Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 13 - Témoignages du 18 mars 2013
OTTAWA, le lundi 18 mars 2013
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 15 h 59, pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, et pour étudier le harcèlement au sein de la Gendarmerie royale du Canada.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous avons un ordre du jour très chargé aujourd'hui, mais nous avons le plaisir d'accueillir le nouveau chef d'état-major de la Défense, le général Thomas Lawson.
Nous étudions la transformation continue au sein des Forces armées canadiennes, et le chef d'état-major de la Défense est ici pour nous présenter son point de vue et nous mettre à jour. Il s'agit de sa première comparution au comité et nous lui souhaitons la bienvenue.
Je pense qu'il est juste de dire que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes sont à un tournant décisif. L'Équipe de renouvellement de la Défense s'emploie à mettre en place les Forces armées canadiennes de l'avenir, dans le contexte d'après l'Afghanistan, de la récession mondiale, d'une période prolongée de ralentissement de la croissance économique et de compression des dépenses — de tous ces facteurs. Par conséquent, l'objectif du renouvellement de la défense est d'avoir « plus de mordant ». Nous avons eu des discussions pour savoir s'il s'agit de la description la plus précise que l'on puisse donner. J'espère que nous aborderons la question avec vous.
Le général Lawson est le 18e chef d'état-major de la Défense, depuis octobre dernier. Il est le premier officier des Forces aériennes à occuper ce poste. En tant que colonel honoraire de l'ARC, j'en suis particulièrement fière. Je crois que 37 années se sont écoulées depuis son passage au Collège militaire royal.
Général Thomas Lawson, chef d'état-major de la Défense, Défense nationale : En effet, madame la sénatrice. Merci d'en faire mention.
La présidente : Il est plutôt polyvalent : il est ingénieur électricien, mais aussi pilote de chasse. Il a servi au sein de l'Équipe de transformation des Forces canadiennes en 2005. Avant d'occuper ce poste, il était commandant adjoint du NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.
Soyez le bienvenu, général. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire.
Gén Lawson : Merci beaucoup. Je devrais faire une petite mise au point. Je sais que vous avez voulu dire que je suis le premier officier de l'ARC à occuper ce poste. Toutefois, le général Raymond Henault, un officier des Forces aériennes, a occupé ce poste il y a quelques années.
Quoi qu'il en soit, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup de m'accueillir. Avant de commencer, j'aimerais vous remercier de l'intérêt continu que vous manifestez pour la sécurité de notre pays et de votre appui indéfectible envers nos militaires, hommes et femmes. Je viens d'une famille dans laquelle l'uniforme ainsi que les obligations qui l'accompagnent sont à la fois estimés et respectés. Mes deux grands- pères ont combattu pendant la Première Guerre mondiale, et mon père a piloté des avions Mustang et Spitfire dans le ciel de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. J'ai suivi ses traces en pilotant des chasseurs CF-104 en Allemagne et au Canada. J'ai piloté d'autres aéronefs. De plus, deux de mes fils ont rejoint les rangs des Forces aériennes à titre de personnel navigant.
[Français]
C'est donc un honneur et un énorme plaisir d'avoir été nommé chef d'état-major de la Défense nationale.
[Traduction]
Je suis en poste depuis maintenant près de cinq mois. Au cours de cette période, je me suis présenté devant vos collègues de l'autre endroit. J'ai rencontré mes homologues du Comité militaire de l'OTAN, à Bruxelles, et les intervenants de la défense ici, à Ottawa. J'ai aussi eu l'occasion de rendre visite à nos troupes au pays, de même qu'à un grand nombre de nos militaires affectés à des missions à l'étranger, notamment en Afghanistan et dans la mer d'Oman.
La semaine dernière seulement, j'ai eu le plaisir d'accueillir l'équipage du NCSM Regina à son retour à Esquimalt au terme de sa mission dans le golfe.
[Français]
Ces premiers mois m'ont permis d'accroître ma compréhension de l'environnement opérationnel de nos forces, incluant les défis qui nous attendent.
[Traduction]
Manifestement, nous continuons d'opérer dans un monde complexe et chaotique, et il semble juste de prévoir que dans les mois à venir, à la vue des situations qui se préparent, nous devrons intervenir au moyen d'actions décisives au pays et à l'étranger. Bien que les Forces armées canadiennes continuent de veiller à fournir des forces souples, adaptables et capables de mener des actions décisives pour affronter les menaces émergentes, il y a une situation économique avec laquelle nous devons composer, comme l'a indiqué la présidente.
Croyez-moi, nous ne sommes pas seuls. Dans cette période de restriction des ressources, les armées de partout dans le monde doivent fonctionner avec moins de ressources. En fait, j'ai appris lors des réunions du Comité militaire de l'OTAN en janvier à Bruxelles que presque tous les partenaires de l'alliance de l'OTAN cherchent de nouvelles manières de mener leurs activités afin qu'ils puissent continuer d'exercer leur mandat efficacement malgré le climat économique actuel.
Le Canada est dans la même situation. Je serai clair, le gouvernement du Canada a manifesté son appui à la Défense, et nous avons connu des années de réinvestissement tant attendues. Ces investissements ont donné de bons résultats pour le Canada. Certes, les représentants du gouvernement canadien occupent une place plus grande lorsqu'ils s'expriment sur la scène internationale grâce à l'excellent travail des membres des Forces armées canadiennes en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde au cours des dernières années.
Pourtant, il y a un budget à équilibrer et la Défense doit apporter sa contribution; voilà ce qui nous intéresse vivement à l'heure actuelle.
Plus précisément, comme la présidente l'a aussi indiqué, nous nous engageons dans un ambitieux programme de renouvellement et de changement dans l'optique de travailler mieux et plus intelligemment. Le sous-ministre et moi- même avons chargé une équipe de renouvellement de la Défense, codirigée par notre ancien dirigeant principal des finances et un ancien chef du personnel militaire, de trois tâches. Premièrement, réduire les frais généraux; deuxièmement, stimuler le renouvellement des processus administratifs; enfin, établir des paramètres d'évaluation du rendement afin de mesurer nos progrès. Cet effort demeurera au centre de mes préoccupations au cours des trois prochaines années.
C'est dans ce contexte que j'ai élaboré mes priorités pour les Forces armées canadiennes. Elles sont, dans le désordre : dans le cadre des opérations; la direction de la profession des armes; prendre soin de nos gens et de leurs familles; préparer les forces de demain.
[Français]
Avant de répondre à vos questions, laissez-moi brièvement vous parler de ces quatre priorités.
[Traduction]
Le succès opérationnel est la raison d'être des Forces armées canadiennes. Si nous ne l'assurons pas pour le Canada, rien de ce que nous faisons n'a d'importance. C'est à cela que s'emploient tous les jours les quelque 1 600 soldats canadiens dans le cadre de 15 missions à l'étranger et les milliers d'autres militaires au pays.
Même si notre cadence opérationnelle est plus faible maintenant qu'elle l'a été dans les dernières années, nous sommes tout de même occupés. Je peux vous assurer que nous allons accomplir les tâches que le gouvernement nous a assignées dans la stratégie de défense Le Canada d'abord, la SDCD. Les Canadiens pourront continuer de compter sur les Forces pour défendre le Canada, pour collaborer avec les États-Unis afin de défendre l'Amérique du Nord, aider nos citoyens en détresse partout dans le monde. Nous prêterons main-forte en cas de catastrophe naturelle et nous déploierons des forces militaires pour contribuer à la paix et à la stabilité internationales, peu importe le contexte de sécurité de demain.
Pour maintenir le niveau de disponibilité opérationnelle requis, les Forces armées canadiennes devront disposer de la combinaison voulue de personnes, de matériel et de ressources, et de l'instruction requise pour leur permettre de fonctionner dans divers environnements en tant qu'équipes interarmées intégrées, complètes et unies afin de lutter contre les multiples menaces sur terre, dans les airs, sur l'eau et dans les profondeurs océaniques. Cette gamme complexe de tâches doit être soutenue par des investissements dans la disponibilité opérationnelle, en fonction d'une enveloppe de ressources définie, afin que nous puissions projeter de façon robuste et en temps utile nos capacités militaires.
Comme vous le savez bien, notre capacité de maintenir l'excellence opérationnelle dépend en grande partie de notre personnel, aussi bien des militaires que des membres civils de l'équipe de la défense qui les soutiennent. En plus de détenir des compétences opérationnelles élevées, les membres des Forces armées canadiennes ont rehaussé leur professionnalisme au cours de la dernière décennie grâce à un excellent programme d'instruction et à un perfectionnement professionnel de calibre mondial. Or, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons consacrer des efforts afin de le maintenir au plus haut niveau, et il en est de même pour notre respect des normes d'éthique.
Voilà pourquoi parmi mes priorités en tant que chef d'état-major de la Défense, je compte diriger la profession des armes de manière efficace.
[Français]
Durant mon service, j'ai été impressionné par le calibre des gens de notre organisation. Et c'est mon devoir de m'assurer que ceux qui suivront seront en mesure de maintenir cette norme élevée à travers un enseignement de premier plan, l'entraînement et le développement professionnel.
[Traduction]
Ensuite, nous avons également la responsabilité bien réelle de prendre soin de ces hommes et de ces femmes — qu'ils soient membres de la force régulière, réservistes, blessés ou en service actif — et de leurs familles. Nous exigeons beaucoup d'eux, sur le plan physique, bien sûr, mais aussi sur le plan mental et émotionnel. J'ai l'intention de mettre à profit des progrès que nous avons déjà réalisés dans ce domaine non seulement parce que cela contribue à notre efficacité opérationnelle, mais parce que c'est ce qui s'impose.
Nos succès, de Kaboul à Kandahar et de l'Arctique à l'Afrique, ont exigé des efforts importants et une analyse préalable minutieuse. Maintenir un tel niveau d'excellence nécessitera des efforts semblables. C'est pourquoi nous travaillons avec acharnement pour mettre en œuvre la dernière priorité que je vais maintenant vous présenter : préparer la force de demain.
Pour ce faire, nous intégrons les leçons retenues au cours de récentes opérations, particulièrement les leçons que le personnel des Forces armées canadiennes a tirées de ses missions dans des endroits comme l'Afghanistan, la Libye, Haïti, la mer d'Oman et l'Arctique. Nous allons résolument de l'avant pour ce qui est d'un certain nombre de projets d'approvisionnement importants prévus dans la SDCD. De plus, nous apportons des changements à notre organisation afin de continuer à produire des résultats pour les Canadiens, ce que nous ferons de façon responsable, sur le plan financier, et en demeurant axés sur les domaines et les menaces en émergence, comme ce qui a trait à la cybertechnologie.
Madame la présidente, bien que nous traversions une période difficile sur le plan économique, il y a lieu d'être optimiste. En 2013, les Forces armées canadiennes sont à des années-lumière de ce qu'elles étaient au milieu des années 1990. Lorsque je repense avec émotion à mes expériences personnelles dans les Forces canadiennes pendant cette période, et même avant, il est facile de voir les progrès que nous avons faits pour en arriver à la situation actuelle.
Nous renforçons notre position qui repose déjà sur une base solide fondée sur une expérience opérationnelle riche, une instruction de calibre mondial et un programme d'acquisition d'immobilisations ambitieux visant à offrir à nos gens de l'équipement de pointe.
Les sondages indiquent tous que nous jouissons d'un soutien remarquable de la part des Canadiens. Nous connaissons des taux d'attrition historiquement bas et nous avons huit candidats pour chaque poste annoncé des Forces armées canadiennes. Le travail que nous accomplissons aux côtés des civils dévoués du ministère nous permettra de maintenir la confiance que nous témoigne notre grande nation grâce aux forces adaptables, agiles et efficaces que nous continuons à mettre sur pied afin de contrer les menaces émergentes tout en assurant une gestion rigoureuse des ressources qui nous sont confiées.
Merci. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente : Merci de votre exposé. Permettez-nous de reprendre vos propos au sujet du calibre des gens que nous voyons à tous les échelons des Forces armées canadiennes. Grâce à vous, le Canada a repris sa place respectée sur la scène internationale. Pour ces deux choses, veuillez accepter nos remerciements.
Lorsque vous parlez de renforcer notre position qui repose sur une base solide — selon les termes que vous venez d'utiliser — alors que nous sommes aux prises avec ce budget, pensez-vous qu'il y a encore du gras à éliminer dans le système, que ce soit du côté des Forces armées canadiennes ou du côté du ministère?
Gén Lawson : Merci de la question. À voir comment on utilise le terme « gras » dans notre société, il s'agit d'un terme plutôt péjoratif que nous préférerions éviter d'employer. J'aimerais penser qu'il y avait du gras dans les forces armées. Je ne pense pas qu'il y en ait. Je pense que l'argent des contribuables que nous avons investi dans nos capacités et même au quartier général et dans les installations a donné de bons résultats en ce qui a trait aux capacités. Plutôt qu'une cure d'amaigrissement, nous dirions qu'à l'avenir, nous mettrons l'accent sur les facteurs liés à la disponibilité opérationnelle des forces armées.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Je vous félicite pour vos fonctions et vous souhaite courage et détermination pour une période qui s'avérera de plus en plus difficile en garnison.
[Traduction]
Au comité, nous avons une politique selon laquelle nous posons deux questions et nous espérons ensuite avoir le temps de tenir une deuxième série de questions. Étant donné que je suis vice-président du comité, on m'a accordé la première question. Je sais essayer de préparer le terrain pour d'autres questions tandis que nous progressons, si vous le permettez.
Parlons de l'effet sur le capital humain des forces. Pour ce qui est des restrictions budgétaires qui ont été effectuées jusqu'à maintenant, sans compter celles qui seront annoncées cette semaine — et que l'on estime importantes en raison de la lettre que le premier ministre a envoyée au ministre de la Défense nationale l'été dernier, dans laquelle il demandait un effort supplémentaire du MDN —, vous avez adopté une approche différente qu'en 1993, 1994 et 1995, alors que nous avions eu des réductions draconiennes. Il s'agissait carrément du tiers du budget du ministère. Dans le cas présent, comme nous l'avons constaté, on protège le programme d'immobilisations, même s'il est déjà en grande partie réservé aux C-17, aux Hercules, aux Chinook et aux chars d'assaut, qui représentent une partie importante de votre budget.
Cependant, nous avons vu un virage pour certains projets; nous pouvons donc dire que nous protégeons notre budget, mais nous en perdons toujours une partie. Il a été décidé de ne pas toucher à l'aspect du personnel, des effectifs, sans doute pour la force régulière et, nous dit-on, pour la force de réserve, mais encore une fois, cela devrait être financé à même le budget d'exploitation et maintenance. Votre portefeuille représente facilement 60 p. 100, et votre capital, environ 20 p. 100. Or, vous devez tout de même absorber ces importantes compressions qui vous sont imposées, ce qui touche le budget d'exploitation et maintenance, peut-être les forces de réserve, la qualité de vie, l'instruction, l'entretien, l'infrastructure et toutes ces choses.
Comment pouvez-vous assurer la viabilité des forces si vous avez une force très expérimentée qui s'attend à ce qu'on lui demande de jouer un rôle actif et qui tolère assez mal de ne pas obtenir le soutien dont elle a besoin parce qu'elle a déjà payé un prix élevé sur le terrain? Comment ferez-vous pour éviter que ces gens soient touchés par un exercice d'attrition important, même si vous pouvez les remplacer, ce qui entraînera la perte de toute cette expérience en raison des compressions dans un grand nombre de domaines liés à leurs activités quotidiennes?
Gén Lawson : Merci. Je crois que vous parlez de l'investissement dans le capital humain et de la façon dont nous aiderons nos membres à préserver leur santé et leur bien-être.
Le sénateur Dallaire : On devrait les former et les tenir occupés, au lieu de leur demander de nettoyer les planchers, et cetera.
Gén Lawson : Ce n'est certainement pas ce que nous leur demanderons de faire. Je pense que vous l'avez bien dit, sénateur. Dans la foulée des compressions que nous avons observées par le passé, nos capacités et nos effectifs ont beaucoup souffert. La bonne nouvelle dans les redressements budgétaires des dernières années, c'est que le gouvernement nous a clairement demandé de maintenir toutes nos capacités et nos ressources humaines, c'est-à-dire 68 000 membres dans la force régulière et 27 000 dans la réserve. Nous avons également entendu le premier ministre dire sans ambages qu'il aimerait que nous changions notre ratio dents-queue pour essayer de réduire nos frais généraux et de réinvestir dans nos capacités.
Permettez-moi de parler d'un aspect qui, selon moi, continuera d'avoir préséance, et je pense que vous y avez fait allusion dans votre question. Au moment de rajuster nos budgets, nous devons faire preuve d'une grande prudence pour maintenir le lien de confiance sous-jacent entre les dirigeants militaires et les membres qui ont pris part à un déploiement. Nous avons d'excellents programmes, notamment le programme En route vers la préparation mentale et d'autres initiatives qui préparent les gens aux opérations, ce que nous ne faisions généralement pas il y a des décennies. Nous entraînions bien nos hommes et femmes en uniforme sur le plan de la stratégie militaire et de l'utilisation du matériel, mais nous ne les préparions pas au stress qu'ils allaient subir. Désormais, nous veillons à ce que ceux qui ont été témoins d'incidents ou qui ont connu des expériences stressantes pendant les opérations soient soumis à un examen rigoureux qui, nous le croyons, sera dans leur intérêt futur. Vous êtes sans doute au courant, sénateur, des énormes sommes investies dans nos partenariats avec la Commission de la santé mentale du Canada, ainsi que dans nos projets de collaboration avec d'autres conseillers en toxicomanie et avec le personnel infirmier en santé mentale.
À mesure que nous redresserons nos budgets et établirons nos priorités, c'est l'un des domaines qu'il faudra privilégier pour ne pas exercer des pressions qui entraveront ces activités.
Je pense que vous allez plus loin en parlant du maintien de la santé non seulement sur le plan mental et physique, mais aussi sur le plan de disponibilité opérationnelle. Voilà un autre aspect qu'il faudra privilégier dans l'orientation adoptée par le premier ministre. Pour ce faire, il faudra entre autres répéter des initiatives comme le Commandement des opérations interarmées, qui nous a permis de réduire nos frais généraux. En effet, 25 p. 100 des fonds qui étaient destinés aux frais généraux sont maintenant réinvestis dans l'instruction. Même si nous maintenons nos trois services dans l'Arctique, l'entraînement là-bas coûte très cher. Certains éléments de cette instruction seront donc assurés de nouveau à l'intérieur de l'armée et des forces navales et aériennes.
L'entraînement dans le Nord est très coûteux. Nous devrons mener les activités en mer, dans les airs ou dans le Nord, selon ce qui s'impose. Autrement dit, nous n'exécuterons que celles qui doivent être menées dans ces environnements. Le reste pourra se faire dans l'ensemble de nos services, à même les garnisons, grâce à des simulations et à d'autres mesures qui diminuent les dépenses liées à l'instruction. Lors de ma récente visite au centre des opérations navales, j'ai justement vu les résultats des investissements non négligeables effectués dans la simulation. Ainsi, les membres peuvent s'entraîner à l'intérieur de l'édifice du CIOM, chose qu'ils n'auraient jamais pu faire sans navire en haute mer et sans diesel. Voilà le genre d'initiatives qui nous permettront d'emballer les gens, d'encourager l'instruction et de garder notre personnel bien formé, le tout à moindre coût.
Le sénateur Dallaire : La concision n'est pas notre fort, alors je vais devoir être bref.
Gén Lawson : Désolé, sénateur.
Le sénateur Dallaire : Ne vous en faites pas. Vous nous donnez des réponses complètes. Je suis également heureux de voir le retour des Forces armées canadiennes. Je me suis battu pour cela parce que je voyais qu'on perdait du terrain. Alors, je me réjouis de leur retour en force, et c'est le cas de le dire. Toutefois, cela nous amène à la question des politiques, notamment à la stratégie Le Canada d'abord. Si on en lit le contenu ligne par ligne et qu'on le compare à la situation actuelle, sans oublier les répercussions possibles du budget, on commence à discerner une divergence entre, d'une part, la réalité et, d'autre part, la liste de matériel prévu et l'objectif énoncé, soit celui de maintenir le financement des forces.
Général Lawson, avez-vous entrepris — vous personnellement, et pas seulement le SMA — un examen des politiques pour vous assurer que le tout sera formulé dans le cadre d'une politique, au lieu de vous contenter de ce qui reste après la mission en Afghanistan?
Gén Lawson : En ce qui concerne la stratégie de défense Le Canada d'abord, c'est en cours. Dans sa déclaration lors de la conférence de presse en juillet, le premier ministre a clairement indiqué qu'avant de réviser la politique et la stratégie Le Canada d'abord, nous devons trouver des gains d'efficacité dans nos propres services; ce n'est qu'ensuite que nous pourrons discuter d'une éventuelle mise en jour de la stratégie. Pour répondre brièvement à votre question, nous ne menons aucun examen de politiques en ce moment.
Le sénateur Lang : J'aimerais donner suite à la note d'information que le premier ministre a envoyée au ministère de la Défense sur la question des économies de coûts, dont le sénateur Dallaire vient de parler. Un sujet de préoccupation pour nous tous ici présents et pour le Cabinet du premier ministre, c'est que la rationalisation au sein du ministère de la Défense ne doit pas se faire sur le dos des unités de réserve et des forces régulières. En fait, elle devrait plutôt viser l'administration, dans la mesure du possible. Les membres du comité ici présents sont préoccupés par le maintien des unités de réserve. Vous pourriez peut-être nous dire où vous en êtes dans ce dossier.
Gén Lawson : Les réservistes nous ont été d'une très grande utilité tout au long de notre mission en Afghanistan. Comme vous le savez, après les premières rotations, 20 p. 100 de nos déploiements en Afghanistan ont été assurés par nos unités de réserve, qui ont fait un travail remarquable. Durant le conflit en Afghanistan, nous avons également recruté de nombreux réservistes pour le service de classe B à temps plein. Nous avons compté sur eux pour veiller à la bonne marche des quartiers généraux, pendant que de plus en plus de militaires partaient sur le terrain. Le nombre de réservistes demeurera le même, c'est-à-dire au moins 27 000 personnes, et nous en sommes presque là. Toutefois, il y aura beaucoup moins de réservistes à temps plein, parce que nous reviendrons graduellement vers une réserve plus traditionnelle de classe A à temps partiel. Comme vous l'avez sûrement lu dans divers articles de journaux parus dernièrement, nos réservistes sont déçus que les programmes d'instruction ne soient pas aussi complets qu'ils l'étaient durant notre phase de combat en Afghanistan. On prévoit une réduction du nombre de jours d'instruction, pour passer naturellement à une durée de 37,5 jours, ce qui est assez traditionnel.
Bref, il y aura plus de réservistes à temps partiel, et la durée de l'instruction sera à nouveau d'environ 37,5 jours par année. La pilule sera un peu difficile à avaler pour les réservistes de premier plan qui étaient des membres opérationnels de classe C à temps plein, parce qu'ils devront reprendre un service plus traditionnel. Quoi qu'il en soit, leur nombre sera maintenu.
Le sénateur Lang : Je vais passer à la question de la sous-traitance et de vos besoins en crédits budgétaires. D'après ce que je crois comprendre, l'année dernière, votre budget s'élevait à environ 2,4 milliards de dollars. Quelle proportion de ce montant sert à appuyer les troupes de première ligne? Quelle proportion sert à financer la dotation en personnel civil? C'est très important du point de vue de la rationalisation et de l'attribution des fonds.
Gén Lawson : Vous voulez savoir quelle proportion des 2,4 milliards de dollars est consacrée aux troupes et quelle proportion, à la dotation en personnel civil.
Le sénateur Lang : Oui.
Gén Lawson : Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question, mais je vais me renseigner là-dessus pour vous fournir cette précision. De nos jours, les termes « sous-traitance » et « entrepreneurs » ont une connotation presque péjorative. C'est un peu ironique parce qu'il y a environ 10 ou 15 ans, nous ne pouvions pas nous en passer — nous avions recours à d'excellents entrepreneurs — pour des services tels que la formation au pilotage, l'entretien des véhicules dans l'ensemble des trois services et le soutien en santé mentale. Ainsi, nos membres en uniforme étaient libérés de ces fonctions, qui n'étaient clairement pas de nature opérationnelle, afin qu'ils puissent se concentrer sur des fonctions opérationnelles. En gros, cette approche nous a donné de très bons résultats. Dans la foulée des compressions budgétaires, nous devrons mettre l'accent sur ces entrepreneurs, car il faudra renouveler, améliorer ou même annuler des contrats. Par conséquent, certaines de ces fonctions seront confiées à nouveau à notre personnel en uniforme. N'empêche que les entrepreneurs ont très bien réussi à nous offrir des services, que ce soit dans l'armée, la marine et les Forces aériennes.
Relativement à votre question sur la dotation en personnel civil, je vous ferai part de la réponse.
La présidente : Merci de cette précision. C'est important de le savoir. Les gens pensent que ces activités se font à l'externe, mais vous allez en quelque sorte accomplir ce travail à l'interne.
Gén Lawson : Une partie du travail, oui.
Le sénateur Munson : Général Lawson, je vais être bref. Ce budget semble être de mauvais augure. Selon la rumeur, les seules personnes qui conserveront leur emploi seront celles qui participent, chaque été, à la cérémonie de la relève de la garde sur la Colline. Ce budget mettra-t-il en péril des emplois?
Gén Lawson : J'ai noté ici l'expression « de mauvais augure » et je vais ramener ce bout de papier avec moi. Je n'ai aucun moyen de savoir ce que le budget nous réserve et je n'ai aucune information supplémentaire là-dessus. Ce que nous avons, c'est le Budget principal des dépenses pour 2013-2014, dont vous avez récemment pris connaissance. Ainsi, je sais exactement ce que le budget prévoit pour les forces armées jusqu'en mars 2014. Pour ce qui est du prochain budget, j'ignore ce qui est prévu.
Le sénateur Munson : Vous n'êtes pas sûr si des emplois seront perdus.
Gén Lawson : C'est ça.
Le sénateur Munson : Vous avez parlé de l'équipe de renouvellement qui sera chargée de réduire les frais généraux, de stimuler le renouvellement des processus administratifs et d'établir des paramètres d'évaluation du rendement afin de mesurer les progrès. Qu'entendez-vous par « réduire les frais généraux »?
Gén Lawson : Je peux vous donner un exemple concret : la création du Commandement des opérations interarmées du Canada. En regroupant trois quartiers généraux en un, nous avons pu réduire les frais généraux d'environ 25 p. 100. Ces gens n'ont pas perdu leur emploi. Les économies ont été réinjectées dans le fonds d'investissement. Nous avons besoin d'environ 3 500 postes pour réinvestir dans des capacités qui nous paraissent fondamentales pour l'avenir des Forces armées canadiennes, mais nous n'en sommes pas encore rendus là. Ces postes ne seront pas perdus, car nous y réinvestirons.
Le sénateur Munson : J'ai une autre petite question à vous poser. Vous avez utilisé l'expression « ratio dents-queue ». Comment distinguez-vous l'une de l'autre? Selon vous, quels secteurs subiront le gros des compressions : le personnel, les biens d'équipement, les acquisitions, le fonctionnement ou l'entretien? Je n'ai aucune idée de ce que l'expression « ratio dents-queue » veut dire.
Gén Lawson : C'est une expression que nous, les pilotes de chasse, utilisions dans le poste d'équipage les vendredis soirs et qui s'applique plutôt mal à ce contexte-ci. En tant que pilote, je représentais les dents, alors que les 20 personnes qui travaillaient à l'entretien de l'avion constituaient la queue. Manifestement, je ne pouvais aller nulle part tant que les 20 techniciens n'avaient pas fait ce qui s'imposait. Voilà pourquoi l'analogie ne fonctionne pas bien à l'extérieur du poste d'équipage. Imaginez un animal muni de très longues dents, mais n'ayant presque pas de queue; il tomberait par terre parce que son poids ne serait pas distribué de façon égale. Il faut donc un équilibre. On pourrait s'en tenir aux dents. Supposons que les dents représentent le char d'assaut sur le terrain; dans ce cas, les dents seraient tellement longues que leurs racines dépasseraient la mâchoire de notre animal.
Je ne crois pas que cette analogie soit très utile. Ce qu'il faut retenir, toutefois, c'est que nous privilégierons l'ensemble des capacités qui aident nos forces de première ligne dans l'armée, la marine, les Forces aériennes et les opérations spéciales. Nous sommes certes reconnaissants du travail de nos unités de soutien et des quartiers généraux qui les appuient, mais il nous faudra les passer en revue afin de geler le financement d'une partie de cette capacité.
Le sénateur Munson : Vous dites que le personnel subalterne ne devrait pas s'inquiéter du budget.
Gén Lawson : Je n'irais pas jusque-là. Même si nous essayons de trouver le juste milieu entre le personnel, le matériel, la disponibilité opérationnelle et l'infrastructure, nous chercherons quand même à privilégier le personnel et la disponibilité opérationnelle.
La présidente : Merci. En effet, nous serions tous soulagés si nous pouvions cesser d'utiliser cette analogie. Merci de ne plus y revenir.
[Français]
Le sénateur Nolin : Général Lawson, merci d'avoir accepté notre invitation. Je suis intéressé par cette réunion que vous avez eue avec le président du Comité militaire à l'OTAN. Je présume que lui aussi est préoccupé. À moins que cela n'ait été qu'une visite de courtoisie, ce dont je doute, je présume qu'il est préoccupé par les compressions budgétaires de votre service.
Pouvez-vous explorer un peu plus avec nous la discussion que vous avez eue avec le président du comité militaire et nous éclairer sur ses préoccupations et l'avenir de notre relation avec nos alliés et aussi avec nos partenaires de l'Alliance, qui eux aussi sont préoccupés, à une époque où nous n'avons toujours pas réglé ce défi d'équilibrer le partage de nos responsabilités avec nos 27 alliés de l'Alliance.
[Traduction]
Gén Lawson : Merci de la question, sénateur Nolin. Les redressements budgétaires actuels sont représentatifs — probablement en ce qui concerne les activités au bas de l'échelle — de la situation à laquelle font face bon nombre des chefs d'état-major de la Défense qui ont rencontré le président du Comité militaire. Bien entendu, celui-ci tient beaucoup à ce que le Canada continue d'appuyer directement l'OTAN parce que nous avons été un partenaire très solide et très important tout au long de la FIAS et du conflit libyen. Quand les Canadiens viennent sur le terrain, ils mettent à profit un matériel extraordinaire et un savoir-faire professionnel, sans trop de réserves quant à la façon dont le commandant de l'opération veut procéder. Voilà pourquoi le président du Comité militaire tient vraiment à l'intervention du Canada au sein de l'OTAN et à son soutien à l'OTAN. Il est entre autres conscient que le Canada ne peut pas profiter de la proximité géographique dont jouissent les autres pays membres de l'OTAN. Il s'agit de petits pays, très rapprochés, qui sont en mesure de prendre part à ce qu'on appelle la « défense intelligente ». Autrement dit, ils mettent en commun l'équipement, comme les chars d'assaut, les véhicules de combat rapproché et les camions, en échange d'un engagement d'unir leurs forces dans l'avenir. Hélas, nous ne pouvons pas procéder ainsi. Les États-Unis constituent notre seul allié de l'OTAN qui se trouve à proximité, et nous mettons en commun une vaste gamme de capacités. Bref, le président du Comité militaire sait que nous ne sommes pas en mesure de profiter de certaines des initiatives de la défense intelligente, et c'était en gros le sujet de mon entretien avec lui. À mesure que nos ressources seront réduites, comment pourrons-nous maintenir nos capacités au sein de l'OTAN et continuer de lui prêter main- forte? J'ai confirmé au président du Comité militaire que le ministre de la Défense et le premier ministre m'avaient donné l'assurance que nous continuerons d'appuyer fermement l'OTAN.
[Français]
Le sénateur Nolin : Une de nos belles réussites en termes d'alliance stratégique est le NORAD et vous avez été intimement lié à cette organisation. Depuis quelques années, la responsabilité du NORAD s'est étendue aux côtes, à l'Est et à l'Ouest. Parlez-nous de l'avenir.
En tant que chef d'état-major, comment voyez-vous ce défi que nous relevons quotidiennement avec les Américains au nom de la défense de l'Amérique du Nord? Comment voyez-vous l'avenir du NORAD?
[Traduction]
Gén Lawson : Comme nous, les Américains considèrent l'accord binational du NORAD comme étant un immense succès.
Le sénateur Nolin : Pourquoi n'inclut-on pas l'Arctique?
Gén Lawson : C'est exact. On se fie à l'expertise du Canada dans l'Arctique. Le golfe réchauffe une bonne partie de l'Alaska, si bien que la vraie région de l'Arctique est ce que nous voyons dans notre archipel et nos territoires. Les Américains comptent beaucoup sur nous pour prendre les devants. Pour ce qui est du NORAD et de l'approche à l'égard de la souveraineté dans le Nord, le NORAD nous permet de travailler en équipe. Par exemple, nos avions de chasse n'ont pas recours à nos postes de ravitaillement situés à Trenton. Nos avions de chasse à Cold Lake utilisent les ravitailleurs en Alaska et dans d'autres régions des États-Unis. Ce sont d'énormes ressources qui nous aident, dans le cadre d'un partenariat binational, à protéger notre souveraineté partagée.
Dans l'avenir, nous constaterons que les Russes continueront de chercher toutes les faiblesses possibles dans le Nord, ce qui continuera d'intéresser grandement le Canada et les États-Unis pour veiller à ce que nous ayons les capacités de nous rendre sur place de façon responsable et très rapidement lorsque nous décelons la présence d'avions non identifiés. Cela sert également de soupape de sécurité contre les Russes. Conjointement avec le NORAD, nous travaillons à ce que nous appelons un « aigle stratégique », où les Russes et nous refilons un avion détourné chaque année, à tour de rôle, pour voir comment nos opérations internationales peuvent se déployer. C'est une mesure très positive pour nos trois nations.
Le sénateur Nolin : Bien.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Je pense que tout le monde sait que le gouvernement est très impatient d'équilibrer le budget, et nous n'avons pas vu beaucoup de progrès pour ce qui est de tailler l'acier pour la construction de navires ou d'acheter un avion à réaction ou des hélicoptères. Ces projets semblent avoir été bloqués, d'une certaine façon. En fait, nous nous sommes rendus dans l'Est à l'automne pour visiter l'une des bases. C'était génial. Nous avons pu voir les Cyclone. Nous prendrons possession de ces hélicoptères sous peu, mais ce n'est pas encore fait. Pensez-vous que le projet a peut-être été mis sur la glace pour les deux ou trois prochaines années, alors que le gouvernement s'efforce d'équilibrer le budget? A-t-il vraiment reporté ce processus d'acquisition à plus tard, comme l'a dit le sénateur Dallaire?
Gén Lawson : Si on a mis en veilleuse certains projets ou que nous percevons une frustration face au manque de progrès, je ne pense pas que ce soit lié aux capitaux. Ce n'est pas rendu jusque-là. Les capitaux sont disponibles pour aller de l'avant. Bien que les progrès semblent stagner, nous accomplissons des progrès relativement à la stratégie nationale en matière de construction navale. Nous sommes rendus à définir les opérations navales dans l'Arctique et à faire l'acquisition d'un navire de soutien interarmées. Nous aurons le navire de combat de surface sous peu. C'est en fait un processus échelonné en étapes. Je dirais la même chose pour notre projet d'acquisition d'un hélicoptère maritime que Sikorsky et General Dynamics mènent actuellement. Ce sera un aéronef de premier ordre. Nous accusons des retards qui sont fréquents dans la mise au point d'un aéronef. Ces retards sont frustrants et nous attendons patiemment. Je ne pense pas qu'ils sont liés — certainement pas — à l'établissement des budgets et aux capitaux investis.
Le sénateur Mitchell : Des notes de service à l'interne laissent entendre qu'il faut se dessaisir d'une partie de l'infrastructure. Y a-t-il des bases qui sont sous le couperet ou des risques que vous fermiez des bases actives?
Gén Lawson : Rien ne porte à croire que des bases actives fermeront leurs portes, mais vous avez soulevé un bon argument. Nous avons un très grand nombre d'immeubles dans les Forces canadiennes. Il y en a 21 000 dans l'armée seulement. C'est un secteur prêt à faire l'objet d'une consolidation et sur lequel l'Équipe de renouvellement de la Défense se penche. Pour chaque immeuble que nous éliminons, nous réduisons un peu les paiements tenant lieu d'impôts et les dépenses au titre de l'exploitation et de l'entretien pour le chauffage, du goudronnage des toitures et de ce genre de choses. Ce n'est pas simple. Un grand nombre de nos immeubles sont si vieux qu'ils sont maintenant considérés comme étant des édifices patrimoniaux alors que nous préférerions qu'ils soient plus exactement qualifiés d'inutiles. Il y aura toujours une divergence d'opinions là-dessus, mais vous avez souligné un secteur qui est prêt à faire l'objet d'une consolidation.
Le sénateur Day : Général, merci beaucoup de votre présence. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus long sur l'initiative de l'Équipe de renouvellement de la Défense à laquelle vous avez fait référence. Nous avons parlé brièvement de réduire les frais généraux administratifs. Je comprends qu'on veuille réduire ces frais. Ce que je n'ai pas compris, c'est le fait de dynamiser le renouvellement des processus opérationnels. Je vais vous laisser l'occasion de nous en parler plus longuement. Pouvez-vous nous dire ce que l'on peut prévoir à la lumière de ce renouvellement?
Gén Lawson : C'est formidable, n'est-ce pas? J'étais très emballé à mon arrivée car mon prédécesseur et le sous- ministre étaient tous les deux emballés. Maintenant, je suis vraiment enchanté juste à entendre l'expression « renouvellement des processus opérationnels » car je commence à comprendre ce qu'elle signifie.
Je peux vous donner un exemple. Lorsque j'étais le commandant de la 8e Escadre, il y a de cela un certain nombre d'années, j'étais fort bien préparé à assumer les tâches qu'on me confiait, notamment de m'assurer que les aéronefs étaient prêts à être déployés à court préavis, que les pistes étaient dégagées et que les hangars étaient rangés. Je n'étais pas préparé pour d'autres tâches, notamment pour adjuger des contrats, travailler avec les délégués syndicaux et négocier les contrats et les salaires avec les syndicats. Ce sont des tâches pour lesquelles même si nous n'étions pas bien préparés pour les assumer, si quelqu'un suggérait qu'elles pouvaient être assumées d'une façon plus horizontale plutôt que de les confier au commandant d'escadre, ce que j'étais, ou aux commandants de base de l'armée ou de base navale, ce n'était pas ce que nous faisions. Nous avons toujours exécuté ces tâches à la base, peu importe laquelle.
Ce que nous constatons maintenant, c'est que nous ne pouvons pas nous permettre d'être aussi myopes. Nous reconnaissons désormais que si nous avons recours à l'impartition dans nos 27 bases, stations et escadres, nous serons en mesure de réaliser des économies en faisant appel à des firmes qui peuvent offrir des services de qualité comparable à coût moindre parce que nous ne nous tournons pas vers des entreprises de petite taille pour ces services. Des négociateurs expérimentés et professionnels travaillent à la passation de ces marchés plutôt qu'un commandant d'escadre mal préparé. C'est un exemple d'un processus opérationnel qui est mené moins en vase clos et qui est renouvelé et utilisé par l'ensemble de nos bases.
Le processus d'acquisition est un autre exemple où nous pouvons constater ce changement. Même s'il est bien organisé et conçu pour réduire le risque, il est douloureusement lent pour ce qui est de son rendement, et nous croyons qu'il peut y avoir des moyens de le consolider de manière à le rendre plus efficace et à réduire les frais généraux.
Le sénateur Day : Merci de ces remarques. Elles sont utiles. Je commence à être emballé, même si je ne comprends pas le processus.
Pourriez-vous pousser la discussion plus loin et parler de certaines macro-décisions que l'Équipe de renouvellement de la Défense pourrait prendre? J'estime que vous prenez parfois une décision de façon globale. Par exemple, vous avez trop de réservistes à temps plein, comme vous l'avez dit tout à l'heure, si bien que vous essaierez de réduire le nombre de réservistes à temps plein pour aider ceux qui sont à temps partiel. C'est une très bonne politique à ce niveau-là, mais quand nous regardons les bases, surtout les bases aériennes — nous étions à Shearwater et le commandant de la base nous a dit qu'il y a beaucoup de réservistes à temps plein car ils ne voulaient pas quitter la Nouvelle-Écosse; ils étaient essentiels aux opérations pour s'assurer que les avions à réaction sont en état de voler, mais ils n'étaient pas prêts à joindre de nouveau les rangs de la force régulière. Si vous réduisez le nombre de réservistes à temps plein, vous réduisez des ressources qui vous sont indispensables.
C'est un exemple auquel je peux penser maintenant, mais y en a-t-il d'autres où vous pouvez envisager un changement à plus long terme, un changement fondamental, tel que l'impartition, comme vous l'avez mentionné? Si vous pouvez en parler de façon globale en disant qu'il est possible que ces changements découlent de l'Équipe de renouvellement de la Défense, alors nous pouvons tous commencer à songer aux effets à long terme.
Gén Lawson : Il y a deux choses ici. Premièrement, vous soulignez le fait, qui se rapporte à l'observation du président, qu'il faut couper dans le gras. À mesure que nous coupons dans le gras, nous constatons qu'il y a très peu de gras. Même cette politique très pertinente visant à délaisser la classe B, dont nous en sommes venus à dépendre énormément, pour nous tourner davantage vers la classe A, plus traditionnelle, entraîne des pertes de ressources car ces gens étaient franchement excellents.
Nous n'avions pas établi de budget et nous n'avons toujours pas de budget maintenant que nous comptons autant de réservistes de classe B. Ces gens sont rendus au point où ils disent, même s'ils sont très expérimentés : « Merci beaucoup, mais je ne veux pas y retourner; c'était formidable pendant que cela a duré, mais nous vous reverrons plus tard. »
Partout où nous chercherons à réaliser des économies, nous ferons preuve de prudence, mais il y aura des pertes de ressources. Notre défi consiste à trouver les secteurs que vous avez soulevés avec raison et qui nous permettront de réaliser des économies en minimisant les pertes de ressources.
Deuxièmement, bien que vous m'ayez donné l'occasion de souligner certains secteurs où nous pourrions réaliser des économies — et j'en ai évoqués quelques-uns —, c'est une tâche complexe. Nous n'avons pas procédé au renouvellement des processus opérationnels depuis de nombreuses années. Cela n'a pas été fait pendant mes 35 années de carrière. Ce que nous faisons maintenant a été fait par quelques forces armées. Les Israéliens l'ont fait récemment et les Britanniques l'ont fait avant eux. Mackenzie est l'entreprise qui nous aide à préparer une charte qui mettra l'accent sur certains de ces secteurs potentiellement lucratifs, comme elle l'a vu dans d'autres forces armées. Elle travaille actuellement avec notre Équipe de renouvellement de la Défense à relever ceux qui pourraient s'appliquer à nous.
Plutôt que j'essaie de signaler ces secteurs, nous avons de très brillantes personnes qui travaillent en vue d'achever une charte de la défense au cours des prochains mois, qui seront alors en mesure de prendre des initiatives dans des secteurs qui, selon nous, offrent la plus grande probabilité de succès.
Le sénateur Day : Nous attendons avec impatience que certaines de ces initiatives soient annoncées publiquement. Merci beaucoup.
Le sénateur Plett : Général, je m'excuse de mon retard. Si ma question a déjà été posée, vous pouvez me le faire savoir. Si elle ne l'a pas été, alors je serai surpris que le sénateur Dallaire ne l'ait pas posée.
De toute évidence, l'une des priorités de notre gouvernement est de prendre soin des femmes et des hommes en uniforme, et plus particulièrement ceux qui sont blessés. Quelles sont certaines des améliorations que nous avons pu apporter récemment pour prendre soin de nos anciens combattants blessés? Quels sont les secteurs où nous pourrions peut-être nous améliorer pour qu'ils puissent continuer à travailler?
Je siège au Comité des anciens combattants. Nous étions au Québec la semaine dernière, et nous avons vu plusieurs anciens combattants blessés qui pouvaient continuer à bien servir le pays. C'est l'une de nos préoccupations, et je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet.
Gén Lawson : Nous en avons parlé brièvement, mais vous me donnez l'occasion d'en parler un peu plus. Je pense que nos partenaires de l'OTAN, dont nous avons parlé, perçoivent maintenant les Canadiens comme étant le chef de file en matière de soutien médical, tant pour les maux physiques que mentaux, que nous offrons à notre personnel, ainsi qu'à leur famille. Nous reconnaissons qu'une personne ne souffre pas seule de traumatismes liés au stress opérationnel; c'est toute sa famille qui en souffre.
Je dirais plusieurs choses positives à cet égard. La mesure la plus positive en matière de soutien organisationnel, c'est probablement la création des unités interarmées de soutien au personnel, qui deviennent des centres intégrés de soutien au personnel. Ces entités donnent à une personne la chance d'avoir un mentor tout au long du processus, ceux qui ont consolidé les différents organismes médicaux, qui sont si évidents pour les travailleurs au sein de ces organismes, mais pas pour ceux qui essaient d'avoir accès à ces services. Nos unités interarmées de soutien au personnel et nos centres intégrés de soutien au personnel sont maintenant composés de personnes qui sont devenues très organisées dans ce secteur et qui aident les gens à s'y retrouver dans le processus. C'est un énorme progrès. Premièrement, vous n'êtes pas seul. Deuxièmement, les explications et les délais d'attente sont devenus clairs.
Les partenariats avec des groupes non militaires tels que la Commission de la santé mentale du Canada ont été une excellente chose pour nous. J'ai participé à une course organisée pour le centre de réadaptation St. John's au centre des sciences de la santé de Sunnybrook à Toronto. Depuis 75 ans, le centre de réadaptation St. John's travaille avec ceux qui ont souffert de blessures graves aux membres, comme nous en avons vues beaucoup au cours des 10 dernières années. Depuis quatre ou cinq ans, le centre forme nos professionnels de la santé pour traiter les blessures d'un grand nombre de nos soldats.
Enfin, vous avez parlé du filet sous-jacent en matière de santé et de sécurité qui existe grâce à un partenariat entre le MDN, Anciens Combattants et la Légion. Ce partenariat donne de bons résultats pour tisser le filet de sécurité pour prendre soin de nos membres blessés pendant toute leur vie s'ils se sont blessés en mission. Il y a certains aspects très positifs.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup.
Le président : Je veux revenir sur un argument que le sénateur Nolin a fait valoir au sujet de nos relations pour la prise de décisions éclairées en matière de défense, ce qui signifie principalement nos relations avec les Américains, bien entendu.
À quelques occasions au début des années 2000, lorsque nous avons refusé d'établir des partenariats en matière de défense stratégique entre autres, cela a un peu changé la formule au NORAD. Ceux qui ont bonne mémoire peuvent se rappeler notre sombre décennie où les États-Unis et d'autres pays ne savaient pas s'ils voulaient que les Canadiens participent aux missions puisque cela signifiait qu'ils devaient s'occuper de notre transport. Cette attitude a-t-elle changé grâce à ce type de mise en commun stratégique, notamment? Des préoccupations ont-elles été soulevées quant à savoir si les gens seront en mesure de faire leur part sans être une charge?
Gén Lawson : Je pense que tous les militaires s'inquiètent à l'idée de ne pas être bien équipés pour mener des combats, quel que soit l'endroit où ils ont lieu. Les sommes que le gouvernement du Canada a investies, en particulier dans les C-17, mais aussi dans les C-130J, la modernisation de la classe HALIFAX et le projet PDVDF, garantissent que nous avons la capacité de transport nécessaire pour atteindre des pays étrangers et pour traverser les régions les plus difficiles du Canada. Nous sommes extrêmement bien équipés pour le faire.
Je vais pousser votre argument un peu plus loin, parce que je crois que vous abordez en fait certaines frustrations historiques qui ont ponctué nos relations avec nos partenaires du Sud lorsque, par exemple, nous avons refusé, avec raison, de nous joindre à eux en Irak, de participer à la défense antimissile balistique ou, récemment, de prendre part à l'établissement du Commandement du Nord, à la suite des événements du 11 septembre.
Dans chacun de ces cas, pour des raisons qui nous sont propres — et je tiens à préciser que je n'ai pas participé au processus décisionnel —, notre gouvernement a décliné l'invitation des États-Unis. Ce qui est à la fois surprenant et réconfortant, c'est que les relations militaires ne sont pas vraiment touchées durement dans ces cas-là. Le respect que les militaires des deux côtés de la frontière éprouvent les uns envers les autres est tellement commun et indissociable qu'il nous permet de surmonter toutes ces épreuves. Parfois, les militaires renouent leurs relations avant que les politiciens ou les membres de l'industrie de la défense le fassent.
Tout cela est excellent. Maintenant que nous possédons les C-17 et les C-130J, deux excellents navires, nous sommes en mesure de nous rendre sur les champs de bataille, ce qui était un peu discutable par les années passées. Je ne crois pas que l'OTAN ait l'impression que cette capacité sera mise en doute, même si nous sommes aux prises avec des restrictions budgétaires.
La présidente : Je vous remercie d'avoir mentionné cela pour le compte rendu.
Le sénateur Dallaire : Je suis heureux que vous ayez parlé de « surmonter » les épreuves initiales qu'ont entraînées ses décisions. Comme vous l'avez déclaré, les portes se sont rouvertes. Cela est également imputable à la sueur, aux larmes et au sang abondamment versés par nos troupes sur le terrain.
En 2006, la loi sur la responsabilité a été adoptée, et la dotation craintive est devenue la norme. On vous attribue un certain budget. Selon les estimations, celui de 2013-2014 sera réduit de 2,6 milliards de dollars, ce qui représente un recul de près de 13 p. 100. En ce qui concerne l'exercice financier de 2012-2013 qui tire maintenant à sa fin, combien d'argent prévoyez-vous devoir rendre au gouvernement parce que, pour une raison ou une autre, vous n'avez pas été en mesure de le dépenser?
Gén Lawson : Je vais obtenir, à votre intention, le chiffre exact auprès de mon nouveau meilleur ami, le vice-chef d'état-major de la Défense. J'ai entendu dire récemment que les fonds que nous serions autorisés à reporter s'élèveraient à environ 300 millions de dollars. Cela devrait nous aider un peu en 2013-2014, en atténuant certaines des pressions les plus importantes dont nous faisons l'objet. Cela ne veut pas dire que nous reporterons effectivement une somme pareille. Je vais devoir me renseigner sur la somme que nous estimons pouvoir reporter et vous la communiquer plus tard. Nous avons réussi à utiliser les crédits 1 et 5 dans la mesure où nous espérions le faire. Cela n'a pas toujours été le cas au cours des dernières années.
Le sénateur Dallaire : Vous avez tout à fait raison. Cette année, il a été possible de transférer au crédit 1 les fonds approuvés pour le crédit 5, ce qui n'avait pas été autorisé au cours des deux dernières années. Cela représente une somme d'argent substantielle, de l'ordre de 400 millions de dollars.
Je vais conclure en mentionnant que les compressions dont les centres de soutien aux familles font l'objet me préoccupent. Nous sommes maintenant témoins de ces réductions, alors que nos troupes sont de retour au pays et qu'elles ont besoin de ce soutien pour se stabiliser. Cette politique est peut-être à courte vue, si l'on souhaite maintenir en poste les membres d'expérience.
[Français]
Le sénateur Nolin : Ma question sera courte et concerne la cybersécurité. De plus en plus, nous avons entendu plusieurs de vos collègues venir nous entretenir du sujet. On a l'impression qu'au Canada nous maîtrisons relativement bien les préoccupations à ce titre. Lorsqu'on écoute le discours américain, c'est l'inverse, on constate une immense préoccupation.
Compte tenu de la relation que nous avons, au niveau militaire, avec les Américains, comment allez-vous faire face à cette réalité de la cybersécurité?
[Traduction]
Gén Lawson : On peut dire que les Américains ont incité le monde occidental à prendre conscience de la cybermenace. Ils ont consacré plus d'argent à la contrer que la plupart de leurs partenaires de l'OTAN et ont commencé à le faire plus tôt que la plupart d'entre eux. Toutefois, avec l'aide de nos alliés, le Canada se familiarise rapidement avec la menace qui pèse sur nous. Nos systèmes sont excellents, en particulier nos systèmes grandement sécurisés. Mais même les pare-feu de ces systèmes sont menacés quotidiennement. Cependant, nous croyons que, jusqu'à maintenant, ils ont efficacement fait obstacle aux pirates informatiques.
Maintenant, les Forces armées canadiennes emploient un directeur général de la cybersécurité, et cela constitue une nouvelle initiative. Au fur et à mesure que nous établirons des liens avec le CSTC, et que nous continuons à travailler avec le ministère de la Sécurité publique qui est le chef de file canadien dans l'étude de toutes les questions cybernétiques, et avec le département de la Sécurité intérieure des États-Unis, nous progresserons à un rythme qui, nous l'espérons, contribuera grandement à accroître notre sécurité.
Le sénateur Lang : Vous avez mentionné le Nord à plusieurs reprises au cours de votre déclaration préliminaire. J'aimerais que vous nous fournissiez des renseignements supplémentaires sur ce qui se passera là-bas dans les années à venir, en raison du regroupement et de la réduction des effectifs de l'armée. Deuxièmement, pourriez-vous nous dire si des exercices militaires seront menés dans le Nord cet été?
Gén Lawson : Oui, trois exercices auront lieu comme par le passé. Il faut que ces exercices soient menés, car chacun d'eux met à l'épreuve une partie différente de nos capacités.
Nous constatons que des entraînements qui n'ont pas été suivis depuis des années sont donnés là-bas en ce moment. Dernièrement, l'un de nos nouveaux avions Hercules a atterri sur un pont de glace s'étendant sur un lac près de Schefferville. C'est la première fois que cet entraînement était pratiqué depuis de nombreuses années. À Resolute Bay, le Centre de formation dans l'Arctique est opérationnel. Dans les années à venir, Nanisivik disposera d'un port en eau profonde qui pourra également accueillir le patrouilleur hauturier de l'Arctique. De plus, nous continuons d'appuyer fermement l'idée d'utiliser nos bases d'opérations avancées pour faire voler les F-18 dans le Nord.
Toutes ces initiatives continuent de démontrer un engagement direct à l'égard du Nord canadien, de nos capacités là-bas et de leurs ressources.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous en votre possession les statistiques qui indiquent le pourcentage de femmes employées dans chacune des forces? Disposez-vous de statistiques qui démontrent le genre de progression qu'elles enregistrent dans les grades supérieurs, et offrez-vous des programmes qui encouragent cette progression?
Gén Lawson : Il y a peu de temps, deux de nos générales à deux étoiles ont participé à la Journée internationale de la femme, et c'est la première fois que nous pouvons en dire autant. Nous nous procurerons les statistiques en question, et nous vous les communiquerons. Je pense que les femmes représentent 20 p. 100 de nos effectifs — et ce, même au Collège militaire royal — et que ce pourcentage se maintient.
La présidente : Merci beaucoup, général Lawson. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous visiter. Nous vous félicitons de votre nomination au poste de chef d'état-major de la Défense. Nous réjouissons à la perspective de parler avec vous régulièrement et fréquemment. Je vous remercie infiniment de votre présence parmi nous.
Nous allons maintenant changer d'orientation afin de poursuivre notre étude sur le harcèlement au sein de la GRC. Nous vous sommes reconnaissants de vous être réunis aujourd'hui.
Nous savons que bon nombre d'entre vous viennent de Vancouver. Nous allons entendre nos témoins de la Division E, la plus grande division de la GRC qui comprend les effectifs de l'ensemble de la province de la Colombie- Britannique. Nous accueillons Craig Callens, sous-commissaire, commandant divisionnaire, Division E; inspecteur Carol Bradley, chef d'équipe, Division E, Programme pour un environnement de travail respectueux; et Simmie Smith, membre civil de la GRC, Direction de la diversité stratégique, siège social de la GRC du Pacifique, chef de projet responsable du rapport de la Division E intitulé Summary Report on Gender Based Harassment and Respectful Workplace Consultations. Soyez les bienvenus.
De plus, nous recevons à Ottawa Sharon Woodburn, commissaire adjointe, directrice générale des Programmes et services relatifs à l'effectif des ressources humaines; et Dennis Watters, dirigeant principal de la vérification et de l'évaluation.
Nous allons devoir entendre de nombreux témoignages aujourd'hui. Nous allons donc commencer par la déclaration préliminaire de Craig Callens, le sous-commissaire. Allez-y, monsieur.
Craig Callens, sous-commissaire, commandant divisionnaire, Division E, Gendarmerie royale du Canada : Madame la présidente, chers membres du comité, merci beaucoup de m'avoir invité et de me permettre de me joindre à vous aujourd'hui par vidéoconférence. Je suis le commandant de la GRC en Colombie-Britannique, qu'on appelle également la Division E.
Je suis accompagné par l'inspecteur Carol Bradley, chef d'équipe du Programme pour le respect en milieu de travail de la Division E. Elle pourra m'aider à répondre à toute question concernant les activités et les initiatives liées au respect en milieu de travail qui sont en cours en Colombie-Britannique. Mme Simmie Smith, stratège en diversité de la division, m'accompagne également. Elle pourra discuter des consultations provinciales qu'elle a menées l'an dernier sur le harcèlement basé sur le sexe et sur un milieu de travail respectueux.
Je sais que vous vous intéressez au travail que nous effectuons ici, en Colombie-Britannique, relativement au Programme pour le respect en milieu de travail. Je vais donc vous fournir un aperçu du programme et certains de ses points saillants.
Il y a environ un an, peu après ma nomination au poste de commandant de la Division E, j'ai demandé que soit réalisée une analyse pratique des méthodes actuellement employées par la division pour assurer un milieu de travail respectueux, et j'ai fait part de mon grand intérêt à trouver et à étudier de nouvelles façons de permettre aux personnes qui allèguent avoir été victimes de harcèlement fondé sur le sexe de se manifester et de signaler ces incidents sans crainte de représailles ou de punition. J'ai demandé la tenue d'une consultation générale auprès d'un échantillon de membres et d'employées représentatif de l'ensemble des effectifs de la Colombie-Britannique, non seulement pour les entendre raconter les expériences qu'elles ont vécues, mais aussi pour connaître toute préoccupation ou recommandation qu'elles pourraient avoir sur la création d'un milieu de travail sûr et sain.
Simultanément, nous avons examiné et analysé les résultats et les recommandations du projet de Professionnalisme policier réalisé par l'Association canadienne des chefs de police. Conjointement avec d'autres initiatives en matière de ressources humaines en cours, le Plan d'action pour le respect en milieu de travail de la Division E a été élaboré en avril 2012. Il comportait 11 objectifs précis et 51 mesures à prendre, divisées en trois phases, chacune dotée de délais et de buts clairs.
Parmi les points saillants de notre Plan d'action pour le respect en milieu de travail, on retrouve les suivants. Un examen de la documentation sur les milieux de travail respectueux a été effectué pour relever les pratiques exemplaires concernant l'établissement et le maintien d'un milieu de travail respectueux au sein d'un organisme policier. Un sondage a été réalisé auprès des employés de toute la division. Il s'agit du sondage le plus vaste et le plus complet jamais mené en Colombie-Britannique auquel plus de 3 100 employés ont répondu, offrant de la rétroaction et des suggestions sur 19 facteurs liés au milieu de travail. Un système d'intervention rapide, le système de rapport sur les problèmes de rendement, a été mis en œuvre pour assurer la surveillance et le suivi des indicateurs de comportement, afin de veiller au bien-être des employés et de leur offrir un soutien rapide. Une formation sur la sensibilisation au harcèlement et les enquêtes connexes a été donnée, et une centaine de personnes-ressources ont maintenant été formées. De plus, on a désigné et formé 47 conseillers en respect au travail afin de répondre aux appels allant d'une simple demande de renseignements à une demande d'aide de la part d'un employé aux prises avec un problème en milieu de travail nécessitant une intervention.
Trois commissaires adjoints, qui font partie de mon équipe de gestion supérieure, ont commencé à donner un exposé sur le leadership éthique il y a trois mois de cela dans le cadre du cours obligatoire de maintien des compétences opérationnelles offert hebdomadairement par le Centre de formation de la Région du Pacifique. Je joue également le rôle de conférencier pour nos programmes de formation des superviseurs et des gestionnaires, auxquels a été intégré le maintien d'un milieu de travail respectueux. Nous avons embauché deux spécialistes non officiels de la gestion des conflits qui donnent de la formation, du soutien et de l'aide aux employés, aux superviseurs et aux gestionnaires en vue de gérer et de régler les conflits en milieu de travail de façon proactive, opportune et efficace.
Un comité consultatif sur le respect en milieu de travail a été créé pour servir d'expert et appuyer nos dirigeants supérieurs et l'équipe de gestion de la division lors de l'élaboration de plans précis pour combler les lacunes relevées dans le sondage auprès des employés.
Steven Maguire, titulaire de doctorat, professeur à l'Université Carleton et coauteur de l'étude sur le Professionnalisme policier de l'ACCP, donne des ateliers sur le leadership éthique à l'intention de nos conseillers en milieu de travail et des membres du comité. Un atelier s'est déroulé le mois dernier, et un autre a lieu cette semaine. Il y a deux semaines, nous avons donné à 24 gestionnaires un atelier sur la promotion du changement de culture et sur l'amélioration de l'égalité des sexes.
Un système électronique confidentiel de dénonciation a été créé, et nous entendons le mettre en fonction au plus tard le 1er avril de l'année en cours. Ce système permettra de signaler une situation de façon confidentielle à l'extérieur de la chaîne de commandement en cliquant simplement sur une icône sur le bureau de l'ordinateur.
Toutes ces mesures sont appuyées par un plan de communication complet afin que l'ensemble des employés soit au courant des initiatives et des sujets auxquels on a donné suite. Toutes ces initiatives font l'objet d'une évaluation, au fur et à mesure de leur mise en œuvre. Elles seront surveillées à l'avenir. Nous savons que la surveillance et l'évaluation jouent un rôle de premier plan dans notre réussite, et nous avons pris certaines mesures pour nous assurer de demeurer sur la bonne voie et d'apporter les modifications nécessaires le cas échéant.
Beaucoup de travail a été accompli, et ce travail se poursuit afin de régler les problèmes et les lacunes que nos employés de la Colombie-Britannique et nous avons relevés. Le programme et les autres initiatives en cours à l'échelle nationale permettent de combler ces lacunes.
Le Programme pour le respect en milieu de travail n'est pas une solution miracle, et il ne nous permettra pas d'obtenir des gains à court terme. Il vise à changer notre façon de faire et à créer un milieu où les employés se sentent appréciés et où les dirigeants peuvent s'épanouir. Il vise aussi à être viable, et il s'agit en effet d'une idée qui est devenue un plan, puis un programme, dans le but de devenir un aspect fondamental des activités de la GRC en Colombie- Britannique. Ce plan est ambitieux et assorti de délais courts, mais je suis persuadé qu'il est réalisable.
Je viens de vous présenter un aperçu du programme. C'est avec plaisir que nous répondrons maintenant à toutes les questions que vous pourriez souhaiter poser.
La présidente : Je vous remercie infiniment de votre exposé. Il était très détaillé. Avant d'amorcer nos séries de questions, nous allons entendre Sharon Woodburn qui est ici, à Ottawa. Allez-y.
Sharon Woodburn, commissaire adjointe, directrice générale, Programmes et services relatifs à l'effectif des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Madame la présidente, chers membres du comité, mesdames et messieurs, bonsoir.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir accordé cette occasion de me présenter devant vous pour faire le point sur l'examen comparatif entre les sexes effectué à la GRC et sur le plan d'action qui y fait suite.
Je suis accompagnée, ce soir, de mon collègue Dennis Watters, dirigeant principal de la vérification et de l'évaluation de la GRC.
[Traduction]
Le commissaire Bob Paulson s'est engagé en janvier 2012 à soumettre la GRC à un examen comparatif entre les sexes (ou ECS, comme je l'appellerai dorénavant). Cet examen portait sur trois éléments précis, à savoir : le recrutement, le processus de promotion des sous-officiers et le processus de promotion des officiers brevetés.
Après beaucoup de recherche et de consultation, l'objectif de l'ECS a été formulé comme suit : déterminer si, dans leur application, les politiques de recrutement et de promotion donnent des chances égales aux membres régulières. Différentes méthodes ont été employées pour recueillir les renseignements de base nécessaires à l'atteinte de cet objectif, c'est-à-dire une étude documentaire, plus de 178 entrevues, une analyse des sondages réalisés antérieurement auprès des employés et un questionnaire diffusé à l'interne.
Le questionnaire a constitué l'un de nos plus importants outils d'évaluation. Il a été élaboré pour évaluer les comportements en matière de promotion et a été envoyé à 7 200 membres réguliers. Plus de 4 200 d'entre eux y ont répondu, ce qui constitue une proportion élevée, soit 56 p. 100. L'ECS a pris fin l'automne dernier. Le rapport qui en est issu présente plusieurs conclusions fondées sur des données, dont certaines font état d'une progression de la représentation des femmes chez les membres réguliers, et d'autres font ressortir des points sur lesquels il faudra se pencher. Il en ressort entre autres très clairement que tous les membres, hommes et femmes, souhaitent être promus selon leur mérite.
Les conclusions présentées dans le rapport visent à aider la gendarmerie à se doter d'un effectif équilibré où tous les membres ont des chances égales et sont traités de la même façon. La plupart des problèmes soulevés lors de l'examen ne sont pas propres à la GRC, mais touchent aussi d'autres corps policiers canadiens.
[Français]
Après la cconclusion de l'ECS, le ministre de la Sécurité publique a chargé le commissaire de dresser un plan d'action détaillé fixant des jalons précis, des objectifs mesurables ainsi que des échéances claires pour donner suite aux problèmes exposés dans le rapport. Le commissaire Paulson a suivi cette directive et nous avons profité de l'occasion pour détailler nos mesures concrètes que nous comptons prendre afin de moderniser la gendarmerie.
[Traduction]
Le document intitulé Égalité entre les sexes et respect — Le plan d'action de la GRC, qui a été publié en février 2013, s'articule autour de deux axes, soit la culture et la composition de la GRC, et aborde 11 thèmes : s'occuper du harcèlement, alimenter le respect en milieu de travail, assurer la transparence et l'objectivité dans les promotions, soutenir la conciliation travail-famille de manière plus efficace, établir des cibles de recrutement, attirer davantage de femmes et d'autres personnes appartenant à un groupe désigné, soutenir les postulants dans leurs démarches pour se joindre à la gendarmerie, voir à ce que le personnel officier soit représentatif des employés qu'il dirige, accroître la transparence des promotions aux grades d'officier, assurer le maintien en poste des membres réguliers et envisager l'avenir.
[Français]
Pour chaque thème, le plan d'action prévoit des mesures à prendre. Il y en a 37 en tout. Certaines sont déjà en vigueur, et la plupart ont été entreprises et avancent bien. Par soucis de transparence et de responsabilisation, le plan d'action intégral est accessible au public sur le site web de la GRC.
Mon collègue et moi sommes heureux d'être ici pour discuter avec vous aujourd'hui. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions sur l'ECS et le plan d'action connexe.
[Traduction]
La présidente : Merci à vous deux pour ces déclarations préliminaires. Je rappelle à tous qu'il nous faudra être disciplinés aujourd'hui. Nous voulons des questions courtes et précises, et nous essayerons si possible de faire plus d'une ronde.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Est-ce qu'ils ont l'interprétation à Vancouver?
[Traduction]
La présidente : Je m'adresse aux trois qui sont à Vancouver : avez-vous quelqu'un là-bas qui pourra vous traduire les questions qui seront posées en français, le cas échéant?
M. Callens : J'ai bien peur que nous ne comprenions pas les questions en français, ici, à Vancouver, mais je crois savoir que nous disposons d'un service de traduction.
La présidente : Avez-vous des écouteurs pour entendre ce qui se dit? C'est le cas? Testons-les.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Sous-commissaire, je vous ai vus, vous et votre collègue de droite, sur les ondes de CPAC, et j'ai entendu la présentation que vous avez faite devant des comités de l'autre endroit. J'ai trouvé que vos réponses avaient de la profondeur. Spécifiquement, la question à laquelle j'aimerais que vous répondiez est la suivante.
[Traduction]
Jusqu'ici, ce qui est ressorti des séances d'information est le problème de harcèlement dans la GRC. On m'a rappelé que vous n'êtes pas nécessairement une force paramilitaire, mais qu'une grande proportion de votre effectif — le tiers en fait — est constituée de civils. Les problèmes de harcèlement sont-ils plus fréquents au sein du personnel en uniforme, qui a dû se plier à tout le processus de sélection et de formation, que chez les civils? Comment peut-on concevoir que ceux qui ont dû s'astreindre à des processus beaucoup plus rigoureux et qui doivent composer avec toute la philosophie de l'organisation et ainsi de suite accordent une importance moindre aux questions de harcèlement — ou, à tout le moins, les voient différemment — que les civils qui n'ont probablement pas suivi la même formation que vous?
M. Callens : Merci, sénateur. Vous avez tout à fait raison, notre milieu de travail regroupe tous les types d'employés : les membres réguliers de la GRC, les membres civils et les fonctionnaires. Je crois qu'il s'agit d'une question de comportement et d'interactions entre les personnes. En ce qui nous concerne, ici, en Colombie-Britannique, le défi et les manquements mis à jour par nos recherches portent sur la manifestation trop fréquente de comportements grossiers, irrespectueux, voire parfois méprisants. Je ne crois pas que ces comportements permettent de distinguer les membres réguliers des civils.
N'importe laquelle des initiatives que nous avons mises en place servira à remédier aux problèmes existants, peu importe la catégorie d'employé.
Le sénateur Dallaire : Votre réponse est décevante, car je m'attendais à ce que la philosophie du personnel en uniforme, avec sa formation, son perfectionnement et tout le reste, ainsi que le fait que l'on voie des tuniques rouges à profusion aient permis d'instaurer une culture, des normes et des critères complètement différents de ceux du personnel ordinaire de la GRC.
Ce qui m'amène à cette question : d'après vos analyses et les réponses que vous avez reçues, vous est-il possible de savoir si les sous-officiers, qui constituent votre ligne de front, ont un point de vue différent de celui des officiers concernant la problématique qui se développe ou qui a été mise au jour et la mise au point d'une culture appropriée à la GRC? Les deux groupes ont-ils deux perceptions différentes du problème et des façons d'y remédier?
M. Callens : Je ne crois pas que ce soit le cas, du moins pas pour la Colombie-Britannique. Je crois que tous les échelons de l'organisation reconnaissent qu'il faut s'attaquer au problème avec force et conviction. À tous les échelons, nos ressources ont été déployées pour améliorer la formation sur le leadership en matière d'éthique, optimiser les prises de décisions et favoriser les comportements respectueux en milieu de travail. Les conseillers en respect au travail, les membres du comité pour le respect en milieu de travail et les experts en la matière sont tous des gradés, allant du rang de constable à celui d'officier supérieur.
La présidente : Pouvons-nous avoir le point de vue de nos deux témoins de Vancouver? Allez-y directement. À vous, inspecteur Bradley.
Inspecteur Carol Bradley, chef d'équipe, Division E, Programme pour un environnement de travail respectueux, Gendarmerie royale du Canada : Merci de me poser cette question. Comme l'a indiqué le commandant divisionnaire, nous avons examiné les réponses de toutes les catégories d'employé et de tous les grades de l'organisation. En ce qui a trait aux comportements respectueux, les gens disent tous à peu près la même chose lorsqu'ils décrivent l'environnement de travail souhaité, ce qui doit retenir notre attention et les aspects qu'il faut améliorer. C'est pour cela que nous sommes le plus ouverts possible lorsqu'il s'agit de solliciter les services des comités consultatifs ou des conseillers en respect au travail. Nous veillons ainsi à être aussi ouverts et mobilisés que possible quant aux types de mesures qu'il nous faut, et à faire en sorte que la formation sur le leadership en matière d'éthique et la formation sur la gestion informelle des conflits soient offertes à tous les grades et à toutes les catégories d'employé.
Simmie Smith, chef de projet, Direction de la diversité stratégique, siège social de la GRC du Pacifique, Division E, Gendarmerie royale du Canada : Merci. La majorité des personnes que j'ai interviewées dans le cadre de mes consultations étaient des membres réguliers. Il y avait aussi des civils, mais la majorité était des membres réguliers. Les résultats que j'ai obtenus ne me permettent pas de répondre à la question du sénateur Dallaire, mais j'espère avoir pu donner un peu plus de contexte.
La présidente : J'en profite pour vous rappeler que vous devez préciser vos questions. Cela nous permettra de gérer un peu mieux la procédure.
Le sénateur Lang : D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que je suis heureux que vous soyez là. La quantité d'informations qu'a reçue le Comité sur le travail que vous avez accompli au cours de la dernière année, sinon plus, indique de façon éloquente que vous prenez la situation et la question du harcèlement très au sérieux, et que vous vous y attaquez en tant qu'organisation. Je sais que ça n'est pas facile; ce n'est pas une situation qui peut être traitée à la légère.
J'aimerais regarder vers l'avenir et ce qui vous attend. Je fais ici allusion au projet de loi C-42, qui modifie la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, qui vient d'être adoptée par la Chambre des communes et soumise au Sénat aux fins d'examen. J'invite Mme Woodburn et M. Callens à nous dire ce qu'ils en pensent, notamment en ce qui concerne la façon dont ce dernier pourra aider les personnes comme vous à faire le travail qu'on leur confie.
M. Callens : Merci beaucoup pour cette question. Pour ce qui est du projet de loi C-42, le point de contact premier avec le gouvernement relève de l'administration centrale. D'après ce que je comprends, aux termes du projet de loi C- 42, le commissaire et ses délégués bénéficieront de pouvoirs accrus pour traiter efficacement des comportements inappropriés en milieu de travail. Le projet de loi permettra en outre de simplifier le processus entourant les plaintes afin qu'elles soient traitées beaucoup plus rapidement. Pour ce qui est de s'attaquer aux racines du problème et, dès la première occasion, aux plaintes de harcèlement ou de conflit au travail, je sais en raison de mon expérience que ce sont les domaines où nos chances de réussir sont les meilleures.
Mme Woodburn : Bien entendu, je suis tout à fait d'accord avec ça, mais en ce qui concerne le plan d'action découlant de l'ECS, nous estimons qu'il était important de l'y inclure comme mesure de toute première instance. Et cela s'explique. La loi proposée nous est apparue comme une pierre angulaire ou un catalyseur pour le changement de culture que nous tentons d'amorcer par ce plan et tout un lot d'autres mesures. Je ne suis pas une spécialiste du projet de loi C-42, et le surintendant O'Rielly pourra sûrement nous en dire plus long là-dessus, mais c'est ce que j'en comprends et ce qui nous a motivés à vouloir que le plan d'action y soit inclus.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup à tous nos panélistes. Monsieur Callens, bravo pour le travail que vous avez fait au sein de votre organisation. Comme le disait le sénateur Dallaire, c'est du sérieux.
Le harcèlement relève souvent d'une culture organisationnelle que j'appelle « une culture de tolérance », aussi bien envers le harceleur que, bien souvent, la victime. C'est la loi du silence et du laisser-faire.
Vous avez entamé votre programme du changement de cette culture organisationnelle depuis un an. Voyez-vous déjà des changements de comportement tant au niveau du personnel que des gestionnaires?
[Traduction]
M. Callens : Oui. Merci pour cette question. J'ai constaté des changements et, ce qui est encore plus important, j'ai entendu des membres et des employés d'un peu partout dans la province dire qu'ils en avaient vu eux aussi. Je crois que la permanence de notre Programme de respect en milieu de travail est cruciale pour nous. La Colombie-Britannique est d'ailleurs en voie de passer à un programme à temps plein.
Pour que nous puissions remédier à cela à long terme, nous devons en parler et fournir des occasions aux employés de nous donner leurs impressions sur les résultats que nous obtenons. Bien que l'on puisse arguer que les consultations effectuées par Mme Smith au début de 2012 manquaient quelque peu de rigueur scientifique — notamment en ce qui a trait à la façon dont elles ont été réalisées —, nous leur avons donné suite avec une enquête plus rigoureuse visant à examiner 19 facteurs en milieu de travail et à solliciter les points de vue et les recommandations du personnel. Nous nous sommes engagés à mener une autre enquête auprès de nos employés dans un an pour compléter les mécanismes informels de rétroaction qui ont été mis en place et que nous continuons d'utiliser. En bref, nous voyons des résultats, et les commentaires que nous avons reçus de nos membres et de nos employés sont des plus encourageants.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Votre plan d'action s'adresse-t-il aussi bien aux civils qu'aux policiers et policières?
[Traduction]
M. Callens : Oui. Tous les employés sont invités à participer à l'enquête. Nous avons un comité consultatif d'employés constitué de représentants de toutes les catégories. Les initiatives que nous avons mises en œuvre et déployées à l'échelle de la province ne font pas de distinction entre les différentes catégories d'employé qui peuvent être touchées. L'enquête de suivi que nous effectuerons dans un an pour mesurer de façon scientifique les progrès accomplis visera tous les employés de chaque catégorie.
Le sénateur Munson : Merci d'être là. Nous constatons que la GRC essaie de dresser une nouvelle table où tous seront traités également et de la même façon. Je suis curieux, et ma question s'adresse au commissaire adjoint : avec toutes les enquêtes en cours et les mesures en milieu de travail en voie d'être mises en œuvre, à quoi ressemble l'atmosphère à la GRC ces temps-ci?
M. Callens : Je peux parler pour ma division. De façon générale, nos membres sont navrés et parfois même abattus par le genre de couverture — notamment de la part des médias — dont a fait l'objet ce qu'ils considèrent comme étant une série de cas isolés. Ce qui importe pour nous, et c'est ce qui apporte un peu de réconfort et de confiance à nos employés, c'est que nous nous sommes abstenus de parler des cas isolés et que nous avons plutôt consacré nos énergies à bien saisir en quoi consiste notre milieu de travail, et que nous avons pris l'engagement ferme de montrer, en actions et non en paroles, que nous voulions un lieu de travail où les membres se sentiront appréciés et où les meneurs pourront se développer. Nous avons sollicité leurs commentaires, leurs recommandations et leurs idées sur les façons d'apporter des améliorations. Ce sont ces idées et ces recommandations qui ont été intégrées à notre Plan d'action pour le respect en milieu de travail et aux initiatives connexes. Je crois que nous avons réussi à remonter le moral de l'effectif et les commentaires que nous avons reçus sont on ne peut plus favorables.
Le sénateur Munson : Vous avez mentionné à ce sujet qu'un sondage, le plus important mené en Colombie- Britannique, a été effectué à l'échelle de la division auprès de 3 100 employés qui ont formulé des commentaires et des suggestions sur 19 facteurs liés à leur milieu de travail. Pouvez-vous nous donner des exemples des résultats obtenus? Vous avez parlé d'un système de rapport confidentiel électronique qui permet, en cliquant sur une icône, de signaler une situation de façon confidentielle sans passer par la chaîne de commandement. Qui reçoit les messages confidentiels? Comment le système fonctionne-t-il? Pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous avez appris au moyen du sondage?
M. Callens : Nous avons eu deux sources d'information : la consultation sur le harcèlement axé sur le sexe et le sondage sur le milieu de travail. Les deux portaient sur un certain nombre de questions pour lesquelles des renseignements étaient nécessaires, de même que la création de groupes de rétroaction, à défaut d'avoir un meilleur terme, pour permettre aux employés de discuter de leur expérience et d'obtenir des conseils. Cela a mené à la création de postes de conseillers en respect en milieu de travail; l'inspecteur Bradley peut vous parler plus en détail de certaines de ces activités.
Le système de rapport confidentiel en dehors de la chaîne de commandement découle directement de la crainte de représailles dont on a fait mention dans le cadre des consultations et du sondage ainsi que du sentiment que les membres et les employés devaient pouvoir parler des problèmes liés à leur milieu de travail sans passer par leur supérieur immédiat, leur officier hiérarchique ou l'officier responsable de leur détachement. Dès que le système de rapport confidentiel sera opérationnel, idéalement au cours des prochaines semaines, les rapports seront directement transmis à notre officier responsable du Plan d'action pour le respect en milieu de travail, l'inspecteur Carol Bradley. Elle assurera un suivi adéquat de l'information et la transmettra au service concerné.
La présidente : Madame Bradley, voulez-vous faire un commentaire à ce sujet? Vous ne faites pas partie de la chaîne de commandement.
Mme Bradley : Oui, en effet. Cette préoccupation a été exprimée par un certain nombre d'employés qui ont indiqué qu'il peut être difficile de parler d'un problème à son superviseur immédiat ou à son patron. Ils ont également fait part de leur crainte que cela ait des répercussions sur la dynamique au bureau et sur leurs relations avec leurs collègues. Afin de remédier au problème, les postes de conseillers du Plan d'action pour le respect en milieu de travail et le formulaire électronique de signalement ont été créés pour donner des options aux employés qui veulent faire part d'une préoccupation ou d'un problème. Dans bien des cas, il s'agit d'un conflit en milieu de travail. Il est parfois assez mineur, mais pas pour la personne concernée; et il peut devenir beaucoup plus grave. Nous voulions offrir aux employés un moyen de s'exprimer. Ce que nous faisons avec cette information dépend beaucoup de ce qui ressort d'une consultation avec l'employé concerné et des différentes façons de résoudre le conflit. C'est de cette façon que nous essaierons de régler certaines de ces préoccupations.
La présidente : Madame Woodburn, est-ce que le système sera mis en place à l'échelle nationale? Quelle est la réaction des gens?
Mme Woodburn : La Colombie-Britannique a collaboré étroitement avec nous. Nous avons retenu certaines des idées qui nous ont semblé bonnes pour le pays, sinon toutes, et celle-ci en était certainement une. C'est une mesure à prendre, et une date a été fixée. Nous allons évaluer le modèle instauré dans cette province pour déterminer si nous devons le reproduire à l'échelle nationale.
Le sénateur Mitchell : Ma question s'adresse principalement à Mme Simmie Smith. Votre étude est excellente et, dans certaines circonstances, elle a demandé une bonne dose de courage. Elle est cependant contredite sur un point par l'étude de M. McPhail. Vous avez conclu que le problème est systémique, et il dit qu'il ne l'est pas. Des 718 dossiers qu'il a étudiés, il a recensé 26 cas de harcèlement sexuel. Vous avez parlé à 426 personnes, presque exclusivement des femmes. Vous avez exclu les hommes parce qu'il peut être difficile pour les femmes de parler de leur situation en leur présence. M. Callens pense qu'il y a un problème, et pour y remédier, il a nommé 47 conseillers et formé 100 personnes pour une seule province. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez conclu que le problème est systémique? Pourquoi et à quel point le serait-il? Comment en êtes-vous venu à cette conclusion?
Mme Smith : Les consultations ont eu lieu. Je dois vous donner un peu de contexte. Systémique n'est pas exactement le bon mot, mais nous avons un problème de harcèlement. Il faut comprendre que lorsque les consultations ont été menées, les gens qualifiaient souvent de harcèlement l'intimidation en milieu de travail, ce qui est parfois vrai selon la définition qu'on en donne. Cela dit, les conclusions de mon étude ne me permettent pas d'affirmer sans l'ombre d'un doute que le problème est systémique.
Ceux qui ont dénoncé des agissements à l'époque ne croyaient pas être pris au sérieux ou pouvoir le faire sans crainte de représailles. Dans le cadre des consultations, ils s'entendaient pour dire que le système les rendait mal à l'aise et que les gestionnaires ignoraient les préoccupations qu'ils exprimaient au sujet de comportements irrespectueux.
J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Mitchell : Ma prochaine question s'adresse à M. Callens. Je ne vais pas mentionner de noms, mais un cas a été soumis à un tribunal. Il a été établi qu'un officier s'était exhibé dans un bureau de la GRC. Il a été rétrogradé d'un rang, de sergent d'état-major à sergent, a perdu 10 jours de salaire et a été envoyé en Colombie-Britannique. Si je ne m'abuse, vous avez dit, ou quelqu'un d'autre a dit, que « quelqu'un devait le prendre ». Pour que la culture change, il faut qu'il y ait de vrais changements. La commission a beaucoup insisté sur le fait que le projet de loi C-42 rendra possible le renvoi en cas de harcèlement; je ne dis pas que c'est une pratique répandue. Si une telle situation se représentait aujourd'hui, est-ce que votre compréhension de la pratique du harcèlement a suffisamment changé pour que vous disiez simplement « je ne l'accepte pas; il doit être renvoyé »?
M. Callens : Comme je l'ai dit publiquement, je n'avais malheureusement pas reçu la quantité d'information qui selon moi était nécessaire et que j'étais en droit de recevoir dans ces circonstances pour prendre la décision. Celle que j'ai prise était fondée sur une quantité limitée d'information qui ne comprenait pas les détails auxquels vous venez de faire allusion. J'ai pris des mesures pour m'assurer de recevoir à l'avenir toute l'information avant qu'une décision ne soit prise. En définitive, quand la personne concernée est arrivée dans ma division, il était question de déterminer si sa famille devait continuer de souffrir en raison de ce que plusieurs considèrent comme une lacune organisationnelle qui nous a empêchés de régler la question de manière appropriée et qui explique pourquoi il a gardé son poste.
Le sénateur Mitchell : Si c'était à refaire, le congédieriez-vous? Pensez-vous sincèrement que la culture a suffisamment changé pour que quelqu'un qui agit ainsi soit non seulement renvoyé, mais également accusé au criminel? C'est un test décisif pour la nature de l'organisation et sa culture? Il est inconcevable qu'il n'ait pas été congédié?
M. Callens : Le commissaire espère obtenir, et nous avons confiance que le projet de loi permettra d'y arriver, dans sa forme actuelle ou avec les modifications que les parlementaires y apporteront, un système beaucoup moins contradictoire et beaucoup plus efficace qui nous permettra d'améliorer grandement notre manière d'agir contre ce type de comportement et de s'assurer ainsi que la GRC, ses membres et ses employés soient à la hauteur des attentes des Canadiens. Nous avons bon espoir que ce sera possible grâce au projet de loi et aux changements au régime de déontologie, aux comités et aux pouvoirs.
Le sénateur Mitchell : Nous aimerions vraiment qu'il en soit ainsi.
[Français]
Le sénateur Nolin : Ma question s'adresse à la commissaire adjointe Woodburn, et elle est très liminaire.
Afin de vraiment comprendre si les modifications, les propositions législatives, les plans d'action qui sont entrepris — et je n'ai qu'à examiner toutes les notes de breffage que nous avons, c'est énorme ce que vous avez entrepris — afin d'évaluer si la solution s'applique à un phénomène qui est vraiment existant, vous devez pouvoir répondre à ce que je j'appelle une question liminaire, vraiment au départ de la préoccupation de l'analyse.
Quelles sont les causes profondes du harcèlement à la GRC? Vous avez dû certainement y réfléchir à un moment donné, car votre plan d'action est énorme. Je présume que vous avez été adéquatement conseillée pour analyser d'abord s'il y a un problème et quelle est la cause du problème.
[Traduction]
Mme Woodburn : Je vous remercie de votre question. Vous avez entièrement raison. C'est un projet de taille, et nous avons essayé d'en faire plus que ce que nous avions d'abord prévu. L'objectif était de donner suite à l'ECS, et le projet a ensuite pris de l'ampleur, comme vous pouvez le constater. Nous nous penchons évidemment sur le harcèlement et d'autres questions.
À propos de mon point de vue sur la nature du harcèlement dans la GRC, je pense que le rapport du CPP et les divers autres documents auxquels vous avez fait référence indiquent plutôt clairement qu'il est question d'intimidation ou des relations en milieu de travail. En toute franchise, je pense qu'il s'agit de situations qui se sont envenimées à défaut d'avoir été réglées à temps. Des problèmes interpersonnels normaux dans tous les milieux de travail peuvent nous mener là où nous en sommes s'ils ne sont pas réglés au bon moment. C'est mon point de vue.
Ce document vise à nous faire progresser en nous permettant de régler les problèmes avant qu'ils ne prennent de l'ampleur.
[Français]
Le sénateur Nolin : Dans une des questions, le sous-commissaire ne semblait pas faire de différence entre la société de la GRC et la société civile. Autrement dit, pour lui cela semblait être le même type d'environnement.
D'un point de vue purement extérieur, j'ai beaucoup de difficulté à croire cela. Il doit y avoir, au sein de l'organisation, une culture — et le mot a été utilisé à quelques reprises — qui a amené des individus de bonne foi à poser des gestes et des motivations ont dû les amener à, impunément, provoquer et mettre en place ou s'adonner à une activité de harcèlement qui pouvait être à la base animée par du harcèlement sexiste. Je prends cela comme exemple. Je mets en doute cette réponse à savoir que ce soit l'environnement de la GRC ou l'environnement civil, c'est la même chose. J'ai de la misère à croire cela. Il y a définitivement un phénomène de culture associée.
Est-ce le fait qu'il y ait une relation disciplinaire hiérarchique? C'est ce que j'essaie de comprendre. Car votre réponse et celle de vos collègues et les différents rapports vont nous indiquer si la solution que vous nous proposez est la bonne.
[Traduction]
Mme Woodburn : Merci. C'est une question difficile, mais je vais essayer d'y répondre. Je continue de croire qu'on parle de situations mineures qui s'enveniment. Mon expérience n'a pas été la même que celles des personnes dont les cas ont été rendus publics, et je ne suis pas l'exception. Il s'agit de cas individuels, et je crois que les causes et les solutions le sont également. Je ne peux pas donner de raison qui explique clairement le harcèlement à la GRC. Je sais que nos relations externes sont axées sur le crime. Nous mettons l'accent sur notre travail et nos clients, et nous le faisons très bien. Par contre, il semble que nous ne nous en sortions pas si bien dans nos relations internes. C'est peut- être là l'explication. Il y a différents moyens de s'attaquer au problème, tout comme la nature du harcèlement et les cas individuels diffèrent. C'est ce qu'ont dit les membres de nos équipes de la Colombie-Britannique au sujet des conseillers en matière de respect au travail. Il existe différents moyens de contrer le harcèlement, et chaque personne s'y prend à sa façon. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous donner de réponse claire; je n'en connais pas. Je peux seulement vous faire part de mon point de vue.
Le sénateur Nolin : Merci.
La présidente : Mme Smith voudrait-elle nous dire ce qu'elle en pense? Il me semble que vous soulevez deux questions distinctes. Il s'agit d'abord de déterminer si les civils et les membres de la GRC, compte tenu de la chaîne de commandement, réagissent différemment à ce problème. Mais il y a une autre question. Comme vous l'avez mentionné, la victime et l'agresseur réagissent tous les deux à leur façon, selon leur personnalité. Madame Smith, vous avez passé beaucoup de temps à rencontrer des gens. Voyez-vous une grande différence entre la façon de réagir des civils dans ces situations et celle des membres de la GRC?
Mme Smith : Merci de me poser la question. Par souci d'équité envers les civils, je dois dire que je ne les ai pas suffisamment consultés pour vous donner une réponse aussi précise que celle qui concerne les membres réguliers, qui m'ont fourni beaucoup d'information sur leur vécu et leur perception des dysfonctionnements dans la chaîne de commandement. À ce stade-ci, je ne sais pas si une étude semblable menée auprès de fonctionnaires donnerait le même genre de résultats.
La présidente : Quelle est votre opinion au sujet des réactions individuelles? Est-ce qu'il est difficile de trouver des solutions miracles lorsqu'on sait que les gens percevront une même situation de façon tout à fait différente? J'ai passé de nombreuses années dans une salle de presse, tout comme le sénateur Munson. Du point de vue extérieur, beaucoup de comportements qu'on y observe sont très étranges, mais ils sont acceptables à l'intérieur. Je me demande si c'est la même chose ici.
Mme Smith : Excusez-moi, je n'ai pas entendu la première partie de votre question.
La présidente : Ce qu'on entend, c'est qu'au travail, les réactions individuelles des gens varient grandement. Ce qui pour l'un est de l'intimidation ou du harcèlement est une simple blague pour l'autre. Il est difficile d'établir des énoncés généraux étant donné que les gens percevront une même situation de façon tout à fait différente.
Mme Smith : C'est exact. Dans le cadre de mes consultations, certains membres réguliers m'ont fait part des difficultés qu'ils avaient rencontrées alors que pour d'autres, ces situations étaient tout à fait acceptables; les réactions varient selon l'expérience. Vous avez raison, il sera difficile de trouver une solution pour régler tous les problèmes. Nous allons devoir trouver des façons de répondre aux préoccupations des employés, sans égard à leur catégorie.
La présidente : Merci.
Le sénateur Day : On a déjà répondu à ma première question, mais j'aimerais vous dire ce que je comprends. Monsieur le sous-commissaire, l'initiative que vous avez réalisée dans la Division E en Colombie-Britannique n'était pas associée à l'analyse comparative entre les sexes de portée nationale qui a été décrite par la commissaire adjointe?
M. Callens : Non. Elle a été réalisée environ un an auparavant.
Le sénateur Day : Vous avez dit que l'analyse comparative entre les sexes et les mesures nationales qui ont été prises par la suite ont été publiées en février dernier, donc tout récemment. Est-ce qu'elles remplaceront le plan d'action de la Division E?
Mme Woodburn : Non, pas du tout.
La présidente : À qui posez-vous la question, sénateur Day?
Le sénateur Day : À la commissaire adjointe. Je veux savoir ce qu'elle attend de son plan d'action et comment il influencera celui du sous-commissaire.
Mme Woodburn : L'analyse comparative entre les sexes — de portée nationale — a été réalisée avant, et achevée à l'automne. Le plan d'action sur lequel j'ai travaillé a été réalisé à la suite de cette analyse et publié en février. Nous nous sommes inspirés du plan d'action de la Colombie-Britannique, qui a été élaboré l'année précédente.
Le sénateur Day : Je m'adresse une fois de plus à la commissaire adjointe : si la Division E a établi un plan d'action et que la commissaire adjointe partage certaines idées avec nous, est-ce que la Division J et d'autres réalisent leurs propres plans d'action et études? Comment pourrons-nous rassembler tous ces éléments et partager les pratiques exemplaires?
Mme Woodburn : Le milieu de travail des autres divisions est déjà respectueux, en grande partie, mais en vertu du plan d'action, elles devront se conformer au modèle de la Colombie-Britannique. Comme vous le savez, chaque division est différente, et elles choisiront les éléments du plan en fonction de leurs besoins. Nous les surveillerons à partir du centre de décision à Ottawa, et ils font partie des ententes de rendement des commandants divisionnaires à des fins de responsabilisation. Nous voulons que toutes les divisions du pays aient un programme pour un environnement de travail respectueux fonctionnel d'ici juin 2013.
Le sénateur Day : Je me demande ce qui arrivera aux membres qui sont transférés d'une province à une autre, si les plans et les règles sont différents. On s'attendra à ce qu'ils les comprennent, mais ce ne sera peut-être pas le cas. C'est-ce qui m'inquiétait, mais vous m'avez un peu rassuré.
J'aimerais revenir rapidement au sous-commissaire. Je m'interroge au sujet de deux initiatives. La première visait l'embauche de deux spécialistes non officiels de la gestion des conflits pour aider les employés. Comment cette initiative s'harmonise-t-elle au processus externe de règlement des griefs? Est-ce que vous avez assuré cette coordination?
Pendant que vous réfléchissez à la première question, ma deuxième porte sur le système électronique confidentiel de dénonciation. On craint toujours que le caractère anonyme du système puisse entraîner une utilisation inappropriée, à des fins non légitimes, par exemple par quelqu'un qui n'aimerait pas son gestionnaire ou voudrait obtenir son poste. Comment comptez-vous éviter cela?
M. Callens : Je crois que nous avons reconnu les avantages d'une expérience de résolution de conflits professionnelle au sein de notre division et de notre province. Je crois que le fait d'embaucher des spécialistes externes dotés de l'éducation et de l'expérience appropriées ne peut que nous aider à résoudre les conflits le plus tôt possible, avant qu'ils ne deviennent du harcèlement et qu'ils ne donnent lieu à une plainte, qui pourra être associée à un grief.
L'aide non officielle à la résolution des conflits vise à prévenir le harcèlement et à éviter la prise de décisions qui pourraient donner lieu à un grief.
En ce qui concerne le système électronique confidentiel de dénonciation, je crois qu'il faut faire une distinction entre ce qui est confidentiel et ce qui est anonyme. Nous ne croyons pas que le système donnera lieu à toutes sortes d'activités non fondées. Il vise à offrir un nouveau moyen pour les membres et les employés de faire part de leurs préoccupations s'ils ne sont pas à l'aise d'en parler à leur superviseur, à leur officier hiérarchique, à leur représentant des relations fonctionnelles ou à leur conseiller en respect au travail. Il s'agit d'une nouvelle option qui permettra aux employés de communiquer directement avec l'inspecteur Bradley, un agent du Programme pour un environnement de travail respectueux en qui ils peuvent avoir confiance pour trouver des solutions à leurs problèmes ou simplement obtenir des renseignements utiles.
Le sénateur Day : Merci. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais demandé à M. Watters quel est son rôle dans tout cela.
La présidente : Nous y reviendrons. Nous entamons la deuxième série de questions.
Le sénateur Dallaire : Je vois par votre uniforme que vous êtes tous des officiers. Ma question s'adresse aux deux femmes : avez-vous été témoin de cas où l'expression « il faut que jeunesse se passe », dont l'esprit est encore présent au sein de la GRC, a été utilisée pour justifier une certaine tolérance à l'intimidation ou à ce genre de comportement, à titre de partie intégrante du cadre historique et culturel de votre organisation?
Mme Woodburn : Non. Absolument pas. Je n'ai jamais entendu cette expression ni été témoin de tels comportements. Je ne me suis jamais sentie isolée en tant que femme parmi les hommes en plus de 26 ans de carrière. Non.
Mme Bradley : Je vous remercie pour votre question. Je vais faire référence à ce qu'a dit la sénatrice Wallin au sujet de la salle de presse : il y a des sous-cultures au sein de chaque culture. On peut présumer, je suppose, que le mode évolue, que les choses ont changé. Je crois que c'est vrai, que certains comportements en milieu de travail dont j'ai été témoin il y a 27 ans lorsque j'ai joint la GRC seraient tout à fait inappropriés aujourd'hui. Je ne dirais pas que ces comportements m'ont semblé être — et je parle de mon expérience personnelle, bien entendu — du harcèlement, ou être inacceptables.
Je crois que nous avons changé, et que nous continuerons de changer. Nous accusons peut-être un retard dans certains domaines.
Le sénateur Dallaire : Je voulais faire un lien avec les réformes entreprises par les Forces canadiennes dans les années 1990, étant donné que j'ai moi-même été témoin de ce genre de comportements. D'importantes mesures de développement du leadership et de formation ont été prises pour améliorer la situation. Je suis surpris de constater que certains interprètent ces comportements comme étant de l'intimidation et d'autres comme étant du harcèlement, et qu'il est difficile d'établir des paramètres. Si un code de conduite et un processus de développement du leadership et de formation étaient en place, et que l'éthique de l'institution au fil des années d'évolution était bien établie, il n'y aurait pas place à cet éventail d'interprétations. On se fierait à certaines normes pour déterminer clairement si un comportement a dépassé les bornes, et prendre les mesures appropriées.
Ne trouvez-vous pas cela un peu étrange qu'une institution comme la vôtre laisse place à toutes ces interprétations?
Mme Woodburn : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question, mais j'y répondrai de mon mieux. Lorsque je dis que l'expression « il faut que jeunesse se passe » ne faisait pas partie de mon expérience, je ne voulais pas dire qu'il n'y a pas, ou qu'il n'y a jamais eu, de manque de respect au travail.
En ce qui a trait au code de conduite sur la formation en leadership, vous en entendrez certainement parler encore après la session. C'est la clé de la solution. On ira probablement vers une formation qui traite du milieu de travail respectueux, et notamment du harcèlement. Comme vous le savez, le projet de loi C-42 modifiera la Loi sur la GRC et le code. La politique sur les relations interpersonnelles fera partie des mesures de suivi connexes. Je crois que c'est de ce point de vue que nous nous attaquons au problème. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
Le sénateur Dallaire : On s'approche de la réponse. Merci beaucoup.
La présidente : Nous avons parlé plus tôt de la façon dont les gens interprètent les choses différemment; ce qui m'offusque ne vous offusquera peut-être pas. Cela dépend de qui nous sommes ou de notre personnalité, et cela n'a rien à voir avec une règle ou un règlement.
Vouliez-vous intervenir, monsieur Watters?
Dennis Watters, dirigeant principal de la vérification et de l'évaluation, Gendarmerie royale du Canada : J'étais principalement responsable de l'examen comparatif entre les sexes à la GRC. J'ai entrepris la tâche en février 2012, et je l'ai terminée à l'automne; elle a donné lieu à l'élaboration du plan d'action.
La présidente : Quel était votre rôle exactement?
M. Watters : En février 2012, à la suite des reportages dans les médias, le commissaire a demandé qu'on analyse, en se fondant sur des faits, les raisons de la faible représentation des femmes dans les grades supérieurs de la GRC. Nous voulions vérifier s'il y avait des incohérences ou des lacunes dans les politiques de recrutement et d'avancement, ou dans leur application.
La présidente : Quelles ont été vos conclusions?
M. Watters : Nous avons constaté que les politiques étaient non discriminatoires, ce qui est bien. Par contre, dans l'application des politiques, nous avons remarqué non pas un fossé entre les genres, mais plutôt des écarts entre les hommes et les femmes dans certains domaines, dont le recrutement. Les candidats doivent subir un test physique avant d'être admis au Dépôt. Nous avons remarqué un écart de 14 p. 100 dans le taux de réussite des hommes et des femmes. Nous avons également trouvé des facteurs externes et internes dont tiennent compte les membres avant de demander une promotion. Les facteurs externes avaient plutôt trait à la conciliation travail-vie. Bon nombre des enjeux sont maintenant de nature générationnelle plutôt que des questions d'égalité entre les sexes.
La présidente : Nous le constatons également dans la profession médicale.
Le sénateur Day : Votre rôle consistera-t-il à analyser les résultats des divers objectifs et projets afin de déterminer si ce sont bien les résultats escomptés?
M. Watters : Le plan d'action indique que deux domaines feront l'objet d'une vérification. Il y a eu des préoccupations concernant les critères de sélection des membres utilisés par certains officiers hiérarchiques, et on en a tenu compte. Je vais soumettre la proposition à mon comité ministériel de vérification externe cette semaine en indiquant que c'est une vérification à effectuer dans un avenir proche.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Votre rapport s'intitule Égalité entre les sexes et respect. J'en déduis que vous avez une préoccupation particulière envers la situation des femmes. Les femmes représentent 20 p. 100 des quelque 20 000 personnes travaillant à la GRC. Observe-t-on la même proportion dans les quelque 1 100 plaintes déposées, soit 20 p. 100 qui ont été effectuées par des femmes et 80 p. 100 par des hommes? Quelle est la proportion des plaintes effectuées par des femmes, considérant que vous représentez 20 p. 100 de l'effectif? Voit-on un équilibre ou un déséquilibre?
M. Watters : Mon rapport ne s'est pas penché sur le harcèlement dans la GRC. Il a porté surtout sur les raisons pour lesquelles on ne comptait pas plus de femmes dans la GRC.
Le sénateur Boisvenu : Vous parlez d'égalité entre les sexes et de respect. Or, les femmes composent 20 p. 100 des effectifs de la GRC. Y sont-elles pour 40 p. 100 ou 50 p. 100 des plaintes? Cela nous donnerait alors un point de repère sur la situation des femmes par rapport au harcèlement. Vous n'avez pas ces données?
M. Watters : Je ne les ai pas.
[Traduction]
Mme Woodburn : C'est une excellente observation. Je ne peux vous fournir une réponse au moyen des statistiques à ma disposition. Sur les 20 000, 20 p. 100 sont des femmes. Je n'ai pas avec moi les statistiques sur les parties plaignantes et le harcèlement.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Il serait intéressant de les obtenir.
Mme Woodburn : Oui, certainement.
[Traduction]
La présidente : M. McPhail a indiqué que de nombreux signalements provenaient également d'hommes, puisque le problème est répandu.
Nos témoins de la Colombie-Britannique ont-ils des renseignements à nous communiquer à ce sujet?
M. Callens : Non. Merci.
Le sénateur Lang : J'aimerais me pencher davantage sur le rapport de Mme Smith. Votre rapport remonte à plus de deux ans, n'est-ce pas?
Mme Smith : Il a été soumis au commandant divisionnaire il y a un an.
Le sénateur Lang : Et pendant l'année précédente, vous étiez en train de rédiger votre rapport, ai-je bien raison?
Mme Smith : Non. J'ai commencé les consultations en janvier 2012, et le rapport était terminé en avril.
Le sénateur Lang : On a dit plus tôt que le harcèlement était un problème systématique au sein de l'organisation. Dans la conclusion de votre rapport, vous avez dit qu'il était exagéré de laisser entendre que ce problème se présente dans chaque aspect du milieu de travail, et vous poursuivez en indiquant que les employés souhaitent avoir la possibilité de discuter de leurs préoccupations et de recevoir des conseils dans un cadre confidentiel et respectueux, et ainsi de suite.
Or, en lisant votre rapport, il me paraît évident que le harcèlement fait partie de la culture depuis un certain temps déjà. Vous avez cerné le problème et vous avez émis de nombreuses recommandations qui, selon vous, devraient être mises en œuvre. Pensez-vous que des progrès ont été réalisés pendant le peu de temps qui s'est écoulé depuis la publication du rapport pour lutter contre les problèmes que vous avez vous-même rencontrés?
Mme Smith : J'étais bien contente que le commandant divisionnaire accepte le rapport intégralement et je suis ravie des progrès réalisés. L'inspecteur Bradley a fait un travail hors pair. Les recommandations issues de mes consultations représentent fidèlement les observations des participants. Nous ne sommes pas encore arrivés au but, mais nous avons réalisé beaucoup de progrès en vue de mettre en œuvre ce qu'ont proposé les participants.
Le sénateur Lang : Plus tôt, on a posé une question à la commissaire adjointe quant à la politique générale nationale. J'aimerais tirer les choses au clair pour le compte-rendu, car je suis un peu confus. La Colombie-Britannique a proposé un plan d'action qui a constitué la base du plan dont se serviront la Direction nationale et la GRC à l'échelle nationale. Et pourtant, il me semble que vous avez indiqué que les commandements régionaux individuels pourraient mettre en œuvre leur propre plan d'action.
Je ne vois pas comment ce type de scénario servirait à une organisation nationale qui doit se doter d'une structure nationale afin de lutter contre ces problèmes. Pouvez-vous tirer les choses au clair pour le compte-rendu?
Mme Woodburn : Permettez-moi de clarifier la chose. Le plan d'action de la Colombie-Britannique, comme nous l'avons déjà entendu, a été préparé environ un an avant le plan d'action national. Lorsque j'ai dit « emprunté », je voulais dire que ce document a fait partie de nos travaux de recherche, comme d'autres documents et ressources qui nous ont semblé pertinents lorsque nous rédigions le plan d'action national.
Quand je parle des autres divisions, je dois préciser qu'elles n'auront pas de plan d'action. Elles se doteront d'un programme pour le respect en milieu de travail conforme au plan d'action national. Nous avons chargé, pour ainsi dire, les autres divisions de concevoir leur propre programme et non un plan d'action. C'est un peu différent, mais vous avez tout à fait raison, il ne faudrait pas que toutes les divisions du pays pondent divers plans d'action et sèment ainsi la confusion. Il nous faut une perspective nationale : nous devons prendre le meilleur de chaque division et le répandre partout au pays afin de renforcer l'organisation à l'échelle nationale.
Je m'excuse de vous avoir induit en erreur. J'espère que mes explications sont suffisantes. Il n'y aura pas de nombreux plans d'action différents. Chaque division aura son programme pour le respect en milieu de travail. Ces programmes varieront peut-être légèrement, mais je ne m'attends pas à de grandes différences. Chaque programme comportera les mêmes éléments de base et nous allons nous en assurer.
Le sénateur Mitchell : Monsieur le commissaire Callens, je vous félicite de vos efforts extraordinaires en Colombie- Britannique. Je crois que ce programme est prometteur, et le programme sur le harcèlement basé sur le sexe offre de réels espoirs également. La réussite de chacun de ces programmes sera établie à partir d'exercices d'évaluation et de vérification.
Ma première question s'adresse à M. Watters et aux autres témoins, le cas échéant, et j'aurai ensuite une petite question à poser. Vous y avez fait allusion tantôt. Avez-vous une structure en place ainsi que les ressources nécessaires afin d'effectuer régulièrement des vérifications adéquates du plan d'action sur le harcèlement basé sur le sexe?
Monsieur le commissaire Callens, avez-vous créé un processus de vérification? Il existe de nombreuses techniques pour évaluer de façon qualitative les éléments de la culture organisationnelle, plutôt que de les évaluer uniquement sur le plan quantitatif. Nous-mêmes ainsi que les Canadiens serions rassurés de savoir que vous avez bel et bien cette structure. Si vous n'arrivez pas à évaluer quelque chose, il est impossible de le gérer.
M. Watters : Merci pour la question. À titre d'exemple, dans le plan d'action, on a abordé la question du manque de transparence et d'objectivité entourant le processus des promotions. Le plan d'action a été rendu public, et l'un des points abordés dans le plan, c'était les comités de validation chargés d'évaluer les candidatures et la façon dont les officiers hiérarchiques choisissent les agents individuels qui sont promus. On nous a demandé d'examiner les comités de validation et leur façon de valider les candidatures qui leur sont soumises, et j'ai inclus ce point dans le plan de vérification basé sur les risques du prochain exercice. De plus, nous allons évaluer comment les officiers hiérarchiques choisissent un candidat particulier. Ce sera l'objectif de la vérification. C'est sûr que nous allons examiner plusieurs cas une fois que le nouveau processus aura été établi en vue de voir s'il est juste et transparent.
Le sénateur Mitchell : Monsieur le commissaire Callens, vous avez indiqué, et c'est bien dans votre plan d'action, que vous avez demandé de l'aide professionnelle de l'extérieur au chapitre de la résolution des conflits. C'est une idée formidable. Il est extrêmement difficile et complexe de faire évoluer une culture et de changer une culture organisationnelle. Avez-vous songé à faire venir des experts externes qui connaissent particulièrement le domaine du changement culturel? Je pose la question à la commissaire Woodburn également. J'aimerais savoir si, au niveau national, vous avez demandé de l'aide de la part d'experts dans le domaine du changement culturel. C'est une tâche complexe et imposante, et on ne réussit pas forcément du simple fait d'avoir un programme en place.
M. Callens : Je répondrai de la part de la Colombie-Britannique. Nous avons en fait retenu les services de nombreux professionnels externes pour nous aider à comprendre non seulement où se trouvent certaines de nos lacunes sur le plan du rendement dans ces domaines, mais également comment nous pouvons les éliminer, qu'il s'agisse du professeur Maguire de l'Université Carleton ou de professionnels de la Colombie-Britannique qui œuvrent dans le domaine des différences entre les sexes. Nous cherchons aussi à comprendre les facteurs en jeu et à en tenir compte correctement dans un milieu de travail qui est la plus grande division de la GRC. Nous avons fait appel à de nombreux professionnels et nous continuons à bénéficier de leur aide.
Mme Woodburn : Du point de vue national, la réponse est non, pas encore. Le rapport, du moins la partie qui porte sur le plan d'action, a été rendu public le 14 février 2013. Parmi les points qui constituent le plan d'action, le point 11.4 est l'élément clé et nous allons bientôt y donner suite en retenant les services d'un conseiller. Cette personne sera chargée de diriger la vérification et de s'assurer de son bon déroulement dans le contexte de la réalisation du plan. Je crois que ce sera dans ce domaine que nous aurons besoin d'aide, le cas échéant, qu'il s'agisse d'experts ou d'autres ressources quelconques.
La présidente : Ma question s'adresse peut-être à M. Watters. Je ne sais pas qui est le mieux placé pour y répondre. Lorsqu'il est question des facteurs entourant le mérite des hommes et des femmes, et lorsqu'on souhaite établir des règles afin de prévenir des problèmes, risque-t-on d'établir tellement de critères, de normes et d'objectifs précis que nous n'avons plus la capacité, en tant que chef, d'indiquer qu'une femme ou un homme a tout simplement la trempe nécessaire pour avancer en grade? Parfois nous négligeons le facteur humain.
M. Watters : À mon avis, il faut permettre une certaine souplesse et laisser de la place au jugement dans le processus. À la suite de notre évaluation cependant, nous avons appris que bon nombre des agents qui étaient passés par le processus étaient d'avis que, dans bien des cas, il y avait trop de subjectivité et pas suffisamment d'objectivité.
La présidente : Nous allons permettre au sénateur Dallaire de poser une dernière question, et nous passerons ensuite au prochain point à l'ordre du jour pour lequel nous entendrons six témoins.
Le sénateur Dallaire : Votre titre est celui de dirigeant principal de la vérification et de l'évaluation, et en ce qui concerne vos fonctions, je crois que vous effectuez davantage le travail d'un inspecteur général comparativement à celui d'un vérificateur, parce que vous vous penchez sur la question des carrières et ainsi de suite. Je n'aime tout simplement pas parler de vérification lorsqu'il est question des carrières des gens et d'une structure, alors qu'en fait il s'agit d'un processus d'examen et d'inspection générale.
Quand je constate les problèmes qui ont été repérés ici et j'apprends ce que fait le commissaire adjoint Callens dans l'Ouest dans son organisation, je me demande si le concept de la rétroaction 360 degrés, c'est-à-dire que l'on fait tout le tour et que l'on va du haut vers le bas et vice-versa, a été considéré comme une possibilité. J'aimerais également savoir si on a songé à intégrer une surveillance ou même une participation civile dans le cadre de votre travail afin de vous donner la crédibilité qui en découlerait. Les agents doivent savoir que les dirigeants hiérarchiques sont à l'écoute, et vice-versa. Avez-vous ressenti un besoin d'aller au-delà de ce que vous faites actuellement?
M. Watters : Je ne peux vous parler que de mon rôle. Essentiellement, en ce qui concerne mon indépendance, je fais rapport directement au commissaire une fois par année. Je puis vous dire que je suis responsable de l'élaboration d'un plan quant à l'utilisation de mes ressources ainsi que des domaines que j'examinerai. Lorsque nous élaborons ce plan annuel, nous le faisons en menant des consultations étendues auprès des membres de la force. Si certaines questions sont soulevées, j'en tiendrai compte dans le plan que je soumets ensuite au commissaire.
Le sénateur Dallaire : Donc en ce qui concerne la gestion des carrières, vous ne pensez pas que cet aspect fera toujours partie de votre travail.
M. Watters : Je peux examiner les approvisionnements, les ressources humaines, les finances... en fait, tout ce qui concerne l'organisation.
Le sénateur Dallaire : J'ai demandé à M. Callens s'il était d'avis que l'organisation avait besoin d'une surveillance civile, comme ce fut le cas pour les forces armées qui y ont eu largement recours lors de la réforme des années 1990. Y voyez-vous un besoin afin d'accroître la crédibilité au sein de votre structure?
M. Callens : Je suis désolé, sénateur. J'ai raté la première partie de votre question.
Le sénateur Dallaire : Lors des réformes approfondies de la Défense nationale et des Forces canadiennes, on a choisi de se soumettre à une surveillance civile afin de déterminer si les dirigeants mettaient vraiment en œuvre les processus prévus, et on a demandé de la rétroaction de la part de tous les rangs, y compris les rangs inférieurs. N'avez-vous pas constaté, lorsque vous avez reçu toutes ces idées innovatrices, que votre crédibilité en aurait été augmentée si vous aviez en place une surveillance civile?
M. Callens : Nous avons connu de belles réussites grâce à la surveillance civile dans plusieurs domaines au sein de l'organisation, et je ne crois pas qu'elle nous soit nuisible. Je suis d'accord avec vous. Nous pouvons toujours nous prévaloir de cette surveillance, qui fait partie des possibilités à l'étude. Je dirais qu'en ce qui me concerne, nous avons agi, compte tenu du besoin urgent d'action que j'ai constaté. Cependant, je ne voudrais pas donner à quiconque l'impression que nous ne sommes pas ouverts à l'idée de peaufiner notre réponse à une question que nous considérons tous comme très importante.
La présidente : Merci beaucoup à tous, notamment les témoins de la Colombie-Britannique. Je sais qu'il est difficile d'entendre et d'écouter la traduction. Nous vous remercions de votre volonté et de votre patience à ce sujet. Quant aux témoins ci-présents, merci beaucoup d'être venus.
Nous accueillons maintenant notre nouveau groupe de témoins, après avoir résolu un problème technique mineur. Nous entendrons aujourd'hui depuis Regina le sous-commissaire, M. Roger Brown, commandant divisionnaire de la Division Dépôt, qui est l'École de la GRC, ainsi que Mme Christine Hudy, responsable de l'évaluation des programmes de formation et de l'aide à l'élaboration du programme éducatif.
Ici en chair et en os à Ottawa, nous accueillons M. Daniel Dubeau, commissaire adjoint et directeur général des ressources humaines de la GRC, M. Matthew Venneri, directeur intérimaire des Programmes nationaux de rendement, d'apprentissage et de perfectionnement, le sergent Richard Davis, de la direction des services en milieu de travail de la GRC, et le surintendant Michael O'Rielly, directeur de l'Initiative de réforme législative, à savoir le projet de loi C-42, dont nous parlerons brièvement.
Monsieur le sous-commissaire Dubeau, je crois que vous allez faire une déclaration.
Daniel Dubeau, commissaire adjoint, directeur général des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Madame la présidente, membres du comité, mesdames et messieurs, bonsoir. Merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
[Français]
Je m'appelle Daniel Dubeau et je suis le dirigeant principal des ressources humaines à la GRC. Je suis accompagné ce soir de mes collègues, le surintendant Michael O'Rielly, directeur, Initiative de réforme législative, du sergent Richard Davis, direction des services en milieu de travail, et de Matthew Venneri, directeur intérimaire, Programmes nationaux de rendement, apprentissage et perfectionnement.
Je suis aussi accompagné par vidéoconférence de Roger Brown, sous-commissaire, commandant divisionnaire, Division Dépôt, Gendarmerie royale du Canada et de Christine Hudy, évaluation des programmes de formation et aide à l'élaboration du programme éducatif, Division Dépôt, Gendarmerie royale du Canada.
Le harcèlement est une question que la GRC prend très au sérieux. Aujourd'hui, j'aimerais vous donner un aperçu des programmes qui témoignent dans son engagement à offrir à tous ses employés un milieu de travail sûr, empreint de respect et exempt de discrimination, de comportements offensants et de harcèlement.
[Traduction]
Comme vous le savez, le commissaire Bob Paulson a récemment comparu devant deux comités parlementaires relativement au même sujet. Il a alors parlé de notre plan d'action intitulé Égalité entre les sexes et respect ainsi que du rapport de la Commission des plaintes du public contre la GRC sur le harcèlement dans les rangs de l'organisation et des 11 recommandations qui y sont formulées. Le commissaire a d'ailleurs accepté toutes les recommandations sur le fond. En fait, la GRC a déjà marqué des progrès en ce qui concerne la plupart des points mentionnés dans ce rapport, dont la mise en œuvre d'un mécanisme centralisé de supervision des plaintes de harcèlement, l'élaboration de normes de service pour orienter le processus, et la rédaction d'un nouveau guide sur la façon de prévenir et de régler des situations de harcèlement, qui sera diffusé à l'interne au cours des prochaines semaines. Nos efforts pour prévenir le harcèlement en milieu de travail commencent toutefois dès la première journée du Programme de formation des cadets, qui s'échelonne sur 24 semaines. Tout le temps qu'ils sont au Dépôt, les cadets se font marteler la nécessité de faire les bons choix au travail comme ailleurs et de signaler tout incident.
Un temps considérable est consacré à la question du harcèlement dans le cadre du Programme de formation des cadets. On y accorde en fait autant d'attention qu'à d'autres sujets importants, comme les pouvoirs d'arrestation et de remise en liberté, l'évaluation des risques et les techniques d'entrevue. Le respect en milieu de travail et le comportement éthique sont des thèmes constants qui imprègnent tous les aspects du programme. Lors des premières journées de l'orientation des cadets, le commandant de Dépôt leur expose les règles qu'ils devront respecter pendant leur formation, en insistant sur le fait que ces attentes les suivront tout au long de leur carrière.
L'accent est mis sur la responsabilité de chaque cadet de signaler tout mauvais comportement observé au sein de sa troupe, qu'il s'agisse de harcèlement, d'intimidation, de mensonges ou de tricherie, car de tels écarts de conduite ne sont tolérés ni au Dépôt, ni dans la GRC. Pendant toute la durée de la formation, les instructeurs évaluent chaque cadet en fonction d'une série de normes. Ils qualifieront son comportement d'inacceptable s'il manque de respect ou de sensibilité envers les autres. Certains manquements entraîneront même la résiliation immédiate du contrat du cadet, si celui-ci est impliqué dans une activité criminelle ou une situation d'inconduite pendant sa formation, ou encore est impliqué dans un incident de harcèlement ou de discrimination pour lequel on estime qu'il ne suffirait pas ou ne conviendrait pas de lui faire rencontrer un conseiller en raison de la nature de l'incident, ou pour lequel l'aide d'un conseiller n'a rien changé à son comportement.
[Français]
Les cadets se font rappeler à maintes reprises qu'ils doivent prendre connaissance de ces normes puisqu'elles serviront à évaluer leur rendement. Après avoir quitté la Division Dépôt, les nouveaux membres suivent une formation pratique de six mois durant laquelle ils sont évalués en fonction d'une série de compétences axées sur les valeurs fondamentales de la GRC. Tous les moniteurs jumelés à ces membres doivent réussir le cours de moniteur de formation pratique qui aborde la question du harcèlement en milieu de travail sous l'angle de la mise en situation et du débreffage.
[Traduction]
La GRC a par ailleurs mis en ligne une formation obligatoire pour tous les employés sur la sensibilisation et la prévention en matière de harcèlement. À ce jour, 94 p. 100 du personnel a terminé cette formation. Un programme est aussi en voie d'être créé à l'échelle du pays pour favoriser le respect en milieu de travail. Ce programme, qui fait partie des mesures prévues dans le plan d'action Égalité entre les sexes et respect, énonce les attentes à l'égard de tous les employés quant au maintien d'un milieu de travail empreint de respect et exempt de harcèlement. Il décrit les signes de manquement à ces attentes, la façon d'intervenir rapidement le cas échéant et la façon de rétablir les relations par la suite. Consciente du fait que les superviseurs sont les premiers intervenants appelés à donner suite à une plainte de harcèlement, la GRC offre aux nouveaux superviseurs et gestionnaires une formation qui met l'accent sur la gestion des relations de travail, la promotion du respect en milieu de travail et le processus d'enquête sur les allégations de harcèlement. Le Programme de perfectionnement des superviseurs et le Programme de perfectionnement des gestionnaires comportent tous deux une séance entièrement consacrée au maintien d'un milieu de travail sain et empreint de respect. Le Cours d'orientation et de perfectionnement des officiers de la GRC fait quant à lui l'objet d'un remaniement en profondeur, qui comprend l'essai de modules sur la gestion des relations de travail ainsi que sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail. Enfin, s'il est adopté, le projet de loi C-42 aidera beaucoup la GRC à régler les situations de harcèlement.
[Français]
Les initiatives que j'ai mentionnées aujourd'hui montrent que la GRC améliore constamment les politiques et les procédures qui appuient le maintien d'un milieu de travail sain, sûr et empreint de respect pour tous ses employés.
Je vous remercie, mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Les moniteurs sont-ils ceux qu'on peut contacter en cas de problème? Supposons qu'un agent est en poste depuis trois mois et qu'il se pose des questions. Peut-il contacter le moniteur avec lequel il est jumelé?
M. Dubeau : En fait, le moniteur est jumelé avec un agent pendant la formation pratique de six mois. Il peut répondre aux questions des cadets. Cependant, lorsque ceux-ci deviennent plus aguerris, ils ne relèvent plus de ces moniteurs. Par contre, c'est avec les moniteurs que les cadets examinent les problèmes qui se posent avant de devenir des membres réguliers.
Le sénateur Dallaire : Je m'adresse tout d'abord au commandant de la Division Dépôt, le sous-commissaire Brown. J'ai été officier d'artillerie. Un jour, nous viendrons récupérer ces deux canons que nous vous avons remis et qui remontent à la Campagne du Nord-Ouest. Vous feriez mieux d'y affecter des gardes, car ces canons comptent beaucoup pour nous, pas uniquement pour vous.
Les stagiaires au Dépôt sont des cadets, selon votre terminologie. Quel terme employez-vous lorsqu'ils ont terminé leur formation?
Roger Brown, sous-commissaire, commandant divisionnaire, Division Dépôt, Gendarmerie royale du Canada : Les cadets deviennent alors des membres réguliers lorsqu'ils ont terminé le Programme de formation des cadets. Ils prêtent serment et reçoivent leur insigne lors du dernier jour de formation. On les affecte alors à leur détachement et on les jumelle avec un moniteur, puis la formation pratique de six mois débute.
Le sénateur Dallaire : Après leur formation, ils deviennent membres de la GRC. Est-ce leur titre officiel?
M. Brown : Ils sont tout d'abord des cadets. Après avoir terminé leur formation, ils deviennent des membres réguliers de la Gendarmerie royale du Canada.
Le sénateur Dallaire : Comment inculquez-vous l'éthos de la GRC lorsque vous avez des employés civils et des agents en uniforme qui ont un grade et un titre? Les employés civils ont des titres. Je sais qu'il y a un sentiment d'appartenance au sein de la GRC. Cependant, pourquoi avez-vous créé une telle terminologie pour les gestionnaires et les employés civils, alors que vous êtes un commandant de qui relèvent des subordonnés et non les employés civils?
Je vous pose cette question car il me semble qu'il faut savoir comment vous inculquez l'éthos de la GRC alors que vous avez des agents en uniforme et des employés en tenue civile.
M. Brown : Je vais répondre en premier. La majorité de nos formateurs sont des membres réguliers. L'effectif du Dépôt se compose d'employés civils de la GRC et de membres de la fonction publique. Lorsque les cadets arrivent au Dépôt, ils sont des cadets qui reçoivent une formation en vue de devenir des membres réguliers de la GRC. Les cadets portent l'uniforme durant leur formation, sauf qu'ils ont les épaulettes de cadets au lieu de l'insigne de grade. On ne les appelle pas des « agents ».
Lorsqu'ils se rendent à Regina pour suivre différents programmes de formation, on ne peut les désigner comme des membres réguliers de la GRC, parce qu'ils n'ont pas terminé leur formation. Ils reçoivent les différents articles de leur uniforme au fur et à mesure de leur formation. Pour chaque étape terminée, on leur remet un nouvel article. Lorsque la formation est entièrement terminée, ils ont reçu leur uniforme au complet et deviennent des membres réguliers de la GRC.
Pendant leur formation, on établit clairement qu'ils sont des cadets et non pas des membres réguliers. Le Programme de formation des cadets a été mis en œuvre en 1993 ou 1994. Nous en sommes aujourd'hui à la huitième version de ce programme. Nous avons modifié le programme pour qu'il soit à jour et puisse traiter des sujets comme celui que nous abordons aujourd'hui.
Les cadets ne sont pas des employés, si je peux m'exprimer ainsi. Il n'y a pas de relation employé-employeur entre les cadets en formation et la GRC. Il est important de retenir que le Programme de formation des cadets comporte des exigences auxquelles les cadets doivent satisfaire pour réussir leur formation. Les cadets ne sont pas assujettis notamment à la Loi sur la GRC. Si un cadet ne satisfait pas aux exigences d'une partie du programme de formation, nous pouvons prendre des mesures. Si un cadet ne respecte pas ce que nous estimons être les valeurs fondamentales de la GRC, nous pouvons prendre des mesures qui ne relèvent pas des mécanismes de règlement des griefs ou de la Loi sur la GRC. Nous n'avons donc pas une relation employeur-employé. J'ignore si cela décrit exactement ce qu'ils ressentent, mais nous avons décidé depuis le milieu des années 1990 que les cadets signent un contrat pour la durée de leur formation et deviennent des membres réguliers une fois qu'ils ont terminé avec succès cette formation.
M. Dubeau : Étant une organisation policière, la GRC est dotée d'une structure hiérarchisée. Nous sommes appelés à intervenir dans des situations d'urgence, et une telle hiérarchie veille à ce que quelqu'un assure le commandement et le contrôle. Tous nos membres sont appelés des employés, peu importe la loi en vertu de laquelle ils ont été assermentés. Nous formons une équipe, et nous devons nous respecter les uns les autres, quelle que soit la loi à laquelle nous sommes assujettis. Certains portent l'uniforme et affichent leurs grades sur l'épaulette. Nous présentons la culture de la GRC en disant que nous faisons front commun dans ce dossier et que nous visons tous le même objectif, à savoir la sécurité publique. Nous faisons tous partie d'une même équipe. Quelle que soit la loi en vertu de laquelle nous avons été assermentés, nous sommes tous des membres et des employés de la GRC. Aux termes de la Loi sur la GRC, nous nous appelons tous « membres ». Nous sommes tous à la fois employés de l'organisme et membres de l'équipe. Nous devons donc nous traiter les uns les autres avec respect.
Le sénateur Dallaire : J'insiste sur ce point parce que vous êtes différents dans la mesure où vous faites partie d'une institution. Vous projetez une image différente. Regardez tous les uniformes en serge rouge qu'on voit partout au pays : vous êtes devenus un emblème national. Vous vous attirez beaucoup de respect et, en retour, les gens attendent beaucoup de votre part. Dans les années 1990, la GRC a traversé une période horrible, et vous en traversez une autre à l'heure actuelle, ce qui est normal puisqu'on s'attend à ce que vous respectiez des normes élevées. J'aimerais revenir sur le fait que nous examinons la GRC en général, non pas ses membres les plus reconnus, soit ceux qui portent l'uniforme — et par là, je ne cherche pas à dénigrer qui que ce soit d'autre. La GRC est dotée d'une structure militaire, donc hiérarchique — un peu comme celle qui est en place ailleurs —, et ceux qui détiennent des grades sont traités avec déférence. La GRC ne devrait-elle pas être en mesure d'influencer sa philosophie et sa culture en vue d'éviter certaines des situations qui se sont produites à répétition, sans pour autant revenir à des réponses systémiques plus générales au lieu de cibler précisément les personnes en uniforme?
M. Dubeau : Je suis d'accord. À mon avis, l'examen comparatif entre les sexes ciblait les membres en uniforme. Bon nombre de nos plans d'action visent les membres réguliers, c'est-à-dire les policiers. Les attentes de la population sont plus élevées en raison de la nature du travail que nous faisons et de notre visibilité. Nous attendons beaucoup de nos membres. Le commissaire a dit clairement qu'il s'attend à beaucoup de la part de tous les employés, mais qu'étant lui- même policier, il s'attend à ce que les policiers traitent les gens avec encore plus de respect et de professionnalisme. Voilà pourquoi la plupart de nos plans d'action sont très axés sur les membres réguliers de la maison, soit les policiers.
Le sénateur Lang : Ma question s'adresse aux représentants de la Division Dépôt, à Regina. Vos notes d'allocution montrent que beaucoup d'efforts ont été déployés pour faire en sorte que le programme de formation des cadets mette en lumière le problème du harcèlement ainsi que l'importance de toujours traiter les plaintes à cet égard. Depuis combien de temps le programme de formation de la Division Dépôt accorde-t-il une telle priorité au harcèlement?
Christine Hudy, Évaluation des programmes de formation et aide à l'élaboration du programme éducatif, Division Dépôt, Gendarmerie royale du Canada : Le matériel et les méthodes utilisés pour dispenser la formation sur le harcèlement sont en place depuis le milieu des années 1990, quand nous sommes passés de la formation des recrues au Programme de formation des cadets. La structure de base est en place depuis le milieu des années 1990.
Le sénateur Lang : J'aimerais demander à M. O'Rielly, le directeur de l'Initiative de réforme législative dans le cadre du projet de loi C-42, quelles autres mesures pourraient être mises en place pour composer avec les problèmes de harcèlement et les autres enjeux qui touchent l'organisation.
Pourriez-vous nous parler de l'importance du projet de loi C-42 dans la lutte contre le harcèlement et nous indiquer en quoi il fournira à la GRC un nouvel outil pour s'attaquer à ces problèmes au sein de l'organisation?
Surintendant Michael O'Rielly, directeur, Initiative de réforme législative, Gendarmerie royale du Canada : Le projet de loi C-42 permettra d'abord et avant tout au commissaire de mettre fin à la dichotomie qui perdure depuis que le Conseil du Trésor a mis de l'avant sa politique sur le harcèlement au début des années 2000. C'est une politique qui est fort bien conçue; elle mise sur la sensibilisation, la prévention et le règlement rapide des dossiers. Les volets d'enquête et de règlement de cette politique donnent d'excellents résultats au sein du noyau central de l'administration publique. Il y a toutefois une difficulté qui se pose pour nous, à la GRC. Si une sanction disciplinaire doit être imposée à l'issue d'une enquête administrative au sujet d'une allégation de harcèlement, par exemple, la partie IV de la Loi sur la GRC exige que l'on enclenche le processus d'accusation à l'égard d'une infraction disciplinaire, plutôt que le processus d'enquête prévu dans la politique du Conseil du Trésor.
Comme je l'indiquais, la GRC est tenue de suivre les étapes prévues dans la loi pour enquêter sur une allégation de contravention au code de déontologie et soumettre les résultats à un comité de déontologie, à un officier désigné ou à un autre décideur au sein de l'organisation. Le problème vient du fait que la Loi sur GRC ne permet pas d'aller de l'avant avec certaines composantes du processus d'enquête du Conseil du Trésor. Il faut se rappeler que ce processus vise principalement à ressouder les relations qui se sont détériorées, à aider des collègues de travail à surmonter leurs différends, à prendre des mesures pour protéger les plaignants dans certaines situations et à faire le nécessaire en cas de comportements irrespectueux. Lorsqu'une enquête est menée dans le cadre de la politique du Conseil du Trésor, le plaignant a ainsi le droit de recevoir une copie de l'ébauche du rapport d'enquête et de faire valoir ses arguments en conséquence. Il peut donc prendre connaissance du déroulement de l'enquête et connaître les sanctions disciplinaires imposées, le cas échéant. C'est donc le processus établi par le Conseil du Trésor. À partir du moment où la Loi sur la GRC est invoquée et où une enquête relative au code de déontologie est instituée, la communication de l'ébauche de rapport d'enquête n'est plus possible, car la loi ne l'autorise pas.
La partie IV de la Loi sur la GRC ne prévoit pas la participation du plaignant dans un rôle autre que celui de simple témoin dans l'éventualité d'une audience disciplinaire. Si le plaignant ne témoigne pas, il n'intervient d'aucune manière dans le processus déontologique. On veut ainsi que les hautes instances de la GRC, via la chaîne de commandement, traitent de la contravention au code de déontologie directement avec l'employé responsable. Le plaignant est laissé dans l'ignorance.
Le projet de loi C-42 offrira la possibilité d'établir, au moyen d'un instrument réglementaire, à savoir les Consignes du commissaire, une nouvelle forme d'enquête en déontologie réservée aux cas de harcèlement. Le processus de traitement d'une plainte sera ainsi en tout point semblable, que l'enquête soit effectuée en vertu de la politique du Conseil du Trésor ou de la Loi sur la GRC, car la partie IV de cette loi devra toujours être invoquée si l'officier supérieur veut prendre des mesures en déontologie contre le prévenu. Il s'agira toutefois d'une version modifiée de l'enquête en déontologie qui permettra de communiquer une ébauche du rapport d'enquête aux parties, si elles le désirent, de manière à fournir une nouvelle occasion de régler l'affaire à l'amiable tout en informant le plaignant des sanctions disciplinaires imposées, le cas échéant.
Nous devons également considérer le code de déontologie. Nous essayons actuellement de déterminer si nous allons inclure le harcèlement parmi les formes de contravention au code de déontologie ou bien continuer de le considérer comme une conduite déshonorante. Il s'agit encore là de nous permettre d'enclencher un processus unique pour traiter les plaintes de harcèlement du début à la fin.
Le sénateur Plett : Commissaire adjoint, vous avez indiqué qu'un cadet obtient la cote « Inacceptable » s'il manque de respect ou de sensibilité envers les autres. Vous nous avez aussi décrit la manière dont les choses se passent et j'aurais quelques questions à ce sujet.
Au cours des cinq dernières années, combien de cadets ont obtenu la cote « Inacceptable » et combien y a-t-il eu de dossiers semblables à la Division Dépôt? Dans le rapport sur le harcèlement en milieu de travail à la GRC, on note que l'organisation dans son ensemble se situe au septième rang parmi les plus problématiques au pays. Il y aurait donc six services de police au Canada qui font moins bonne figure que la GRC. Est-ce que la situation est la même à la Division Dépôt? Combien de cadets ont eu droit à une cote « Inacceptable »?
M. Dubeau : Puis-je demander au sous-commissaire Brown de vous répondre?
La présidente : Tout à fait.
M. Brown : Merci beaucoup pour cette question. Il n'est pas rare qu'un cadet reçoive une cote « Inacceptable » pendant le programme d'entraînement, car elle peut s'appliquer à toutes les activités prévues. On peut obtenir une telle cote pour la conduite automobile, le tir, les tactiques de défense policière et bien d'autres disciplines. Cette cote n'est donc pas réservée aux cas de harcèlement ou de comportement inapproprié.
J'ai pris le temps de vérifier dans nos dossiers depuis l'an 2000. Il y a eu en fait six cas de harcèlement et aucun des cadets mis en cause n'a terminé son entraînement. Cinq d'entre eux ont été expulsés du programme en raison des comportements mis au jour, à savoir des commentaires sexuels inappropriés et des gestes déplacés. Pour répondre à votre question, il y a donc eu six cas de harcèlement depuis 2000.
Pour les autres agissements à l'encontre des valeurs fondamentales comme l'honnêteté, l'intégrité, la compassion et le respect, on attribue une cote « AR », ce qui signifie « amélioration requise ». Un comportement semblable déclenche un signal d'alerte et un processus d'évaluation. Si l'on juge que le comportement d'un cadet peut être corrigé et qu'il respecte les autres valeurs fondamentales, il pourra obtenir son diplôme. Dans le cas d'une cote « Inacceptable », on procède immédiatement à un examen du dossier qui sera soumis au sous-officier supérieur ou au sergent d'état-major à la section des sciences policières appliquées. On transmet ensuite le dossier au groupe des inspecteurs ici dans mon édifice, puis à l'officier instructeur de cadets qui déterminera si les allégations formulées justifient une expulsion.
Il faut compter entre 24 et 48 heures pour l'ensemble du processus, soit à partir du moment où le cadet reçoit la cote « Inacceptable » jusqu'à la décision finale. C'est là qu'intervient un autre processus du côté de nos services des ressources humaines qui procèdent à un examen indépendant du dossier pour s'assurer que tous les critères établis dans le Programme d'instruction des cadets ont été respectés de telle sorte que, si l'expulsion était contestée devant la Cour fédérale ou une autre instance judiciaire externe, nous puissions nous appuyer sur un dossier bien documenté pour justifier la décision rendue à la Division Dépôt.
Le sénateur Plett : Parmi ces six dossiers, combien étaient des cas de harcèlement sexuel? Au cours de la même période — je crois que vous avez dit que c'était depuis 2000 —, combien de cadets sont passés par la Division Dépôt?
M. Brown : Je peux vous dire que près de 5 000 cadets ont obtenu leur diplôme à la Division Dépôt depuis que je suis arrivé ici il y a quatre ans et demi. C'est donc depuis 2009. Nos activités ont atteint des sommets au cours de cette période. Nous avons eu jusqu'à 56 troupes par année. Auparavant, les quantités n'étaient pas tout à fait aussi élevées mais demeuraient non négligeables. Il y a sans doute environ 7 000 membres maintenant actifs qui ont obtenu leur diplôme depuis 2000.
Le sénateur Plett : Je ne sais pas si vous avez répondu à ma question concernant le nombre de ces cas qui étaient de nature sexuelle.
M. Brown : Tous les cadets mis en cause étaient des hommes. Cinq ont été expulsés et l'autre a démissionné pendant que le processus d'expulsion suivait son cours.
Le sénateur Plett : Merci.
Le sénateur Nolin : Ma question s'adresse au commissaire adjoint Brown. Pour poursuivre dans le même sens, est-ce que ces six cas ont servi de déclencheur pour vous inciter à mettre en place un mécanisme d'évaluation psychologique de votre clientèle?
M. Brown : Cela a toujours fait partie du processus à compter du recrutement. Nous avons des professionnels de la psychologie au sein de notre effectif. Si nous considérons qu'un aiguillage vers des services semblables est justifié, nous n'hésitons pas à le faire. Il n'est pas nécessaire que le processus d'expulsion soit enclenché.
Le sénateur Nolin : C'est une étape qui vient à la fin du processus d'évaluation, pas un prérequis pour tous?
M. Brown : Dans le processus de recrutement, c'est effectivement un prérequis.
Le sénateur Nolin : Pour tout le monde?
M. Brown : Oui.
Le sénateur Mitchell : Merci à tous de votre présence. J'aimerais commencer par une question à M. Dubeau. Dans votre exposé, vous avez indiqué que le Programme de perfectionnement des superviseurs et le Programme de perfectionnement des gestionnaires comportent tous deux une séance entièrement consacrée au maintien d'un milieu de travail sain et empreint de respect. Selon le rapport de M. McPhail, des 1 872 personnes inscrites au Programme de perfectionnement des superviseurs pendant la période visée par son étude, seulement 699 l'ont mené à terme. Dans le cas du Programme de perfectionnement des gestionnaires, il y en a 699 qui l'ont entrepris et seulement 276 qui l'ont suivi jusqu'au bout. Un programme de formation ne sert pas à grand-chose si les gens ne le suivent pas jusqu'à la fin. Avez-vous déjà rectifié le tir? Sinon, quelles mesures entendez-vous prendre à cette fin?
M. Dubeau : Pour améliorer les choses, nous avons parlé à nos commandants divisionnaires et nous avons interpellé tous ceux qui investissent des ressources pour que leurs employés participent à ce programme. Nous leur avons fait comprendre que nous nous attendions à ce qu'ils le mènent à terme.
Par l'intermédiaire de nos commandants divisionnaires, nous avons insisté sur le fait qu'il s'agit d'un programme de 12 à 18 mois et que les employés qui y sont inscrits ne peuvent se contenter de suivre la formation pendant une dizaine de jours. Il faut aller au bout du programme pour obtenir la certification.
Nous avons donc fait un rappel à ce sujet. Le commissaire a parlé à tous les commandants divisionnaires pour leur dire à nouveau que l'on s'attendait à ce que tout le monde finisse le programme. Nous visons un taux d'achèvement de 100 p. 100 et nous allons faire le suivi nécessaire à l'atteinte de cet objectif.
Le sénateur Mitchell : Je vous remercie. Tant dans votre témoignage que dans ceux du groupe précédent, il a beaucoup été question du Programme pour le respect en milieu de travail. On met énormément l'accent sur ce programme qui doit aussi susciter de grands espoirs, je présume, au sein de la GRC.
M. Callens a en outre mis en place en Colombie-Britannique un programme supplémentaire tout à fait unique. Pourquoi aurait-on besoin d'un programme spécial de la sorte en Colombie-Britannique et pas ailleurs au Canada? D'autre part, de quel ordre sont les ressources investies à l'échelle nationale pour assurer le bon fonctionnement du Programme pour le respect en milieu de travail?
M. Dubeau : S'il y a un programme spécial en Colombie-Britannique, c'est en raison de l'infrastructure particulière de la GRC qui compte près de 10 000 employés dans cette province. Nos gens des services de ressources humaines rencontrent des représentants de la Colombie-Britannique pour en apprendre davantage au sujet des pratiques efficaces qui y ont été mises en place. Plutôt que de tenir une conférence nationale, le commissaire a demandé à chaque commandant divisionnaire de faire un relevé des pratiques exemplaires dans les secteurs relevant de sa compétence pour les communiquer au reste du pays. On voulait que chacun recense ce qui se passe dans sa division pour en faire bénéficier toute la province sous la supervision des instances nationales.
Je peux maintenant compter sur un groupe de travail établi à cette fin. C'est en quelque sorte un comité directeur qui s'emploie à analyser la situation dans l'ensemble du pays pour voir où nous en sommes avec ce programme. Le commissaire a indiqué que le programme serait intégré à nos ententes sur le rendement. Chaque commandant divisionnaire devra donc expliquer la façon dont le programme a été mis en œuvre au sein de sa division et quels résultats ont été obtenus. Il ne s'agit donc pas simplement d'appliquer les mesures; il faut s'assurer que cela fonctionne.
Quant à votre seconde question relativement aux sommes à notre disposition au titre du Programme pour le respect en milieu de travail, je n'ai pas ces chiffres en main, mais je pourrais essayer de les obtenir. Le programme est actuellement mis en place dans l'ensemble du pays. Il faut se demander quelle forme il prendra en application du projet de loi C-42. Nous y investirons ensuite les fonds nécessaires. Il s'agira d'une réaffectation de ressources internes.
Le sénateur Mitchell : Pourrez-vous nous fournir une estimation budgétaire? Nous aimerions bien en avoir une idée.
M. Dubeau : Je vais le faire.
Le sénateur Mitchell : Formidable.
C'est une chose de pouvoir compter sur un critère semblable dans vos ententes de rendement avec vos officiers supérieurs, mais ne serait-il pas préférable de miser sur le programme du commissaire Callens pour évaluer les 37 mesures à prendre pour l'égalité des sexes? Pourquoi pas une vérification annuelle structurée? Est-ce que cela se fait déjà? Avez-vous la capacité et les fonds nécessaires à cette fin?
M. Dubeau : Nous ne procédons pas pour l'instant à une vérification de la sorte. Comme vous pouvez le constater, il est toutefois question d'un mécanisme d'évaluation dans le rapport de la CPP. Même si ce rapport concerne le harcèlement, on y traite d'une évaluation structurée de ces programmes. Nous ne voulons pas nous arrêter au seul harcèlement; nous souhaitons aussi nous attaquer à l'intimidation et aux autres comportements répréhensibles.
Nous avons la capacité de le faire à l'interne. Nous avons notre propre équipe d'évaluation. Nous avons déjà eu des discussions préliminaires sur les moyens à prendre pour nous permettre d'amorcer l'évaluation de nos programmes afin de voir s'ils fonctionnent bien. Dans le cas contraire, nous déterminerons les correctifs à apporter.
La présidente : J'aurais une question pour Mme Hudy et M. Venneri. Dans quelle mesure est-il facile pour vous d'adapter les programmes que vous offrez en fonction des changements que vous observez? Comme nous l'ont dit les témoins qui vous ont précédés aujourd'hui, les temps changent et il faut en tenir compte; il y a notamment davantage de femmes au sein de l'organisation. Vous faut-il remuer ciel et terre pour apporter des changements ou pouvez-vous simplement, madame Hudy, recommander par exemple que l'on corrige ceci ou cela?
Mme Hudy : C'est tout à fait possible. De fait, notre unité dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour apporter très rapidement des changements au Programme de formation des cadets. À titre d'exemple, le dirigeant principal des ressources humaines a annoncé jeudi dernier que nous disposons désormais de nouvelles ressources pour la prévention et le règlement des cas de harcèlement en milieu de travail. Nous avons pu prendre connaissance de ces ressources le jour même, déterminer lesquelles pouvaient être pertinentes pour le Programme de formation des cadets et les mettre en place sans tarder. Ces ressources seront ainsi accessibles à compter de demain.
Matthew Venneri, directeur intérimaire, Programmes nationaux de rendement, apprentissage et perfectionnement, Gendarmerie royale du Canada : C'est la même chose du côté des programmes nationaux de rendement, qu'il s'agisse de formation pratique, de perfectionnement des superviseurs et des gestionnaires ou du cours d'orientation et de perfectionnement des officiers. Les politiques relèvent en fait de notre contrôle. Nous pouvons donc les changer du jour au lendemain. Je pourrais vous citer un exemple similaire à la Division Dépôt à la suite de l'annonce faite jeudi dernier par le dirigeant principal des ressources humaines. Nous avons envoyé un courriel à tous nos centres de rendement au pays pour adapter nos programmes en fonction des nouvelles ressources disponibles.
La présidente : Et ce sera fait dès demain?
M. Venneri : Oui, avec mise en œuvre sur-le-champ.
La présidente : Merci.
Le sénateur Day : J'ai une série de brèves questions pour m'aider à mieux comprendre. Je vais débuter avec le commissaire Brown. D'abord, est-ce que chaque troupe est constituée uniquement d'hommes ou de femmes, ou est-ce que vos troupes sont mixtes?
M. Brown : Toutes les troupes sont mixtes. Dans le passé, les troupes regroupaient 32 cadets. Les plus récentes n'en comptaient que 24. Il n'existe aucune indication formelle quant à la constitution des troupes. À l'heure actuelle, des 134 cadets se retrouvant sur la base, 41 p. 100 sont des femmes.
Le sénateur Day : J'ai l'impression que les hommes que vous recrutez sont plus âgés que vous ne l'étiez vous-même à vos débuts. Est-ce que c'est bien le cas?
M. Brown : L'âge moyen des recrues est actuellement de 27 ans. Divers facteurs expliquent ce phénomène.
En toute franchise, je ne vois pas une grosse différence entre les hommes et les femmes parmi nos cadets. Certaines des femmes actuellement des nôtres ont toujours voulu faire partie de la GRC mais ont dû, pour différentes raisons, qu'il s'agisse de la famille, des enfants, d'un emploi ou peu importe, attendre le moment opportun.
Pour ce qui est de la maturité, il va de soi qu'un homme de 27 ans a sans doute un bagage de vie plus considérable que celui que j'avais à mon arrivée ici il y a 30 ans, alors que j'avais 20 ans à peine. Je peux toutefois vous dire qu'il y a une bonne entente entre les hommes et les femmes au sein de nos troupes. Pour être bien honnête avec vous, j'ai toujours utilisé les deux mêmes critères pour évaluer les cadets actuellement à la base et ceux qui ont obtenu leur diplôme depuis que je suis ici. Je me demande premièrement si je voudrais travailler avec cette personne et, deuxièmement, si je me sentirais à l'aise de l'envoyer en renfort pour mon fils qui répond à un appel dans un détachement de Terre-Neuve. L'âge n'entre pas vraiment en ligne de compte. Ce sont des gens très compétents.
Le sénateur Day : Vous venez de répondre à la question que j'allais vous poser. Je voulais savoir s'il y avait un fossé qui était en train de se creuser du fait que vous augmentiez le nombre de femmes admises, souvent à un plus jeune âge, tout en accueillant des hommes plus âgés. C'est ce que je voulais faire ressortir, mais vous me dites que ce n'est pas le cas.
M. Brown : Non. Il y a occasionnellement des cadets hommes et femmes qui sont très jeunes (19, 20 ou 21 ans) et occasionnellement des cadets hommes et femmes de la mi à la fin trentaine, mais la moyenne d'âge est de 27 ans, et leur expérience de vie est très diversifiée. Les deux groupes sont très compétents, ils se composent de personnes dévouées qui sont là parce qu'elles veulent être là et qu'elles veulent changer la donne dans les collectivités où elles sont déployées au Canada.
Le sénateur Day : J'aimerais terminer par une question au commissaire Dubeau, si vous me le permettez. Avez-vous fait des analyses sur le harcèlement, particulièrement le harcèlement sexuel, dans lesquelles vous vous êtes penché sur les différences d'âge entre les hommes et les femmes touchés par ce problème?
M. Dubeau : Je vais vérifier avec mes collègues. Je ne pense pas. Je sais que nous avons des statistiques, mais nous n'avons pas fait d'analyse.
Le sénateur Day : Vous ne pouvez donc pas nous aider à répondre à cette question.
Le sénateur Dallaire : Sergent Davis, vous êtes le premier sous-officier que nous recevons. J'espère que vous n'êtes pas le dernier, compte tenu de l'importance de cette entreprise. J'essaie de comprendre en quoi consistent vos tâches à la Direction des services en milieu de travail. Vous occupez-vous à la fois des civils et du personnel en uniforme de la GRC ou y a-t-il des structures différentes pour les deux?
Sergent Richard Davis, Direction des services en milieu de travail, Gendarmerie royale du Canada : Je vous remercie de cette question. La Direction des services en milieu de travail a le mandat de coordonner les politiques en matière de harcèlement qui s'appliquent aux membres réguliers, aux membres civils, de même qu'aux fonctionnaires. J'ajoute qu'il s'agit d'une nouvelle direction, créée en 2008 dans le but d'élaborer des politiques sur le respect en milieu de travail, dont le harcèlement fait partie. Le chemin est long pour créer un milieu respectueux de tous les employés et de tous les superviseurs, mais nous avançons lentement.
Le sénateur Dallaire : Vous êtes à la tête de ces efforts, en toute première ligne pour les mener à maturité. Vous avez recueilli de la documentation, vous vous êtes informé des expériences vécues, des leçons acquises et j'en passe. Y a-t-il un mécanisme officiel par lequel vous transmettez vos connaissances aux officiers, aux sous-officiers et aux autres grades, pour influencer le programme du Dépôt?
M. Davis : Pour être plus précis, nous transmettons de l'information à M. Venneri et à son équipe, pour l'apprentissage et le perfectionnement. Ils préparent à leur tour du matériel de formation et recrutent des experts pour l'enseigner, puis nous jouons un rôle de surveillance et de conseil auprès de la GRC pour l'élaboration et la tenue de formations. Nous assurons la liaison avec le Conseil du Trésor et les autres organismes gouvernementaux fédéraux sur les pratiques exemplaires observées et nous essayons ensuite de les faire connaître par la chaîne de commandement.
Le sénateur Dallaire : Est-ce que votre travail touche aussi les Forces canadiennes?
M. Davis : Oui.
Le sénateur Dallaire : Vous êtes à la tête d'une direction. Les directions ne sont-elles pas habituellement sous le commandement d'un officier? Je regarde vos rubans, et je me demande ce qui vous a mené à assumer ces fonctions. Avez-vous été forcé de les accepter ou étiez-vous content de le faire?
M. Davis : En Alberta, j'ai travaillé aux Services de soutien aux enquêtes administratives sur les plaintes, ce qui m'a mené à travailler directement avec les plaintes internes portées contre des employés et les plaintes pour harcèlement portées contre des gestionnaires au sein de la division. J'ai eu la chance de venir à Ottawa travailler à l'élaboration de normes professionnelles d'une perspective politique, c'est donc un poste qui représente un avancement pour moi. Avant d'être ici, j'ai également eu la chance de participer à une mission de l'ONU. À mon retour, j'ai eu l'occasion de travailler avec le surintendant O'Rielly à la mise sur pied de la Direction des services en milieu de travail. L'objectif était de regrouper des unités d'élaboration de politiques aux visées communes comme celles sur le harcèlement, la gestion informelle des conflits et les griefs pour créer une synergie. Un conflit reste toujours un conflit, qu'il concerne du harcèlement ou simplement une querelle sur une demande de remboursement de frais de repas. La clé est la résolution précoce des conflits. Nous voulions créer une direction qui veillerait à ce que les divisions appliquent adéquatement les mécanismes de gestion informelle des conflits, et nos efforts en ce sens se poursuivent encore aujourd'hui.
M. Dubeau : Vous avez raison de dire que c'est habituellement un officier qui a la responsabilité d'une direction. M. Davis est l'un de nos spécialistes en la matière, et j'ai jugé important qu'il nous accompagne aujourd'hui pour vous fournir les détails voulus. Il relève également d'un DG, qui est un autre officier, dans le secteur de la santé et de la sécurité en milieu de travail. Ce DG nous arrive des Forces canadiennes et apporte chez nous bon nombre des pratiques exemplaires des Forces, ce qui ressert encore davantage les liens qui nous unissent.
Le sénateur Dallaire : C'est un choix on ne peut plus approprié.
Le sénateur Lang : J'aimerais reparler des cours offerts au Dépôt. Je vous ai demandé tout à l'heure à quel moment vous avez commencé à offrir des cours sur le harcèlement, et vous m'avez répondu que c'était au milieu des années 1990, si je ne me trompe pas. Pouvez-vous nous parler un peu de la façon dont ce cours est présenté aujourd'hui et de son évolution depuis sa création. De toute évidence, c'est un enjeu pris de plus en plus au sérieux au sein de l'organisation comme au Dépôt. Pouvez-vous nous parler un peu de la situation de 1990 par rapport à la situation actuelle?
M. Brown : Depuis la version 1, qui remonte au milieu des années 1990, jusqu'à la version 8 d'aujourd'hui, l'intention a toujours été de moderniser le programme dans le respect des besoins de maintien de l'ordre au Canada. La nouvelle version du programme nous permet d'apporter au fur et à mesure les modifications requises sur des sujets ciblés comme la santé en milieu de travail pour répondre aux besoins qui s'annoncent.
Comme M. Dubeau l'a mentionné d'entrée de jeu, la question du respect en milieu de travail et de la lutte contre le harcèlement est un énorme volet intégré au programme complet de six mois. Aux grades supérieurs, l'intention est que les 24 semaines passées au Dépôt soient presque perçues comme 24 semaines d'entrevues. Les cadets y vivent tous ensemble. Leurs valeurs de base comme l'honnêteté, le respect, la responsabilité et le professionnalisme sont évaluées au cours de cette période de 24 semaines. Si nous remarquons quoi que ce soit qui nous montre qu'un cadet n'a pas les qualités requises, nous pouvons nous en occuper tout de suite.
Mme Hudy pourrait vous parler beaucoup plus en détail de nos modules et de notre calendrier pour vous montrer à quel point ce volet est intégré au programme, pour vous rassurer.
Mme Hudy : Je suis éducatrice et j'ai pour fonction d'évaluer le format et le contenu des programmes éducatifs. Je crois que la base de notre formation en matière de harcèlement a toujours été plutôt bonne. Nous y avons apporté quelques changements importants depuis quelques années. Nous avons changé la mise en situation qui sert à introduire la matière. Le Programme de formation des cadets met l'accent sur l'apprentissage en fonction des problèmes, ce qui signifie en gros que tout ce que les cadets apprennent leur est enseigné dans le contexte de problèmes représentatifs de ce que des agents de police peuvent vivre sur le terrain, donc lorsque nous leur enseignons de la matière sur le harcèlement, nous le faisons de la même façon. Nous proposons une mise en situation. Dans la version actuelle du programme, on imagine qu'ils prennent connaissance d'un incident de harcèlement survenu au centre de formation, et le commandant divisionnaire demande aux cadets de lui présenter des solutions pour régler un problème de harcèlement au centre de formation. C'est la façon dont nous leur présentons le sujet, puis le reste de la matière s'ensuit.
En 2006, la GRC a lancé un nouveau cours en ligne sur le harcèlement, qui fait partie de la formation obligatoire de tous les employés. Il a également été intégré au Programme de formation des cadets. C'est officiellement l'un des éléments clés du programme, ce qui signifie que les cadets ne peuvent pas obtenir leur diplôme du Programme de formation des cadets s'ils ne réussissent pas ce cours.
En 2009, nous avons apporté un changement que nous estimons très positif. Nous avons créé un nouveau poste d'officier de liaison avec les ressources à la disposition des cadets. Nous jugions important que les cadets puissent s'adresser à une personne extérieure au programme pour obtenir une opinion objective, une personne qui ne participait pas à leur formation ni à leur évaluation. Ils peuvent donc s'adresser à cette personne si un problème survient pendant la formation, y compris un incident de harcèlement. Si un cadet a l'impression de faire l'objet de harcèlement, cette personne peut l'aider à obtenir de l'aide pour régler la situation.
Le sénateur Plett : Pour revenir au rapport et aux progrès de la GRC dans son application, il y a trois services de police qui font meilleure figure que la GRC dans ce rapport, mais je félicite tout de même la GRC de son classement, particulièrement pour le programme des cadets. Je crois que vos réalisations à ce jour et ce que vous continuez de faire est remarquable.
La commissaire adjointe Sharon Woodburn a mentionné tout à l'heure que la force nationale avait appris des choses de la Division E et vice et versa, qu'elles collaboraient dans leur planification.
Quel est le genre de choses pour lesquelles nous collaborons avec les forces policières qui affichent un taux de harcèlement zéro? Malheureusement, ce rapport ne précise pas la taille des forces policières étudiées. Notre collaboration consiste-t-elle à voir ce que ces forces font de bien pour maintenir un bilan parfait? Travaillons-nous avec une organisation privée ou publique, ici ou à l'étranger, afin d'élaborer des programmes semblables?
M. O'Rielly : Je vous remercie de cette question. Comme le sergent Davis l'a dit, quand nous avons créé la Direction des services en milieu de travail en 2008, nous avons passé beaucoup de temps à nous pencher sur les meilleures pratiques observables dans le monde. La force de défense australienne est l'une des premières à nous avoir inspirés pour l'établissement d'un milieu de travail respectueux. Les Australiens ont mis en place une structure très intéressante. Elle vient tout juste d'être évaluée, et ils doivent y apporter quelques correctifs. Nous avons également travaillé en très étroite collaboration avec le Service de police d'Ottawa, puisqu'il s'est doté d'un programme de respect en milieu de travail en même temps que nous.
Pendant la rédaction des projets de loi C-42 et C-43, les précurseurs ou inspirations de ce projet de loi, qui sont morts au Feuilleton en 2011, nous avons beaucoup échangé avec des gens de départements liés à la justice aux États- Unis, dont les services de sécurité et la marine après le scandale de Tailhook, notamment sur les leçons qu'ils en ont tirées, et aussi avec des membres des Forces canadiennes, parce que nous partageons avec elles une histoire et une structure militaires et paramilitaires. Nous avons examiné de près ce que les Forces canadiennes ont fait quand nous avons conçu nos propres programmes pour nous doter de compétences comparables aux leurs. Nous nous sommes demandé où ils avaient trouvé l'équilibre entre l'approche stricte et rigide, le commandement et le contrôle de la discipline, d'une part, et les compétences plus personnelles, d'autre part. Je pense particulièrement à leur programme de résolution alternative des conflits. Nous avons demandé à l'un de leurs experts de nous aider à établir notre propre système de gestion informelle des conflits.
C'est un travail de tous les instants, la GRC travaille constamment à prévoir des mesures pour mettre en place les changements proposés par le projet de loi C-42 et résoudre les problèmes récemment mis au jour, à tout le moins depuis 2011. Nous essayons toujours de voir s'il existe une meilleure façon de faire ailleurs. Comme Mme Smith l'a mentionné, de même que le sous-commissaire Callens, ils ont passé beaucoup de temps dans leurs recherches et leur travail à étudier la littérature sur ce sujet. Nous devons véritablement toujours viser l'apprentissage continu, ne jamais nous arrêter. Je vous dirais même que dès qu'on établit un programme, quelqu'un d'autre va en adopter un meilleur, et nous allons encore une fois essayer de faire mieux.
Le président : Je vous remercie de cette mise en contexte.
Le sénateur Mitchell : Je crois que nous sommes tous encouragés de voir qu'il y a un programme en place et que vous êtes en train de mettre sur pied un programme de respect en milieu de travail, mais vous ne semblez pas répondre clairement à la question de savoir s'il y a un budget qui y est alloué. Je ne dis pas que vous essayez d'éluder la question. Je dis que vous ne nous présentez pas de programme de vérification concret. Pourquoi croirions-nous que vous en avez vraiment la volonté profonde si l'argent ne suit pas ou si vous n'avez pas encore créé de mécanisme pour en mesurer l'efficacité? Il n'y a pas de bonne gestion sans évaluation. Où se situe votre engagement? Convainquez-moi que votre programme va fonctionner et que vous y tenez vraiment. Pourquoi est-ce que nous vous croirions?
M. Dubeau : Le commissaire nous en a parlé. Il s'y est engagé. Il nous a instruits sans équivoque que nous devions tous respecter cet engagement. C'est une question de leadership, et il s'attend à ce que nous dirigions nos organisations avec leadership. L'engagement envers ce programme est total. Il l'a dit clairement. De notre point de vue, c'est la raison pour laquelle ce programme fait partie du plan d'action de la gestion fondée sur l'égalité entre les sexes. Des mesures en ce sens y sont prévues. C'était dans le rapport de la CPC, dont il a déjà accepté la partie sur l'évaluation. Nous avons déjà pris divers engagements pour rectifier le tir.
Nous avons des budgets pour notre personnel. Malheureusement, je ne peux pas vous donner de chiffres ce soir. Nous avons du personnel qui s'occupe du harcèlement et de la gestion informelle des conflits. Il suffirait de rassembler les chiffres, parce qu'il y en a un peu partout. Il faut les colliger, après quoi nous pourrons vous les envoyer.
Le commissaire a fait clairement part de cet engagement à tous les commandants. Beaucoup de commandants ont déjà pris des mesures pour le respecter. Vous avez entendu le sous-commissaire Callens. Tout récemment, j'ai reçu une note du commandant du Manitoba, qui prend des mesures très semblables de son côté. Il a dit qu'il allait utiliser le sondage auprès des employés de la fonction publique, qu'il était en train d'élaborer un deuxième plan d'action et qu'il allait en faire encore plus. Il veut faire venir des spécialistes qui ont travaillé à la Division E de la Colombie- Britannique pour qu'ils analysent ce qui se fait dans sa division et lui proposent des améliorations. Il y a aussi notre commandant de la Division K. Tout le monde est très déterminé en ce moment, parce que personne n'aime ce qui se passe. Nous voulons nous améliorer. Nous sommes tous très fiers de faire partie des Forces. Tous les membres des Forces sont fiers d'en faire partie, et personne n'aime ce qui se passe en ce moment. Nous croyons en la qualité de notre organisation et nous voulons l'améliorer.
Le sénateur Mitchell : Paul Kennedy, l'ancien commissaire de la CPC a dit dans son témoignage devant la Chambre des communes que la commission se penchait sur environ 80 cas d'infraction aux codes de conduite par année en Colombie-Britannique et que pratiquement personne n'a jamais été congédié, quelle que soit la gravité des incidents. En fait, pas moins du tiers des cas constituaient des infractions au Code criminel. Croyez-vous que le changement de culture que vous avez commencé à susciter va vous amener à changer votre façon de voir les infractions au Code criminel, que les agresseurs vont être accusés et qu'il y aura des poursuites? Est-ce différent de ce qui se faisait avant? Est-ce que vous envisagez la chose?
M. Dubeau : Je crois que le commissaire a parlé de comportement mal intentionné. C'est exactement les mots qu'il a utilisés. Il dit qu'il n'aura aucune intolérance pour ces comportements dans son organisation et qu'il s'attend à ce que personne ne les tolère. Il a expliqué clairement qu'il tiendrait responsable quiconque tolérerait ce genre de comportement.
Le sénateur Mitchell : Cela signifie qu'il va y avoir des accusations?
M. Dubeau : Oui.
Le sénateur Lang : Je pense qu'il serait important, pour le compte rendu, que nous entendions votre réponse à la question du sénateur Mitchell de savoir si votre budget prévoit des fonds pour faire appliquer la nouvelle loi, qui sera l'un des piliers de notre arsenal pour combattre le harcèlement et un outil important pour la Commission des plaintes. Je crois comprendre qu'il y a une allocation supplémentaire de 5 millions de dollars, d'un peu moins de 5 millions en fait, pour la Commission des plaintes, et une autre d'un peu moins de 10 millions pour la GRC, pour qu'elle puisse s'attaquer aux problèmes dont nous discutons aujourd'hui. Est-ce que je me trompe? Nous pourrions peut-être demander au surintendant O'Rielly de nous en parler.
M. O'Rielly : Oui monsieur. Comme le ministre l'a précisé lors d'une de ses comparutions devant le comité de la Chambre, la GRC recevra jusqu'à 9,8 millions de dollars pour mettre en œuvre le projet de loi C-42. Malheureusement, je n'ai pas encore la ventilation de cette somme. Cela fera partie d'une soumission au Conseil du Trésor, que nous n'avons pas encore préparée.
Le sénateur Lang : Pour le compte rendu, il y a bien une allocation budgétaire, et je suis d'accord avec le sénateur Mitchell que c'est essentiel pour mettre la loi en œuvre.
Le sénateur Day : Habituellement, les allocations budgétaires sont adoptées après l'entrée en vigueur d'une loi et non avant. Je vais devoir vérifier si ces 9,8 millions de dollars sont bel et bien pour le projet de loi C-42, que le Parlement n'a pas encore adopté. Ce serait une façon de faire intéressante si vous dites vrai.
J'ai quelques petites questions à vous poser. J'aimerais me faire une idée des nouvelles réalités. Est-ce que vous rémunérez vos recrues ou vos cadets pendant qu'ils sont au Dépôt?
M. Dubeau : Oui, il y a une indemnité de recrutement des cadets. Il faudrait que je demande à M. Brown de vous en donner le montant exact.
Le sénateur Day : Vous les payez à nouveau? Vous aviez arrêté de le faire pendant un moment.
M. Brown : Le premier ministre est venu nous voir en 2009, et les cadets reçoivent une indemnité de 500 $ par semaine pendant leurs 24 semaines de formation. C'est la règle qui a été mise en œuvre et qui s'applique encore aujourd'hui.
Le sénateur Day : Vous leur fournissez tout le reste, comme leur uniforme et l'hébergement. Ils ne paient rien pour aller là-bas, n'est-ce pas?
M. Brown : Non, tout est payé.
Le sénateur Day : Ce n'est pas comme le Collège Holland, par exemple, que les gens paient pour fréquenter, et la formation dure plus de six mois. Croyez-vous que six mois suffisent pour leur inculquer la doctrine et toutes les façons de faire que vous voulez leur inculquer pour le reste de leur vie?
M. Brown : Je trouve la période que les cadets passent là tout à fait suffisante. Après leur passage au Dépôt, ils vont sur le terrain pour une formation pratique de six mois. La formation dure un an en tout. Nous avons confiance que les cadets vont réussir à faire ce qu'on attend d'eux sur le terrain sous la gouverne de Mme Hudy, grâce au programme de formation axé sur les différents types de problèmes rencontrés.
La durée de la formation des cadets ne me pose aucun problème. Bon nombre d'entre eux ont déjà des acquis scolaires et diverses expériences de vie. Nous sommes satisfaits de la situation actuelle. Je ferais également remarquer que des gens des quatre coins du monde viennent ici régulièrement pour voir comment ils pourraient s'inspirer du programme que nous avons mis en place et ils se plient à notre horaire. Je ne vois donc aucun problème avec la durée.
Le sénateur Day : Monsieur Dubeau, les cadets, les sous-officiers supérieurs ou les officiers doivent-ils posséder une formation postsecondaire?
M. Dubeau : Non. Pour entrer dans les forces, ils n'ont besoin que d'un diplôme d'études secondaires. Ils sont toutefois nombreux à détenir un diplôme de premier cycle universitaire.
Le sénateur Day : Du point de vue des pratiques exemplaires, envisage-t-on d'imposer une exigence?
M. Dubeau : Pas pour l'instant. Une bonne partie des groupes cibles que nous tentons d'intégrer aux forces armées pourrait ne pas y satisfaire. Donc, quand ils se présentent, nous leur offrons des programmes pour les aider à acquérir l'éducation nécessaire. C'est ce que nous faisons.
Le sénateur Day : Voilà pourquoi je parlais des officiers et des sous-officiers supérieurs. C'est après qu'ils eurent été membres des forces depuis un certain temps.
M. Dubeau : Nous leur donnons l'occasion de parfaire leur éducation, en payant la formation universitaire dans certains cas. Nous proposons tout un éventail de programmes, qu'ils peuvent choisir de suivre. Ces cours ne sont pas obligatoires, sauf pour certains postes qui s'accompagnent de quelques exigences, comme dans les équipes du crime commercial ou du marché intégré.
Le sénateur Day : Qu'en est-il de votre capacité dans les deux langues officielles?
M. Dubeau : Nous avons une bonne capacité à cet égard.
[Français]
Cela fonctionne relativement bien. Je ne me souviens plus du pourcentage, mais je crois que c'est environ 20 p. 100.
Le sénateur Day : C'est à considérer pour le recrutement d'un officier, par exemple.
M. Dubeau : Si c'est un poste bilingue, oui. On a des postes bilingues à travers le Canada et il y a des points de service où il y a de la demande et ce, en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Day : Merci beaucoup.
Le sénateur Dallaire : Monsieur Dubeau, permettez-moi de vous lire une question.
[Traduction]
Compte tenu du faible taux de gestionnaires de la GRC qui terminent les programmes de formation contre le harcèlement, mis en lumière dans le rapport McPhail qui vient d'être publié, comment la GRC veille-t-elle à ce que les membres qui comptent de longues années de services soient adéquatement formés pour détecter, prévenir, signaler et résoudre les problèmes de harcèlement? Je m'intéresse particulièrement aux cadres de direction, comme les sous- officiers et les officiers. S'ils ne suivent pas le recyclage annuel ou, peu importe, comment vous appelez ces cours qui ne semblent pas obligatoires, comment assurerez-vous le maintien à jour de leurs connaissances et le suivi pour qu'ils disposent de la capacité nécessaire?
[Français]
Je parle des sous-officiers et des officiers en particulier.
[Traduction]
M. Dubeau : La formation sur le harcèlement est obligatoire pour tous; tous les membres des forces doivent la suivre. Nous surveillons la situation et faisons rapport à nos commandants sur la question.
Monsieur Venneri, pourriez-vous en dire davantage à ce sujet?
M. Venneri : Dans le cadre du Programme de perfectionnement des superviseurs et du Programme de perfectionnement en gestion, ils suivent des modules donnés en classe sur le harcèlement et le respect en milieu de travail afin d'apprendre comment détecter le problème et avoir des conversations difficiles à ce sujet. Dans l'un des volets du programme, qui dure de 12 à 18 mois, ils retournent dans les unités et mettent en œuvre des activités de respect en milieu de travail avec leurs équipes, puis font rapport à nos spécialistes en leadership sur ce qu'ils ont fait. C'est un des volets du programme.
C'est ce qui explique pourquoi certains taux d'achèvement sont faibles; les officiers ne terminent pas le programme dès qu'ils sortent des salles de classe. Ils ont des devoirs à remettre dans le cadre du programme, comme l'activité sur le respect en milieu de travail, afin de modifier leur comportement pour passer du rôle de contributeur à superviseur. Ils doivent présenter un rapport à ce sujet.
Le sénateur Dallaire : Le rapport McPhail n'est pas clair sur ce point, et j'aimerais toujours savoir en quoi consiste exactement le contenu que vous communiquez aux sous-officiers et aux officiers à ce sujet. Quel plan de cours utilisez- vous et à quelle fréquence ils suivent de nouveau la formation?
J'aimerais également savoir, comme vous vous occupez de la formation à cet égard, dans quelle mesure il leur incombe de former leurs propres employés en matière de harcèlement? À quelle fréquence organisent-ils des rencontres où ils font profiter leur équipe de leur expérience et de leurs connaissances pour veiller à se tenir à jour à ce sujet?
M. Dubeau : En général, cela relève de leur responsabilité. Chaque année, au moment de l'évaluation, ils doivent discuter du respect en milieu de travail avec chaque employé. Sur toutes les évaluations de rendement, il est indiqué qu'ils discutent du respect en milieu de travail avec chaque employé pour qu'ils comprennent le sujet, ainsi que leurs responsabilités et celles des autres.
L'une des recommandations consiste à examiner le Programme de perfectionnement des superviseurs et le Programme de perfectionnement de la gestion pour voir comment nous pourrions sensibiliser les gestionnaires qui ne participent pas au cours. Nous cherchons à déterminer comment nous pourrions agir plus vite, car nous ne pouvons pas les former assez rapidement. Nous voulons donc mettre ce cours en place.
Le projet de loi C-42, s'il entre en vigueur, prévoit le lancement d'un autre type de formation pour permettre aux gens de se conformer aux exigences de leur poste.
Le sénateur Dallaire : Madame la présidente, je vous demanderais de bien vouloir m'autoriser à poser une brève question. Merci.
Qu'en est-il des personnes atteintes du syndrome de stress post-traumatique qui se retrouvent dans le rôle de victime ou d'agresseur dans ce scénario? Il semble qu'elles ne fassent pas l'objet de beaucoup d'analyse et de suivi. Avez-vous perfectionné le programme pour déterminer comment tenir compte de cette situation dans l'exercice?
M. Dubeau : Nous sommes en train de le perfectionner, et nous discutons avec les FC pour voir comment nous pouvons affronter le problème du SSPT tous ensemble. Nous disposons d'une panoplie de structures pour fournir de l'aide dans le cadre de notre programme de santé en milieu de travail, mais nous nous attaquons maintenant au SSPT comme tel pour voir comment nous pouvons soutenir nos membres. L'initiative en en branle, comme le montre l'arrivée d'un nouveau DG des Forces canadiennes. Nous voulions compter sur une personne possédant de l'expérience dans un autre monde pour nous proposer certaines pratiques exemplaires.
La présidente : Une dernière question. Nous devons ensuite nous occuper d'autre chose.
Le sénateur Mitchell : Il est indiqué à l'ordre du jour que nous disposons d'une heure et demie.
Quoi qu'il en soit, l'armée canadienne ne se contente pas d'aider les membres des FC atteints du SSPT; elle soutient également leur famille. En élaborant votre programme, prenez-vous également en compte le soutien de la famille, étant donné que c'est une question qui la touche?
M. Dubeau : Nous commençons à élaborer le programme. Nous avons abandonné notre programme interne d'aide aux membres pour adopter le PAE du gouvernement fédéral, car il offre immédiatement de l'aide à la famille. Comme ce service offre déjà ce soutien, dont nous n'avons jamais bénéficié, nous y avons adhéré en septembre dernier.
Le PAE est le Programme d'aide aux employés, qui relève de Santé Canada. Il offre aux familles toute une gamme de service dont elles ne bénéficiaient pas auparavant. Notre programme interne ne proposait rien de tel.
Nous offrons donc de l'aide aux familles. Comme le problème touche toute la famille, nous veillons à ce qu'on s'occupe d'elle. Un officier de liaison d'ACC en poste à Charlottetown travaille dans le cadre des programmes, car à cet égard, nous devons nous assurer de savoir comment nous pouvons les aider au cours de la transition à la vie civile.
Le sénateur Mitchell : Pour évaluer la nature du problème, avez-vous communiqué avec les victimes de harcèlement qui sont maintenant souvent en congé de maladie et qui ne participent plus aux activités quotidiennes de la GRC? Les avez-vous consultées et avez-vous travaillé avec elles afin de prendre des mesures pour savoir précisément ce qui se passe? Elles vous donneront un point de vue que vous ne connaîtriez pas nécessairement autrement.
M. Dubeau : Pour le moment, nous avons communiqué avec des membres en congé de maladie à long terme pour les inciter à venir nous parler, car bon nombre d'entre eux ont complètement perdu contact avec nous et nous tentons de renouer les liens au sein de l'organisation.
La présidente : Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu aujourd'hui. J'aimerais remercier les témoins de Regina également. Nous nous excusons pour les problèmes techniques éprouvés au début. Merci d'avoir témoigné; vous nous avez tous donné une bonne idée de la situation.
Nous poursuivrons maintenant la séance à huis clos pour examiner des travaux du Sénat. Merci.
(La séance se poursuit à huis clos.)