Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 13 - Témoignages du 25 mars 2013
OTTAWA, le lundi 25 mars 2013
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense; et examiner l'ébauche d'un budget pour l'étude sur l'état de préparation opérationnelle des bases des Forces canadiennes et l'importance de ces bases pour la défense des intérêts du Canada et des Canadiens, en particulier la capacité de leur infrastructure, de leur personnel et de leur équipement.
La sénatrice Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi, 25 mars. Nous avons aujourd'hui deux points caractéristiques sur l'état des Forces armées canadiennes. Nous allons commencer par entendre le lieutenant-général Yvan Blondin.
Une transformation est déjà en cours, en général, au sein des Forces armées canadiennes; elle fait partie d'un processus visant à réaliser des économies et des gains d'efficience et à améliorer les façons de faire. C'est ainsi que les Forces canadiennes se préparent pour l'avenir. Nous avons discuté de ces questions notamment avec le chef d'état- major de la Défense, le général Lawson, qui était avec nous la semaine dernière, ainsi qu'avec les commandants de l'armée canadienne, de la Marine royale canadienne et du nouveau Commandement des opérations interarmées du Canada.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir le commandant de l'Aviation royale canadienne, le lieutenant-général Yvan Blondin. Le général Blondin a été pilote de chasse, commandant d'un escadron de chasse et commandant d'escadre au Canada et en Europe. Il a aussi fait partie de l'état-major canadien au QG du NORAD, à Colorado Springs. Il a occupé le poste de directeur de l'état-major à la Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN à Kaboul, en Afghanistan. Plus récemment, à Winnipeg, il a occupé deux fonctions, soit commandant de la 1re Division aérienne du Canada et également commandant de la région canadienne du NORAD. Avant d'être nommé commandant, en septembre dernier, il a assumé les fonctions de commandant adjoint de l'ARC.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à nous présenter.
Lieutenant-général Yvan Blondin, commandant de l'Aviation royale canadienne, Défense nationale : Je vous remercie de cette présentation. Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion de parler de cet important sujet qu'est la disponibilité opérationnelle de la Force aérienne. Ces dernières années, l'Aviation royale canadienne a vécu un rythme opérationnel sans précédent.
[Français]
Nous avons été envoyés en mission en Libye, en Jamaïque et, tout dernièrement, au Mali. Nous avons fourni à l'Islande une capacité aéroportée de surveillance et d'interception afin de concourir à son état de préparation opérationnelle en temps de paix dans le cadre d'un mandat de l'OTAN et nous venons de nous redéployer pour continuer cette mission.
Nous avons mené des opérations en Afghanistan et nous sommes encore en train de déplacer du personnel et du matériel entre le théâtre des opérations et le Canada.
[Traduction]
Au Canada, nous avons prêté main-forte pendant les catastrophes naturelles et nous avons participé à la sécurité des Jeux olympiques et des sommets du G8 et du G20. L'an dernier, nos équipes de recherche et sauvetage ont été appelées plus d'un millier de fois pour aider les Canadiens en danger. Nous continuons d'assumer notre mission du NORAD, en protégeant l'Amérique du Nord et ses approches maritimes, et nous aidons à protéger la souveraineté canadienne.
Ce ne sont là que les activités les plus visibles parmi toutes celles que nous menons quotidiennement.
Parallèlement, l'ARC a été l'objet d'une modernisation importante. Nous avons mis en place de nouvelles capacités et intégré des flottes d'aéronefs neufs ou modernisés, et nous nous préparons à intégrer de nouvelles flottes à court et à long terme.
[Français]
Par ailleurs, madame la présidente, nous savons tous que la sécurité dans le monde ne s'améliore pas.
Pendant les temps de crise, les Canadiens et leurs alliés savent qu'ils peuvent compter sur l'Aviation royale canadienne pour fournir un soutien rapide et efficace.
Nous avons eu beaucoup de succès et j'ai désormais des normes très élevées de qualité à respecter.
[Traduction]
Ma principale politique est de miser sur nos réussites actuelles, d'assurer notre disponibilité opérationnelle continue de manière à ce que nous soyons toujours prêts à mener les missions que le gouvernement nous confie et de tout mettre en œuvre afin d'assurer le maintien de notre excellence opérationnelle.
Toutefois, alors que nous sommes confrontés à un environnement incertain sur le plan de la sécurité mondiale, notre armée, comme celles de bon nombre de nos alliés, doit composer avec certaines réalités financières. L'ARC doit contribuer à l'équilibre des budgets tout en adaptant ses activités et ses budgets au contexte de l'après Afghanistan.
Par conséquent, j'ai la ferme intention d'assurer la continuité de notre excellence opérationnelle tout en utilisant l'argent des contribuables de manière diligente et responsable. Or, je tiens à être clair : je verrai aussi à maintenir notre capacité de mettre sur pied une force et d'assurer notre disponibilité opérationnelle, ainsi que de protéger les connaissances et les capacités que nous avons acquises au cours des dernières années. Nous pourrons ainsi assurer notre succès à long terme.
Dans ce but, nous allons prendre un certain nombre de mesures précises. Tout d'abord, je prévois examiner la manière dont nous accomplissons notre mandat pour trouver des endroits où nous pourrions réduire nos dépenses. À long terme, j'ai l'intention de préconiser l'utilisation de la simulation et des environnements synthétiques et de mettre l'innovation à profit.
[Français]
En effet, l'industrie canadienne est un chef de file mondial dans la conception de technologie de simulation. J'ai bien l'intention d'en profiter.
[Traduction]
Nous examinerons nos besoins d'entraînement et déterminerons à quel moment et de quelle manière nous pouvons augmenter notre utilisation de la simulation. Une meilleure utilisation de cette technologie peut nous aider à mieux nous entraîner, puisque nous avons alors plein pouvoir sur l'environnement d'entraînement et que nous pouvons ainsi créer des scénarios qui seraient autrement trop dangereux dans un contexte réel.
L'entraînement dans un environnement virtuel nous permettra aussi de réaliser des économies au chapitre du carburant et de la maintenance. Cet entraînement réduira l'usure de nos appareils, prolongeant ainsi leur durée de vie utile, et réduira notre empreinte carbone globale.
La mise à profit de l'innovation signifie bien plus que d'adopter de nouvelles technologies. Nous devons également créer un environnement de travail qui favorise les nouvelles idées et les nouveaux concepts. Nous aurons recours à l'expérience et aux idées de nos militaires et nous leur donnerons le soutien dont ils ont besoin pour concevoir des solutions ingénieuses et créatives qui rendront l'ARC plus efficace et efficiente.
[Français]
En plus d'assurer notre excellence opérationnelle, l'une de mes grandes priorités est de soutenir nos aviateurs qui exercent leur métier avec fierté, professionnalisme et dévouement. Ils sont la raison de nos succès.
[Traduction]
Nous nous assurerons que nos changements d'ordre financier n'auront pas de répercussions sur la façon dont nous nous occupons d'eux. Nous nous efforcerons d'appuyer nos militaires et leur famille de plusieurs façons, par des moyens comme un cheminement de carrière amélioré ou un meilleur accès aux services de garde d'enfants. C'est à l'avantage de nos militaires et de leur famille, et c'est à l'avantage de l'ARC. Il est plus sensé, sur le plan économique, de maintenir en poste les personnes déjà embauchées que d'embaucher de nouvelles personnes. Lorsque les gens quittent l'aviation, il faut des années d'entraînement et des sommes considérables pour les remplacer. Il est impératif, tant sur le plan du leadership que sur le plan économique, de nous assurer que nos militaires et leur famille peuvent compter sur tout notre appui et obtenir les meilleurs soins possibles.
[Français]
En conclusion, madame la présidente, nous maintiendrons nos capacités et notre disponibilité opérationnelles tout en continuant de bâtir une force aérienne financièrement responsable et prête à protéger les Canadiens pendant les prochaines décennies.
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Je vous remercie de votre exposé.
Nous examinons ici, notamment, les leçons apprises de la mission en Afghanistan et l'état de préparation en général. Pouvez-vous déterminer — je ne sais pas si c'est difficile — où se situent les avantages directs du rythme opérationnel dont vous parlez en Afghanistan, à Haïti, en Libye, au Mali et dans les opérations nationales? Est-ce sur le plan du recrutement, de l'état de préparation ou du moral? Quelle est la chose la plus importante qui émerge de cela?
Lgén Blondin : Les trois sont importants : le recrutement, le moral et le rythme opérationnel. Avant les opérations en Afghanistan et les autres opérations qui s'y sont ajoutées, nous étions préoccupés par le fait que nous nous dirigions vers ce que nous appelions à l'époque une force aérienne de débutants; nous remplacions des gens qui prenaient leur retraite en raison de l'évolution de l'effectif par de jeunes recrues, et nous avons dû y aller à fond dans le recrutement. Cela nous préoccupait. Nous faisions des plans sur cinq à dix ans et nous nous disions qu'il fallait ralentir et faire preuve de prudence, car nous devrions composer avec des gens plus jeunes et moins expérimentés.
En fait, étant donné le rythme opérationnel et la participation à toutes ces opérations, je me suis retrouvé après cinq ans avec l'une des forces aériennes les plus compétentes, professionnelles et jeunes dans le monde. Je n'aurais pu rêver d'une telle force aérienne jeune et prête au combat.
La présidente : C'est formidable. Je vous remercie de ces explications.
Le sénateur Dallaire : Général, d'abord, je pense que l'ARC en Afghanistan a réalisé un extraordinaire plan opérationnel face à l'ennemi en mettant en place une toute nouvelle flotte — la flotte des Chinook — dans le théâtre des opérations, et qu'elle l'a fait très rapidement et avec beaucoup d'efficacité. Je crois que vos collègues des autres forces surveillaient cela, et compte tenu de mon expérience, je ne peux que vous féliciter d'avoir pu le réaliser et d'avoir réussi à soutenir les troupes terrestres. C'est du bon travail.
J'ai deux questions à vous poser. La première porte sur les hélicoptères Chinook. Il est intéressant qu'ils se trouvent tous à Petawawa et qu'il n'y en ait pas la moitié à Edmonton, ce qui répondrait peut-être mieux aux besoins, puisqu'il s'agit d'un actif national et pas seulement militaire. Quoi qu'il en soit, dans les théâtres des opérations, les Griffon pouvaient au mieux fournir une certaine protection aux Chinook.
Dans le cadre de votre programme d'immobilisations et de votre planification de l'avenir, entendez-vous mettre en service un hélicoptère d'attaque pour assurer la protection des appareils Chinook?
Lgén Blondin : Je vous remercie de cette observation. Vous avez tout à fait raison; les gars ont fait un travail remarquable en prenant livraison de six Chinook très anciens et en assurant une excellente capacité opérationnelle durant trois ans.
Quant à votre question au sujet des Griffon, ces appareils sont davantage des hélicoptères de manœuvre. Ils étaient un peu limités en Afghanistan, quand nous avons envisagé de les utiliser pour escorter les Chinook. Nous avons retiré de l'appareil le matériel dont nous n'avions pas besoin en Afghanistan afin de le rendre le plus léger possible pour que nous puissions l'armer et l'utiliser comme hélicoptère d'escorte. Nous sommes satisfaits du résultat. Même dans l'environnement le plus difficile que l'on puisse trouver sur la planète pour les hélicoptères, sur le plan de l'altitude et de la température, nous nous en sommes plutôt bien tirés avec les Griffon. Nous repartons de l'Afghanistan en misant là- dessus, en quelque sorte. Même si nous sommes allés là-bas avec une flotte aérienne d'attaque composée uniquement d'hélicoptères de manœuvre, nous en repartons avec des appareils qui, en plus, ont servi d'hélicoptères d'escorte et qui ont très bien joué leur rôle. Nous avons bien armé l'hélicoptère, ce qui nous porte à croire que nous pourrons l'utiliser jusqu'en 2025, environ. Il peut servir d'hélicoptère de manœuvre ainsi que d'hélicoptère d'escorte pour les 15 appareils Chinook que nous allons recevoir. Nous tentons d'ajouter du matériel moderne à l'intérieur du Griffon, principalement sur le plan de l'avionique et des communications, et nous avons déterminé la nécessité d'un autre hélicoptère après le Griffon, mais ce sera après 2025.
[Français]
Le sénateur Dallaire : En tout cas, il y a eu beaucoup de discussions sur la vitesse des Griffons pour suivre et les Chinooks et ne pas mettre les Chinooks à risque, mais partant de là, cela a été satisfaisant.
Ma deuxième question porte sur la méthodologique qui existe dans l'aviation pour prendre les leçons apprises sur le terrain et comment elles sont intégrées dans les enseignements, la doctrine et ultimement remis en opération.
Avez-vous une structure semblable à ce que l'armée possède et même la marine en ce qui a trait à la capacité de réagir aux expériences du terrain et à modifier vos données opérationnelles et tactiques?
Lgén Blondin : L'Aviation royale canadienne a un peu copié ce que l'armée avait développé au niveau du système des leçons apprises.
On s'est servi de ce que l'armée et de ce que l'aviation avaient développé au fil des années avec notre système de sécurité des vols, qui est un système qui ramasse l'information à partir du terrain et qui est capable, à partir des incidents ou d'activités que nous avons, de synthétiser l'information et la monter plus haut.
On a mis un système un peu hybride entre les deux en place. On se sert de notre Air Warfare Centre de l'aviation de Trenton. On a développé un système où ils ramassent l'information qui arrivent de toutes les unités, que ce soit une opération à l'étranger ou normale, à chaque jour dans nos opérations quotidiennes, eux font la synthèse de ces leçons et après, ils s'assurent d'envoyer les leçons apprises vers le haut pour que la chaîne de commandement soit capable de suivre et ramasser la bonne information au bon niveau. Il y a de l'information que je ne vois jamais parce qu'elle est synthétisée au niveau opérationnel et va rester à ce niveau, mais ce qui a besoin d'être filtré et de se rendre à mon niveau, se rend bien. On a mis cela en place avec l'Afghanistan et c'est un très bon système.
Le sénateur Dallaire : C'est assez vite? Cela répond vite aux besoins?
Lgén Blondin : C'est beaucoup mieux que ce qu'on avait avant.
[Traduction]
Le sénateur Lang : Je tiens une fois de plus à féliciter les hommes et les femmes de l'Aviation royale canadienne que vous représentez de leur contribution en Afghanistan, comme l'a dit le sénateur Dallaire, et bien sûr en Libye, et maintenant au Mali. Nous sommes très fiers du travail que vous accomplissez. Lorsque nous tenons des audiences comme celle-ci, les Canadiens peuvent mieux comprendre en quoi consistent votre travail et vos responsabilités.
J'aimerais revenir à vos commentaires. Vous avez déclaré : « La mise à profit de l'innovation signifie bien plus que d'adopter de nouvelles technologies. Nous devons également créer un environnement de travail qui favorise les nouvelles idées et les nouveaux concepts. »
Je voudrais vous poser une question au sujet de l'utilisation de drones par la force aérienne. D'après ce que je comprends, on a discuté de la possibilité que la force aérienne fasse l'acquisition de drones. Peut-être pourriez-vous nous expliquer précisément où vous en êtes à ce sujet et comment cela toucherait les activités de recherche et sauvetage et de surveillance dans l'Extrême Arctique, et peut-être également le long de nos frontières.
Lgén Blondin : Nous avons beaucoup progressé quant à l'utilisation des drones quand nous étions en Afghanistan; nous avons commencé à les utiliser et nous avons vu la quantité incroyable de renseignements qu'ils peuvent fournir et les nombreux usages que l'on peut en faire. Cela dit, les drones ont une fonction spécialisée, et après la mission en Afghanistan, nous avons créé un programme au sein de l'aviation pour tenter d'acquérir une flotte de drones. Ce programme s'appelle JUSTAS. Il s'agit en fait d'une analyse des options. Nous tentons de voir ce qui est offert et de déterminer de façon précise ce dont nous aurons besoin dans l'avenir. Pour les drones, nous examinons la nécessité qu'ils puissent effectuer des patrouilles maritimes à distance, faire un peu ce que font les Aurora et pouvoir patrouiller la côte. Notre secteur de responsabilité s'étend sur au moins 1 000 milles au large pour les patrouilles maritimes et les activités de recherche et sauvetage. De plus, nous en avons besoin dans l'Arctique. Je dois utiliser les drones. Ils ont le rayon d'action et l'autonomie nécessaires aux longues patrouilles et la capacité de surveiller l'Arctique du haut des airs. C'est une nécessité pour le Canada. C'est avant tout la raison pour laquelle nous voulons acquérir des drones.
En outre, j'aimerais avoir une flotte de drones qui me permettra également d'effectuer des opérations de déploiement. Les opérations de déploiement ne sont pas nécessairement des opérations en temps de guerre. Ce sont des opérations comme celle d'Haïti. J'aurais pu utiliser des drones, quand nous étions à Haïti; ils nous auraient permis de savoir quelles routes étaient ouvertes et ce qui se passait là-bas.
J'aimerais avoir un drone qui peut transporter du matériel, des armes, par exemple; qui peut transporter, lorsqu'il patrouille dans l'Arctique pour la recherche et le sauvetage, un paquet que je pourrais larguer quand je le voudrais ou le devrais. Nous cherchons un drone polyvalent, qui peut effectuer un grand nombre de missions, qu'il s'agisse de faire de simples patrouilles ou de recevoir et transmettre des renseignements, de larguer des paquets ou de se déployer lorsque nous effectuons des opérations à Haïti, par exemple, ou qui nous permet, quand nous allons en Afghanistan, de transporter des armes. Nous tentons actuellement d'élaborer les options.
Le sénateur Lang : C'est très intéressant. J'aimerais maintenant aborder un autre sujet, qui concerne encore une fois le Nord, bien entendu. Il s'agit de la question des conditions météorologiques et des communications. C'est de toute évidence une question très importante pour ceux qui vivent là-bas ainsi que pour vous, sur le plan de vos responsabilités. Je crois comprendre qu'on a effectué un travail considérable en ce qui concerne le système de satellite polaire de télécommunications et de météorologie, et que la force aérienne participe peut-être au projet de satellite dans le Nord. Pourriez-vous faire le point là-dessus également et nous dire où vous en êtes à ce sujet?
Lgén Blondin : L'aviation canadienne n'est que l'un des utilisateurs potentiels de ce système. Nous en avons certainement déterminé le besoin. Si je dois voler dans l'Arctique, je dois pouvoir communiquer. Il n'est pas seulement question de communications radio. Je dois être en mesure d'envoyer des photos. Si je vois une vidéo, je dois pouvoir l'envoyer en temps réel. L'Aviation royale canadienne a donc déterminé que les communications par satellite sont une exigence en vue de mener des opérations dans le Nord canadien. À quelle étape ce projet est-il rendu? Je ne me tiens pas informé à cet égard; je ne sais donc pas exactement ce qu'il en est. Je fais seulement part du besoin, mais je ne m'occupe pas de l'approvisionnement.
Le sénateur Lang : Puis-je poser une question complémentaire? L'Aviation canadienne s'engage-t-elle à jouer un rôle dans ce projet de satellite et à y participer sur une base régulière, si le tout se concrétise?
Lgén Blondin : Absolument. Nous l'utiliserons.
[Français]
Le sénateur Day : Bonjour, lieutenant-général. Merci d'assister à notre rencontre d'aujourd'hui. Je vais commencer avec une question concernant l'OTAN. J'aimerais savoir pourquoi on a décidé de ne pas continuer avec le programme AWACS? Était-ce pour une raison fiscale?
Lgén Blondin : Cela fait probablement plusieurs années qu'on discute de notre engagement au sujet du système AWACS. L'aviation fournit depuis plusieurs années, environ 200 personnes, qui travaillaient dans l'équipe pour les AWACS avec l'OTAN, et on avait une centaine de personnes qui travaillaient avec les AWACS au niveau américain et au niveau du NORAD.
Notre rapport avec l'OTAN et le NORAD a toujours été vu depuis plusieurs années comme quelque chose à réviser. Est-ce qu'on veut mettre autant de personnes pour ce que cela nous rapporte? Est-ce qu'on ne serait pas mieux d'amener nos affaires juste à une place au niveau du NORAD et réduire un peu au niveau de l'OTAN? Quand on pense qu'on développe de nouvelles capacités, qu'il s'agisse de drones ou de Chinooks ou de capacités que je n'avais pas avant, est-ce que je grossis mon aviation ou je change les ressources d'un côté à l'autre? Cela a toujours été discuté comme une place potentielle à réduire.
Quand on a commencé à développer le programme HES au niveau de l'OTAN, qui était une acquisition de drones pour l'OTAN au niveau de l'Italie, la discussion a été facile. On s'est dit qu'on allait réduire notre participation au niveau d'AWACS, une centaine de personnes qu'on va bouger vers le AGS. À cette époque, c'est parce qu'on sentait qu'il y en avait un peu trop pour ce que cela rapportait.
Lors des opérations en Afghanistan et en Libye, aussitôt qu'on fait des opérations avec l'OTAN, que ce soit avec AWACS ou avec le drone au niveau de l'OTAN, il y a toutes sortes de restrictions qui viennent avec cela. Pour utiliser l'AWACS en Afghanistan, il a fallu plus d'une année de discussions avec les différents pays parce que différents pays volent avec l'avion. Si un pays ne veut pas participer à l'opération avec l'OTAN, c'est un problème.
Lorsqu'il y a suffisamment de pays qui participent et qui acceptent qu'on utilise la force, là, on se demande où l'avion sera basé pour opérer là-bas et plusieurs pays refusent un avion d'AWACS parce qu'il y a du personnel de telles nationalités qui ne sont pas nécessairement acceptables.
Cela crée beaucoup de complications qui font que ce n'est pas aussi utile qu'on le voudrait. Lorsqu'on a senti que la même chose allait arriver avec les drones, on a préféré dans notre étude développer notre propre programme de drones qui serait beaucoup plus sous notre contrôle, et qui appuierait beaucoup plus nos opérations, les opérations auxquelles le Canada participe.
[Traduction]
Le sénateur Day : Merci; c'était très utile. Actuellement et non dans l'avenir, étant donné que les drones sont plus performants, êtes-vous convaincu que nos forces armées auront accès au même niveau de renseignements dont nous avons besoin en vue de mener des opérations qu'à l'époque où nous participions au programme AWACS?
Lgén Blondin : Je crois que nous en aurons probablement plus, parce que nous nous sommes en quelque sorte retirés du programme AWACS, mais nous avons légèrement augmenté le nombre de nos gens au sein du programme AWACS des États-Unis. En raison du programme bilatéral entre le Canada et les États-Unis, nous avons accès à beaucoup plus de renseignements que ce qui est disponible aux pays de l'OTAN dans le cadre du programme AWACS. Par conséquent, je ne m'en inquiète pas du tout. Je suis convaincu de recevoir l'expérience dont j'ai besoin par l'entremise des échanges que nous avons avec le NORAD dans le cadre du programme AWACS.
Le sénateur Day : Je suis heureux de l'entendre.
Mon deuxième sujet concerne les simulateurs, et vous y avez fait allusion. Vous avez reconnu que nos pilotes auront moins d'heures de vol, parce que vous faites preuve de prudence en matière de finances. Ensuite, vous avez parlé des simulateurs. Aux fins du compte rendu, pouvez-vous nous dire le nombre d'heures de vol exigées pour demeurer à jour en tant que pilote d'un certain appareil? En pourcentage ou en heures, quelle est l'ampleur de la réduction? En ce qui a trait aux simulateurs, les technologies de simulation ont-elles évolué au point où nous avons dépassé la simulation d'un vol seul ou en équipage et que nous pouvons maintenant simuler plusieurs appareils qui participent ensemble à un exercice? En sommes-nous rendus là?
Lgén Blondin : Tout à fait. Je préconise ardemment l'utilisation accrue des simulateurs. J'ai piloté des F-18 pendant 25 ans, et lorsque j'ai débuté, le temps passé sur un simulateur correspondait à 5 ou 10 p. 100 du temps passer en vol. La formation se faisait en vol. En vue de m'entraîner au combat aérien et à l'interception d'appareils, j'avais besoin d'autres avions comme cibles. Il arrive parfois d'avoir besoin de beaucoup d'avions pour simuler des conditions de combat. C'était ainsi que nous procédions, parce que nous ne pouvions pas le faire de manière réaliste sur le simulateur. Cependant, de nos jours, grâce aux progrès réalisés relativement aux technologies de simulation, je m'attends à obtenir un meilleur entraînement sur les simulateurs, en particulier avec la prochaine génération d'avions de chasse et de technologies de simulation, même s'il reste des choses que nous ne pourrons pas simuler.
Par exemple, dans le cas du F-35, ce que nous devons viser en ce qui a trait à la prochaine génération d'avions de chasse — je ne suis pas en train de dire que nous devons choisir le F-35 —, ce que tout le monde vise, c'est la technologie de détection. Les avions ne vont pas nécessairement plus vite; leur manœuvrabilité n'est pas nécessairement accrue par rapport aux générations précédentes, mais c'est la capacité de détection de ces appareils qui distingue la prochaine génération d'avions de chasse.
Ces avions peuvent détecter tout ce qui se trouve autour d'eux; ils peuvent synthétiser les données et permettent au pilote de facilement comprendre son environnement. Cependant, pour entraîner nos gens à cet égard, étant donné que la détection est l'aspect important de cet appareil, je dois être en mesure de voir quelque chose lorsque je m'entraîne; il peut s'agir d'autres avions, de radars au sol ou de missiles qui se dirigent dans ma direction. Je dois pouvoir le voir lorsque je m'entraîne.
Lorsque vous volez au nord de Bagotville dans un F-18 la nuit, il n'y a pas grand-chose à détecter; il n'y a rien. C'est la même chose à Cold Lake. Si je veux voler et voir des radars et des avions, le simulateur est l'endroit idéal pour ce faire et me donner un environnement réaliste. De plus, étant donné que j'utilise une vaste gamme de détecteurs à la fine pointe de la technologie, je ne voudrais pas activer bon nombre de ces systèmes, parce que je ne voudrais pas que des satellites captent mon signal et sachent exactement ce dont mon appareil est capable. Le seul endroit où je peux le faire de manière sécuritaire est sur un simulateur.
Avec la prochaine génération d'avions de chasse, nous estimons que la moitié de mon entraînement se fera sur un simulateur d'une journée à l'autre. La technologie de simulation me procurera un meilleur entraînement. Nous parlons de simulateurs qui seront branchés en réseau. Je peux ainsi décoller dans un avion de chasse de la base de Bagotville et rejoindre un autre groupe d'avions qui ont décollé de la base de Cold Lake. Un avion ravitailleur nous livrera du carburant en vol à Trenton, puis nous mènerons une mission de combat. Tout le monde le fait grâce aux technologies de simulation. C'est possible. Il suffit de le mettre en place.
Le sénateur Day : Pouvez-vous nous donner une idée du nombre d'heures de vol réel qui sera maintenant fait sur un simulateur?
Lgén Blondin : J'effectue actuellement 16 000 heures de vol à bord d'un F-18. Je ne prévois pas les réduire de 50 p. 100, mais j'effectuerai de 10 000 à 12 000 heures de vol réel et de 10 000 à 12 000 heures sur un simulateur. Il y aura plus d'heures d'entraînement au total, mais une moitié se fera en vol, tandis que l'autre se fera sur un simulateur. Nous ne pouvons évidemment pas tout simplement réduire le nombre d'heures de vol, parce qu'au moment de partir en guerre il faut avoir effectué ses heures de vol. L'idée est en fait de réduire le nombre d'heures pendant que les pilotes sont en garnison; c'est le concept d'heures sur demande. J'ai la capacité de maintenance d'effectuer 16 000 heures, mais je n'en vole que 10 000, à moins de participer à des opérations. Dans un tel cas, j'utilise mes heures.
Le sénateur Mitchell : Général, je suis très impressionné que vous ayez souligné l'un des avantages de la simulation, et vous avez mentionné une donnée, mais vous réduirez aussi votre bilan carbone. Les changements climatiques me préoccupent énormément, et je vous en félicite.
J'aimerais parler des F-35 ou de peu importe ce qui les remplace. Pouvez-vous nous donner une idée de la manière dont vous continuerez de faire voler les F-18 jusqu'à ce que les autres avions arrivent? Que pensez-vous du nouveau processus d'approvisionnement concernant les nouveaux avions de chasse?
Lgén Blondin : Je n'ai absolument aucun problème à continuer de piloter des F-18 jusqu'en 2025. Lorsque nous avons réalisé nos études il y a environ 10 ans sur la fin de la durée de vie prévue des F-18, nous sommes arrivés à l'an 2020. C'est la date officielle que nous utilisons depuis 10 ans. Notre conclusion se fondait sur nos prévisions concernant l'utilisation que nous en ferions dans l'avenir.
Lorsque je suis venu à Ottawa l'année dernière, j'ai demandé de réexaminer le tout. J'avais de l'expérience dans le pilotage d'avions de chasse, et je savais que nous avions changé notre manière de voler au cours des 10 dernières années. Pendant les 20 premières années de vol, nous avions l'habitude d'effectuer des vols à basse altitude. Vous vous en souvenez. Nous utilisions les F-18 à basse altitude. Grâce aux améliorations des systèmes, nous sommes maintenant une aviation qui effectue des vols à haute altitude et qui n'en effectue plus à basse altitude, mais nous utilisons des munitions à guidage de précision. Les vols à haute altitude réduisent la fatigue de l'appareil et prolongent sa durée de vie, mais nous n'en avions pas tenu compte dans nos études. Au cours des dernières années, nous avons commencé à examiner cet aspect, et je crois que c'est possible.
Le personnel s'affaire à en peaufiner les détails. Dans le cadre des travaux du secrétariat, le personnel essaye d'être fidèle à la réalité, d'établir une nouvelle date et de déterminer des manières d'effectuer des vols entre 2020 et 2030 et ce qui sera nécessaire à cet égard. Les appareils peuvent effectuer sans problème des vols jusqu'au milieu des années 2020, mais il faudra peut-être moderniser certains systèmes, si nous utilisons les appareils au-delà du milieu des années 2020.
Le sénateur Mitchell : L'automne dernier, nous avons visité Comox. Nous avons vécu une expérience formidable avec l'équipage de recherche et de sauvetage. C'était très impressionnant.
Parmi les enjeux qui ont été soulevés, il y avait la possibilité de remplacer le Buffalo. Dans un texte, une personne remarquable a dit : « Pouvez-vous seulement faire tout votre possible pour vous assurer qu'il y a une rampe à l'arrière de l'appareil qui le remplacera et ainsi nous éviter d'avoir à sauter du côté de l'avion? » S'il est à l'écoute, je l'ai fait.
Donnez-nous une idée de l'étape à laquelle ce processus d'approvisionnement est rendu? Est-il en attente? Est-il nécessaire? Que pensez-vous d'avoir une rampe à l'arrière?
Lgén Blondin : La rampe est un besoin que nous avons déterminé. Nous avons besoin d'un avion avec une rampe à l'arrière. Nous en avons discuté il y a deux ou trois ans avec Bombardier. Nous examinions si c'était nécessaire. Nous avons confirmé que ce l'était. J'ai besoin d'une rampe à l'arrière.
Le programme au sujet des avions de recherche et de sauvetage suit son cours. Cela prend plus de temps que nous l'aurions voulu. Nous sommes rendus à l'étape de la définition. Nous espérons passer à l'étape des demandes de propositions en 2014.
Nous discutons encore avec l'industrie de la façon de rédiger et d'élaborer le programme en vue de passer aux propositions.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup.
La présidente : Dans le même ordre d'idées, comment expliquez-vous le problème en ce qui a trait à la livraison lente, en retard ou retardée de bien des pièces d'équipement?
Lgén Blondin : Il y a quelques années, nous avons probablement exagéré un peu lorsque nous avons établi des besoins tellement précis, que nous avions l'impression qu'il n'y avait pas suffisamment d'entreprises qui pouvaient y répondre. Nous avons demandé à un tiers d'examiner comment nous pourrions le faire différemment. En fait, la conclusion était d'arrêter de donner tous les détails et de donner plus de latitude à l'industrie pour qu'elle trouve différentes solutions. C'est ce que nous avons fait, mais il nous a fallu du temps pour examiner les exigences relatives à la sécurité et les rédiger de manière à ce que plus d'entreprises puissent user de leur imagination et proposer des idées novatrices relativement à la manière d'effectuer les opérations de recherche et de sauvetage.
Pour ce qui est de ce nouveau programme, nous en discutons avec l'industrie, et nous essayons encore de peaufiner le tout pour laisser les entreprises se faire concurrence. Au lieu de dire que nous avons besoin d'un nombre X d'avions et que les appareils doivent faire certaines choses, nous devons dire de manière générale ce qu'il faut être capable de faire. Les entreprises nous disent combien d'avions il faut, s'il faut une ou deux flottes d'avions, si les appareils peuvent être basés sur les bases actuelles ou si les entreprises proposent d'en construire de nouvelles, et il faut déterminer combien cela coûtera, parce qu'il faut tenir compte de tout cela. Si nous ouvrons la porte à différentes solutions, ce sera évidemment plus difficile de comparer les propositions. Si une entreprise nous dit qu'il faut une flotte et nous présente ce qu'elle fera, tandis qu'une autre nous dit qu'il faut deux flottes, que les appareils seront basés différemment et qu'il faudra construire des hangars, quels sont les coûts dont nous devons tenir compte? Tenons-nous compte des coûts liés aux nouvelles installations qu'il faudra construire? Qu'en est-il des économies réalisées en ce qui a trait à la base qui ne sera plus utilisée? Il faut définir comment nous comparerons tous ces éléments. Cela rend le tout un peu plus difficile et un peu plus long.
Le sénateur Campbell : Merci, général. C'était très intéressant de vous écouter. À l'instar de bien d'autres, je dois vous dire que nous étions ravis d'apprendre le retour de l'Aviation royale canadienne en tant qu'entité. Mon père a servi à l'étranger dans le cadre de 26 missions avec le Bomber Command, et je sais que, peu importe où il se trouve — il est décédé —, il s'est réjoui de cette nouvelle. J'aimerais penser qu'il est au paradis, mais c'est un Campbell, et on ne sait jamais où on ira.
J'ai une question au sujet de la défense du Nord canadien, et j'ai l'impression que les médias abordent de temps à autre cet enjeu. On se demande si votre avion de chasse a besoin de deux moteurs ou si un seul suffit. Je suis certain qu'on voudrait toujours en avoir deux pour en avoir un en réserve, mais ce n'est pas toujours possible. Qu'en pensez- vous?
Le sénateur Lang : Je crois que vous en voulez deux.
Lgén Blondin : Certains veulent le faire et revenir au moment où nous avons choisi le F-18. Des sources prétendent que nous avons fait ce choix, parce qu'il possédait deux moteurs, ce qui n'est pas vrai. Lorsque nous avons comparé le F-16 au F-18, le facteur déterminant qui a mené au choix du F-18 était que l'appareil pouvait effectuer des missions air- sol et des missions air-air, tandis que le F-16 pouvait seulement faire des missions air-air et qu'il n'était pas encore équipé pour effectuer des missions air-sol. Le deuxième moteur était un plus.
Un avion de chasse est un compromis. Si j'avais le choix, mon avion de chasse idéal aurait quatre moteurs. Il pourrait transporter suffisamment de carburant pour aller en Europe et revenir au pays. Il serait assez petit pour éviter d'être détecté. Il pourrait transporter tout type de munitions dont j'aurais besoin pour accomplir ma mission, mais il devrait être suffisamment petit pour avoir une bonne manœuvrabilité si je suis attaqué.
Il y a divers types de besoins en ce qui concerne un avion de chasse. Ce n'est pas nécessairement un seul facteur, mais bien une combinaison de divers facteurs. Lorsqu'on compare des avions de chasse, il faut comparer chaque aspect et tenir compte des répercussions que cela aura sur ce qu'on veut faire.
Pour moi, un moteur ou deux moteurs — je suis très à l'aise à l'idée de n'avoir qu'un seul moteur. Si je peux aussi avoir un deuxième moteur, c'est bien. Cependant, si pour le faire j'ai besoin d'un appareil plus gros, il est maintenant plus facile à détecter et je pourrais essuyer des tirs plus tôt parce qu'on peut me voir plus tôt. Dans ce cas, je ne suis pas certain de vouloir un appareil plus gros parce que ma sécurité doit être prise en compte. C'est donc un compromis entre tous ces éléments.
Lorsqu'on regarde le F-18 — le Super Hornet — et le F-35, l'un a deux moteurs et l'autre, un moteur. Pour moi, ce ne serait pas un facteur dans la décision. Cela m'importerait peu. Les moteurs sont si perfectionnés par rapport à ce qu'ils étaient il y a 50 ans que je serais très à l'aise de n'avoir qu'un seul moteur. Je m'intéresse beaucoup plus au matériel dont il sera équipé et aux mesures de protection dont il dispose.
Le sénateur Campbell : Merci beaucoup.
La présidente : Nous passons maintenant au deuxième tour.
Le sénateur Dallaire : J'aimerais maintenant parler du transport stratégique, s'il vous plaît. Les C-5A américains ont finalement été un réel problème parce qu'ils ont été surutilisés et sont devenus un atout si important que tout le monde voulait en avoir, mais ne le pouvaient pas.
Les C-17 sont largement utilisés. Quelle est votre évaluation du niveau d'utilisation des C-17 comparativement à leur mi-vie prévue? Vous avez aussi vos appareils Airbus qui seront bientôt à la fin de leur cycle de vie ou quelque chose de cette nature, je suppose. Croyez-vous que cette flotte a aussi été utilisée à un point tel que vous devrez bientôt la remplacer ou que vous devrez louer des appareils?
Lgén Blondin : Les C-17 arrivent simplement au point où nous utilisons annuellement le nombre maximal d'heures que nous avions prévu. Jusqu'à l'an dernier, nous en étions encore à mettre en place un certain nombre d'équipages de façon à atteindre graduellement la capacité maximale. Nous ne sommes pas dans une situation de surutilisation, mais dans une situation où nous venons tout juste d'atteindre la capacité optimale de l'aéronef.
J'utilise encore environ 300 heures d'entraînement, mais j'aimerais passer à l'étape de la simulation et transformer ces 300 heures en heures d'utilisation réelle, mais je ne suis pas dans une situation où j'excède la capacité. Dans les Forces canadiennes, nous prenons bien soin de limiter l'utilisation.
Pour ce qui est des appareils Airbus, nous estimons que nous devrons prendre une décision autour de 2025. La question est de savoir si nous devrons investir pour les moderniser et allonger leur cycle de vie, comme nous le faisons pour beaucoup de flottes, ou si nous devrons passer à autre chose. Cela est lié au chasseur que nous aurons, au ravitaillement air-air, et c'est à ce niveau que nous devrons nous adapter ou essayer de savoir quelle est la meilleure voie à suivre.
Les appareils Airbus pourront encore être utilisés pendant 10 ou 12 ans et ce sont des appareils fiables. Le commandement des opérations interarmées utilise notre contingent annuel d'heures de vol, et cela fonctionne bien. Les gens d'Ottawa utilisent le contingent annuel d'heures de vol qui est attribué pour les deux flottes et s'ils ont besoin de plus d'heures, ils ont habituellement recours au transport aérien commercial.
Le sénateur Dallaire : Pour ce qui est de la qualité de vie — et vous en avez parlé dans votre exposé — et de l'ampleur de l'attrition des effectifs des équipages de bord et du personnel technique, il y a eu des moments où cela a atteint un niveau critique, où les gens quittaient les forces parce qu'ils n'avaient tout simplement plus de vie, et cetera. Je ne sais pas combien de pilotes de F-18 j'ai vus piloter des Challengers, et je ne vois là rien de satisfaisant. Or, la seule réponse qu'on me donne est celle de la « qualité de vie ».
Où en êtes-vous pour ce qui est du maintien et de la rétention des équipages de bord et du personnel technique, qui sont certainement recherchés?
Lgén Blondin : Comparativement aux années antérieures au cours desquelles nous avions un problème, il n'y a actuellement aucun problème à cet égard. Lorsqu'on fournit aux pilotes et aux techniciens l'occasion de participer à des opérations et qu'on leur donne du nouveau matériel, ils adorent cela. Ils veulent rester. Ils ont participé à toutes sortes d'opérations, ils voient que les besoins existent toujours et ils restent.
De mon côté, le taux d'attrition est probablement inférieur au taux moyen d'attrition des Forces canadiennes, ce qui est bon pour moi parce que ma production n'a pas encore atteint le niveau auquel j'aimerais qu'elle soit. En fait, au cours des trois dernières années, nous comptons sur des gens qui ont quitté les Forces canadiennes pour travailler chez Air Canada et d'autres sociétés, et qui reviennent. Près de 7 ou 8 p. 100 du recrutement actuel, ce sont des pilotes qui reviennent en disant qu'ailleurs, l'herbe n'est pas aussi verte qu'elle le paraît.
Le sénateur Lang : Pourriez-vous nous mettre à jour sur le processus d'acquisition des hélicoptères en soi, en ce qui a trait aux hélicoptères de General Dynamics? Où en sommes-nous? Est-ce une situation où il faut s'assurer que ces appareils font ce qu'ils sont censés faire? Si on en arrive à cette étape, sommes-nous tenus d'en faire l'acquisition?
Lgén Blondin : Je crois que vous parlez du programme américain d'hélicoptères, le Cyclone. Manifestement, je ne peux faire beaucoup de commentaires au sujet du contrat et des pourparlers. Cela relève de TPSGC; je n'y participe pas. Avec le SMA(Mat), TPSGC évalue ce qu'offre l'entreprise. Je ne participe pas à la discussion.
Ce que j'ai vu, c'est un hélicoptère qui a un bon rendement sur le plan du vol. Il y a deux volets : l'hélicoptère lui- même et les systèmes d'appoint qui permettent de faire le travail, les logiciels et les ordinateurs qui servent aux missions de guerre anti-sous-marine, et cetera.
Je ne sais pas où ils en sont. Je sais qu'ils travaillent à la concrétisation du projet avec General Dynamics, mais je ne sais pas exactement où ils en sont. Je sais seulement qu'il y a un retard et que cela n'a pas encore abouti.
Le sénateur Lang : J'aimerais parler d'un autre domaine : les activités de recherche et de sauvetage. Vous pourriez nous parler des aspects fondamentaux des activités de recherche et de sauvetage et de la façon dont nous les mettons en œuvre. Je sais que dans d'autres pays, dans certains cas, les activités de recherche et de sauvetage ont été privatisées, du moins en partie. Au Canada, a-t-on sérieusement envisagé d'emprunter cette avenue pour vous permettre de vous acquitter de vos responsabilités à cet égard?
Lgén Blondin : C'est une excellente question; nous avons souvent des discussions à ce sujet. J'ai discuté des activités de recherche et de sauvetage avec certains de mes collègues de l'OTAN. Certains d'entre eux ont recours à des ressources civiles. C'est un peu différent de l'approche canadienne. À titre d'exemple, prenez un pays européen, où l'on adopte en quelque sorte un modèle hybride par rapport aux activités de recherche et de sauvetage conventionnelles, contrairement à ce que fait l'Aviation royale canadienne, qui s'occupe d'activités de recherche et de sauvetage aériennes. Nous tentons de retrouver des avions qui se sont écrasés ou des navires en détresse, tandis que les opérations terrestres de recherche et de sauvetage pour une personne qui s'est perdue ou qui est prise dans une tempête de neige ne relèvent pas de l'Aviation royale canadienne. Cela relève des provinces.
Dans les pays européens, les activités de recherche et de sauvetage sont le plus souvent des activités de recherche et sauvetage au sol, où l'on s'occupe de la population d'un pays dont la superficie et le littoral sont beaucoup plus petits, où l'on n'a pas nécessairement de grands espaces vides à couvrir comme nous devons le faire au Canada. En fait, l'exigence qui incombe au Canada est de survoler le deuxième plus grand pays au monde, un pays qui est plus grand que l'ensemble du continent européen. Lorsqu'on regarde le territoire que nous devons patrouiller, les exigences sont différentes : il faut utiliser l'avion, avoir les ressources nécessaires pour mener les recherches et ensuite secourir des gens dans un milieu très hostile.
Nous avons toujours réussi à le faire grâce à notre personnel militaire. Si nous voulions faire appel à des entreprises privées, ce serait beaucoup plus coûteux, parce que les exigences sont très différentes de celles d'autres pays. Je ne paie pas d'heures supplémentaires. J'envoie mes troupes là où il le faut.
Faire appel aux militaires entraîne des économies. Je ne paie pas de prime de risque. J'évalue le risque et dans la mesure où cela ne met pas en danger la vie du personnel, nous essaierons de secourir les gens. Si vous faites appel à une société privée, il faut évaluer le risque et le montant qu'on est prêt à payer.
Il y a déjà eu des discussions à ce sujet, et il y en a encore. Je dirais que la privatisation serait beaucoup plus utile dans le cas de la recherche et sauvetage au sol et de ce que font les provinces plutôt que dans celui des activités de recherche et de sauvetage aériennes et maritimes de l'Aviation royale du Canada.
Le sénateur Mitchell : Général, pouvez-vous nous donner une idée de la proportion de femmes chez les pilotes et au sein de vos effectifs? Pouvez-vous nous dire si vous avez mis en place des mesures spéciales quelconques pour essayer d'augmenter ces pourcentages et pour favoriser l'accès des femmes à des postes supérieurs?
Lgén Blondin : Je n'ai pas apporté les chiffres; je pourrai vous les fournir. Je dirais que l'aviation a probablement le plus haut pourcentage de femmes de l'ensemble des Forces armées canadiennes, c'est-à-dire près de 25 p. 100.
Quant aux équipages de bord, on parle probablement de près de 10 p. 100 de femmes, et elles font un travail formidable.
Le sénateur Mitchell : Pour revenir à la question du Cyclone, nous sommes allés à Shearwater, en septembre. Encore une fois, on nous a dit qu'il y avait sur place deux appareils Cyclone, peut-être quatre. Nous avons pu les toucher, les regarder et nous sommes peut-être montés à bord, mais on ne peut les faire voler.
On nous a indiqué que cela allait se faire incessamment — nous pourrions en prendre possession à tout moment —, mais nous voici, sept ou huit mois plus tard, et tout est au point mort. À quel moment commencerez-vous à être préoccupé par le SMA(Mat)? Quand ce dossier sera-t-il réglé?
Lgén Blondin : Nous avons quatre hélicoptères à Shearwater. On m'informe que ce n'est qu'une question de jours ou de semaines avant qu'on puisse les utiliser pour l'entraînement. J'ai confiance que cela se fera bientôt.
Cela ne me préoccupe pas nécessairement. Selon mon expérience, il y a toujours des retards, et ce, pour tous les programmes ou pour toutes les flottes. Peu importe la flotte dont on parle, s'il n'y a pas de retard, c'est une exception. J'espère que ce sera le cas du Chinook, attendu cet été, mais on ne sait jamais.
Pour moi, ce que cela signifie, c'est que je dois toujours être préparé parce qu'il y aura toujours des retards. Ce n'est pas comme si j'avais prévu de retirer le Sea King du service en juillet et que je me retrouverais dans une situation problématique. Utiliser le Sea King pour les cinq prochaines années ne me pose pas problème. J'étudie la question régulièrement, mais actuellement, je peux l'utiliser pendant cinq ans et cela me donne une marge de manœuvre. Cela procure au SMA(Mat), à TPSGC ou au gouvernement une certaine latitude qui permet de voir comment nous gérons la question du PHM et de déterminer si cela convient ou non.
De mon côté, je ne participe pas aux négociations, mais je dois veiller à notre état de préparation et notre capacité. Puisque ce sera retardé, je présume que j'ai ce qu'il faut pour faire le travail et je m'en assure. Je suis sûr d'être en mesure de faire le travail au cours des cinq prochaines années.
Le sénateur Mitchell : Sera-t-il livré avec des simulateurs, pour l'entraînement?
Lgén Blondin : Le PHM?
Le sénateur Mitchell : Le Cyclone.
Lgén Blondin : Le Cyclone? Oui. Il y aura un excellent simulateur. Selon mon évaluation de la simulation pour cette flotte — si je peux arriver à utiliser cette flotte —, je pourrai faire 50 p. 100 de la formation en simulation. Les qualifications et la formation requises pour poser l'appareil sur le pont d'un navire se feront principalement en contexte de simulation.
La présidente : Lorsque vous dites que vous ne voyez aucun problème pour les cinq prochaines années, cela signifie- t-il que vous pourrez seulement en utiliser un nombre réduit?
Lgén Blondin : Cela signifie que je peux maintenir la capacité actuelle et le nombre d'hélicoptères déployés sur ces navires. Actuellement, je peux le maintenir, mais cela entraînera une augmentation des coûts et de l'entretien. C'est de plus en plus difficile, mais je crois toujours être en mesure de maintenir l'état de préparation et la capacité à leurs niveaux actuels.
La présidente : Cela fait partie des problèmes dont il est sans cesse question : les pièces ne sont pas disponibles. En quelque sorte, on les fabrique au sous-sol, pour ainsi dire.
Lgén Blondin : De mon côté, j'estime que je peux l'utiliser.
La présidente : Très bien. Y a-t-il d'autres questions à ce sujet?
Le sénateur Lang : Je veux revenir au Sea King. Vous pourriez apporter une précision. Si l'acquisition des appareils Cyclone se concrétise, je crois savoir que les appareils Sea King seront réellement recherchés. Il semble qu'il existe des entreprises prêtes à les acheter et à continuer de les utiliser. Est-ce exact?
Lgén Blondin : Je ne saurais répondre à la question; je n'en ai aucune idée. Personne ne me demande de vendre les hélicoptères Sea King. Cela relèverait de TPSGC.
La présidente : Je pense qu'une distinction que nous faisons constamment lors de ces discussions, c'est que vous présentez vos exigences et votre liste de souhaits, mais que vous ne participez pas aux négociations relatives à l'acquisition.
Lgén Blondin : Exactement.
Le sénateur Day : J'aimerais que vous formuliez des hypothèses au sujet de votre commentaire sur l'amélioration du cheminement de carrière du personnel des Forces armées canadiennes dans l'optique de l'annonce qui a été faite après le retour au pays des soldats qui sont allés en Afghanistan. Il y a un changement de politique en ce qui a trait aux réservistes à temps plein. Nous comprenons que dans l'infanterie, avoir des réservistes à temps plein n'est peut-être pas nécessaire. Cependant, du côté des techniciens de la Force aérienne, leur présence est absolument nécessaire. Lorsque nous avons visité diverses bases, dont Comox et Greenwood, récemment, nous avons vu plusieurs réservistes à temps plein travailler dans des secteurs importants de l'entretien des aéronefs.
Envisagez-vous d'offrir une sorte de nouveau cheminement de carrière amélioré qui permettra peut-être à certains de ces réservistes à temps plein d'intégrer de nouveau la force régulière sans être obligés de déménager, comme c'était normalement le cas dans le passé?
Lgén Blondin : Au cours de mon service dans les Forces armées canadiennes et des 30 années pendant lesquelles je suis passé successivement de l'escadron au bureau, je n'ai jamais eu suffisamment d'employés ou d'argent pour accomplir le travail exigé. Cela a toujours représenté un défi, et c'est toujours le cas. Nous demandons beaucoup à nos employés et, quel que soit l'effectif, il est toujours insuffisant.
Lorsque nos commandants ont accès à des réservistes à temps plein, il leur importe peu qu'ils soient réservistes ou qu'ils le soient à temps plein. Ce sont simplement d'autres travailleurs qu'ils peuvent employer. Si nous sommes déployés en Afghanistan et que le rythme de nos opérations augmente, il est normal que nous ayons recours à un plus grand nombre de réservistes. Il a fallu que je déploie des soldats et que j'emploie des réservistes pour assurer mes arrières. Les commandants et les gens que vous avez visités ont certainement apprécié le fait d'avoir accès à ces travailleurs, parce qu'ils ont commencé à compter sur leur participation, qu'ils soient réservistes ou non.
Nous augmentons nos effectifs parce que le rythme de nos opérations s'est accru. Voilà ce à quoi une réserve est censée servir; si j'ai besoin de réservistes, je fais appel à eux. Lorsque je n'ai plus besoin d'eux, je dois pouvoir les renvoyer pour revenir à la normale et recommencer à fonctionner avec les ressources dont je suis censé disposer.
Voilà où nous en sommes. Le rythme de nos opérations a diminué. Tous les commandants qui emploient des réservistes à temps plein ne veulent pas se débarrasser d'eux, parce qu'ils pourraient leur être utiles. Toutefois, je dois pouvoir ramener l'effectif à niveau qui, selon moi, est sensé. Si je ne peux pas renvoyer les réservistes lorsque je n'ai plus besoin de leurs services, je ne pourrai pas demander l'autorisation d'engager des ressources supplémentaires la prochaine fois que le rythme de mes opérations augmentera.
Le sénateur Day : Par conséquent, vous n'envisagez pas d'apporter des changements au cheminement de carrière de base. C'est ce que vous aviez dit, et je vous donnais l'occasion de parler de quelques-unes des mesures que vous pourriez prendre en ce sens dans les mois ou les années à venir.
Lgén Blondin : Pas en ce qui concerne les réservistes. Lorsque je parle d'offrir différents cheminements de carrière et d'être en mesure d'utiliser les gens plus intelligemment, je fais surtout allusion à mes employés à temps plein.
La force aérienne a une façon très particulière d'exercer ses activités. J'emploie des pilotes, des ingénieurs et des logisticiens. Ce ne sont pas les logisticiens qui commandent la force aérienne mais plutôt les pilotes. Plus tard dans leur carrière, les ingénieurs n'ont pas l'habitude d'avoir accès aux mêmes postes que les pilotes parce que, encore une fois, les officiers du G AÉRO, autrement dit les ingénieurs, ne commandent pas la force aérienne.
Même si l'expérience opérationnelle est indispensable au commandement, j'aimerais être en mesure de percer les cloisons que nous avons érigées. J'emploie des gens exceptionnels que l'on qualifierait d'ingénieurs ou de comptables. Aussitôt que l'on affecte des gens aux opérations et qu'on leur donne l'occasion d'acquérir de l'expérience dans ce domaine, on finit par obtenir des chefs formidables.
J'aimerais que les cheminements de carrière ne soient pas nécessairement définis en fonction des professions choisies, mais plutôt en fonction des exigences des postes occupés et de l'expérience qu'on peut acquérir tout au long de sa carrière. Si un ingénieur très intelligent commence à s'occuper des opérations et acquiert un peu d'expérience dans ce domaine, pourquoi ne pas faire appel à lui? Pourquoi ne pourrait-il pas devenir le commandant de la force aérienne, tout comme les pilotes?
Le sénateur Day : Le chef de la force aérienne?
La présidente : Lieutenant-général Blondin, le temps qui nous était imparti est écoulé, mais je vais vous demander de formuler de brèves observations concernant la défense intelligente, étant donné que c'est un sujet qui a été abordé ici. Comme le général Lawson le disait la semaine dernière, la situation du Canada est difficile, parce qu'à cet égard, les États-Unis sont le seul pays auquel nous sommes géographiquement liés.
Les opérations de la force aérienne se prêtent-elles à la défense intelligente?
Lgén Blondin : Comment définissez-vous la « défense intelligente »?
La présidente : Je suppose que nous dirions que cela consiste à se partager les tâches et à répartir les responsabilités. C'est ce que nous faisons dans le cadre de NORAD et dans d'autres cas. Toutefois, voyez-vous de nouvelles possibilités d'y avoir recours en ce moment?
Lgén Blondin : Encore une fois, c'est une question qui fait l'objet de discussions. Les Européens cherchent vraiment à éviter d'avoir une seule capacité. Par conséquent, chaque pays pourrait se concentrer sur un domaine dans lequel il deviendrait expert, et nous pourrions combiner ces capacités. Toutefois, l'Afghanistan est un bon exemple de ce qui se produit lorsqu'il est temps de passer à l'action. Même si nous appelons l'organisation l'OTAN, seulement quelques pays se sont rendus là-bas pour participer aux opérations. Soit vous avez tout le matériel dont vous avez besoin pour mener les opérations, soit vous ne l'avez pas. Si des hélicoptères Chinook n'ont pas été prévus pour la mission parce que, lorsque nous partons en guerre, quelqu'un d'autre nous fournit ce service de transport, nous serons dans le pétrin si ce service n'est pas disponible à notre arrivée en Afghanistan.
Lorsqu'on travaille avec des alliés, il faut toujours trouver un moyen d'équilibrer les besoins. Le Canada se débrouille bien à cet égard, parce que nous avons passé les 50 dernières années à collaborer avec des alliés. Nous avons fait quelques essais, comme celui de se débarrasser des hélicoptères Chinook, et maintenant nous avons atteint le stade où nous savons ce dont le Canada a besoin. Il ne nous reste plus qu'à déterminer si ce matériel sera suffisamment performant pour nous permettre de mener des opérations dans les années à venir.
La présidente : Je vous remercie infiniment de vos observations. Vous avez été très franc et direct avec nous, et nous vous en sommes reconnaissants.
Lieutenant-général Yvan Blondin, vous êtes non seulement commandant de l'Aviation royale canadienne — une nomination qui n'est plus tellement nouvelle, puisque vous occupez ce poste depuis l'automne —, mais aussi colonel honoraire de la force aérienne, et je tiens à vous remercier également à ce titre. Nous sommes très fiers d'observer le niveau et la qualité de la direction qui émane depuis peu des Forces armées canadiennes. Merci beaucoup d'être venu.
Honorables sénateurs, nous avons invité notre prochain témoin à nous décrire un peu l'exercice mené tous les ans dans l'Arctique, qui est connu sous le nom d'opération Nanook. On voit cet exercice mentionné sur nos écrans de télévision pendant l'été, et il suscite toujours une certaine fascination. En tant que commandant adjoint (continental) du Commandement des opérations interarmées du Canada, le major-général Richard Foster assume une plus grande responsabilité.
Pour ceux qui s'interrogent, je préciserais que deux systèmes existaient auparavant : un qui s'occupait des événements intérieurs, et un autre qui gérait les événements extérieurs. Ils ont maintenant été combinés, et le général Foster est passé du Commandement Canada à ce nouveau rôle.
Après avoir reçu une formation d'ingénieur mécanique, le général Foster est devenu pilote, puis instructeur de pilotes, avant de faire partie, pendant 17 ans, de trois escadrons de CF-18 à Cold Lake, à Bagotville ainsi qu'au Kosovo dans le cadre de l'opération Force alliée de l'OTAN. Le général Foster a été commandant de la 15e escadre de Moose Jaw, en Saskatchewan, qui est aussi le port d'attache de l'école de formation des pilotes des Forces canadiennes et des Snowbirds, bien entendu. Les postes d'état-major qu'il a occupés comprennent celui d'adjoint spécial au vice- chef d'état-major de la Défense responsable de la Direction — Besoins en ressources aériennes, à Ottawa, ainsi que celui de commandant adjoint — mise sur pied de la force de la 1re Division aérienne du Canada.
Le général Foster a été nommé au poste de chef d'état-major — Commandement Canada en 2011, puis à celui de commandant adjoint du Commandement des opérations interarmées du Canada lorsque, comme je l'ai indiqué, il a été mis sur pied en 2012. Depuis, il a été promu commandant (continental).
Soyez le bienvenu. Je vous remercie d'être venu. Je crois comprendre que vous avez préparé une déclaration préliminaire?
[Français]
Major-général Richard D. Foster, commandant adjoint, (Continental), Commandement des opérations interarmées du Canada, Défense nationale : Madame la présidente, les Forces armées canadiennes sont prêtes à accomplir dans le Nord ce qu'elles font dans le reste du Canada, c'est-à-dire intervenir — en jouant un rôle d'appui — dans un large éventail de situations, qu'il s'agisse de catastrophes naturelles ou d'activités illicites.
Nous devons être en mesure de réagir rapidement et efficacement lorsque nous faisons appel à notre aide, car dans les cas où nos partenaires n'ont pas les capacités requises, les capacités particulières des Forces armées canadiennes peuvent faire toute la différence.
[Traduction]
Les défis dans le Nord sont complexes et, pour s'y attaquer, les Forces armées canadiennes travaillent efficacement et de façon intégrée dans le cadre d'un processus pangouvernemental qui, je tiens à le souligner, n'est pas dirigé par celles-ci.
Dans le Nord, tout comme ailleurs dans le pays, notre rôle consiste à appuyer nos partenaires de l'ensemble du gouvernement et à les aider, au besoin, à éliminer les menaces et les dangers, en respectant les piliers que sont la sécurité et la protection.
[Français]
Bien entendu, la collaboration entre les différents intervenants, que ce soit entre les ministères fédéraux et territoriaux ou des collectivités du Nord, doit s'exercer et être mise à l'épreuve périodiquement afin d'en assurer l'efficacité dans le but de servir convenablement les habitants du Nord, tout en protégeant et en promouvant la souveraineté du Canada.
C'est la raison pour laquelle les Forces armées canadiennes mènent chaque année une série d'exercices dans le Nord, dont l'opération Nanook est la pièce maîtresse.
[Traduction]
Depuis 2007, l'opération Nanook a lieu chaque été. Chaque année, afin d'appuyer La Stratégie pour le Nord du gouvernement, les Forces années canadiennes profitent de l'opération Nanook pour assurer une présence visible dans l'Arctique et montrer que le Canada est capable d'intervenir en cas d'urgence dans la région. C'est une excellente façon d'accroître les capacités de commandement et de contrôle des Forces armées canadiennes dans le Nord, de renforcer la coordination interministérielle et intergouvernementale avec nos nombreux partenaires gouvernementaux de la région qu'il s'agisse de la Garde côtière, d'Environnement Canada, de Sécurité publique Canada ou de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que d'améliorer l'interopérabilité avec nos alliés et partenaires internationaux dans l'Arctique, notamment les États-Unis et le Danemark, et d'accroître notre compréhension mutuelle.
Plus de 1 200 militaires ont participé à l'opération Nanook de 2012 en août dernier. Les trois éléments des Forces armées canadiennes — soit l'armée, la marine et la Force aérienne — ainsi que les Rangers canadiens y étaient représentés, et il s'agissait de la plus importante participation du personnel des Forces armées canadiennes depuis les débuts de l'opération.
L'année dernière, l'opération a eu lieu à deux endroits distincts : dans l'ouest de l'Arctique, soit à Inuvik et à Tsiigehtchic, dans les Territoires du Nord-Ouest; et dans l'est de l'Arctique, soit dans le détroit d'Hudson, dans la baie d'Hudson et sur son littoral, y compris à Churchill, au Manitoba.
Tout au long de l'opération Nanook, nous avons entretenu la coopération avec les gouvernements locaux et la société civile. Et ce faisant, nous avons consolidé nos relations avec les collectivités du Nord et favorisé la sensibilisation à la culture chez nos marins, nos soldats et nos aviateurs.
Les Forces armées canadiennes préparent actuellement l'opération Nanook de 2013. Une fois de plus, l'exercice permettra aux Forces armées canadiennes de mettre en pratique leur capacité de collaborer avec leurs partenaires de l'ensemble du gouvernement à une opération de secours aux sinistrés et à de vastes patrouilles d'affirmation de la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Nous sommes en train de mettre au point les scénarios finals de l'opération Nanook, et une chose est certaine : nous allons continuer d'accorder une place importante à la participation pangouvernementale, continuer d'inviter les autres ministères à exercer une influence réelle sur la planification des scénarios dans le but de renforcer notre capacité collective à résoudre les problèmes dans le Nord de manière synchronisée et continuer de nous inspirer des résidants du Nord, car leurs connaissances et leur expertise uniques nous sont essentielles.
[Français]
Madame la présidente, depuis des décennies, les Forces armées canadiennes ont acquis des connaissances, développé des capacités et établi des partenariats dans le Nord.
Elles sont donc particulièrement bien placées pour appuyer les priorités du gouvernement dans le Nord et contribuer efficacement à la sécurité de l'Arctique canadien.
Le succès obtenu par les Forces armées canadiennes lors d'opérations interarmées à grande échelle menées dans le Nord, telles que l'opération Nanook 2012, témoigne de la qualité de leur entraînement, de leur professionnalisme, et de leur capacité d'exécuter leur travail dans les régions les plus reculées de notre pays et du monde.
Je serai heureux de répondre maintenant à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup. Nous allons commencer à vous poser des questions et à entrer, je l'espère, un peu plus dans les détails des opérations que vous planifiez pour l'été prochain.
Le sénateur Dallaire : Général, j'examine les capacités qui existent dans le Nord, et je les compare à celles qui sont transférées là-bas pendant certaines périodes pour participer aux exercices et qui sont renvoyées dans le Sud, après avoir acquis de l'expérience. Je me demande si le ministère de la Défense nationale a rédigé un document dans lequel il analyse les avantages et les inconvénients de maintenir des capacités plus importantes dans le Nord, comme il l'a fait dans le livre blanc de 1987, livre dans lequel il indiquait qu'il planifiait d'établir une base à Arctic Bay, qui disposerait en permanence de combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes. Vous disposez de terrains d'aviation avancés pour les F-18, et cetera.
Avez-vous un document de ce genre qui traite des avantages et des inconvénients de maintenir là-bas un certain niveau de capacités, en plus de ce qui est prévu en ce moment par le Commandement du Nord, et qui les compare à ceux de déménager des forces du sud au nord pour les former?
Mgén Foster : Je vous remercie de votre question. Elle pique mon intérêt. Nous voulons être en mesure de fonctionner efficacement dans le Nord et de projeter des opérations avec efficacité en 24 heures.
Comme vous le savez pertinemment, nous exerçons nos activités dans le Nord depuis de nombreuses années, et nous avons déjà établi là-bas de nombreuses infrastructures, que ce soit pour collaborer avec NORAD à nos emplacements d'opérations avancés ou simplement pour appuyer nos communautés de Rangers qui sont disséminées dans le Grand Nord en entier. Nous cherchons en ce moment le meilleur moyen de continuer d'exercer nos activités dans le Nord de manière à tirer parti de nos capacités existantes, et de garantir que nous faisons exactement ce que vous suggérez, c'est- à-dire maximiser notre capacité de déployer rapidement nos forces là-bas, tout en minimisant les coûts qu'entraînent les opérations et les exercices.
Par exemple, nous nous sommes employés à découvrir des réserves de carburants là-bas, de sorte que, si nous envoyons nos avions dans la région, nos forces puissent y avoir accès. Un autre scénario consisterait à entreposer à l'avance du matériel là-bas, afin que nous puissions en prendre possession assez rapidement s'il nous fallait remédier à une catastrophe majeure dans le Nord. Voilà deux exemples de la façon dont nous nous efforçons de tirer parti de la capacité logistique dont nous disposons dans le Nord.
Le sénateur Dallaire : Général, étant donné que cette question revêt une grande importance dans la Stratégie de défense « Le Canada d'abord », pourriez-vous remettre au comité un document non classifié — nous ne sommes pas autorisés à examiner des documents classifiés, et je ne comprends pas comment nous pourrons exercer une surveillance de cette façon — dans lequel on estime les capacités qui seront requises dans le Nord pour satisfaire aux besoins et l'on examine les avantages et les désavantages de déménager des ressources du sud au nord, si un tel document existe?
Mgén Foster : C'est avec plaisir que nous vous fournirons les documents dont nous disposons.
Le sénateur Dallaire : Permettez-moi de vous exposer le scénario d'Attawapiskat, c'est-à-dire celui d'une région, d'un petit village ou d'un groupe de gens isolés qui traverse des périodes difficiles et qui a besoin d'une capacité d'urgence. Étant donné que les infrastructures là-bas sont en très mauvais état, en particulier dans les collectivités autochtones, quelqu'un a lancé l'idée d'établir des équipes composées d'Autochtones et de gens du sud, qui feraient peut-être partie des Rangers et des forces, et d'intégrer ces équipes dans un corps du génie du Nord canadien à caractère plus permanent, comme celui que les Américains ont établi. Ce corps travaillerait constamment dans le Nord et se consacrerait à des tâches liées à l'Arctique. Il entretiendrait et moderniserait régulièrement les infrastructures et se tiendrait prêt en cas de crises dans le Nord. Des solutions ont-elles été envisagées pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population du Nord en matière d'infrastructure, et nous sommes-nous demandé si nous pourrions être plus sensibles à leurs besoins et, ce faisant, acquérir plus d'expérience à cet égard?
Mgén Foster : En ce qui concerne nos opérations dans le Nord, nous sommes chargés d'aider les autres ministères à assurer la sécurité des Canadiens qui vivent là-bas. Comme je l'ai mentionné auparavant, étant donné que d'un point de vue logistique, nous sommes mieux placés pour le faire en ce moment que les autres ministères, nous analysons notre capacité de fonctionner efficacement et rapidement là-bas, en déterminant les endroits où nous devrions entreposer à l'avance du matériel logistique afin d'être en mesure d'atteindre promptement des collectivités comme Attawapiskat.
Nous ne nous sommes pas attardés à analyser les besoins de chaque collectivité, et je ne crois pas que cette responsabilité incombe nécessairement aux Forces canadiennes. En collaboration avec d'autres ministères, nous examinons la façon dont nous pouvons faire équipe et tirer parti des capacités des uns et des autres. Les installations construites à Resolute Bay pour le Programme du plateau continental polaire en sont un excellent exemple. Nous avons établi un partenariat avec RNCan afin d'être en mesure de les utiliser pour mettre sur pied le Centre de formation de l'Arctique. Si d'autres ministères responsables des collectivités du Nord s'adressent à nous, il se peut que, plus tard, nous soyons en mesure de leur venir en aide, tout en développant les infrastructures requises pour répondre à nos besoins.
Le sénateur Lang : Dans vos remarques liminaires, vous avez fait allusion à l'opération Nanook. Je crois que la présidente en a fait autant. J'aimerais connaître votre programme pour l'année qui vient. Y avez-vous mis la dernière main? Dans l'affirmative, que prévoit-on pour l'été?
Mgén. Foster : En fait, l'opération Nanook 13 se révèle être pour nous un événement stimulant. Je pense que c'est la première fois que nous rallions entièrement les administrations municipales et le gouvernement territorial du Yukon à notre cause. Lorsque j'ai parlé au leader du Yukon et au maire de Whitehorse, ils étaient très enthousiastes à l'idée que nous nous rendions là-haut pour les aider à trouver la meilleure façon d'évacuer leur ville en cas d'incendie de forêt. Cela vous montre comment nous fonctionnons avec les autres ministères et les provinces pour déterminer ce qui les préoccupe sur le plan de la sûreté et de la sécurité.
Nous avons pensé à l'origine qu'au Yukon, le programme serait fondé sur un scénario en cas de tremblement de terre, car il y a une ligne de faille qui traverse Dawson. Ils nous ont dit « Non, ce qui nous préoccupe vraiment, c'est la forêt qui entoure Whitehorse et un incident semblable qui est survenu dans la région du Grand lac des Esclaves, où nous pensons qu'il nous serait impossible d'évacuer la population à temps ». Nous avons expressément organisé cette opération Nanook à cette fin. La GRC et la collectivité en seront responsables. Nous déploierons rapidement une équipe pour sécuriser le périmètre et aider la collectivité à évacuer la ville rapidement en cas d'incendie de forêt.
Ils veulent aussi examiner les protocoles qui ont été signés avec l'Alaska pour voir s'ils peuvent tirer des leçons de la coopération entre une province et un État à proximité. Nous envisagerions aussi de travailler avec nos alliés américains, peut-être la force opérationnelle interarmées Alaska, pour déterminer au moyen d'un exercice de simulation comment nous pourrions collaborer dans ce type de scénario.
L'autre aspect de l'opération Nanook 13 est que nous envisageons d'effectuer des patrouilles pour affirmer notre souveraineté dans l'Arctique à la Baie Resolute, encore une fois de concert avec Environnement Canada, et que nous utiliserions un scénario d'application de la loi dans lequel nous offririons une aide en cas de braconnage. Nous formerions une patrouille d'officiers délégués comme agents de la paix pour seconder la GRC à cet égard.
Il s'agit de deux scénarios stimulants qui montrent notre interopérabilité avec d'autres ministères et notre capacité de les appuyer.
Le sénateur Lang : C'est une très bonne nouvelle pour le Yukon, en particulier pour la ville de Whitehorse, car la menace d'un incendie de forêt incontrôlable y est très réelle. L'emplacement de la ville et la direction du vent peuvent avoir des effets dévastateurs sur la collectivité et les collectivités environnantes, en fait. Nous nous réjouissons à la perspective de participer à cette initiative à l'été.
Passons à un autre sujet. Pourriez-vous nous donner une mise à jour concernant les engagements importants qui ont été pris à l'égard des installations et des immobilisations dans le Nord? Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est du Centre d'entraînement des Forces canadiennes dans l'Arctique? En outre, comment les choses avancent-elles dans la région de Nanisivik et ailleurs, et que se passe-t-il avec le réseau d'alerte avancé?
Mgén. Foster : Je ne suis pas responsable de tous ces projets, mais je peux vous donner des précisions concernant le Centre d'entraînement dans l'Arctique. Comme je l'ai dit, c'est un grand partenariat entre nous et RNCan, dans le cadre de son Étude du plateau continental polaire. D'ici à cet été, nous aurons une installation pouvant accueillir 140 personnes. La force aérienne, l'armée de terre et la marine enverront du personnel là-bas pour les entraîner à survivre et à savoir se comporter dans le Nord.
Ce projet se concrétisera cet été et il sera géré par l'armée. Bien entendu, la Force opérationnelle interarmées pour le Nord, qui collabore avec le Commandement des opérations interarmées, offrira un soutien pour veiller à ce que notre façon de travailler avec les provinces soit appropriée.
Nanisivik est en cours. J'ai hâte que le projet se concrétise, car nos navires qui se trouvent dans le Nord ont besoin d'avoir accès à un port de chargement, ou à du carburant, car c'est loin. Pour ce qui est de l'échéancier précis, la MRC serait mieux placée pour vous répondre.
Le sénateur Day : Je pense que je comprends certains des points que les questions du sénateur Lang ont soulevés. Par le passé, il y a eu des activités en dehors de l'opération Nanook. C'est une grande opération, mais bien d'autres activités se déroulent au cours de l'année. Vous dites que cela se poursuit, je crois. Il y a, entre autres, l'activité de survie en hiver que la force aérienne avait coutume de mener dans le Nord. Est-ce que ce type d'activité se poursuit en dehors de cette grande opération dont nous avons parlé?
Mgén. Foster : Merci d'avoir posé la question. Premièrement, l'opération Nanook est seulement l'une des activités que nous menons dans le Nord. En février, j'ai eu l'occasion d'aller à Moosonee dans le Nord de l'Ontario. La Force opérationnelle interarmées du Centre a déployé environ 1 200 soldats là-bas, et ils ont fait une simulation de catastrophe aérienne. La relation qu'ils ont tissée avec la collectivité et les leçons qu'ils ont tirées de leur expérience avec les Rangers ont été exceptionnelles.
Environ une semaine plus tard, j'ai eu l'occasion d'aller à Schefferville, au Québec. Les ingénieurs ont construit une piste sur le lac. C'était extraordinaire de les voir construire une grande patinoire au milieu d'un lac et d'ensuite y voir atterrir un C-130. Ils avaient entre 54 et 57 pouces.
Parallèlement, le général Richard Giguère s'est permis d'inviter tous les Rangers du nord du Québec à se réunir en même temps à Schefferville pendant cet exercice et de parler de leurs expériences. C'est incroyable ce que ces personnes ont à nous apprendre concernant leur capacité d'offrir des services aux forces lorsqu'elles opèrent dans le Nord et leurs techniques de survie.
Je me suis toujours inquiété du fait que pendant leurs séjours dans le Nord, nos forces ne pouvaient ne pas être bien nourries. Ensuite, j'ai rencontré le sergent des Rangers qui leur cuisinait du caribou et leur servait beaucoup d'omble chevalier et d'autres poissons, et j'ai arrêté de me désoler pour eux.
Pour répondre à votre question, il y a deux autres exercices importants qui sont menés tous les ans dans le Nord, les opérations Nunakput et Nunalivut. L'opération Nunakput est un exercice de défense de la souveraineté qui est mené dans l'Extrême Arctique, normalement en avril. Elle se fera cette année à la Baie Resolute. L'an dernier, elle a été menée dans les hauts fonds du nord-est de l'archipel arctique. L'opération Nunalivut est un exercice de défense de la souveraineté qui se déroule le long du delta du Mackenzie.
Il y a pas mal d'activité dans le Nord. En plus d'examiner notre façon de mener les opérations dans cette région et le meilleur endroit où placer nos fournitures logistiques pour y arriver, nous allons commencer à mieux synchroniser les exercices menés dans le Nord pour optimiser nos démarches au plan logistique et les efforts déployés dans le cadre de nos exercices.
Le sénateur Day : Lorsque vous parlez de « souveraineté dans le Nord », je songe à quelqu'un qui se rendrait en kayak jusqu'à l'île Hans pour y planter un drapeau afin d'éloigner les Groenlandais, ou quelqu'un dans un sous-marin qui laisserait tomber un drapeau sur le plancher océanique au pôle Nord. Ce ne sont pas les types d'activités de défense de la souveraineté dont nous parlons, mais il en a été beaucoup question dans les journaux.
J'aimerais aussi poser des questions concernant le nombre d'autres ministères qui participent à ces exercices. Il y a 1 200 membres des forces armées, et vous dites que vous n'en êtes pas responsable. Il doit y avoir un nombre considérable de membres du personnel ne portant pas l'uniforme qui sont des employés du gouvernement ainsi que des membres des collectivités locales. Nous savons que cela est très coûteux. Bon nombre de ces exercices simulent des secours en cas de catastrophe naturelle plutôt que des interventions en cas d'activités illégales ou d'invasion par le Nord, ce type de situation militaire.
Étant donné que, dans la majorité des cas, il s'agit d'exercices de secours à la suite d'une catastrophe naturelle, n'est- il pas possible de faire des simulations? Vous avez parlé tout à l'heure d'exercices de simulation. Ne pouvez-vous pas faire cela au lieu d'aller là-bas, ou le faites-vous aussi, et nous n'en avons simplement pas parlé?
Mgén. Foster : Premièrement, je pense que, pour les Canadiens, nous nous devons de pouvoir nous rendre dans le Nord rapidement. Je sais que nous sommes tous allés dans le Nord et que nous sommes conscients du fait que les conditions y sont difficiles. Les défis au plan logistique et l'entraînement nécessaire sont impressionnants.
Lorsque nous menons l'opération Nanook, du moins quand j'y suis allé en août, il faisait un temps magnifique. Malheureusement, nous savons tous que lorsque l'on nous demandera de nous y rendre à la suite d'une catastrophe naturelle importante, il est probable que le climat ne soit pas clément, qu'il fasse très froid et très sombre.
Nous pouvons faire des exercices de simulation, et nous le faisons. Cela dit, il est impératif d'aller là-haut et de faire les exercices pour vrai. Nous les appelons des exercices, et ils comptent un volet exercice, mais ils s'inscrivent dans une opération complète qui requiert des fournitures logistiques sur place, pour veiller à la sécurité des personnes et les appuyer pendant qu'elles se trouvent dans le Nord. Il s'agit presque d'une opération comportant un ou plusieurs exercices simultanément.
Le sénateur Demers : Merci d'avoir répondu en français. C'était très bien et je vous en sais gré, monsieur.
Général, j'ai une question pour vous. En quoi une réduction des dépenses en matière de défense influerait-elle sur l'opération Nanook, surtout du point de vue des Forces armées canadiennes?
[Français]
Mgén Foster : Je vais essayer de mon mieux de vous répondre en français. Premièrement, je suis très concentré sur notre capacité à opérer dans le Nord. Quand nous travaillons à la préparation des exercices, je me concentre plus particulièrement sur les objectifs opérationnels que j'aimerais atteindre au terme de ces exercices. Une fois que j'ai défini cela, je regarde comment je vais utiliser tous les personnels pour le réaliser. J'examine alors ces plans au regard des budgets disponibles, évidemment. Il y a toujours des compromis à faire, c'est certain, mais, en fin de compte, je suis toujours en mesure d'assurer que nous atteignions les objectifs établis et nécessaires pour garantir que nous pouvons opérer dans le Nord.
Le sénateur Demers : Merci beaucoup, général.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Général, pouvez-vous me donner votre opinion concernant les Rangers? Il s'agit actuellement de réservistes de classe A. Ils ne reçoivent pas d'avantages, et cetera. Y a-t-il un avantage à ce qu'ils soient employés à temps plein ou qu'ils aient un type de désignation? Cela rehausserait-il le type d'activité qui accroîtrait notre présence dans le Nord. On pourrait, par exemple, les utiliser pour l'arraisonnement de la Garde côtière et ce genre de choses. Avez-vous songé à accroître notre présence sur ce plan?
Mgén. Foster : Merci d'avoir posé la question. Il y a environ un an et demi, je me rendais dans le passage du Nord- Ouest en Twin Otter. Je pense que j'ai atterri à inlet Pond. Ensuite, je suis monté à bord d'un aéronef Dash-8 de Canadian North et je suis allé d'une île à l'autre en me rendant à Iqaluit pour me retrouver à Clyde River. J'avais une crevaison et j'ai attendu, pendant une douzaine d'heures je pense, qu'un aéronef de rechange apporte un pneu de rechange. J'étais vraiment coincé à l'aéroport. D'autres avions arrivaient et repartaient. Lorsque chaque aéronef atterrissait, une grande partie de la collectivité venait à sa rencontre pour dire au revoir à des membres de la famille qui partaient et accueillir des personnes qui arrivaient. Cela a dû se produire quatre ou cinq fois. Chaque fois qu'un nouveau groupe arrivait dans l'aéroport, une ou deux personnes venaient se présenter et dire qu'elles faisaient partie des Rangers. Elles me demandaient comment j'allais, je leur répondais que j'allais bien, et nous bavardions un peu. Je pense que j'ai dû rencontrer tous les Rangers de Clyde River cette journée-là.
Ce soir-là, nous avons fini par faire un détour par Iqaluit, et j'ai passé la nuit à l'aéroport de Kuujjuaq. L'aéroport était fermé, et le responsable de l'administration aéroportuaire l'a ouvert pour nous laisser entrer. Il a ensuite invité les dames et les enfants à passer la nuit chez lui. Je ne peux pas parler pour vous, mais je ne sais pas combien de personnes viendraient me voir pour se présenter à l'aéroport Pearson de Toronto si j'étais en uniforme. J'ignore combien de responsables d'aéroports inviteraient toutes les familles à passer la nuit chez eux. Je pense qu'il est important de le dire parce que la culture du Nord est différente. Les Rangers qui travaillent là-haut le font parce qu'ils ont vraiment à cœur d'aider et de servir les Canadiens. Ils le font de leur plein gré.
Pour ce qui est du changement de paradigme, je ne suis pas certain que cela soit nécessaire. Ils le font parce qu'ils le veulent bien et parce qu'ils veulent bien nous servir, et nous utilisons cette relation à notre avantage. Je pense que c'est une bonne relation.
Pour ce qui est de leur faire offrir d'autres services, je n'ai pas étudié la question. Je ne suis pas certain. Il s'agit de gens de la collectivité. Nous faisons grandement appel à eux. Ce sont les premières personnes vers qui nous nous tournerions en cas de catastrophe naturelle, où que nous allions dans le Nord, pour qu'elles nous aident à nous intégrer et nous permettent de faire encore mieux notre travail.
Le sénateur Day : À titre de précision, le préambule de la question du sénateur Mitchell laissait entendre que les réservistes de classe A ne bénéficient d'aucun avantage social. Cependant, je pensais que vos réservistes de classe A étaient maintenant admissibles à des pensions de retraite et à certains avantages sociaux. Ai-je tort?
Mgén. Foster : Les réservistes de classe A?
Le sénateur Day : Oui, les réservistes à temps partiel.
Mgén. Foster : Je peux vous fournir les renseignements complets plus tard.
Le sénateur Day : Pourriez-vous nous le faire savoir? Je crois qu'ils sont admissibles à un régime de retraite pour le temps qu'ils ont passé dans la réserve. Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point?
La présidente : Ils ont aussi droit à des avantages médicaux, non?
Mgén. Foster : Sénateur, je ne veux pas vous fournir de renseignements erronés. Je sais qu'il y a une différence entre les réservistes de classe B, qui ont droit à tous les avantages sociaux après un certain nombre d'années, mais j'ignore en quoi leur situation est comparable à celle des réservistes de classe A — il est possible qu'ils y soient admissibles, mais je ne veux pas vous induire en erreur.
La présidente : Ce serait génial si vous pouviez nous fournir ces renseignements.
Le sénateur Day : Si vous pouviez le faire, je vous en saurais gré. Si vous pouviez ensuite faire le lien entre les réservistes de classe A réguliers, les réservistes à temps partiel que nous connaissons, et ceux du Nord dont nous avons parlé, sont-ils traités comme des réservistes de classe A ou sont-ils visés par un programme spécial?
Mgén. Foster : Je peux vous fournir ces renseignements.
Le sénateur Campbell : Bienvenue général. Avec l'expansion continue du secteur des ressources dans le Nord et l'ouverture du passage du Nord-Ouest, pour quelque raison que ce soit, il semble y avoir de plus en plus de possibilités de catastrophes en tous genres.
Est-ce que l'ARC envisage de garder un Chinook ou un Hercules là-haut — Yellowknife est probablement l'endroit le plus central — qui servirait à mener les opérations de recherche et de sauvetage et à couvrir les Rangers, qui seront probablement les premiers intervenants en cas de catastrophe? Y a-t-on songé? Estimez-vous que cela soit nécessaire?
Mgén Foster : Merci de me poser la question. J'ai dernièrement regardé quelques chiffres et je pense qu'au cours des 10 dernières années, le nombre de navires qui naviguent habituellement dans le Nord a presque doublé en passant de 55 à probablement un peu plus de 100. Certains s'y rendent pour l'aventure, et ils sont parfois même téméraires. L'année dernière, je crois qu'ils étaient quatre à essayer de traverser le passage du Nord-Ouest en motomarine.
Je suis d'accord avec vous, il faudra augmenter les services de recherche et de sauvetage, mais la hausse actuelle de 55 à 100 navires n'est pas importante, et nous pouvons encore la gérer. À propos des aventures sur la terre ferme dont vous avez parlé, les chiffres ont tendance à rester les mêmes, au point où il s'agit de moins de 1 p. 100 des activités de recherche et de sauvetage que nous devons effectuer chaque année dans le Nord.
Je crois que vous avez raison. Une fois de plus, nous mettons à contribution nos Rangers. Beaucoup d'entre eux sont maires ou occupent un poste bien en vue dans leur village. Ils sont donc parmi les premiers à être informés lorsque quelqu'un manque à l'appel. Nos liens avec les provinces — et la recherche et le sauvetage au sol sont une responsabilité provinciale — font en sorte que nous encourageons encore une fois nos Rangers à entreprendre des recherches quand une situation les concerne.
Le sénateur Campbell : Merci.
La présidente : J'aimerais approfondir quelques questions. Nous avons vu les Forces spéciales participer à l'exercice de l'été dernier. Je sais que vous ne pouvez pas en dire beaucoup sur ce qu'elles font, mais est-ce que vos liens avec elles et votre récente collaboration s'expliquent par le fait que vous avez tous pris part aux mêmes missions que celles menées en Afghanistan? S'agit-il d'un nouveau développement?
Mgén Foster : En effet. C'était probablement la première fois l'année dernière que nos Forces spéciales ont joué un rôle important dans un scénario de sécurité intérieure. Nous devons être clairs à ce sujet. Il s'agissait d'apporter un soutien par rapport à un navire suspect qui se dirigeait vers les côtes canadiennes, et encore une fois, nous avons suivi la situation avec d'autres organismes gouvernementaux en utilisant les services de renseignement et ainsi de suite. C'est ainsi que l'exercice s'est déroulé jusqu'au point où nous avons senti le besoin d'intervenir. C'est d'ailleurs ce que la GRC, qui dirigeait l'exercice, nous aurait demandé de faire.
Est-ce que cela pourrait réellement arriver? Peut-être. C'était probablement un bon exercice à exécuter et une façon convenable de nous assurer que dans l'éventualité d'un scénario semblable, nous aurons en place une bonne structure de commandement et de contrôle et nous serons en mesure d'opérer efficacement avec d'autres organismes gouvernementaux en comprenant nos rôles et responsabilités respectifs en matière d'application de la loi.
La présidente : Pour utiliser cette expertise?
Mgén Foster : Oui.
La présidente : Ma prochaine question est beaucoup plus vaste et elle porte sur le fait d'avoir récemment eu l'occasion de se rendre en avion à Alert, notre poste le plus au nord. À moins d'y avoir mis les pieds, il est difficile d'imaginer l'immensité de cet endroit. Nous parlons tous avec passion du besoin d'affirmer et de maintenir notre souveraineté, mais il n'est pas facile de se représenter comment nous pourrons y arriver avec une quantité d'équipement limitée dans un territoire aussi vaste et extraordinaire.
Qu'en pensez-vous? Sommes-nous capables de le faire, ou avons-nous besoin de drones et de satellites? La situation actuelle vous inspire-t-elle confiance? Quelle est votre opinion à ce sujet?
Mgén Foster : Merci de me poser la question, madame la sénatrice. Pour moi, la souveraineté ne se limite pas seulement à protéger la nation. C'est une question de prospérité économique, de présence dans le Nord, de bonne gouvernance et de surveillance.
L'application de la loi en est un aspect. Notre capacité à mener des opérations avec d'autres organismes gouvernementaux et à leur permettre de participer à certains de ces exercices dans le Nord aide à promouvoir notre souveraineté. Je reconnais qu'il faut miser sur nos capacités spatiales. C'est ce que nous faisons avec le RADARSAT et, espérons-le, ce que nous ferons dans le cadre du projet MCR, qui devrait finalement être mis en œuvre pour nous permettre de surveiller plus efficacement tout le passage du Nord-Ouest et de créer une liste de certaines de nos autres ressources que nous pourrions au besoin observer de plus près.
Oui, je pense qu'à l'avenir, nous devrons tirer avantage de certaines de ces capacités de surveillance. Je pense également que la souveraineté ne se limite pas à la défense du territoire. C'est une question de présence et de visibilité du gouvernement dans le Nord.
La présidente : Merci d'avoir répondu.
Le sénateur Dallaire : Les budgets auront entre autres des répercussions sur les capacités que les forces seront en mesure de maintenir à l'avenir, et des compromis sont actuellement réalisés. Nous avons visité la base de Valcartier où des unités s'entraînent à mener des opérations dans la jungle et en montagne. Il y a même des soldats qui s'entraînent et qui sont déployés pour faire des opérations amphibies.
Est-ce que l'entraînement et l'initiation en vue du déploiement d'une armée ou de militaires — de l'ensemble des forces — dans l'Arctique sont actuellement perçus comme une spécialisation, ou s'agit-il d'une capacité fondamentale? Cette capacité fondamentale de nos forces dans le Nord s'appuierait-elle sur des compétences de base plutôt que sur une spécialisation qu'essaieraient d'obtenir chaque année certains de nos membres?
Mgén Foster : Merci, sénateur. Je pense que ce que nous essayons de redévelopper sera une capacité inhérente. Je suis certain que vous connaissez bien nos opérations dans le Nord. Nous aimerions que nos soldats puissent y être déployés au pied levé à n'importe quel moment de l'année, dans des conditions hivernales rigoureuses ou l'été, pour fournir de l'aide dans le cadre d'une situation liée à la sécurité. Je pense que c'est là-dessus qu'il faut mettre l'accent. Il faut que nos soldats développent les compétences de base qui leur permettront d'intervenir.
Le sénateur Dallaire : Nous déployons des troupes en Afghanistan, et je pense que des soldats à Kitchener ont été envoyés au Soudan pour essayer de sauver le gouvernement de Khartoum et qu'il leur a fallu trois mois pour s'acclimater. Notre situation est semblable. L'Arctique demande une période d'acclimatation, et elle doit être suffisamment longue pour que les soldats n'aient plus besoin de manger leurs barres de chocolat et qu'ils soient capables de survivre avec ce qu'il y a là-bas.
Voulez-vous délibérément doter les unités de milice désignées de la capacité de maintenir un tel état de préparation opérationnelle en vue de leur déploiement? Sinon, pourquoi ne pas rendre les Rangers encore plus efficaces en leur donnant davantage de moyens et de possibilités? Tout ce qu'ils font s'aligne sur leurs références culturelles et leur origine, et nous les aiderions, ainsi que leurs jeunes, à obtenir un emploi rémunéré.
Mgén Foster : Merci, sénateur. Vous soulevez de très bons points. Je pense que nous faisons tout cela et que nous mettons à contribution et encourageons nos Rangers. Nous avons augmenté leur nombre à 5 000 et nous les engageons plus souvent. Ils donnent de la formation à nos UII, nos unités d'intervention immédiate, ainsi qu'à nos groupes- compagnies d'intervention dans l'Arctique. Toutes les fois que je me rends ou que je vois ce qui se passe dans le Nord, nous tirons parti de cette capacité.
En général, les forces opérationnelles interarmées ont toutes le mandat d'effectuer chaque année un certain exercice d'entraînement. Ces exercices peuvent coûter moins cher lorsqu'ils sont exécutés dans la partie la plus au sud du Nord, si je peux m'exprimer ainsi, comme à Moosonee ou à Schefferville, mais il faut quand même en faire dans le Nord compte tenu des conditions très différentes. Les unités s'y rendent donc à tour de rôle. Au cours des prochaines années, je m'attends à ce que pratiquement toutes les UII et les FOI aient fait un certain exercice pour maintenir leurs capacités essentielles qui leur permettent de mener des opérations dans le Nord au niveau approprié.
Le sénateur Dallaire : Puis-je ajouter quelques mots à ce sujet? Il nous serait très utile d'avoir une idée précise — encore une fois, à partir d'un document non classifié — de l'évaluation qui est faite de la préparation opérationnelle pour établir que des troupes basées au Sud sont prêtes à fonctionner et à survivre dans le Nord. Par exemple, les Finnois consacraient 60 p. 100 de leur temps à la survie et au combat contre les Russes, qui eux avaient besoin de 90 p. 100 du leur pour survivre et utilisaient le peu qui restait pour riposter. L'aspect survie est prépondérant dans la capacité opérationnelle.
Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont les troupes développeront une capacité fondamentale d'intervention dans le Nord qui ne change pas en fonction de l'unité qui s'y rend ou de l'exercice qu'on y fait à l'occasion? Il serait intéressant de savoir s'il y a une vision d'ensemble.
Mgén Foster : J'aimerais préciser que lorsque les chefs de la Défense des pays nordiques se sont rencontrés en avril dernier, je n'ai jamais pensé que j'aurais une conversation sur la rampe de la base de Goose Bay avec un général quatre étoiles russe, et c'est pourtant ce qui est arrivé. Les représentants des huit pays de l'Arctique ont tous convenu qu'il n'y avait pas de menace militaire dans le Nord.
Si je me fie à mon expérience dans la région, nous veillons à créer une sorte de communauté qui nous permettra d'intervenir en cas de catastrophe et d'être capables de survivre, ce qui est très différent des opérations menées dans une situation de combat.
Je crois que nous avons déterminé les besoins en formation de manière à ce que nos troupes soient capables de réagir à une telle situation. Je peux vous faire parvenir la documentation sur la question.
La présidente : Merci de votre réponse. J'aimerais terminer en abordant rapidement la mise sur pied du COIC, qui est une des questions sur lesquelles nous nous penchons dans le cadre de la discussion sur la transformation. Vous étiez commandant adjoint de Commandement Canada et vous êtes maintenant commandant adjoint au COIC. Est-ce que le nouveau commandement fonctionne? Y a-t-il suffisamment d'attention accordée à la défense de notre territoire?
Mgén Foster : C'est une excellente question, et la réponse est un oui sans équivoque. Quand j'étais à la division à Winnipeg, c'était incroyable de voir la relation qu'entretenaient le COMFEC et COM Canada. Le COMFEC demandait des ressources aériennes pour se rendre outre-mer en Haïti ou en Afghanistan, tandis que Commandement Canada en faisait autant pour venir en aide à une collectivité du Nord. En réalité, un colonel à Trenton faisait ce qu'il voulait avec tous ces avions. Grâce au COIC, nous avons centralisé le tout pour n'avoir qu'un seul commandement de la composante aérienne des forces interarmées responsable des missions expéditionnaires et des missions nationales, ce qui permet de maximiser les ressources.
Nous évitons de nous limiter en décidant par exemple de ne gérer aujourd'hui que les questions nationales. Nous faisons le nécessaire pour donner suite au plus grand nombre de priorités. C'est beaucoup plus efficace.
La présidente : Merci de votre réponse. Il semble que le message soit toujours le même, quels que soient les intervenants.
Merci beaucoup de vous être joint à nous. Nous avons attendu longtemps cette occasion, et nous vous sommes reconnaissants d'être venu témoigner. Le major-général Richard D. Foster est commandant adjoint du Commandement des opérations interarmées du Canada.
Nous allons poursuivre les travaux à l'ordre du jour. Nous devons adopter un budget.
Nous allons comparaître ce soir devant un comité, et nous l'avons donc distribué. Il porte sur une étude spéciale concernant les bases des Forces canadiennes. Je crois que notre mandat a été approuvé la semaine dernière. Le sénateur Dallaire s'en est occupé. L'un de vous a-t-il des questions sur ce budget et sur nos objectifs? Sinon, nous allons demander à quelqu'un de proposer une motion pour l'approuver.
Le sénateur Manning : Je la propose.
Le sénateur Campbell : Je l'appuie.
La présidente : Merci beaucoup. Nous estimons que le budget est adopté. La séance est maintenant levée. Nous pouvons retourner travailler sur la Colline.
(La séance est levée.)