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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 17 - Témoignages du 17 mai 2012


OTTAWA, le jeudi 17 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 28, pour étudier les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada (sujet : essais cliniques), et pour étudier la teneur des éléments de la section 54 de la partie 4 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis Kelvin Ogilvie, président du comité et sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je demande à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Seidman : Je m'appelle Judith Seidman de Montréal, au Québec.

Le sénateur Housakos : Je suis Léo Housakos de Montréal, au Québec.

Le sénateur Martin : Bonjour. Je suis Yonah Martin de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Cordy : Je suis Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Hubley : Je m'appelle Elizabeth Hubley et je suis sénatrice de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Eggleton : Je suis Art Eggleton, de Toronto, et je suis vice-président du comité.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Nous poursuivons notre étude aujourd'hui sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance. Je rappelle à mes collègues que notre séance comporte deux volets. La première séance se termine à 11 h 30. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Le deuxième volet de la séance se terminera à 12 h 30. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Nous allons commencer par nous pencher sur l'aspect éthique des essais cliniques. Nous avons deux personnes qui comparaissent aujourd'hui à titre personnel, même si elles sont affiliées à certaines organisations importantes. Je vais les présenter au moment où je leur demanderai de faire leur exposé.

Nous nous sommes préalablement entendus pour que M. Matthew Herder, professeur adjoint, Institut de la loi en santé, Faculté de médecine et du droit, de l'Université Dalhousie, soit le premier à prendre la parole.

Matthew Herder, professeur adjoint, Institut de la loi en santé, Faculté de médecine et du droit, Université Dalhousie, à titre personnel : Merci, monsieur le président, du privilège de comparaître devant vous aujourd'hui. Mes remarques portent principalement sur l'absence de transparence dans le processus d'essais cliniques au Canada. Selon les pratiques actuelles — qui sont fortement appuyées par le fabricant et acceptées par l'autorité de réglementation, il est admis de garder secrets les types d'essais cliniques et les données connexes. Le manque de transparence cause des problèmes pour plusieurs raisons. La plus importante d'entre elles étant le fait que cela risque de porter préjudice aux Canadiens, ce qui s'est matérialisé dans certains cas. Pour cette seule raison, une plus grande ouverture devrait être de mise dans le système de réglementation.

Dans la première partie de mes observations, j'exposerai trois raisons supplémentaires qui expliquent pourquoi le système réglementaire doit faire preuve de plus de transparence et, dans la deuxième partie, je terminerai en abordant les éléments qui devraient être plus transparents.

Pourquoi une plus grande transparence est-elle nécessaire, raison numéro 1. Le fait de tenir secrets les renseignements obtenus à la suite d'essais cliniques va à l'encontre d'un principe fondamental de l'éthique de la recherche. Tout produit médical présenté à Santé Canada aux fins d'approbation a préalablement fait l'objet d'essais sur des humains. Le fait de tenir secrets les renseignements obtenus à la suite d'essais sur des participants, pour reprendre un article récent publié par le New York Times « ne rend pas justice à ces personnes qui se sont portées volontaires pour des essais cliniques. » Cela va également à l'encontre d'un principe fondamental de l'éthique de la recherche, c'est-à-dire qu'il doit y avoir un rapport risque-avantage acceptable. Dans le cas d'essais cliniques pour un médicament, un dispositif biologique ou médical, les possibles préjudices pour les participants sont considérables. Toutefois, la plupart du temps, le seul avantage potentiel est l'obtention de nouvelles connaissances. Si nous acceptons le fait que pour compter comme résultat scientifique, une découverte scientifique doit être reproductible en principe, alors ce présumé avantage lié à la participation à un essai clinique n'est plus tangible. Quand des conditions de confidentialité sont imposées sur l'essai, nous nuisons grandement à toute reproductibilité. Par conséquent, le rapport risque-avantage doit être considéré comme inacceptable dans tous les cas.

Les essais cliniques qui ne sont pas publiés ou qui sont gardés confidentiels violent le principe d'éthique que toutes les recherches doivent avoir un rapport risque-avantage respectable.

La raison numéro deux est la suivante : les changements relatifs aux connaissances scientifiques, au développement de produits et aux normes de réglementation exigent une transparence accrue.

Nous sommes en plein cœur de bouleversements majeurs dans le domaine de la biologie moléculaire, plus précisément dans la manière dont les entreprises créent des produits et dans la façon dont les autorités de réglementation évaluent leur sécurité et leur efficacité. Les ouvrages scientifiques regorgent de découvertes fascinantes, mais pour la plupart non fondées, en génétique et épigénétique. Les entreprises utilisent cette profusion de nouveaux renseignements, quoiqu'ils ne soient pas bien compris, pour créer des thérapies soi-disant personnalisées. De plus, on exige une plus grande flexibilité dans la réglementation quant aux données probantes nécessaires en matière de sécurité et d'efficacité aux fins d'approbation pour la commercialisation.

Les autorités de réglementation sont de plus en plus réceptives aux différents types d'essais, même si deux études récentes suggèrent que les données probantes qui sous-tendent des médicaments orphelins approuvés pour des cancers et des troubles neurologiques s'écartent, de façon inquiétante, des normes importantes en matière de recherche. Les auteurs de l'une de ces deux études ont résumé les conséquences de leurs découvertes comme suit dans le Journal of the American Medicine Association :

La flexibilité du Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques concernant les types d'essais cliniques pour les médicaments orphelins pour des cancers signifie que ces médicaments peuvent être approuvés dans un délai accéléré. Cette pratique peut avoir certains avantages, par exemple dans les situations où l'on craint pour la vie d'une personne ou si aucune autre option thérapeutique n'existe. Cependant, notre étude a permis de conclure qu'une telle flexibilité peut également mener à un abaissement inquiétant des normes relatives aux essais cliniques; une volonté trop forte d'abaisser ces normes pour les médicaments orphelins peut laisser voir des avantages qui ne sont pas tangibles ou passer outre à des risques qui le sont.

En d'autres mots, les auteurs de cette étude expliquent que la pression exercée sur les autorités de réglementation afin d'accélérer les processus d'approbation et de s'adapter à d'autres types de recherche peut entraîner des compromis importants quant à la sécurité et à l'efficacité. La multiplication rapide des renseignements en génétique et les défis existants dans leur utilisation pour mieux comprendre et traiter les maladies humaines mettront pleinement à l'épreuve la capacité de la science réglementaire. Par conséquent, la transparence doit être une condition préalable à tout changement réglementaire effectué en vue d'accélérer le processus ou de mieux répondre aux nouvelles demandes visant des thérapies ciblées.

La raison numéro trois est la suivante : la confidentialité constitue un gaspillage et la transparence crée des possibilités d'innovation. Une transparence accrue dans les processus décisionnels de Santé Canada et dans les données probantes qui les appuient présente deux types d'avantages liés à l'innovation.

Premièrement, rendre les décisions de Santé Canada transparentes permet de réduire le nombre de recherches et d'initiatives de développement redondantes; les entreprises peuvent apprendre des erreurs des unes et des autres.

Deuxièmement, la publication des données présentées à l'autorité de réglementation donne l'occasion aux fabricants de combiner ces renseignements aux leurs afin de prédire si les patients réagiront bien à d'autres traitements à l'étude. Certains fabricants pourraient s'attarder sur le désavantage possible d'une accessibilité accrue aux données et laisser entendre que d'autres fabricants profiteront de leurs efforts.

J'ai trois arguments à présenter à ce sujet.

Premièrement, la diminution dans la production de nouveaux traitements dans l'industrie pharmaceutique est bien documentée. Dans le but de régler ce problème, certaines entreprises ont commencé à adhérer à des modèles plus ouverts et communs en matière d'innovation. Par conséquent, l'ouverture des bases de données relatives aux essais cliniques pourrait alors être perçue comme un avantage par certains membres de l'industrie.

Deuxièmement, il existe déjà d'autres mesures, comme les droits attachés aux brevets et la protection des données exclusives, qui réduisent les risques de préjudice liés à la concurrence qui pourrait découler d'une accessibilité libre aux données d'essais cliniques.

Troisièmement, et le plus important, le principal objectif de la recherche en santé n'est pas la production quantitative de connaissances à tout prix. Il s'agit plutôt de créer des données probantes solides permettant aux fournisseurs de soins de santé et aux décideurs de prendre de meilleures décisions quant à la répartition des ressources limitées en santé et de faire progresser les soins, entre autres. L'importance sur le plan social de la création d'une base de renseignements solide afin d'éclairer la prise de décisions des intervenants en soins de santé devrait alors l'emporter sur les soucis de vol de connaissances.

Il est temps dans le débat de laisser derrière l'importance d'une plus grande transparence et de passer à la mise en œuvre d'éléments précis pour atteindre nos objectifs.

À l'heure actuelle au Canada — comme je l'illustre dans le tableau I dans mon mémoire —, les pratiques sont moins transparentes que celles imposées en Europe ou aux États-Unis, par exemple, en ce qui a trait à presque tous les points de vue du processus d'approbation avant la mise en marché. L'enregistrement d'essais cliniques n'est pas obligatoire sur le plan juridique au Canada. On trouve plutôt cette exigence dans des lignes directrices qui ne s'appliquent pas à toutes les recherches. Elles ne sont pas suffisamment détaillées, et la surveillance et la mise en application font défaut. De plus, seul un sous-ensemble des décisions de Santé Canada concernant les processus de demande pour l'approbation commerciale est publié, et aucune base de données de résultats n'a été créée pour permettre d'effectuer des analyses indépendantes de ces données.

Par conséquent, les trois éléments suivants du système de réglementation avant la mise en marché devraient être plus transparents.

Premièrement, tous les essais cliniques, y compris de la phase 1 — et toute étude d'observation — devraient être assujettis à un enregistrement obligatoire. Cela n'est pas une panacée, mais pourrait atténuer la concurrence entre les fabricants relativement aux résultats d'essais et éclairer des zones grises entre les données probantes publiées et non publiées.

Deuxièmement, toutes les décisions de Santé Canada relatives au processus de demande pour les autorisations commerciales et les raisons sous-jacentes devraient pouvoir faire l'objet d'un examen public. Peu importe si une demande est acceptée, rejetée, abandonnée ou retirée. Ce résultat — et toute évaluation effectuée par Santé Canada — devrait être transparent.

L'Agence européenne des médicaments divulgue actuellement ses refus et le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques songe à faire de même. Santé Canada devrait aller de l'avant dans ses plans afin d'en faire autant.

Troisièmement, Santé Canada devrait être autorisé à diffuser les rapports complets de données joints aux demandes d'autorisation commerciale. Cette mesure peut soulever des questions sur la protection de la vie privée des patients; toutefois, il existe des solutions techniques pour y remédier.

Un libre accès aux données de ces cliniques, dont tous les renseignements personnels identifiant les patients ont été supprimés, permettra aux fabricants d'apprendre des erreurs des uns et des autres, de rassembler leurs données et de rationaliser le développement de produits.

En résumé, chacun de ces changements au processus d'approbation avant la mise en marché est nécessaire; aucun d'eux n'est suffisant par lui-même. Des pouvoirs devraient être définis clairement dans la Loi sur les aliments et drogues et son règlement afin que Santé Canada adopte ces mesures cruciales en matière de transparence.

Merci.

Le président : Merci. Nous passons maintenant au Dr David Moher.

Dr David Moher, scientifique principal, Programme d'épidémiologie clinique, Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa, à titre personnel : Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui. C'est un privilège.

Mes propos portent sur la transparence des essais cliniques. Je vais couvrir beaucoup de matière parce que la transparence porte sur de nombreuses questions liées à la production des essais cliniques. J'aimerais commencer par prendre du recul et vous présenter un peu de contexte.

Comment s'intègrent les essais cliniques dans le cycle de vie de la recherche clinique? Le secteur mondial des recherches en santé est de très grande taille; on y investit près de 200 milliards de dollars annuellement. Cela se traduit par l'envoi d'environ 3 millions de manuscrits aux journaux scientifiques, et de ce nombre, environ 1,5 million d'articles sont publiés. Nous ne connaissons pas quel est le pourcentage de ces études qui se retrouvent en essais cliniques. Il y en a probablement un bon nombre, puisque les résultats de plus de 500 essais cliniques sont publiés mensuellement. Des estimations récentes suggèrent que 75 rapports d'essais cliniques sont publiés quotidiennement.

Les études aléatoires sont importantes et ont apporté des contributions considérables à la santé des Canadiens. Il s'agit de la référence ultime pour l'évaluation de l'efficacité des interventions médicales. Lorsqu'elles sont menées correctement et qu'elles font l'objet de rapports complets, elles sont puissantes et donnent plus de moyens d'action aux cliniciens, aux examinateurs systématiques et aux patients.

Le Dr Drummond Rennie, éditeur adjoint du Journal of the American Medical Association, a dit que « l'ensemble de la médecine dépend de la déclaration transparente des essais cliniques ». Les essais sont souvent déclarés de manière inadéquate, ce qui réduit leur utilité. Ainsi, un examen récent de plus de 500 rapports a indiqué que plus de la moitié d'entre eux ne fournissaient pas les détails du processus aléatoire; l'on n'indiquait pas, notamment, si on avait eu recours à un système informatique ou une autre méthode. Cet aspect est essentiel et se trouve dans tous les essais. Les essais cliniques aléatoires qui ne fournissent pas ces renseignements peuvent déclarer des effets faussement exagérés d'un médicament ou d'autres interventions.

Ces déclarations d'essais cliniques ne fournissent souvent pas des informations encore plus de base. Duff et ses collègues ont examiné 262 rapports d'essais cliniques aléatoires en provenance des journaux les plus importants sur le cancer. Ils ont trouvé que seulement 11 p. 100 des articles rapportaient 10 points essentiels au sujet des interventions sur le cancer qu'ils avaient étudiées, comme, le nom du médicament et son dosage.

Dr Groves, l'éditeur adjoint du British Medical Journal, a récemment indiqué que :

Même les journaux, dont certains publient des rapports de recherche depuis des décennies, ne produisent toujours pas des articles dont la clarté est suffisante pour véritablement juger la nature, la qualité et l'importance d'une étude — et ne permettent pas aux autres chercheurs de la reproduire ou de l'utiliser.

Bref, il y a un manque de transparence et de compréhension même de ce que les essais cliniques ont fait et ont trouvé.

Une solution consisterait à élaborer des listes de vérification que les chercheurs pourraient utiliser lorsqu'ils font rapport de leurs essais aléatoires. J'ai dirigé une tentative d'élaborer une telle liste de vérification, que l'on a nommée CONSORT. Elle a été appuyée par des centaines de journaux médicaux partout dans le monde, ainsi que par des groupes éditoriaux internationaux, tels que l'Association mondiale des éditeurs médicaux. Nous avons de plus en plus de preuves qui indiquent que, lorsque l'on utilise CONSORT, les rapports d'essais cliniques aléatoires sont plus complets et plus transparents. Bien que je sois fier de CONSORT, il reste encore de nombreux problèmes en ce qui concerne la transparence et la manière dont on rapporte ces essais. Une solution consiste à ce que les éditeurs de journaux ne fassent pas seulement appuyer CONSORT, mais l'appliquent également.

Pourquoi est-ce que les essais cliniques sont encore rapportés de manière inadéquate, alors que cette recherche a déjà été scrutée par les pairs? Cet enjeu est complexe et s'explique par de nombreuses raisons. Bien que les éditeurs de journaux médicaux puissent se prévaloir de brefs cours pédagogiques d'une durée de deux ou trois jours et que certains journaux s'engagent à faire les choses correctement, la plupart des éditeurs de journaux médicaux et examinateurs des pairs n'ont pas de formation adéquate pour le faire.

Une solution consisterait à former les éditeurs, les examinateurs des pairs et les auteurs, tout comme l'on forme les gens pour qu'ils puissent conduire une voiture ou encore les pilotes pour piloter un avion. Une telle formation serait à l'avantage de tous les Canadiens.

En règle générale, l'industrie pharmaceutique investit considérablement pour créer un nouveau médicament. L'efficacité de ces nouveaux médicaments est évaluée au moyen de ces essais cliniques aléatoires qui sont ensuite parfois publiés dans des journaux examinés par les pairs. Ces rapports sont ensuite compilés afin de fournir un résumé de l'efficacité du médicament en question.

Les examens systématiques permettent à des cliniciens occupés et aux consommateurs d'avoir une connaissance globale des effets de l'intervention qui fait l'objet d'une enquête. Ces examens systématiques jouent un rôle important dans l'élaboration des lignes directrices relatives aux pratiques cliniques utilisées par votre médecin afin de gérer votre santé de manière optimale. Les essais cliniques sont des piliers fondamentaux qui permettent de gérer la santé de tous les Canadiens.

J'aimerais brièvement vous parler de deux problèmes de transparence considérable qui touchent les essais aléatoires : les préjugés dans les publications et un rapport sélectif des résultats.

En 1959, un chercheur canadien a rapporté pour la première fois que, dans le domaine des études psychologiques, plus de 90 p. 100 des rapports publiés étaient positifs. Ce qui était publié semblait donc dépendre de la nature des résultats : en fait, cela dépendait de si l'on rapportait une réaction positive au traitement. Cette étude a été refaite 20 ans plus tard et incluait les publications médicales et psychologiques. Les résultats étaient similaires. L'on pouvait voir que l'on y retrouvait une prépondérance de résultats positifs et un manque de transparence quant à l'existence de toutes les études.

Vous vous demandez peut-être s'il est grave que les essais ne soient pas publiés? Il vaut mieux être au courant de ce qui se passe. Le professeur Simes, un oncologue australien, a indiqué il y a près de 30 ans que si un médecin basait son plan de traitement sur des rapports publiés, il prendrait une décision différente que s'il avait lu les rapports publiés et ceux qu'ils ne l'avaient pas été.

Ce n'est qu'à travers la pleine transparence de tous les essais aléatoires que nous pouvons munir les Canadiens d'un tableau d'ensemble sur l'efficacité des interventions médicales. Je pense que nous devons militer en faveur d'une autorité législative rigoureuse. Cela veut dire qu'il faut appliquer toute la portée de la loi. Un appui sans application de la loi est une option qui est plus faible et moins efficace.

Ce type de préjugé dans les publications porte sur les problèmes relatifs à la non-divulgation d'études. Il existe également un autre problème, qui est encore plus difficile, que j'appellerais le rapport sélectif des résultats. Il permet également de souligner le manque de transparence dans les essais cliniques. Le rapport sélectif des résultats a lieu lorsqu'un auteur fait rapport uniquement de certains résultats précis dans sa recherche. Une telle sélection a une influence sur la valeur statistique et représente un problème très fréquent.

Les registres d'essais cliniques présentent un outil important pour recenser tous les essais et non pas seulement ceux qui ont des résultats positifs. Le plus important de ces registres, clinicaltrials.gov, est un service offert par les Instituts nationaux de santé des États-Unis et contient des renseignements sur près de 1 000 essais. Cela a été un outil important qui nous a permis d'en savoir davantage quant à l'existence et au contenu de ces essais. Il n'est pas parfait. Ainsi, seule la moitié des essais sont complètement inscrits. En ce qui concerne les essais qui ont été inscrits adéquatement, environ un tiers des articles montre des divergences entre les résultats primaires enregistrés et les résultats publiés.

Les essais cliniques sont incomplets malgré les pouvoirs législatifs en raison d'un manque d'application de la loi. Aucune amende à hauteur de 10 000 $ par jour n'a été imposée à quelqu'un qui n'aurait pas inscrit ou aurait inscrit de manière incomplète son essai clinique.

Les Canadiens qui se portent volontaires pour prendre part à une recherche, notamment ceux qui sont d'accord pour se faire attribuer une intervention au hasard — à savoir, par la répartition aléatoire, qui comporte souvent des risques de santé considérables — s'attendent à ce que l'information glanée à la suite de leur participation ait un ou plusieurs résultats possibles. Dans l'immédiat, cela pourrait améliorer leur santé et pourrait fournir des renseignements additionnels au sujet des conséquences positives et négatives de l'intervention examinée. Ces attentes ne peuvent être concrétisées que si les données sont rapportées. Nous entrons dans un nouveau millénaire et ces attentes minimales et raisonnables ne sont, malheureusement, pas toujours comblées.

Les chercheurs sont responsables d'assurer la transparence. Ils se trouvent dans une position unique qui leur permettrait de résoudre le problème.

Est-ce que l'industrie exerce une influence dans les essais cliniques? En effet. Ils dirigent bon nombre des essais, fournissent des emplois convoités et contribuent de manière considérable à la croissance de notre économie.

Je crois que l'industrie pharmaceutique et d'autres industries qui élaborent et font la promotion des découvertes en matière de santé ne devraient pas diriger des essais ni en faire rapport. Ils devraient prendre part à un programme soumis au contrôle de l'État qu'ils financeraient afin qu'ils dirigent les essais et en fassent rapport. L'industrie n'est pas un spectateur indépendant. Elle se retrouve en position de conflit. Elle reçoit bon nombre d'investissements et doit fournir des rendements économiques pour les actionnaires. Là réside leur obligation première et elle est importante.

Afin de répondre aux questions relatives à l'efficacité des systèmes de santé, la collectivité universitaire représente un groupe plus objectif et plus indépendant qui pourrait mieux répondre aux besoins des Canadiens. Nous devons promouvoir et encourager des pratiques de fabrication saine, et faire en sorte que celles-ci se retrouvent dans des essais cliniques efficaces qui touchent un large éventail de notre population, y compris les enfants, les aînés et les personnes désavantagées. L'harmonisation est importante, et cela va de comités d'éthique centraux et éventuellement particuliers, à la normalisation des pratiques et des procédures opérationnelles, notamment des postes budgétaires convenus.

Pour terminer, je crois que la transparence dans le domaine des essais cliniques est essentielle. L'on peut y parvenir en formant mieux les éditeurs, les examinateurs des pairs et les auteurs. L'application des mesures assura également la transparence.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup. Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais préciser que si nous avons encore des intervenants vers la fin, je vais vous interrompre et demander aux sénateurs d'inscrire leurs questions au compte rendu. Nos témoins nous ont indiqué qu'ils allaient nous donner un suivi si cela est nécessaire, alors nous allons nous assurer que l'on réponde à toutes les questions d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Eggleton : Merci de vos exposés. La transparence est évidemment un thème clé aujourd'hui.

Nous recevons notamment des renseignements contradictoires à cet égard. Lors de notre toute première séance, nous avons accueilli les fonctionnaires de Santé Canada, ainsi que d'autres témoins, notamment des IRSC. Ils nous ont indiqué qu'ils recevaient l'information. Même si l'inscription n'était pas obligatoire, elle y était. Elle était rendue disponible. Les représentants des IRSC ont dit qu'ils rendaient tous leurs essais publics, mais nous avons des renseignements contradictoires, à savoir s'ils ont retiré certaines de leurs lignes directrices à cet effet ou non.

On nous a également dit que bon nombre de ces essais cliniques étaient multinationaux et ils pourraient être enregistrés en Europe ou aux États-Unis. On nous a dit qu'une bonne partie de cette information circulait déjà.

En quoi cela cadre-t-il avec ce que vous nous avez dit aujourd'hui? Est-ce que des renseignements circulent, mais il n'y en a pas assez?

Dr Moher : Eh bien, il y a certainement des renseignements sur les essais dans les registres d'essais cliniques. Cela ne fait aucun doute. Nous avons beaucoup d'information. Mais nous ne l'avons pas toute. Certains de ces renseignements ne sont pas complets, et dans certains cas, ils ne sont pas fiables. Nous avons d'assez bonnes preuves à cet effet.

J'ai travaillé avec le Dr Alan Bernstein qui était à l'époque président des IRSC lorsqu'une initiative a été créée à propos de l'enregistrement des essais que les instituts finançaient. Ils avaient appuyé cette idée. Mais un simple appui n'est pas suffisant. Il faut que cela soit appliqué. On a besoin d'avoir quelqu'un qui examinera de manière systématique ce qui se passe du point de vue du Canada. Peut-être que toutes les agences du Canada pourraient enregistrer ces essais et une seule personne ou un seul groupe pourrait ensuite être responsable d'examiner la situation et de faire appliquer la loi.

L'appui, c'est quelque chose de fantastique, mais s'il n'y a pas d'application, alors on risque de se heurter à des problèmes considérables. Et nous avons vu que nous nous sommes heurtés à des problèmes considérables.

M. Herder : J'abonde dans le même sens que mon collègue. Nous ne sommes pas munis de tous les renseignements dont nous avons besoin.

Le sénateur Eggleton : Hier, une chose que nous avons entendue au sujet des conseils d'éthique de la recherche, c'est qu'il existe des organismes à but lucratif, ainsi que les organisations institutionnelles que nous connaissons. Avez-vous des observations à faire à cet effet? Est-ce que vous estimez que cela est inapproprié ou que l'on aurait besoin d'imposer davantage de restrictions? Quels genres de lignes directrices devraient être établies pour ces types d'entités?

M. Herder : J'aimerais revenir au conflit qui existe entre le fait d'être une entreprise viable et d'assurer en même temps la surveillance. Cela, à mon avis, est une véritable source de préoccupation. Il existe un réel besoin de surveiller ces types d'entités. Cela ne veut pas dire que les conseils entièrement peuplés d'universitaires ne posent pas problème non plus. Ils n'ont parfois pas assez d'appui institutionnel, alors il existe également des tensions au sein des organisations à but non lucratif. Il faut augmenter la surveillance et passer à un système national d'éthique de la recherche qui soit appliqué et évalué à tous les égards afin que le fait qu'il soit à but non lucratif ou non ne fasse aucune différence.

Le sénateur Eggleton : On parle aussi de la compétitivité du Canada pour obtenir des essais cliniques. Certaines personnes du secteur disent que nous perdons du terrain, que nous devons être plus compétitifs pour faire venir les essais ici. Ce faisant, est-ce qu'on brouille les pistes? Est-ce qu'on crée un désir d'assouplir les règles pour attirer plus d'essais? Y a-t-il selon vous un conflit inhérent?

M. Herder : Il ne faut pas perdre de vue la raison d'être des essais. Il est important de pouvoir maintenir une certaine infrastructure et mener constamment un certain nombre d'essais au pays, mais s'il s'agit d'essais cliniques portant sur des produits « moi aussi », ils ne contribuent pas vraiment aux données probantes. Il s'agit plutôt d'essais cliniques promotionnels visant à mieux faire connaître un produit aux médecins, plutôt qu'à véritablement faire progresser les soins de santé en comparant la norme en matière de soins à un éventuel traitement nouveau.

Il ne faut pas perdre de vue l'objectif de fond rendant les essais cliniques désirables, et ne pas sacrifier la qualité à la quantité. La qualité doit rester essentielle.

D'autre part, en matière de concurrence, il entre en jeu toute une série d'autres facteurs. Si les essais cliniques s'espacent au Canada, un relâchement de la surveillance serait loin d'être au premier rang des causes possibles. Il y a les marchés émergents, la possibilité de les réaliser à moindre coût ailleurs. Je crois que le Dr Lexchin a mentionné hier qu'il pouvait être beaucoup moins cher d'effectuer ces essais dans certaines économies émergentes, du fait de la taille du marché et de la présence du secteur. Beaucoup d'essais s'effectuent aussi en Allemagne; le secteur pharmaceutique est énorme, là-bas, par rapport au Canada. La décision d'effectuer des essais cliniques ici ou ailleurs implique une multitude de considérations beaucoup plus pressantes que les complications du CER ou la protection de la propriété intellectuelle, aspect auquel je m'attache, liées à la transparence.

Dr Moher : Vouloir encourager la tenue d'essais innovateurs au Canada et vouloir être un chef de file dans le monde ne doit pas nous faire perdre de vue le fait que les patients participent de façon volontaire à ces essais. De ce fait, j'estime que nous sommes tenus de veiller à ce que les rapports et les données des essais soient rendus disponibles de façon transparente et non remisés ou occultés. J'estime que nous avons vraiment du travail à effectuer en la matière.

Le sénateur Callbeck : Merci à tous deux de votre présence ce matin. Dans de nombreux pays, l'enregistrement des essais cliniques est obligatoire. Y a-t-il des pays qui ont une liste de vérification, pour inscrire un essai, avec des renseignements précis qu'il faut fournir?

Dr. Moher : Si vous allez à clinicaltrials.gov, c'est le plus gros registre d'essais cliniques dans le monde. Environ 100 000 enregistrements y figurent, et il faut, pour enregistrer un essai, compléter une série de champs. On pourrait y voir une liste de vérification.

L'expérience montre que, même si c'est requis par la loi, tous les essais ne sont pas enregistrés. Quand les essais sont enregistrés, ils le sont souvent de façon incomplète. Et, de toute façon, on ne fait pas respecter la loi.

Laissez-moi faire une comparaison : si on se mettait à conduire du mauvais côté de la route et qu'on ne se faisait pas prendre, il est possible que de nombreux conducteurs se mettent à le faire et, le message étant clair, qu'une multitude de personnes en fassent autant.

C'est bien joli d'avoir une liste de vérification. Encore faut-il la faire respecter.

Le sénateur Callbeck : Quand un essai est enregistré, est-on tenu d'afficher des rapports d'étape, après l'enregistrement initial? Et si l'on met fin à l'essai, pour une raison ou pour une autre, est-ce également affiché?

Dr Moher : Ce sont des renseignements qui peuvent être affichés. Certains essais sont tenus de faire état de leurs résultats, si bien que, dans bien des cas, les résultats des essais sont affichés aussi. Toutefois, ce n'est pas complet et il existe de graves problèmes. Comme je l'ai dit, l'un des problèmes les plus troublants, à mon sens du moins, est que le résultat de base envisagé lors de la conception de l'essai, résultat A, peut être changé par la suite.

Le sénateur Callbeck : Aucun pays n'effectue un suivi en la matière, ni ne veille à exiger un enregistrement obligatoire, c'est bien cela?

Dr Moher : Les États-Unis l'exigent. C'est requis par la loi. Mais ils ne semblent pas faire respecter la loi, vu que c'est incomplet.

M. Herder : Il existe également une obligation d'inscription dans l'Union européenne. Là encore, l'application de la loi est problématique.

Le sénateur Callbeck : Pourquoi ne pas faire respecter la loi?

Dr Moher : Le manque de personnel entre sans doute en jeu, cela nécessite du personnel. Et il y a peut-être d'autres raisons également, pour lesquelles on ne fait pas respecter la loi.

Le sénateur Callbeck : Professeur, vous aviez un article en 2012 dans le Journal de l'Association médicale canadienne où vous affirmiez qu'il existait au sein de Santé Canada des obstacles institutionnels nuisant au caractère ouvert. Pourriez-vous nous en dire plus sur la question?

M. Herder : J'en serais ravi. Cette section de l'article résulte en fait du temps qu'il a fallu à Santé Canada pour mettre en œuvre des mesures de transparence dignes de ce nom. L'idée sous-tendant l'une des initiatives censées permettre plus de transparence dans le processus de prise de décision de Santé Canada figure dans un projet de Sommaire des motifs de décision. Il a été annoncé dans les années 1990, mais la première phase n'a pas commencé avant le début ou le milieu des années 2000, échéancier montrant combien de temps il faut pour mettre les choses en œuvre.

En fait, le temps que Santé Canada se décide à créer et à lancer le projet, une bonne part des renseignements qui n'étaient pas du domaine public dans les années 1990, quand le projet a été conçu, étaient devenus du domaine public; c'était le cas de la monographie du produit, qui n'était pas considéré comme étant du domaine public à l'époque de la conception du projet. Quand Santé Canada a effectué un examen interne du projet de Sommaire des motifs de décision, c'était pour parvenir à la conclusion qu'il faisait double emploi avec la monographie du produit, désormais du domaine public. Le temps nécessaire pour arriver à cette conclusion même est une des raisons pour lesquelles je suggère qu'il existe des obstacles institutionnels à l'ouverture.

Autre raison à cette assertion : dans la Loi sur l'accès à l'information, il y a des dispositions permettant de retenir des renseignements censément être la propriété d'un tiers. Or, Santé Canada évoque ces exemptions plus que tout autre figurant dans la Loi sur l'accès à l'information. Cela suggère aussi, selon moi, une tendance à s'incliner devant le fabricant quand il affirme que certains renseignements sont exclusifs. Il existe entre Santé Canada et les gens que le ministère réglemente une conversation, un dialogue qui nuit aussi à l'ouverture.

Le sénateur Callbeck : Toujours dans cet article, vous évoquez des ententes, des pouvoirs de réglementation dans d'autres pays, comme les États-Unis, l'Europe et l'Australie, concernant la non-divulgation de secrets commerciaux. Vous dites que ces secrets commerciaux n'ont pas été établis.

Pourriez-vous discuter de la définition d'un « secret commercial » selon Santé Canada, et de la façon dont elle diffère de celle adoptée, mettons, aux États-Unis?

M. Herder : Je peux essayer. Ce que j'essayais d'expliquer, peut-être pas assez clairement, c'est qu'il existait des dispositions types dans les protocoles d'entente avec les autres organismes de réglementation des États-Unis, de l'Europe et de l'Australie. Il existe toujours une disposition selon laquelle il y a échange de renseignements, mais pas divulgation de renseignements confidentiels ni de secrets commerciaux; par contre, les protocoles ne définissent pas ce que cela comprend. C'est à l'organisme de réglementation de déterminer ce dont il s'agit. Et, manifestement, il y a une différence : le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques, par exemple, divulgue beaucoup plus que Santé Canada.

En examinant les définitions juridiques existantes d'un secret commercial ou de renseignements commerciaux confidentiels, je les trouve assez similaires. Je serais d'ailleurs heureux de fournir au comité les critères en quatre points définis par les tribunaux des deux pays. En théorie, il ne semble pas y avoir beaucoup de différence, mais l'interprétation et l'application divergent beaucoup. C'est pourquoi il existe de l'ouverture dans un pays et moins dans un autre. D'autre part, le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques semble jouir d'une autorité plus claire pour divulguer certains de ces éléments, en tant qu'organisme de réglementation. En l'absence de cette autorité au Canada, il semblerait que Santé Canada couvre ses arrières quant à la divulgation des renseignements, au lieu de diffuser des renseignements de santé très importants aux patients et aux médecins.

Le sénateur Callbeck : Docteur Moher, souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

Dr Moher : Non.

Le sénateur Seidman : Monsieur Herder, vous dites que le Canada est moins transparent que d'autres pays à toutes les étapes ou presque du processus d'approbation avant la mise en marché. Vous nous fournissez d'ailleurs un tableau, avec six catégories et un non dans chaque catégorie pour le Canada. En d'autres termes, nous n'avons pas accès à ces renseignements, alors que, aux États-Unis, vous indiquez « oui » dans quatre catégories sur les six. Bref, selon vous, nous sommes moins transparents dans toute une série de domaines.

Selon vous, quels sont les obstacles à une plus grande transparence au Canada? Plus précisément, quels sont les problèmes touchant au registre, qui semble engendrer énormément de confusion? Commençons par cela, si vous le voulez bien.

M. Herder : Je pense que cela découle de situations que j'ai évoquées précédemment : l'absence d'autorisation législative dans la Loi sur les aliments et drogues ou la réglementation afférente. Il avait été proposé, en 2008, un projet de loi, le C-51, comportant une modification permettant à Santé Canada de promulguer des règlements sur la divulgation de renseignements supplémentaires. Le projet de loi suggérait une modification de la loi elle-même.

Selon moi, vu qu'il n'y a pas de décision de tribunaux, pas de protocole d'entente ni de traité qui empêchent Santé Canada d'être plus proactif en matière de divulgation, la marge de manœuvre existe. Cela dit, les juristes de profession ne seraient peut-être pas de mon avis. Quoi qu'il en soit, il serait beaucoup plus facile de rendre l'enregistrement obligatoire si la loi ou les règlements mentionnaient ce pouvoir.

L'absence de dispositions législatives ou de règlements explique sans doute une bonne part de l'hésitation qui prévaut actuellement. Et ces dispositions législatives existent dans les pays où ce type de pouvoirs est exercé, même si on n'y donne pas toute la suite logique que l'on pourrait souhaiter.

Le sénateur Seidman : Voulez-vous dire que l'enregistrement au Canada devrait être obligatoire?

M. Herder : Absolument.

Le sénateur Seidman : Si tel est le cas, ce que vous dites alors c'est que l'enregistrement aux registres internationaux, y compris clinicaltrials.gov, dont nous avons beaucoup entendu parler ici, n'est pas suffisant, et qu'il devrait y avoir un registre national?

M. Herder : Je ne suis pas sûr qu'il devrait avoir sa source ici, au Canada. Je crois que des choses comme la création d'une base de données nationale pour certains des résultats de la recherche — pas simplement l'enregistrement et le fait de fournir de l'information comme ce que l'on retrouve dans le CONSORT — cela serait possible avec quelque chose comme clinicaltrials.gov ou des bases de données entretenues par l'Organisation mondiale de la santé. Je ne sais pas vraiment s'il doit s'agir d'un site canadien à proprement parler, mais je pense qu'il y a de quoi faire d'autres choses à l'échelle nationale, notamment une base de données sur les résultats, ce qui pourrait être utile également.

Dr Moher : Je crois que nous pourrions nous joindre à la communauté internationale, mais nous pourrions faire beaucoup de choses pour veiller à ce que ce que nous avons ici — à savoir ce qui est canadien — soit complet. Nous pourrions peut-être avoir un organe national qui veillerait à ce que ce soit le cas, à ce que ce soit complet, à ce que ce soit obligatoire et à ce que ce soit appliqué.

Le sénateur Seidman : Vous en venez maintenant aux détails, à savoir qui s'en occupera, qui y veillera et qui se chargera de le faire respecter. Êtes-vous en train de dire qu'il devrait y avoir une sorte d'agence nationale?

Dr Moher : Je ne sais pas s'il doit s'agir d'une agence nationale, mais un groupe. Il pourrait s'agir d'un groupe pancanadien — des gens qui financent les essais — qui se réunirait pour voir si les IRSC pourraient assumer cette responsabilité. Y a-t-il une autre agence qui existe déjà et qui voudrait assumer cette responsabilité? Je ne pense pas qu'il faille créer une nouvelle entité. Il existe d'excellents groupes et organes au Canada qui peuvent s'en charger.

Le sénateur Seidman : Savez-vous exactement quelles données devraient être enregistrées si on adoptait un système national de collecte des données? C'est ce que le professeur Herder semblait suggérer, par opposition à un registre.

Dr Moher : Je pense qu'il y a probablement quelques ingrédients essentiels. Permettez-moi de procéder à rebours. Les résultats; il est absolument essentiel d'avoir les résultats pour chaque essai. Toujours à rebours, il nous faut ensuite savoir quelle était l'intervention et ce qui a été utilisé. Nous devons connaître les détails là-dessus. Combien de personnes ont participé?

L'épine dorsale de l'information sur clinicaltrials.gov est en partie basée sur la liste de vérification de CONSORT. Je ne pense pas que ce soit difficile à faire, mais j'aimerais vraiment mettre l'accent sur les résultats. Tel devrait être notre engagement envers les Canadiens. N'importe quel élément d'information qu'ils génèrent de par leur participation à des essais doit être disponible.

M. Herder : Ce serait une erreur de considérer que les différentes mesures de transparence s'excluent mutuellement. L'enregistrement est utile dans la mesure où il permet de voir les changements survenus tout au long des essais ou de voir si les mesures des résultats ont été modifiées. C'est quelque chose qu'on pourrait vouloir savoir. Il est important de voir les résultats, mais pas seulement les résultats positifs; la publication a souvent un parti pris en leur faveur. L'accès à des rapports d'essais complets permettrait aux gens de colliger l'information provenant de plusieurs essais et leur permettrait éventuellement de réaliser des essais supplémentaires de manière plus efficace. Je crois qu'il est très important de ne pas les voir comme étant séparées, mais plutôt de voir comment nous pouvons nous servir de toutes ces mesures de transparence pour disposer de données probantes plus robustes.

Le sénateur Cordy : J'allais poser une question sur l'enregistrement, mais cela a déjà été fait. J'aimerais revenir à la transparence des essais cliniques. Vous n'êtes certainement pas le premier témoin à nous parler du manque de transparence. En réalité, le vérificateur général en a parlé et M. Neil Maxwell, le vérificateur général adjoint, a également parlé du manque de transparence à l'égard des médicaments qui sont rejetés, retirés ou approuvés avec certaines conditions. Nous n'étions pas au courant de toute cette information. Pourtant, Santé Canada qui est venu comparaître devant nous nous a dit que les choses allaient bon train et que tout allait bien. Toutefois, ce n'est pas du tout ce que nous entendons.

Ce qui m'inquiète, ce sont les demandes d'accès à l'information pour lesquelles nous ne recevons pas l'information parce qu'il s'agit de renseignements d'un tiers. Que peut-on faire pour veiller à ce que la transparence, par l'entremise de Santé Canada et des IRSC, soit en fait améliorée considérablement et rapidement, et non pas des années plus tard? Je crois que de plus en plus de Canadiens s'inquiètent grandement des médicaments qu'ils prennent. Ils aimeraient savoir si, étant donné leur état, il y a des avantages et des inconvénients. Aucun médicament n'est parfait; tout médicament présente des effets secondaires. Pourtant, nous n'entendons pas parler des effets cliniques et de ce qui se passe. Que pouvons-nous faire en tant que comité? Quelle recommandation pouvons-nous faire à Santé Canada?

M. Herder : Paradoxalement, la Loi sur l'accès à l'information — ou en fait, le mécanisme — n'est pas à la base de la transparence, principalement pour des raisons de temps. Cela prend tout simplement trop longtemps. Même si Santé Canada a respecté les échéanciers imposés par la Loi sur l'accès à l'information — ce qui n'est pas toujours le cas — les choses prendraient encore trop longtemps, surtout si elles sont remises en question par un fabricant. Et c'est d'ailleurs son droit de le faire. Toute cette période et ce retard feraient en sorte que l'information dont ont besoin les médecins et les patients des soins de santé serait gardée confidentielle pendant toute la durée du litige ou pendant que Santé Canada ferait enquête pour voir si elle peut la divulguer.

Si on se fie uniquement à la Loi sur l'accès à l'information comme mécanisme de transparence, cela ne suffit pas. Il nous faut davantage de mesures proactives ainsi qu'une autorité législative claire pour divulguer l'information que détient Santé Canada et ne pas attendre une demande spéciale après coup. La seule raison pour laquelle on en entend si souvent parler, c'est parce qu'il y a très peu d'information qui est disponible pour le public. Les choses s'améliorent un petit peu, mais c'est loin d'être suffisant. Les gens ont essayé en passant par une demande d'accès à l'information, car ils n'ont pas le choix. Toutefois, cela prend beaucoup trop longtemps.

Le sénateur Cordy : Nous entendons également parler des médicaments qui font l'objet d'un examen. Personne ne sait pourquoi ils sont mis à l'étude et soudainement, six mois plus tard, ils sont retirés du marché. On pourrait penser que, pendant qu'ils sont soumis à un examen, ils devraient avoir été retirés du marché, mais on ne sait pas pourquoi. Pensez- vous que ce serait utile de légiférer par rapport au ministère de la Santé? Existe-t-il une loi à laquelle le comité devrait penser — et je ne parle pas de l'accès à l'information puisque vous avez dit que cela ne fonctionnerait pas?

M. Herder : Ce genre d'accès en temps réel, c'est davantage une question de ressources. Lorsqu'il y a des inquiétudes en matière de sécurité et autre, Santé Canada dispose de motifs clairs pour diffuser l'information et avertir les gens qu'ils pourraient courir des risques. Pouvoir établir si ce risque est réel, à mon avis — et je ne suis pas un scientifique —, c'est évidemment très complexe. Pouvoir le faire et communiquer cette information peut sembler simple, mais ce genre de communication active est très difficile. Il faut savoir trouver un format qui rejoigne un grand nombre de personnes, qui soit complet et basé sur des données probantes, ce qui nécessite du temps et des ressources. Je ne pense pas qu'il y ait suffisamment de ressources disponibles pour ce genre d'activité.

Dr Moher : J'aimerais ajouter qu'à long terme, nous devons commencer à enseigner aux gens qui entament des études supérieures ou une carrière en recherche la notion d'intégrité en matière de recherche; la notion voulant qu'on ne taise pas les choses et toute l'idée d'éthique en matière de publications. Si l'on regarde les universités ici et à l'étranger, il n'y a que trop peu de temps qui soit dédié à cela. Nous formons de nouveaux médecins et de nouveaux chercheurs et ils ne sont pas toujours formés dans ces domaines très importants. Il faut intégrer tout cela. C'est bien évidemment un élément à plus long terme, mais nous ne pouvons pas continuer à le négliger.

Le sénateur Cordy : Il y a également toute la question de la protection des renseignements personnels.

Le président : J'aimerais aborder quelques petites choses qui ont été soulevées et d'autres qui ne l'ont pas été. Je crois que vous nous avez donné une réponse à ce sujet et de différentes façons, mais je veux en être absolument certain.

En ce qui a trait à la question de transparence, est-ce que vous incluez l'information sur les patients qui se retirent au cours des essais? Est-ce que vous incluez également toute l'information sur les essais qui sont tronqués? Ces deux aspects font-ils partie de votre demande de divulgation complète et de transparence?

Dr Moher : Absolument.

M. Herder : Absolument, pour ce qui est des essais tronqués, mais il faut protéger les renseignements personnels des patients. Lorsqu'ils s'inscrivent pour participer à des essais cliniques, généralement on leur dit que certaines mesures seront mises en place pour protéger leurs renseignements personnels. Nous devons respecter cette partie du processus de consentement éclairé. Il y a des moyens d'y arriver. Il y a toujours de faibles risques d'être identifié. Les gens ont prouvé que, surtout lorsqu'il s'agit d'information génétique, il est concevable que quelqu'un arrive à trouver à qui appartiennent des données.

Toutefois, nous permettons très souvent à la recherche d'aller de l'avant en dépit de tous ces risques, dans la mesure où les participants sont conscients de ce risque potentiel, dès le départ. On devrait s'efforcer de prendre des mesures techniques semblables pour protéger les renseignements personnels des patients et pour se débarrasser de tout élément d'information qui pourrait les identifier. Les deux objectifs ne sont pas incompatibles.

Le président : Pour aborder quelques questions qui n'ont pas été soulevées en détail ce matin, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la normalisation des conseils d'éthique? Nous savons que dans chaque province, il existe un grand nombre de conseils d'éthique différents. Je n'en dirai pas plus. Que diriez-vous de normaliser la méthode d'approbation des conseils d'éthique en ce qui a trait à la protection des patients, mais aussi à la question d'efficacité des essais cliniques? Docteur Moher?

Dr Moher : Je peux probablement vous parler un petit peu de la question d'efficacité. Je crois qu'il nous faut vraiment insister et le faire. J'ai probablement passé trop d'années au sein de comités d'éthique et je peux dire que c'est très difficile pour les chercheurs. Souvent, ils se retrouvent avec un goût amer dans la bouche quand ils se disent « Cet essai ne va jamais aller de l'avant ». Chaque comité a une façon différente d'aborder les choses et cela me semble hautement inefficace. Tout ce que l'on peut faire pour normaliser la chose et peut-être pour les essais de grande envergure et qui regroupent plusieurs centres, on pourrait avoir un seul comité, un seul niveau d'approbation; je verrais cela d'un très bon œil, tout comme un grand nombre de chercheurs.

M. Herder : Je suis en grande partie d'accord avec ces propos. J'ajouterais seulement qu'il serait judicieux d'avoir une évaluation nationale en matière d'éthique, surtout lorsqu'il s'agit d'une nouvelle science, d'un nouvel ensemble d'enjeux où on requiert un certain type d'expertise qui n'est peut-être pas disponible localement. Toutefois, dans d'autres types d'essais cliniques, on pourrait avoir des conseils régionaux ou locaux qui pourraient toujours faire beaucoup de travail. Ce genre de division du travail pourrait être utile.

Le président : Dans une de vos réponses, vous avez en quelque sorte abordé ma prochaine question, qui est la suivante : lorsqu'il y a une maladie pour laquelle il existe des produits sur le marché et qu'on propose des essais cliniques pour un nouveau produit visant cette même maladie, préconiseriez-vous d'adopter une structure d'essai qui non seulement compare le produit au placebo, mais également aux médicaments existants approuvés, dans le cadre de l'essai clinique total?

Dr Moher : Pourrais-je vous demander certains éclaircissements? Ce que vous demandez, c'est s'il existe un produit sur le marché et qu'il y a un nouveau produit en cours d'élaboration, c'est qu'on puisse comparer les deux?

Le président : Oui. En plus de comparer le nouveau au placebo, on le comparerait par rapport au produit qui existe déjà sur le marché.

Dr Moher : Je crois que cela dépend. Dans certains cas, je suis tout à fait d'accord. Je crois qu'il est tout à fait approprié de comparer un nouveau traitement à un traitement existant. Comparer un traitement à un placebo peut revêtir une importance juridique, mais si la norme de soin n'est pas un placebo, à ce moment-là, je ne suis pas certain qu'on doive faire ces essais parce que la norme de soin n'est pas un placebo.

M. Herder : Je suis tout à fait d'accord. On ne peut pas le faire en plus de faire un placebo avec le traitement existant ou la norme de soin. À mon avis, ça ne devrait pas résister à une évaluation en matière d'éthique, parce qu'on offrirait quelque chose d'inférieur à la norme de soin dans le cadre d'une répartition aléatoire pour faire une comparaison. Il faut faire plus de recherches sur l'efficacité comparative et il est primordial de trouver des incitatifs.

Dr Moher : Nous avons besoin de moins de recherches de type « moi aussi ». Il ne s'agit pas du dixième médicament biologique pour l'arthrite rhumatoïde. Nous avons besoin de produits innovateurs.

Le président : Effectivement. Cela relèverait d'autres questions décisionnelles. En fait, comment arrivez-vous à savoir si le composé B, le nouveau, est vraiment supérieur au composé A, celui qui est sur le marché? Je crois, professeur, que vous avez soulevé la question de l'éthique, à savoir qu'en présence d'une grave maladie, il serait contraire à l'éthique de ne pas donner un médicament à une personne. Je vois que vous êtes tous les deux d'accord avec ce concept.

La dernière question sera posée par le sénateur Seidman et si vous ne pouvez pas y répondre entièrement, je devrai mettre fin à notre réunion et vous demander d'effectuer un suivi, par la suite.

Le sénateur Seidman : Rapidement, docteur Moher, je crois connaître la réponse, mais j'aimerais que ce soit établi clairement, dans le compte rendu, je crois que vous avez dit que dans votre méta-analyse des essais cliniques, vous aviez découvert une prépondérance de résultats positifs, du point de vue statistique. J'aimerais clairement consigner cela au compte rendu et savoir, à votre avis, comment le type de transparence dont nous parlons, y compris l'enregistrement obligatoire des essais, viendrait changer cela?

Dr Moher : Si l'on ne fait que se pencher sur les résultats positifs et les combiner, nous n'obtiendrons qu'une réponse positive. Si nous voulons vraiment savoir la véritable réponse, il faut examiner l'ensemble de l'information qui existe. Une partie est positive, une partie n'est pas si positive et l'autre est négative, mais nous sommes vraiment obligés de tout examiner ensemble, pas seulement les éléments positifs.

Le sénateur Seidman : Exactement, y compris les patients qui décrochent dans le cadre d'essais tronqués, comme le président l'a déjà fait remarquer. La collecte de toutes ces données et la publication finale de tous les résultats aideraient-elles à accroître la transparence?

Dr Moher : Absolument.

Le sénateur Seidman : Merci.

Le président : Merci beaucoup. Au nom du comité, j'aimerais vous témoigner notre reconnaissance pour la clarté et le caractère pointu de vos réponses. Après votre départ, si vous pensez à des exemples de pratiques exemplaires dans les domaines dont nous avons discuté ici aujourd'hui, et qui, selon vous pourraient nous être utiles, veuillez nous les faire parvenir par l'entremise de notre greffière.

Sur ce, au nom du comité, je vous remercie d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant le ministre de Citoyenneté et Immigration et ses collègues pour entamer notre discussion sur la section 54 du projet de loi C-38.

[Français]

Je vous souhaite bienvenue au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je vais immédiatement céder la parole au ministre pour son exposé.

L'hon. Jason Kenney, C.P., député, ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme : Merci beaucoup, honorables sénateurs, de cette occasion.

Comme vous le savez, ce projet de loi comporte certaines dispositions du budget que nous avons déposé au Parlement le 29 mars, ainsi que d'autres mesures importantes.

La priorité numéro un de notre gouvernement demeure l'économie. Ce projet de loi nous permettra de faire face aux importants enjeux économiques et liés au marché du travail qui se présentent pour le Canada. Cela est d'autant plus important en cette période d'incertitude économique.

Aujourd'hui, je vais axer mes remarques sur les mesures qui aideront à transformer le système d'immigration du Canada. Je dis « transformer » parce que ces changements nous permettront de maximiser les avantages de l'immigration pour le bien-être économique du Canada et de renforcer notre prospérité à long terme.

[Français]

Aujourd'hui, je vais axer mes remarques sur les mesures qui aideront à transformer le système d'immigration du Canada.

Nous accueillons des niveaux d'immigrants atteignant des sommets historiques, qui comptent parmi les niveaux relatifs les plus élevés du monde développé, mais bon nombre de ces immigrants font face au chômage ou au sous- emploi, dans une économie qui présente des pénuries de main-d'œuvre croissantes.

[Traduction]

Il nous faut un système d'immigration qui puisse aider à remédier aux pénuries de main-d'œuvre importantes dans tout le pays. Il nous faut également un système d'immigration qui puisse contribuer à répondre à nos besoins économiques en temps opportun. Pour amener notre immigration au niveau adéquat, il nous faut absolument un système d'immigration qui soit rapide, flexible et proactif.

Nous avons réalisé des progrès au cours des dernières années pour prendre ce virage et améliorer le sort des immigrants. Cependant, si nous souhaitons avoir un programme d'immigration qui réponde plus directement à nos besoins économiques de manière opportune et efficace, il ne fait aucun doute que nous devons faire davantage.

Ce que nous imaginons, c'est un système d'immigration « juste à temps », soit un système dans lequel il ne s'écoulera plus quelques années, mais seulement quelques mois, entre le moment où un immigrant qualifié fait une demande d'immigration au Canada et le moment où il occupe un emploi rémunéré au pays.

[Français]

Les changements que nous avons proposés ne feront pas que mieux servir notre intérêt national. Ils serviront aussi l'intérêt supérieur des immigrants que nous sélectionnons pour leur potentiel économique.

J'aimerais vous expliquer de quelle façon et pourquoi, en vous donnant un aperçu des mesures que nous avons proposées dans ce projet de loi.

Actuellement, il y a des centaines de milliers d'immigrants qualifiés qui peuvent compter attendre jusqu'à huit ans avant d'obtenir une décision pour leur demande.

[Traduction]

Les réformes que nous avons mises en place en 2008 dans le cadre du Plan d'action pour accélérer l'immigration nous ont aidés à réduire de moitié l'arriéré de demandes de travailleurs qualifiés. Le Programme fédéral des travailleurs qualifiés est le principal programme d'immigration qu'on appelle le système de points. Lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, nous avons hérité d'un arriéré de plus de 600 000 personnes dans cette catégorie. À la suite des limites du nombre de nouvelles demandes que nous avons imposées dans la foulée des modifications apportées à la Loi sur l'immigration en 2008, nous avons pu réduire de moitié environ cet arriéré.

Il n'est tout simplement pas dans l'intérêt du Canada, ni dans celui des immigrants, de faire face à un important arriéré de demandes anciennes de sept ou huit ans. C'est pour cela que nous allons clore toutes les demandes reçues avant le 27 février 2008 et pour lesquelles aucune décision n'a été prise sur la base des critères de sélection du programme au 29 mars 2012.

Le 27 février 2008 est la date à laquelle nous avons renoncé aux nouveaux pouvoirs législatifs pour limiter les nouvelles demandes. C'est devenu une date très importante pour la gestion des inventaires dans notre système. Nous retournerons ensuite tous les frais payés à Citoyenneté et Immigration Canada et nous inviterons les demandeurs qui sont encore intéressés à venir au Canada à présenter une nouvelle demande aux termes du nouveau système.

Au cours des derniers mois, le premier ministre Harper a également parlé de faire plus, dans l'économie du futur, que simplement accepter passivement les demandes d'immigration. Pour atteindre ce but, nous examinerons avec les provinces et les employeurs des approches pour mettre en place un bassin de travailleurs qualifiés prêts à commencer à travailler au Canada, en fonction de leurs compétences à leur arrivée et, dans la mesure du possible, pour leur réserver un emploi.

Le gouvernement fédéral poursuivra son travail d'évaluation du capital humain des immigrants qualifiés, raison d'être du système de points du Programme des travailleurs qualifiés, afin de déterminer s'ils ont ou non la capacité de réussir au Canada à long terme.

Il nous incombe toujours de veiller à ce que les immigrants répondent à nos exigences en matière de sécurité et de santé.

[Français]

En fait, nous espérons obtenir le meilleur des deux mondes avec ce nouveau système. Ce que nous avons à l'esprit est un système qui combine notre grille actuelle de points, qui permet d'évaluer chez les demandeurs divers facteurs comme l'éducation, l'expérience de travail et la connaissance d'une langue officielle, et une place plus importante accordée aux besoins sans cesse changeant du marché du travail canadien.

[Traduction]

Ce projet de loi tient compte du fait qu'il est inévitable que les besoins économiques de notre pays changent à l'avenir. En vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, les instructions ministérielles conféreront au ministre le pouvoir d'émettre des instructions sur le traitement des demandes à l'intention des agents d'immigration, afin d'atteindre de façon optimale les objectifs du gouvernement en matière d'immigration.

Le projet de loi C-38 modifierait l'article 87.3 de la LIPR, afin de faire en sorte que les instructions ministérielles puissent être appliquées aux demandes déjà reçues. Cela apporterait davantage de flexibilité dans la gestion de l'arriéré actuel de CIC et permettrait au gouvernement d'éliminer les arriérés et d'éviter d'en créer de nouveaux. Cette nouvelle politique proposée pourrait également être utilisée pour traiter en priorité les candidats qui répondent à la demande dans des créneaux professionnels particuliers — par exemple, les médecins lorsqu'il y a une pénurie régionale.

De même, nous proposons également de modifier l'article 5 de la LIPR, qui confère au gouvernement le pouvoir clair d'appliquer les nouvelles dispositions réglementaires, une fois adoptées, aux demandes reçues antérieurement dans les catégories permanentes de l'immigration économique et du regroupement familial, ainsi qu'aux programmes temporaires et aux permis d'étude et de travail.

Ces mesures devraient contribuer à réduire les arriérés dans d'autres catégories d'immigration et garantiraient que tous les demandeurs sont évalués selon les critères les plus récents. Cela permettra à notre système d'immigration de conserver la flexibilité nécessaire pour faire face aux changements de notre économie et de notre société.

Afin de contribuer à favoriser la croissance économique de notre pays, nous prévoyons également apporter des changements à notre programme d'immigration des gens d'affaires. Le projet de loi C-38 permettrait au ministre de créer une nouvelle catégorie de résident permanent dans le cadre de la catégorie économique. Nous souhaitons attirer des immigrants qui désirent investir dans l'avenir du Canada, en investissant de façon importante dans l'innovation et la croissance du secteur privé. J'avance que notre programme actuel ciblant la catégorie des investisseurs et des entrepreneurs a bradé de façon considérable la valeur de la résidence permanente au Canada.

Nous avons tenu des consultations sur la façon de procéder à une refonte de ces programmes, et nous avons certaines idées novatrices sur la façon d'optimiser nos investissements dans l'économie canadienne en réformant la catégorie des immigrants et des entrepreneurs.

Par exemple, nous prévoyons également mettre en place un nouveau visa pour démarrage d'entreprise destiné aux entrepreneurs immigrants. Le visa pour démarrage pourrait aider des nouveaux arrivants talentueux ayant des idées formidables à venir au Canada et à contribuer à notre économie si, par exemple, ils sont appuyés financièrement par un investisseur canadien crédible, un investisseur providentiel, ou un investisseur en capital- risque. Il s'agit de mettre les entrepreneurs immigrants en relation avec les organismes du secteur privé ayant de l'expérience et de l'expertise dans la collaboration avec les jeunes entreprises et étant fort qualifiés pour exercer une diligence raisonnable.

Non seulement il est important de veiller à ce que les innovateurs et entrepreneurs immigrants réussissent, mais il importe également de voir à ce que ces fonceurs aux idées formidables puissent surmonter certains des obstacles qui pourraient les empêcher de traduire leurs idées en entreprises prospères et créatrices d'emplois au Canada.

Monsieur le président, avec ces changements, ainsi que les nombreux autres que nous apportons à notre système d'immigration, nous sommes sur la bonne voie pour parvenir à la réalisation de notre objectif. Un système d'immigration « juste à temps » permettra que l'immigration ait une incidence plus directe sur notre économie actuelle et l'aidera à continuer de croître à l'avenir. Les changements proposés sont bons pour les nouveaux arrivants qui pourront profiter de meilleures conditions économiques et aussi contribuer pleinement à notre économie.

[Français]

J'aimerais remercier d'avance les honorables sénateurs de l'examen attentif qu'ils feront de nos changements proposés. J'espère compter sur votre appui. Je suis disponible, avec mes fonctionnaires pour répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Il est possible que nous manquions de temps, alors serait-il possible de poser les questions, aux fins du procès-verbal, et d'y répondre par écrit?

M. Kenney : Oui, nous le ferons le plus rapidement possible.

Le sénateur Eggleton : J'ai trois questions. Voyons si j'arriverai à toutes les poser. J'aimerais commencer par le volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés.

Vous avez dit dans votre déclaration qu'auparavant, lorsque vous étiez aux prises avec un arriéré, vous étiez en mesure de trouver une formule pour le réduire de moitié. Vous avez également déclaré qu'il y a de grandes pénuries de main- d'œuvre et pourtant, nous réduirons de 100 000 les demandeurs, si je me souviens bien. Si l'on remonte à février 2008, on constate que 280 000 personnes ont présenté une demande dans le cadre du volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés. Ces demandeurs attendent depuis longtemps, soit des années, tout en respectant les règles. Ils ont mis en attente leur propre vie et respectent le processus établi. Ils n'ont pas fait de resquillage comme le disent certains pour d'autres, mais ils attendent dans la queue, et maintenant on va leur dire que leur demande ne sera pas traitée.

Vous affirmez qu'ils pourront présenter une nouvelle demande. Combien d'entre eux pourront être acceptés en vertu des nouvelles règles? Les règles ne seront plus les mêmes pour ces demandeurs. Combien d'entre eux répondront aux nouveaux critères?

De plus, je crains que ces nouvelles mesures n'entachent la réputation du Canada. Ces demandeurs vont en parler à leurs amis et à leurs proches et vont déclarer que le Canada est un pays indigne de confiance. Vous faites la file, mais tout à coup, on rejette votre demande.

Comme nous connaissons en ce moment une pénurie de main-d'œuvre et que la concurrence internationale pour accueillir des travailleurs qualifiés se fait de plus en plus vive entre les pays, nous devons attirer les immigrants ici. Par conséquent, que ferez-vous pour réparer les torts qui pourraient être causés à notre réputation internationale en raison de ces mesures?

M. Kenney : Aviez-vous une troisième question?

Le sénateur Eggleton : D'autres aspects du projet de loi me préoccupent, mais je ne sais pas si j'aurai le temps de les aborder.

M. Kenney : Sénateur Eggleton, je vous remercie de ces questions judicieuses.

Premièrement, tous ces changements visent justement à s'attaquer à la pénurie de main-d'œuvre. J'aimerais préciser un point. Nous ne proposons pas de réduire le nombre d'immigrants qui entrent au Canada. Ce que nous voulons faire, c'est de voir à ce que ceux qui sont admis aient une meilleure chance de pourvoir les postes vacants au pays. Il est bien connu qu'au cours des 30 dernières années, nous avons constaté une baisse du revenu et des résultats économiques des nouveaux arrivants ainsi qu'une hausse relative du taux de chômage chez ces derniers.

En mettant fin à ce fardeau que constituent nos énormes arriérés, soit sept ou huit ans d'attente, nous essayons d'en arriver à un système où les demandeurs qualifiés peuvent être appariés à des employeurs, qui eux, n'arrivent pas à trouver de Canadiens pour pourvoir les postes vacants, en plus de faire en sorte que ces immigrants arrivent en quelques mois. Cela nous permettra d'accroître de façon considérable le pourcentage d'immigrants économiques qui ont déjà une offre d'emploi à l'arrivée. C'est impossible à réaliser si ces candidats se trouvent au bas d'une liste d'attente de sept ans. Aucun employeur n'attendra sept ans; par contre, un employeur pourra faire des démarches dans le nouveau cadre plus rapide de façon à recruter proactivement des candidats de l'étranger, d'exercer une diligence raisonnable et de s'assurer que la personne possède le niveau de compétences requis pour occuper un emploi au Canada dès son arrivée.

D'après nos statistiques, les immigrants qui sont admis grâce au volet fédéral du programme des travailleurs qualifiés et qui avaient déjà une offre d'emploi avant leur entrée au Canada gagnent, après trois ans, environ 80 000 $ par année, soit le double de ce que touchent ceux qui n'ont pas d'emploi qui les attend à l'arrivée. La seule façon d'en arriver à un système où un emploi attend les immigrants, soit un système axé sur le marché du travail, consiste à accélérer les démarches, soit de tout simplement éliminer l'ancien arriéré.

Je comprends votre point de vue. Je suis désolé pour ceux qui attendaient patiemment dans la pile de dossiers en arriéré. Ces demandes vont leur être retournées et remboursées, mais en ce qui a trait à notre réputation, je crois que nous nous nuisons davantage à l'échelle internationale en affirmant qu'il est possible de présenter une demande d'immigration au Canada et d'attendre ensuite sept à huit ans avant d'y donner suite. Cela n'aidait en rien notre réputation, sans compter que l'expérience vécue par de nombreux nouveaux arrivants était négative, car après avoir franchi toutes les étapes, ils se sont retrouvés en situation de chômage ou de sous-emploi en occupant des emplois de survie au Canada.

L'un des échecs de notre système, c'est le fait qu'un nombre élevé d'immigrants sont retournés chez eux parce qu'ils n'étaient pas capables d'exploiter leur plein potentiel ou de travailler dans leur domaine de compétence au Canada. À bien des égards, le système était défaillant. Son rendement était inadéquat, et c'est la raison pour laquelle nous devons apporter des changements fondamentaux.

Avec la réduction des arriérés qui se rattachent au projet de loi, nous pourrons mettre en place un système « juste-à- temps » d'ici 2014 plutôt que 2017 ou 2018. Cela se traduira par trois à quatre ans de rendement amélioré pour les immigrants.

Le sénateur Eggleton : Vous parlez de l'arriéré depuis pas mal de temps, mais vous n'avez jamais adopté de mesures aussi extrêmes pour vous y attaquer. Avez-vous étudié d'autres options, outre le fait d'éliminer ces demandes?

M Kennedy : Oui, nous nous y étions pris autrement, mais l'arriéré avait peu diminué. Nous avions réussi à maîtriser le nombre de nouvelles demandes présentées en le limitant à 10 000 par an pour réduire l'arriéré du Programme des travailleurs qualifiés, le faisant passer de 640 000 à 320 000 demandes. Même avec cette réduction de moitié, l'arriéré entrainait tout de même un temps d'attente de plusieurs années. Nous pouvons continuer avec cette approche constante et, avec un peu de chance, nous éliminerons l'arriéré d'ici environ 2017 ou 2018, mais cela retarderait notre capacité de mettre en place un système plus rapide et davantage axé sur le marché qui, j'en suis certain, permettra aux immigrants d'avoir des revenus plus élevés et des niveaux d'emplois intéressants.

Le sénateur Eggleton : Ne vaudrait-il pas mieux accroître l'effectif de façon temporaire? Il y a bon nombre de personnes qui en connaissent beaucoup sur le système d'immigration et qui pourraient aider à éliminer cet arriéré.

M Kennedy : L'une des plus grandes faussetés qui est répandue au sujet de l'arriéré, c'est que c'est le résultat d'une inefficacité opérationnelle. J'invite le comité à consulter une étude réalisée au début de l'année par le Comité permanent de l'immigration de la Chambre des communes. Après un examen détaillé de la question, il a été démontré que nous admettons un nombre très élevé d'immigrants. Au cours des six dernières années, la moyenne était de 254 000 nouveaux résidents permanents, soit tout juste un peu moins de 0,8 p. 100 de notre population chaque année. Il s'agit du niveau soutenu d'immigration le plus élevé de l'histoire canadienne, en termes absolus, ainsi que du niveau par habitant le plus élevé du monde développé. Ce n'est donc pas que nous n'admettons pas assez d'immigrants. Nous avons un nombre record d'immigrants. Le problème c'est que par le passé, le nombre de demandes excédait toujours le nombre de candidats admis. Certaines années, nous recevions 450 000 demandes pour 250 000 places. Cela revient à vendre plus de billets pour monter à bord de l'avion du Canada qu'il n'y a de places disponibles dans l'appareil. Chaque année, l'avion de l'immigration était en survente. En fin de compte, un million de personnes se sont retrouvées dans une file d'attente. Ce n'est pas dû à un manque d'efficacité du ministère. Bien sûr, si le gouvernement décidait d'admettre 600 000 résidents permanents par année, il pourrait embaucher des fonctionnaires pour traiter ces demandes, mais ce n'est pas ce que le public veut.

[Français]

Le sénateur Verner : Merci de votre visite ce matin, monsieur le ministre. J'ai trois très courtes questions. Comme sénatrice du Québec, je me demandais si les nouvelles dispositions auront un impact sur l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration.

Comme vous le savez, au Québec, il y a déjà des initiatives en place pour choisir des travailleurs étrangers qualifiés en fonction des besoins de la province. Est-ce que l'accord est respecté? Et avez-vous eu l'occasion d'en discuter avec le Québec?

M. Kenney : La réponse est oui aux deux questions. Les changements proposés dans le projet de loi C-38 respectent entièrement l'entente Canada-Québec sur l'immigration. Une des obligations que nous avons en vertu de l'entente est d'avoir des consultations avec le Québec sur les changements. Cependant, les changements n'affectent pas le pouvoir de sélection du Québec de leurs immigrants économiques. Cela touche la sélection des immigrants pour les neuf autres provinces et les trois territoires.

Le sénateur Verner : Merci. On l'a vu au Québec, et j'imagine aisément que c'est la même chose dans les autres provinces, qu'un des problèmes auxquels font face les travailleurs qualifiés, c'est d'obtenir une espèce d'accréditation des ordres professionnels. Avez-vous eu des discussions avec les provinces et les ordres professionnels? Je pense qu'il y a des gens très bien intentionnés et bien qualifiés qui veulent venir au Canada et qui font face à cette embûche.

M. Kenney : Oui, c'est un problème très sérieux. Premièrement, le problème de reconnaissance de titre est une des explications principales du niveau de sous-emploi parmi les immigrants professionnels formés dans leur pays d'origine, qui ne peuvent pas obtenir la reconnaissance de leur titre par les ordres professionnels au Canada. C'est la raison pour laquelle notre gouvernement a créé un bureau de reconnaissance des titres étrangers afin de donner des conseils aux immigrants suite à leur sélection, mais avant leur arrivée au Canada. Nous leur donnons un coup de main pour les aider à faire leur demande de reconnaissance de leur titre afin de trouver un emploi.

Deuxièmement, le premier ministre a établi une entente avec les dix premiers ministres des provinces afin d'avoir une approche pancanadienne pour l'accélération et la simplification de la reconnaissance de titres étrangers. Nous investissons, dans le cadre du Plan d'action économique, 50 millions de dollars dans le processus pour réunir tous les ordres professionnels dans les dix provinces afin d'arriver à un système de reconnaissance beaucoup plus rapide et simplifié.

Troisièmement, nous avons lancé, avec le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, un programme pilote pour le financement des coûts de l'éducation supplémentaire et des frais pour les examens pour les professionnels étrangers. Ceci permet de leur donner un coup de main financier afin qu'ils obtiennent leur reconnaissance. Nous faisons toutes sortes de choses, mais en bout de ligne, c'est une responsabilité qui relève des provinces, pas du gouvernement fédéral, parce que ce sont les provinces qui s'occupent de la réglementation des ordres professionnels.

Le sénateur Verner : J'aimerais maintenant aborder la question de la réputation du Canada à l'échelle internationale quant à l'immigration. À maintes reprises, on a pu lire des reportages selon lesquels d'autres pays ont des mesures plus rapides d'accueil de travailleurs qualifiés, ce qui fait en sorte que le Canada a perdu des candidats immigrants étrangers de qualité qui, las d'attendre sept ou huit ans, préféraient adresser leur demande à d'autres pays. J'aimerais avoir votre perspective là-dessus.

M. Kenney : Je suis tout à fait d'accord que nous avons perdu la concurrence avec certains autres pays qui attirent des immigrants qui ont beaucoup de potentiel. Par exemple, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, qui sont deux des pays les plus compétitifs avec le Canada en ce qui concerne l'immigration, acceptent les immigrants qualifiés dans un délai de quelques mois. Au Canada, cela prend plusieurs années.

Il y a deux ans, j'ai rencontré un des meilleurs diplômés d'une des meilleures universités de l'Inde, à Mumbai. J'ai parlé avec lui de la possibilité d'immigrer au Canada. Il m'a demandé : « Comment est-ce que je peux le faire? » Je lui ai dit qu'il fallait déposer une demande auprès de notre système de travailleurs qualifiés et attendre six à huit ans pour obtenir une réponse. Il m'a dit : « Mais monsieur le ministre, j'ai des amis qui ont fréquenté la même école et qui ont immigré en Australie dans un délai de quelques mois! » Cela veut dire que nous avons perdu la concurrence pour les immigrants qualifiés à cause de la lenteur de notre système. C'est une des raisons pour lesquelles il faut le réformer.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Merci, monsieur le président. C'est assez inhabituel de recevoir le ministre de l'Immigration à propos d'un projet de loi d'exécution du budget, mais je vous souhaite tout de même la bienvenue.

Dans les nouvelles mesures proposées par votre ministère, les besoins précis des communautés minoritaires francophones seront-ils respectés? Avez-vous consulté les communautés acadiennes et francophones en ce qui a trait à la Loi sur les langues officielles avant d'apporter les changements proposés dans le projet de loi d'exécution du budget? Une consultation a-t-elle vraiment eu lieu?

M. Kenney : Premièrement, ce n'est pas la première fois que nous apportons des modifications à la Loi sur l'immigration par l'intermédiaire d'un projet de loi sur l'exécution du budget, car nous considérons qu'il s'agit d'une mesure économique.

En ce qui a trait à la consultation, ces mesures ne touchent pas notre plan visant à recruter 4 p. 100 d'immigrants francophones qui s'installeront à l'extérieur de la province de Québec. Nous continuons de travailler sur ce plan. Nous collaborons étroitement avec les communautés francophones hors Québec et acadiennes à cet égard. Notre ministère offre un financement d'environ 20 millions de dollars par année dans le cadre du Programme de la feuille de route pour les langues officielles. Nous avons un plan et, honnêtement, il sera facilité par le nouveau système plus rapide. Nous serons en mesure d'attirer des immigrants francophones pour contribuer à renforcer le fait français au sein des communautés minoritaires francophones à l'extérieur du Québec de façon plus rapide.

Les Linklater, sous-ministre adjoint, Politiques stratégiques et de programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : Nous avons établi un forum de consultations avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Le ministre a raison, nous continuons d'appuyer les efforts en vue de réaliser l'objectif de 4,4 p. 100.

Au fur et à mesure de la mise en œuvre de ces initiatives, nous allons certainement consulter les communautés qui ont intérêt à bénéficier de services plus rapides, comme le ministre l'a dit. Nous collaborons étroitement avec la FCFA pour veiller à faire tout ce qui est possible pour améliorer les services offerts aux candidats à l'immigration francophone qui s'installeront à l'extérieur du Québec.

Grâce à notre nouveau système mondial de gestion des cas, nous sommes maintenant en mesure d'établir un décompte global et plus systématique du nombre d'immigrants francophones. Nous sommes ravis de constater que nous nous approchons de notre cible intermédiaire pour 2013, qui est de 1,8 p. 100 si je ne m'abuse. Nous sommes sur la bonne voie.

Le sénateur Cordy : Les groupes qui sont en contact avec nos bureaux étaient préoccupés parce qu'ils n'ont pas été consultés au sujet des changements. Le fait que Destination Canada ait vu son budget réduit de 600 000 $ les préoccupe également. Je vous retransmets leurs préoccupations.

Ma deuxième question porte sur le site Web de Citoyenneté et Immigration, où l'on indique que :

Le Canada se doit de choisir des immigrants qui veulent et peuvent s'intégrer pleinement au marché du travail et en combler des lacunes, particulièrement là où il y a pénurie de main-d'œuvre qualifiée.

Monsieur le ministre, vous avez dit dans votre déclaration que nous avons besoin d'un système d'immigration qui peut aider à réduire les pénuries considérables qui sévissent un peu partout au pays. Toutefois, plus de 100 000 candidats ont été éliminés de la file d'attente. Laisseriez-vous entendre que de ce nombre, il n'y avait aucun candidat ou personnes à charge qui ne veulent ou ne peuvent s'intégrer pleinement au marché du travail canadien? À entendre ce que vous venez de dire, ils en tireront cette conclusion, c'est-à-dire qu'ils ne veulent pas... Je suis certain qu'ils ne seront pas d'accord avec cette affirmation.

Vous avez déclaré aujourd'hui que les refus de traitement des dossiers dans la liste d'attente s'accompagneront d'un remboursement des frais sans intérêt. Quel sera le coût total de cette mesure de remboursement? Je ne parle pas seulement du coût en dollars des frais en soi, qui seront remboursés sans intérêt, mais également du coût en heure-personne? Ce ne sera pas aussi simple que cela d'entrer en contact avec les demandeurs. D'après ce que j'ai compris, certains d'entre eux seront difficiles à retrouver. Ne vaudrait-il pas mieux utiliser ces heures-personnes pour traiter les dossiers et permettre aux candidats d'entrer au Canada?

M. Kenney : Il n'y aura pas de réduction du nombre de personnes admises au Canada.

Le sénateur Cordy : Oui, je comprends cela, sauf qu'il ne s'agira pas des personnes sur ma liste, à moins qu'elles ne recommencent à zéro.

M. Kenney : Exactement. La question ne consiste pas à savoir si la capacité de traitement sera perdue pour les demandeurs de résidence permanente, mais de remettre en branle un système plus rapide.

J'aimerais vous corriger sur un point. Il ne s'agit pas de 100 000 personnes, mais de 100 000 dossiers sur 300 000 personnes. Nous ne croyons pas qu'il soit si difficile de rejoindre la majorité d'entre elles. Par le passé, nous avons envoyé des documents par la poste à la plupart des candidats au volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés qui étaient compris dans l'arriéré pour leur demander de garder leurs demandes. Nous avons réussi à communiquer avec plus de 95 p. 100 des demandeurs.

Les coûts opérationnels et administratifs rattachés à la réduction de l'arriéré seront d'environ 15 millions de dollars. Nous estimons que nous allons rembourser environ 100 millions de dollars en droits perçus qui n'ont jamais été dépensés. C'est comme si ces fonds étaient détenus en entiercement en attendant le traitement de la demande. Le Trésor ne perd pas vraiment d'argent, il s'agit simplement de rembourser des frais.

Le sénateur Cordy : Pourquoi ne pas accorder des intérêts? Cela fait plus de huit ans.

M. Kenney : Il ne s'agit pas d'un investissement. Le but de la loi n'est pas de faire en sorte que les gens aient un intérêt financier à établir les droits de traitement pour venir au Canada. Notre Parlement et le gouvernement se réservent le droit de déterminer la façon dont nous gérons notre système d'immigration. Nous ne le considérons pas comme un compte d'épargne.

Le sénateur Seth : J'ai deux questions pour vous, monsieur le ministre. Le projet de loi C-38 vous donne le pouvoir d'établir de nouveaux programmes d'immigration dans la catégorie des immigrants économiques, programmes qui seront de plus petite taille et qui seront mis à l'essai pendant une période de cinq ans. Quel type de projet pilote envisagez-vous au terme de cette disposition?

M. Kenney : L'un des éléments nouveaux du projet de loi permet au ministre de créer des programmes pilotes pour la catégorie des immigrants économiques. Ces programmes, d'une durée maximale de cinq ans, pourraient permettre la délivrance d'un total de 2 750 visas par année. Ces programmes verront le jour grâce au « pouvoir des instructions ministérielles » prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Essentiellement, nous entendons utiliser ce pouvoir pour créer des programmes discrets mais rapides qui traiteront le dossier de certaines catégories de candidats qui, dans le cadre d'autres programmes, ne seraient pas admissibles, mais qui contribueraient énormément à l'économie canadienne.

J'ai déclaré au début que nous allions mettre en place un nouveau visa pour démarrage d'entreprise. Au départ, ce concept a été proposé au Congrès américain. Aux États-Unis, ce projet de loi n'a pas encore été adopté. Au Canada, les investisseurs de capital-risque appuient chaleureusement cette initiative. Il leur arrive de rencontrer des entrepreneurs jeunes et talentueux en Inde, par exemple, qui ont d'excellentes idées d'affaires, bien souvent dans l'industrie de la haute technologie. Ces investisseurs canadiens ont fait leurs devoirs et sont prêts à investir parfois des millions de dollars dans le plan d'affaires proposé par ces jeunes et talentueux scientifiques ou informaticiens indiens, par exemple.

Quoi qu'il en soit, ces investisseurs voudraient lancer ces entreprises au Canada. Il est dans notre intérêt d'attirer chez nous les prochains Bill Gates ou Steve Jobs de ce monde, même si souvent ils viennent d'un pays en développement. Ce programme nous permettrait d'agir rapidement avec un processus épuré. Si les investisseurs ont déjà vérifié la crédibilité du plan d'affaires et qu'ils ont exercé une diligence raisonnable faisant en sorte qu'ils sont prêts à investir leur propre argent, nous devrions également consentir à prendre un risque en accordant la résidence permanente, de sorte que ces entreprises prospèrent et créent de la valeur, des emplois et de l'innovation ici au Canada. Voilà le type de projet que nous envisageons.

Nous en sommes encore à effectuer du travail stratégique à cet égard. Toutefois, le pouvoir de créer ces programmes sera accordé pour atteindre ce type d'objectifs.

Le sénateur Seth : J'ai une autre question, mais je crois que vous y avez répondu : les demandeurs acceptés en vertu des instructions ministérielles obtiendront-ils le statut de résident permanent?

M. Kenney : C'est notre objectif.

Le sénateur Seth : Si le projet pilote n'est pas concluant et qu'il n'est pas renouvelé, les candidats acceptés dans le cadre de ce dernier conserveront-ils leur statut de façon permanente?

M. Kenney : L'un des grands avantages de ce pouvoir proposé dans le projet de loi C-38, c'est que nous pourrons innover. L'un des problèmes de notre système d'immigration par le passé s'est avéré sa grande rigidité. Lorsque nous constations des problèmes dans un programme précis, nous devions passer des années à l'analyser et par la suite, il fallait apporter bien souvent des changements législatifs. Cela prenait des années pour réagir aux problèmes.

Les nouveaux pouvoirs proposés dans le projet de loi C-38 donnent une plus grande marge de manœuvre, ce qui nous permettra de suspendre ou d'éliminer les programmes s'ils font l'objet d'abus ou ne répondent pas aux objectifs. Nous serons en mesure de réagir rapidement.

Toutefois, si un candidat est accepté dans le cadre d'un programme pilote et se voit accorder la résidence permanente, nous n'avons pas l'intention de révoquer ce statut, à moins qu'il n'y ait eu de fausses déclarations, c'est-à-dire qu'après coup on s'aperçoit que le candidat a menti sur ses motivations à entrer au Canada.

Le sénateur Callbeck : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être venu vous faire entendre. J'aimerais vous poser des questions au sujet du volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés ainsi que de l'arriéré. Les 300 000 demandes qui ont été présentées avant le 27 février 2008 seront retournées. Avez-vous fait des évaluations de coût pour déterminer ce qu'il en aurait coûté d'embaucher davantage de ressources pour traiter ces dossiers?

M. Kenney : Tout d'abord, je tiens à rectifier un point : il s'agit de 100 000 demandes concernant 300 000 personnes.

Pour répondre à votre question, oui, nous savons le volume de ressources nécessaires qu'il aurait fallu pour toutes les traiter. Si nous devions accepter toutes ces demandes d'un seul coup, cela se traduirait par une hausse de nos niveaux d'immigration qui passeraient de 260 000 résidents permanents à environ 560 000. Il est fort peu probable que le public soit d'accord avec cette hausse.

De plus, nous aurions pu continuer d'emprunter la voie du plafonnement sur les nouvelles demandes au cours des prochaines années pour ne traiter que 100 000 demandes dans le volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés. Or, compte tenu de l'arriéré actuel ainsi que de la charge de travail, il nous faudrait attendre 2017 ou 2018 pour admettre tous ces candidats et éliminer l'arriéré. Le coût serait le même, quels que soient nos coûts opérationnels actuels.

Le sénateur Callbeck : Cela ne semble certainement pas juste que des candidats présentent une demande et qu'après avoir attendu pendant des années, ils se voient retourner leur dossier. Je comprends qu'on rembourse les frais perçus, mais n'oublions pas que ces personnes ont attendu pendant des années.

Qu'en est-il de ceux qui ont présenté une demande à compter du 1er mars 2008? Leur dossier sera-t-il traité en fonction des nouveaux critères du nouveau volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés?

M. Kenney : Oui. Nous avons l'intention d'appliquer les nouveaux critères, qui seront définis cette année, aux candidats compris dans l'arriéré. Par exemple, j'ai l'intention d'effectuer une prépublication en juin du nouveau système de pointage qui sera employé dans le cadre du volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés et qui entrera en vigueur plus tard cette année. Nous avons l'intention d'évaluer les demandes qui font partie de l'arriéré en fonction de ces nouveaux critères, car nous les estimons être plus pertinents, ce qui permet de mieux déterminer la possibilité qu'un candidat réussisse dans l'économie canadienne.

Sur le plan de l'équité, j'aimerais réitérer notre opinion qu'il a été injuste de faire attendre tous nos travailleurs qualifiés depuis sept ou huit ans. Sans vouloir être trop partisan, ce n'est pas un problème qui s'est développé au cours des cinq dernières années. Lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, nous avons hérité d'un arriéré du système d'immigration de 840 000 personnes qui attendaient de venir au Canada depuis des années. Nous essayons de surmonter tout cela, comme l'ont fait d'autres pays développés, afin de pouvoir attirer plus rapidement les individus qui sont plus susceptibles d'avoir en main une offre d'emploi de sorte que leurs taux d'emploi et de revenu soient plus élevés.

Le sénateur Callbeck : Les nouveaux critères pour le volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés n'ont pas encore été déterminés.

M. Kenney : Non, quoique nous avons été très transparents. Nous avons mené des consultations à grande échelle. Même si nous ne l'avons pas encore annoncé, je peux vous dire que nous avons l'intention d'accorder un nombre de points plus élevé aux jeunes travailleurs, essentiellement, nous comptons nous pencher davantage sur les demandeurs plus jeunes, des niveaux plus élevés de compétences langagières pour ceux espérant intégrer le marché du travail des professions réglementés, d'accorder plus de points aux individus ayant en main une offre d'emploi, ainsi qu'aux personnes ayant une expérience de travail acquise au Canada plutôt qu'à l'étranger. Nous avons aussi l'intention de créer un nouveau régime pour les métiers spécialisés, qui faciliterait l'entrée au Canada des personnes pouvant exercer des métiers spécialisés plutôt que seulement les professionnels.

Le sénateur Callbeck : Et les 300 000 individus à qui vous renvoyez leurs demandes après qu'ils aient attendu pendant des années, pourront-ils refaire une demande en fonction des nouveaux critères?

M. Kenney : Oui.

Le sénateur Callbeck : Leurs demandes seront-elles accélérées?

M. Kenney : Non, avec une réserve. Toute personne pouvant obtenir une offre d'emploi auprès d'un employeur canadien sera en tête de file tout comme à l'heure actuelle, et pourra le faire sous le nouveau régime aussi.

Le sénateur Callbeck : N'importe qui pourra aller en tête de file?

M. Kenney : À l'heure actuelle, toute personne ayant en main une offre d'emploi crédible. Nous limitons le nombre de nouvelles demandes à l'heure actuelle pour le volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés à 10 000 par année dans le cadre de notre stratégie de réduction de l'arriéré. L'exception serait que les demandes peuvent être traitées de façon accélérée afin d'admettre en moins d'un an les demandeurs ayant une offre d'emploi.

Le sénateur Callbeck : Pour ce qui est des catégories économiques temporaires que pourra établir le ministre vous avez dit que les catégories seraient temporaires jusqu'à une période de cinq années, mais d'après ce que j'ai compris, ces catégories peuvent être modifiées pendant ce délai de cinq années. Ai-je bien compris?

M. Linklater : Essentiellement, le ministre aurait l'autorité selon ces modifications proposées d'établir des projets pilotes, comme vous dites, pouvant aller jusqu'à cinq ans. Si au cours de ces cinq années nous constatons une réussite phénoménale, et que nous souhaitons rendre permanent ce projet compte tenu les données et les conclusions d'évaluation, nous pouvons agir et réglementer cette catégorie de façon permanente en vertu des règlements de la loi.

Par contre, si nous constatons qu'un projet pilote que nous évaluons n'a pas donné les résultats visés, le ministre peut l'annuler au moyen d'une nouvelle instruction ministérielle.

Le sénateur Martin : Je vous remercie d'être venu, monsieur le ministre. J'aimerais vous dire que je suis la fille d'un immigrant très instruit qui est arrivé au pays pendant les années 1970, et qui a certainement été sous-employé. Mes parents ont eu la vie plutôt dure. En termes d'équité, de transparence et de vous assurer que les immigrants réussissent lorsqu'ils viennent s'établir au Canada, je tiens à vous applaudir monsieur le ministre, pour les modifications que vous apportez au système afin d'assurer un degré d'équité plus élevé ainsi que la réussite de ces immigrants.

Ma question porte aussi sur la consultation. Je me demande monsieur le ministre. Lors de vos consultations auprès des communautés des immigrants, de quel genre de commentaires, de soutien ou de préoccupations avez-vous tenu compte lorsque vous avez proposé les changements?

M. Kenney : Nos consultations ont été menées à très grande échelle. J'ai lu récemment une lettre d'opinion dans le Globe and Mail écrite par Ratna Omidvar, prétendant que nous n'avions consulté personne pour ces modifications. En fait, chacune de nos nombreuses réformes proposées pour le régime d'immigration a fait l'objet de consultations prolongées, tant formelles qu'informelles.

À titre d'exemple, en ce qui concerne les changements que nous avons apportés à la grille de points du volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés, nous avons mené des consultations auprès des intervenants, des provinces et territoires ainsi que des consultations en ligne auprès du grand public. Nous faisons continuellement des sondages et des groupes de discussion. Je dois vous dire que je vis dans un groupe de discussion sans arrêt, particulièrement auprès des nouveaux Canadiens. J'ai rencontré des dizaines de milliers de personnes au cours des cinq dernières années pour discuter de ces enjeux — et des centaines, sinon des milliers, d'organisations. Je crois avoir développé une assez bonne idée des réussites et des échecs de notre système d'immigration, et l'immense désir des nouveaux Canadiens d'avoir un système d'immigration qui fonctionne pour notre économie et qui assure l'intégration plus rapide et mieux réussie des nouveaux arrivants.

Pour vous dire bien franchement, ces réformes sont le résultat de plusieurs années de travail que j'ai réalisé dans les communautés immigrantes qui m'ont fait comprendre les difficultés que vivent les gens. Pendant trop longtemps, notre système a été obsédé par le processus, la gestion des inventaires et des chiffres plutôt que la qualité de l'expérience ou des résultats. Si vous regardez les résultats, notre système est, dans les faits, un demi-échec. Pendant trois décennies, nous avons constaté des revenus à la baisse parmi les nouveaux arrivants et des taux de chômage plus élevés. Cela est inacceptable. Le statu quo ne nous permet pas de réaliser le plein potentiel des immigrants, un paradoxe bien particulier dans une économie atteinte de pénuries importantes et croissantes de main-d'œuvre.

Je ne vois pas la logique d'accepter des gens, dont un grand nombre sera sous-employé ou au chômage, dans une économie atteinte de pénuries de main-d'œuvre qualifiée?

Ce nouveau système nous permettra de mieux relier les immigrants arrivant au pays aux emplois qui existent, nous assurant qu'ils soient satisfaits, qu'ils réalisent leur potentiel, et qu'ils ne soient pas pris dans le piège de l'emploi de survie ou du chômage chronique; plutôt, ils vont travailler en fonction de leur niveau de compétence peu après leur arrivée. Voilà ce que nous comptons faire de ce nouveau système.

Le sénateur Martin : J'ai longuement discuté avec une telle personne, soit Nick Noorani, l'ancien éditeur de la revue Canadian Immigrant. Une des initiatives qu'il a mentionnée, que vous connaissez sûrement, vise à préparer ces immigrants avant leur arrivée au Canada ainsi que d'autres programmes pilotes qui sont actuellement en cours. Il travaille en Inde, pas seulement pour leur trouver des emplois, mais aussi pour assurer que d'autres éléments importants soient considérés, qu'il s'agisse d'ouvrir un compte de banque ou de leur éducation culturelle. Je sais que le programme S.U.C.C.E.S.S. fait quelque chose de semblable en Corée, où j'ai entendu parler d'immigrants suivant une formation avant de venir au Canada.

Je sais que vous l'avez mentionné, mais comptez-vous vous pencher sur de tels programmes et les élargir?

M. Kenney : Le programme dont parle M. Noorani s'appelle le Projet canadien d'intégration des immigrants, qui est administré par l'Association des collèges communautaires du Canada dans la plupart des pays, et à Taipei et Séoul par l'organisme S.U.C.C.E.S.S. qui offre un service d'établissement. Il s'agit de colloques gratuits de deux jours sur l'intégration, la recherche d'emploi, la reconnaissance des titres de compétence étrangers, en plus d'une séance de counselling personnalisé pour certains immigrants économiques avant leur arrivée au Canada. Lorsqu'ils reçoivent la lettre disant : « Félicitations, vous avez été approuvés à titre de candidat provincial pour venir au Canada comme travailleur qualifié volet fédéral », typiquement, plusieurs mois s'écoulent pendant lesquels ils préparent leur départ et subissent des tests médicaux et de sécurité. Nous tentons de profiter de cette période pour les encourager à développer un plan d'arrivée afin qu'ils puissent trouver un logement, un emploi et initier le processus de reconnaissance des titres de compétence en ligne, et ainsi de suite.

Le programme a été sous-utilisé, nous aurions souhaité que plus de gens s'y inscrivent, mais selon nos données jusqu'ici, les gens qui suivent cette orientation préalable au départ réussissent mieux à se trouver un emploi une fois arrivés au Canada.

Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, comme vous l'avez souligné, l'un des principaux objectifs du projet de loi serait d'avoir une approche plus ciblée envers les besoins économiques et de main-d'œuvre de notre pays, et d'intégrer cela à une stratégie d'immigration efficace. Les besoins économiques et en matière de main-d'œuvre varient sensiblement à travers le pays; entre régions, ils varient de façon dramatique. En particulier, étant moi-même du Canada atlantique, je vous dirais que les besoins y sont différents qu'en Alberta.

Je me demande si vous pourriez nous dire ce que le projet de loi prévoit pour ces besoins en main-d'œuvre spécialisée dans les régions, en particulier les programmes provinciaux. Allez-vous pouvoir intégrer sans problème ces objectifs provinciaux et fédéraux?

M. Kenney : Oui. Une réforme très importante que nous avons déjà mise en œuvre a été l'élargissement considérable du Programme des candidats des provinces. Depuis que le gouvernement est arrivé au pouvoir, nous sommes passés d'environ 4 000 à 40 000 admissions sous le Programme des candidats des provinces. Il s'agit d'une expansion énorme. Cela nous a permis d'assurer une répartition géographique bien meilleure des immigrants principaux à travers le pays. Auparavant, environ 85 p. 100 s'établissaient à Toronto, Montréal et Vancouver. Ce taux a baissé considérablement au cours des cinq dernières années, et nous avons constaté deux fois plus d'immigrants s'établissant au Canada atlantique, trois fois plus dans les Prairies et un nombre plus élevé de nouveaux arrivants se dirigeant dans la zone intérieure de la Colombie- Britannique plutôt que la région urbaine de Vancouver grâce au Programme des candidats des provinces de la Colombie- Britannique. Il s'agit d'une grande réussite. Par ailleurs, une évaluation que nous avons effectuée de ce programme démontre que les candidats des provinces réussissent très bien. Le programme réussit le mieux lorsqu'il est articulé autour des emplois réservés auprès d'un employeur.

D'après moi, il s'agit de l'aspect régional le plus important des réformes que nous avons effectuées. Le projet de loi C-38 ne mentionne pas de nom, mais je puis vous dire qu'il suscite beaucoup d'intérêt au Canada atlantique parmi les gens du secteur TI et ceux qui font du développement régional par rapport aux programmes pilotes que nous comptons créer.

À titre d'exemple, je pense que nous venons de mener des consultations cette semaine auprès de ces gens qui s'intéressent à faire venir des scientifiques et des experts en TI de l'Europe au Canada atlantique, munis de leurs plans d'entreprise pour aider à développer certains de ces groupes du secteur TI.

Je vous dis clairement : Nous tenons beaucoup à assurer que nos réformes comblent les lacunes régionales en matière de main-d'œuvre, et nous croyons que ces changements nous permettront de le faire.

Le sénateur Wallace : Je vous remercie.

Le président : Chers collègues, je vais m'assurer que vos questions soient au dossier. Veuillez s'il vous plaît minimiser vos préambules.

Le sénateur Eggleton : Dans son énoncé budgétaire, M. Flaherty a dit qu'il y aurait une meilleure coordination entre le Programme des travailleurs étrangers temporaires et les efforts des Canadiens de se trouver un emploi. Il s'est prononcé davantage là-dessus au cours des dernières journées. Votre ministère nous dit maintenant que les employeurs peuvent accélérer l'entrée des travailleurs étrangers temporaires et les payer 15 p. 100 de moins que les Canadiens. J'ai quelques questions à ce sujet.

Pourquoi des employeurs embaucheraient-ils un Canadien s'ils peuvent obtenir un travailleur étranger pour 15 p. 100 de moins? Et s'ils finissent par embaucher des travailleurs étrangers et des Canadiens, qui travaillent côte à côte et font le même travail avec un écart de 15 p. 100 de leur rémunération, s'agit-il d'une politique gouvernementale équitable?

M. Kenney : Merci...

Le président : Les sénateurs poseront d'abord leurs questions. Nous reviendrons ensuite à celle-là en premier s'il nous reste du temps.

M. Kenney : Merci.

Le sénateur Cordy : Quelles consultations et procédures avez-vous mises en place pour garantir que les titres de compétences étrangers des nouveaux travailleurs qualifiés choisis soient acceptés pour qu'ils puissent exercer leur métier au Canada? Avez-vous des accords en place avec les provinces pour assurer l'intégration de la reconnaissance des titres de compétences étrangers? Avez-vous des accords avec des associations professionnelles pour attirer l'intégration et la reconnaissance du titre de compétence lorsqu'ils viennent au Canada aux termes des nouvelles dispositions?

Le sénateur Martin : J'aimerais savoir quelles sont toutes les options qui s'offrent à ceux qui demandent d'être des travailleurs qualifiés étrangers qui se font éliminer de l'arriéré. Est-ce qu'on leur a donné cette information? Est-ce qu'ils ont accès à diverses options en raison de cette élimination?

Le sénateur Seth : La ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, actuellement l'honorable Diane Finley, a les pouvoirs de créer des règlements pour les employeurs des travailleurs étrangers temporaires. De quelle façon est-ce que ces règlements seront différents de ceux qui sont actuellement en place? Pourquoi est-ce que ce n'est pas Citoyenneté et Immigration Canada qui est responsable de gérer ce processus?

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur le ministre, je peux vous assurer que la greffière vous aidera si vous n'avez pas été capable de noter toutes les questions. La greffière vous les donnera en détail.

Pourriez-vous s'il vous plaît commencer par la question du sénateur Eggleton sur le temps qu'il nous reste?

M. Kenney : Oui. Je vais répondre à cette question et à celle du sénateur Seth en même temps puisqu'elles sont semblables.

Ce que la ministre Finley a récemment annoncé était la mise en œuvre de ce qu'on appelle l'Initiative portant sur l'avis relatif au marché du travail accéléré pour les employeurs.

Par souci de clarté, sénateurs, le Programme des travailleurs étrangers temporaires a deux étapes. Premièrement, un employeur doit obtenir un avis relatif au marché du travail qui démontre à Service Canada, qui relève de RHDCC, qu'il a annoncé le poste, d'habitude pendant au moins trois semaines, au taux de rémunération en vigueur dans la région et qu'aucun Canadien qualifié a posé sa candidature. L'employeur va à Service Canada et demande une certification. Une fois que c'est fait, un avis relatif au marché du travail est émis. L'employeur recrute ensuite quelqu'un de l'étranger qui peut combler ce poste au taux de rémunération en vigueur dans la région, et ensuite, en principe, Immigration Canada émet le permis de travail. Ce sont les deux étapes.

Le problème est que l'Initiative portant sur l'avis relatif au marché du travail, ou AMT, était devenue très encombrante; ça prenait parfois des mois. La ministre Finlay a donc annoncé un processus rationalisé par l'entremise du nouvel avis relatif au marché du travail accéléré pour les employeurs fiables, ceux qui ont utilisé le programme sans problème de conformité par le passé, pour émettre des AMT dans un délai maximum de 10 jours pour les professions hautement qualifiées.

Le deuxième changement qu'elle a annoncé est une modification à l'évaluation du taux de rémunération en vigueur dans la région. Jusqu'ici, le taux de rémunération a été établi en fonction des sondages des employeurs et de ce qu'ils paient aux employés dans certaines catégories d'emplois, et le taux de rémunération a été fixé à la moyenne.

Une entreprise agricole au sud de l'Alberta, par exemple, pourrait payer entre 16 et 20 $ pour quelqu'un qui fait du traitement agricole. RHDCC fixe la moyenne à 18 $, et c'est le taux que l'employeur devra verser au travailleur étranger temporaire.

Voici le problème, pour répondre à la question du sénateur Eggleton. Le problème c'est que la moyenne n'était pas les salaires de départ, donc les Canadiens qui recevaient des offres d'emploi dans ces milieux de travail commençaient d'habitude avec le salaire de départ, qui était par définition inférieur à la moyenne. C'était une situation embarrassante puisque de nombreux travailleurs étrangers temporaires étaient mieux payés que les Canadiens.

Pour être clair, cette nouvelle souplesse reconnaît qu'il y a une gamme dans chaque catégorie professionnelle; tout le monde ne reçoit pas un salaire précis dans chaque profession. Il y a un salaire de base, avec des augmentations par la suite. La marge de manœuvre de 15 p. 100 reflète cette réalité.

Cependant, je tiens à être clair : L'employeur ne pourra payer les travailleurs étrangers temporaires moins de 15 p. 100 du salaire courant seulement si des citoyens canadiens reçoivent le même salaire. Ainsi, les citoyens canadiens ne seront pas pénalisés. C'est aberrant d'obliger les employeurs à payer des salaires plus élevés aux travailleurs étrangers qu'aux travailleurs canadiens, et nous allons nous assurer que ça ne se fait plus.

Pour répondre à la question du sénateur Cordy au sujet de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, le gouvernement fédéral n'a pas d'entente avec les organismes professionnels car cela relève des provinces. Cependant, nous travaillons avec les provinces sous l'égide du Cadre pancanadien d'évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger. C'est un nom très long. Ce cadre découle d'une entente conclue en janvier 2009 par les premiers ministres, et qui est appuyée par un investissement de 50 millions de dollars en vertu du Plan d'action économique. Ce cadre rassemble les 10 organismes provinciaux d'accréditation qui œuvrent dans une quarantaine de professions réglementées avec pour objectif de mettre en place un processus simplifié pour évaluer les qualifications acquises à l'étranger. Le but est de répondre aux candidats dans un délai d'un an afin d'assurer qu'ils ne soient pas embourbés dans la paperasse pendant des années. Nous visons un processus simplifié plutôt que des normes moins élevées pour la reconnaissance des titres acquis à l'étranger par des professionnels. Nous avons fait des progrès, et j'invite les sénateurs à étudier cette question de plus près, car c'est très complexe.

Troisièmement, pour répondre à la question du sénateur Martin, à savoir quelles avenues existent pour les travailleurs qualifiés qui seront touchés par la réduction de l'accumulation des demandes, ils recevront de la rétroaction au cours de la prochaine année. Nous les aviserons qu'ils pourront refaire une demande soit en vertu du Programme des candidats des provinces, le volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés, du Programme des métiers spécialisés, de la catégorie d'entrepreneurs, ou d'un des programmes de sélection au Québec.

Avec ce nouveau système, il y aura davantage de possibilités. C'est plus souple et plus rapide, ce qui veut dire que si les candidats sont qualifiés pour un des programmes que j'ai mentionnés, ils seront admis plus rapidement que s'ils avaient fait demande en vertu du volet fédéral du Programme des travailleurs qualifiés.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre, et merci à tous mes collègues d'avoir été si clairs en posant leurs questions. Merci également aux collègues du ministre d'avoir été présents aujourd'hui. Nous avons hâte d'aller de l'avant.

Encore une fois, au nom de mes collègues, je vous remercie particulièrement, monsieur le ministre, vous et vos collègues, d'avoir été ici avec nous aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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