Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 11 - Témoignages du 3 décembre 2012
OTTAWA, le lundi 3 décembre 2012
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense.
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous avons le plaisir d'accueillir le lieutenant-général Peter Devlin, commandant de l'Armée canadienne. L'adjudant-chef Mike Hornbrook, sergent-major de l'armée, l'accompagne.
Il va sans dire que l'Armée canadienne a été mise à l'épreuve en situation de combat en Afghanistan au cours des 10 dernières années environ et qu'elle a atteint un tempo opérationnel extrêmement élevé. Nos troupes et leurs commandants nous ont fait honneur. Permettez-moi de vous en remercier avant que nous amorcions la discussion.
Bien que nous soyons encore partie prenante du processus d'instruction sur le terrain en Afghanistan, nos opérations de combat y ont pris fin il y a environ 16 mois. Vous nous donnerez un chiffre plus précis, mais nous avons peut-être encore près de 1 000 Canadiens sur place.
En général, cependant, le tempo ralentit un peu. Nous savons tous que l'argent se fait rare et c'est pourquoi la question se pose : quelle orientation l'Armée canadienne prendra-t-elle tandis que les FC s'engagent dans une transformation destinée à réduire leurs frais de fonctionnement tout en conservant leur force de frappe?
Nous invitons le général Devlin à nous présenter sa déclaration préliminaire avant que nous l'interrogions, comme nous le faisons toujours. Allez-y, je vous en prie.
[Français]
Lieutenant-général Peter Devlin, commandant de l'Armée canadienne, Défense nationale : Honorables sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi d'être ici et de partager quelques mots avec vous cet après-midi.
[Traduction]
Votre armée forme des soldats et des équipes pour gagner. Si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur le thème de l'instruction dans quelques instants.
Environ un an s'est écoulé depuis la dernière fois où j'ai eu l'honneur de vous adresser la parole, et des changements sont survenus dans l'intervalle, entre autres la nomination d'un tout nouveau sergent-major de l'armée. Je suis assis à côté de l'adjudant-chef Mike Hornbrook, un soldat d'infanterie et un leader comptant plus de 30 ans d'expérience dans les Forces canadiennes. C'est pour moi un grand plaisir de pouvoir vous faire profiter de la contribution de M. Hornbrook cet après-midi.
Il y a eu certains changements, mais certaines constantes demeurent également, notamment le niveau de complexité, de volatilité et d'interdépendance dans notre monde moderne. Votre armée demeure néanmoins axée sur le soldat, un soldat qualifié, confiant et fier, un soldat formé pour travailler en équipe, dans tous les domaines, des missions d'aide humanitaire aux opérations de maintien de la paix, de stabilisation ou de combat. Ils sont agiles et polyvalents et ils peuvent être rapidement déployés.
Votre armée compte aujourd'hui quelque 50 000 hommes et femmes, dont environ 20 000 membres de la Force régulière, 20 000 réservistes, 5 000 rangers et 5 000 civils. Je soulignerais, si vous me le permettez, que 74 p. 100 de l'effectif fait partie de la force de terrain; les trois quarts de l'effectif constituent donc le fer de lance, et seulement 4 p. 100 travaillent au quartier général.
En ce qui concerne l'instruction, je tiens à souligner que votre armée synchronise et rationalise l'instruction individuelle et collective depuis des années en prévision de la fin de la mission de combat en Afghanistan et cette rationalisation visait directement à appuyer les missions s'inscrivant dans la stratégie de défense Le Canada d'abord.
Nous nous sommes transformés en pensant à demain. Pour vous donner une idée de la métamorphose déjà en cours au sein de l'armée, j'insisterais sur le fait que nous avons investi dans les éléments habilitants des Forces canadiennes. Ceux-ci sont nés des opérations tant nationales qu'internationales. Par exemple, 1 500 postes ont été affectés à la modernisation du renseignement, à la protection des forces, à l'appui à la détection des engins explosifs improvisés, aux hélicoptères, aux drones et aux activités d'influence pour n'en nommer que quelques-uns.
Les Forces canadiennes ont adopté l'environnement opérationnel contemporain, le scénario d'instruction élaboré par l'armée, un environnement qui fournit un ennemi ayant à peu près les mêmes capacités, les défis inhérents à la présence de civils, des représentants d'organismes internationaux et non gouvernementaux qui travaillent tous sur le champ de bataille complexe de demain. Votre armée a aussi simplifié sa structure de commandement et contrôle en réduisant la taille des quartiers généraux national et régionaux et restructuré son approche en matière de soutien.
L'armée a aussi contribué aux compressions budgétaires. Depuis 2010, nous avons soustrait de notre effectif plus de 1300 postes de civils et 400 postes de réservistes à temps plein, dits de classe B, et nous avons offert au commandement central plus de 100 postes de la Force régulière pouvant être réaffectés à des rôles plus prioritaires.
Au cours de la même période, notre budget a été réduit de 22 p. 100. Comme il se doit, une telle réduction a eu un effet sur les ressources humaines, l'infrastructure et l'instruction.
Tout au long de notre transformation, nous avons fait des pieds et des mains pour protéger l'instruction de niveau 5, c'est-à-dire une équipe de combat, un groupe d'environ 300 soldats avec tout leur attirail qui s'entraînent dans des conditions de tir réelles. Ce n'est que dans un tel contexte d'instruction qu'il est possible de synchroniser les effets létaux et non létaux dans ce champ de bataille complexe de demain, celui-ci pouvant se trouver ici au Canada, dans le chaos d'une catastrophe naturelle, ou dans un environnement de combat à l'étranger.
C'est pour moi un privilège et un honneur d'être ici. J'aimerais laisser la parole à l'adjudant-chef Hornbrook qui vous dira quelques mots.
[Français]
Adjudant-chef Mike Hornbrook, sergent-major de l'Armée, Défense nationale : Mesdames et messieurs, c'est aussi un grand honneur pour moi d'être ici avec vous.
[Traduction]
Permettez-moi, si vous le voulez bien, de souligner rapidement un point concernant l'instruction, en qualité de sergent-major de votre armée. Vos magnifiques soldats sont incroyablement intelligents, en excellente condition physique et très disciplinés. Ils ont toujours rempli la mission qui leur était confiée, que ce soit au Canada ou à l'étranger, dans le cadre d'opérations. J'affirmerais que leur succès est directement attribuable à l'instruction continue à laquelle ils se soumettent tout au long de leur carrière, qu'il s'agisse d'une instruction individuelle dans le cadre de cours techniques ou de cours de leadership, ou de l'instruction collective dont le commandant a parlé, et qu'il s'agisse d'une section de 10 soldats ou de l'unité qui m'apparaît cruciale pour nous en tant qu'armée — l'équipe interarmes —, l'équipe de combat qui compte environ 300 soldats. Cela aboutit aux exercices de tir réel, avec toutes les armes, les différentes plateformes et le personnel d'appui. Il y a beaucoup de coordination. À mon avis, l'instruction est la base du métier de soldat et elle est le fondement de notre armée.
La présidente : Merci pour cette déclaration préliminaire. Général Devlin, j'aimerais vous poser une question, si vous me le permettez : le lieutenant-général Stuart Beare a récemment comparu devant nous. Je tiens à savoir ce que vous en pensez. L'une des suggestions formulées dans les premiers documents sur la transformation consiste à prendre toutes les personnes qui s'occupent de ce qui se passe ici, tout ce qui se fait au Canada, et toutes les personnes qui s'occupent de ce qui se passe à l'étranger, et toutes ces affectations potentielles qu'elles peuvent avoir, de même que les missions à l'étranger, et de tout mettre sous le même chapeau. Est-ce que cela fonctionne pour vous?
Lgén Devlin : Cela ne fait aucun doute, madame la présidente. Je ne parle désormais qu'à une personne, un quartier général en ce qui concerne la coordination des mesures de constitution de la force à l'appui des besoins en personnel au Canada ou à l'étranger. À mon avis, c'est très positif. Cela nous permet d'harmoniser nos efforts et d'optimiser le rendement de notre investissement dans nos efforts d'instruction et de constitution de la force.
La présidente : Le processus est donc mieux rationalisé. On nous a dit qu'il y a des économies budgétaires et des économies de personnel à la clé?
Lgén Devlin : C'est exact. Le général Beare pourrait vous en dire plus long sur le personnel et l'argent.
La présidente : Il l'a fait, mais de votre point de vue, c'est simplement plus facile à gérer?
Lgén Devlin : Absolument, cela ne fait aucun doute.
La présidente : C'est bien, parce que jusqu'ici, nous avons les propos du général Beare au compte rendu. Commençons par le sénateur Dallaire.
Le sénateur Dallaire : Général, vous avez une armée de vétérans, une armée très différente de celle que nous avions des dizaines d'années auparavant, une armée qui a à son actif plus de 20 ans de missions très complexes et ambiguës, notamment de Haïti à l'Afghanistan, et toutes les missions entre les deux — dans tous les domaines, comme vous dites.
En vue de relever les défis de l'avenir avec une armée aussi experte et compétente, comment arrivez-vous à soutenir l'intérêt et la volonté de ses membres à se maintenir à un niveau de préparation — et je ne sais pas très bien où il se situera —, tandis que vous composez avec des compressions aussi importantes de votre financement discrétionnaire, lesquelles affectent l'instruction, les munitions, le carburant, les rations, et cetera? Bien que vous disiez avoir absorbé la compression de 22 p. 100, une fois enlevées les choses que vous devez payer, par exemple les PERI, les paiements versés en remplacement d'impôt, la compression s'applique à votre financement discrétionnaire et peut représenter jusqu'à 40 p. 100. Comment allez-vous soutenir cette armée de vétérans?
Lgén Devlin : C'est une excellente question. S'il est vrai que notre budget a été amputé de 22 p. 100, il y a beaucoup de frais fixes; vous en avez mentionné un, le PERI. Cela signifie que les budgets d'instruction des formations sont probablement réduits de 45 p. 100 et plus. Nous avons rajusté notre plan de préparation administrative, l'horizon de 6 mois — donc de 6 mois en 6 mois; 18 mois pour notre armée — à des cycles de 8 mois, sur 24 mois en tout, ce qui nous a permis d'économiser des ressources. Nous faisons aussi de la formation à un degré d'intensité moindre que lorsque nous entraînions les troupes en vue d'opérations de combat, mais nous travaillons d'arrache-pied pour maintenir le niveau 5 à titre d'entraînement intensif préparatoire.
Le point que vous soulevez est toutefois exceptionnel. Lorsque M. Hornbrook et moi-même parlons aux soldats qui possèdent toute cette expérience, nous les regardons dans les yeux et nous leur disons : « Nous parlons à la prochaine génération. Mesdames et messieurs, vous êtes la prochaine génération de leaders au sein de l'Armée canadienne, donc ne le prenez pas à la légère. C'est une tâche exceptionnellement importante. Nous avons besoin de votre sagesse, de votre expérience, de votre talent, de votre détermination à faire partie de l'armée de demain ».
Je sais bien que nous ne les garderons pas tous parce que certains d'entre eux passeront à autre chose. Je stressais avant lorsque j'envisageais cette situation, mais je me console maintenant en pensant qu'ils entrent dans la société canadienne. Ils mettront à contribution leur discipline, leur expérience et leurs souvenirs dans notre société et à mon avis, cela ne peut que la renforcer.
Il est vrai, monsieur, qu'il y a moins d'argent. Nous parlons à la prochaine génération et nous en perdrons quelques- uns.
Adjuc Hornbrook : Si je peux me permettre d'intervenir, c'est un excellent point. De fait, il en a été question au commandement et sur le réseau des sergents-majors, en l'occurrence que cette génération, cette culture de soldat que nous avons actuellement comprend l'instruction individuelle et collective dont l'objectif ultime est le déploiement. Nous entrons maintenant dans une période qui, pour ma génération, correspond à la normalité. Nous comprenions que c'est normal, qu'il faut atteindre à un certain niveau de préparation à maintenir afin d'être au maximum en vue d'une mission sur un théâtre donné, ou peu importe, pour être prêts à être déployés. Toutefois, entre-temps, cette génération n'a peut-être pas non plus vécu les expériences dans certains domaines que des sous-officiers supérieurs ou des sergents-majors devraient avoir vécues, que ce soit la guerre dans des conditions hivernales ou d'autres domaines de cette nature. Jusqu'à un certain point, ce type d'instruction peut être assez excitante pour eux. Elle renforce une partie de l'instruction fondamentale de notre effectif. Le fait que ce soit du nouveau pour certains d'entre eux ajoute aussi un peu d'excitation.
Le sénateur Dallaire : Le rythme soutenu des 20 dernières années a fait en sorte que l'armée a essentiellement changé. Elle est passée d'une armée de garnison s'attendant à aller en guerre à une armée qui est allée à la guerre, qui est revenue en garnison et qui panse ses blessures et s'adapte à ce nouvel environnement. Tandis qu'elle s'installe dans cet environnement, elle s'attend sans doute à une capacité de soutien qui la maintiendra, non seulement en ce qui concerne l'intensité des activités, c'est-à-dire les manœuvres, et cetera, mais aussi la récupération de l'instruction qu'ils ont manquée, comme la formation professionnelle dont ils ont besoin pour obtenir une promotion, ce qui signifie d'être encore souvent loin de la maison, et cetera. Avez-vous constaté qu'un problème se pose par suite des compressions, à l'égard de la qualité de vie, du soutien des structures familiales ou peu importe — c'est-à-dire ce qui entoure les troupes et leur infrastructure, comme les quartiers et ce genre de choses? Est-ce que cela a commencé à se manifester au sein de l'armée de vétérans qui peut être moins tolérante que l'ancienne armée en temps de paix que nous avions l'habitude d'être?
Lgén Devlin : C'est un excellent point, monsieur. Pour le moment, il n'y a aucun effet sur le soutien familial. Je pense que l'engagement et l'obligation que le Canada et l'état-major de l'armée ont pris envers leurs soldats, leurs marins et leurs aviateurs, hommes et femmes, sont tels que nous devons être à l'affût de ce problème particulier. L'affectation de ressources au soutien familial demeure suffisante.
J'aimerais parler de l'instruction. L'armée examine l'instruction individuelle et collective de façon très délibérée afin de déterminer quelle instruction individuelle peut être exportée aux garnisons d'attache. En matière d'instruction collective, je sais que vous connaissez le Centre canadien d'entraînement aux manœuvres à Wainwright. Je dis à tout le monde que ce n'est pas seulement un lieu d'entraînement, mais une capacité, et qu'il est possible d'exporter cette capacité dans n'importe laquelle de nos bases à la grandeur du pays, de sorte que nos soldats et leurs supérieurs puissent jouir d'une stabilité familiale accrue. Nous faisons un effort délibéré pour déterminer quelle instruction individuelle et collective pourrait être donnée dans les garnisons d'attache afin de réduire l'absence de la maison.
La présidente : Sénateur Plett, vous avez une question supplémentaire?
Le sénateur Plett : Oui, si vous me le permettez, madame la présidente.
Vous venez de mentionner Wainwright. Nous avons eu le privilège de visiter le centre il y a quelque temps de cela. C'est un excellent établissement qui donne une instruction de qualité.
Le sénateur Dallaire a dit à juste titre que nous avons une armée de vétérans, et vous en avez convenu. Cela ne vous serait-il pas utile en ce qui concerne la formation et cela n'aiderait-il pas à soulager, pour ainsi dire, l'effet de certaines compressions qui ont été pratiquées, le fait que vous ayez une armée de vétérans et non une armée de recrues à l'instruction et que bon nombre de ces soldats ont déjà suivi un entraînement complet? Diriez-vous que cela contribue à améliorer la situation?
Lgén Devlin : Cette composition a manifestement ses avantages et ses inconvénients, monsieur. Les avantages sont exactement tels que vous les avez décrits, notamment une armée extrêmement expérimentée et des vétérans qui possèdent une compréhension très approfondie des opérations de contre-insurrection. Je crois qu'ils ont moins d'expérience des opérations traditionnelles. Ils ont moins d'expérience des opérations de campagne dans des conditions plus austères que celles auxquelles nous nous sommes habitués en Afghanistan et même dans les Balkans. Nous employons l'expression « respect des fondamentaux ». Vous utiliseriez peut-être l'expression « revenir aux bases », mais l'armée ne fait qu'avancer avec détermination, c'est pourquoi nous ne faisons jamais marche arrière.
Les bases peuvent stimuler les troupes et offrir des possibilités nouvelles et uniques à des soldats et à leurs sous- officiers supérieurs. Le fait que nous sommes une armée de vétérans dont l'expérience est basée sur des opérations de contre-insurrection nous procure une certaine force, mais il engendre aussi certains défis, auxquels le sénateur Dallaire a fait allusion.
Le sénateur Mitchell : C'est un grand plaisir de vous accueillir. Je veux déterminer l'importance des compressions. Je crois comprendre qu'il y a eu une ponction d'environ 98 millions de dollars du budget de disponibilité opérationnelle de l'Armée de terre, votre budget. Quel pourcentage de votre budget total ce montant représenterait-il?
Lgén Devlin : Nous avons perdu 22 p. 100.
Le sénateur Mitchell : Comment cela se traduit-il exactement par rapport aux capacités? C'est une compression non négligeable. Vous avez mentionné que vous avez licencié des civils.
Si le Cabinet disait aujourd'hui qu'il envisage de déployer un groupe de combat quelque part au Moyen-Orient, quel avis lui donneriez-vous?
Lgén Devlin : Nous avons réussi à protéger l'instruction de cette équipe de combat, dans des conditions de tir réel. L'environnement de combat complexe de demain exige une formation, un groupe-brigade — deux niveaux d'instruction supérieurs de plus. Avec l'entraînement de niveau 5 en conditions de tir réel, je peux dire au gouvernement du Canada que nous avons besoin de 60 jours d'avis pour nous déployer, auquel cas nous serions à l'affût d'information sur le théâtre d'opérations dans lequel nous serions susceptibles de déployer des troupes, nous effectuerions une étude de reconnaissance, nous ferions de la formation, nous chercherions à comprendre le terrain humain, nous donnerions une formation linguistique et nous conduirions nos véhicules aux ports de débarquement en vue de les expédier.
Nous avons délibérément planifié notre instruction et protégé notre financement afin de pouvoir répondre à un avis de déploiement de 60 jours. C'est important pour nous. Ce niveau de préparation offre une marge de manœuvre aux Forces canadiennes et au gouvernement du Canada. Pour certaines tâches cependant, par exemple une opération d'évacuation de non-combattants ou une mission d'aide humanitaire, nos éléments sont prêts à se déployer à quelques heures d'avis plutôt qu'à quelques jours d'avis.
Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous faire le point pour nous sur l'acquisition de véhicules de combat rapproché, les VCR? Il y a eu deux ou trois faux départs dans ce dossier. Êtes-vous optimiste que nous sommes peut-être plus près d'un dénouement heureux?
Lgén Devlin : Trois modèles de VCR sont actuellement mis à l'épreuve sur le terrain d'essai aux États-Unis. Je crois comprendre que l'analyse des capacités de ces trois véhicules, c'est-à-dire la capacité tout-terrain, la puissance de tir et la capacité de protection, se conclura ce mois-ci. Une évaluation des forces des trois véhicules précédera à des négociations avec la compagnie. Nous prévoyons donc une annonce vers le milieu de l'an prochain.
[Français]
Le sénateur Nolin : Général, c'est un plaisir de vous recevoir encore une fois. Adjudant-chef, bonjour. Général, je voudrais vous parler de la réserve. Elle est chère au cœur du premier ministre et de votre ministre, elle est chère à la plupart des membres du comité et nous avons publié récemment un rapport sur la réserve.
Lgén Devlin : À nous également.
Le sénateur Nolin : Elle vous est chère aussi.
Lgén Devlin : Absolument.
Le sénateur Nolin : Je le sais, personnellement. Maintenant, vous êtes confronté à un énorme défi qui est cette compression budgétaire — qu'on espère temporaire — de 22 p. 100. Vous en avez décrit les paramètres et comment peut fonctionner, malgré tout, votre opération. Il n'en reste pas moins que les réservistes doivent être protégés quant à une compression aussi importante. Je voudrais vous entendre sur les défis, les mesures et les instructions que vous donnez à votre personnel pour vous assurer que la réserve de l'armée canadienne demeure efficace, agile, adéquatement entraînée et prête à soutenir les efforts de l'armée?
Lgén Devlin : C'est une bonne question. Nous sommes tellement fiers de notre réserve et du niveau d'intégration qui existe aujourd'hui entre la réserve et les forces régulières. Les salaires pour la force de la réserve sont un coût fixe pour nous.
[Traduction]
Notre défi consiste à atteindre un niveau d'instruction suffisant, stimulant et pertinent pour le groupe-bataillon territorial et le Groupe-compagnie d'intervention dans l'Arctique qui sont présents dans nos quatre régions du pays. C'est le produit opérationnel de la Force de réserve. Puisque nous en parlons, il n'a pas été question de couper la Force de réserve.
Le sénateur Nolin : C'est pourquoi je vous ai posé la question. Cela doit figurer au compte rendu.
Lgén Devlin : Quant aux budgets destinés à l'instruction, les activités peuvent toutefois être exécutées plus près de la garnison par souci d'économie et pour faire en sorte que le niveau d'instruction nécessaire puisse être donné dans le respect du budget.
[Français]
Une autre chose, et ce sont les défis avec les nouvelles capacités qui existent.
[Traduction]
Les éléments habilitants des Forces canadiennes sont nés dans le cadre d'opérations — des éléments qui, j'en suis sûr, seront déployés partout où nous irons, au pays ou à l'étranger, qu'ils soient liés à la protection de la force, au fonctionnement des tours de contrôle en appui à un aérodrome, un port ou une base d'opérations avancées, que ce soit notre capacité de coopération civile-militaire, nos activités d'influence —, ces capacités sont des choses que les réserves commencent à embrasser. C'est important pour nous et je dirais que c'est tout aussi important pour la Force de réserve.
Le sénateur Nolin : Quand vous parlez d'interaction avec les civils, parlez-vous des cellules des opérations psychologiques? Vous pourriez nous expliquer en quoi cela consiste exactement.
Lgén Devlin : J'ai parlé des quelque 1 500 postes de la Force régulière que nous avons affectés à ces éléments habilitants que j'ai mentionnés dans ma déclaration préliminaire, des éléments liés à la modernisation du renseignement, à la protection des forces, à l'appui à la détection des engins explosifs improvisés, aux hélicoptères, aux drones et aux activités d'influence. Parce qu'elles comportent des emplois civils et des emplois militaires à temps partiel, les réserves offrent aux Forces canadiennes une capacité magique d'exécuter des activités d'influence, c'est-à- dire des opérations d'information, des opérations de coopération civile-militaire et des opérations psychologiques. Il est merveilleux qu'elles embrassent ces défis, ces éléments habilitants, parce que nous en aurons besoin demain.
Adjuc Hornbrook : Je pourrais m'étendre longuement sur la fierté que j'éprouve pour nos réservistes. Ils sont des modèles de réussite; ils ont une carrière civile à temps plein tout en étant d'extraordinaires soldats. Ils insufflent leur enthousiasme à leur milieu de travail tous les jours. Ils sont exceptionnels.
J'étais à Halifax il y a deux semaines où j'ai eu le plaisir de voir des réservistes à l'entraînement. Leur enthousiasme est contagieux. Ils veulent s'améliorer; ils ont soif de défis.
Lgén Devlin : Les réserves appuient 20 p. 100 de nos opérations et nous maintenons cette tradition avec l'opération ATTENTION qui est, comme madame la présidente l'a mentionné, notre opération en Afghanistan.
[Français]
Aujourd'hui, le groupe vient du secteur de Québec et presque 25 p. 100 vient de la réserve.
Le sénateur Nolin : Merci bien.
[Traduction]
La présidente : On tient désormais pour acquis que les réserves apporteront des talents particuliers aux FC pour l'avenir. En faites-vous une cible d'une quelconque façon? Est-ce que vous dites aux dirigeants de la Réserve que c'est ce dont vous aurez besoin afin de disposer d'une force complète et que vous vous tournerez vers les réserves pour obtenir des talents particuliers?
Lgén Devlin : C'est un excellent point, et nous travaillons en ce sens. L'armée a une approche de constitution de la force très délibérée, et en 2013, nous aurons mis l'armée en bonne posture pour qu'en 2016, nous soyons en voie d'atteindre les objectifs de 2021. Tandis que nous prenons des mesures afin de recevoir notre nouvel équipement, que ce soit les VCR, les véhicules de patrouille blindés, les véhicules blindés légers de troisième génération mis à niveau, les camions, et cetera, nous devons aussi avoir une Force de réserve adaptée aux défis de demain. Nous sommes tout au début de notre conversation avec la Force de réserve sur les capacités sur lesquelles elle veut se faire les dents.
La présidente : Cependant, c'est en cours, n'est-ce pas?
Lgén Devlin : Oui.
Le sénateur Lang : Pour poursuivre sur le sujet des réserves, nous avons produit le rapport qui a été évoqué, et je veux clarifier quelque chose. Pouvez-vous nous donner une idée du pourcentage de réservistes que nous aurons par opposition aux membres de la Force régulière, ou devrons-nous attendre 2013 pour en avoir une idée? Vous nous avez donné des chiffres sur l'état actuel des forces : 20 000 membres de la Force régulière et 20 000 réservistes.
Lgén Devlin : C'est moitié-moitié, monsieur, et il est prévu de maintenir ce rapport.
Le sénateur Lang : C'est la réponse que je cherchais.
Pour revenir à la réduction de 22 p. 100 dont vous avez parlé, quand vous dites 22 p. 100, cela semble simple, mais le fait est que votre budget se compose de dépenses en capital et de dépenses de fonctionnement et d'entretien, c'est-à-dire les salaires et tous les autres aspects nécessaires au fonctionnement quotidien de votre organisation. Quelle est la ventilation de ce 22 p. 100 entre les dépenses en capital par opposition aux dépenses de fonctionnement et d'entretien?
Lgén Devlin : Premièrement, les salaires ne font pas partie du budget de l'armée, sauf ceux des réservistes. Cet aspect est donc centralisé. Concrètement, pour moi, la réduction de 22 p. 100 touche les personnes, les infrastructures et les programmes d'instruction.
En ce qui concerne les ressources humaines, cela représente plus de 1 300 civils, 400 réservistes à temps plein et 100 postes — ces derniers ne coûtent rien en réalité parce que je les ai donnés au centre qui les affectera à des capacités plus prioritaires. Cependant, ce sont les personnes touchées : 1 300 plus 400.
En ce qui concerne l'infrastructure, l'armée assume la responsabilité d'environ 43 p. 100 de l'infrastructure des Forces canadiennes à la grandeur du pays, soit 8 900 édifices, 2 000 kilomètres de routes et 1 000 kilomètres de tunnels. Seule l'armée est présente dans plus de 100 collectivités, jour après jour à la grandeur du pays, par ses armureries et ses bases. Nous n'avons versé qu'environ 72 p. 100 de ce que la stratégie de défense Le Canada d'abord nous demande de payer pour la recapitalisation de l'infrastructure ainsi que l'entretien et la réparation des installations. Nous l'avons fait pour protéger l'instruction.
Je suis préoccupé par notre infrastructure, parce que je crois qu'elle mérite un examen stratégique afin de maintenir une certaine présence à la grandeur du pays et de décider de façon réfléchie de ce que nous voulons conserver et de ce dont nous voulons nous départir. C'est difficile et c'est rempli d'émotion, mais je crois que nous devons le faire, surtout dans la période financièrement difficile que nous vivons.
J'ai déjà expliqué que notre budget d'instruction est réduit compte tenu d'un plan de préparation géré, rajusté et d'un programme d'instruction à plus faible intensité.
Le sénateur Lang : Je tiens à savoir ce que vous pensez de l'avenir, du monde changeant qui nous attend, des insurgés et des différents autres conflits avec lesquels nous devons composer dans le monde entier et des nouveaux avantages que nous offrent les changements technologiques et la technologie et leurs incidences sur la façon dont nous allons former nos forces à utiliser la nouvelle technologie. De toute évidence, vous n'avez pas besoin d'autant de personnel, forcément, selon ce que vous allez faire ou ce qu'on vous demande de faire. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? C'est une variable importante. Pouvons-nous nous payer cette technologie pour que nous puissions remplacer les nombreux soldats que nous aurions utilisés autrement?
Lgén Devlin : C'est un excellent point, monsieur. Je vais commencer puis je laisserai la parole au soldat qui m'accompagne.
Il y a deux ou trois mois, un projet d'équipement intégré du soldat a été mis à l'essai à Petawawa. Un soldat canadien est le meilleur capteur sur le champ de bataille, alors imaginez un soldat armé d'un appareil ressemblant à un téléphone cellulaire qui lui procure une connaissance approfondie de son environnement. Cet appareil est aussi alimenté de données dès l'instant où l'ennemi est repéré, en plus d'être doté de fonctionnalités de cartographie et de géopositionnement. Le soldat est en communication avec son équipier, qu'il ne voit peut-être pas, mais avec qui il peut parler et échanger de l'information. Ils sont aussi en communication avec leur véhicule et avec les officiers au poste de commandement qui prennent des décisions sur l'endroit où se diriger, la façon d'engager le combat et le prochain dialogue avec des dirigeants, qu'il s'agisse de dirigeants locaux ou de la communauté internationale qui fournissent de l'aide ou de l'assistance à la population. C'est dans cette voie que nous nous engageons : un soldat en réseau qui a la faculté de s'adapter à la situation et qui est bien placé pour exploiter tout le bien qui vient d'un soldat canadien, de son équipement et des décisions qu'il faut prendre rapidement pour rester un pas devant les méchants ou les circonstances qui menacent l'environnement dans lequel nous travaillons. Nous avons investi beaucoup d'efforts et d'énergie pour créer cet environnement et exploiter la technologie dont vous avez parlé.
Adjuc Hornbrook : Si je peux me permettre, brièvement, c'est une question fantastique, monsieur. Je serai honnête avec vous. Les jeunes officiers et les jeunes soldats d'aujourd'hui y sont comme des poissons dans l'eau. Je regarde certains des équipements dont ils disposent et j'en suis intimidé; pour moi, cela n'a ni queue ni tête. Pour eux, c'est tout à fait normal. Nous avons pris en compte l'élément technologique et cherché non seulement à tirer parti des gains de productivité, mais aussi à prendre soin de nos soldats et de leurs familles en leur absence.
Quant à l'instruction individuelle, nous avons examiné la technologie et adopté l'enseignement à distance. Nous avons fait ce choix pour que nos militaires puissent le faire chez eux au lieu de devoir suivre tous ces programmes loin de la maison. Nous avons examiné les possibilités qu'offre la simulation et nous l'avons aussi intégrée dans notre système d'instruction. Je dirais qu'il y a des économies à faire sous ce rapport, mais au bout du compte, cette technique ne remplace pas l'instruction collective ni l'entraînement dans des conditions de tir réel. On peut manifestement passer en revue plusieurs compétences et entraînements afin de gagner du temps qui pourrait être utilisé à meilleur escient quand les bottes touchent le sol.
Bien entendu, nous examinons toutes les facettes de la technologie par rapport à notre système d'instruction, pour les soldats et aussi dans le cadre de l'infrastructure, quand nous examinons l'espace dont nous avons besoin pour les véhicules afin d'installer certains de ces simulateurs et ainsi de suite, et les soldats adorent ça.
Le sénateur Day : Les questions qui vous sont posées montrent que nous souhaitons savoir quelles décisions difficiles vous devez prendre à cause d'une compression budgétaire ou de l'austérité que nous mettons en œuvre dans tous les ministères, mais en particulier ici par rapport aux Forces canadiennes. C'est ce que nous essayons de comprendre. Mes questions iront aussi dans ce sens. Nous n'essayons pas de remettre en question vos décisions, mais nous souhaitons savoir où nous allons et quelles décisions nous prenons, parce que vous avez ce qu'il faut pour prendre les décisions difficiles.
Premièrement, en ce qui concerne la Force régulière et la Force de réserve, les 20 000 et 20 000, est-ce que les 20 000 membres de la Force régulière comprennent les responsables des communications, les éléments habilitants et les forces spéciales? Est-ce que ce chiffre englobe tout ce monde?
Lgén Devlin : Non, ce chiffre n'inclut que l'armée. Il comprend les signaleurs, les communications internes de l'armée. Il ne comprend pas les militaires qui font partie du commandement des forces spéciales canadiennes, ni ceux qui portent les uniformes verts qui font partie du commandement du personnel, ni le groupe du matériel ni les établissements de formation des Forces canadiennes, comme nos écoles à Saint-Jean. C'est l'armée au sens le plus strict.
Le sénateur Day : C'est bon à savoir. Selon la tendance, vous avez aboli 400 postes pour les réservistes à temps plein de classe B. Pouvons-nous supposer que la plupart des 20 000 réservistes sont les réservistes à temps partiel traditionnels auxquels nous pensons?
Lgén Devlin : C'est tout à fait juste. Par suite de l'étude de la réserve principale effectuée par le groupe des vice-chefs d'état-major, notre état ultime nous laisse 1 099 réservistes à temps plein au sein de notre effectif, en date du 1er avril 2014. C'est vers cela que nous travaillons. Le reste des 20 000 réservistes font tous partie de la classe A de cette armée à temps partiel, travaillant 37,5 jours par an, en plus de l'entraînement collectif.
Le sénateur Day : Quand nous avons étudié la situation des réservistes dans le passé, nous avons constaté que certaines unités de réserve, des étudiants universitaires par exemple, cherchaient à faire un certain nombre de jours d'instruction par année parce qu'ils gagnaient ainsi l'argent dont ils avaient besoin pour poursuivre leurs études universitaires. Toutefois, par souci d'économie, les unités réduisaient le nombre de jours d'instruction. Gardez-vous un œil là-dessus et essayez-vous de ne pas tomber dans ce piège?
Lgén Devlin : Nous surveillons la situation de très près, monsieur. Le système est fondé exactement sur ce que vous avez mentionné, un degré de prévisibilité, lié à 37,5 jours de travail, plus des activités d'entraînement collectif. Comme nous avons réduit le nombre de soldats de classe B à temps plein au sein de nos unités, la priorité en matière de dotation en personnel de la Force régulière a été d'affecter les soldats à temps plein aux unités de réserve. Ce sont eux qui aident à coordonner l'instruction, qui s'occupent de l'administration et qui contribuent au soutien et à l'appui de ces unités. Afin de constituer la base dont une unité a besoin pour assurer l'efficacité de son instruction — une unité étant composée d'environ cinq membres à temps plein —, on y affecterait en priorité un membre de la Force régulière.
Le sénateur Day : Ma dernière question sur ce domaine concerne la décision du gouvernement de délaisser la comptabilité de caisse en faveur de la comptabilité d'exercice. Il y a plusieurs projets, et je pense au matériel roulant, aux camions et aux contrats de même qu'à la location. Constatez-vous que votre budget se trouve réduit, et que votre marge de manœuvre à l'intérieur du budget se trouve réduite, du fait de devoir inscrire des fonds réels dans votre budget à cause de la comptabilité d'exercice, où vous devez affecter chaque année la valeur du bien que vous utilisez pour cette année-là, et ce, pendant toute la durée de vie de l'équipement en question? Est-ce que cela réduit votre marge de manœuvre pour conclure d'autres contrats d'équipement?
Lgén Devlin : Heureusement pour moi, principalement parce que je suis un soldat d'infanterie, je ne m'occupe pas de toutes ces affaires parce que j'en ferais un fiasco. Tout cela est géré dans l'univers des contrats. Je m'occupe de l'argent lié à l'instruction, à l'infrastructure et au personnel.
Les contrats adjugés de nos jours pour des choses comme les VBL mis à niveau et les véhicules de patrouille tactiques viennent avec un programme de soutien en service. C'est tout nouveau pour nous. Ainsi, si vous achetez un véhicule, comme un véhicule de patrouille tactique blindé, vous achetez aussi un programme d'entretien de 25 ans. Je crois que nous allons apprendre beaucoup de ces programmes sans que cela élimine pour autant la responsabilité d'assurer le soutien immédiat dont nous, les militaires en uniforme, avons besoin pour être capables de livrer la marchandise sur le champ de bataille, mais nous essayons ainsi de rendre les coûts inhérents à l'exploitation d'un parc de matériel plus prévisibles.
Le sénateur Dallaire : J'ai une question supplémentaire. Vous siégez au Conseil des Forces armées et au CGD, ou, peu importe comment on l'appelle de nos jours, le Comité de gestion de la Défense, et le programme d'immobilisations vous est présenté et vous avez votre mot à dire. Ma dernière question concerne le programme d'immobilisations. À cause du budget fédéral, avez-vous vu des projets être tassés à droite ou exécutés à une échelle réduite tandis que nous nous employons à mettre en œuvre le programme d'austérité?
Lgén Devlin : J'ai été témoin des deux situations. J'ai vu des projets aller dans les deux directions, à gauche et à droite. J'ai vu des projets passer à gauche parce que l'argent pouvait être dépensé avant les exercices financiers qui avaient été prévus; c'est-à-dire qu'il y avait une plus grande marge de manœuvre pour faire des dépenses dans ce projet.
J'ai aussi vu des projets être tassés à droite. J'ai constaté, monsieur, que lorsque nous voulons acheter des camions, à chaque jour qui passe sans qu'un contrat soit adjugé, nous en perdons. Oui, j'ai constaté que nous achetons moins de véhicules et moins de pièces d'équipement.
Le sénateur Plett : Permettez-moi d'insister sur ce point. J'essaie de comprendre les compressions que nous faisons. Bien entendu, nous pourrions parler de chiffres et de la justesse du 22 p. 100 ou de s'il aurait été préférable que ce soit 18 p. 100 ou n'importe quel autre pourcentage.
Nous sommes présents dans un théâtre d'opérations en Afghanistan depuis maintenant plus de 10 ans. Manifestement, c'est l'une des raisons pour lesquelles les coûts, l'instruction et l'infrastructure ont explosé. Nous ne voudrions jamais nous faire prendre dans l'état où nous étions à l'époque, mal outillés pour aller en Afghanistan, mais j'ai l'impression, tandis que nous sortons d'Afghanistan qu'il n'est que logique, monsieur, que nous réduisions un peu l'instruction. Vous pourriez nous expliquer le niveau 5, mais si vous dites qu'il vous faut 60 jours pour atteindre un certain niveau, si le besoin s'en faisait sentir, je serais porté à croire que ce gouvernement ou n'importe quel autre gouvernement prendrait ses responsabilités et vous donnerait les ressources dont vous avez besoin. Surtout du côté de la formation, il me semble qu'il serait logique de réduire l'intensité si nous sortons d'Afghanistan, nous ne participons pas activement à des opérations d'envergure ailleurs. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît?
Lgén Devlin : Absolument. En Afghanistan, nous avons déployé une force d'environ 3 000 hommes et femmes pour représenter le Canada. Nous avons délaissé ce rôle et nous déployons actuellement environ 950 soldats à Kaboul et à Mazar-e-Charif pour fournir un soutien à l'instruction et au mentorat.
Nous entraînons plus 3 000 soldats afin qu'ils soient prêts à partir à l'appui d'une mission donnée comme l'Afghanistan. Par conséquent, plutôt que ce niveau de force que nous tentions de maintenir auparavant, baissons l'intensité de quelques degrés afin de maintenir une équipe de combat d'environ 300 soldats. C'est ce que nous faisons aujourd'hui. Ce n'est pas ce que nous faisions il y a deux ou trois ans.
En fait d'échelle, c'est nettement réduit, mais certains éléments comme l'entraînement dans des conditions de tir réel, les tanks, la coopération tank-infanterie, l'artillerie et d'autres appuis de tirs indirects, une capacité de pouvoir faire appel à un appui aérien rapide et toutes les autres choses que nous avons apprises en Afghanistan — l'information, les opérations, la diffusion d'émissions de radio, l'envoi ciblé de messages textes à la population pour essayer de la toucher — entrent en jeu dans un environnement d'instruction complexe que nous mettons en œuvre dans le cadre de notre plan de préparation administrative délibérée à un niveau grandement réduit. Alors que nous entraînions une force de 3 000 soldats, nous avons dorénavant moins de soldats sur le terrain en un groupement d'équipes de combat coordonnées par le quartier général de cette force, mais nous ne ferions pas d'entraînement spécifique avant qu'il y ait un besoin avéré.
Le sénateur Plett : Je vais changer de registre pour ma prochaine question. Vous avez parlé brièvement des Rangers canadiens. Pourriez-vous préciser la responsabilité des rangers canadiens et le rôle qu'ils jouent dans l'Arctique canadien?
Lgén Devlin : Bien sûr. Nous aimons les Rangers canadiens. Ce sont des Canadiens extraordinaires. Actuellement, près de 5 000 rangers sont présents dans le Nord et pas seulement dans l'Arctique. Chaque fois que nous faisons un entraînement dans le Nord, nous prenons soin de nous entraîner avec des rangers. Ils possèdent une connaissance approfondie du milieu, du terrain et de l'environnement. C'est avantageux pour nous de nous entraîner à leurs côtés. Ils nous enseignent et je crois que nous leur faisons aussi profiter d'une partie de notre expérience.
Qu'il s'agisse d'un exercice de grande envergure ou non — nous avons mené un exercice l'an dernier, appelé ARCTIC RAM, avec environ 1 800 soldats à partir de Yellowknife — des rangers sont présents. Qu'il s'agisse d'un exercice de patrouille, des rangers sont présents. Les rangers participent toujours à notre entraînement. Nous en bénéficions et le Canada en bénéficie; ils sont un élément propre aux opérations dans le Nord. C'est un plaisir à voir, une connaissance aussi riche, et ce sont de fiers Canadiens.
Adjuc Hornbrook : L'autre point que j'ajouterais, c'est qu'ils participent aussi à bon nombre d'opérations de recherche et sauvetage et ils font des choses incroyables. Ces types connaissent leur affaire, ils sont purement et simplement exceptionnels.
Lgén Devlin : Environ une fois par semaine, les FC, l'armée et surtout par les Rangers canadiens mènent une opération de recherche et sauvetage sur le terrain.
La présidente : Merci, sénateur Plett. Je ne veux pas laisser l'impression que la mission de combat a pris fin et que nous en avons fini avec l'Afghanistan, parce que c'est ce que nous entendons dire à répétition dans la population et dans les médias. Ce n'est pas le cas. Nos instructeurs sont là-bas dans une situation à haut risque et ils ont besoin d'un entraînement spécialisé pour y aller. Manifestement, c'est différent d'une mission de combat menée à fond de train. Pourriez-vous nous décrire ce que nos hommes et nos femmes font?
Lgén Devlin : Bien sûr. Il y a quelques mois déjà que j'y suis allé et le général Stuart Beare s'y trouve probablement en compagnie de M. Froment. Du point de vue de la constitution de la force, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour former nos hommes et nos femmes afin qu'ils puissent représenter le Canada avec beaucoup de fierté et de compétence. Ils participent à l'instruction d'une armée nationale afghane jeune et grandissante; ils participent à l'instruction et au soutien d'une force de police nationale; ils encadrent leurs dirigeants et ils travaillent souvent dans des postes de développement ministériel. Nous avons la responsabilité de certaines écoles, surtout des communications et de l'état-major. Nous participons aux efforts de l'aviation naissante avec l'Afghanistan et vous avez raison, il y a une menace là-bas. Il y a une menace chaque fois qu'on se déplace à l'intérieur du pays. Il y a une menace de l'interne qui est liée, je pense, au respect et l'une des qualités les plus distinctives que les soldats ou les officiers canadiens apportent sur un champ de bataille est un grand respect pour ceux avec qui ils travaillent ainsi qu'un grand respect pour la population avec laquelle ils travaillent. C'est un élément absolument essentiel et magique du fait d'être un soldat canadien et nous insistons là-dessus dans notre entraînement. Nous les soumettons à un entraînement rigoureux et ils sont prêts à utiliser une force létale si la situation le justifie en Afghanistan.
La présidente : Avez-vous une approximation du nombre de soldats ou de policiers afghans que nous avons formés? J'en ai été moi-même témoin. Le programme visait à leur faire acquérir en neuf des capacités de lecture et d'écriture de la troisième année du primaire. Des soldats fréquentaient la base jour après jour. Avez-vous un chiffre approximatif?
Lgén Devlin : Malheureusement, non. Il me fera plaisir de vous fournir ces renseignements.
La présidente : Merci. Il nous reste cinq ou six minutes et nous avons encore quatre intervenants. Je vous invite à poser une question ciblée et je demanderai que les réponses soient brèves et directes.
Le sénateur Dallaire : Ma question porte sur les programmes d'aide à la formation ou au renforcement des capacités de la milice et de l'armée. En Afghanistan, nous acquérons une expérience extraordinaire de l'instruction dans un pays où les capacités des forces sont limitées. Il y a un programme d'instruction de la milice à Sierra Leone qui vise à renforcer les capacités de cette armée, il y a là une possibilité de réduire les conflits en renforçant les capacités des forces militaires dans plusieurs pays en développement. Avez-vous constaté qu'il est prévu de maintenir une telle capacité après 2004 pour être à même de participer à la réduction des risques de conflit en entraînant des forces militaires dans des pays en développement qui peuvent être à risque?
Lgén Devlin : Cette capacité existe au sein de l'Armée canadienne. C'est très clair, que ce soit au sein de la Force régulière ou de la Force de réserve, d'après l'expérience que nous avons acquise dans des missions en Afrique, ou en Afghanistan.
Nous sommes aussi en rapport avec le général Thompson du Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada parce que je crois que les forces conventionnelles peuvent aussi contribuer à la richesse de leur expérience en vue de professionnaliser les forces de sécurité dans le monde entier. De pair avec une partie du travail que nous faisons en Amérique du Sud avec des soldats dans le cadre de programmes d'instruction, avec nos alliés sud-américains, sur l'amélioration des compétences linguistiques, en espagnol et en portugais plus particulièrement, nous sommes bien placés pour offrir une formation visant la stabilisation et la professionnalisation des forces à une nation qui en a besoin, si le gouvernement du Canada croit que nous pouvons être un atout.
Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse au futur projet d'amélioration de la mobilité qui fournira des véhicules de génie blindés et des véhicules de récupération blindés à l'appui des Leopard II et des parcs de véhicules, les VCR et cetera. Où en est le projet?
Lgén Devlin : Il progresse très bien. Nous avons deux versions différentes de tanks, 20 exemplaires de chacune, et 42 tanks d'entraînement en plus de nos véhicules de récupération blindés et du véhicule de génie blindé. Ils sont essentiels à la mobilité et à la protection de la force. Les choses avancent bien. Nous devons aussi installer des rouleaux et des charrues de déminage sur les tanks Leopard II.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous un budget à cette fin?
Lgén Devlin : Oui.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'aimerais qu'on puisse parler du recrutement. L'attrition joue un rôle important dans le maintien du nombre des effectifs. Alors parlez-vous du recrutement. Quelles sont vos intentions sur ce point?
Lgén Devlin : Le taux d'attrition se situe à environ 6 p. 100 actuellement.
[Traduction]
Comme nous l'avons dit aujourd'hui, je crois qu'il augmentera probablement un peu quand nos vétérans chercheront un nouveau défi et quand leurs attentes en matière de déploiement ne se concrétiseront peut-être pas. Nous allons aussi adopter un système de recrutement plus centralisé basé sur Internet qui pourrait servir aussi des composantes de l'armée. Je crois qu'il sert mal la Force de réserve et c'est donc un domaine dans lequel nous avons investi un peu plus d'énergie. L'un des cinq membres du personnel à temps plein de chaque unité dont j'ai parlé se consacrera au recrutement de jeunes Canadiens au sein de l'unité.
La présidente : Le fait que le système ne fonctionne peut-être pas aussi bien pour la Réserve est un bon point.
Le sénateur Day : Le Centre de guerre terrestre de l'Armée canadienne a été activé en septembre. Est-ce toujours l'orientation? Est-ce qu'il se concrétise? Où a-t-il été établi? Combien de personnes y travaillent? Avez-vous les fonds nécessaires pour maintenir ses activités?
Lgén Devlin : Le Centre d'instruction supérieure en guerre terrestre des Forces canadiennes a été établi à Kingston, en Ontario. Il s'agit en réalité de la restructuration de ce que nous avions déjà à Kingston. Il n'y a aucun ajout de personnel ou de ressources. Il s'agit simplement d'une meilleure façon de l'intégrer au Centre de guerre terrestre des Forces canadiennes et des autres centres de guerre des différentes armes.
Nous avons pris notre personnel affecté au renforcement des capacités et à l'instruction qui vit à Kingston et nous l'avons structuré pour qu'il puisse collaborer avec nos services et avec les Forces canadiennes afin de mieux définir le champ de bataille complexe de demain, le processus de développement des méthodes de combat et notre niveau de préparation pour être capable de gérer le tout. C'est davantage une question d'harmonisation, de cohérence avec les FC que toute autre chose, monsieur.
Le sénateur Day : Nous pourrions le visiter, par exemple?
Lgén Devlin : Sans aucun doute, monsieur. Vous seriez les bienvenus en tout temps. Comme vous le savez, l'armée est très présente à Kingston, en Ontario, avec notre Collège de l'état-major, le Système de la doctrine et de l'instruction de la Force terrestre, le Centre de formation pour le soutien de la paix, l'École des communications et, bien entendu, le Collège royal militaire. Je serais ravi de coordonner une visite du comité à Kingston, en Ontario, en tout temps.
La présidente : Je vous en remercie. Comme le sénateur Plett l'a mentionné, ceux parmi nous qui ont visité Wainwright ont vécu une très belle expérience là aussi, quoique je ne suis pas sûre que nous voulions mettre l'un ou l'autre de ces messieurs aux commandes d'un tank.
Le sénateur Plett : Nous l'avons fait.
La présidente : Merci beaucoup à nos deux témoins, le lieutenant-général Peter Devlin, commandant de l'Armée canadienne, et l'adjudant-chef Mike Hornbrook, sergent-major de l'armée. Nous vous sommes reconnaissants de l'éclairage que vous nous avez donné et nous vous remercions de venir nous voir assez régulièrement pour nous tenir au courant de ce qui se passe. Nous aimons bien cette approche et nous vous sommes reconnaissants votre coopération.
Lgén Devlin : Je promets de revenir; votre armée axée sur le soldat et l'instruction, c'est notre spécialité. Merci beaucoup.
La présidente : Merci beaucoup. La séance est levée.
(La séance est levée.)