évaluer son efficacité. En bref, les évaluations ont permis de conclure que les projets pilotes étaient viables sur le plan opérationnel et qu'ils ont eu une incidence mesurable sur les activités criminelles transfrontalières.
Après les succès des projets pilotes et les consultations qui ont suivi en 2008-2009, on a pu conclure l'accord-cadre entre le Canada et les États-Unis, que le ministre de la Sécurité publique et la secrétaire à la Sécurité intérieure ont signé au printemps 2009. L'accord-cadre a été déposé devant le Parlement à l'automne 2009 et, comme je l'ai mentionné au début, le projet de loi visant à le mettre en œuvre a été présenté deux fois au Parlement; d'abord le projet de loi C-60 à la Chambre des communes, puis le projet de loi S-13 au Sénat.
Certains d'entre vous se souviendront du projet de loi S-13, car votre comité l'a adopté avant la dissolution du Parlement, l'année dernière. Le projet de loi qui vous est présenté est pratiquement le même, mais il comprend quelques petites modifications, y compris celle mentionnée par la présidente et visant les principes de souveraineté. On a aussi éliminé un autre principe. De plus, on a ajouté une nouvelle disposition concernant l'émission de certificats aux agents désignés à des fins de preuve devant les tribunaux; on a aussi rationalisé les dispositions de surveillance et on s'est assuré que le régime de surveillance ressemble à celui qui s'applique à la conduite des agents de la GRC et qui est inscrit dans la Loi sur la GRC. Enfin, on a ajouté une nouvelle disposition qui permettra aux agents désignés transfrontaliers de conserver leur statut quand ils participent à des activités connexes à celles de Shiprider, par exemple, quand ils se déplacent vers un lieu de travail ou qu'ils se présentent en cour. Nous avions l'impression que ce point était sous- entendu, mais pour que ce soit plus clair, on l'a précisé dans le projet de loi. Nous serons heureux de vous parler plus en détail de ces changements au cours des discussions qui suivront.
À son entrée en vigueur, la loi proposés établira un cadre juridique et permettra le déploiement d'opérations Shiprider régularisées. La régularisation de ces opérations permettra au gouvernement de respecter l'un de ses engagements clés en matière d'application de la loi dans le cadre du plan d'action Par-delà la frontière Canada-États- Unis, qui a été annoncé par le premier ministre et le président, l'année dernière.
C'est ce qui termine notre exposé. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci. J'aimerais obtenir des éclaircissements au sujet de la nouvelle disposition que nous avons mentionnée, surtout en ce qui concerne le pays hôte. Est-ce déclaré au début d'une opération, s'ils sont sur un bateau et qu'ils descendent la rivière?
M. Wex : Il s'agit d'un principe directeur qui s'applique à toutes les opérations de Shiprider. Il fait partie de l'accord-cadre qui a été signé en 2009. Toutes les opérations en territoire canadien seront menées sous la direction du pays hôte, c'est-à-dire les agents d'application de la loi canadiens, et le pouvoir central, c'est-à-dire la GRC, et vice versa aux États-Unis, lorsque les opérations seront menées de l'autre côté de la frontière, car le principe de réciprocité s'applique dans tous les cas.
La présidente : S'ils sont littéralement au milieu du cours d'eau, qu'ils ont commencé à arrêter les criminels du côté canadien, et que le bateau traverse la frontière, comment cela fonctionne-t-il?
M. Wex : L'opération se fonde sur les coordonnées GPS; le pays concerné à ce moment-là déterminera comment procéder à l'arrestation.
La présidente : Parfait. Nous allons passer aux questions.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Merci, madame la présidente. J'aimerais attirer votre attention à la page 272, paragraphe 4, alinéa b) et sous-alinéa 3 : « ... s'effectuer selon les directives d'un agent désigné du pays hôte. » Ceci est significativement différent de ce qu'il y avait dans le projet de loi S-13 qui se lit ainsi :
[Traduction]
[...] être axées sur les renseignements, fondées sur une évaluation des risques et menaces effectuée conjointement par le Canada et les États-Unis et coordonnées avec les programmes et activités de coopération policière transfrontalière existants
Graham Flack, le sous-ministre adjoint de Sécurité publique Canada, a prononcé ces mots. Qu'est-il arrivé à cette disposition concernant les opérations fondées sur les renseignements et la prévention? Pourquoi ramener tout cela à quelque chose qui peut plus facilement provoquer une discussion sur la nature des concepts relatifs à la façon dont les arrestations et les processus sont utilisés sur la frontière?
M. Wex : Merci d'avoir posé la question. Il s'agit de l'une des sept modifications qui ont été apportées, et auxquelles nous avons fait référence plus tôt. Si vous le souhaitez, il pourrait être utile de passer en revue ces sept modifications, car leur examen pourrait entraîner des questions semblables.
La présidente : Cela serait utile. Voulez-vous le faire maintenant?
M. Wex : Je commencerai par cette question. Le sénateur a absolument raison. Même si je ne l'ai pas devant moi, l'ancien principe auquel on a fait référence concernait le fait que les opérations seraient fondées sur les évaluations des risques et menaces; il a été éliminé pour des raisons de souplesse opérationnelle, afin de ne pas limiter les agents menant des opérations dans le cadre de Shiprider. Évidemment, ces agents recevront des renseignements provenant de l'évaluation des risques et menaces, mais à notre avis, le libellé précédent imposait des restrictions sur le plan opérationnel si, par exemple, ils devaient agir sur-le-champ dans le cadre d'une opération de Shiprider ou s'ils devaient intervenir dans une situation à laquelle l'évaluation n'avait pas nécessairement attribué un statut de menace ou de risque prioritaire, mais qui présentait d'autres fondements criminels valables.
Le principe qui a été ajouté, et qui constitue aussi un autre changement, correspond exactement à ce dont nous avons parlé au début. Sans tenir compte du premier point, nous étions d'avis qu'il est extrêmement important que les Canadiens comprennent, même s'il s'agit d'un principe et d'un article de l'accord-cadre, que la loi reflète l'importance de la souveraineté et que toutes les activités et les opérations de Shiprider seront sous le contrôle direct et la gestion, si vous voulez, du pays hôte. Il y a deux modifications distinctes. La première ajoute un nouveau principe soulignant l'importance du contrôle exercé par le pays hôte; ce principe était déjà dans l'accord-cadre et aurait été mis en œuvre dans n'importe quel cas, mais grâce à la modification, on attire l'attention des parlementaires à son sujet. La deuxième modification élimine une disposition précédente qui, même si elle était fondée, imposait, à notre avis, trop de restrictions opérationnelles aux agents d'application de la loi.
Le sénateur Dallaire : C'est exactement ce qui nous préoccupait au sujet du projet de loi S-13. Vous mélangez différents types d'opérations. La Garde côtière est un service national aux États-Unis, et elle fait donc partie des cinq structures nationales militaires et paramilitaires. Nous avons la police, et il ne s'agit pas de la gendarmerie ou d'une force paramilitaire; ce sont des agents de police. Les procédures et les concepts d'opérations employés par la Garde côtière américaine diffèrent des activités traditionnelles de maintien de l'ordre.
À mon avis, éliminer cette disposition revient à éliminer la raison d'être de Shiprider. Cela ne concerne pas uniquement les drogues, mais aussi le terrorisme, les armes, et cetera. Il ne s'agissait pas seulement d'améliorer la surveillance de la frontière. Si le projet de loi avait besoin d'être précisé, vous auriez pu le modifier un peu au lieu de le dépouiller de sa raison d'être.
M. Wex : Merci, sénateur, de votre commentaire. Je crois que M. Zigayer aimerait ajouter quelque chose, mais je voudrais seulement faire remarquer qu'évidemment, notre travail consiste à vous aider à comprendre ce qui est là, et pas nécessairement ce qui ne l'est pas. L'accord-cadre, je crois, ne concerne pas certaines des questions que vous soulevez, c'est-à-dire qu'il précise les objectifs de Shiprider dans le cadre de son engagement à l'égard de la prévention, du repérage, de l'élimination et de l'investigation de tout acte criminel relatif à la frontière, ce qui comprend le trafic de drogues illégales et d'armes à feu, le passage de clandestins, la contrebande de produits de contrefaçon — y compris l'argent —, et le terrorisme, mais ne s'y limite pas. L'intention générale est précisée. Je crois que ce qui préoccupait certaines personnes au sujet de la formulation précédente, c'était simplement qu'elle était peut-être trop restrictive ou limitative à mesure que les choses évoluent. Il se peut que vous effectuiez une évaluation des risques et menaces à une certaine date, mais qu'un évènement important qui se produit sur l'eau n'y figure pas nécessairement. L'autre point important que j'aimerais soulever en ce qui concerne la Garde côtière américaine, c'est qu'il y a une grande distinction entre cette dernière et son pouvoir d'application de la loi et notre Garde côtière. En effet, j'aimerais vous rappeler que tous les agents participants de la Garde côtière américaine, ainsi que tous les autres agents américains participants, recevront une formation sur nos lois et nos pratiques avant d'être désignés agents de Shiprider en vertu de la loi.
La présidente : Lorsque nous en avons discuté — et vous pouvez me corriger si ma mémoire me fait défaut —, ce qui expliquait en partie le fait que la limite s'appliquait à ce point, contrairement à l'ensemble du cadre de travail, c'est qu'à première vue, vous pouvez empêcher quelqu'un de transporter des biens ou de l'argent, mais il y a en fait un élément terroriste. Est-ce bien cela? Je pense que nous avons débattu de cette question.
Michael Zigayer, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je remarque que la GRC comparaîtra ensuite.
Vous avez raison, sénateur, lorsque vous dites que la Garde côtière américaine a une fonction militaire. Toutefois, nous ne travaillons pas avec ces gens. Nous travaillons avec les autres, car la Garde côtière a deux fonctions. Nous faisons affaire avec la fonction d'application de la loi. Il s'agit de deux rôles distincts; en effet, elle assume un rôle de sécurité et un rôle d'agent d'application de la loi. Nous travaillons seulement avec les personnes qui s'occupent de l'application de la loi. Vous serez peut-être étonné d'apprendre — et la GRC pourra vous le confirmer plus tard — que ses règles d'engagement et ses façons d'envisager le recours à la force, si elles ne sont pas identiques, sont très similaires. Je vais laisser la GRC vous en dire plus à ce sujet.
Évidemment, les commentaires de M. Wex sont justes. Je dirais seulement qu'on jugeait que la disposition qui a été éliminée était trop restrictive, car si vous la lisiez attentivement, elle indiquait qu'essentiellement, vous ne pouviez pas quitter le port à moins que certains renseignements vous laissent croire que quelque chose était sur le point de se produire. Il est plus facile d'appliquer la loi si vous pouvez patrouiller sur le cours d'eau à votre guise, car même en l'absence de renseignements, vous pourriez être témoin d'actes criminels. C'est pourquoi nous l'avons rendue plus souple, comme l'a dit M. Wex.
La présidente : Monsieur Wex, voulez-vous présenter un survol des principales modifications?
M. Wex : Ce pourrait être utile. Les questions du sénateur Dallaire nous ont permis de discuter de deux parmi les sept, et je l'en remercie.
Le sénateur Day : Il ne s'agit donc que de deux précisions qui portent sur deux principes différents du même article.
M. Wex : C'est bel et bien le même article. Il y a une suppression et une substitution. Une ancienne disposition est remplacée.
Le sénateur Day : Bien, je voulais simplement le préciser.
M. Wex : L'article est supprimé puis remplacé par celui-ci. C'est exact.
J'aimerais maintenant attirer l'attention du comité sur le paragraphe 10(1) proposé à la page 275 :
L'autorité centrale du Canada peut délivrer à un agent désigné un certificat attestant que le titulaire a cette qualité pour l'application de la présente loi.
Je pense que c'est plutôt simple. La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada comporte une disposition semblable. Le paragraphe sert essentiellement à établir la preuve lors de poursuites devant un tribunal, entre autres. À vrai dire, il atteste que le titulaire du certificat est un agent chargé du contrôle transfrontalier, et que le certificat est admissible en preuve et fait foi du statut de l'agent désigné dans toutes les procédures.
De plus, le certificat pourrait sans doute servir d'insigne, selon sa taille, si l'individu interpellé veut savoir à qui il a affaire.
Le certificat ressemble à celui décrit au paragraphe 7(4) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.
Le prochain article dont je veux vous parler se trouve plus avant, mais allons à la page 276 un instant. L'article 12 proposé porte sur les pouvoirs des agents désignés :
Tout agent désigné est investi, pour le contrôle d'application des lois fédérales, des pouvoirs d'un membre de la Gendarmerie royale du Canada lorsque, selon le cas :
b) il accomplit une activité accessoire à une telle opération, notamment il se déplace en vue de participer à l'opération ou comparaît devant un tribunal en lien avec l'opération.
L'alinéa 12a) existait déjà. Les agents ont bel et bien le pouvoir d'appliquer les lois fédérales lorsqu'ils participent à l'opération Shiprider. Or, l'alinéa ajoute une précision, à savoir qu'ils ont également ce pouvoir lorsqu'ils accomplissent des activités accessoires à l'opération. Les agents bénéficient de la protection nécessaire lorsqu'ils se rendent au travail et qu'ils rentrent à la maison. Certains d'entre eux portent du matériel de protection une arme courte qu'ils n'auraient pas nécessairement le droit de détenir autrement. La disposition leur confère donc ce pouvoir pendant leurs déplacements entre le travail et la maison.
Le sénateur Dallaire : Il ne s'agit pas des déplacements d'un bout à l'autre du pays pour se rendre au site d'une opération, n'est-ce pas?
M. Wex : Non. Le mot « accessoire » a été choisi soigneusement de façon à limiter les activités touchées. Il s'agit du trajet que l'agent doit parcourir entre le point A et le point B pour se rendre au bateau afin de faire son travail.
Le prochain article a subi des modifications substantielles, mais dont l'application est assez simple. Elles portent toutes sur le mécanisme de surveillance — la division 369 de la Commission des plaintes du public contre la GRC —, et commencent à la page 277.
Vous constaterez à cette page que l'article a été simplifié considérablement. La dernière fois que ces modifications ont été proposées dans le projet de loi S-13, vous vous souvenez peut-être que la Chambre étudiait un autre projet de loi, qui portait malheureusement lui aussi le numéro C-38, et qui visait à moderniser le mécanisme de surveillance de la GRC, soit la Commission des plaintes du public contre la GRC. Le projet de loi C-38 devait conférer plusieurs pouvoirs dans le but de renforcer l'organisme de surveillance. Puisque le projet de loi S-13 était étudié simultanément, toutes les nouvelles dispositions de C-38 y étaient incorporées par renvoi, disons, car nous ignorions lequel des deux serait adopté en premier.
Mises à part deux ou trois exceptions dont je parlerai dans un instant, le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui ne fait qu'harmoniser parfaitement l'opération Shiprider à l'organisme de surveillance actuel de la GRC, c'est-à-dire la commission des plaintes du public qui examine actuellement les activités et la conduite quotidienne de la GRC. Puisque l'organisme surveillera désormais de façon uniforme toutes les opérations Shiprider, bien des dispositions ont été supprimées de façon à simplement harmoniser le projet de loi à la Loi sur la GRC. Si jamais le gouvernement décidait de réintroduire son projet de loi visant à moderniser et à renforcer la Commission des plaintes du public contre la GRC, les dispositions du projet de loi actuel pourraient être modifiées conformément aux nouveaux pouvoirs de la commission.
Aux fins de notre analyse, j'aimerais souligner deux ou trois éléments. En ce qui concerne les autres activités de la GRC, trois dispositions du projet de loi diffèrent un peu de celles de la Loi sur la GRC.
Tout d'abord, il est possible de porter plainte contre un agent du programme Shiprider auprès d'un organisme provincial, et voici pourquoi. Puisque des agents de la Sûreté provinciale pourraient participer aux opérations Shiprider, comme nous l'avons déjà dit, nous voulons éviter à quiconque de frapper à la mauvaise porte, pour ainsi dire. Les citoyens ne savent pas toujours à quel organisme s'adresser, ni parfois à quel territoire de compétence. Si un organisme provincial participe à l'opération et qu'il existe un mécanisme de surveillance provincial, les citoyens pourront s'adresser à eux, après quoi les intervenants devront s'entendre sur la façon de traiter la plainte sur le plan administratif.
En deuxième lieu, le projet de loi exige la production de rapport aux provinces lorsque les opérations intégrées comportent à la fois des agents de la GRC et des agents de la Sûreté provinciale, qui sont tous des agents désignés du programme Shiprider en vertu de la Loi sur la GRC. L'organisme de surveillance doit donc faire parvenir son rapport annuel à la province en question puisque certains de ses agents participent au projet.
Pour terminer, le projet de loi permet la tenue d'enquêtes conjointes. Si, dans le cadre d'une opération intégrée, une plainte est déposée auprès des Américains ou d'une autre province, par exemple, il est inutile que deux organismes se penchent sur la même conduite ou le même problème. Il est alors possible de mener une enquête conjointe, mais ce n'est pas obligatoire.
Voilà certaines des modifications importantes en matière de surveillance. Le seul autre point que j'aimerais soulever est l'article 370, c'est-à-dire l'article proposé 50.1 qui se trouve à la page 279. La modification de l'article 370 précise que les dérogations liées aux pénalités prévues lorsqu'aucune enquête publique n'est demandée s'appliquent uniquement aux agents désignés américains.
À l'heure actuelle, les agents canadiens et les membres de la GRC qui ne demandent pas d'enquête auprès de la commission des plaintes du public s'exposent à une pénalité. Les agents sont donc incités à appuyer les enquêtes, sans quoi ils pourraient écoper d'une pénalité. En raison d'une erreur de rédaction, la dérogation prévue dans l'ancien projet de loi ne s'appliquait pas uniquement aux agents américains. Ces derniers ne sont pas assujettis aux pénalités, car l'accord-cadre exige qu'ils fassent de leur mieux pour que l'organisme de surveillance appuie l'enquête, mais aucune pénalité ne s'applique dans le cas contraire; c'est d'ailleurs réciproque. Or, le projet de loi S-13 exemptait malencontreusement les agents canadiens de donner un coup de main aux Américains, ce qui a été corrigé puisque ce n'était pas voulu.
La dernière modification dont j'aimerais parler ne figure pas dans le projet de loi puisqu'il s'agit d'une suppression. En fait, une modification apportée à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation a modifié cette disposition en conséquence. La disposition permettait aux agents étrangers de traverser la frontière en possession d'armes et de travailler sans devoir se soumettre à la réglementation sur l'exportation et l'importation. Bien franchement, puisque ce problème est déjà régi par une réglementation, la disposition est superflue et a été supprimée.
Les autres témoins ont-ils d'autres ajouts à mentionner?
M. Zigayer : L'article 371 propose de modifier la définition d'un « agent de la paix » du Code criminel de façon à y intégrer les activités accessoires aux opérations Shiprider, conformément à la disposition dont M. Wex parlait tout à l'heure.
La présidente : Les témoins ont-ils d'autres commentaires?
Dans ce cas, nous allons continuer les questions avec le sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Vous avez évoqué une des questions que je voulais vous poser, mais j'aimerais quand même vous demander des précisions. Vous avez dit que l'autorité centrale du Canada est le commissaire de la GRC. C'est donc lui qui nomme à titre d'agent désigné du programme Shiprider les agents de la Police provinciale de l'Ontario, les policiers des Premières nations ou tout autre agent de police, n'est-ce pas?
M. Wex : C'est exact.
Le sénateur Plett : Ma prochaine question coupe peut-être les cheveux en quatre, mais elle fait suite à la demande de la présidente en début de séance. Disons que vous êtes sur une rivière, que vous zigzaguez de part et d'autre de la frontière, et que vous finissez par arrêter un suspect sur le territoire canadien. Si le bateau dérive de l'autre côté — je suis certain que les agents jetteraient l'ancre —, le suspect pourrait-il faire appel sous prétexte qu'il a été appréhendé de l'autre côté de la frontière?
M. Zigayer : Lors de poursuites, monsieur le sénateur, le tribunal exige toujours, entre autres, que le territoire de compétence où l'infraction présumée a été commise soit établi. Quelle que soit l'infraction, il faut démontrer qu'elle a été perpétrée au sein de la même compétence territoriale que celle du tribunal. Le système de localisation GPS que M. Wex a mentionné tout à l'heure jouera un rôle primordial à cet égard, car s'il est impossible de prouver au tribunal que le crime a été commis sur son territoire, aucune déclaration de culpabilité n'est possible. La poursuite sera alors irrecevable.
L'ancre est essentielle, surtout si le bateau se trouve à proximité de la frontière, j'imagine. Il ne faut jamais oublier que seuls les crimes commis au Canada peuvent faire l'objet de poursuites au pays. Il en va de même aux États-Unis : si le bateau dérive en territoire américain, l'infraction perpétrée au Canada ne pourra plus faire l'objet d'une enquête ou de poursuites ici. En revanche, le geste commis, quel qu'il soit, constitue peut-être une infraction en vertu de la loi américaine, dans quel cas l'individu pourrait faire l'objet d'une enquête aux États-Unis et s'exposer à des poursuites là- bas — les rôles s'inversent en matière de direction des opérations.
Le sénateur Plett : Si nous arrêtions au Canada un individu ayant commis un crime aux États-Unis, nous tenterions de...
M. Zigayer : Ce n'est pas ainsi. Seuls les crimes commis au Canada sont passibles de poursuites au pays. Il existe deux types de crimes. Prenons l'exemple d'un crime punissable à la fois au Canada et aux États-Unis, comme la contrebande ou le trafic de stupéfiants. La possession de 2 000 livres de cocaïne dans le but d'en faire le trafic est illégale au Canada, alors c'est probablement le cas aussi aux États-Unis. Un suspect appréhendé et arrêté au Canada y sera traduit en justice aussi. Si un individu entre au Canada avec la police américaine à ses trousses, l'enquête, les poursuites judiciaires et la chasse à l'homme en vertu des lois américaines prendront fin à la frontière, mais une nouvelle poursuite commencera aussitôt. Ce sont désormais les lois canadiennes qui s'appliqueront. J'espère que c'est clair.
Le sénateur Plett : Pas vraiment, si quelqu'un vole une banque aux États-Unis et vient au Canada, le vol est manifestement illégal des deux côtés de la frontière. Comment est traité l'auteur de ce vol, s'il est arrêté en vertu du programme Shiprider?
M. Zigayer : Il s'agirait alors de l'autre type d'infraction. Le crime ayant été intégralement commis aux États-Unis, il ne relèverait pas de notre compétence, tout comme d'ailleurs des voies de fait ou une agression sexuelle qui se seraient produits aux États-Unis. Il s'agirait essentiellement de quelqu'un qui traverse la frontière et que nous pourrions arrêter pour infraction aux lois de l'immigration. Alors que cette personne est en détention, les États-Unis pourraient faire immédiatement des démarches en vue de son extradition et elle serait ensuite poursuivie aux États-Unis pour vol ou autre infraction. Essentiellement, le fait de traverser la frontière illégalement n'est pas aussi grave que de commettre un vol. On s'attendrait, évidemment, à ce que les Américains nous en informent.
Dans le cas contraire, on la relâcherait et, s'il s'agit d'un Américain, il serait probablement renvoyé aux États-Unis où il ferait l'objet d'une enquête policière.
Le président : Il s'agit de crimes commis dans un pays ou dans l'autre, par rapport à ceux qui se commettent littéralement sur la frontière, tels que le passage de drogue.
M. Zigayer : Exactement. On pourrait dire que ce genre de loi convient particulièrement dans les cas de passage de la frontière en contrebande ou de trafic de substances illégales, ou même d'immigration illégale.
Le sénateur Manning : À la page 274, dans le chapitre intitulé « Autorité centrale du Canada », le paragraphe proposé 7(2) stipule :
(2) La personne en cause ne peut être nommée que si elle a réussi la formation des agents désignés qui est agréée par l'autorité centrale du Canada.
8(1) L'autorité centrale du Canada peut nommer, à titre d'agent chargé du contrôle transfrontalier maritime de l'application de la loi, la personne physique qui remplit l'une ou l'autre des conditions suivantes...
Je me demande de quelle formation il s'agit. Nous avons, par exemple, les agents de la GRC qui seront formés en vertu de la loi canadienne. Si, en poursuivant quelqu'un qui est en fuite, ils se retrouvent en territoire américain, ils agiront alors aux termes de partenariats, mais y a-t-il une formation particulière pour ces agents chargés du contrôle transfrontalier maritime de l'application de la loi, outre celle qu'ils ont déjà reçue? Est-ce que cela s'applique également du côté des États-Unis?
M. Wex : Oui, il y a une formation particulière offerte aux agents qui participent au programme Shiprider. Les agents américains, par exemple, reçoivent une formation sur les réalités canadiennes concernant notamment l'utilisation de la force, la Charte, les droits et libertés, le cadre juridique général et le milieu, et cette formation est sanctionnée par un diplôme. D'autres témoins pourraient ajouter des commentaires à ce sujet.
M. Zigayer : Les agents de la GRC qui témoigneront après nous sont certainement mieux placés pour répondre à cette question. Mais il est certain qu'une formation particulière est offerte, comme composante essentielle du programme. On s'attendrait évidemment à ce que les agents canadiens connaissent mieux les lois canadiennes, mais les deux doivent être au courant des règles à suivre lorsqu'on traite avec des gens et lorsqu'on applique la loi canadienne. Il y a sans doute quelques légères différences sur la façon de se comporter d'un côté et de l'autre de la frontière, mais cela fait partie de la formation que l'on a offerte dans le cadre des projets pilotes, et que l'on continuera à offrir. Les dernières fois que les agents ont pu appliquer ce type de formation ont été en 2010, aux Jeux olympiques de Vancouver et à l'occasion du G20. À cette occasion, il y a eu une opération de sécurité maritime. Je suis sûr que la GRC pourra répondre à ce sujet.
Le sénateur Manning : Lorsque l'on discutait du dernier projet de loi dont le Sénat avait été saisi, on s'inquiétait du fait que la plupart des points dont il était question traitaient d'activités maritimes, à destination des États-Unis ou au retour vers le Canada.
A-t-on envisagé de donner une composante terrestre à cette formation? Qu'arrive-t-il lorsque vous poursuivez quelqu'un qui quitte l'eau pour aller sur terre? Je sais que la question a déjà été soulevée, mais qu'on n'y a pas répondu dans le contexte qui nous intéresse aujourd'hui. Quelqu'un peut-il répondre, s'il vous plaît?
M. Wex : Je vais commencer, mais peut-être que quelqu'un d'autre peut trouver l'article exact de la loi.
Bien sûr, toute la loi vise la frontière maritime et les cours d'eau communs entre le Canada et les États-Unis; cela ne concerne donc pas la frontière terrestre. Le programme Shiprider a trait uniquement aux bateaux.
Cela dit, il peut y avoir exceptionnellement des cas où l'on poursuit un suspect à bord d'un bateau qui arrive sur la rive et dont les occupants s'enfuient ensuite sur terre avec la contrebande. Les agents qui les poursuivent en bateau peuvent en même temps prendre contact avec la police locale, qui les arrêtera à leur arrivée. Même si la loi se limite généralement au contexte maritime, elle s'applique aussi aux territoires mitoyens aux cours d'eau communs.
M. Zigayer : Je vous renvoie à l'article 3 de l'accord-cadre, selon lequel, dans les circonstances exceptionnelles où le bateau aborde la rive, les deux agents peuvent quitter le bateau et poursuivre les fuyards en espérant que ces derniers soient interceptés par la police à terre.
Le sénateur Day : Il s'agit du projet de loi que nous aimerions faire adopter pour mettre en œuvre l'accord-cadre, n'est-ce pas?
M. Zigayer : Oui.
Le sénateur Day : Monsieur Zigayer, le paragraphe 4 du projet de loi dont vous souhaitez l'adoption semble utiliser une terminologie propre aux contrats ou aux protocoles d'entente. Êtes-vous convaincu que l'expression : « On reconnaît et déclare » crée des obligations juridiques et des droits?
M. Zigayer : Est-ce dans la déclaration de principes?
Le sénateur Day : Oui, au début, dans un style qui me semble très contractuel.
M. Zigayer : L'accord-cadre est essentiellement un contrat conclu entre le Canada et les États-Unis. Nous pensons qu'il s'agit d'un traité. La disposition en question constitue, je crois, une déclaration de principes. On la voit rarement, mais on la retrouve aussi dans d'autres parties de notre législation.
Le sénateur Day : Devrions-nous y voir le préambule d'une loi?
M. Zigayer : Une fois la loi entrée en vigueur, ce ne serait plus un préambule. Mais nous voulions l'inscrire dans la loi, car cela était important pour nous. Si vous les examinez bien, ce sont des questions clés. Lorsque nous avons consulté les procureurs généraux et les autres parties intéressées, comme les associations d'avocats, ils se sont beaucoup intéressé à certains de ces éléments; par exemple, le respect de la souveraineté. Ils voulaient par ailleurs que l'on s'assure qu'en sol canadien, les agents américains soient assujettis au droit canadien au cas où ils mèneraient des activités illégales, et que les opérations soient menées conformément à la règle du droit.
Tout le monde, que ce soit les procureurs, les procureurs généraux, les avocats de la défense ou autres, faisaient sans cesse valoir l'importance de ces principes. Ces principes faisant l'unanimité, nous estimions important de les faire figurer dans la loi, aux fins de son interprétation et de son application.
Sophie Beecher, conseillère juridique, Services juridiques, ministère de la Justice Canada : J'ajouterai ceci, si vous me le permettez. Les principes représentent un juste milieu entre le corps de la loi et le préambule. Ils sont là pour documenter le reste de la loi, mais c'est pratique de les avoir dans le corps du texte aussi parce que, comme l'a indiqué M. Zigayer, on peut s'y reporter comme à des éléments de la loi plutôt qu'à un préambule flou.
Le fait qu'ils figurent dans la loi plutôt que seulement dans l'accord, apporte plus de certitude. Ils s'imposent déjà aux deux parties aux termes de l'accord, mais, en étant contenus aussi dans la loi, ils sont accessibles à tous ceux qui la lisent.
Le sénateur Day : D'un point de vue juridique, aident-t-ils le juge à interpréter les autres dispositions de la loi?
Mme Beecher : Certainement, et un juge pourrait estimer qu'ils s'appliquent au reste de la loi et l'expliquent.
Le sénateur Day : Dans les principes, à la section 12, le sous-alinéa 4 b) (iii), dont nous avons déjà parlé, stipule que : « les opérations transfrontalières intégrées « doivent », et non « devraient » s'effectuer selon les directives d'un agent désigné du pays hôte. Or, dans son exposé, M. Wex a utilisé l'expression : « menées sous la direction et le contrôle » ou une autre expression du genre, alors que le texte de la loi indique « s'effectuer ». Y a-t-il une différence? Pourriez-vous expliquer votre interprétation de « menées sous la direction et le contrôle »?
M. Wex : Je ne suis pas sûr d'avoir utilisé « menées sous la direction et le contrôle » dans mon exposé, car l'expression aurait été soigneusement vérifiée avant que je la lise. Je l'ai peut-être utilisée, officieusement, dans une réponse à une question.
Le libellé exact doit être : « s'effectuer selon les directives d'un agent désigné du pays hôte ». C'est là l'objectif de la loi. On veut dire finalement que l'opération est effectuée en vertu du pouvoir exercé par le pays hôte.
Le sénateur Day : Il s'agit de l'opération policière et non de l'utilisation du véhicule que l'on pourrait utiliser à ce moment-là. Je tenais simplement à faire cette précision.
M. Wex : C'est tout à fait exact. Vous avez raison de le mentionner, car c'est important.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je présume que les Américains, de leur côté, ont eu à adopter des lois habilitantes pour permettre que cette entente s'organise. Où en est rendue cette législation?
[Traduction]
M. Wex : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Vous avez raison : tout comme nous, les Américains doivent légiférer la mise en œuvre de l'accord-cadre. D'ailleurs, ils ont déjà une loi autorisant des agents étrangers à être désignés comme équivalents d'agents de la paix en vertu du Code of Federal Regulations (Title 19 Customs Duties) et ils ont soumis au gouvernement du Canada une note diplomatique à cet effet.
Ils ont donc pris toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'accord-cadre que nous avons négocié avec eux en 2009. L'adoption de la loi permettrait de réaliser ce que les Américains ont déjà mis en œuvre.
Le sénateur Nolin : Pouvez-vous nous dire quand cela a eu lieu?
M. Wex : Je crois que c'était en 2009, mais je vous le confirmerai.
Stephen Bolton, directeur, Interopérabilité en matière de sécurité publique, Sécurité publique Canada : C'était en octobre 2009.
Le sénateur Nolin : Tout est donc fait, ils n'attendent que nous.
Ma deuxième question a trait à la situation aux États-Unis. M. Alan Bersin, qui était commissaire aux services douaniers et à la protection des frontières des États-Unis a témoigné devant le Sénat en mai dernier, faisant allusion à une évaluation conjointe des menaces et des risques. Êtes-vous au courant de cette évaluation? Je suppose que nous en faisions partie? Quel est le processus impliquant une telle évaluation?
M. Wex : Je connais bien M. Alan Bersin, qui est aujourd'hui secrétaire adjoint au Département de sécurité intérieure des États-Unis.
Je ne connais pas le document auquel vous faites allusion. Je sais par contre — et j'en profite pour le signaler au comité — que le Canada et les États-Unis procèdent régulièrement à des évaluations conjointes des menaces et des risques, et publient à ce sujet des documents qu'ils élaborent ensemble.
Le sénateur Nolin : Il les a mentionnés au moment de son témoignage, en mai 2011. Je comprends que nous en soyons informés, ainsi que des résultats, mais je voulais savoir si ces évaluations étaient positives.
M. Wex : Je ne peux pas vous dire exactement de quel document vous voulez parler, car il faudrait que je consulte la transcription des témoignages. Mais je vous le redis, je sais la part que nous y prenons. Nous préparons ensemble ces documents afin d'évaluer conjointement les menaces et les risques, ce qui nous permet de déployer nos ressources en conséquence. D'après ce que je comprends, ces évaluations nous permettent de prioriser les menaces par marchandises, lieux, groupes concernés, et cetera.
Les représentants de la GRC qui témoigneront prochainement seront mieux placés que moi pour vous donner des détails à ce sujet.
Le président : Où en est actuellement le programme Shiprider? S'agit-il toujours d'un projet pilote en attendant l'adoption de la loi?
M. Wex : Ce n'est pas un programme à proprement parler, il s'agit d'un modèle d'action policière qui, de l'avis des deux gouvernements, est efficace et comblera une importante lacune à nos frontières maritimes. Comme vous le savez, nous avons mené un certain nombre de projets pilotes.
Le projet de loi offre un cadre autorisant le déploiement d'opérations régularisées dans le cadre du programme Shiprider. En attendant son adoption, les opérations ne seraient menées que dans le cadre de projets pilotes, et cela fait un certain temps qu'il n'y en a plus.
Le président : Avez-vous une évaluation — et je poserai aussi la question aux représentants de la GRC — des succès ou des missions réalisés à ce jour?
M. Wex : Oui, j'en ai eu une. Comme nous l'avons indiqué au début, le premier projet pilote s'est déroulé en 2005. Il s'agissait de tester le concept : son application et ses capacités? On voulait aussi examiner les liens, la formation, la désignation, et cetera.
Le suivant s'est déroulé en 2007. D'une durée de deux mois, il s'est déployé dans la région de Cornwall et de la Voie maritime du Saint-Laurent. Il a eu des conséquences directes sur la criminalité. Il y a eu six demandes directes et les activités ont abouti à 41 arrestations supplémentaires. Il a permis en outre de retrouver un enfant qui avait été enlevé. Il a donné lieu à des saisies d'envergure, dont des cigarettes de contrebande d'une valeur de 1,4 million de dollars, quelques centaines de livres de marijuana et de la cocaïne, ce à quoi il faut ajouter des navires, des véhicules et de l'équipement d'une valeur considérable.
Les deux projets pilotes qui ont été menés en même temps et pendant deux mois sur la côte Ouest ont eux aussi donné de très bons résultats.
Comme M. Zigayer et d'autres l'ont fait remarquer, les Jeux olympiques de Vancouver ainsi que les sommets du G8 et du G20 ont donné lieu à d'importantes activités d'application de la loi qui ont fait ressortir la portée de ces projets pilotes.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Les navires qui vont sur les Grands Lacs, en particulier, ont la capacité de recevoir des hélicoptères à bord.
Dans l'application de ce projet de loi, y a-t-il des indications sur les méthodes qu'utilisent ces hélicoptères, avions ou drones pour la surveillance? Le cas échéant, qui reçoit l'information?
[Traduction]
Est-ce que les opérations sont gérées par le Marine Corps Operation Center (MSOC)? Quel est le statut de la plate- forme aérienne aux termes de la loi?
M. Wex : Merci, sénateur, de votre commentaire sur le soutien aérien. À la page 273 de l'accord figure une clause prévoyant la nomination d'un pilote ou d'un copilote.
L'idée est d'avoir un appui aérien — essentiellement « l'œil dans le ciel » du navire Shiprider — qui assure la surveillance. Il ne s'agit pas de faire appliquer directement la loi, mais plutôt d'aider le navire à être plus sensible à son environnement. Par exemple, si une embarcation suspecte se cache derrière une île et que le navire Shiprider l'a perdue de vue, c'est là qu'intervient l'appui aérien, comme outil supplémentaire très utile.
Cela relèverait encore du pays hôte, et les agents qui piloteraient ces appareils recevraient également la formation requise et seraient désignés comme des agents participant au programme Shiprider.
Le sénateur Dallaire : Vous dites qu'il s'agit d'une extension de la surveillance. Ces appareils sont-ils armés?
M. Zigayer : Non. Si les personnes dans l'appareil sont des agents de la paix et portent leur arme de poing, ce sont les seules armes à bord. Sinon, nous parlons d'un appareil d'observation et de bateaux assez petits.
La dernière fois que je suis venu témoigner, j'ai apporté des photos. Nous parlons d'embarcations pneumatiques à coque rigide, qui sont assez petites. Un hélicoptère ne peut pas s'y poser.
Le sénateur Dallaire : Je ne m'inquiète pas pour ce qui est de notre côté.
M. Zigayer : Je crois que les deux côtés fourniront le même type d'équipement pour les opérations, car une partie de la formation porte également sur l'utilisation des bateaux en question.
En fait, comme la GRC pourra vous le dire, la formation porte sur le droit, les questions pratiques et les politiques, ainsi que sur la façon de monter sur un bateau et d'en descendre. Les membres de la Garde côtière ont certes beaucoup d'expérience à ce chapitre, mais pour de nombreux agents de la GRC, c'est nouveau. Ils excellent dans d'autres fonctions.
Le sénateur Dallaire : Il y a des ressources à l'échelon provincial et municipal. On n'a pas clairement défini, la dernière fois, dans quelle mesure elles participeront au programme Shiprider. Est-ce que ce sont les municipalités qui s'occupent des quais? Est-ce la GRC, la province, et peut-être ensuite les municipalités? Comment gérerait-on une situation donnée?
M. Zigayer : Les opérations Shiprider seraient menées en relation avec les accords d'application de la loi existants, qu'ils soient coopératifs ou autre, mais les agents désignés du programme Shiprider auraient une mission précise. Il pourrait s'agir d'agents des forces de police municipales ou provinciales, ou de la GRC.
En fait, des policiers municipaux ont participé au projet pilote de 2007 à Vancouver, et on peut s'attendre à ce que nos partenaires provinciaux et municipaux soient invités à participer au programme — davantage de personnes participeront.
Le sénateur Dallaire : Cela comprend-il les corps policiers autochtones?
M. Zigayer : Tout à fait.
Le sénateur Day : Prévoyez-vous que le pilote et le copilote pourront effectuer une opération tout seuls, sans qu'il y ait de bateau?
M. Wex : Non.
Le sénateur Day : Cela doit se trouver dans votre document d'information.
Que prévoyez-vous faire pour éviter d'être submergés par un partenaire américain beaucoup plus important? Est-il prévu dans le protocole qu'il y aura un nombre égal d'agents désignés pour chaque pays? Comment pouvons-nous avoir l'assurance qu'il n'y aura pas un seul et unique agent pour 10 000 bateaux américains, et que ce seront les agents américains qui s'occuperont de pratiquement tout?
La présidente : Ne voudrions-nous pas avoir accès à cet équipement?
Une voix : J'allais dire que ce serait une bonne chose.
Le sénateur Dallaire : Ce serait encore la guerre de 1812.
M. Wex : La loi ne prévoit pas de ratio. Toutefois, dans la mesure où nous pouvons avoir accès à la plate-forme et aux véhicules américains, c'est avantageux, puisque lorsqu'ils entrent sur notre territoire, ils deviennent en quelque sorte des agents canadiens, et nous obtenons ainsi des ressources importantes.
Votre question comporte des enjeux implicites.
Le sénateur Day : Oui, je pense qu'il y a d'autres enjeux. Je ne prendrais pas cela à la légère, pour tout dire.
M. Wex : Ce n'est pas ce que je fais, mais nous pourrions tirer parti de ces ressources, ce qui est également important pour nous. Pour répondre directement à votre question, il n'y a rien à ce sujet dans la loi.
Les représentants de la GRC ou M. Bolton voudront peut-être ajouter quelque chose.
M. Bolton : Je voulais simplement dire que nous en avons l'assurance en ce sens qu'il y a une autorité centrale, soit le commissaire de la GRC. Il désignera les agents américains qui travailleront au programme; les Américains ne pourront donc pas faire entrer 5 000 personnes sans que le commissaire de la GRC ne le remarque. Ils seront désignés. Un mécanisme de contrôle est prévu dans la mesure législative.
Le sénateur Nolin : Le sénateur Dallaire, dans sa question, a parlé de drones. De toute évidence, ils n'ont pas de pilote. À l'article 8, on parle de pilotes et de copilotes, mais on sait que les Américains utilisent déjà des drones pour protéger leurs frontières.
[Français]
Est-il est possible d'imaginer — et je vais utiliser les mêmes mots que vous utilisez dans l'article 8 : « et qui est utilisé pour fournir des services de soutien aérien dans le cadre d'une opération transfrontalière intégrée », est-il possible que les Américains, qui utilisent déjà ce type d'équipement pour rendre les services que je viens de décrire, puissent survoler le territoire canadien en support à une activité couverte autrement par Shiprider?
M. Zigayer : C'est vrai que les Américains utilisent déjà des drones, des prédateurs assez larges.
Le sénateur Nolin : Qui sont armés.
M. Zigayer : Pas sur notre frontière, mais en Afghanistan, oui. Ils sont assez larges. Ils sont basés à Grand Forks, North Dakota. Je les ai visités. Leur mission, pour l'instant, c'est la frontière des Prairies. Mais l'article en question n'envisage pas vraiment ce genre d'activité. Si on regarde l'article, on parle d'un équipage, un équipage sur l'avion.
Le sénateur Nolin : Non, mais ma question, c'est parce que, premièrement, le sénateur Dallaire a fait référence aux aéronefs non habités, et moi, j'en suis sur la question de l'appui technique. Si les Américains se servent en appui technique à une opération, est-ce que, si cette opération, — parce qu'elle est en progrès et que les Américains décident, de concert avec les Canadiens, que cette opération fait partie de Shiprider, est-ce que le drone va rester aux États-Unis ou il va poursuivre au Canada? Voilà ma question.
M. Zigayer : Pour l'instant, je crois que le drone va rester au-dessus de la terre.
Le sénateur Nolin : Aux États-Unis
M. Zigayer : Alors, il n'y aura pas de problème.
[Traduction]
Le sénateur Peterson : J'ai une question à poser sur les données de surveillance canadiennes qui seront probablement recueillies durant ces opérations, tant par les tours que les drones. Où ces renseignements se retrouveront-ils et quelles seront les mesures de contrôle qui nous permettront de savoir ce qui se passe?
M. Wex : Je vais d'abord parler des dispositions générales relatives à la communication des renseignements, si vous le voulez bien, puis je demanderai aux autres de compléter.
Beaucoup de travail a été accompli dans ce dossier en ce qui concerne le régime de communication des renseignements. Honnêtement, d'après tout ce que j'ai vu et entendu et ce qu'on m'a dit, il semble que la norme exemplaire, pour ce qui est de la communication de renseignements dans le cadre des modèles collaboratifs d'application de la loi, soit d'une part, de s'assurer de la communication des renseignements pour les opérations d'application de la loi afin que le travail soit accompli et, d'autre part, de tenir compte des attentes des Canadiens relativement à la protection de la vie privée.
On tente d'atteindre un équilibre entre les deux. Il y a une structure de communication de renseignements qui se trouve dans l'accord-cadre, notamment, et qui est composée de volets, si l'on veut.
Le premier volet, essentiellement, concerne le fait que sa portée est limitée; les renseignements sont donc communiqués uniquement à des fins d'application de la loi aux frontières entre le Canada et les États-Unis. Si on veut utiliser ou divulguer ces renseignements autrement, ont doit généralement obtenir le consentement de l'autre partie. C'est nouveau.
Il existe des exceptions où le consentement n'est pas requis en vertu des lois internes de l'autre pays. Ici, comme aux États-Unis, les renseignements doivent parfois être communiqués à d'autres organismes. Dans ces cas, l'accord-cadre et l'arrangement conclu avec les États-Unis dans ce contexte prévoient qu'il faut en donner avis; des dispositions relatives aux avis sont donc requises dans ces circonstances exceptionnelles.
De plus, l'accord-cadre prévoit que des arrangements écrits doivent être conclus entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne la communication de renseignements, leur collecte, leur utilisation, leur communication élargie et leur destruction, ainsi que d'autres éléments. Par conséquent, l'accord-cadre, qui a déjà été négocié, prévoit et exige que les parties concluent d'autres arrangements écrits afin de limiter de façon adéquate le problème que vous avez soulevé.
Je ne sais pas si quelqu'un d'autre voudrait ajouter quelque chose.
Mme Beecher : Je peux compléter la réponse. Vous avez parlé de la collecte des renseignements, pas seulement de la communication. Généralement, quand nous collaborons avec les États-Unis, nous nous communiquons les renseignements parce que nous sommes des deux côtés de la frontière. Dans ce cas-ci, les agents américains recueilleront des renseignements sur le territoire canadien, et nous avons prévu cela dans l'accord-cadre; l'article 14(5) porte expressément sur la collecte des renseignements. Les agents américains au Canada seront tenus de respecter les mêmes règles relatives à la communication de renseignements pour les renseignements qu'ils recueillent lorsqu'ils se trouvent en territoire canadien.
Le deuxième élément à ajouter est que nous avons l'article 14(6), qui se trouve dans l'accord-cadre même. Nous avons la possibilité d'imposer des restrictions supplémentaires quant à la communication de renseignements lorsque ces renseignements sont particulièrement sensibles, et si vous consultez ce paragraphe, vous verrez que le participant qui reçoit les renseignements dispose de deux choix. Il peut soit accepter ces restrictions supplémentaires, soit simplement indiquer qu'il refuse de recevoir les renseignements. Je dirais que c'est une dimension additionnelle à cette approche multidimensionnelle à l'égard de la communication de renseignements.
La présidente : Merci beaucoup. Je tiens à remercier nos témoins d'être revenus pour répondre à d'autres questions à ce sujet. Nous vous sommes reconnaissants de nous fournir des renseignements détaillés et même de discuter de certaines de nos hypothèses.
En vertu de la mesure législative relative au programme Shiprider, le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada ou son délégué représente l'autorité centrale du Canada et a la responsabilité de la direction et de la gestion des opérations transfrontalières intégrées en coopération avec l'autorité centrale des États-Unis. Les agents de la GRC ont participé aux projets pilotes Shiprider et joueront un rôle important lorsque débuteront les opérations transfrontalières intégrées, après l'adoption de ce projet de loi.
Pour nous expliquer quelques-unes des modifications à la mesure législative relative au programme Shiprider du point de vue de la GRC, nous avons le plaisir d'accueillir à nouveau Mike Cabana, sous-commissaire, Exécution des lois fédérales, et Joe Oliver, surintendant principal, directeur général, Intégrité des frontières.
Je crois que le sous-commissaire va faire une déclaration préliminaire.
Mike Cabana, sous-commissaire, Exécution des lois fédérales, Gendarmerie royale du Canada : Je remercie le sénateur et les membres du comité de donner à la GRC l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui pour discuter de la section de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable traitant des opérations transfrontalières intégrées de contrôle d'application de la loi. Je suis accompagné aujourd'hui, comme l'a souligné le sénateur Wallin, du surintendant principal Joe Oliver, directeur général de l'Intégrité des frontières, que je considère comme un expert en la matière.
Je suis heureux d'être des vôtres pour parler d'un sujet qui importe beaucoup aux Canadiens et aux Américains, soit la sécurité de notre frontière commune.
[Français]
Les États-Unis et le Canada entretiennent depuis longtemps une relation de collaboration. Au cœur même de cette relation, il y a une frontière longue de 8 800 kilomètres que nous partageons. Notre frontière commune est unique, à la fois par sa longueur, sa géographie et par le volume commercial qui la franchit.
Malheureusement, la criminalité transnationale menace toujours la sécurité publique et la sécurité nationale. La criminalité transfrontalière est un problème binational qui a des implications à la fois pour les citoyens canadiens et les citoyens américains.
Les organisations criminelles ne s'arrêtent pas aux frontières des territoires de compétence. Au contraire, elles exploitent à des fins illicites les faiblesses qu'occasionnent le découpage des champs de juridiction aux frontières internationales. En réaction, les partenaires en matière de l'application de la loi doivent continuer d'inventer des stratégies modernes et pertinentes pour renforcer l'intégrité des frontières, des modèles novateurs d'application transfrontalière de la loi qui optimisent les ressources policières des deux pays.
[Traduction]
Comme les membres du comité le savent, aucune organisation n'a à elle seule la responsabilité ni la capacité de protéger notre frontière commune. C'est pourquoi des initiatives comme les équipes intégrées de la police des frontières, qui sont bien établies, ainsi que les plus récentes opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi, que l'on appelle couramment Shiprider, illustrent bien comment la relation des organismes d'application de la loi est passée de la coopération à la collaboration, puis à l'intégration.
Ces initiatives montrent comment nous continuons à renforcer nos partenariats. La Loi sur les opérations transfrontalières intégrées de contrôle d'application de la loi permettra d'approfondir la coopération canado- américaine en matière d'application de la loi et de renforcer nos capacités transfrontalières de lutte contre la criminalité.
Le programme Shiprider constitue une véritable stratégie d'intégration pour lutter contre la criminalité transfrontalière sur les voies navigables qui sont partagées entre le Canada et les États-Unis. Pour les besoins de Shiprider, l'équipage des bateaux est en partie canadien et en partie américain et constitué d'agents d'application de la loi désignés et dûment formés, autorisés à faire appliquer la loi de part et d'autre de la frontière internationale. Ces agents d'application de la loi canadiens et américains travaillent ensemble, sont armés et peuvent franchir la frontière sans ambages afin d'enrayer la criminalité transfrontalière sur nos cours d'eau communs.
Auparavant, il nous était impossible de poursuivre les criminels au-delà de la frontière, et ils le savaient. Tout ce qu'ils avaient à faire était de franchir la ligne internationale afin d'échapper aux arrestations et aux poursuites. Contrairement aux agents d'application de la loi, les criminels ne respectaient pas les limites du pays et se servaient de cet avantage.
Maintenant que nous avons les pouvoirs voulus grâce au programme Shiprider, les criminels ne peuvent plus se réfugier derrière la frontière afin de se soustraire à la justice et à l'obligation de rendre des comptes. La GRC et la Garde côtière américaine peaufinent l'initiative Shiprider depuis 2005, année du premier projet pilote. Depuis, il y a eu plusieurs projets pilotes Shiprider, notamment celui mené durant les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver et l'autre, lors du Sommet du G20, sur le lac Ontario.
Depuis la tenue du premier projet pilote, la formation revêt une grande importance. Pour participer aux opérations du programme Shiprider, les agents des services canadiens et américains d'application de la loi doivent suivre et réussir la formation poussée offerte par le Federal Law Enforcement Training Center, à Charleston, en Caroline du Sud.
Formation véritablement binationale, assurée par des instructeurs canadiens et américains, elle comprend des séminaires en classe, des études de cas et des scénarios ainsi qu'une formation à la navigation. Mais surtout, les participants acquièrent une pleine compréhension des lois criminelles, des lois protégeant la vie privée et des politiques connexes, tant canadiennes qu'américaines, et apprennent ce que sont les pouvoirs d'application de la loi et les procédures opérationnelles maritimes propres à leurs pays respectifs.
[Français]
Un autre élément très important du modèle Shiprider est la présence intégrée de clauses de protection. Les opérations Shiprider adhèrent aux principes de réciprocité et de souveraineté et reconnaissent l'importance de respecter les droits fondamentaux, les libertés et la primauté du droit propre à chacun des deux pays. Bien que Shiprider lève les obstacles de juridiction associées à la frontière internationale, toutes les opérations de Shiprider menées en territoire canadien furent et vont continuer à être menées conformément aux lois et aux politiques canadiennes, et elles seront mises en œuvre sous la direction et le contrôle d'un agent d'application de la loi canadien. Il en va de même pour les Américains en eaux américaines.
Le commandement de toutes les opérations est confié au pays hôte. Les agents d'application de la loi n'appliquent que les lois du pays hôte et les procès se tiennent dans le pays où l'infraction a été commise.
[Traduction]
Les organisations criminelles sophistiquées exploitent les vulnérabilités des frontières, de la géographie et des modèles de répression. Ils en profitent pour faire passer la frontière entre le Canada et les États-Unis à des gens et à des marchandises comme des stupéfiants, de l'argent, des armes à feu et du tabac de contrebande.
Les criminels adaptent et étendent constamment leurs activités, ce qui met en péril l'intégrité de la frontière et pose une réelle menace à la sécurité et à la sûreté de nos deux pays. La sécurité des frontières ne doit souffrir aucun relâchement. Il nous faut constamment rester vigilants et travailler avec les États-Unis afin de trouver des solutions dans le but de surmonter les obstacles pour une application transfrontalière de la loi de plus en plus efficace.
Notre façon de nous attaquer à ces difficultés, c'est l'établissement de partenariats authentiques et la mise en place d'idées et de solutions novatrices, comme Shiprider. Le projet de loi sur les opérations intégrées transfrontalières d'application de la loi va permettre à la GRC de rendre l'initiative Shiprider opérationnelle et d'accroître notre capacité de mobiliser les ressources et de supprimer la criminalité transfrontalière dans l'environnement marin. Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur le sous-ministre adjoint. J'aurais un mot à vous dire, monsieur le surintendant principal Oliver, parce qu'on vient de dire que vous êtes le principal expert en la matière. D'autres témoins nous ont dit avoir mené des consultations approfondies après la dernière tentative d'adoption du projet de loi. Estimez-vous qu'on a tenu compte de certaines de vos préoccupations, ou s'agit-il plutôt de modifications recommandées par d'autres organismes d'application de la loi?
Surintendant principal Joseph Oliver, directeur général, Intégrité des frontières, Gendarmerie royale du Canada : Je pense que les amendements ou les modifications entre le projet de loi S-13 et le projet de loi C-38 tiennent compte de certaines des lacunes possibles que nous avons cernées, particulièrement en ce qui concerne les certificats et les activités accessoires. Au moment d'examiner le libellé technique dans la dernière mouture du projet de loi, nous avons constaté qu'il y avait une lacune possible, mais implicite, sur le plan des pouvoirs pour les agents en visite qui devaient porter des armes interdites en direction et en provenance de leur lieu de travail. Je crois donc que de telles dispositions viennent combler certaines de ces lacunes.
Le président : Merci de votre réponse. Nous allons passer à la période de questions en commençant par le sénateur Dallaire.
[Français]
Le sénateur Dallaire : La voie maritime est une voie internationale, c'est-à-dire que beaucoup de navires internationaux y naviguent. Les équipes d'abordage ont des raisons de fouiller un navire étranger qui navigue vers un centre américain ou canadien.
Est-ce que ceci se fait dans le contexte de l'application de Shiprider ou est-ce qu'il y a un élément spécial qui doit être considéré compte tenu du fait que ces navires proviennent d'un pays tiers?
M. Cabana : Les navires sont assujettis aux lois du pays où ils naviguent.
[Traduction]
M. Oliver : Les pouvoirs prévus par l'initiative Shiprider permettent de mettre à profit nos ressources et d'assurer la désignation réciproque. Pour ce qui est des objectifs, le pouvoir d'arraisonner le navire et de le fouiller est prévu par d'autres mesures législatives, comme la Loi sur les douanes et nos lois sur l'immigration. Ces dispositions s'appliquent, dans le contexte frontalier, s'il existe des motifs raisonnables de soupçonner une infraction, mais on prévoit également des pouvoirs pour arraisonner des navires en cas d'infraction aux règles de sécurité dans le contexte maritime.
Dans les Grands Lacs, nous avons plus de chances de tomber sur des navires enregistrés au Canada et aux États- Unis, mais si l'initiative Shiprider est déployée au large des côtes, on pourrait également avoir affaire à des navires étrangers. Toutefois, dans le contexte des activités liées à l'initiative Shiprider, on parle en général de petits bateaux plutôt que de navires.
Sur le plan opérationnel, dans le cadre de l'initiative Shiprider, il ne serait pas nécessairement approprié de tenter de monter à bord d'une grande frégate qui arrive peut-être d'outre-mer et qui entre dans le détroit de Georgie. Nous aurions plutôt recours à l'Agence des services frontaliers du Canada pour inspecter le navire, une fois arrivé à bon port.
Le sénateur Dallaire : Cela m'amène à la question de la collecte de renseignements pour déterminer les sources de menace. Si nous en parlons, ce n'est pas parce que nous voulons mettre fin à la contrebande des cigarettes. Le but, c'est de renforcer notre sécurité dans le contexte d'une menace internationale croissante, notamment le trafic d'armes et le passage de personnes, pour faire Dieu sait quoi. On pourrait transporter n'importe quoi d'autre. Cette menace pourrait entrer dans notre territoire ou nos cours d'eau de l'extérieur ou encore se produire à l'intérieur de nos cours d'eau. Dans votre réponse, vous ne m'avez pas dit si vous donnez une formation sur l'arraisonnement d'un navire, mais c'est une autre histoire.
La structure des services de renseignements est-elle maintenant dotée d'une fonction électronique intégrée? Vos ordinateurs communiquent-ils entre eux et permettent-ils une communication entre vous, la province, la Garde côtière, les services frontaliers et les Autochtones? Dans quelle mesure cet échange de renseignements est-il structuré pour ce qui est de colliger et de diffuser de l'information afin de prendre les mesures appropriées?
M. Cabana : Je vais essayer de répondre de mon mieux, mais il s'agit en fait d'une question assez vaste.
Le sénateur Dallaire : Parlez-nous aussi du matériel classifié.
M. Cabana : Si votre question est de savoir précisément s'il existe un seul système qui permet à tous les organismes d'application de la loi et organismes gouvernementaux de partager de l'information en temps réel, malheureusement, ma réponse est non. Le mieux que nous ayons est probablement l'ASIS, qui est le système de choix pour les organismes d'application de la loi afin de partager des renseignements. Toutefois, il existe des mécanismes au sein de diverses collectivités. Il y a des initiatives destinées à faciliter le partage de l'information en temps réel. Pensons aux Centres des opérations de la sûreté maritime qui accueillent un certain nombre de différents organismes fédéraux, provinciaux et municipaux. Leurs systèmes et leur personnel sont situés au même endroit afin de pouvoir effectuer des recherches et partager les renseignements, dans la mesure du possible, en temps réel.
Par conséquent, il n'existe pas de système unique, mais les processus nécessaires sont en place pour faciliter le plus possible le partage de l'information.
Le sénateur Dallaire : À quelle fréquence menez-vous des exercices officiels qui tiennent compte de tous les différents plans d'urgence possibles afin de coordonner tout cela?
Par exemple, dans votre centre de collecte de renseignements maritimes, combien y a-t-il d'Américains sur place qui vous transmettent de l'information, ou cela se fait-il simplement par voie électronique? Y a-t-il des agents d'échange des deux côtés pour protéger, disons, les droits de la personne ou les libertés de nos citoyens puisque les Américains ont une perspective différente de la nôtre sur cette question?
M. Cabana : Il y en a, et on fait des échanges. Je sais que c'est le cas à Niagara; des Américains travaillent sous le même toit que nous, et certains de nos membres travaillent aussi dans leur centre afin de faciliter cet échange. On a mis en œuvre des processus et des protocoles, comme vous l'avez souligné, pour protéger la vie privée et la sécurité des Canadiens et pour s'assurer que les données canadiennes dont on dispose sont bien conservées et partagées.
Je ne sais pas si M. Oliver souhaite ajouter quelque chose.
M. Oliver : Je pourrais peut-être ajouter quelques observations. Tout d'abord, le Centre des opérations de la sûreté maritime, qui est situé dans la région de Niagara, se trouve au même endroit que Transports Canada, les Forces canadiennes, le ministère de la Défense nationale, l'Agence des services frontaliers du Canada, la Garde côtière canadienne et la GRC. De plus, on y trouve un représentant de la Garde côtière américaine.
Il s'agit d'un centre de fusion pour la connaissance de la situation dans le domaine maritime. On tire également parti des technologies disponibles, comme les radars et les caméras, afin d'assurer une meilleure connaissance de la situation.
Nous avons échangé un agent de renseignements de la GRC avec l'Operational Integration Center, qui est une entité équivalente du côté américain, située sur la base aérienne de Selfridge et dirigée par le service américain des douanes et de la protection des frontières. Ce centre assure la connaissance de la situation pour ce qui est des technologies et des actifs du côté américain de la frontière.
Par conséquent, il y a des mécanismes qui permettent de partager cette information, au besoin.
Par ailleurs, l'Équipe intégrée de la police des frontières produit, chaque année, une évaluation des menaces fondée sur les données de l'Agence des services frontaliers du Canada, de la GRC, de la Garde côtière américaine, du service américain de l'immigration et des contrôles douaniers et du service américain des douanes et de la protection des frontières. On prépare une évaluation annuelle des menaces qui tient compte de chacune des régions visées par les équipes intégrées de la police des frontières, qui établit le nombre de groupes criminels organisés dans chaque région et qui détermine les types de crimes qui y sont généralement commis.
Même si on met toujours l'accent sur la sécurité nationale dans le contexte d'une menace terroriste — c'est notre priorité absolue —, en réalité, dans le cadre de nos interactions quotidiennes, la menace principale que nous rencontrons est le crime organisé et les entrepreneurs criminels. Bien que tout le monde soit à l'affût de menace terroriste, la réalité est que nous avons affaire à des menaces de crime organisé dans nos activités quotidiennes.
Cette information est partagée. Cela nous aide à coordonner notre collaboration et à cerner les domaines prioritaires où répartir nos ressources.
Le président : Merci pour cette précision, parce que je sais que vous avez dit que ce programme n'était pas conçu à cette fin, mais cela en fait partie intégrante.
Le sénateur Plett : Pouvez-vous nous parler un peu de la genèse de l'initiative Shiprider? Quel a été le point de départ? Était-ce les Jeux olympiques? Qui en a eu l'idée : le gouvernement, la GRC ou la Garde côtière canadienne? Je pose la question pour une raison.
M. Cabana : Je vais laisser M. Oliver fournir les détails parce qu'il travaille pour la direction de l'intégrité des frontières depuis plus longtemps que moi. Il en connaît bien l'historique. Quant à moi, je peux confirmer que la création ou la genèse de l'initiative Shiprider a commencé bien avant les Jeux olympiques. Les discussions ont débuté avant même le premier projet pilote, qui a été lancé, je crois, en 2005. C'était le fruit d'une discussion entre des organismes canadiens et américains au sujet des lacunes qui existaient, dans le but de venir à bout de certains des crimes commis dans le contexte maritime.
M. Oliver : Je pense qu'il s'agissait d'une idée d'application de la loi à l'échelle locale. Elle reposait, en partie, sur les nombreuses années d'expérience de la Garde côtière américaine, qui avait mené une opération appelée Shiprider dans les Caraïbes, lui permettant d'obtenir l'autorité d'un pays hôte. Toutefois, l'initiative dont nous sommes saisis n'est pas exactement la même chose. Elle est entièrement réciproque, c'est-à-dire que les agents sont désignés réciproquement des deux côtés de la frontière. Dans le modèle que les États-Unis utilisent à l'étranger, c'est uniquement la Garde côtière américaine qui reçoit des pouvoirs du gouvernement étranger.
Quant à savoir pourquoi nous avons envisagé d'intégrer ce type de pratique innovatrice en matière d'application de la loi à la frontière canado-américaine, cela revient précisément à ce qu'on a dit dans les observations préliminaires, et d'autres en ont également parlé : les organisations criminelles profitent du fait que nous devons respecter nos frontières et ne pas les dépasser. Dans certains cas, lorsque nous avons tenté d'interdire l'entrée d'un navire sur nos cours d'eau communs, le navire s'est enfoui dans l'autre territoire, évitant ainsi d'être appréhendé. D'ici à ce que nous parvenions à communiquer avec nos homologues américains, le navire était déjà en lieu sûr, sans avoir été arrêté.
Le sénateur Plett : Une des raisons pour lesquelles je pose la question, c'est parce que nous partageons, comme vous l'avez dit, monsieur le sous-commissaire, une frontière longue de 8 800 kilomètres. Je viens des Prairies, où on trouve quelques cours d'eau entre le Canada et les États-Unis, mais il n'y en a pas beaucoup. Par conséquent, pourquoi ne sommes-nous pas allés un peu plus loin en incluant également les ressources terrestres et aériennes dans cette initiative? Après tout, il y a des véhicules tout-terrain qui peuvent servir à commettre presque les mêmes crimes qu'on rencontre sur les eaux; il y a aussi de petits avions qui pourraient transporter des stupéfiants et des armes entre les frontières. Alors, pourquoi ne pas avoir inclus toutes ces possibilités?
M. Cabana : Premièrement, les discussions ont d'abord porté sur le contexte maritime et, deuxièmement, nous avons décidé d'avancer à petits pas. Si nous avons décidé de commencer avec la marine, c'est simplement parce que c'était un environnement contrôlé essentiellement par deux organismes chargés de la frontière maritime.
On a donc jugé que c'était probablement le point de départ le plus logique pour explorer les possibilités, essayer de repérer les lacunes qui existent et décider si une telle approche pourrait aider à les combler.
M. Oliver : À mon avis, c'était surtout le fait que nous avons reconnu, dès le début, que cette approche soulèverait des inquiétudes concernant la souveraineté, la protection de la vie privée et les libertés civiles des Canadiens. Nous avons également reconnu que nous essayons d'intégrer des procédures de formation, des instructions permanentes d'opération et différentes cultures organisationnelles. D'une part, il y a la Garde côtière, qui est essentiellement un organisme d'application de la loi maritime, et, d'autre part, il y a la GRC.
Conscients de tous ces facteurs, nous avons dit : faisons de petits pas. Commençons par deux organismes pour mettre à l'essai le concept. Démontrons aux Canadiens et aux Américains qu'une telle approche pourrait fonctionner. Évaluons-la; améliorons-la. Puis répétons la mise à l'essai, l'évaluation et l'approbation. Nous avons mené cet exercice jusqu'à ce que les deux gouvernements soient satisfaits de l'approche. Ce n'est qu'à ce moment-là que les négociations ont commencé pour établir l'accord-cadre. Et aujourd'hui, nous voici rendus à la prochaine étape, celle de créer des lois pour le mettre en application.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup. Je suis conscient du fait qu'il s'agit d'un petit pas. Le sénateur et moi avions espéré qu'une partie de cela aurait eu lieu dans les Prairies.
La présidente : Dans le monde d'après le 11 septembre, nous devons nous occuper de l'ensemble des 8 000 kilomètres.
Le sénateur Day : Pourriez-vous nous donner une idée de la façon dont cela fonctionnera au Federal Law Enforcement Training Center américain, à Charleston, en Caroline du Sud? Combien de personnes avons-nous envoyées en formation là-bas? Y a-t-il des cours dispensés régulièrement?
M. Cabana : Il y a des cours annuels. Cette année, il y a eu trois collations des grades. En fait, je pars demain pour aller assister à la dernière collation des grades en Caroline du Sud.
Cette année, il y a eu trois classes de 28 personnes, tant des Canadiens que des Américains, et je crois que la formation est offerte depuis trois ans. La formation a été adaptée en fonction des leçons apprises et de la compilation des connaissances. Donc, dans le cadre de la mise en œuvre du projet pilote, des problèmes ont été identifiés, la formation a été modifiée et l'année suivante, les gens ont reçu une formation adaptée.
Pour ce qui est des chiffres réels, je crois que jusqu'à maintenant, près de 140 policiers canadiens et américains ont été formés.
Le sénateur Day : Le chiffre de 28 personnes que vous nous avez donné, ce ne sont pas uniquement des Canadiens. Il y a aussi des Américains dans cette classe? Est-ce combiné?
M. Cabana : Oui. Parmi les représentants canadiens, il y a des représentants des corps policiers des Premières nations, et il y a eu aussi des représentants des corps policiers municipaux et provinciaux.
Le sénateur Day : Disons que près de 100 Canadiens ont été formés au cours des trois dernières années. Dès lors qu'ils ont reçu la formation, sont-ils désignés? S'agit-il simplement d'une des compétences des 100 policiers ou sont-ils chargés d'une opération précise?
M. Cabana : Ce sont des membres du programme Shiprider dûment formés, tant au Canada qu'aux États-Unis. Ils seront désignés lorsqu'une initiative ou un projet sera mis en œuvre dans le cadre du programme Shiprider. À ce moment-là, les membres seront choisis et les autorités centrales des deux pays procéderont au processus de désignation.
Le sénateur Day : Ils demeureront des agents désignés tant que cette opération précise sera en cours, puis ils redeviendront des agents accrédités et feront un autre travail?
M. Cabana : Tout au long de leur participation à une opération dans le cadre du programme Shiprider, ils seront considérés comme désignés.
Le sénateur Day : Cela pourrait être plusieurs opérations se déroulant sur plusieurs années?
M. Cabana : C'est exact. Si Shiprider devient une entité permanente dans une certaine région du pays, à ce moment- là, il y aura des transferts, de nouveaux membres seront formés et ce sera simplement un roulement normal.
Le sénateur Day : Pourriez-vous me dire le coût de la formation? Est-ce payé par la GRC ou le corps policier municipal qui envoie un policier en formation? Cela provient-il du budget de fonctionnement ou prévoyez-vous revenir demander plus de fonds lorsque la mesure législative sera adoptée?
M. Cabana : Jusqu'à maintenant, pour ce qui est des coûts de la formation, le Canada assume les frais de déplacement et les dépenses des membres qui sont envoyés là-bas. Les coûts associés aux cours sont payés par les Américains. C'est un programme à frais partagés.
Le sénateur Day : Cela provient-il du budget de fonctionnement?
M. Cabana : Oui, du budget de fonctionnement.
Le sénateur Day : Prévoyez-vous revenir devant le Parlement pour demander plus de fonds lorsque la mesure législative sera adoptée?
M. Cabana : Encore une fois, sans connaître l'ampleur que prendra la mise en œuvre du programme si la mesure législative est adoptée, ce serait avancer des hypothèses. Il m'est difficile de dire si nous aurions toujours la capacité d'assumer les frais avec notre budget de fonctionnement ou si nous aurions besoin de financement.
Le sénateur Day : Je continuerai au deuxième tour. Je ne vois aucun problème à attendre au deuxième tour pour poser la question.
[Français]
Le sénateur Dawson : Je vous félicite encore une fois pour votre présentation; vous êtes un exemple parfait de la réussite du bilinguisme au sein de la GRC, chose que l'on n'aurait pas vu il y a 30 ou 40 ans.
Tout en n'étant pas un fondamentaliste sur le sujet du bilinguisme, je m'imagine qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de francophones qui peuvent être opérationnels dans leur langue. Vous avez parlé du respect des droits fondamentaux, je doute que, sur le sacrifice de l'efficacité, on doit parfois mettre de côté certains principes, dont le principe du bilinguisme d'égalité à l'intérieur des forces constabulaires binationales. D'autant plus que, certainement, dans le cas de la Sûreté du Québec, le triangle infernal de l'Ontario, le Québec, le Canada — et les États-Unis dans le cas de nos amis les Autochtones —, il doit certainement y avoir des problèmes d'efficacité ou de fonctionnalité entre les francophones de la Sûreté du Québec, les anglophones des États-Unis et peut-être les bilingues de la GRC et de la Garde côtière. Comment traitez-vous de ce problème? Vous en avez parlé vous-même et vous êtes un exemple d'un grand succès. Je vous en remercie. Vous êtes venus bien préparés dans les deux langues. Mais le respect des droits fondamentaux s'arrête où, dans le cas des francophones, dans ces opérations transfrontalières?
M. Cabana : Je vous remercie pour la question. Le respect des biens fondamentaux, surtout l'aspect linguistique opérationnel, dépendamment de l'environnement opérationnel, l'aspect linguistique devient très important, comme vous avez mentionné, surtout dans le triangle — je crois que vous avez utilisé ce terme — « infernal ».
Donc, dans la mesure du possible, les membres qui participent aux opérations Shiprider, dans le contexte d'un environnement comme celui de cet endroit, ont la capacité d'interagir, si vous voulez, avec les gens qui vont être rencontrés en français aussi bien qu'en anglais. On s'assure qu'il y ait une capacité au niveau de la patrouille, une capacité linguistique qui est présente.
Le sénateur Dawson : À même probablement les membres canadiens et non les membres recrutés de l'autre côté de la frontière.
M. Cabana : Non, exactement.
Le sénateur Dawson : Mais c'est une préoccupation, il y a un processus qui assure que ce facteur est dans la balance?
M. Cabana : Absolument.
Le sénateur Dawson : Je parle de la frontière québécoise en particulier.
M. Cabana : Absolument et surtout dans le contexte de la mise en œuvre du projet pilote pour Cornwall en...
M. Oliver : En 2007.
M. Cabana : C'était une composante qu'on avait regardée pour s'assurer que la problématique ne faisait pas surface.
Le sénateur Dawson : Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Le sénateur Peterson : Merci d'être ici. Dans votre exposé, vous avez mentionné que le personnel des bateaux qui participeront à l'opération sera composé de Canadiens et d'Américains. J'aimerais croire que certains de ces bateaux seront canadiens. Est-ce le cas?
M. Cabana : Oui, tout à fait.
Le sénateur Dallaire : La dernière fois, nous n'avons pu obtenir de réponse non plus. Combien de personnes seront engagées dans le programme? Combien de navires de surface y aura-t-il? Combien de mitrailleuses de calibre 50 utilisons-nous? Quelle est la structure mise en place de notre côté pour satisfaire à ces exigences? Je pense que la réponse que nous avons eue précédemment faisait preuve d'une certaine désinvolture en ce qui a trait à notre souveraineté et au fait qu'une multitude de bateaux de la garde côtière américaine patrouilleront dans les eaux canadiennes.
M. Cabana : Actuellement, la GRC — le Canada — a quatre bateaux, ou ce que nous appelons les « bateaux Shiprider ». L'idée est d'avoir un nombre égal de bateaux canadiens et américains dans une région donnée.
Le sénateur Dallaire : Ah, oui?
Le sénateur Day : Quatre bateaux? Où?
M. Cabana : Actuellement?
Le sénateur Day : Parle-t-on des Grands Lacs?
M. Cabana : Étant donné que les bateaux seront envoyés dans la région où l'on mettra en œuvre le programme Shiprider, leur emplacement actuel est sans importance, en quelque sorte.
Des bateaux sont réservés pour les Grands Lacs de même que pour la côte ouest.
M. Oliver : La GRC a quelque 400 bateaux, plus petits, qui sont souvent déployés dans le cadre de services de police à contrat ou de l'application des lois fédérales.
Grâce à cette initiative, nous avons appris que les États-Unis avaient adopté un navire pour le programme Shiprider. Il s'agit d'un navire sécuritaire. Les Américains ont adopté un modèle de navire unique de façon à assurer l'uniformité. Ainsi, lors d'un déplacement, peu importe d'où il vient, l'agent Shiprider travaillera dans une opération clé en main.
Ces deux ou trois dernières années, nous avons commencé à agir en ce sens en adoptant un navire unique. Donc, peu importe sa provenance, les policiers utilisent le même navire. Ils savent où trouver le matériel, tout est normalisé. Comme l'a indiqué le commissaire adjoint, nous avons progressivement augmenté cette capacité. Nous avons quatre bateaux que nous considérons comme normalisés et qui peuvent être déployés dans le cadre d'opérations Shiprider.
Le sénateur Day : J'aimerais revenir au sujet sur lequel j'ai posé des questions plus tôt, c'est-à-dire les coûts et le financement provenant du budget de fonctionnement.
À ce jour, quelles sont les dépenses de la GRC par rapport au programme Shiprider? De plus, lorsque la mesure législative sera adoptée, quels seront les coûts annuels prévus ou les dépenses requises?
M. Oliver : À ce jour, pour le projet pilote — et je crois que c'est une question soulevée par le Parlement à laquelle nous avons répondu — le montant investi — pour les pilotes, la formation et l'acquisition des quatre bateaux — s'élève à près de trois millions de dollars depuis 2005, étant donné qu'il s'agissait d'opérations à court terme; cela inclut la formation. Le coût de chaque cours est d'environ 75 000 $, ce qui comprend les frais de déplacement des agents, l'hébergement, le soutien, et cetera.
Le montant que nous avons été en mesure de calculer n'est pas précis parce que notre système financier ne permet pas une ventilation aussi poussée.
La présidente : Je présume que vous avez aussi de la formation pour d'autres opérations et que le financement vient du budget de formation.
Le sénateur Day : Nous essayons de déterminer le coût de cette activité précise. Cela s'élève à trois millions de dollars sur les sept dernières années et vous avez essayé de mettre en œuvre divers modèles. Le premier a eu lieu alors qu'il y avait en même temps un match du Super Bowl dans la région de Windsor et de Detroit, je crois.
À votre avis, si la mesure législative est adoptée, quel montant la GRC prévoira-t-elle pour la planification, les coûts d'investissement et les coûts de fonctionnement du programme Shiprider?
M. Oliver : À ce jour, aucun financement n'a été prévu à cet effet. Je pense que beaucoup de ces éléments font partie du processus budgétaire, ce qui sera considéré comme une recommandation au ministre.
La présidente : Je ne crois pas qu'il peut répondre à cette question de façon théorique. Je présume qu'on doit attendre l'adoption de la mesure législative.
Le sénateur Day : Si le projet de loi est adopté demain, vous ne ferez rien avant d'avoir un budget et d'avoir franchi toutes les étapes du processus budgétaire, ce qui peut prendre plus d'un an?
M. Cabana : Nous avons déjà une certaine capacité, qui a été mise en œuvre au cours des sept dernières années. Si le projet de loi était adopté demain, nous pourrions utiliser cette capacité immédiatement.
Pour ce qui est de l'ampleur du programme après l'adoption du projet de loi, comme je l'ai indiqué plus tôt, ce ne serait qu'une hypothèse. Dans la mesure où il y a des discussions, cela serait considéré comme une recommandation au ministre. En conséquence, malheureusement, nous ne pouvons nous engager sur ce terrain.
Le sénateur Day : C'est dommage. Vous voulez que nous adoptions le projet de loi, mais vous ne voulez pas nous dire combien cela coûtera.
M. Oliver : Même sans ressources affectées à cette fin, il y aura des choses comme les Jeux olympiques et le G20. Cela nous procurera un outil législatif de plus que nous pourrons utiliser au besoin. Nous ne sommes peut-être pas dans un état de préparation permanent et nous n'avons peut-être pas les ressources. Cependant, nous avons l'occasion de jumeler nos ressources à celles de la garde côtière américaine et de mettre en œuvre ces opérations; pour tirer avantage de cette idée, nous avons besoin de cette mesure législative.
Le sénateur Day : Merci.
La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage. Je pense que vous nous avez aidés à voir cela de votre point de vue et d'avoir une idée précise de ce que cela représente pour vos opérations et pour le pays et de la façon dont cela permettra de tirer avantage des ressources des deux côtés de la frontière afin d'augmenter la sécurité à notre frontière commune.
Je vous remercie d'être venus. Nous poursuivrons nos discussions la semaine prochaine. La séance est levée.
(La séance est levée.)