Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 14 - Témoignages du 22 avril 2013
OTTAWA, le lundi 22 avril 2013
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 16 h 5, pour étudier le projet de loiC-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la séance du lundi 22 avril du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant d'accueillir nos témoins, je voudrais présenter les personnes qui sont à la table. Je suis le sénateur Dan Lang, du Yukon. À ma gauche se trouve la greffière du comité, Josée Thérien. À ma droite sont les analystes de la Bibliothèque du Parlement affectés au comité, Holly Porteous et Dominique Valiquet.
J'inviterais les sénateurs à se présenter et à préciser la région qu'ils représentent, à commencer par le vice-président.
[Français]
Le sénateur Dallaire: Je suis le sénateur Roméo Dallaire, représentant le golfe du Saint-Laurent et les Îles-de-la- Madeleine.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell: Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le sénateur Day: Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Campbell: Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Patterson: Dennis Patterson, du Nunavut.
[Français]
Le sénateur Nolin: Pierre Claude Nolin, de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Duffy: Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président: Merci. Nous commençons aujourd'hui l'étude du projet de loiC-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois. Pour cette séance très chargée, nous accueillons l'honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique; François Guimont, sous- ministre de la Sécurité publique; et Bob Paulson, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.
Messieurs les sénateurs, vous vous rappellerez que la dernière visite du ministre Toews au comité remonte à il y a presque un an, lorsque nous menions notre étude sur le projet de loiC-38, et le commissaire Paulson a témoigné devant nous le 22 octobre dernier pour discuter des réformes et des changements qui touchaient la GRC. À ce moment-là, le commissaire Paulson nous avait donné un aperçu du projet de loiC-42, qui était examiné par l'autre Chambre.
Nous sommes heureux de revoir le ministre et le commissaire. Le ministre sera disponible — je l'espère — jusqu'à 17 h 15, et le commissaire Paulson et le sous-ministre seront présents jusqu'aux alentours de 17 h 30.
Avant de commencer, je voudrais, au nom du comité, remercier et féliciter le ministre, le commissaire, les membres de la GRC et du SCRS ainsi que les forces de police locales pour l'arrestation des deux présumés terroristes à Toronto et à Montréal plus tôt aujourd'hui. Merci de protéger notre pays.
Bienvenue à vous, monsieur le ministre. Je crois comprendre que vous voudriez faire une déclaration préliminaire.
L'honorable Vic Toews, C.P., député, ministre de la Sécurité publique: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis heureux d'être présent ici pour vous aider dans votre étude du projet de loiC-42, Loi visant à accroître la responsabilité de la GRC. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de François Guimont, sous- ministre de la Sécurité publique, et de Bob Paulson, commissaire de la GRC.
Je tiens également à offrir mes remerciements à la GRC, qui a effectué une enquête très fouillée, de même qu'à nos homologues américains. Je sais que le commissaire était très reconnaissant de l'aide que nous avons reçue des Américains dans l'enquête qui a mené aux deux arrestations aujourd'hui.
J'aimerais remercier le comité de l'engagement soutenu dont il a fait preuve à l'égard des problèmes auxquels fait face notre police nationale. J'ai suivi avec intérêt votre étude sur le harcèlement à la GRC, et je suis heureux d'avoir la possibilité d'expliquer comment le projet de loiC-42 contribuera à régler ce grave problème.
J'entends également dissiper certaines préoccupations, rectifier des perceptions erronées au sujet du projet de loi et souligner les amendements importants qui ont été apportés au projet de loi par l'autre endroit.
Au cours des dernières années, le gouvernement a travaillé en collaboration avec la GRC et le commissaire pour trouver le meilleur moyen de renforcer l'examen civil, de moderniser le système des RH de la GRC et de régler le problème du harcèlement. Le résultat est le projet de loiC-42, un texte législatif exhaustif qui prévoit plusieurs modifications importantes de la Loi sur la GRC ainsi que la création d'une force policière nationale moderne et responsable pour l'avenir.
Honorables sénateurs, j'aimerais commencer par préciser ce que le projet de loiC-42 ne fera pas. Le gouvernement a reçu des demandes visant à faire de la GRC une entité distincte et un employeur distinct et à créer un conseil de gestion pour surveiller les pratiques de gestion de la GRC. Le gouvernement estime que ces changements ne sont pas nécessaires pour revitaliser et responsabiliser la force policière. Permettez-moi de m'expliquer.
Depuis 2007, nous avons observé de très grands progrès dans le cadre du programme de transformation de la GRC. Nous avons assisté à la mise sur pied du Comité de la vérification de la GRC — comme le prescrit la Loi fédérale sur la responsabilité —, lequel est formé de trois éminents membres indépendants de la GRC. Ce comité fournit des conseils et des recommandations sur la pertinence et le fonctionnement du processus de gestion des risques de la GRC, de même que sur ses cadres et ses processus de contrôle et de gouvernance.
Et, dans le cadre des ententes sur les services de police, qui ont été renouvelées, le Comité de gestion des contrats de la GRC permet aux provinces et aux territoires de participer de façon réelle et importante à la prise de décisions concernant la responsabilité des services de police et les mesures de réduction des coûts.
Je tiens à remercier le commissaire d'avoir pris les rênes des négociations qui ont mené à la conclusion des nouvelles ententes de 20 ans, et je veux remercier les provinces et les territoires qui ont collaboré assidûment avec les membres de mon ministère, avec la GRC et avec moi-même, d'ailleurs, pour conclure ces ententes.
En raison de l'adoption du projet de loiC-42, la mise sur pied d'un conseil de direction ne ferait qu'entraîner des chevauchements et des complications inutiles en ce qui a trait aux structures de responsabilisation et de surveillance de la GRC. J'ai fait mention des chevauchements qui découleraient de la création d'une telle entité.
Je vais maintenant parler des préoccupations qui ont été soulevées relativement au projet de loi. Il est important desouligner qu'une bonne partie des dispositions du projet de loiC-42 visent à maintenir les mesures disciplinaires et l'intégrité au sein de l'organisation. Ces dispositions ont pour but de réglementer la conduite des agents; en d'autres termes, ces derniers doivent être des membres responsables de la GRC, contribuant ainsi à renforcer la confiance du public. Le gouvernement est d'avis que ces mesures sont en conformité avec les droits garantis par la Charte. En effet, les outils fournis par le projet de loiC-42 sont similaires aux mesures largement utilisées pour réglementer la conduite non seulement des policiers, mais aussi de beaucoup d'autres types de professionnels au Canada.
Certains ont déclaré que les membres de la GRC seraient forcés à s'incriminer durant les enquêtes. Or, le pouvoir de contraindre les membres de la GRC à répondre aux questions liées à la conduite d'autres membres dans le cadre des enquêtes menées à l'interne existe depuis 1988, et ce pouvoir ne changera pas aux termes du projet de loiC-42. En réalité, l'obligation de répondre aux questions est commune à la plupart des champs professionnels dans les enquêtes liées à des allégations d'inconduite. Il faut signaler que, conformément aux protections prévues par la Charte canadienne des droits et libertés, les réponses obtenues dans le cadre d'une procédure disciplinaire ne peuvent pas être utilisées contre un membre dans une instance civile, administrative ou pénale, excepté lorsqu'il s'agit d'une allégation selon laquelle le membre aurait sciemment fait une fausse déclaration.
D'autres encore ont avancé que la GRC aurait le pouvoir d'effectuer une perquisition ex parte au domicile d'un de ses membres dans le cadre de mesures administratives non criminelles. En fait, la GRC ne serait pas la seule à avoir le pouvoir d'obtenir un mandat de perquisition ou une ordonnance de communication aux fins d'une enquête administrative interne sur l'inconduite d'un de ses membres. En effet, ce type de pouvoir est prévu par les lois régissant les services de police en Colombie-Britannique, en Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador depuis des années. Les enquêteurs de police de l'Ontario peuvent également obtenir un mandat de perquisition dans le cadre d'enquêtes liées à des problèmes de rendement.
À l'instar des lois de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador, le projet de loiC-42 est assorti d'une mesure de protection judiciaire prévoyant que seul un juge de paix ou un juge de la cour provinciale a le pouvoir de délivrer un mandat de perquisition ou une ordonnance de communication. De plus, le projet de loiC-42 va plus loin que ces lois, car il exige qu'une autorisation interne soit obtenue auprès d'un agent désigné avant qu'une demande soit présentée à un juge de paix.
Enfin, certains prétendent que le projet de loiC-42 interdirait aux membres de la GRC de parler publiquement des problèmes qui touchent la gendarmerie. En fait, c'est le Code de déontologie de la GRC, et non le projet de loiC-42, qui interdit aux membres de critiquer publiquement l'organisation, et cette obligation est généralement applicable à tous les fonctionnaires. Toutefois, le projet de loi n'empêche pas les membres de la GRC d'exercer les droits que leur confèrent les dispositions liées aux allégations d'actes répréhensibles, notamment celles de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. Cette mesure s'applique également à tous les employés de la fonction fédérale.
J'ai passé en revue ce que le projet de loiC-42 ne fera pas. Je vais maintenant expliquer ce que le projet de loiC-42 fera, car je crois fermement que ce texte législatif apportera les changements que nous souhaitons tous, des changements demandés tant par les Canadiens que par les membres de la GRC.
Selon l'étude menée récemment par le comité, une fois mis en œuvre, le projet de loiC-42 aura sans aucun doute des conséquences positives et considérables sur les efforts actuellement déployés pour régler les problèmes de harcèlement et d'inconduite à la GRC. En effet, le projet de loi corrigera la situation actuelle, où des processus parallèles sont requis pour satisfaire aux exigences distinctes de la politique du Conseil du Trésor en matière de harcèlement et du Code de déontologie de la GRC. Plus précisément, le projet de loi permettra de moderniser la structure de gestion interne des ressources humaines de la GRC, dont le régime disciplinaire et le processus de règlement des griefs. Par exemple, le projet de loiC-42 habilitera le commissaire de la GRC à établir un seul système global pour enquêter sur les allégations de harcèlement et régler ce type de problèmes.
Le commissaire aura également le pouvoir de nommer et de promouvoir la majorité des officiers brevetés et d'établir des règles sur la cessation du versement de la solde et des indemnités des membres dont le congédiement a été recommandé par un comité de déontologie ou qui ont été suspendus jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.
Lorsque le comité s'est penché sur la question du harcèlement à la GRC, il a entendu parler des problèmes existants et du besoin urgent d'apporter des changements. En modernisant le régime des ressources humaines, le processus disciplinaire et le processus de règlement des griefs, le projet de loiC-42 jettera des bases solides pour la mise en œuvre des changements.
Dans son témoignage devant le comité, la présidente du Comité externe d'examen de la GRC a déclaré que le projet de loiC-42 fournira à la GRC la souplesse nécessaire pour renouveler, revitaliser et réformer les processus internes, ce qui contribuera à rétablir dans une certaine mesure la confiance des membres de la GRC et de la population. C'est un argument de poids en faveur de l'adoption rapide du projet de loi. Il y a des limites au changement de culture qu'on peut apporter à la police nationale, et des modifications doivent être apportées au cadre législatif sous-jacent. Bien que le projet de loi ne puisse pas à lui seul apporter un changement de culture, il peut servir de catalyseur du changement.
Le gouvernement a présenté dans l'autre Chambre des amendements qui renforcent encore davantage le projet de loiC-42. Outre quelques amendements de forme, trois amendements importants ont été proposés, à savoir les suivants: permettre aux anciens membres de la GRC de travailler comme réservistes pour une période de six mois ou plus afin d'offrir aux commandants divisionnaires des options plus souples en matière de dotation; préciser que le président de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, comme tous les membres de la commission, jouit de l'immunité judiciaire et n'est pas tenu de témoigner en cas d'enquêtes sur les activités de la commission; et faire en sorte que le commissaire de la GRC ne puisse pas refuser d'enquêter sur une plainte déposée par le président de la nouvelle commission.
Notre gouvernement croit fermement que nous sommes sur la bonne voie pour faire de la GRC la force policière moderne et responsable que méritent les Canadiens et à laquelle ils s'attendent. Le commissaire, la haute direction et les membres de la GRC ont tous manifesté leur désir de réaliser cet objectif.
Avant de terminer, je veux aborder une dernière préoccupation. Certaines personnes craignent que le projet de loiC-45, Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance, n'ait des répercussions négatives sur la conversion des membres civils de la GRC en raison des amendements liés à la pension qui font passer l'âge de la retraite à 65 ans pour tous les nouveaux fonctionnaires. À titre d'employeur, le Conseil du Trésor déterminera si cela se produira et à quel moment. Je peux assurer au comité et aux membres civils de la GRC que cela ne se fera pas avant que les fonctionnaires de la section des pensions de la GRC et du Conseil du Trésor n'aient examiné toutes les considérations liées aux politiques et aux mécanismes de la conversion des membres civils en fonctionnaires, à la lumière des amendements du projet de loiC-45, Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Avant que nous poursuivions, je crois savoir que vous devez partir à 17 heures. Est-ce exact?
M.Toews: Il semble que ce soit le cas.
Le président: Il semble que oui.
M.Toews: Apparemment, j'ai un rendez-vous ailleurs. J'en suis désolé.
Le président: Je voulais juste clarifier ce point avant de poursuivre la séance.
M.Toews: Par considération pour le comité, comme je suis arrivé un peu en retard, j'étais prêt à rester plus tard, mais je dois honorer les autres engagements que j'ai pris.
Le président: Commissaire Paulson, pouvez-vous rester jusqu'à 17 h 30?
Bob Paulson, commissaire, Gendarmerie royale du Canada: Je peux rester aussi longtemps que nécessaire.
Le président: Merci.
Monsieur le ministre, vos commentaires étaient très instructifs et ont planté le décor de notre étude du projet de loiC-42; toutefois, en ma qualité de président, j'aimerais commencer par vous poser deux questions.
Premièrement, étant donné que le projet de loi serait en grande partie régi par des règlements qui n'ont pas encore été présentés et que, sous sa forme actuelle, il ne contient aucune disposition prévoyant un examen, verriez-vous un inconvénient à ce que le Parlement ou, plus précisément, le comité entreprenne un examen du projet de loi dans trois ans, pour s'assurer qu'il permet de réaliser les objectifs que vous et le commissaire proposez?
M.Toews: Eh bien, monsieur le président, vu les changements considérables qui sont apportés au cadre de fonctionnement de la GRC, je n'y verrais aucun inconvénient. À mon avis, ce serait une chose prudente à faire, et si le Sénat est disposé à effectuer ce genre d'examen, je ne vais certainement pas tenter de l'en empêcher.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Par ailleurs, le projet de loi confère des pouvoirs importants au commissaire, y compris de nouveaux pouvoirs l'autorisant à nommer des sous-commissaires, des officiers, et cetera. Quels sont les freins et contrepoids qui seront à votre disposition et à celle des membres des forces régulières de la GRC pour éviter que le commissaire abuse de ces nouveaux pouvoirs?
M.Toews: C'est une excellente question. Souhaitez-vous y répondre, monsieur le commissaire?
M.Paulson: Je vous remercie, monsieur le ministre; merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m'accueillir parmi vous.
Même si le projet de loi traite de la nomination des officiers supérieurs, à l'heure actuelle, la pratique veut que nous procédions à des nominations par décret sur mes recommandations. La nouvelle façon de faire — qui s'apparentera à ce que prévoient les nouvelles ententes conclues avec les provinces — nous amènera à consulter les autorités provinciales au sujet de la nomination des commandants et des sous-commissaires — lorsqu'il faut nommer des sous- commissaires — et aussi à solliciter l'avis du ministre et du gouvernement concernant la nomination des officiers supérieurs. En ce qui a trait aux freins et contrepoids, je présume que les pratiques que j'adopte en matière de nomination et la transparence avec laquelle ces nominations sont faites pourront être examinées, peut-être même par la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes, la CCETP, que prévoit le projet de loi, car elle serait autorisée à mener un examen des politiques de la GRC. Si elle était intéressée par la façon dont le commissaire nomme certains des officiers, alors libre à elle d'y jeter un coup d'œil. Voilà pour les freins et contrepoids.
M.Toews: Il y a le recours que le commissaire vient de mentionner. De fait, je ne me souviens d'aucune nomination recommandée par le commissaire qui n'ait pas été approuvée par le gouvernement. De toute ma carrière, je n'ai jamais vu cela. C'est donc ce qui se passe en règle générale lorsque le commissaire fait une recommandation, et compte tenu de l'examen indépendant qui peut avoir lieu maintenant, nous croyons que si le commissaire abusait de son pouvoir d'une manière ou d'une autre ou qu'il y avait lieu de croire qu'il le fait, il appartiendrait à la commission d'examiner la situation.
Il s'agit d'une autre mesure qui vise à montrer que la GRC est indépendante du gouvernement, et plus nous pourrons favoriser son indépendance tout en continuant d'imposer des exigences redditionnelles élevées, plus ce sera profitable pour la GRC.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Dallaire: Heureux de vous revoir, monsieur le ministre. La dernière fois que nous nous sommes entretenus officiellement, vous espériez que le projet de loiC-42 permettrait à la GRC de disposer des pouvoirs dont elle a besoin pour assurer la discipline au sein de la police nationale, pour faire évoluer sa mentalité et pour développer son sens des responsabilités à l'égard de ses membres et de la population canadienne et, qu'au bout du compte, cette réforme améliorerait l'image de la GRC à l'intérieur de l'organisation autant qu'à l'extérieur de celle-ci.
Je regarde les outils dont disposait le commissaire auparavant. Voilà pourquoi j'essaie de voir la synchronisation qui existe entre les deux. La GRC disposait du Règlement de la GRC de 1988 et, conformément à la Loi sur la GRC, des consignes du commissaire, lesquelles autorisent le commissaire à prendre des décisions importantes concernant les consignes et les règles qui s'appliquent à la GRC.
J'essaie de comparer votre situation à ce que j'ai connu dans mon domaine. Même si le projet de loi est généralement explicite en ce qui a trait à vos intentions et qu'il y a un règlement, pourquoi les outils qui existaient par le passé ont-ils échoué? S'ils ont échoué, pouvez-vous affirmer que le projet de loi va assez loin pour corriger la situation et conférer l'autorité nécessaire? Par exemple, le chef d'état-major de la Défense peut invoquer la Loi sur la défense nationale par l'intermédiaire des Ordonnances et règlements royaux. Y aura-t-il encore un point de convergence semblable afin qu'il y ait ce même sens des responsabilités et cette même protection pour les militaires et les officiers?
M.Toews: Merci, sénateur. De fait, j'avais gardé en mémoire vos commentaires selon lesquels, à titre d'officier supérieur dans les Forces armées canadiennes, vous aviez un pouvoir considérable d'imposer des mesures disciplinaires dans de nombreux cas, et je crois même que vous aviez le pouvoir de faire emprisonner une personne pendant une certaine période.
Le sénateur Dallaire: Et de l'envoyer à la potence, aussi, à une autre époque.
M.Toews: Nous n'irons pas jusque-là. Toutefois, je me suis rendu compte que l'organisation pourrait s'inspirer de ce qui se fait dans le domaine militaire et envisager la possibilité d'utiliser certains de ces outils. Auparavant, les officiers hiérarchiques, les sergents et les caporaux de la GRC n'avaient pratiquement aucun pouvoir. D'ailleurs, par le passé, tout problème ou toute infraction de nature administrative donnait lieu à une procédure alambiquée très officielle qui engorgeait tout simplement le système pendant des années, alors qu'il pouvait s'agir de plaintes relativement mineures. Les cas qui auraient dû être réglés de façon expéditive et sommaire s'éternisaient.
À mon avis, en accordant ce pouvoir aux officiers de rangs inférieurs — comme on le fait dans les Forces armées canadiennes—, la GRC sera plus à même de tenir les gens responsables de leurs actes tout en offrant une protection aux officiers qui font l'objet de sanctions disciplinaires. Je suis convaincu que nous avons atteint cet équilibre. Vu les différences entre les forces militaires et la GRC, je ne voudrais pas aller au-delà d'où nous sommes déjà rendus.
Le sénateur Dallaire: Vous offrez cette nouvelle capacité et vous déléguez non seulement des responsabilités, mais du pouvoir aux officiers de rangs inférieurs, mais ce qui est absent de votre réforme en matière de RH — car vous utilisez le terme «réforme», qui n'est pas un terme insignifiant; il a un sens beaucoup plus fort que le terme «renouvellement» et toutes ces autres choses —, c'est la façon dont le corps d'officiers dans son ensemble sera réorganisé afin qu'on puisse gérer l'attribution de ces pouvoirs importants et, par la suite, veiller à ce que l'exercice de ces pouvoirs se fasse de manière crédible et éthique. Ces aspects ne sont pas abordés dans le projet de loiC-42. Aurons- nous droit à des explications à ce chapitre?
M.Toews: Je crois que la réforme s'inscrit dans les changements considérables qui sont apportés à la loi. La GRC devra assumer la responsabilité d'exécuter ce mandat législatif à l'échelon opérationnel.
Peut-être que le commissaire souhaite ajouter quelque chose.
M.Paulson: Oui, merci, monsieur le ministre. Monsieur le président, je dirais que les changements structurels ont déjà commencé à se produire, de sorte que nous avons éliminé deux régions du pays. Nous avons éliminé une couche de sous-commissaires et les processus bureaucratiques qui étaient associés à ces postes. Nous sommes en train de réorganiser la structure des régions et les responsabilités liées aux RH qui relèvent de ces régions, alors nous avons aussi fait disparaître ces éléments.
Lorsque nous disons que nous confions la responsabilité au rang le plus bas, nous descendons jusqu'aux sous- officiers, aux caporaux et aux sergents. Les commandants divisionnaires relèvent directement du commissaire. Il y a un bureau central des RH qui s'occupe de superviser l'administration de toutes ces choses. Il y aura une relation redditionnelle beaucoup plus directe et une meilleure vue d'ensemble pour moi et pour mon agent d'intégrité professionnelle, qui a peut-être témoigné ici. Nous établissons aussi ce bureau pour superposer des exigences redditionnelles à cette nouvelle approche. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une approche quelque peu révolutionnaire, vu la façon dont fonctionnait notre ancien système, mais nous sommes persuadés que la solution consiste à déléguer ces responsabilités aux officiers de première ligne qui dirigent ces hommes et ces femmes qui accomplissent des fonctions importantes.
Le sénateur Dallaire: J'aurais une autre question concernant la surveillance.
Le président: Je vous demanderais à tous de vous en tenir à un court préambule parce que le ministre ne peut nous accorder que 30 minutes. J'inviterais le sénateur Plett à prendre la parole.
Le sénateur Plett: Merci, messieurs le ministre et le commissaire, d'être ici. Mon préambule sera bref. Monsieur le ministre, pourriez-vous faire des commentaires sur le budget global qui est prévu pour le projet de loiC-42 et, plus précisément, pour la mise sur pied de la nouvelle Commission d'examen des plaintes et la modernisation du cadre des ressources humaines?
M.Toews: Je crois comprendre qu'il faudra affecter environ 15 millions de dollars de plus par année, dont 5 millions à la commission des plaintes et 10 millions au reste de l'initiative.
Le sénateur Plett: Qu'en est-il actuellement?
François Guimont, sous-ministre, Sécurité publique Canada: Si vous me permettez, je crois comprendre que, actuellement, la commission est dotée d'un budget de fonctionnement d'environ 5,4 millions de dollars. Il s'agit de son budget de services votés. Il sera augmenté de cinq millions de dollars, de sorte que la commission disposera d'un budget de fonctionnement total de 10millions de dollars. Il y a eu un rajustement. Comme je l'ai mentionné, le budget initial se chiffrait à quelque 5,4 millions de dollars, et il y a eu une hausse annuelle du budget pour l'amélioration de l'intégrité des programmes, alors le budget était d'environ 8,5 millions de dollars. Le budget net sera de 1,9million de dollars plus élevé, ce qui porte le budget de fonctionnement total à 10 millions de dollars.
Le sénateur Plett: Comme vous le savez, le comité se penche actuellement sur la question du harcèlement à la GRC et rédigera un rapport. Est-ce que le commissaire ou vous-même pourriez nous dire en quoi le projet de loiC-42 va améliorer la capacité du commissaire de régler les différends liés au harcèlement?
M.Toews: Il s'agit effectivement d'une question très importante. Je sais que certains, à l'autre endroit, ont fait observer que le terme «harcèlement» ne figure pas dans le projet de loi. C'est une drôle de façon d'examiner un texte législatif. Ce qui nous préoccupe, c'est l'inconduite qui se rapporte clairement au contexte et qui comprendrait le harcèlement.
Compte tenu, d'une part, de la manière dont nous avons délégué des responsabilités aux officiers de rangs inférieurs et, d'autre part, du fait qu'un mécanisme de surveillance indépendant existe maintenant à la GRC, je crois que nous sommes bien placés pour régler les plaintes individuelles de même que les problèmes touchant l'ensemble de l'organisation.
M.Paulson: J'ajouterais que, si le projet de loiC-42 propose une méthode plus efficiente et plus efficace pour régler les cas de harcèlement, c'est parce qu'on a constaté que la GRC recourt actuellement à une méthode d'enquête très criminalisée lorsque des membres réguliers sont impliqués dans des actes de harcèlement. Dans sa déclaration préliminaire, le ministre a parlé de ce système à deux volets qui complique le règlement des cas de harcèlement et qui prolonge inutilement le processus disciplinaire. Nous simplifions ce processus et nous faisons en sorte que j'aie le pouvoir de mettre en place une approche simplifiée pour établir un lieu de travail respectueux ou des bureaux d'intervention précoce dans chaque division afin de favoriser le règlement rapide des conflits en milieu de travail qui peuvent mener au harcèlement. Un certain nombre de dispositions du projet de loi me donnent les outils dont j'ai besoin pour simplifier ce processus, certes, mais aussi pour aller au cœur du problème, c'est-à-dire la façon dont nous interagissons les uns avec les autres sur la première ligne.
Le sénateur Mitchell: Monsieur le ministre, merci d'être ici et de soutenir les efforts du Sénat. Je sais que vous êtes à l'origine de l'étude que nous menons, et nous vous en sommes reconnaissants.
Toutefois, je ne suis pas aussi convaincu que vous que le projetC-42 donnera les résultats escomptés. Je ne nie pas qu'il s'agit d'un outil de plus dans le coffre à outils, mais, quand on y pense, presque tous les éléments qu'il contient visent à régler un problème une fois le fait accompli: le pouvoir de licencier un membre de la GRC à la suite d'un incident, le recours à une procédure de règlement des griefs après le dépôt d'un grief et la tenue d'une enquête à la suite d'un incident grave. Je ne suis pas persuadé que le projet de loi s'attaque vraiment — et je reprends ici une observation du sénateur Dallaire — à la culture organisationnelle qui a engendré ce genre de problèmes.
Vous avez fait mention de la transformation qui s'opère depuis cinq ou six ans, c'est-à-dire depuis 2007. Or, au moment où le nouveau mandat du commissaire Paulson était bien entamé, nous avons découvert qu'une jeune femme avait été victime de harcèlement sexuel et avait été giflée et ridiculisée au cours d'une activité sociale. Finalement, on lui a donné raison, et l'agent responsable des actes de harcèlement a dû présenter ses excuses et a perdu sept jours de salaire, mais la victime a dû partir. Le message qu'envoie l'organisation au sujet de cette femme, c'est qu'elle a fait quelque chose de mal. Je ne suis pas convaincu qu'on assiste à un changement profond dans la culture de l'organisation. Pas plus tard que l'an dernier, un sergent s'est exhibé et a été déclaré coupable par un tribunal, et le tribunal aurait pu ordonner son licenciement, mais ne l'a pas fait. Les trois membres qui composeront le comité de déontologie que prévoit le projet de loi pourraient être les mêmes qui ont refusé de le congédier à ce moment-là, alors les responsables d'actes de harcèlement pourraient en fait reprendre leur poste.
Par conséquent, comment pouvons-nous avoir la certitude et la conviction qu'on comprend réellement qu'il faut aller au-delà des simples bonnes intentions et en faire beaucoup plus que se limiter à un projet de loi? Je ne dis pas que le projet de loi ne vaut rien: il a une certaine importance, mais il ne vise qu'à se pencher sur les problèmes une fois le fait accompli.
M.Toews: Regardons cela de plus près et voyons ce qu'un projet de loi devrait donner comme résultat. À mon avis, très peu de projets de loi permettront de s'attaquer à ce genre de problèmes de façon proactive. J'ignore comment on peut y arriver grâce à un projet de loi. On peut inscrire dans une loi que la GRC interdit le harcèlement sous toutes ses formes. Toutefois, cette déclaration a relativement peu de sens s'il n'y a aucune volonté de la part de la haute direction de lutter contre ce problème.
La GRC avait une lacune du point de vue législatif, en ce sens qu'elle n'avait pas le pouvoir d'infliger rapidement des mesures disciplinaires adéquates. Cette situation a donné lieu à une attitude inappropriée et à de l'inconduite, car on avait le sentiment de pouvoir mal agir en toute impunité. À moins qu'on réagisse presque immédiatement à ce genre d'incidents, les gens jugeront, à tort ou à raison, que ce type d'actes est toléré. Le projet de loi autorise les officiers à intervenir très rapidement pour y mettre fin sur-le-champ.
La question est donc de savoir comment rompre avec la culture qu'entretient l'organisation, et le commissaire de la GRC doit justement prendre des mesures proactives pour arriver à cette fin. L'examen des politiques est l'une des mesures proactives qui peuvent être prises aux termes du projet de loi. Comment pouvons-nous changer la culture organisationnelle du point de vue des politiques? Il y a un certain nombre de choses qui peuvent être faites de manière proactive, mais, encore une fois, cela dépend de la bonne volonté des officiers en poste. Le comité d'examen indépendant prend aussi ce genre de mesures et veille à ce que le commissaire puisse, d'une manière ou d'une autre, être tenu responsable s'il ne fait pas bien son travail.
Le sénateur Mitchell: Ce que vous dites est certainement rassurant, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Je conviens que le projet de loiC-42 ne peut pas à lui seul régler la situation. J'essaie de savoir quel autre outil, à part le projet de loi, permettrait de la régler. J'y viendrai, car, en fait, il y a ceux qui avanceraient que, si on accorde un pouvoir de licenciement à des rangs de plus en plus bas et qu'on dilue ce pouvoir, on permet peut-être à des auteurs d'actes de harcèlement de congédier les personnes qui ont porté plainte contre eux.
Mon intervention — le commissaire Paulson y a fait allusion et sans doute qu'il le refera — portera sur un milieu de travail respectueux. Lorsque des cadres supérieurs sont venus témoigner, j'ai demandé à l'un d'eux qui aurait dû être responsable de cela. Je lui ai demandé: «Quel est le budget consacré non pas au projet de loiC-42, mais à la mise en place d'un milieu de travail respectueux?» Le cadre supérieur en question l'ignorait. Nous avons demandé à quelqu'un d'autre qui était responsable de la mise en œuvre... Il n'y a pas de normes nationales. J'ai demandé au vérificateur: «Avez-vous effectué une vérification de base?» L'étude menée par Simmie Smith en Colombie-Britannique était une étude formidable. Pourquoi ne fait-on pas cela partout au pays? En Colombie-Britannique, 462 membres ont été en mesure de présenter leurs arguments, et il s'agit d'un rapport percutant. Pourquoi cela n'est-il pas fait partout au pays en vue de créer une base de référence?
J'ai ensuite demandé: «Y aura-t-il un processus de vérification d'ici un an ou deux?» Non, le vérificateur n'en prévoyait pas, ce qui me donne à penser que, même si les intentions sont bonnes, il n'y a pas vraiment une compréhension des mesures à prendre. Si vous étiez chargé de ce dossier, vous diriez: «Je mènerai une vérification, je la ferai maintenant et ultérieurement, je vais m'assurer que tous les éléments sont en place; j'aurai un budget, et la personne responsable connaîtra le budget.» Par contre, je ne crois pas que cela se produit actuellement.
M.Toews: Je crois savoir que la GRC fait exactement cela. Je ne sais pas si vous pourriez fournir un bref résumé à cet égard.
M.Paulson: Nous faisons exactement ce que vous venez de dire. Nous mettons actuellement en œuvre un plan relatif à un milieu de travail respectueux pour chaque division. Le ministre m'a ordonné clairement d'établir un plan visant l'égalité des sexes et le respect. Nous avons élaboré un plan d'action global intitulé «Égalité entre les sexes et respect» et nous le mettons actuellement en œuvre. Nous avons nommé un agent supérieur qui s'en occupe actuellement, alors je ne sais pas pourquoi vous croyez qu'aucune mesure n'est prise, car il y en a.
Le sénateur Mitchell: Ce sont simplement les réponses que j'ai eues. Je vous ferai parvenir le texte.
M.Toews: Merci.
Le sénateur Nolin: Monsieur le ministre, monsieur Guimont et monsieur Paulson, merci d'avoir accepté de venir. J'étais content de vous entendre faire le lien entre le projet de loiC-42 et le projet de loiC-45 dans vos observations préliminaires.
Monsieur le ministre, les employés civils de la GRC sont préoccupés — et vous en avez parlé dans votre exposé préliminaire — par le fait qu'essentiellement, ils ne veulent pas avoir plus de droits. Tout ce qu'ils veulent c'est de ne pas avoir moins de droits qu'ils n'en avaient avant le 31 décembre, date à laquelle le projet de loiC-45 s'est appliqué au Conseil du Trésor. Ils veulent être rassurés par vous, en tant que ministre, et, évidemment, par le gouvernement, et ils veulent savoir qu'ils conserveront en quelque sorte leurs droits, comme c'est le cas de tous les autres fonctionnaires, le 31 décembre 2012, date à laquelle le projet de loiC-45 est entré en vigueur. C'est ce qu'ils attendent de vous. Bien sûr, je respecte totalement le fait que le gouvernement trouvera la bonne façon de faire, et il y aura forcément des discussions entre le Conseil du Trésor et leurs représentants pour assurer une transition en douceur vers le projet de loiC-45, mais ils veulent être rassurés et savoir qu'ils ne perdront pas au change.
M.Toews: Comme il a été dit, même si je suis responsable de la GRC, je ne suis pas l'employeur. Je tiens à vous assurer que les préoccupations que vous avez soulevées et que j'ai mentionnées dans ma déclaration préliminaire seront abordées avec le Conseil du Trésor.
Le sénateur Nolin: Je crois savoir que nous accueillerons plus tard des représentants du Conseil du Trésor dans le cadre de l'étude du projet de loiC-42, et je leur poserai une question plus précise sur la façon dont ils veulent régler la question relative aux politiques que vous considérez comme importante.
Le sénateur Campbell: Disposons-nous d'un plan continu à long terme destiné aux membres civils? Nous recevons beaucoup de courriels; il y a 3 800 membres civils. Je sais que c'est le Conseil du Trésor qui leur répondra, mais ils ont des préoccupations légitimes.
En tant qu'ancien membre de la Gendarmerie royale du Canada, je sais à quel point les membres civils sont importants et je n'irais pas jusqu'à dire qu'il y a un manque de confiance si vous n'êtes pas un membre civil, mais il y a certainement quelque chose de préoccupant lorsqu'un membre parle avec un membre civil ou lorsqu'on sait qu'il est question d'un membre civil est impliqué.
Pourquoi faisons-nous cela? Pourquoi placer les membres civils sous la rubrique de la fonction publique?
M.Paulson: Pour deux raisons. Tout d'abord, c'est ce que nous appelons la discussion sur les catégories d'employés, car nous avons effectivement trois grandes catégories. Nous avons les membres réguliers, les membres civils et les fonctionnaires, mais sachez, monsieur Campbell, qu'il y a également des employés municipaux et des employés provinciaux. Des efforts de longue date ont été déployés afin d'accroître l'efficience du service de police.
De plus, vous avez peut-être remarqué que la loi actuelle ne contient aucune disposition prévoyant l'embauche de membres civils à la GRC. De fait, aucune disposition n'a jamais prévu l'embauche de membres civils à la GRC. Il y a des dispositions relatives à des questions de pension, mais, dans tous les cas, l'idée est de tout réunir.
Comme je l'ai dit lors des séances de discussion ouverte, si nous pouvions avoir une seule catégorie d'employés, ce serait l'idéal. Le fait d'avoir une catégorie de fonctionnaires comptant des personnes compétentes, motivées, instruites et formées sur le plan professionnel qui accomplissent les mêmes tâches que nos membres civils à l'heure actuelle est une approche de RH beaucoup plus efficiente que le fait d'avoir trois catégories.
Le bureau administratif qui se trouve à l'administration centrale s'occupe de l'ensemble des systèmes de rémunération, des systèmes de gestion et des systèmes de perfectionnement des membres civils et rassemble les diverses fonctions de l'organisation, ce qui nous procure une certaine efficience.
Le sénateur Campbell: Passeriez-vous à une seule catégorie de membre régulier et à une catégorie de fonctionnaire? Est-ce que ce serait là vos deux catégories?
M.Paulson: C'est exactement cela, oui.
Le sénateur Campbell: Il n'y aurait aucune catégorie des membres civils entre les deux?
M.Paulson: C'est exact.
Le sénateur Campbell: Serait-il possible de permettre aux personnes de conserver leurs droits en tant que membres civils? Elles ont des attentes à l'égard de la pension et de la prime d'ancienneté versée après cinq ans. Un paquet de choses sont liées à ce statut. Les gens ont pris des décisions importantes en fonction de cela, alors, serait-il possible de permettre aux membres civils de conserver leurs droits et de connaître la date à compter de laquelle ils seront considérés comme des fonctionnaires?
M.Toews: C'est essentiellement la discussion qui se tiendra avec le Conseil du Trésor pour veiller à ce que le tout se déroule de façon équitable. Comme je l'ai indiqué à certains de vos collègues, je vais certainement m'assurer que le Conseil du Trésor est au courant des préoccupations soulevées par ces gens qui — comme vous l'avez dit— ont pris des décisions relatives à leur carrière et qui risquent maintenant d'être touchés par les modifications apportées au cadre législatif.
Le sénateur Campbell: Merci beaucoup, monsieur le ministre et monsieur le commissaire.
Le sénateur Patterson: Je voulais remercier les témoins. J'aimerais demander au ministre... Je sais que nombre de facteurs nous ont menés à cette nouvelle loi. Pourriez-vous décrire brièvement le processus de consultation qui nous a menés jusqu'ici aujourd'hui?
M.Toews: Le processus est très étendu. Comme vous le savez peut-être, le projet de loi et l'ensemble des mesures législatives comprenaient, au départ, des dispositions relatives à la syndicalisation de la GRC. Cela découlait de certaines décisions des tribunaux. Le problème, c'était que, lorsqu'on lisait les décisions des tribunaux, elles n'avaient pas vraiment de sens — et je le dis de façon très respectueuse — lorsqu'on tentait de les appliquer au milieu de travail. À la lumière de mon expérience du droit du travail et du droit constitutionnel, j'avais l'impression que quelque chose clochait dans cette décision. La décision a fait l'objet d'un appel, et nous avons attendu et attendu. Nous avons mené des consultations étendues auprès du commissaire, de commissaires antérieurs, d'autres personnes et des membres sur la façon dont les changements devraient avoir lieu. En fin de compte, j'ai décidé que nous ne pouvions plus attendre que les tribunaux se prononcent sur la syndicalisation, et j'ai simplement dit que nous irions de l'avant avec le projet de loiC-42 qui se trouve — pour l'essentiel — devant vous aujourd'hui, et nous avons laissé la syndicalisation de côté. Les tribunaux se sont ensuite prononcés et ont annulé certains des aspects déconcertants au sujet de la syndicalisation qui figuraient dans la loi. À ce moment-là, nous étions déjà rendus trop loin pour pouvoir intégrer ces aspects dans la loi, alors nous les avons laissés de côté.
M.Paulson a peut-être quelque chose à ajouter; je sais que la consultation a été menée avant votre entrée en fonction.
M.Paulson: Nous avons mené de vastes consultations dans l'organisation. D'ailleurs, nous préparons une section sur la planification qui comprend toutes les composantes de l'organisation, au cas où le projet de loi serait adopté. Nous avons tenu des consultations à l'extérieur de l'organisation, c'est-à-dire auprès d'autres organisations et d'autres services de police, et nous avons comparé certaines pratiques proposées aux approches les plus modernes en matière de systèmes de RH des services de police, alors nous avons mené des consultations étendues.
Le sénateur Day: Messieurs, le premier aspect que j'aimerais aborder est le parallèle avec le Service canadien du renseignement de sécurité et son organisme de surveillance, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, et plus particulièrement, l'accès aux documents. Je crois savoir que CSARS est constitué de membres du Conseil privé et que ce niveau de pouvoir leur est accordé. Envisagez-vous d'accorder un niveau d'habilitation semblable aux membres du nouveau comité d'examen civil?
M.Paulson: Je crois que nous envisageons cette possibilité, sous réserve de certains privilèges qui sont en place dans tous les cas d'application d'une approche semblable.
M.Toews: C'est très étendu, si vous examinez la loi. Je sais que nous avons eu des discussions assez importantes sur la mesure dans laquelle des éléments devraient être abandonnés et des privilèges devraient être maintenus. À notre avis, la capacité d'accéder aux documents devrait être accrue, moyennant certaines mesures de protection.
Le sénateur Day: Cela permet de démontrer le parallèle selon lequel le CSARS fonctionnait assez en ce qui concerne le SCRS.
M.Toews: Oui, mais le contexte est différent, il y a des différences. Je ne saurais vous le dire de mémoire, mais je sais que, lorsque j'ai participé aux discussions, la question de l'examen du SCRS et de la divulgation par le CSARS a certainement été abordée de façon approfondie, et nous avons conclu qu'il s'agissait d'une situation suffisamment appropriée pour laquelle nous voulions aller de l'avant.
Le sénateur Day: Mon autre point — qui découle du premier — porte sur la relation entre l'organe civil d'examen dont la création est envisagée dans le projet de loi et la disposition relative aux incidents graves dont les dossiers peuvent être renvoyés à un organisme de surveillance ou d'examen dans une des provinces, si un tel groupe existe.
Pouvez-vous décrire la relation en ce qui concerne un incident grave? C'est peut-être un élément que l'organisme d'examen civil voudrait examiner, mais vous aimeriez également renvoyer le dossier à un organisme de surveillance de la province où l'incident grave est survenu. Comment cela fonctionnera-t-il, et qui sera le responsable?
M.Toews: La compétence est très différente. Elle est presque exclusivement liée aux enquêtes criminelles. C'est pourquoi nous préférons que la police n'enquête pas sur la police, dans la mesure où un organisme indépendant peut s'en charger. Un pouvoir d'examen légèrement différent, lié à des affaires non criminelles, serait conféré à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes proposée.
M.Paulson: Dans notre contexte contractuel, la Colombie-Britannique vient de mettre en place un nouveau mécanisme d'examen indépendant à l'égard des incidents impliquant la police où des gens sont tués ou gravement blessés ou à l'égard d'autres incidents. Elle a le pouvoir discrétionnaire de faire enquête. Ce qu'on envisage pour la CCETP, c'est qu'elle soit en mesure de prendre cette décision et de renvoyer le dossier à un tel organisme. À l'heure actuelle, il y a une impasse législative entre la CPP et les organismes qui font leur apparition dans chaque province. C'est un mécanisme qui permet à la CCETP d'aiguiller des dossiers vers l'organisme d'examen, lorsqu'il y en a un.
Le sénateur Day: Sur le plan de la compétence, nous avons un organisme provincial qui enquête sur des employés fédéraux.
M.Paulson: C'est exact.
Le sénateur Day: Est-ce qu'il faudrait que vous interveniez dans chaque cas afin de déléguer ce pouvoir à l'organe provincial?
M.Paulson: Non. Nous le faisons dans un contexte relatif au service de police provincial ou dans un contexte municipal. Avec cette nouvelle loi, nous consacrons l'idée selon laquelle il a toujours été possible de mener un examen indépendant de la GRC et une enquête indépendante sur des incidents qui sont d'intérêt public, mais, dans certaines provinces, de tels organes d'examen n'existaient pas. À présent, ils apparaissent dans toutes les administrations. Le ministre et moi-même ne nous opposons pas aux examens menés à ce chapitre. Quant au service de police fédéral, la CCETP sera en droit de se présenter sur les lieux, d'ouvrir nos classeurs et de nous poser des questions sur nos politiques et les enquêtes en cours. Je crois que c'est un bon compromis à l'égard de nos activités.
Le sénateur Day: J'aimerais poursuivre, mais je crois que le temps du ministre est écoulé.
M.Toews: Cela porte parfois un peu à confusion, non pas pour les personnes qui travailleront avec la loi, mais pour un non-spécialiste et les personnes de l'extérieur. Au bout du compte, ces organismes d'examen provinciaux n'ont pas le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires visant un agent; c'est toujours la compétence fédérale qui s'en occupe.
Le sénateur Day: C'est utile.
M.Toews: L'examen mené pourrait recommander, par exemple, des accusations au pénal. L'affaire pourrait ensuite être présentée au procureur de la Couronne qui l'examine, puis elle pourrait être présentée aux tribunaux. Au bout du compte, la question de la discipline sera non pas de la compétence provinciale, mais toujours du ressort de la compétence fédérale en raison du problème constitutionnel.
Le sénateur Day: C'est utile, monsieur le ministre. Merci.
Le président: Monsieur Dallaire, une autre question pour le ministre. Elle sera courte, car il est presque 17 heures.
Le sénateur Dallaire: En ce qui concerne la CCETP, il est dit que «la commission peut, de sa propre initiative ou à la demande du ministre» — et c'est à vous que je pose la question, monsieur—, «effectuer l'examen d'activités précises». Vous donnez donc au commissaire une trousse d'outils complète. Je comparerais cela à la situation du CEMD, en quelque sorte. On vous donne une toute nouvelle trousse d'outils pour mieux faire votre travail, mais, dans votre rôle de ministre, allez-vous mettre sur pied un organisme de surveillance, soit la CCETP dont vous fixerez les orientations, soit un autre organisme qui fera en sorte que le programme de réformes que le commissaire veut mettre en œuvre le sera, et qu'il lui donnera, comme au peuple canadien, le sentiment d'avoir réalisé une réforme et de l'avoir fait, très rapidement? Avec une somme de 5 ou de 10 millions de dollars, je serais surpris que vous puissiez y arriver. Nous avons dû créer le nouvel Institut de leadership des Forces canadiennes et nous doter de toutes sortes d'autres actifs, au fil des ans, pour y arriver. Ne pensez-vous pas que votre rôle sera important dans ce plan de mise en œuvre?
M.Toews: Il est certain qu'il faudra que le gouvernement assure un certain degré de leadership et de direction. Toutefois, puisqu'il s'agit d'une force de police indépendante, nous devons être très clairs. C'est pourquoi je me réjouis de pouvoir tout simplement renvoyer une question à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes qui est proposée et de lui laisser mener l'enquête appropriée, ce qu'elle peut aussi faire de sa propre initiative. Au bout du compte, on va toujours me soumettre les observations de la CCETP. Je peux aussi m'adresser directement au commissaire et lui dire, par exemple: «Je suis très mécontent de ce qui se passe dans le service de police. J'ai reçu un rapport de la CCETP, qui affirme certaines choses, mais je veux que vous me le confirmiez.» Cela n'enlève pas au ministre la responsabilité, au sens où l'entend le Parlement, à l'égard de cette organisation.
Je considère qu'il s'agit d'un outil supplémentaire qui procure à la GRC un certain degré de surveillance, mais je considère quand même que les ministres doivent rendre des comptes sur leurs relations avec la GRC.
Le président: Il est maintenant 17 heures. Nous devons excuser le ministre. Monsieur le ministre, merci beaucoup d'avoir parrainé ce projet de loi — je sais qu'il s'agissait d'un travail de longue haleine — et d'avoir pris le temps encore une fois de comparaître devant le comité. Nous apprécions toujours votre disponibilité.
Nous allons continuer de poser des questions à nos autres témoins, à savoir le commissaire Bob Paulson et le sous- ministre François Guimont. M.Mark Potter, directeur général, Direction générale des politiques en matière de police, Sécurité publique Canada, est également venu à titre de témoin pour soutenir le sous-ministre.
Le sénateur Dallaire: Je m'adresserai maintenant au sous-ministre, si vous me le permettez, pour parler de sa responsabilité touchant la mise en œuvre du projet de loi et le respect des exigences que le commissaire pourrait imposer aux fins du règlement, qu'il prendra pour mettre en place la réforme dont il dit avoir besoin.
Dans la mise en œuvre du projet de loiC-42, y a-t-il des demandes de la GRC auxquelles il ne sera pas possible de répondre en raison d'un manque de ressources quelconque?
M.Guimont: Merci de poser la question. Quand j'ai parlé du budget, un peu plus tôt, j'ai bel et bien souligné que le budget actuel lié à l'intégrité des programmes de la CPP sous sa forme actuelle a été augmenté et qu'une somme supplémentaire de 1,9million de dollars sera versée. La décision a été fondée sur une analyse de rentabilisation, et je suis convaincu que M.Potter pourrait vous en parler. Il s'agit évidemment de prévisions, mais nous sommes convaincus que, grâce à cette augmentation, avec ce budget permanent, le nouvel organisme pourra fonctionner et s'acquitter de ses responsabilités.
Le sénateur Dallaire: J'aimerais poursuivre sur le même sujet, si vous me le permettez. Je pense aux énormes responsabilités qui sont conférées au commissaire dans le cadre de la réforme de la structure, et je n'oublie pas que nous avons déplacé des pouvoirs et des responsabilités à des niveaux inférieurs. Il y aura beaucoup à faire au chapitre des réformes, de l'éducation, de la formation et du perfectionnement du corps des officiers, des officiers supérieurs ou intermédiaires et du corps des sous-officiers, et les changements se feront probablement sentir jusqu'au Dépôt, dans la durée de certaines des formations requises, car il vous faudra ajouter quelques éléments. Si leurs dépôts sont comme les autres, ils fonctionnent déjà à plein régime, et il n'y a plus de place dans le programme de cours; vous aurez probablement besoin de plus de temps.
On parle de la «formation» de compressions budgétaires. Ce n'est pas pour rien que je vous regarde, monsieur. Quand on veut mettre en œuvre des changements de cette ampleur, et il est difficile de les quantifier pour le moment, y a-t-il une quelconque possibilité qu'on impose des restrictions ou des limites ou qu'on ne dispose pas des ressources nécessaires pour mettre en œuvre concrètement cette réforme?
[Français]
M.Guimont: Je dirais simplement qu'avec la nouvelle commission, nous croyons que les ressources qui sont mises de côté seront suffisantes.
Je ferais par contre une distinction, monsieur le président.
[Traduction]
Le modèle de gestion des ressources humaines de la GRC, dont je vais laisser le commissaire Paulson parler, est en grande partie indépendant de l'enveloppe budgétaire qui sera donnée à la commission.
Le sénateur Dallaire: Ce n'est qu'un aspect.
M.Guimont: Ce n'est qu'un aspect. Je suis sûr que M.Paulson peut vous en parler. C'est très important, car certains gains en efficience pourraient nous aider à économiser des ressources, mais je vais laisser le commissaire Paulson en parler.
M.Paulson: Pour répondre à votre question — qui était très large, sénateur —, nous avons un effectif de RH important et assez robuste. En fait, nous sommes actuellement en train d'améliorer l'efficience de nos mécanismes de gestion des RH dans le but d'optimiser les ressources de notre service de RH, de l'administration centrale jusqu'aux divisions. Nous prévoyons également utiliser ce montant de 10 millions de dollars, somme importante qui a été mise de côté, pour mettre en place les activités de formation requises pour donner suite au projet de loi. Cela comprend la formation des sous-officiers, des officiers... la surveillance centrale. Nous sommes absolument convaincus de pouvoir le faire avec cette somme et en nous appuyant sur nos imposants mécanismes de gestion des RH existants. Cependant, vous le réalisez sûrement, il est impossible d'estimer le coût de la révolution que nous essayons de réaliser au chapitre de la formation des dirigeants, de la formation des gestionnaires et, de manière plus générale, de nos mécanismes de gestion des RH.
Le sénateur Duffy: Monsieur le commissaire, j'aimerais poursuivre sur le même sujet; les nouveaux qui entrent au dépôt pour y suivre une formation reçoivent-ils, à l'heure actuelle, des instructions touchant le respect en milieu de travail et la bonne entente qui doit régner entre eux?
M.Paulson: Oui, ils reçoivent des instructions. Cela fait d'ailleurs partie des cours de perfectionnement du dépôt et de la formation sur le terrain, et cela se poursuit lorsque les nouveaux employés commencent à assumer de plus en plus de responsabilités. Je suis très satisfait de la façon dont nous avons conçu l'approche touchant le respect en milieu de travail que nous proposons à nos jeunes recrues. Je ne crois pas qu'ils représentent une grande part du problème.
Le sénateur Duffy: Comme nous le voyons souvent dans la vie, il se peut que ce soit en partie une question de génération, et c'est pourquoi il faut agir tôt.
L'une des différences entre la GRC et les forces armées, que certains Canadiens ne comprennent peut-être pas, c'est que, à la GRC, tout le monde commence à un poste de gendarme, et tout le monde suit la même formation. Les choses ne se passent pas comme cela dans les forces armées, où le corps des officiers suit une formation différente de celle des militaires du rang. En quoi pensez-vous que cela vous aidera dans cet important projet, c'est-à-dire le fait que tous ces gens vont suivre exactement la même formation?
M.Paulson: Cela m'aide à comprendre le point de vue de nos gendarmes de première ligne ainsi que celui de nos gestionnaires intermédiaires et de nos cadres supérieurs. Je m'estime très chanceux d'avoir la possibilité de connaître ces divers points de vue. Cela dit, je reconnais qu'il nous faut faire un effort — j'en ai déjà discuté avec le sénateur — en ce qui concerne le professionnalisme ou le renforcement du professionnalisme de notre corps des officiers. Nous y consacrons beaucoup d'énergie en ce moment même.
Le sénateur Duffy: Enfin, en ce qui concerne le moral des troupes, combien de gens, membres civils et fonctionnaires confondus, cela concerne-t-il, environ?
M.Paulson: Au total, un peu plus de 30000 personnes.
Le sénateur Duffy: C'est la taille d'une petite ville. À l'Île-du-Prince-Édouard, cela serait une grande ville. Comment évalueriez-vous le problème de harcèlement au sein de cet effectif de 30000personnes par rapport au même problème dans les milieux de travail industriels, de manière générale? Loin de moi l'idée de minimiser le problème, mais je crois qu'il est important, quand il s'agit d'une institution nationale que nous tenons tous en très haute estime, d'examiner les plaintes et les commentaires connexes dans le contexte de la société en général. Après tout, ces 30000personnes dont vous êtes responsable sont des Canadiens ordinaires qui ont reçu une formation en vue de faire des choses extraordinaires.
M.Paulson: Oui, sénateur,, et je peux dire que nos statistiques en matière de harcèlement — je les ai sous la main et je peux vous les donner tout de suite, si vous le voulez — sont comparables, si vous me passez l'expression, aux statistiques touchant d'autres forces de police. En fait, les chiffres sont inférieurs à ceux de certains autres services de police et sont comparables à ceux de l'industrie. Cependant, ce qui distingue la GRC des autres, c'est que les Canadiens attendent beaucoup d'elle et qu'ils en retirent beaucoup de fierté. Il y a eu ces dernières années des cas de mauvaise conduite dont les médias ont beaucoup parlé, et les gens sont déçus, car ils s'attendent à mieux de la part de la GRC. On ne peut rationaliser ces gestes. Nous devons nous conduire selon des normes beaucoup plus élevées, et mes officiers sont prêts à relever le défi.
Le sénateur Mitchell: Il n'y a pas si longtemps, j'ai appris dans les journaux, monsieur le commissaire, que vous aviez commencé à colliger des données et à tenir des statistiques pour suivre ces problèmes, et c'est une excellente nouvelle. On a souligné que les tribunaux avaient été saisis d'un certain nombre de ces cas problématiques. De ce nombre, il y avait 35 dossiers d'agression sexuelle ou de voies de fait, 30 cas où des officiers ont été déclarés coupables d'avoir conduit ou d'avoir travaillé en état d'ébriété et 29 cas où des membres de la GRC ont été déclarés coupables d'avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses. J'aimerais vous donner la chance de clarifier tout cela, car je suis sûr que ce n'est pas le genre de message que vous voulez envoyer. Selon l'article, vous avez affirmé que, dans 95p.100 des cas, les gens avaient tout simplement fait une erreur. Ce n'est pas le genre de message que vous voulez envoyer à vos membres sur la façon de régler ce type de problème, car il est évident que les agressions sexuelles et le travail avec facultés affaiblies ne sont pas des erreurs. C'est beaucoup plus que cela. Pourriez-vous commenter?
M.Paulson: Je vais répondre à ce que je crois que vous me demandez, mais je ne sais vraiment pas quelle est votre question. Si vous me demandez si, à mon avis, l'agression sexuelle, le fait de venir travailler en état d'ébriété et les autres choses dont vous avez parlé sont de simples erreurs, vous avez raison: ce n'est pas cela que je voulais dire.
Je vais prendre un instant pour revenir sur la question, car je me rappelle avoir fait ces commentaires. J'ai dû réagir publiquement à certains de ces événements, et mes membres sont venus me parler: «Monsieur le commissaire, attention, ne nous mettez pas tous dans le même panier, avec ces gens-là. Ne faites pas ça. Nous faisons un travail impeccable, tous les jours, et nous suons sang et eau pour les Canadiens. Arrêtez ça, monsieur le commissaire.» C'est pour illustrer cette situation que j'ai utilisé ce pourcentage de 95p.100. De manière générale, nos membres, comme on l'a bien vu aujourd'hui, font pour les Canadiens un travail exceptionnel, mais il suffit d'une pomme pourrie, selon l'expression utilisée par les médias, pour ternir la réputation de l'organisation. Je crois qu'il s'agit ici de réunir les outils nécessaires de façon que des événements comme ceux-là n'amènent pas le public à retirer sa confiance à la Gendarmerie royale du Canada.
Le sénateur Mitchell: Que feriez-vous dans une situation comme celle que j'ai évoquée plus tôt? La jeune femme en question n'est pas responsable. Les procédures que vous avez utilisées ont démontré clairement qu'elle n'est pas responsable. Mais c'est elle qui doit partir. Ne pourriez-vous pas prendre le téléphone et dire: «Non, je vais intervenir et demander à tous les autres de partir»? Est-ce que cela n'enverrait pas un message puissant?
M.Paulson: Tout à fait. Ce que nous essayons de dire, sénateur, c'est que nous voulons intervenir immédiatement dans ce type de conflits en milieu de travail. Nous ne voulons pas devoir nous rendre jusque devant un tribunal disciplinaire parce que certaines personnes qui travaillent ensemble ne s'entendent pas. Nous voulons que les superviseurs interviennent dès le début. Je veux que mes dirigeants connaissent leur personnel et qu'ils en soient responsables.
Je crois que je sais de quel cas vous parlez. Quand vous dites qu'elle a été forcée de partir, je crois que ce sont les circonstances qui l'ont amenée à partir, mais je crois qu'elle était d'accord et qu'elle a demandé à aller ailleurs. Je n'exclus pas que...
Le sénateur Mitchell: Elle n'avait peut-être pas le choix.
M.Paulson: C'est vrai. Je vous le concède.
Le sénateur Mitchell: Enfin, votre argument, qui est convaincant, c'est qu'il faut que la démarche vienne d'en haut et que les gens apprennent, et vous êtes en train de mettre en place divers processus. Je vois que vous avez un programme de perfectionnement pour les superviseurs et un autre pour les gestionnaires et que ces deux programmes sont obligatoires. Cependant, nous avons vu dans un rapport des statistiques selon lesquelles seulement 699 des 1 872 personnes qui ont suivi le programme de perfectionnement pour les superviseurs l'ont terminé, et seulement 276 des 699 personnes qui ont suivi le programme de perfectionnement pour les gestionnaires l'ont terminé. Il y a clairement un lien avec le harcèlement.
Le président: Veuillez poser votre question. Il y a trois autres sénateurs qui désirent poser des questions.
Le sénateur Mitchell: Comment faites-vous pour que les gens comprennent qu'il est important pour eux de suivre ces cours, de se conformer à vos ordres et de respecter votre structure de commandement?
M.Paulson: Je peux répondre brièvement. Je me suis attaqué à ce problème particulier. Je comprends votre préoccupation. Il faut lier l'avancement à la réussite de ces programmes.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je ne sais pas si la réponse sera celle du sous-ministre Guimont ou du commissaire, mais je vais explorer un peu plus cette question de l'interaction entre les projets de loiC-42 et C-45.
Je présume que lorsque le projet de loiC-42 a été déposé, en juin 2012, vous vous attendiez à ce qu'il soit adopté avant le projet de loiC-45 et que toute la transition pourrait se faire adéquatement.
Quel était le plan, en juin, lorsque vous avez finalement obtenu l'autorisation de déposer le projet de loiC-42? Est-ce que l'idée était de transférer les employés civils sous l'autorité du Conseil du Trésor avec les droits acquis sous la GRC?
Dans le fond, je veux juste rassurer les gens qui nous écoutent et qui ont commencé à nous écrire depuis janvier. J'entends parler de cela depuis janvier, février 2013, parce que les gens comprennent qu'il y a une interaction non anticipée entre ces deux lois et veulent savoir où en sont leurs droits.
Quelle était votre planification à l'époque? Je présume que ce n'était pas de leur enlever des droits. Je ne sais pas lequel de vous deux veut répondre.
M.Guimont: Lequel de nous trois, en fait. À moins que M.Paulson n'ait la réponse, je vais laisser M.Potter répondre.
[Traduction]
Mark Potter, directeur général, Direction générale des politiques en matière de police, Sécurité publique Canada: Comme le ministre l'a indiqué, cette question concerne en réalité les employeurs. Il y a dans le projet de loi une disposition qui leur permet de convertir des postes du personnel civil en postes de fonctionnaires. C'est le Conseil du Trésor qui, en tant qu'employeur, a cette responsabilité. Je crois avoir entendu quelqu'un ici mentionner que le Conseil du Trésor va comparaître devant votre comité. Ses représentants pourront vous dire où en est rendue l'analyse qu'ils mènent sur cette conversion. Toutefois, si on pense aux répercussions sur les membres civils et leurs conditions d'emploi, il faut certainement tenir compte également des changements globaux que le gouvernement a apportés aux pensions des fonctionnaires. Je n'ai aucun renseignement de première main quant à ce processus, mais je sais que c'est une analyse qui se poursuit.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je comprends ce que M.Potter vient de nous dire. Je veux savoir quelle était l'idée avant. Qu'est- ce que vous vouliez faire avec ces gens? Je présume que vous ne vouliez pas leur enlever des droits.
M.Paulson: Non, pas du tout.
Le sénateur Nolin: Je veux tout simplement que vous le disiez publiquement.
M.Paulson: Je vais vous répondre en anglais.
Le sénateur Nolin: Allez-y.
[Traduction]
M.Paulson: Comme on l'a souligné, c'est le Conseil du Trésor qui est l'employeur, et il est entendu que cette transition, si elle doit être appliquée, exigera un certain nombre d'engagements de nature administrative. Le personnel de Sécurité publique travaille de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor à trouver dans quelles catégories de la fonction publique les postes se retrouvent ou, s'ils ne se retrouvent dans aucune catégorie, pour les décrire, tout cela dans un souci d'équité. Je ne veux pas en dire plus, car c'est le Conseil du Trésor qui est l'employeur, mais nous travaillons sans relâche à élaborer un cadre pour que la transition soit le plus juste et le plus équitable possible, dans la tradition du gouvernement du Canada.
Le sénateur Day: J'aimerais revenir sur la question dont nous parlions, et j'essaie de bien comprendre ce rôle de délégation à un organisme de surveillance civile. Je crois vous avoir entendu dire que cela ne se ferait que dans les cas où l'activité est visée par un marché de services de police liant l'autorité fédérale et une province, ce qui exclurait, par exemple, les aéroports, qui relève de la compétence fédérale. Donc, s'il se produisait un incident grave dans un aéroport de Vancouver, est-ce que nous devrions nous attendre à ce que la commission délègue le pouvoir à un organisme de surveillance provincial, s'il en existait un?
M.Paulson: Je vais demander à M.Potter de prendre la parole à ce sujet, puisqu'il est plus au fait que je le suis. Si j'ai bien compris, il y a une distinction à faire en ce qui a trait aux enquêtes criminelles concernant nos membres, une responsabilité qui relève du gouvernement provincial. Pour ce qui est des autres mécanismes de surveillance de notre pratique, de nos comportements, de notre conduite, c'est une autre question, et peut-être que je devrais arrêter là.
M.Potter: Merci, sénateur. Je crois qu'il serait probablement utile de dire pour commencer que tout incident particulier où un membre du public interagit avec la GRC peut donner lieu à trois processus distincts, quoique parfois reliés. Il peut y avoir un processus de plaintes du public, il peut y avoir un processus d'enquête criminelle et il peut y avoir un processus disciplinaire interne. Chaque incident peut donner lieu à chacune de ces trois voies ou déclencher ces processus. Je crois que vous voulez parler de la voie de l'enquête criminelle, tandis qu'ici nous parlons de la question de la police qui enquête sur la police, une question clé en ce qui a trait à la confiance du public et à l'obligation de lui rendre des comptes.
En ce qui concerne le cadre que nous sommes en train d'établir, nous nous efforçons d'avoir les freins et contrepoids appropriés afin d'assurer la nature indépendante et impartiale de ces enquêtes, puisqu'elles sont tellement essentielles pour que le public ait confiance en la GRC.
Nous avons une hiérarchie à trois niveaux. S'il y avait un incident, disons des voies de fait alléguées en Colombie- Britannique impliquant un membre de la GRC et un membre du public, en premier lieu, le commissaire de la GRC doit contacter l'autorité désignée du gouvernement provincial, au bureau du procureur général, et l'informer de la nature de l'incident. Ce fonctionnaire provincial a l'obligation de faire appel à l'organisme indépendant chargé de l'examen des enquêtes sur la police. En Colombie-Britannique, il y en a un qui est relativement nouveau. Il s'agit d'un organisme civil entièrement indépendant, et c'est lui qui mènera l'enquête. Cela fonctionne en Colombie-Britannique, en Alberta et en Nouvelle-Écosse, où il y a ces organismes provinciaux, qui sont des organismes d'enquête indépendants qui s'intéressent surtout aux enquêtes sur la police. C'est la première étape. Cela assure le niveau maximal d'indépendance d'une enquête sur un incident impliquant la police.
Si, par exemple, vous êtes en Saskatchewan et que le gouvernement provincial n'a pas créé de tel organisme, vous passez au prochain niveau de la hiérarchie, puisque le commissaire a l'obligation de faire appel à une force policière distincte. Supposons qu'un incident a lieu dans une région rurale de la Saskatchewan. Vous demanderiez à la police de la ville de Saskatoon, un service de police entièrement distinct, de mener l'enquête.
Si vous êtes aux Territoires du Nord-Ouest ou au Nunavut et qu'il n'y a aucun autre corps policier municipal, la GRC pourrait avoir l'obligation, également pour des motifs opérationnels, d'enquêter sur elle-même. Dans ce cas, vous respectez les protocoles qui ont été créés par le commissaire aux plaintes du public, et la GRC a des protocoles visant à assurer l'impartialité.
En outre, nous avons créé un autre niveau de responsabilisation pour ces deuxième et troisième paliers. Ainsi, si c'est la police de Saskatoon ou la GRC qui enquête sur elle-même, vous pouvez nommer un observateur. La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes nommerait un observateur indépendant, qui observerait et évaluerait l'intégralité de l'enquête afin d'en assurer l'impartialité. S'il avait des préoccupations, à tout moment au cours de l'enquête, il en ferait part, à mi-chemin ou à la fin, au commissaire, au chef de la police de, disons, Saskatoon et au chef de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes. Si ces personnes ne peuvent rien faire, l'observateur en parlerait au procureur général de la province afin qu'il prenne les mesures appropriées et modifie le cours de l'enquête.
Il y a un certain nombre de freins et de contrepoids que l'on crée dans ce domaine délicat qu'est la police qui enquête sur la police, qui traite d'allégations criminelles.
Le sénateur Day: Vous avez dit que le commissaire doit faire comme à l'habitude s'il s'agit d'une enquête criminelle, mais, ensuite, vous avez commencé à évoquer la participation de la commission civile, dans le cas non pas d'une enquête criminelle, mais d'une plainte?
M.Potter: Exactement.
Le sénateur Day: Le motif lié aux politiques ici, comme vous l'avez mentionné à de nombreuses reprises, c'est que la GRC ne devrait pas être une force policière qui enquête sur elle-même. Nous sommes en train de créer cette Commission civile d'examen et de traitement des plaintes, qui est indépendante de la police, mais vous déléguez tout de même des pouvoirs à une autorité à l'échelon provincial dans ce cas, alors que vous n'avez pas vraiment à le faire étant donné la politique sur les situations où la force policière doit enquêter sur elle-même.
M.Potter: Nous parlons de deux ou trois voies, et il est important de les distinguer simplement pour nous assurer de bien les comprendre. Il y a une voie qui touche aux enquêtes criminelles. J'ai expliqué les trois paliers, et le commissaire les connaît très bien.
Le sénateur Day: Je comprends cela. Le commissaire a l'obligation de renvoyer l'affaire à la province où l'incident a eu lieu.
M.Potter: Exactement. Il s'agit de la voie de l'enquête criminelle. Parallèlement, il pourrait également y avoir une enquête sur une plainte. Ce même Canadien qui était impliqué dans cet incident non seulement fait partie d'un processus d'enquête criminelle, mais il dépose également une plainte, que la GRC va tout d'abord examiner. Toutefois, s'il n'est pas satisfait de la réponse de la GRC, la Commission civile indépendante d'examen et de traitement des plaintes, qui s'appuie sur un organisme existant — la Commission des plaintes du public contre la GRC —, dispose de pouvoirs accrus. Cet organisme mènerait l'enquête sur la plainte. Donc, vous pourriez avoir deux voies distinctes.
Le sénateur Day: Cet organisme ne déléguerait pas ces pouvoirs à la province?
M.Potter: Non.
M.Guimont: En fait, la terminologie qui a été utilisée dans le cadre de la consultation était de doter les Canadiens d'une politique d'accès à un «guichet unique». C'était l'objectif. Plutôt que de simplement avoir à se présenter à la commission, ils pourraient recourir à un organisme provincial qui, ensuite, les aiguillerait. Cependant, cela ne s'applique qu'aux activités non criminelles, qui ont été décrites comme devant être traitées de manière indépendante, pour des raisons évidentes.
Le sénateur Day: Je comprends, maintenant. Cela a été très utile. Merci beaucoup.
Le sénateur Plett: Certaines préoccupations ont été expliquées de façon assez claire par les députés d'en face. De manière générale, quelles préoccupations ont été cernées relativement au processus disciplinaire actuel de la GRC? De quelle manière cette proposition dissipe-t-elle ces préoccupations?
M.Paulson: Il y a un certain nombre de plaintes, et cela dépend, j'imagine, de la personne à qui vous parlez. Vous vous adressez à moi, alors je vais vous dire quelles sont mes plaintes.
Le sénateur Plett: Merci.
M.Paulson: Le processus disciplinaire de la GRC est devenu un système très accusatoire. Il s'agit d'un processus très légaliste, accusatoire et long et qui n'est vraiment pas utile en ce qui concerne le principe de comportement correctif. Cela est discutable; c'est mon point de vue. Il faut parfois des années pour que ces choses se rendent devant un tribunal. Le tribunal doit être composé de trois agents, dont un a suivi une formation juridique. Dans le cadre de ses audiences, on formule des arguments fondés sur la Charte. Il ne s'agit pas vraiment d'un processus administratif axé sur l'aspect correctif de la discipline.
Certaines dispositions du projet de loiC-42 permettent l'adoption d'une approche très rationalisée à l'égard de la discipline, donc un effort moins légaliste, moins accusatoire, plus exploratoire et, par conséquent, plus efficient pour ce qui est d'aller au cœur de la discipline. L'enjeu, ici, c'est, bien sûr, le facteur d'équité pour les gens qui sont touchés par ces procédures. Nous allons donc proposer qu'il y ait des moyens d'interjeter appel de certaines de ces décisions où, dans les pires cas, on recommande le congédiement des gens, mais il y a des moyens d'interjeter appel, et ainsi de suite. Cela est toujours à l'étude. Il s'agit d'un système d'efficience et d'efficacité.
Le sénateur Plett: Je vais poser une autre question, et je crois qu'elle est peut-être un peu hypothétique. Le sénateur Mitchell a clairement mentionné une situation où une dame a dû partir, plutôt que ce soit l'autre. Est-ce que le projet de loiC-42 empêcherait totalement ce genre de situation de se produire, ou est-ce que tout autre processus imaginable serait une protection contre cela?
M.Paulson: Selon moi, il n'y a rien de certain à 100p.100; il n'y a aucune garantie. Je crois que beaucoup de gens ont consacré beaucoup de temps à cette question, mais cela nous donne la latitude et la souplesse, nécessaires soit par ordres permanents du commissaire soit par règlements, pour adapter notre régime disciplinaire à son temps. Il n'est pas parfait, mais ni moi ni personne ne peut en imaginer un meilleur.
Le sénateur Plett: Merci beaucoup.
Le président: Je veux remercier les témoins d'être venus aujourd'hui.
Je suis heureux d'accueillir à nouveau le surintendant Michael O'Rielly, directeur de l'Initiative de réforme législative de la Gendarmerie royale du Canada, et Mark Potter, directeur général de la Direction générale des politiques en matière de police à Sécurité publique Canada.
Messieurs, nous apprécions que vous soyez ici pour fournir un aperçu plus technique du projet de loiC-42. Je crois que vous n'avez pas de déclaration préliminaire, donc commençons par la première ronde de questions. Je vais céder la parole au vice-président, qui commencera en posant ses questions.
Le sénateur Dallaire: J'en suis encore à me poser des questions au sujet des équivalences concernant les processus disciplinaires et la surveillance de cette méthode, cet instrument qui est créé par le projet de loiC-42 qui est plus puissant qu'il l'était avant, c'est-à-dire plus puissant que le règlement de 1988 ainsi que des ordres permanents du commissaire.
Est-ce que le projet de loiC-42 modifie les ordres permanents de façon officielle? Aux termes du projet de loiC-42, a-t-il ou peut-il avoir, à l'instar des militaires, des procès sommaires ou des cours martiales, ou est-il toujours limité à produire ce niveau de discipline et ce pouvoir de discipline?
Surintendant Michael O'Rielly, directeur, Initiative de réforme législative, Gendarmerie royale du Canada: Merci, sénateur. L'objectif du projet de loiC-42 était d'offrir de la souplesse. Plutôt que de s'appuyer sur les conseils rigides et l'aspect très judiciaire que notre régime disciplinaire interne a pris au fil des années, le projet de loiC-42 avait pour but de nous éloigner de ce processus, sauf lorsqu'il y a un congédiement, auquel cas le membre aurait accès à une certaine forme de tribunal. L'objectif, outre ces cas très graves où on cherche à obtenir un congédiement, était d'avoir un processus dans le cadre duquel un gestionnaire, un commandant, un sous-officier, et cetera, aurait la capacité de régler un problème immédiatement.
Cela n'aurait pas l'apparence d'un procès sommaire dans un cadre militaire, cela serait étroitement lié à ce que l'on pourrait voir dans un système de la fonction publique ou dans un système général de droit du travail, qui consisterait davantage en une interaction entre un gestionnaire et un employé. Le système de code de déontologie a pour objectif de tenir les membres de la GRC responsables de leurs agissements, c'est-à-dire qu'ils doivent rendre des comptes aux membres de leur profession, qu'ils doivent rendre des comptes à la GRC, tout en reconnaissant que, de manière générale, nous sommes tous responsables à l'égard de la population du Canada.
L'objectif est de s'éloigner du système de procès que nous avions en 1873, et ce, jusqu'en 1986 ou 1985, lorsque la loi a été modifiée la dernière fois. Nous sommes toujours très ancrés dans nos traditions militaires. Jusqu'en 1985, nous pouvions condamner un membre jusqu'à un an d'emprisonnement. Nous n'en avons plus le pouvoir. Nous abandonnons progressivement nos racines traditionnelles militaires et nous nous approchons davantage du monde de la police civile, qui ressemble davantage au droit du travail en général, contrairement à cette façon très militaire de gérer la discipline. Nous tentons de trouver une solution hybride qui nous permettrait de moderniser le système, d'appliquer à nouveau le principe selon lequel il s'agit d'un problème entre le gestionnaire et l'employé, un gestionnaire et un agent de police. Autrement dit, faisons en sorte de régler la question, de passer à autre chose, d'en tirer des leçons, de corriger la situation et de prendre les mesures nécessaires, si c'est nécessaire. Cependant, si nous devons prendre des mesures punitives, nous devons également pouvoir le faire, tout en assurant une équité sur le plan procédural. Nous tentons de trouver un équilibre.
Le sénateur Dallaire: J'éprouve un malaise d'ordre culturel lorsque je vois la tunique rouge, et ce n'est pas parce que je suis Canadien français. Lorsque je vois cette tunique rouge, je ne vois pas une force policière classique. Si je voulais voir une force policière classique, je ne crois pas qu'elle serait encore vêtue de cette façon. Elle n'aurait plus de chevaux ni ce chapeau et ces bottes et tout l'attirail. Je veux voir une structure paramilitaire qui a un niveau supérieur de responsabilité en matière de maintien de l'ordre dans notre pays. Ainsi, je ne peux pas supporter qu'on utilise les termes «gestionnaire et employé» lorsqu'on parle de cela, mais il y a toute une série d'écarts de conduite qu'il faut proscrire si l'on veut établir une atmosphère de confiance, de respect, un éthos au sein d'une organisation, et nous les considérions tous comme étant une «conduite indigne de». En fait, c'était l'article119. Aux termes de cet article, les commandants locaux pouvaient tenir des procès sommaires, et on pouvait même incarcérer des gens pour certains de ces écarts.
Encore aujourd'hui, quand je lis cela, je ne suis pas certain que vous vous êtes rendus suffisamment loin pour vous assurer que tous ces écarts de conduite, qui ont été commis et qui ont entraîné d'autres problèmes complexes, ne sont pas éradiqués par un processus disciplinaire plus solide.
Est-ce que je me trompe, ou vous êtes vous rendus suffisamment loin pour y arriver?
M.O'Rielly: Je crois que vous avez parfaitement raison, sénateur. Le projet de loi en lui-même est un cadre, puis les détails seront arrêtés par voie réglementaire dans les ordres permanents du commissaire. Ainsi, la réponse à votre première question, à savoir si cela exigera une réécriture des ordres permanents du commissaire, c'est oui, absolument. Selon l'ordre permanent du commissaire, nous pourrions enquêter sur un membre si on allègue ou on soupçonne qu'il a manqué au code de déontologie.
Le sénateur Dallaire: Est-ce que cela se ferait à un niveau inférieur au niveau actuel?
M.O'Rielly: Exactement; en ce moment, à titre de commandant, je peux lancer une enquête. Cependant, si j'estime que, dans les circonstances, une mesure plus importante qu'une réprimande est appropriée, je dois renvoyer l'affaire à un conseil. Le but, c'est que, en tant qu'officier, je puisse mettre en œuvre ou appliquer des mesures que nous allons cerner, une fois de plus, dans les ordres permanents du commissaire, qui me permettent de prendre des mesures de redressement, correctives ou punitives, allant jusqu'à une amende ou une suspension de salaire et des occasions d'enseignement à caractère correctif. En ce qui a trait au commandant divisionnaire, nous proposons que, aux différents niveaux de commandement, il jouisse d'une capacité illimitée de mettre en œuvre une mesure, mais sans aller jusqu'au congédiement. Une fois de plus, pour un congédiement, cela aurait l'allure d'un tribunal normal, hormis le fait que le conseil en lui-même serait essentiellement le maître de sa propre procédure, contrairement à la procédure actuelle, où chaque étape est indiquée dans la loi. Nous nous affranchissons de cela et nous rapprochons de ce que l'on voit dans la plupart des tribunaux dotés d'un arbitre, où le conseil détermine ce dont il a besoin pour rendre une décision juste et parfaitement éclairée.
Le sénateur Dallaire: Nos mesures punitives étaient considérées comme des mesures de redressement dans nos propres pénitenciers. Vous pourriez donc vouloir envisager cette option également.
M.O'Rielly: Je crois que cela a également été le cas pour nous, mais cela fait longtemps.
Le sénateur Plett: Merci d'être ici, surintendant. Y a-t-il une date limite quant au dépôt d'une plainte contre la GRC devant la nouvelle commission?
M.O'Rielly: Il y en a une. Je vais laisser M.Potter répondre.
M.Potter: Il y a une limite d'un an. Cependant, le président de la commission jouit d'un pouvoir discrétionnaire, donc, s'il y a des motifs d'intérêt public valables pour que le délai soit supérieur à un an, il peut le proroger. L'idéal, c'est de faire le dépôt de la plainte dans l'année, puisqu'après cela, les éléments de preuve liés à la plainte deviennent de moins en moins frais à la mémoire.
Le sénateur Plett: À sa propre discrétion, pourrait-il proroger le délai?
M.Potter: À la discrétion du chef de l'organisme indépendant d'examen des plaintes, oui, il pourrait proroger le délai au-delà d'un an.
Le sénateur Plett: Une des plaintes que nous avons entendues par le passé, c'est que certains plaignants n'ont pas pu participer ni être informés. Va-t-on améliorer cela, de sorte que les plaignants puissent être informés de la procédure disciplinaire découlant des plaintes? Auront-ils l'occasion de participer à la procédure?
M.Potter: C'est une bonne question. Cela nous ramène aux trois voies. Il y a la voie de l'enquête criminelle, la voie des plaintes du public et la voie du régime disciplinaire interne. Il y a des croisements entre ces voies. Supposons qu'un membre du public dépose une plainte contre la conduite d'un membre de la GRC. Parallèlement, cela donne lieu à un processus disciplinaire interne ou à une enquête relative au code de déontologie. Par le passé, il n'y avait aucun lien entre ces deux processus. Donc, si je déposais une plainte du public, je n'avais aucune information sur le déroulement de ce processus disciplinaire, ce qui ne semblait pas raisonnable. Nous avons maintenant créé des croisements dans la loi qui exigent de la GRC qu'elle fournisse de l'information au plaignant sur le processus disciplinaire, y compris les délais connexes et, surtout, la possibilité de formuler des observations, d'entrer dans ce processus disciplinaire et de dire: «Voici l'incident qui m'est arrivé; voici comment cela m'a touché, et lorsque vous rendrez votre décision concernant les mesures disciplinaires qui seront prises contre ce membre, il est important que vous en teniez compte.» Le plaignant peut faire partie de ce processus disciplinaire, en être informé et en connaître l'issue.
Le sénateur Plett: Pourriez-vous nous dire ce qu'est un «incident grave»?
M.Potter: Je vais seulement revenir un peu en arrière. Il y a trois aspects dont il faut tenir compte pour que cette disposition soit invoquée. Le premier, c'est le décès, ce qui est assez clair, puis il y a les blessures graves, puis l'intérêt public. Vous parlez de la deuxième partie, qui est les blessures graves. Donc, un incident grave comprend ces trois éléments: un décès, des blessures graves ou l'intérêt public.
Nous allons définir le deuxième élément, les blessures graves, dans le règlement. Nous sommes en train d'examiner les diverses définitions qui existent, car en Colombie-Britannique, en Alberta, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et dans d'autres régions du monde, on a défini le terme «blessures graves». Nous tentons de trouver la définition appropriée, de sorte que tout cela soit examiné de près à mesure que nous proposons ce règlement, mais nous n'avons toujours pas déterminé ce que «blessures graves» signifie exactement.
Le sénateur Mitchell: Merci pour le résumé que vous m'avez fait. C'était tout simplement excellent. Cela a eu lieu il y a plusieurs semaines, et je salue leur professionnalisme et leur expertise.
Dans ses déclarations préliminaires, le ministre a dit que les amendements permettaient entre autres choses de faire en sorte que le commissaire de la GRC ne puisse pas refuser d'enquêter sur une plainte déposée par le président de la nouvelle commission. Cependant, le commissaire de la GRC peut mettre fin à une enquête menée par la nouvelle commission s'il détermine qu'elle va à l'encontre d'une enquête menée à l'interne ou qu'elle la chevauche. Comment pouvons-nous nous assurer que cela ne sera pas utilisé de manière abusive?
M.Potter: Je crois que nous touchons à deux ou trois éléments ici. D'abord, il faut garder à l'esprit que la vaste majorité des plaintes que traite l'organisme actuel, et dont on prévoit que l'organisme futur traitera, sont des plaintes déposées par des personnes. Je suis impliqué dans un incident, je suis mécontent du comportement de l'agent de la GRC et je dépose une plainte. Cela constitue la vaste majorité de son travail. Toutefois, le président de cette Commission civile indépendante d'examen et de traitement des plaintes jouit d'un important pouvoir lui permettant de déposer ce qu'on appelle une plainte déposée par le président. Ce président pourrait suivre l'actualité, ce qui se passe au pays, et décider de s'informer au sujet d'un incident. Pour une raison ou pour une autre, la personne pourrait ne pas avoir déposé de plainte. Le président en a été informé et décide de formuler une plainte déposée par le président. C'est le président lui-même qui dépose cette plainte. Dans ce cas, le commissaire de la GRC est obligé d'emblée de collaborer à l'enquête. Il ne pourrait pas dire qu'il ne veut pas y participer. Il est tenu de le faire.
Le deuxième élément touche davantage à ce qui se produit lorsqu'une plainte du public normale est déposée. La commission indépendante entreprend une enquête sur la plainte et, en même temps, rappelons-nous les trois voies, on ouvre une enquête criminelle sur la même question. Dans ce cas, le commissaire pourrait être d'avis que, si on permettait la poursuite des processus en même temps, cela pourrait remettre en question la qualité de l'enquête criminelle ou la compromettre indûment. Le commissaire peut fournir des motifs écrits au président de la commission indépendante en vue de dire: «Pour ces motifs, je crois que vous devriez interrompre votre enquête relative à la plainte et permettre à l'enquête criminelle de suivre son cours», ce que le président se doit de faire. À la fin de l'enquête criminelle, le président peut reprendre l'enquête relative à la plainte.
Généralement, si un cas relève du domaine pénal, le plaignant, la personne impliquée dans l'incident, est beaucoup plus concentré sur l'aspect criminel, et, une fois qu'il y a règlement, c'est habituellement ce qui l'intéresse le plus.
Le sénateur Mitchell: Une question qui est ressortie au fil du temps, c'est cette idée que, souvent, il semble y avoir des choses qui sont d'ordre criminel, mais que très peu d'accusations criminelles sont portées. Le cas du sergent qui s'est prêté à de l'exhibitionnisme constitue une infraction criminelle, mais il n'a jamais fait l'objet de poursuites criminelles et a été muté en Colombie-Britannique une fois qu'il a été déterminé qu'il n'aurait pas dû faire ce qu'il a fait. Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi qui fera en sorte qu'il soit plus probable que lorsqu'un membre — et espérons que cela ne se reproduira plus jamais, mais si cela devait se produire — adopte un comportement criminel, il soit accusé et que l'affaire ne fasse pas l'objet d'un processus administratif et qu'il soit rapidement muté en Colombie- Britannique pour clore le dossier?
M.Potter: Dans une certaine mesure, cela nous ramène à la question du sénateur Plett quant à savoir comment définir «blessures graves». Le commissaire serait obligé, puisque selon la Constitution, c'est le gouvernement provincial qui administre la justice, d'informer le procureur général de cette province qu'un incident a eu lieu et qu'il a entraîné une blessure grave, et, ensuite, le processus en trois étapes entre en jeu, soit l'enquête indépendante de la force policière, une force policière distincte ou la GRC. Selon la loi, cela doit avoir lieu.
Le sénateur Mitchell: Peut-être qu'il ne s'agissait pas d'une blessure grave. Il s'agissait peut-être d'un cas de harcèlement ou d'agression sexuelle d'un agent de la GRC par un autre agent.
M.Potter: Cela se réglerait à l'interne. Il s'agirait soit d'un cas lié au code de déontologie soit d'un membre de la GRC qui dépose une plainte devant le procureur général provincial, qui traiterait l'affaire en suivant ce processus. Comme il s'agit de deux membres, ce n'est pas un processus aussi direct que celui que j'ai décrit.
Le sénateur Patterson: Merci aux témoins. Surintendant O'Rielly, ce projet de loi présente un cadre de gestion des ressources humaines modernisé. C'est ainsi qu'il a été décrit, je pense. Pourriez-vous me dire comment ce nouveau cadre pourrait faire en sorte que la GRC soit plus efficiente?
M.O'Rielly: Merci, sénateur. Nous avons différents moyens. D'abord, examinons, par exemple, quelque chose qui est aussi simple ou qui devrait être aussi simple qu'un processus interne de règlement des griefs. Actuellement, si une personne formule un grief pour quelque chose d'aussi simple qu'une demande de remboursement de frais de repas rejetée, ce processus en lui-même doit être assujetti à un système qui requiert la présentation d'observations écrites, la communication d'observations écrites au fil du temps, une façon très officielle de communiquer l'information. Il y a quelques années, nous avons mis en œuvre un processus de règlement rapide des griefs, mais nous constatons que, dans certains cas, les gens qui en sont responsables et le plaignant, au moment où le grief est déposé, le niveau de... je ne sais pas vraiment comment le décrire. Dans certains cas, l'animosité était telle que les gens ne voulaient plus se parler. Une fois à l'étape des observations écrites, l'affaire était renvoyée à un arbitre, qui avait une pléthore de dossiers qu'il tentait de traiter. Dans le cadre de ce système, il faut parfois des années pour traiter un dossier. La capacité d'accélérer le processus ou de le ramener à l'essentiel est une des choses que le projet de loiC-42 offrirait.
En outre, nous avons actuellement environ sept différents systèmes d'appel et de règlement des griefs dans la Loi sur la GRC et le Règlement sur la GRC. L'objectif du projet de loiC-42 est de pouvoir conférer au commissaire tous les pouvoirs dont il a besoin pour rassembler tous ces types d'appels, de griefs et de conflits entre l'organisation et un membre dans un bureau de sorte que nous puissions avoir un processus rationalisé de gestion des différends et les régler de manière plus rapide.
Il en va de même pour quelque chose d'aussi simple que la promotion d'un agent. Au sein de la GRC, il y a le grade de sous-officier, jusqu'à celui de sergent d'état-major, puis il y a les grades d'officiers brevetés, qui vont de l'inspecteur au commissaire. Actuellement, le commissaire ne peut pas vraiment promouvoir quelqu'un au grade d'officier breveté. Pour obtenir une promotion, le commissaire fournit une recommandation, mais, ensuite, il faut se tenir prêt et attendre que le gouverneur en conseil puisse effectivement prendre le décret nécessaire pour la promotion. Dans certains cas, cela peut se produire très rapidement. Dans d'autres cas, cela peut prendre plusieurs mois. Pendant ce temps, on n'a pas de véritable grade, puisqu'on n'est plus ce qu'on était ni tout à fait ce qu'on va être. Cela crée des problèmes au chapitre des pensions et des salaires rétroactifs, de même que concernant sa capacité d'assumer pleinement ses fonctions.
Les petits retards de la sorte, même si, en soi, ils ne sont pas importants, sont irritants et s'accompagnent d'un certain fardeau administratif dont il faut s'occuper avant que la promotion puisse vraiment être accordée. Le projet de loiC-42 a pour objectif de faire tomber les obstacles administratifs et de régler les conflits de manière efficace, efficiente et équitable pour tous.
Je pourrais continuer longtemps. Le système relatif au code de déontologie est semblable en ce qui concerne les délais que nous avons établis ou que nous établissons de cette façon. Le commissaire a décrit, dans le cadre du nouveau régime, l'idée, lorsqu'un problème survient, de pouvoir le régler maintenant, dans les deux à trois semaines ou mois, plutôt que d'attendre trois à cinq ans avant d'obtenir un résultat définitif. Lorsque mes enfants font des gaffes, je n'ai pas intérêt à attendre deux ou trois ans avant de leur dire qu'ils n'auraient pas dû faire cela. Si je suis un membre de la GRC et que j'ai des ennuis, je veux régler le problème sur-le-champ de sorte que je puisse reconnaître l'erreur ou y faire face, puis passer à autre chose. Actuellement, nos systèmes ne le permettent tout simplement pas. C'est très épuisant. Lorsqu'on fait l'objet d'une enquête interne, cela vous occupe passablement l'esprit. On passe beaucoup de temps à se demander ce qu'il adviendra de nous.
Le sénateur Patterson: Vous avez bien dit qu'il a fallu des années pour régler un différend relatif à une demande de remboursement de frais de repas?
M.O'Rielly: Oui. Un arbitre m'a donné un exemple, sans bien sûr fournir de nom. Il m'a informé d'une chose qu'il estimait irritante, soit qu'un membre avait présenté une demande de remboursement des frais d'un repas qu'il avait pris au cours d'une formation, et qu'il a fallu environ trois ans pour enfin obtenir un règlement. Il s'agissait d'environ 10$.
Le sénateur Duffy: Merci aux témoins d'être venus. En ce qui concerne les trois à cinq années de retard, surintendant O'Rielly, ce que je comprends, c'est que non seulement ces retards sapent le moral des personnes directement concernées, mais il y a également un effet d'entraînement sur leurs collègues qui sont au courant et qui éprouvent également ce sentiment de frustration, puisque, si jamais ils sont impliqués dans un incident, ils seront plongés dans un marasme semblable. Est-ce qu'une part du problème lié à la compétition perpétuelle entre l'association des relations de travail, qui, je crois, a la majorité des appuis, et ceux qui veulent diriger les relations de travail à la GRC, est qu'on veut un syndicat plutôt qu'une association? Et y a-t-il également des gens qui insistent pour qu'on établisse un délai et qu'on adopte des techniques plus agressives parce qu'ils estiment que l'association des employés n'a pas adopté une ligne suffisamment dure? Est-ce que cela aggrave les retards?
M.O'Rielly: Sénateur, il est très difficile de répondre à cette question. Je fais partie de ce processus depuis septembre 2009. Initialement, quand j'y ai pris part, le processus était très axé sur la question des relations de travail.
A priori, ma réponse serait surtout que c'est, en fait, la structure à laquelle nous devons nous assujettir en ce moment. Le type de relations de travail et de représentation ne ferait pas une grande différence, selon moi. Ce n'est que mon opinion, bien sûr, et elle est fondée sur mon expérience. Vous devez tout de même présenter tout un lot d'observations écrites. Même si vous aviez une association ou un représentant des relations de travail qui voulait aller de l'avant et régler la question, ils ne sont pas dans une position où ils peuvent aller de l'avant et présenter de vrais arguments ou discuter avec l'arbitre ou le décideur. Ils peuvent tenter de négocier, par exemple, avec l'intimé et voir ce qu'ils peuvent en tirer. Cela peut se révéler fructueux.
Le sénateur Duffy: Ce projet de loi sera utile dans ce processus?
M.O'Rielly: C'est son objectif. Permettons aux gens de discuter à nouveau. Si nous sommes en position de négocier l'issue et de régler la question, faisons-le. Si nous ne pouvons manifestement pas y arriver, renvoyons donc la question à une instance à même de rendre une décision rapidement, plutôt que d'entraîner tous ces retards déraisonnables.
Le sénateur Day: Est-ce que la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes prévue par ce projet de loi disposera d'un budget distinct, ou est-ce que cela fera simplement partie du budget de fonctionnement de la GRC?
M.Potter: Elle a son propre budget. Rappelons les commentaires qu'a formulés le sous-ministre plus tôt. Il a dit que la commission dispose d'un budget de services votés ou de base annuel de 5,4 millions de dollars. Par la suite, une fois qu'elle sera établie, elle aura un budget de base de 10,4 millions de dollars, ce qui constitue une augmentation de 5 millions de dollars. Cela peut être un peu mêlant, puisque, en fait, au cours des dernières années, elle a disposé d'un budget de 8,5 millions de dollars parce qu'elle recevait 2,9 millions de dollars supplémentaires du Conseil du Trésor à titre de financement pour l'intégrité des programmes.
En réalité, au cours des dernières années, son budget a été d'environ 8,5 millions de dollars, et il passera à 10,4 millions de dollars à l'avenir. Les fonds supplémentaires seront consacrés aux examens des politiques dont il a été question, au programme des observateurs, au renforcement des activités d'extension et à quelques éléments de moindre importance. Par contre, ce sont là les principaux besoins supplémentaires de la nouvelle commission.
Le sénateur Day: J'ai vu dans le projet de loi que la commission devra réaliser des initiatives d'extension, faire la promotion de ses activités et expliquer ce qu'elle fait. Le projet de loi indique aussi que, si la commission veut effectuer un examen d'une activité précise de la gendarmerie de sa propre initiative, elle doit être convaincue qu'elle dispose des ressources nécessaires. Est-ce à dire qu'elle doit examiner son budget pour déterminer si elle a suffisamment d'argent pour procéder? Est-ce ce qu'il faut comprendre?
M.Potter: Oui, c'est exact, sénateur. Il y a deux ou trois conditions. Celle que vous avez mentionnée ne compromettrait pas indûment la réalisation de ses principales activités, soit les enquêtes relatives aux plaintes du public.
Le deuxième critère, c'est qu'aucune autre entité ne doit procéder actuellement à un examen sur une question similaire, afin de ne pas réaliser deux enquêtes sur le même sujet. Le gouvernement accorde un nouveau pouvoir très important à la commission, et c'est la raison pour laquelle elle bénéficie aussi de ressources supplémentaires, afin qu'elle puisse réaliser des examens des politiques.
Le sénateur Day: Il y a un certain nombre de dispositions dans le projet de loi qui exigent de la commission qu'elle établisse des règles et qu'elle définisse ses procédures. Le projet de loi ne date pas d'hier. Ce travail a-t-il été fait? La commission a-t-elle établi des règles pour définir ses activités et les responsabilités de chacun de ses membres et fait tout ce qui est décrit dans le projet de loi?
M.Potter: La Commission des plaintes du public contre la GRC, qui est l'organe actuellement en place et qui deviendra la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes, a été très proactive au cours des dernières années en ce qui a trait à l'établissement de normes de service et de délais de traitement des plaintes. D'une certaine façon, ce que nous faisons, grâce au projet de loi, c'est de valider les progrès déjà réalisés et de les enchâsser dans la loi afin d'officialiser ces normes de service. La commission a fait du très bon travail, et je suis convaincu que ses représentants seront mieux placés pour vous parler de l'amélioration de l'efficience du processus de traitement des plaintes.
Le sénateur Day: Je constate que, à l'article45.37, il est question des normes de service et de l'établissement d'exceptions et des raisons pour lesquelles la commission pourrait ne pas arriver à s'y conformer, de la rapidité à laquelle elle doit traiter les plaintes, et cetera. Il est donc probable, alors, qu'elle adopte tout simplement les normes déjà en place?
M.Potter: Oui, il y a déjà des normes en place pour régir bon nombre d'aspects de son travail. Compte tenu du fait que la nature de ces plaintes peut varier beaucoup d'un dossier à l'autre — certains se prêtent facilement au travail d'enquête, d'autres sont beaucoup plus complexes et prennent beaucoup plus de temps —, elle a mis en place des normes de service et, d'après ce que j'en sais, elle les examine constamment pour trouver des façons de renforcer son efficacité.
Le sénateur Day: À l'article45.49, il est question de règles. Les normes de service sont à un endroit dans le projet de loi, et les règles, à un autre. Les règles sont-elles déjà définies? C'est à la page48 du projet de loi, à l'article45.49.
Ce sont peut-être les mêmes règles ou des règles très semblables à celles de la commission actuelle, à quelques exceptions près, parce qu'il y aura maintenant cinq membres, des nominations régionales, et d'autres modifications du genre.
M.Potter: Je crois que les règles reflètent en grande partie les pouvoirs actuels. Il s'agit en fait des règles qui régissent ses activités, comme la fréquence de ses séances, la fixation du quorum, l'expédition de ses affaires et les règles procédurales.
Le sénateur Day: La répartition des travaux entre ses membres, ce genre de choses?
M.Potter: Oui, exactement, le fonctionnement de la commission.
Le sénateur Day: Où puis-je trouver ces règles?
M.Potter: Il faudrait parler directement aux représentants de la commission. Je crois savoir qu'ils comparaîtront devant le comité.
Le sénateur Day: C'est ce que nous ferons. Merci.
Le sénateur Nolin: Vous semblez tous les deux avoir été là depuis la création du projet de loiC-42. Je me demande dans quelle mesure le rapport du juge O'Connor, en 2006, a influé sur votre travail. Pouvez-vous me donner des exemples? J'aurai peut-être aussi une autre question après.
M.Potter: Merci beaucoup, sénateur. C'était un rapport phare. En fait, il y a eu un certain nombre de rapports. C'est une question qui... en fait, le Sénat a produit des rapports sur la surveillance de la GRC, sujet qui a fait l'objet d'un certain nombre de rapports.
Le juge O'Connor a abordé des questions comme le niveau d'accès à l'information, le fait d'avoir accès à beaucoup de renseignements. Vous comprendrez que l'information est au centre des enquêtes. Par conséquent, il est absolument essentiel de bénéficier du meilleur et du plus grand accès possible à l'information. C'était une recommandation importante du rapport. On a depuis renversé le fardeau en ce qui a trait à l'accès à l'information: ce sera maintenant à la commission de déterminer la pertinence de l'information plutôt qu'à la GRC.
La nouvelle commission pourra maintenant exiger des documents et des témoignages. Comme le juge O'Connor le recommandait, elle aura des pouvoirs relatifs à l'examen des politiques. Ce sont certaines des questions abordées par le juge O'Connor. Il a aussi traité d'autres sujets, comme les examens interorganismes, qui ne sont pas mentionnés dans le projet de loi.
Le sénateur Nolin: Ce ne l'est pas?
M.Potter: Ce n'est pas abordé dans le projet de loi.
Le sénateur Nolin: Mais ce n'est pas impossible, si le gouvernement décide de le faire?
M.Potter: Exactement.
Le sénateur Nolin: Qu'en est-il des obligations internationales du Canada, en ce qui concerne l'interaction avec d'autres pays ou des organismes étrangers? Évidemment, en raison du rapport Arar, le juge O'Connor était très préoccupé par l'ouverture de la gendarmerie à cet égard. Le projet de loiC-42 prévoit-il ce genre de nouvelles responsabilités pour la nouvelle commission?
M.Potter: Sénateur, je vais répondre à votre question de deux façons. À l'origine, le projet de loi visait essentiellement à harmoniser les pouvoirs du nouvel organe d'examen avec les pratiques exemplaires, au Canada et à l'étranger, alors il faut connaître les pouvoirs des organes d'examen à l'étranger.
Vous touchez à la question très précise de la communication de renseignements à d'autres administrations. Le pouvoir de la commission lié aux examens des politiques dont j'ai parlé, et qui est un nouveau pouvoir, lui permettrait justement de se pencher sur ce genre de question.
Le sénateur Nolin: Pourrait-elle s'y intéresser de sa propre initiative ou faudrait-il que le ministre ou le gouverneur en conseil le lui demande?
M.Potter: Ce pourrait être l'un comme l'autre. Elle pourrait le faire de sa propre initiative, ou un ministre fédéral, ou un ministre provincial qui passerait par le ministre fédéral, pourrait aussi lui demander de se pencher sur une telle question.
Le sénateur Nolin: Le juge O'Connor a dit quelque chose qui, sans être étrange, était tout de même particulier au sujet des «obligations» relatives aux enquêtes et des «normes de convenance auxquelles on s'attend dans la société canadienne».
C'est semblable à l'articlepremier de la Charte. Est-ce le genre de pouvoir que la nouvelle commission pourra exercer de sa propre initiative?
M.Potter: Je ne sais pas si je vais être capable de répondre à votre question, sénateur, mais je vais essayer. En gros, le projet de loi vise à poursuivre la modernisation de la GRC, mais l'un des principaux moteurs du processus, ce sont les valeurs des Canadiens qui évoluent.
Le sénateur Nolin: C'est exactement ce à quoi le juge O'Connor faisait référence.
M.Potter: Exactement. Les attentes en ce qui a trait à la transparence et à la responsabilité sont beaucoup plus élevées maintenant qu'il y a 20 ou 25 ans.
Le sénateur Nolin: Elles ont évolué au fil du temps.
M.Potter: Exactement. Lorsque je parle des pratiques exemplaires et de ce que les autres organismes font pour répondre aux attentes du public en matière de transparence et de responsabilité, c'est ce que nous essayons de faire: d'être un chef de file en ce qui a trait au genre de pouvoirs qu'il faut accorder à un organe de surveillance pour garantir un cadre de responsabilisation efficace, qui, au bout du compte, permet d'atteindre le principal objectif, soit la confiance du public en notre service de police. Sans cela, c'est peine perdue.
Le sénateur Nolin: Merci.
Le président: J'aimerais poser une question pour reprendre là où le sénateur Day s'est arrêté, en ce qui concerne l'entrée en vigueur des règlements et des directives politiques qui, en fait, seront la pierre angulaire du projet de loi.
Pouvez-vous me parler, par exemple, du code de déontologie et d'autres éléments sur lesquels vous travaillez évidemment en collaboration avec des membres de l'association et, peut-être aussi, avec d'autres ministères? Combien de temps faudra-t-il pour produire toutes les politiques et les appliquer de façon à ce que, quand le projet de loi entrera en vigueur, tout sera prêt? Quelles sont les échéances?
M.O'Rielly: Concernant l'entrée en vigueur des divers éléments liés à la gestion des ressources humaines, il faudra environ un an une fois que le projet de loi aura obtenu la sanction royale pour que tous les processus soient en place; c'est-à-dire les nouvelles règles ou les nouveaux règlements et les politiques et les documents de formation. Comme vous l'avez souligné, sénateur, nous procédons actuellement à une multitude de consultations et tentons de déterminer exactement ce que nous devons faire pour avoir le plus d'impact possible en très peu de temps.
Le président: Quand la politique sur le code de déontologie sera-t-elle rendue publique, puis promulguée pour la GRC? Quels sont vos plans à ce sujet?
M.O'Rielly: Actuellement, nous examinons le code de déontologie pour déterminer s'il faut le modifier ou le changer. Pour ce qui est des délais, c'est difficile à dire parce qu'il y a plusieurs processus différents. Si on décide d'y apporter des modifications, il faudra respecter le processus réglementaire connexe, comme la publication et la publication préalable dans la Gazette du Canada. Il y a là aussi des délais à respecter. Si le règlement est combiné à d'autres règlements, c'est-à-dire si nous présentons un règlement omnibus, cela aussi aura un impact sur les délais. Je ne peux pas vous fournir une estimation quant au mois où ce sera prêt. Nous travaillons là-dessus le plus rapidement possible. J'espère que ce sera bientôt, même si, je l'admets, ce n'est pas une réponse très exacte.
Le président: Toujours au sujet du code de déontologie, je crois savoir que vous le réécrivez d'une toute nouvelle manière, et qu'il sera rédigé en termes positifs plutôt qu'en termes négatifs, tel qu'il est actuellement. Est-ce exact? Y aura-t-il des changements à cet égard ou non?
M.O'Rielly: Oui, c'est notre intention. En ce moment, cependant, nous en sommes uniquement à l'étape de l'évaluation. Nous préparons un modèle. Nous avons élaboré un modèle, et nous avançons prudemment, en demandant à la GRC de l'examiner pour voir, dans un premier temps, si le code est fonctionnel et s'il est sensé d'aller dans cette direction. Nous avons beaucoup misé, comme vous l'avez dit, sur la notion d'obligations positives concernant un leadership responsable, éthique et imputable, plutôt que de miser sur des obligations négatives en matière de comportements.
Le sénateur Dallaire: Nous n'avons pas accès aux documents classifiés. Par conséquent, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas surveiller les milieux de la sécurité ni de la défense. Nous avons posé des questions, mais nous ne pouvons pas assurer une surveillance. Je trouve intéressant que, touchant l'aspect lié au droit d'accès à l'information, le commissaire puisse décider que certains éléments ne seront pas communiqués à la commission. Ces éléments ne sont pas clairement définis, à moins que je me trompe. Ils sont plutôt vagues.
Le chef d'état-major de la Défense n'a pas son mot à dire au sujet de l'information à laquelle ont accès les tribunaux militaires. Il ne peut même pas s'approcher des juges de ces tribunaux. Comment pouvez-vous dire que, contrairement au Centre de la sécurité des télécommunications Canada, le CSARS, qui possède une grande quantité de matériel classifié, y a accès? Cependant, dans le cas de la GRC, le commissaire a mainmise sur certains documents qui ne sont pas accessibles?
M.Potter: Sénateur, vous abordez une question centrale, soit l'accès à l'information nécessaire pour réaliser une bonne enquête en réaction à une plainte. Le projet de loi prévoit un très grand accès à l'information, y compris à des renseignements classifiés, jusqu'aux documents confidentiels du Cabinet. C'est le seul type d'information explicitement exclu. Les pouvoirs qu'aura ce nouvel organe refléteront étroitement la relation entre le CSARS et le SCRS en ce qui a trait au niveau d'accès à l'information.
Dans ce cas, nous avons créé un modèle juridique moderne très précis, assorti de deux critères. La GRC sera obligée de fournir la plupart des renseignements que la commission indépendante jugera pertinents dans le cadre de ses enquêtes. La commission aura simplement à dire nous aimerions tel ou tel renseignement, et la GRC devra obtempérer. Les choses ont changé sur ce plan. Avant, c'était la GRC qui disait à la commission ce qui était pertinent. On a complètement inversé la relation. C'est la première chose importante à souligner.
Ensuite, le critère plus élevé concerne les renseignements confidentiels, c'est-à-dire les renseignements visés par le secret professionnel, les renseignements des informateurs et les renseignements opérationnels de nature très délicate. Pour ce type d'information, le critère est légèrement plus élevé. Le premier critère concernait uniquement la pertinence. Dans le cas du deuxième, c'est la pertinence et la nécessité. Dans un tel cas, si la commission demande certains renseignements protégés et que le commissaire de la GRC croit que ce n'est pas approprié de fournir les renseignements demandés, alors un nouveau processus de freins et contrepoids se met en branle. Une tierce partie, un juge fédéral à la retraite, par exemple, écoutera ce que les deux parties ont à dire, demandera pourquoi la commission veut l'information et pourquoi c'est pertinent et nécessaire. Cette tierce partie aura un accès total à toute l'information dont il est question, et elle prendra une décision indépendante et formulera une observation sur la pertinence et la nécessité.
C'est une façon d'éviter que les deux parties se retrouvent devant la Cour fédérale. Au bout du compte, elles pourraient encore se tourner vers la Cour fédérale. Il s'agirait de l'étape suivante, mais le processus intermédiaire est très semblable à ce qui se produirait de toute façon devant la Cour fédérale. Un juge de la Cour fédérale à la retraite donnera son opinion professionnelle quant à savoir si l'information doit être fournie ou non. Une fois la recommandation formulée, les deux parties pourront l'évaluer et déterminer ce qu'elles veulent faire ensuite. De façon générale, on s'attend à ce que les deux parties respectent les observations formulées par le juge à la retraite.
Le président: Avez-vous une autre question?
Le sénateur Nolin: Oui, merci, monsieur le président. Cependant, elles peuvent encore aller devant la Cour fédérale. Peu importe ce qui aura été convenu préalablement, si elles n'aiment pas le résultat du nouveau processus, elles peuvent tout de même se tourner vers la Cour fédérale et être entendues?
M.Potter: Oui.
Le sénateur Nolin: Bien. Je crois que c'est important de comprendre que vous ajoutez une nouvelle étape au processus, mais que l'ancien système s'applique encore.
M.Potter: Vous avez tout à fait raison, sénateur.
Le président: Une autre question, sénateur Day?
Le sénateur Day: Pour faire le tour de la question, je regarde la page41, il y est question d'une procédure que la commission peut utiliser si le commissaire refuse de fournir des renseignements protégés. Alors quand on dit qu'elle a toujours accès aux renseignements protégés, en fait, le commissaire peut dire non, et il y a ensuite une autre procédure qui s'applique.
M.Potter: Exactement.
Le sénateur Comeau: Ce qui peut faire l'objet d'un appel, j'imagine, dans le nouveau système?
M.Potter: Exactement.
Le sénateur Nolin: Il est possible d'interjeter appel devant la Cour fédérale de la décision du commissaire.
Le sénateur Day: Il y a un processus.
Le président: Un peu de silence s'il vous plaît.
M.Potter: Oui.
Le sénateur Nolin: Je crois que c'est important de bien comprendre l'essentiel de ce projet de loi.
Le sénateur Day: Je suis d'accord.
[Français]
Le sénateur Dallaire: Je suis 100p.100 d'accord pour qu'on profite de cette occasion pour amener de la clarté.
[Traduction]
Je reviens sur cette nouvelle commission, parce que, selon moi, c'est un aspect fondamental de ce tout nouveau processus, qui rebâtit ou donne aux gens un vrai cadre de surveillance, plutôt que ce soit le ministre qui, en fait, crée un organe de surveillance tout à fait distinct pour, par exemple, surveiller la réforme de l'ensemble de votre programme de RH, de perfectionnement et ainsi de suite. Il pourrait le faire, comme nous l'avons vécu dans les années 1990 à la Défense nationale. Il ne le fait pas. Il va utiliser ce groupe de la CCETP pour y arriver. Je soupçonne, vu la façon dont il l'a expliqué, qu'il allait probablement lui donner des instructions quant aux aspects où il voulait qu'il se mette le nez dans le cadre du processus de mise en œuvre.
J'essaie de comprendre le processus de sélection des gens qui vont former ce groupe. Il y a des critères selon lesquels les membres ne doivent pas faire partie de tel ou tel groupe. En fin de compte, combien y aura-t-il d'employés pour faire tout le travail que l'ancien groupe de civils faisait, auquel s'ajoute cet important travail lié au processus disciplinaire interne, y compris des choses comme réformer la culture et ce genre de choses? Qu'est-ce que vous êtes en train de mettre sur pied?
M.Potter: Je vais commencer par parler du processus de sélection du président et, possiblement, du vice-président. Il peut y avoir jusqu'à cinq présidents, un président à temps plein et quatre vice-présidents supplémentaires, à temps plein ou à temps partiel.
En ce qui a trait à la sélection du président, il y a seulement deux critères. Il doit s'agir d'un citoyen canadien ou un résident permanent, et ce ne peut pas être un membre actuel ou ancien de la GRC. C'est assez limité. Cela dit, il y aura tout un processus de nomination dirigé par le BCP par le truchement du gouverneur en conseil, alors le processus emprunte cette avenue. On préparera une description de travail, un profil d'emploi et toutes ces choses. Ce sera un processus complet.
Actuellement, c'est la Commission des plaintes du public contre la GRC qui fait le travail. Les représentants de la commission pourront vous fournir des renseignements détaillés sur leur budget, le nombre d'employés et les changements qu'il faudra apporter compte tenu des nouveaux pouvoirs qui seront attribués. Je crois savoir que, actuellement, dans le bureau d'Ottawa, il y a environ 50 personnes qui s'occupent des plaintes en particulier. Vous avez raison de souligner que le pouvoir lié aux examens des politiques exigera des ressources supplémentaires. J'imagine que la commission aura besoin de nouveaux employés. Les fonds supplémentaires que l'organisation obtient, et qui fait passer son budget de 8,5 millions à 10,4millions de dollars, devraient permettre de couvrir ces dépenses. Ce sera une partie du défi que la commission devra relever. Les membres du comité et d'autres intervenants pourront constater les progrès réalisés dans ses rapports annuels et des rapports au Parlement par l'entremise du ministre et lui demander si elle a les ressources nécessaires pour réaliser son mandat.
Le sénateur Dallaire: Merci beaucoup.
Le sénateur Mitchell: Vous avez fait allusion au budget, comme l'ont fait le ministre et le sous-ministre, et c'était le budget qui s'applique au projet de loiC-42 et ses répercussions. Savez-vous quelle partie du budget sera consacrée au programme de respect en milieu de travail? Savez-vous si des fonds précis ont été affectés pour cette initiative?
M.O'Rielly: Cette question dépasse ma sphère de compétence, alors je ne peux pas vous aider.
Le sénateur Mitchell: J'accepte votre réponse. La question dépasse-t-elle aussi votre sphère de compétence?
M.Potter: Oui. C'est une question qu'il faut poser aux responsables des RH.
Le sénateur Mitchell: D'accord.
Le commissaire a indiqué avoir consulté certains services de police au sujet des mécanismes en place au sein de services de police modernes. Ce n'est pas exactement la même chose que mener des consultations sur la façon de changer une culture. Par conséquent, ma première question est la suivante: savez-vous s'il y a eu un processus de consultation qui a permis d'obtenir une expertise à cet effet, des consultations qui auraient pu être menées, par exemple, auprès de militaires ou dans le cadre desquelles on aurait fait venir des gens sur place? Un changement de culture est une tâche gigantesque. Je ne doute aucunement de l'expertise du commissaire dans le domaine de l'application de la loi, mais on parle d'une organisation gigantesque qui a un budget de 3milliards de dollars et compte 30000 personnes. Il faut une certaine expertise pour savoir comment changer une culture. Savez-vous si des fonds ont été attribués ou si une initiative du genre a été réalisée, à part le projet de loiC-42 et les milieux de travail respectueux?
M.Potter: Je peux me prononcer sur l'aspect touchant les plaintes du public, alors je vais répondre à votre question. Il y a eu un haut niveau d'engagement et de consultation. En fait, j'ai participé directement au processus pendant cinq ans. Il y a eu les divers rapports du juge O'Connor et d'un certain nombre d'autres personnes. Il y a eu le groupe de travail Brown, en 2007. Il y avait beaucoup de documents à étudier pour déterminer comment renforcer la surveillance de la GRC. Nous nous sommes ensuite penchés sur la relation entre le CSARS et le SCRS et nous avons aussi regardé ce qui se faisait du côté des militaires. Nous nous sommes aussi intéressés à ce qui se faisait dans d'autres pays et ce qu'ils ont fait pour renforcer leurs organes d'examen.
Ensuite, nous avons eu des discussions très approfondies avec les provinces et les territoires parce que, comme vous le savez, la GRC est le service de police provincial ou territorial de toutes les provinces et de tous les territoires à part l'Ontario et le Québec. Les provinces et les territoires ont tout intérêt à ce qu'il y ait une surveillance appropriée de la GRC. Nous avons eu un certain nombre de discussions très précises à des niveaux très élevés avec des représentants des provinces et des territoires au sujet de cette proposition et pour s'assurer qu'elle répondait à leurs besoins.
Le sénateur Mitchell: Une des choses que presque tout le monde a soulignées et qui ont été recommandées dans le genre de rapports dont vous avez parlé, comme ceux de O'Connor et de Brown, c'est la surveillance civile. La CCETP n'est pas vraiment un organe de surveillance civile. Elle procède à la surveillance civile des plaintes. Lorsque le commissaire s'est tourné vers d'autres services de police pour découvrir ce qu'ils faisaient de novateur, une des choses les plus importantes et les plus souvent mentionnées était qu'il ne fait aucun doute que les services de police d'Edmonton et de Calgary se sont dotés de très bons organes d'examen civils. Dans le cas d'Edmonton, l'organe a le dernier mot dans le cadre de l'élaboration du plan annuel et y participe directement. Même chose pour le budget. On m'a dit que de 80 à 90p.100 du budget établi par le chef de police ne changent pas, mais que, souvent, il y a d'autres choses qui s'ajoutent. S'il s'agit d'une initiative aussi bien définie qui a été recommandée par un si grand nombre d'organes différents durant une si longue période, et si cela semble lié aussi intrinsèquement à la réussite des services de police partout au pays, pourquoi ne pas l'inclure dans l'initiative?
M.Potter: Sénateur, je crois que, dans une certaine mesure, vous posez une question qui a été posée au ministre et à laquelle, je crois, qu'il a répondu dans sa déclaration préliminaire. Il a dit que, entre le rapport du groupe de travail Brown, en décembre 2007, et aujourd'hui, un certain nombre de choses ont changé en ce qui a trait à la gouvernance de la GRC. La gendarmerie a entrepris un processus de modernisation interne et de perfectionnement du leadership qui donne à ses dirigeants la capacité de mieux gérer l'organisation, qui est très complexe et difficile. C'est une des explications.
Le ministre a parlé au Comité de la vérification, qui est composé de trois très hauts gradés qui prodiguent des conseils au commissaire sur les processus de gestion des risques de la GRC. Depuis avril dernier, la GRC a adopté un cadre de gouvernance beaucoup plus solide en collaboration avec les provinces et les territoires auxquels elle offre des services de police. C'est un peu comme une relation de cogestion, où tous les intervenants participent de près aux processus décisionnels de la GRC qui ont un impact marqué sur la qualité et les coûts des services de police fournis dans leur administration.
Il y a un certain nombre de changements liés à la gouvernance qui ont été apportés au cours des six ou sept dernières années qui, je crois, continuent de faciliter la modernisation et le renforcement de la GRC.
Le sénateur Mitchell: En ce qui concerne les critères de nomination au sein de la CCEFP, vous avez dit que les membres ne peuvent pas faire partie de la GRC ni être des membres de la GRC à la retraite. Y a-t-il une disposition pour garantir qu'un des membres soit une femme?
M.Potter: Il n'y a pas de disposition explicite à cet effet. Je crois que les processus de nomination du BCP sont fondés sur un ensemble de critères, y compris celui-là. Je tiens à souligner qu'il y a une exigence explicite dans la loi concernant la représentation régionale, mais il n'y a aucune disposition liée au sexe.
Le sénateur Day: Le terme «région» n'est pas défini?
M.Potter: Non.
Le sénateur Mitchell: Ce matin, des sénateurs et des députés libéraux ont participé à des audiences durant lesquelles ils ont entendu les témoignages d'un certain nombre de victimes. L'exercice était très touchant. Permettez-moi de vous faire part de leur témoignage. Un des thèmes courants était qu'il y a bel et bien un processus de règlement de griefs, mais que, quand une personne dépose un grief, on la met à l'écart et elle devient ostracisée et ciblée. Elles ont aussi souligné que les personnes qui s'occupent des griefs font partie de la structure de commandement et que, au bout du compte, leur carrière tient à ce qui se produira lorsqu'elles réintégreront les rangs après avoir joué ce rôle. Les gens ont donc toujours un peu peur que le processus ne soit pas objectif et que, s'ils déposent un grief, il ne sera pas nécessairement traité équitablement. Et en fait, cette situation exige qu'on se pose la même question, c'est-à-dire que ces gens ont l'impression que la jeune femme doit, au bout du processus, partir, alors que les personnes qui ont rendu la situation intenable pour elle n'ont pas à le faire.
Le président: Quelle est votre question, sénateur?
Le sénateur Mitchell: Comment pouvez-vous garantir l'objectivité du processus de règlement de grief s'il demeure dans la structure de commandement, ce qui, selon moi, sera le cas?
M.O'Rielly: Les enquêtes sur le harcèlement et les relations en milieu de travail sont un processus très complexe. L'un des principaux objectifs du projet de loiC-42 et du programme des milieux de travail respectueux qu'on commence actuellement à mettre en place partout au pays avec beaucoup de vigueur, c'est de nous permettre de régler ces problèmes avant d'en arriver là. Une des choses que le projet de loiC-42 nous apportera, c'est la capacité de rétablir les attentes, de faire en sorte qu'il n'est pas acceptable de plaisanter sur des sujets que d'autres trouveront offensants. Cependant, ce qui est encore plus important, c'est que nous possédons déjà cette compréhension générale au sein de la société, même si cela se produit encore assez souvent.
Ce que nous essayons de faire grâce au code de déontologie et grâce aux obligations et aux responsabilités et à l'imputabilité de tous les membres de la gendarmerie, de tous les employés de la gendarmerie, mais très certainement de tous ses membres, c'est que, s'ils sont témoins d'une situation inacceptable, ils doivent faire quelque chose. Si quelqu'un fait quelque chose d'offensant, quelque chose qu'une personne raisonnable jugerait offensant, alors on a l'obligation d'intervenir et de s'en mêler ou, si on est témoin d'une telle situation, on doit en parler à quelqu'un qui pourra s'en occuper.
Actuellement, les membres ont l'obligation de déclarer les cas de manquement possibles au code de déontologie, mais nous voulons aller plus loin et en faire une responsabilité active.
Le sénateur Mitchell: En ce qui concerne les dispositions sur la vérification, il me semble qu'il faudrait procéder à une vérification de base, ne pensez-vous pas, avant de commencer, pour pouvoir mesurer les progrès, et qu'il faudrait s'engager à réaliser des vérifications régulièrement par la suite. En réponse à la question du président, le ministre s'est engagé à ce que le comité sénatorial ait un tel mandat au moins aux trois ans, ce qui est excellent. Il me semble que, à l'interne, si je gérais cette organisation, je voudrais savoir où nous en sommes et je voudrais pouvoir mesurer le chemin parcouru et les moyens pour y arriver. Avez-vous été informé de quelque chose du genre lié au projet de loi ou ailleurs?
M.O'Rielly: C'est exactement une de mes tâches dans le cadre des travaux du groupe dont je suis responsable, le groupe chargé de l'Initiative de réforme législative. Nous allons sur le terrain et nous établissons les données de base. Nous examinons tous les sondages, par exemple, qui ont été réalisés jusqu'à présent, ainsi que les sondages en cours au Canada sur divers enjeux, mais très certainement sur le harcèlement, les milieux de travail respectueux et la définition des milieux de travail respectueux. C'est quelque chose dont nous avons besoin. Une de mes responsabilités est de trouver une solution de TI, parce que, actuellement, il y a une diversité de systèmes qui recueillent différentes données. Il faut vraiment que nous puissions faire un suivi des tendances et cerner les enjeux au fur et à mesure afin de pouvoir trouver une façon de régler les problèmes et de nous assurer qu'ils ne se reproduisent plus. C'est l'une de mes responsabilités. Et, très certainement, une de nos tâches consiste à définir ce que seront nos données de base, à mettre des chiffres sur la situation actuelle afin de pouvoir y revenir et de faire des comparaisons pour nous assurer que les choses changent vraiment.
Le président: Surintendant, pourriez-vous nous fournir une copie de cette étude lorsqu'elle sera terminée?
M.O'Rielly: Oui, ça peut se faire. Encore une fois, la question est de savoir quand je pourrai le faire, parce que le processus est en cours. Quand le processus sera plus avancé, d'ici la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, lorsque nous serons plus près d'une mise en œuvre, j'aurai certainement plus de renseignements à ce sujet pour vous.
Le sénateur Nolin: Tant que c'est avant trois ans. Nous avons la mémoire longue.
Le sénateur Dallaire: Surintendant, on vous a confié une tâche très importante. Je repense à la façon dont nous avons géré la situation. Nous avons demandé à un général à trois étoiles de s'atteler à la tâche. Nous vous avons demandé quand vous avez réalisé votre évaluation, tout rassemblé le matériel et aidé les responsables des services juridiques à préparer le projet de loi. J'imagine que vous serez responsable de superviser la mise en œuvre de l'initiative jusqu'à l'application de la loi, en passant par la réglementation, alors vous en avez pour encore deux ou trois ans. C'est une tâche importante, et je ne vous ai pas non plus demandé si vous vous étiez porté volontaire.
Vous dites avoir examiné toutes les options dans le cadre de votre évaluation. Pourquoi ne pas avoir mis toute cette structure-là à la poubelle pour la remplacer par un syndicat, par exemple. Comme vous l'avez dit, vous essayez de réunir différents processus. Pouvez-vous, ici, aujourd'hui, me dire si vous avez suffisamment de pouvoir pour proposer une telle chose? Vous réalisez actuellement cette réforme. Avez-vous les pouvoirs dont vous avez besoin pour formuler toutes les recommandations que vous jugez essentielles, pas nécessairement plaisantes, mais essentielles pour pouvoir réaliser une réforme qui, au bout du compte, changera vraiment les choses?
M.O'Rielly: C'est toute une question. En fait, je me suis porté volontaire en septembre 2009. C'était un honneur de participer à tout cela. Cependant, l'avantage pour moi dans tout cela, c'est que je ne suis pas seul. Je suis le coordonnateur et le gestionnaire et la personne responsable de tout rassembler. J'ai l'expertise technique pour y arriver. Cependant, en même temps, je n'ai pas à prendre toutes les décisions, parce que je peux parler au sous-commissaire des RH, à l'agent d'intégrité professionnelle et au commissaire, au besoin.
L'approche que nous avons adoptée mise sur le fait qu'il s'agit d'un engagement à l'échelle de la GRC. Il faut mobiliser tous les membres et tous les employés. Sinon, nous n'y arriverons pas. Ce n'est pas une tâche qu'une personne peut faire seule. C'est beaucoup trop gros. Dans le cadre de toutes les réformes qui ont été réalisées à la gendarmerie, il a fallu énormément de temps et d'engagement, et c'est encore le cas ici. Nous y travaillons depuis 2009. Nous avons appris beaucoup dans le cadre des processus liés au projet de loiC-43. Nous avons eu la chance de bénéficier du soutien de deux commissaires maintenant ainsi que d'une série de dirigeants principaux des ressources humaines. Lorsque nous avons besoin de parler aux hauts fonctionnaires pour obtenir des conseils et des directives, ils sont toujours disponibles. Si nous avons besoin de parler aux responsables des services juridiques, leur porte est aussi toujours ouverte.
Nous avons mis en place un processus consultatif, comme nous l'avions fait pour le projet de loiC-43, et j'ai l'intention de refaire l'exercice au cours des prochains mois. Nous allons parler aux membres, et c'est extrêmement payant de le faire. Les membres sont très engagés et très intéressés. C'est une approche qui s'applique à toute l'organisation, et je ne suis que le responsable de sa coordination.
Le sénateur Dallaire: Une fois les travaux terminés, il y aura une vérification pour déterminer comment les choses se sont passées et si vous avez réalisé votre objectif, comme on a vu le juge en chef de la Cour suprême le faire pour le MDN cinq ans plus tard. Pour gérer le processus, ils ont créé un conseil supérieur d'examen dont le mandat était de prodiguer des conseils et de fournir des directives. Bénéficiez-vous d'une telle entité, ou est-ce le travail du commissaire ou du sous-commissaire? Quel est le principal organe responsable? Y a-t-il une autre entité créée précisément pour formuler des directives, surveiller comment les choses avancent et conserver des pistes de vérification?
M.O'Rielly: Actuellement, nous en sommes encore à déterminer exactement ce que nous allons mesurer. Lorsque nous le saurons, nous dirons au Comité de la vérification quand nous serons prêts à commencer à aller de l'avant. Nous pourrons dire: «En 2013, voici quelle était la situation. Voici ce qu'il en était en 2012, et voici où nous en sommes maintenant, en 2014 et en 2015.» Il faudra du temps pour y arriver, mais je suis sûr que nous avons la capacité à l'interne, avec le Comité de la vérification et l'état-major supérieur, et grâce au commissaire et à tous les conseillers principaux. De plus, nous pouvons nous tourner vers les commandants, et il y a aussi les représentants des membres et, enfin, les membres eux-mêmes. Nous sommes tous responsables de prouver que le processus a provoqué de réels changements.
Il faudra un certain temps pour voir de réels changements. Comme vous l'avez souligné, sénateur, et comme l'a souligné aussi le sénateur Mitchell, c'est une tâche difficile. Il n'est jamais facile de changer la culture. Il est difficile de manœuvrer un porte-avions dans un petit port, et c'est ce que nous devons faire actuellement, mais nous continuons d'aller de l'avant. Nous avons une bonne idée de la situation de départ, mais nous devons la définir plus précisément afin d'être sûrs que nous pourrons évaluer notre situation à l'avenir, de façon à pouvoir prendre du recul et dire: «Voici où nous avons fait des progrès, et voici où nous avons échoué, et voici là où il faut continuer de s'améliorer.» Nous avons des processus de vérification internes établis pour cette partie du programme. Dans le cadre du plan, en fait, c'est un élément assez important. Nous devons pouvoir demander une preuve que nous avons fait des progrès et apporté des changements.
Le sénateur Dallaire: Vous avez mentionné la possibilité d'effectuer un retour dans les trois ans, ce qui, pour moi, est un délai raisonnable. J'aimerais connaître votre plan de mise en œuvre une fois que le projet de loi sera approuvé. Vous avez mentionné que, dans l'année, tous les cours d'un programme de perfectionnement à l'intention des cadres supérieurs seront prêts, mais cela ne signifie pas que tout le monde les aura suivis.
Pourriez-vous nous donner une idée du processus? Le comité directeur pourrait l'examiner, si le président trouve la proposition acceptable.
Le président: Avez-vous des commentaires à ce sujet, surintendant?
M.O'Rielly: Non, je n'en ai pas. C'est vraiment...
Le sénateur Dallaire: Possible?
M.O'Rielly: Je crois bien. Je ne vois pas pourquoi ce ne le serait pas.
Le sénateur Dallaire: Brave homme.
Le président: Je tiens à remercier nos témoins d'avoir été parmi nous. Nous avons apprécié votre exposé et les renseignements que vous nous avez fournis. Vous nous avez donné une bonne base pour notre étude du projet de loiC- 42.
(La séance est levée.)