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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 21 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 4 octobre 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29 pour faire l'étude du projet de loi S-204, Loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC).

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma droite.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Seth : Asha Seth, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Le sénateur Day : Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Peterson : Rob Peterson, de la Saskatchewan.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis également vice-président du comité.

Le président : Nous avons aussi le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Merci, chers collègues. Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins et de les présenter, j'aimerais rappeler à tous qu'il s'agit de la première séance consacrée au projet de loi S-204, Loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique, l'IVCC. Le but de la séance d'aujourd'hui est de donner au comité un aperçu du projet de loi S-204 et des initiatives fédérales en cours qui ont trait à la sclérose en plaques.

Nous recevons deux groupes de témoins ce matin, chers collègues. Je suis convaincu que le sujet intéressera vivement tous les membres du comité. Nous terminerons nos discussions avec le premier groupe à 11 h 30, et avec le second, à 12 h 30. S'il arrivait que les sénateurs inscrits sur la liste n'obtiennent pas tous réponses à leurs questions, je vais demander qu'elles soient dans le compte-rendu et demander aux témoins de fournir ultérieurement des commentaires par écrit. Toutes les questions seront importantes et nous voulons que les réponses soient disponibles à l'ensemble du comité. Cette façon de faire permettra de nous assurer qu'aucune question ne reste sans réponse, pourvu que les témoins veuillent bien répondre.

Cela étant dit, je suis ravi d'accueillir maintenant nos témoins, parmi lesquels se trouve l'honorable sénateur Jane Cordy, qui agit à double titre en ce qui concerne notre comité, puisqu'elle est la marraine du projet de loi.

Bienvenue, sénateur Cordy, dans le cadre de ce rôle.

L'hon. Jane Cordy, marraine du projet de loi : Je n'ai pas l'habitude de me retrouver au bout de la table, monsieur le président. Merci.

Le président : J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à Kirsty Duncan, députée d'Etobicoke-Nord. Je vais vous céder la parole pour que vous puissiez présenter vos exposés, et les membres du comité pourront ensuite vous poser leurs questions.

Kirsty Duncan, députée d'Etobicoke-Nord : Monsieur le président, je tiens à dire clairement pour commencer que, depuis deux ans et demi, on fait de la politique sur le dos de 55 000 à 75 000 Canadiens qui vivent avec la sclérose en plaques. Le gouvernement a très mal géré le dossier de l'IVCC, et je vous invite à lire l'article de la journaliste d'enquête Anne Kingston intitulé The silent treatment et à consulter son tout récent blogue Finally, CCSVI clinical trials. So why is everyone so pissed off? pour plus de détails.

J'ai donc une motion inscrite au Feuilleton qui demande au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes de mener une enquête. En mai 2010, la ministre de la Santé nous a ignorées, moi et ma collègue la députée de St. Paul's, lorsque nous avons rédigé une lettre ouverte demandant la tenue d'essais cliniques sur l'IVCC ainsi que la création d'un registre. La ministre n'a ensuite tenu aucun compte des experts mondiaux en IVCC, quand ils ont demandé des essais cliniques au Sous-comité sur les maladies neurologiques que j'ai créé. On a ensuite rejeté l'idée d'un registre en 2010, parce cela ne faisait pas partie du mandat.

Le gouvernement a omis d'inviter les experts internationaux en IVCC à la réunion du 26 août 2010. En revanche, il a invité ceux qui avaient publiquement contesté la validité des traitements de l'IVCC, malgré leur parti pris. Le gouvernement n'a pas participé aux conférences scientifiques internationales, n'a pas fait faire de visites dans les laboratoires et les salles d'opération et s'est contenté d'accepter les yeux fermés une poignée d'études. Le gouvernement a négligé d'examiner un vaste corpus de recherche remontant à 1839 qui établit des liens entre l'insuffisance vasculaire et la sclérose en plaques.

Au moment de la réunion d'août 2010, huit provinces et territoires réclamaient qu'on agisse dans le dossier de l'IVCC. Or, on a décidé à l'unanimité, à huis clos, lors de cette réunion, de ne pas procéder à des essais cliniques en dépit du fait que les présidents des IRSC et de la Société canadienne de la sclérose en plaques étaient là et qu'ils avaient recommandé précédemment la tenue de ces essais. Les autorités ont trahi les Canadiens atteints de sclérose en plaques et n'ont pas respecté les normes du système de santé canadien.

Le gouvernement a ensuite mis en place un groupe de travail d'experts scientifiques qui n'avaient ni expertise ni expérience en matière d'IVCC, qui ne se sont même pas déclarés en conflit d'intérêts avant que je les amène à le faire, qui n'ont même pas entrepris un examen approfondi de la documentation sur la question tant que je n'ai pas insisté pour qu'ils le fassent, et qui ont analysé les résultats provisoires et finaux de sept études financées par les sociétés canadiennes et américaines de sclérose en plaques alors que nous avions déjà les réponses.

En mars 2011, 10 mois après notre demande initiale, le gouvernement est revenu sur sa décision et a annoncé la création d'un registre de la sclérose en plaques. Le travail devait commencer en juillet 2012, puis en septembre 2012, et nous n'avons toujours pas de registre.

Depuis quand les scientifiques omettent-ils de recueillir des données? C'est un aveuglement volontaire.

Avant que le projet de loi C-280, que j'ai déposé, ne fasse l'objet d'un deuxième débat à la Chambre, j'ai invité une fois de plus tous les députés et sénateurs de tous les partis à prendre part, le 14 février, à un petit-déjeuner en compagnie d'éminents médecins qui traitent l'IVCC. J'ai fait cela parce qu'il ne s'agit pas d'une question partisane. C'est une question humanitaire.

Le 9 février, le documentaire MS Wars, juste et nuancé, a été diffusé à l'émission The Nature of Things. Il incluait une entrevue avec le Dr Gianfranco Campalani, un chirurgien vasculaire qui a observé une amélioration marquée de ses symptômes de sclérose en plaques depuis le traitement et qui a affirmé qu'il était contraire à l'éthique que des médecins refusent ce traitement aux personnes souffrant d'IVCC.

Le jour suivant, le vendredi 10 février, la ministre de la Santé a semblé vouloir limiter les dégâts et a annoncé la tenue d'une réunion d'information sur la sclérose en plaques à 17 h 30 le 13 février, de façon à devancer d'à peine 14 heures le petit-déjeuner que j'avais organisé le 14 février. Selon le leader d'un parti politique, son seul objectif était de torpiller mon projet de loi, le projet de loi C-280.

Le 17 février, la ministre a envoyé une lettre à tous les députés dans laquelle elle attaquait mon projet de loi. Le 27 février, à peine deux jours avant la tenue du vote, le président de l'Association médicale canadienne a soudainement décidé d'exprimer, dans une lettre, son opposition au projet de loi. C'était extrêmement bizarre, alors que le projet de loi du sénateur Cordy avait été déposé au Sénat en juin et que le mien était devant la Chambre depuis septembre.

Le projet de loi C-280 a été rejeté par six voix seulement le 29 février. La ministre de la Santé a utilisé la lettre pour dissuader ses collègues conservateurs qui étaient en faveur du projet de loi, lors du caucus tenu le matin du 29 février. Lorsque j'ai invité le président de l'AMC à me rencontrer ainsi que le sénateur Cordy le 6 mars, il ne pouvait dire comment il en était arrivé à rédiger la lettre du 27 février, ne savait pas que trois études sur la sécurité avaient été réalisées, à laquelle avaient participé plus de 1 000 patients, n'était pas au courant des défis que posent les soins de suivi au Canada et a admis que le manque de soins était déplorable et que le traitement de l'IVCC recevait un accueil bien différent des autres nouveaux traitements médicaux, comme la dénervation rénale.

Aujourd'hui, tout ce que nous avons, c'est l'annonce d'essais cliniques et d'un registre, bien que, la semaine dernière, nous ayons eu une date de départ pour le recrutement en vue d'une petite étude clinique canadienne. Soyons clairs : l'annonce de la semaine dernière n'était encore qu'un jeu politique que l'on joue sur le dos des Canadiens atteints de sclérose en plaques afin d'étouffer le débat sur ce projet de loi.

J'aimerais pouvoir continuer à donner des détails sur les manquements dont a fait preuve ce gouvernement dans le dossier de l'IVCC, notamment en ne permettant pas aux personnes vivant avec la sclérose en plaques de se présenter devant votre comité. Si le Canada tient à offrir des soins axés sur le patient, il est inconcevable que les personnes souffrant de sclérose en plaques se voient refuser la possibilité de témoigner de vive voix devant votre comité et que vous ne me donniez que sept minutes pour défendre la place que doit jouer la science, et non la politique, dans la vie des Canadiens.

Le projet de loi à l'étude exige beaucoup plus que ce que le gouvernement a annoncé au sujet des essais cliniques. Aujourd'hui, il n'existe aucune stratégie nationale à l'égard de l'IVCC, comme l'exige le projet de loi. Aujourd'hui, il n'y a pas de soins de santé adéquats qui sont offerts à la suite d'un traitement, comme le demande le projet de loi. Les patients sont renvoyés de l'hôpital, sont écartés par leurs médecins et se font dire de retourner dans le pays où ils ont reçu le traitement. Les neurologistes traitants refusent de voir leurs patients; leurs rendez-vous sont annulés et leurs permis de conduire sont révoqués s'ils osent se retirer des essais de médicaments.

Aujourd'hui, le Canada n'occupe plus les devants de la recherche. La phase III des essais a lieu présentement ailleurs. Aujourd'hui, le groupe consultatif n'est pas composé d'experts en diagnostics et en traitements. Malheureusement, le débat n'a jamais été fondé sur des données scientifiques comme il aurait dû l'être, mais bien sûr un aveuglement délibéré, des politiques médicales et une collusion avec des groupes d'intérêts spéciaux. Le comité a l'occasion de faire enfin la bonne chose, d'agir dans l'intérêt supérieur des patients atteints de sclérose en plaques et de poser des questions difficiles, au lieu de lire des questions toutes faites et conçues pour protéger la position du gouvernement.

Les Canadiens atteints de sclérose en plaques attendent. Ils sont de plus en plus malades et certains sont en train de mourir.

Le sénateur Cordy : Je suis ravie d'être ici ce matin avec la Dre Kirsty Duncan, qui est la députée d'Etobicoke-Nord et qui défend avec passion l'intérêt des personnes atteintes de sclérose en plaques.

Environ 75 000 Canadiens vivent avec la sclérose en plaques, une maladie dégénérative. Environ 1 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Le taux de prévalence de la sclérose en plaques au Canada est parmi les plus élevés du monde.

Le taux de suicide chez les patients atteints de sclérose en plaques est sept fois plus élevé que la moyenne nationale. Cette statistique est consternante et traduit le désespoir que ressentent bon nombre de personnes atteintes de sclérose en plaques.

Le projet de loi S-204, Loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique, a été déposé pour corriger les lacunes que comporte le traitement des patients atteints de sclérose en plaques au Canada. Il donnera des choix aux personnes atteintes de sclérose en plaques et d'IVCC. L'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique, ou IVCC, abréviation que j'utiliserai dans d'autres parties de mon discours, est une condition caractérisée par une mauvaise circulation sanguine dans le cerveau.

Le projet de loi exige de la ministre de la Santé qu'elle convoque d'abord une conférence avec les ministres provinciaux et territoriaux responsables de la santé dans le but d'établir une stratégie nationale, qui garantirait que toutes les provinces et tous les territoires fournissent le même soutien et les mêmes ressources aux patients atteints de sclérose en plaques.

À l'heure actuelle, la Saskatchewan et le Yukon ont des essais cliniques pour les personnes ayant reçu un diagnostic d'IVCC. Les patients de la Saskatchewan et du Yukon doivent se rendre dans un autre pays pour se soumettre à la procédure. Le Nouveau-Brunswick offre un financement aux patients qui se rendent à l'étranger pour recevoir le traitement. Malheureusement, il semble que le Canada fasse la promotion du tourisme médical. Il est impératif que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership pour que les patients atteints de sclérose en plaques, peu importe où ils vivent au Canada, aient accès au même niveau de soins.

Le projet de loi S-204 exige aussi que l'on fasse un suivi auprès des personnes qui ont reçu une angioplastie veineuse pour traiter l'IVCC, que le traitement ait eu lieu au Canada ou ailleurs. En mars 2011, le gouvernement a annoncé qu'un registre allait être mis sur pied en juillet 2012, expressément à cette fin. Le projet a ensuite été reporté à septembre 2012, et nous sommes maintenant en octobre et nous n'avons toujours pas de registre.

Dix-huit mois se sont écoulés depuis l'annonce du registre. Dix-huit mois pendant lesquels on aurait pu prélever des données sur les Canadiens atteints de sclérose en plaques et d'IVCC et qui ont été traités. Environ 400 personnes atteintes de sclérose en plaques meurent chaque année. C'est donc environ 600 patients qui sont morts depuis l'annonce du registre. Près de 1 500 nouveaux cas de sclérose en plaques ont été diagnostiqués depuis mars 2011, lorsque l'annonce du registre a été faite, et nous n'avons toujours aucun registre pour recueillir les données. Cela témoigne d'un aveuglement volontaire — peu de données, si peu de mesures prises.

Comme le précise le projet de loi, nous devons avoir l'information nécessaire :

... pour assurer l'accumulation de connaissances sur l'efficacité du traitement, les effets de celui-ci sur leur qualité de vie, la durée de ses effets, la nécessité de répéter le traitement ainsi que les effets secondaires ou les risques à prendre en considération dans toute décision ultérieure de fournir ce traitement;

Les Canadiens atteints de sclérose en plaques et d'IVCC méritent cette information pour pouvoir faire des choix éclairés quant à leur traitement. Santé Canada devrait également souhaiter avoir ces données.

Le projet de loi S-204 vise aussi à garantir que des soins de suivi adéquats ne soient pas refusés à une personne qui a obtenu le traitement de l'IVCC à l'extérieur du Canada. Malheureusement, la Dre Duncan et moi avons entendu des histoires effroyables de patients qui ont suivi la procédure et se sont vu refuser des traitements. Vous avez entendu l'histoire de Roxane Garland, qui est décédée cet été à l'âge de 37 ans. Le sénateur Jaffer a parlé d'elle au Sénat plus tôt cette semaine. On lui a refusé un scan spécialisé pour établir ses besoins médicaux. Elle a eu une infection à la vessie et d'autres complications pour être ultérieurement admise à l'hôpital, où elle est morte. L'avis nécrologique disait ceci :

Rocky souhaite que les gens continuent de se battre pour que le traitement de l'IVCC soit offert au Canada et, chose encore plus importante, pour que l'on offre les soins de suivi dont elle avait tant besoin mais qu'elle n'a pas pu obtenir.

J'ai assisté à une réunion de la société nationale de l'IVCC à Okotoks, en Alberta, la fin de semaine dernière. Malheureusement, j'ai entendu beaucoup trop d'histoires au sujet de patients qui se sont vu refuser des soins de suivi. Un spécialiste a dit à sa patiente qu'il était déçu d'elle. Pourquoi avait-elle suivi le traitement? Il lui a ensuite dit qu'il n'allait plus la soigner. L'absence de soins de suivi au Canada est déplorable.

Un ami de mon mari a eu une crise cardiaque en Floride. Il a été traité là-bas, puis ramené par avion à Halifax afin d'y recevoir des soins supplémentaires. Il a été immédiatement conduit à l'hôpital à son arrivée à l'aéroport. Lors d'un séjour en Roumanie l'an dernier, je suis tombée et on a dû me faire un plâtre au poignet. À mon retour au Canada, mon médecin a examiné mon poignet et m'a fait passer d'autres radiographies. Ne devrait-on pas agir de la même façon avec les patients atteints de sclérose en plaques?

Il ne devrait pas y avoir de discrimination. Nous sommes au Canada. Un des piliers de la Loi canadienne sur la santé est l'accessibilité, ce qui signifie un accès raisonnable et uniforme à des services de santé assurés et l'absence de discrimination fondée sur le revenu, l'âge ou l'état de santé. Les personnes atteintes de sclérose en plaques qui ont subi une angioplastie veineuse à l'étranger sont victimes de discrimination et n'ont pas accès aux soins à leur retour au Canada.

Je crois que le projet de loi S-204 sera bénéfique pour les quelque 75 000 personnes au Canada atteintes de sclérose en plaques.

Vendredi dernier, le gouvernement a annoncé que le recrutement pour les essais cliniques commencerait le 1er novembre. C'est un début. La première annonce concernant les essais cliniques a été faite le 29 juin 2011, il y a plus de 15 mois. Les essais cliniques auront lieu en Colombie-Britannique et au Québec, et peut-être plus tard au Manitoba. Le communiqué de presse parlait d'une étude pancanadienne. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse. Les habitants du Canada atlantique ont été exclus de ces essais cliniques. La Dre Duncan vient de l'Ontario. Les patients atteints de sclérose en plaques en Ontario ont également été exclus. À mon avis, cette étude n'est pas pancanadienne. Cent patients y participeront, soit en moyenne moins de 10 patients par province et par territoire. C'est, à mon avis, un bien petit échantillon pour un pays de la taille du Canada.

Les essais cliniques annoncés le vendredi 28 septembre sont des essais de phase I et visent à évaluer la sûreté et l'efficacité de la méthode. Il y a déjà eu des essais cliniques réalisés par le Dr Gary Sisken pour évaluer la sûreté de la méthode à Albany, New York. La moitié des 257 patients qui ont subi l'intervention étaient Canadiens, donc il y a déjà plus d'une centaine de Canadiens qui ont participé à la phase I des essais cliniques du traitement endovasculaire. Il y a déjà des données scientifiques. Pourquoi ne passons-nous pas directement à la phase II? Nous allons refaire ce qui a déjà été fait.

Il faut évidemment veiller à ce que les médicaments et les traitements soient sûrs, mais il s'avère que les efforts déployés au Canada avancent extrêmement lentement et que le gouvernement multiplie les annonces, qu'il fait suivre de longs délais. Les IRSC et la Société canadienne de la SP réclament qu'on allège et qu'on accélère le processus. Je vais vous laisser en décider. Les essais de phase I devraient prendre environ deux ans.

Le gouvernement fédéral doit prendre les choses en main pour que tous les Canadiens soient libres de faire des choix sur leurs soins de santé. Les patients atteints de SP ne devraient pas être traités différemment. Nous avons besoin d'une stratégie nationale sur la SP. Nous devons compiler des données et offrir des soins de suivi aux patients qui ont reçu un traitement endovasculaire, au Canada ou ailleurs.

Merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie beaucoup toutes les deux. Je vais maintenant céder la parole à mes collègues.

Je rappelle à tous que notre temps est compté, donc si vous pouvez vous restreindre au minimum dans vos préambules et passer directement au vif des questions, vos collègues l'apprécieraient grandement.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup toutes les deux d'être ici aujourd'hui. Vous abordez ce sujet avec passion, et de toute évidence, il vous tient très à cœur. Vous n'êtes pas médecin ni l'une ni l'autre, mais je sais que Mme Duncan a beaucoup d'expérience reconnue à l'échelle mondiale. J'aimerais que vous nous parliez un peu des compétences que vous apportez toutes les deux à ce dossier.

Le sénateur Cordy : Je suis une personne ordinaire. J'étais enseignante avant. Je n'ai pas de formation médicale. J'ai connu des centaines de personnes atteintes de SP, et elles cherchent désespérément de l'aide. J'ai fait des recherches et j'ai parlé avec différentes personnes. Je suis persuadée qu'elles subissent de la discrimination au Canada, c'est pourquoi je m'investis tant dans cette cause.

Hier soir, j'ai reçu un courriel d'une amie de ma fille, dont la mère est décédée de la sclérose en plaques très jeune. Lisa m'a envoyé un courriel et m'a dit : « Merci beaucoup de ce que vous faites. Si ma mère était encore en vie, elle serait fière de vous avoir pour la défendre. » Je suppose qu'il n'y a rien à ajouter cela.

Mme Duncan : Merci, madame la sénatrice.

J'ai pris congé de mon poste de professeure en études de la santé à l'Université de Toronto. Je ne parle pas souvent de moi, donc je vais m'en tenir au strict minimum. En 1999, j'ai reçu le prix de l'Association américaine de la sécurité biologique pour ma contribution à la sécurité biologique. J'ai été la principale auteure canadienne au sein du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, en raison de mes travaux sur le changement climatique et la santé. Ce groupe s'est partagé le prix Nobel de 2007. Plus récemment, j'ai reçu un prix international pour mon travail sur la politique entourant le cerveau.

J'aimerais vous parler de nos patients.

Depuis que j'ai entrepris ce projet en 2010, je suis entrée en contact avec 2 000 patients atteints de sclérose en plaques au Canada. Ils ont tous mon adresse de courriel et mon numéro de téléphone personnels. Depuis mai 2010, je dors avec un BlackBerry afin de pouvoir répondre aux appels des personnes qui ont des pensées suicidaires à 3 heures, le matin.

J'ai suivi plus de 450 patients ayant reçu le traitement. Je suis une scientifique. Pourquoi avons-nous laissé filer l'occasion de suivre ces personnes après 1, 3, 6, 12, 24 et 36 mois? Un scientifique ne peut pas ne pas recueillir de données. Je tiens à ce que vous sachiez qu'il y a une vingtaine de médecins qui m'ont écrit, des médecins qui ont reçu ce traitement et qui m'ont suppliée de continuer à me battre pour cela. Ils ont peur de parler, peur pour leur carrière. Ils me disent : « Vous devez continuer à vous battre, parce que cela fonctionne. »

Le sénateur Eggleton : Excellentes réponses de toutes les deux. Je vous remercie. Vous avez acquis une grande compétence.

La semaine dernière, la ministre a annoncé des essais cliniques de phase I. Vous avez toutes les deux dit que ces essais devaient commencer le 1er novembre. Est-ce que cela change quoi que ce soit au projet de loi S-204?

Le sénateur Cordy : Le projet de loi S-204 est bien plus qu'une simple demande d'essais cliniques, donc nous devrons évidemment y apporter des modifications au fur et à mesure que la situation évolue.

Il est triste que tous ceux et celles qui luttent contre la SP aient autant de méfiance envers le gouvernement, c'est triste quand les gens se sentent comme ça. La fin de semaine dernière, pendant que j'étais à Okotoks, j'ai dit que nous modifierions le projet de loi et que nous en supprimerions les parties qui portent sur les essais cliniques parce que ces essais commencent déjà. Beaucoup de personnes m'ont priée de ne rien enlever. Elles ont peur que rien ne se fasse si ce n'est pas inscrit dans le projet de loi. Je vous rapporte ce qu'on m'a dit, mais nous savons qu'il faudra modifier le projet de loi.

Quoi qu'il en soit, par ce projet de loi, nous réclamons une stratégie nationale. Les personnes qui vivent en Nouvelle- Écosse ne devraient pas être traitées différemment de celles qui vivent en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique.

Il devrait y avoir des choix. Toutes les personnes atteintes de SP ne vont pas choisir de recevoir ce traitement, mais c'est une option. Les personnes atteintes du cancer n'optent pas toutes pour la chimiothérapie, mais c'est une option. Nous devons rendre les options disponibles. Si nous voulons que les gens puissent faire des choix concernant les soins de santé qu'ils reçoivent, nous devons leur offrir d'autres solutions que simplement les médicaments. Ce projet de loi pave la voie à une stratégie nationale.

Il prévoit aussi la mise en place de soins de suivi. Nous avons entendu des histoires horribles, notamment celle d'une personne qui a reçu le traitement en Pologne. Quand cette personne est revenue au Canada et est allée à l'hôpital, un médecin lui a dit : « Pourquoi ne retournez-vous pas en Pologne pour vos soins de santé? Je ne vous traiterai pas ici ». La personne a dû quitter l'hôpital. Il y a des gens qui ont reçu le traitement, qui se sentent très bien et qui ne veulent pas être obligés de prendre des médicaments. Ils se font dire par des médecins : « Si vous arrêtez de prendre vos médicaments, je vais écrire une lettre au ministère provincial des Transports pour qu'on vous retire votre permis de conduire. »

Le sénateur Eggleton : Vous avez déjà soulevé la question. Vous parlez du cas de Roxane Garland et des patients qui n'arrivent pas à recevoir des soins ici. C'est grave. Qu'avez-vous à proposer? Que devrions-nous faire, à votre avis, ou que pourrions-nous faire pour aider les gens qui se voient refuser des soins parce qu'ils ont subi cette intervention à l'étranger?

Le sénateur Cordy : La Loi canadienne sur la santé établit que tout le monde a droit à des soins de santé, quelle que soit la maladie, et j'ai parlé de l'accessibilité dans mon exposé. Il s'agit de discrimination contre les patients qui souffrent de sclérose en plaques et qui ont décidé de recevoir ce traitement à l'extérieur du pays. Le Nouveau- Brunswick offre de l'argent à ceux qui veulent le recevoir ailleurs. La Saskatchewan a entrepris des essais cliniques, qui ont cours à New York. Les gens s'en vont, ils se font traiter ailleurs, mais ne reçoivent pas de soins à leur retour. Ce n'est pas correct.

Mme Duncan : J'aimerais ajouter quelque chose sur les soins de suivi et les raisons pour lesquelles il nous faut une stratégie nationale.

Vous devez savoir que, le 7 décembre 2010, le président des IRSC a assuré au Sous-comité sur les maladies neurologiques « qu'aucun médecin ici ne refusera de les traiter pour des complications à la suite d'un traitement reçu à l'étranger ». Je vous recommanderais donc de demander au président de présenter au comité un résumé des pratiques en vigueur pour les soins de suivi dans chaque province et territoire et de préciser quel protocole le gouvernement fédéral accepte. Le comité devrait également demander pourquoi le groupe d'experts scientifiques a déclaré ce qui suit, selon des informations que j'ai obtenues sur présentation d'une demande d'AIPRP :

Les reportages dans lesquels on a dit que les patients atteints de sclérose en plaques (SP) qui vivent des complications après les traitements contre l'insuffisance veineuse cérébrospinale chronique (IVCC) ne sont pas vus par des médecins canadiens sont injustifiés.

Quels patients ou groupes de défense des patients ont été interrogés? Quels sont les faits qui ont été examinés? Quelles mesures a-t-on prises? Nous devrions tous poser la question : quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour veiller à ce que tous les patients reçoivent des soins de suivi, y compris ceux qui souffrent d'IVCC et qui ont reçu un traitement à l'étranger?

Je tiens à ce que vous sachiez qu'il n'y a pas une semaine depuis le mois de mai 2010 où je n'ai pas reçu un appel d'un parent, d'un grand-parent ou d'un conjoint désespéré qui réclamait des soins de suivi.

Pourquoi nous faut-il une stratégie nationale? Parce que nous avons une ministre de la Santé. Nous avons la Loi canadienne sur la santé. Comme le gouvernement a refusé d'agir et qu'il s'est contenté de répondre aux critiques, le président des IRSC a déclaré publiquement qu'il n'avait pas vu venir la crise. Les provinces ont pris les choses en main. Il y a une province qui donne de l'argent aux patients pour les aider à obtenir le traitement à l'étranger. Il y en a une autre qui les envoie à New York. Ironiquement, l'équipe de la Saskatchewan qui s'occupe de diagnostiquer l'IVCC chez les participants à l'étude de New York sont formés par le Dr Sandy McDonald, le médecin même qui est entré en contact avec le comité, mais qui n'a pas été entendu; l'homme qui a tenté sept traitements d'IVCC sur des Canadiens et qui a rédigé deux articles sur l'IVCC qui ont été examinés par des pairs; c'est l'homme qui a déjà examiné plus de 1 000 patients atteints de SP par balayage duplex.

En abandonnant le leadership national, le gouvernement a créé des réfugiés médicaux ou des otages médicaux, dans une véritable guerre de compétences autour des soins de santé à offrir aux Canadiens atteints de SP.

Le sénateur Merchant : Je vous souhaite la bienvenue à toutes les deux. Je suis de la Saskatchewan, donc moi aussi, j'ai entendu de nombreuses histoires de personnes qui me téléphonent. L'incidence de la SP est très élevée en Saskatchewan, et c'est pour cette raison que notre gouvernement provincial a entrepris de mener des essais à Albany, dans l'État de New York. Je pense que la plupart des patients qui participent à ces essais viennent de la Saskatchewan, mais plus de 800 personnes ont été reçues en entrevue. Je pense qu'il en coûte environ 2,5 millions de dollars à la province, mais je n'en suis pas absolument sûre.

Pour commencer, j'aimerais revenir à Roxane Garland, dont vous avez parlé. On me dit que nous devrions entendre le témoignage d'une personne qui a vécu cette expérience. Je suis d'accord avec Mme Duncan qu'il faut entendre quelqu'un qui reçoit des patients et qui suit le dossier de près. J'espère que nous allons convoquer des personnes touchées personnellement par cette maladie et ce traitement.

Pouvez-vous me dire si l'âge est un facteur? Vous parlez constamment de suicides. Pouvez-vous me dire quelles sont les personnes les plus susceptibles d'être atteintes de SP?

Le sénateur Cordy : Nous savons qu'il y a plus de femmes que d'hommes qui sont atteintes de sclérose en plaques et que la maladie semble toucher des jeunes. Elle tend à toucher de jeunes adultes. J'ai entendu dire, la fin de semaine dernière, que l'âge des malades semblait diminuer, mais je ne sais pas trop pourquoi. Elle frappe donc surtout de jeunes adultes et plus de femmes que d'hommes.

Le sénateur Merchant : Cette maladie traîne pendant bon nombre d'années. Des amis à moi en sont morts, mais cela a pris de nombreuses années, voire des décennies.

Le sénateur Cordy : La maladie peut effectivement traîner pendant des années, mais pas toujours. La mère d'une amie de ma fille a contracté la maladie dans la vingtaine et celle-ci a progressé très rapidement. Une dame, ce week-end, m'a raconté qu'elle et sa mère ont été diagnostiquées de la maladie à quatre mois d'intervalle. Vous vous imaginez? Sa mère est décédée très rapidement, seulement quelques années plus tard. La dame en question, elle, était essentiellement alitée et attendait la mort. Puis, ayant entendu parler de cette intervention, elle s'est rendue en Égypte — je pourrais me tromper, mais je sais que c'était à l'étranger — pour s'y soumettre. Aujourd'hui, son fauteuil roulant est entreposé dans son garage.

Le sénateur Merchant : Des patients, qui ont payé de leur poche pour participer à ces essais cliniques, m'ont dit qu'il est parfois nécessaire de se rendre plus d'une fois à l'étranger. Est-ce habituel? Qu'avez-vous découvert à ce sujet? Ces gens font cet investissement, car ils cherchent une solution.

Mme Duncan : Ils ont tous investi beaucoup d'argent. Sachez que je me suis attaquée à ce problème de nature scientifique comme je le ferais avec n'importe quel problème semblable. Je me suis rendue à l'étranger, à mes frais, pour participer à sept conférences internationales sur l'IVCC. Dans certains cas, j'ai même pris la parole en tant que scientifique. J'ai rencontré tous les experts dans le domaine et leur ai demandé leurs données non publiées. J'ai examiné les résultats des IRM et assisté à des interventions. Le gouvernement n'a rien fait de tout cela.

Nous avons appris beaucoup de choses au cours des deux dernières années et demie. Le gouvernement a demandé si cela est lié à la SP. Il aurait dû plutôt demander si cela améliore la qualité de vie des gens atteints. On ne guérit pas de la SP. Il existe différentes sortes de SP et pour la pire d'entre elles, la SP progressive secondaire, il n'existe aucun médicament. Jamais un patient atteint de ce type de SP n'a été soulagé par un médicament. J'ai vu un homme atteint de la SP progressive secondaire laisser son fauteuil roulant et marcher. Aujourd'hui, il n'a plus besoin d'aide à la vie autonome et a recommencé à travailler à temps plein.

Je ne veux pas créer de faux espoirs. Je suis une scientifique. J'aime les choses claires. Selon les résultats des essais, un tiers des patients ont vu leur situation s'améliorer considérablement, un tiers de manière plus modérée, et le dernier tiers n'ont constaté aucun changement. De tels résultats n'ont jamais été possibles avec des médicaments.

Le sénateur Cordy : Comme vous l'avez déjà souligné, des gens ont investi beaucoup d'argent pour subir cette intervention à l'étranger, certains ayant même pris une hypothèque de deuxième rang sur leur maison. J'ai participé à des collectes de fonds pour aider de telles personnes. Certains ont utilisé toutes leurs économies et emprunté de l'argent aux membres de leurs familles et à leurs amis afin de se rendre à l'étranger pour y subir cette intervention.

Vous avez raison de dire que le gouvernement n'a pas les données nécessaires pour déterminer si cette intervention doit être pratiquée plus d'une fois. C'est la raison pour laquelle le registre ou la collecte de données est si important. C'est triste, en effet, d'avoir à attendre 18 mois la collecte de ces données.

Le sénateur Peterson : Étant donné l'incidence élevée de la SP en Saskatchewan, j'imagine que le gouvernement provincial a décidé de mettre sur pied des essais cliniques. Procède-t-il seul, de manière unilatérale? Est-il conseillé par le gouvernement fédéral?

Le sénateur Cordy : Essentiellement, il procède seul. Il a annoncé la tenue d'essais cliniques avant que le gouvernement fédéral annonce qu'il allait mener ses propres essais à l'échelle nationale. À ce chapitre, tout le mérite lui revient.

Mme Duncan : Puis-je ajouter une chose? Je veux que les choses soient très claires.

En août 2010, au moment de tenir cette réunion, huit provinces avaient déjà demandé que des mesures soient prises dans le dossier de l'IVCC. Au mois de mai 2010, le président de la Société canadienne de la sclérose en plaques a demandé en vain 10 millions de dollars au gouvernement fédéral pour mener des essais cliniques sur l'IVCC. Le président des ICRS appuyait la tenue de tels essais. Malgré la volonté des provinces d'aller de l'avant, rien n'a été fait.

Encore une fois, la Saskatchewan mérite toutes nos félicitations pour son initiative. Tout ce que l'on veut, c'est que quelques essais scientifiques soient menés. Nous avons besoin de ces données.

Comme l'a souligné plus tôt le sénateur Cordy, le docteur Mandato et son équipe, aux États-Unis, ont effectué des essais d'innocuité sur 240 patients, dont 100 Canadiens. Le taux de complication s'élevait à 1,6 p. 100.

Le sénateur Peterson : Les patients de la Saskatchewan qui reviennent à la maison après avoir subi cette intervention reçoivent-ils des soins de santé?

Le sénateur Cordy : En vertu de la Loi canadienne sur la santé, ils devraient recevoir des soins de santé.

Le sénateur Peterson : D'accord, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Ont-ils reçu des soins de santé?

Le sénateur Cordy : J'ignore de quelle province provenaient les patients avec lesquels j'ai discuté, mais Roxane venait de la Saskatchewan, non?

Mme Duncan : Oui.

Le sénateur Cordy : Elle n'a pas reçu de soins de santé à son retour.

Le sénateur Peterson : Certains en reçoivent, mais pas tous. Ce que l'on avance, c'est que le Canada a un système de santé à deux vitesses.

Le sénateur Cordy : Je vous confirme que des patients atteints de la SP ont fait l'objet de discrimination au sein du système de santé canadien.

Le sénateur Seth : Le sujet d'aujourd'hui est difficile et très complexe, et suscite beaucoup d'émotions. Trop de gens sont atteints de la SP.

Je vois que le gouvernement du Canada a annoncé que la sûreté et l'efficacité de la technique endovasculaire pratiquée sur une personne atteinte de la SP doivent faire l'objet d'un examen et qu'un essai clinique cofinancé par les IRSC et la Société canadienne de la sclérose en plaques doit avoir lieu. À mon avis, lorsque la recherche permettra d'approuver cette technique, on pourra procéder à l'essai clinique. La chose importante à ne pas oublier, c'est que les résultats de cette intervention sur les patients atteints d'IVCC, qui est liée à la SP, selon moi, ne semblent pas concluants. Si j'ai bien compris, le taux de complication est très élevé.

Le gouvernement du Canada a agi et il se prépare à agir de nouveau dans ce dossier. Ne serait-il pas préférable d'attendre les essais cliniques plutôt que d'envoyer nos patients à l'étranger pour y subir une intervention et de faire ensuite le suivi? Ça ne nous permet pas d'avoir des données complètes.

Mme Duncan : Puisque vous êtes médecin, vous comprenez que le temps presse lorsqu'il s'agit de la SP. Il y a un an et quatre-vingt-dix-sept jours aujourd'hui, le gouvernement annonçait la tenue d'essais cliniques sur l'IVCC, mais nous attendons toujours. Depuis, trois nouveaux cas de SP ont été diagnostiqués chaque jour au pays, soit près de 1 400. Le score d'invalidité de 55 000 sur les 75 000 Canadiens atteints de la SP a baissé d'un point, et quelque 530 patients sont décédés. Une attente d'un mois peut faire la différence entre travailler et ne pas travailler, entre marcher et ne pas marcher, et entre une vie autonome et une vie en institution.

Le gouvernement a dit qu'il allait mener des essais cliniques. Selon ce que nous avons appris, ils devraient s'amorcer le 1er novembre. Je vous rappelle qu'une étude d'innocuité a été réalisée à New York sur 240 patients, dont plus de la moitié étaient des Canadiens. Cette étude a démontré que la technique endovasculaire est sûre et qu'elle ne présente que 1,6 p. 100 de risques de complications majeures. Alors, pourquoi le Canada veut-il mener une autre étude d'innocuité sur 100 autres patients?

Les médecins et patients s'inquiètent que l'essai comporte un biais négatif. Si l'on procède à un essai clinique à double insu, les chercheurs ne peuvent connaître l'état des patients. On doit également mettre sur pied un comité indépendant de contrôle des données pour examiner en temps réel, sans insu, tous les événements indésirables, y compris les événements sérieux. Il est indispensable que nos chercheurs, radiologistes et chirurgiens reçoivent une formation adéquate de la part de professionnels expérimentés dans le diagnostic et le traitement de l'IVCC. C'est très important. Selon de nombreux médecins, il faut pratiquer cette intervention 60, 100 voire 200 fois avant de se sentir à l'aise avec celle-ci, alors que l'essai clinique ne prévoit que 100 interventions. Nous voulons nous assurer que les intervenants sont expérimentés et compétents, et que l'étude évalue les changements potentiels dans la qualité de vie des patients.

Le sénateur Cordy : Vous nous demandez s'il ne serait pas préférable d'attendre. Environ 400 patients atteints de la SP meurent chaque année et le taux de suicide est sept fois plus élevé que la moyenne nationale. Ces statistiques sont alarmantes. Les études d'innocuité révèlent qu'il y a un risque de complication dans 1,6 p. 100 des cas. Si vous effectuez une évaluation des risques/bénéfices, vous remarquerez que cette intervention est probablement plus bénéfique aux patients atteints de la SP que le sont bon nombre des médicaments qu'ils prennent. Comme je l'ai dit plus tôt, ce ne sont pas tous les patients atteints de la SP qui voudront subir cette intervention, comme ce ne sont pas tous les patients atteints d'un cancer qui acceptent de suivre un traitement de chimiothérapie. Nous voulons que les Canadiens atteints de la SP aient des options autres que les médicaments.

Le président : J'aimerais rappeler à mes collègues d'être le plus bref possible. Nous allons tenter de donner la parole à tous les intervenants qui l'ont demandée, mais je crois que les témoins ont accepté de nous faire parvenir des réponses écrites aux questions posées.

Mme Duncan : Absolument.

Le sénateur Martin : Merci à vous deux pour votre déclaration et votre passion. Il est évident que ce dossier vous touche, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.

J'aurais quelques questions à poser sur les essais cliniques menés ailleurs. Le sénateur Cordy a parlé de ceux effectués à Albany dans l'État de New York. A-t-on amorcé la phase 1 d'essais cliniques dans d'autres pays? Vous avez participé à des conférences, mais pourriez-vous nous parler d'autres essais cliniques ayant eu lieu?

Le sénateur Cordy : Mme Duncan pourra vous répondre mieux que moi à ce sujet. On entend fréquemment Santé Canada et les IRSC dire que le Canada est en avance sur les autres, mais ce n'est pas aussi vrai qu'ils le prétendent. Nous accusons du retard. On pratique l'angioplastie veineuse dans plus de 50 pays et bon nombre mènent des essais cliniques. Je vais laisser Mme Duncan répondre à votre question.

Mme Duncan : Cette intervention est pratiquée dans 60 pays. En date de février 2012, 30 000 avaient été pratiquées. Un nombre croissant de documents et d'études cliniques montrent que cette intervention permet d'améliorer la qualité de vie des patients, de réduire leur niveau de fatigue et ce que l'on appelle le « brouillard cérébral », et d'améliorer leur fonction vésicale. Je serais heureuse de faire parvenir cette documentation au comité.

Le sénateur Martin : Je pose la question, puisque nous menons une étude sur les essais cliniques, alors ça me semble très à propos d'en parler plus en détail. Vous avez toutes les deux mentionné ceux de New York à plusieurs reprises.

Le comité a appris hier que le Canada n'a pas conclu d'accord de reconnaissance mutuelle avec les États-Unis pour ces essais. On parle de l'importance de faire des essais cliniques au Canada, et je suis heureux d'apprendre que nous allons mener les nôtres, selon nos normes, étant donné que ceux effectués aux États-Unis ne portent pas sur l'ARM. Ce sera très important pour les Canadiens. Toutefois, j'espère que votre expertise vous permettra de communiquer l'expérience acquise ailleurs de façon à accroître l'efficacité et l'efficience des essais canadiens. Je crois que c'est le genre de résultat auquel nous nous attendons tous. Je suis heureuse de voir que nous allons mener nos essais, puisque nous semblons convenir que c'est important.

Mme Duncan : Puis-je vous répondre, madame le sénateur Martin? La députée de St. Paul et moi avons demandé la tenue de ces essais en mai 2010. Nous avons confiance en la science. Nous voulons nous assurer que cette intervention est sûre et efficace, et qu'elle procure des résultats à long terme. Il s'est passé beaucoup de choses en deux ans et demi : on a notamment pratiqué cette intervention 30 000 fois dans 60 pays différents. Pourquoi le Canada ignore-t-il volontairement cette statistique et les résultats des études? Ça devrait tous nous inquiéter. La Saskatchewan procède à un essai clinique dans l'État de New York. Cent patients canadiens participent à une deuxième étude. Pourquoi répétons-nous les études déjà effectuées? Le but n'est-il pas pour le Canada d'être au premier plan de la recherche internationale sur le sujet?

Le sénateur Cordy : Le fait que le Canada mènera ses propres essais cliniques m'enchante. Cela a pris du temps, puisque nous en faisons la demande depuis longtemps. Ça fait maintenant partie du projet de loi. Comprenez-moi bien : j'en suis enchantée. Le docteur Sandy McDonald, de Barry, en Ontario, a été formé par le docteur Paolo Zamboni pour pratiquer l'angioplastie veineuse. Ce dernier a même pratiqué l'intervention au Canada avant qu'on le lui interdise. Il assure aujourd'hui en Saskatchewan la formation dans le diagnostic de l'IVCC chez des patients atteints de la SP. Un nombre élevé d'entre eux ont des veines bloquées, mais pas tous. Le docteur Zamboni forme des gens en Saskatchewan pour poser ce diagnostic, et le docteur McDonald ne fait même pas partie du groupe d'experts sur le sujet. J'en suis sidérée. C'est peut-être le plus grand spécialiste du pays dans le domaine, et on ne l'invite pas à faire partie du groupe d'experts. Soit dit en passant, ce groupe d'experts, c'est un tout autre sujet.

Le sénateur Seidman : Merci beaucoup pour votre témoignage. Permettez-moi de dire que tous ceux ici présents ou qui regardent la diffusion de cette réunion sont conscients de la gravité et du caractère déchirant de la sclérose en plaques. Il ne fait aucun doute que c'est une maladie complexe difficile à diagnostiquer et à traiter. Comme c'est le cas pour la plupart des affections neurologiques, nous n'avons pas les données scientifiques nécessaires pour faire des progrès à ce chapitre. J'avais l'intention de passer en revue le projet de loi pour voir si nous avions fait des progrès considérables dans ce que vous avancez, étant donné les développements des 12 derniers mois et l'annonce de vendredi dernier. Cependant, j'aimerais plutôt parler des études scientifiques auxquelles vous avez fait référence, car je crois que c'est particulièrement important.

Il semble au cours des dernières années, de plus en plus d'études se sont révélées moins probantes au sujet du lien entre la SP et l'IVCC. L'intervention a de plus soulevé de sérieux doutes récemment, au point ou en mai 2012, la FDA a publié un communiqué pour mettre la population en garde contre les dangers potentiels que pourraient présenter les traitements non éprouvés pour la sclérose en plaques. Dans ce communiqué, la FDA a clairement indiqué que la chirurgie de la libération avait été associée à des cas de blessures et de décès, et que même si le lien entre la SP et l'IVCC faisait l'objet d'études, ces dernières n'avaient pas été concluantes.

Si je m'intéresse aux études réalisées en 2012, c'est-à-dire en moins d'un an, je constate que cinq ont été publiées. Toutes indiquent qu'il n'existe pas de preuves suffisantes pour dire que les patients atteints de SP sont plus susceptibles d'avoir l'IVCC. Cette année, quatre études ont été publiées sur l'intervention chirurgicale. Deux d'entre elles ont permis de faire des constats fort intéressants et identiques. Les résultats sont homogènes, ce qui, comme vous le savez, est extrêmement important en sciences. Quels sont ces constats? Les études ont démontré qu'en essence, les gains que les patients affirment avoir obtenus après l'intervention chirurgicale s'estompent après trois mois. Il convient donc de se demander s'il s'agit de gains réels ou d'un simple effet placebo.

Je vous dis tout cela pour que vous en discutiez, car vous avez présenté ce qui est à vos yeux un rendu inébranlable d'une certitude absolue. Je vous demande d'examiner les preuves, qui constituent les fondements de toute démarche scientifique et de la science médicale. C'est ce que la population canadienne attend de nous. Elle s'attend à ce que nous suivions une procédure scientifique rigoureuse pour bel et bien nous assurer que les traitements médicaux prodigués aux Canadiens sont sécuritaires.

Si, depuis deux ans, le milieu de la science émet de plus en plus de doutes sur l'intervention et, de fait, sur le lien entre la SP et l'IVCC, comment pouvons-nous demander aux Canadiens d'accepter pareille situation? Pourquoi ne pas attendre que la science médicale en arrive à des résultats plus probants? Quand les examens réalisés par des pairs indiqueront que cette procédure est sécuritaire, alors nous donnerons le feu vert.

Le président : Je suis certain que vous obtiendrez une réponse intéressante à ce sujet, et nous approchons de la fin. Je vais interrompre votre intervention afin de passer aux questions des sénateurs Day et Verner. Le sénateur Eggleton a, je crois, une ou deux questions supplémentaires à poser. Vous pourrez y répondre ultérieurement, comme vous avez accepté de le faire.

Je suis sûr que vous voulez aborder la question. Voudriez-vous répondre, je vous prie?

Mme Duncan : Je tiens à ce qu'il soit très clair que j'ai examiné les preuves. Je suis une scientifique. J'ai fait toute ma carrière en sciences et je ne mettrai pas ma réputation de scientifique en jeu.

Alors que vous parlez de cinq études, j'ai déposé une liste exhaustive d'études aux IRSC. Je lui ai envoyé une lettre énumérant toutes les études, par méthode et par diagnostic, que le traitement soit invasif ou non. Je peux fournir une liste bien plus longue que la vôtre. La science repose sur la prépondérance de la preuve; nous voulons donc être aussi exhaustifs que possible.

Vous avez évoqué l'avertissement servi par la FDA. Il est très important de se montrer attentif : nous devons tous le faire. Je tiens toutefois à préciser que cet avertissement découle d'un document non examiné par des pairs qui a été rédigé aux États-Unis par quatre auteurs, dont le Dr Ruben, l'un des membres de notre groupe de travail formé d'experts. Or, sachez qu'on l'a déjà entendu dire qu'avant de faire partie de ce groupe, il n'avait jamais rencontré de patient atteint de la SP.

Je terminerai en indiquant qu'il existe une véritable dichotomie entre la manière dont on examine les médicaments et le processus d'examen réservé au traitement de l'IVCC. Le Tysabri a été autorisé très rapidement par Santé Canada, même si on sait qu'il peut provoquer une infection fatale du cerveau appelée LEMP. Au 5 septembre 2012, 285 cas de LEMP avaient été confirmés dans le monde, dont 62 se sont révélés fatals. J'aimerais savoir pourquoi le gouvernent a autorisé à la hâte un médicament dont on sait qu'il cause une infection fatale du cerveau. Il faudrait tenir également compte des effets indésirables du médicament. Par contre, une intervention pratiquée à 30 000 reprises dans le monde a peut-être entraîné quatre décès. Aurait-on l'obligeance de m'expliquer cette dichotomie?

Le président : Je passerai aux autres questions, et si vous en avez d'autres, je les autoriserai aussi.

Sénateur Day, pourriez-vous exposer votre question? Nous voulons obtenir une réponse à ce sujet, et les témoins y répondront ultérieurement.

Le sénateur Day : Comme je suis un ingénieur et non un scientifique, je tends à aborder ces questions de façon plus concrète et pratique. J'ai entendu la question que mon collègue vous a posée. Et je vois que votre projet de loi, au deuxième point de la rubrique « attendu », indique qu'on a découvert que l'IVCC est présente chez 90 p. 100 des personnes atteintes de SP. Je présume que l'IVCC, qui réduit l'apport sanguin au cerveau, est un trouble que l'on connaissait avant qu'un médecin italien ne l'associe à la SP il y a quelques années.

J'aimerais d'abord savoir si vous persistez à dire que, comme l'indique le deuxième point, 90 p. 100 des patients atteints de SP ont, à un degré quelconque, l'IVCC. De plus, vos essais cliniques portent tous sur l'IVCC, un trouble plus répandu que la SP. On ne parle pas d'essais menés sur des personnes ayant la SP. Tout ceci découle de la thèse de ce médecin italien, qui conclut que les deux troubles sont liés, avec quelques résultats d'études à l'appui.

Mais savons-nous si les essais cliniques porteront sur ce lien pour nous aider à déterminer si cette thèse est valable ou non? Tout ce que vous réclamez, ce sont des essais cliniques sur des personnes ayant l'IVCC, qu'elles souffrent de SP ou pas.

Le président : Sénateur Day, la greffière se chargera de faire parvenir la transcription exacte de la question à vous et aux témoins, car ce sont là des points très importants.

[Français]

Le sénateur Verner : Madame, je vais m'adresser à vous en français. Ma question fait suite à celle que vous a posée madame le sénateur Seidman.

Vous avez fait référence à quelques reprises à une étude qui a été faite aux États-Unis avec 240 patients qui, à votre avis, semble concluante. Ma question sera brève. Si ce type d'étude existe aux États-Unis, pourquoi les États-Unis ont- ils publié des mises en garde sévères? Je cherchais à comprendre pourquoi les deux ne pouvaient pas fonctionner de pair.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Essentiellement, ma question portait sur le deuxième sujet que je voulais aborder. Compte tenu de l'annonce faite vendredi et des détails de ce qui est demandé dans le cadre de la stratégie nationale établie dans le projet de loi, nous pourrions passer par A, B, C, comme vous l'avez demandé, et voir comment cela cadre avec l'annonce de vendredi. Par exemple, vous indiquez que tous les patients atteints de SP qui reçoivent le traitement devrait faire l'objet d'un suivi. Or, l'annonce de vendredi indique déjà qu'un système de suivi serait établi. Ce n'est qu'un exemple.

Nous vous saurions gré de nous fournir quelques réponses sur ce qui manque et sur ce qui est là à mesure que progresse la demande relative à la stratégie nationale. Merci.

Le président : Merci.

Je remercie beaucoup nos témoins. Je crois que le sénateur Seidman a bien exprimé le fond de notre pensée. Tout le monde ici comprend très bien la gravité des symptômes de cette maladie, et nous vous remercions d'avoir comparu au sujet de ce projet de loi que vous parrainez et supportez. Je tiens à remercier également mes collègues de s'être montrés efficaces et raisonnables lors de leurs préambules afin de nous aider. Nous avons réussi à poser toutes les questions et nous sommes impatients de recevoir vos réponses.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre prochain groupe de témoins. Nous accueillons le Dr Alain Beaudet, des Instituts de recherche en santé du Canada; John Wright, président et directeur-général, Jean-Marie Berthelot, vice- président, Programmes, et Ann Chapman, gestionnaires, Système canadien de surveillance de la sclérose en plaques, Institut canadien d'information sur la santé; ainsi que Rodney Ghali, directeur principal par intérim, Division des partenariats et des stratégies, Agence de la santé publique du Canada.

Nous n'aurons probablement pas suffisamment de temps pour vous permettre de répondre à toutes les questions que mes collègues voudraient vous poser au cours de la séance. Je vous demanderais donc d'avoir l'obligeance de nous transmettre vos réponses à une date ultérieure afin qu'elles soient versées au dossier. La greffière vous fera parvenir la transcription exacte des questions. Accepteriez-vous de le faire? Merci. Je vois que tous nos témoins sont unanimes.

Sans plus attendre, je laisserai la parole au Dr Beaudet.

Dr Alain Beaudet, président, Instituts de recherche en santé du Canada : Merci, Monsieur le président, de m'avoir invité à parler des activités que mènent des IRSC au sujet de la sclérose en plaques et du trouble que le médecin italien Dr Paolo Zamboni qualifie d'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique ou IVCC.

Comme vous le savez, les IRSC se sont énormément investies dans ce dossier au cours des trois dernières années. Lors de ma première comparution à ce sujet devant les parlementaires, il y a deux ans, les spécialistes de l'IVCC affirmaient que, selon l'étude initiale du Dr Zamboni, cette affection était une cause de la SP, une hypothèse qui a été largement réfutée depuis. En fait, on doute même maintenant que l'IVCC soit davantage présente chez les patients atteints de SP. En effet, si certaines études publiées depuis la parution du rapport Zamboni initial indiquent que l'IVCC est plus souvent observée chez les patients atteints de SP que chez les sujets témoins, d'autres ne sont pas arrivées au même constat.

Cependant, une méta-analyse de tous les documents scientifiques publiés à ce jour, commandée par les IRSC, a permis de conclure que les anomalies veineuses sont légèrement plus présentes chez les patients ayant la SP que chez les témoins, variation substantielle du point de vue statistique. Forts de ces conclusions, notre groupe de travail formé d'experts scientifiques a recommandé que les IRSC appuient un essai clinique de phase I/II à petite échelle pour évaluer l'innocuité et l'efficacité de l'angioplastie veineuse proposée par le Dr Zamboni. Un appel de propositions pour les projets de recherche a donc été lancé l'hiver dernier.

Certains ont critiqué les IRSC à l'époque, jugeant qu'ils adoptaient une approche trop prudente pour évaluer l'intervention proposée par le Dr Zamboni. On nous a demandé de procéder directement à un essai clinique de phase III plus étendu, ce à quoi nous avons répondu qu'il ne serait pas justifiable, du point de vue scientifique et éthique, d'adopter pour cette démarche une procédure différente de celle qu'on emploierait pour tout autre essai, c'est-à-dire sans examiner préalablement l'innocuité de l'intervention. Notre appel à la prudence a par la suite été justifié lorsqu'on a eu vent des complications graves, et parfois fatales, qui avaient suivi l'angioplastie veineuse. En fait, plus tôt cette année, un comité scientifique international a conclu qu'il serait prématuré de réaliser un essai clinique sur un grand nombre de patients et a ainsi rejeté la demande du Dr Zamboni, qui proposait de mener un essai clinique de phase III sur 679 patients.

On ne s'étonnera donc pas que la Food and Drug Administration des États-Unis, la FDA, diffuse un avertissement concernant les dangers potentiels de l'angioplastie veineuse sur les patients atteints de l'IVCC. La FDA a en outre demandé à une clinique privée de Californie de suspendre l'inscription de patients, puisqu'elle n'avait pas reçu d'exemption pour réaliser un essai clinique sur plus de 1 000 patients.

Plusieurs équipes de recherche ont présenté des propositions par suite de l'appel lancé par les IRSC. Ces propositions ont été rigoureusement évaluées par un groupe d'experts internationaux, qui nous a recommandé de financer la demande du Dr Anthony Traboulsee, de l'Université de Colombie-Britannique, qui s'est classée au premier rang dans le cadre de l'appel de propositions.

Les patients atteints de SP participant à l'essai seront recrutés à quatre endroits. Comme le ministre de la Santé l'a annoncé lors de la réunion des ministres de la Santé à Halifax la semaine dernière, un site de Vancouver et un autre de Montréal ont reçu le feu vert de leurs comités de révision déontologique et commenceront à recruter des patients au cours des prochaines semaines. Deux autres sites, un à Winnipeg et un à Québec, attendent l'autorisation de leurs comités de révision déontologique respectifs, un processus qui, je me permettrais d'ajouter, est totalement indépendant des IRSC.

En un premier temps, les patients atteints de SP ayant l'IVCC recevront, de manière aléatoire, soit l'angioplastie qui élargira les veines du cou, soit un traitement placebo qui consistera à insérer un cathéter sans élargir les veines.

Au cours de la deuxième phase, qui aura lieu un an plus tard, on permutera les traitements entre les deux groupes; les patients seront donc soumis aux deux traitements, conformément à une pratique appelée essai croisé.

On suivra les patients sur une période de deux ans, mesure impérative pour connaître les résultats de l'angioplastie veineuse à long terme.

[Français]

Permettez-moi d'apporter quelques précisions quant au caractère rigoureux de cet essai thérapeutique randomisé, qui est le fruit d'une étroite collaboration entre les Instituts de recherche en santé du Canada, les provinces et les territoires ainsi que la Société canadienne de la sclérose en plaques.

En effet, il est important de savoir que le Canada fait partie des quelques rares pays à entreprendre ce type d'étude contrôlée en double aveugle. Une autre étude de ce type vient de démarrer aux États-Unis sous la direction du docteur Siskin à Albany, New York. Une troisième étude, dont le protocole ressemble de très près à celui de l'étude canadienne, est en cours depuis quelques semaines, en Australie. Enfin, un quatrième essai clinique, de très petite taille, celui-là, est prévu au Royaume-Uni plus tard cet automne.

[Traduction]

Ce n'est en réalisant de rigoureuses études à double insu de ce genre, comme on le fait actuellement au Canada, que nous obtiendrons finalement les réponses que nous cherchons tous : l'angioplastie veineuse a-t-elle des effets durables sur les symptômes de la SP chez les patients ayant l'IVCC?

En terminant, j'aimerais vous informer que le mois prochain, le groupe de travail formé d'experts scientifiques tiendra une dernière réunion pour discuter des résultats des sept études financées par les sociétés de la SP du Canada et des États-Unis afin de déterminer s'il existe un lien entre l'IVCC et la SP. Nous espérons que ces études parallèles soigneusement menées permettront de faire la lumière dans ce dossier.

Une étude de synthèse financée par les IRSC à ce sujet sera mise à jour au cours des prochains mois afin de tenir compte des résultats de ces sept études. Je me ferai un plaisir de vous transmettre une copie de cette méta-analyse dès sa publication.

Merci de votre attention. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci. Je devrais faire remarquer que les témoins ont accepté de prendre la parole dans l'ordre prévu. J'inviterai donc M. Ghali à faire son exposé.

Rodney Ghali, directeur principal par intérim, Division des partenariats et des stratégies, Agence de la santé publique du Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis enchanté de comparaître aujourd'hui pour traiter de la SP et pour faire le point sur la question.

L'agence travaille dans le cadre d'une approche d'envergure mise en œuvre par le gouvernement du Canada afin de lutter contre la SP et d'autres maladies neurologiques. La recherche constitue un élément essentiel de cette approche, et le Dr Beaudet a déjà parlé de l'initiative lancée récemment.

L'agence appuie l'élaboration d'un mécanisme de suivi de la SP, un système de données pancanadien permettant d'évaluer et de surveiller l'état de santé des patients atteints de SP. L'Institut canadien d'information sur la santé est en train d'élaborer ce système. Nous vous tiendrons au courant du dossier.

Un volet important de l'approche du gouvernement a pour but d'étoffer les connaissances que nous possédons sur les maladies neurologiques en général afin d'avoir un portrait juste de ces maladies et de leurs effets sur les Canadiens. La SP a beaucoup de similitudes avec d'autres maladies neurologiques; c'est pourquoi le gouvernement a investi 15 millions de dollars sur quatre ans dans l'Étude nationale de la santé des populations relative aux troubles neurologiques, une initiative visant à en apprendre davantage sur ces maladies et leurs répercussions sur les Canadiens. L'agence travaille aussi en partenariat avec les Organismes caritatifs neurologiques du Canada, ou OCNC, une coalition d'organismes parmi lesquels figurent la Société Alzheimer du Canada, la Société Parkinson Canada et la Société canadienne de la sclérose en plaques, lesquelles représentent les gens atteints de maladies neurologiques chroniques et souvent évolutives.

Les OCNC offrent leur expertise dans le domaine de la santé du cerveau, en évaluant et en favorisant les nouvelles occasions de collaboration relatives à la promotion de la cause, à l'éducation et aux projets de recherche.

La collaboration entre le gouvernement fédéral et les OCNC fait en sorte que nous avons accès aux meilleurs spécialistes des maladies neurologiques, que les intervenants participent à l'ensemble du processus, que nous étudions les éléments les plus importants associés aux maladies neurologiques et que les principales constatations qui découlent de cette collaboration sont transmises à la communauté, afin que les patients et leurs fournisseurs de soins en profitent.

Ce sont les OCNC qui ont proposé la mise en œuvre de l'étude nationale de la santé des populations relative aux maladies neurologiques, compte tenu des lacunes importantes au chapitre de l'information. L'objectif était d'établir une nouvelle collaboration s'appuyant sur le fait que nombre de ces maladies ont beaucoup de points en commun, plus particulièrement leur incidence sur la vie quotidienne des personnes atteintes et sur leur famille et amis.

L'étude contribue à combler les lacunes au chapitre des connaissances. Elle donnera un portrait plus précis de la situation des maladies neurologiques au Canada et donnera aux Canadiens atteints de ces maladies et à leurs fournisseurs de soins une chance de raconter leur histoire. Elle aidera aussi les gouvernements et les intervenants à planifier les programmes et à fournir des services.

L'étude nous donnera l'information nécessaire pour améliorer nos connaissances sur la prévalence, les facteurs de risque, l'utilisation des services de santé, les coûts et les conséquences associées à ces maladies.

Par exemple, elle nous permettra d'extrapoler le fardeau des principales maladies neurologiques pour les 5 à 20 prochaines années. Il est particulièrement crucial, dans le contexte du vieillissement de la population, d'être en mesure de prévoir les conséquences des maladies neurologiques au cours des prochaines décennies.

L'étude nous permettra de mieux comprendre les conséquences des maladies neurologiques pour les personnes à la maison, leur collectivité, leur famille et les fournisseurs de soins, en vue d'améliorer la qualité des soins qui leur sont prodigués et leur qualité de vie en général. Elle permettra aussi de cerner les besoins et les lacunes en matière de services de santé à l'échelle communautaire pour les personnes souffrant d'une maladie neurologique.

Les projets lancés dans le cadre de l'étude sont bien avancés. En 2014, un rapport exhaustif sera publié et un dialogue sera engagé pour que les responsables de l'élaboration des politiques, les chercheurs et les intervenants puissent discuter des conclusions et de ce qu'elles signifient pour nos stratégies de lutte contre les maladies neurologiques à l'avenir.

Cette initiative, jumelée aux travaux de recherche des IRSC et de l'ICIS sur le système de surveillance de la sclérose en plaques, représente un ensemble complet de mesures qui améliorera notre base de connaissances et fournira des données fiables pour soutenir la mise au point et l'amélioration de politiques et de programmes connexes. Grâce à notre collaboration avec les intervenants, nous intégrons les points de vue des personnes atteintes d'une maladie neurologique dans tous les aspects de notre travail. Cette collaboration est essentielle pour notre travail, car elle nous rapproche des vrais défis vécus quotidiennement par les Canadiens atteints d'une maladie neurologique.

Grâce à une collaboration soutenue avec les provinces et les territoires, les organismes caritatifs, les intervenants, les chercheurs et les patients, nous remédions aux lacunes au chapitre des connaissances sur la SP et d'autres maladies neurologiques, ce qui nous permet d'offrir aux Canadiens les meilleurs renseignements sur le traitement et la prise en charge de leur maladie.

John Wright, président et directeur général, Institut canadien d'information sur la santé : Bonjour. Au nom de l'Institut canadien d'information sur la santé, j'aimerais vous remercier de me donner la chance de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Depuis 1994, l'ICIS joue un rôle unique dans le secteur de la santé au Canada. En tant qu'organisme autonome sans but lucratif qui fournit des renseignements essentiels sur le système de santé du Canada et sur la santé des Canadiens, notre vision est simple : « De meilleures données pour de meilleures décisions : des Canadiens en meilleure santé ».

En mars 2011, la ministre de la Santé du Canada a annoncé la création du Système canadien de surveillance de la sclérose en plaques, et elle a déclaré que le gouvernement fédéral accorderait à l'ICIS un financement pour la conception de ce système. À l'ICIS, nous sommes conscients de l'importance d'un système de surveillance de la sclérose en plaques pour les milliers de Canadiens atteints de la maladie, pour leur famille et pour l'ensemble de la société canadienne. C'est pourquoi, avec nos partenaires, nous avons immédiatement mis en branle cet important projet.

À chacune des étapes du développement, nous avons travaillé en étroite collaboration avec des personnes atteintes de SP et leurs fournisseurs de soins. Nous avons aussi collaboré avec le Réseau canadien des cliniques de sclérose en plaques, la Société canadienne de la sclérose en plaques, des cliniciens, des chercheurs, des experts internationaux et divers paliers de gouvernement.

Je suis fier d'annoncer au comité que depuis septembre 2012, le système est en place et prêt à recevoir des données. À l'heure actuelle, les cliniques de partout au pays peuvent envoyer des données au système à l'aide d'un fichier extrait de leur registre local sur la SP. Pour y arriver, nous travaillons directement avec des cliniques volontaires et leur ministère de la Santé respectif, afin de cibler les besoins liés à leur participation. Ce travail essentiel servira de modèle en vue du recrutement des cliniques de SP du Canada qui aura lieu au cours des prochains mois.

De plus, les travaux relatifs à la conception d'un deuxième moyen pour soumettre des données, soit un outil Web sécurisé, avancent bien. En effet, à partir d'avril 2013, les cliniques de SP, les neurologues communautaires et les médecins de famille soignant des Canadiens atteints de la SP auront accès à cet outil.

Le nouveau Système canadien de surveillance de la sclérose en plaques augmentera de façon marquée la quantité de renseignements accessibles aux personnes atteintes de SP, aux cliniciens, aux chercheurs et à la population, ce qui permettra d'améliorer la qualité de vie et les soins que reçoivent les 55 000 à 75 000 Canadiens qui, selon les estimations, souffriraient de SP. Plus précisément, ces renseignements permettront de mieux comprendre les caractéristiques de la maladie d'un bout à l'autre du pays, les variations dans les traitements utilisés et les résultats à long terme associés aux différents traitements.

Les interventions associées à l'IVCC compteront parmi les renseignements recueillis sur les traitements reçus par les Canadiens atteints de SP. Cependant, il est important de préciser que le Système canadien de surveillance de la sclérose en plaques n'est pas un registre de l'IVCC. Il s'agit plutôt d'une ressource pancanadienne qui sera pertinente et utile, et dont tous les Canadiens atteints de SP pourront tirer profit.

Nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec les personnes atteintes de SP, nos comités consultatifs, les provinces et les territoires, les divers paliers de gouvernement et les différents intervenants, afin que les données recueillies sur la SP demeurent normalisées, longitudinales et pancanadiennes. Pour reprendre les paroles de l'une des membres de notre comité consultatif, qui est atteinte de SP, ces données « peuvent donner de l'espoir et aider à trouver des solutions concrètes. »

Merci. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Je vais laisser la marraine du projet de loi, le sénateur Cordy, poser les premières questions.

Le sénateur Cordy : Merci. J'aime bien le slogan « De meilleures données pour de meilleures décisions : des Canadiens en meilleure santé ». J'espère que vous me permettrez de l'utiliser.

Docteur Beaudet, en ce qui concerne l'accord no 1148 pour appuyer le Groupe d'experts scientifiques entre les IRSC et la Société canadienne de la sclérose en plaques, j'aimerais savoir qui a présenté la demande de subvention pour le Fonds du président, à quelle date, et à combien s'élevait la subvention. Pourriez-vous aussi nous remettre la lettre de demande de la Société canadienne de la SP pour le Fonds du président?

Dr Beaudet : J'essaie seulement de bien répondre à la question. Parlez-vous de la proposition concernant les essais cliniques?

Le sénateur Cordy : Je parle du Fonds du président. La Société canadienne de la SP a reçu de l'argent du Fonds du président.

Dr Beaudet : Cet argent a-t-il servi à organiser le groupe de travail?

Le sénateur Cordy : Oui.

Dr Beaudet : Je comprends la question maintenant.

Le sénateur Cordy : Qui a fait la demande de subvention au Fonds du président?

Dr Beaudet : La Société canadienne de la SP.

Le sénateur Cordy : Pourriez-vous nous remettre la lettre de demande de la Société canadienne de la SP?

Dr Beaudet : Certainement.

Le sénateur Cordy : Merci beaucoup.

J'aimerais parler du suivi médical. Je sais qu'en 2010, lorsque vous avez comparu devant le Sous-comité sur les maladies neurologiques, un comité de la Chambre des communes, vous avez dit qu'aucun médecin ne refusera de voir et de traiter des patients pour des complications découlant d'un traitement reçu à l'étranger. Je sais que vous et le Dr Duncan avez certainement discuté des soins de suivi depuis l'été 2010. Le Dr Duncan vous a fait part de ses préoccupations au sujet de rendez-vous annulés et de menaces concernant les permis de conduire. En effet, je connais des gens à qui l'on a refusé des soins ou à qui l'on a dit que leur permis de conduire leur serait retiré. Nous savons que Roxane Garland, de la Saskatchewan, est décédée l'été dernier d'une infection urinaire, et sa famille affirme qu'on lui a refusé un suivi médical.

Le Groupe d'experts scientifiques a affirmé à plusieurs reprises que les reportages selon lesquels les médecins refusaient de voir les patients atteints de SP qui souffraient de complications après un traitement pour l'IVCC n'étaient pas justifiés. Comment vous et votre groupe d'experts savez qu'aucun médecin n'a refusé de traiter des gens à leur retour de l'étranger?

Dr Beaudet : Tout d'abord, j'aimerais confirmer que c'est bien ce que j'ai dit. En effet, j'ai affirmé que je jugeais inacceptable qu'on refuse à des patients le suivi médical approprié, et je le répète.

Toutefois, vous devez aussi comprendre que les IRSC ne sont pas en position de veiller à ce que les médecins fournissent les soins appropriés. Toutefois, des collèges de médecins et des sociétés professionnelles — par exemple, la société des médecins de famille et le Collège royal — m'ont assuré qu'ils mettraient tout en œuvre pour veiller à ce que les patients reçoivent les soins appropriés; comme vous le savez, au bout du compte, c'est la responsabilité des collèges professionnels.

Nous voulions aussi être proactifs et veiller à ce que les collèges et, par leur entremise, les médecins, soient tenus au courant des progrès accomplis dans ce dossier. Nous leur avons donc envoyé des mises à jour régulières sur l'IVCC — des documents, des résultats de publications et nos travaux — pour qu'ils puissent renseigner les patients. Nous avons fortement recommandé aux collèges de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les patients reçoivent les soins appropriés. Je suis certain que, dans la plupart des cas, c'est ce qu'on a fait.

Le sénateur Cordy : La plupart des patients ont reçu les soins en question?

Dr Beaudet : Oui.

Le sénateur Cordy : Avez-vous parlé avec des membres de la Société nationale de l'IVCC ou à des gens qui ont reçu des traitements à l'étranger pour savoir s'ils pensent qu'ils reçoivent les soins appropriés à leur retour au Canada?

Dr Beaudet : Non.

Le sénateur Cordy : Je pense que la plupart des membres du milieu médical affirmeraient sans doute que leurs patients reçoivent ces soins, mais j'ai parlé à des centaines de patients, et on a refusé des soins à un grand nombre d'entre eux lorsqu'ils sont revenus au pays ou on leur a refusé une IRM avant leur départ.

Dr Beaudet : Il faut faire attention : ce sont deux choses tout à fait différentes. Tout d'abord, on peut parler de soins refusés, mais certains patients demandent, par exemple, à obtenir une analyse Doppler de leurs veines du cou, ce qui n'est pas une procédure de diagnostic actuellement reconnue en ce qui concerne la SP. C'est possible qu'on leur ait refusé cela. D'un côté, on parle de veiller à ce que les gens en détresse reçoivent les soins appropriés, et de l'autre, de ne pas accepter de fournir un type de test que le patient pourrait demander. Si le test n'est pas jugé pertinent, au bout du compte, c'est au médecin de déterminer ce qu'il faut faire.

Le sénateur Cordy : Dans le cas qui nous occupe, le médecin avait recommandé ce test, mais lorsque la clinique a découvert que la patiente souffrait de la SP, on le lui a refusé.

Lorsqu'on lui a demandé son avis au sujet de l'IVCC, le Dr Peter Liu, directeur de l'IRSC, a dit, et je cite : « Selon mon interprétation des données, il est probable que l'IVCC soit un facteur contributif dans le cas d'un sous-ensemble restreint de patients atteints de SP ». Il a aussi dit : « Il faut mener une étude beaucoup plus vaste et multicentrique ».

J'étais très heureuse lorsqu'on a annoncé, vendredi, que le gouvernement ira de l'avant avec les essais cliniques. Je crois que tous les Canadiens le sont aussi. Toutefois, selon le communiqué de presse, il s'agit d'essais pancanadiens. Pour moi, pancanadien signifie d'un bout à l'autre du pays. Je viens de la Nouvelle-Écosse, et les patients du Canada atlantique souffrant de SP sont exclus. Les patients de l'Ontario aussi. J'aimerais savoir pourquoi on dit qu'il s'agit d'une étude pancanadienne lorsqu'on acceptera seulement des patients de la Colombie-Britannique et peut-être du Manitoba.

Dr Beaudet : Il s'agit d'un bon point. Nous parlons maintenant de l'interprétation du mot pancanadien. Lorsque nous avons lancé l'appel, nous avons précisé que nous voulions plusieurs sites et qu'ils seraient situés dans différentes provinces. Évidemment, nous avons reçu plusieurs propositions. Il se trouve que la proposition choisie suggérait des sites dans trois provinces.

S'agit-il d'un nombre suffisant de provinces? À mon avis, il faut équilibrer deux choses. Je reconnais que des patients de partout au Canada souhaitent participer aux essais. Il faut aussi reconnaître que nous voulons plus d'un site, et qu'ils ne doivent pas tous être dans la même province. Par contre, il ne faut pas avoir trop de sites. Permettez-moi de vous expliquer. Le caractère variable du diagnostic de cette maladie est si élevé que plus il y a de sites, plus on augmente le risque de variabilité. Selon nous, et certainement selon le comité qui a présenté cette proposition, il faut faire des compromis entre l'emplacement des sites et leur nombre, afin que le diagnostic et les interventions thérapeutiques ne présentent pas trop de variabilité, ce qui augmenterait les écarts entre les résultats.

Le sénateur Cordy : Je constate que vous ne voulez pas avoir 13 sites d'un bout à l'autre du pays.

Dr Beaudet : Il faut aussi avoir des spécialistes dans les domaines neurologique, radiologique et vasculaire à chaque site. Il faut que les trois types soient présents.

Le sénateur Cordy : Si les gens de la Nouvelle-Écosse étaient prêts à voyager jusqu'en Pologne, en Italie ou au Mexique, je crois qu'ils seraient prêts à se rendre à Montréal. Toutefois, selon le communiqué de presse, il est clair que les gens doivent habiter à une courte distance en auto de la clinique d'essai.

Dr Beaudet : C'est exact.

Le sénateur Cordy : Tous les Canadiens de la région atlantique sont donc exclus de ces essais.

Dr Beaudet : Il s'agit aussi de la gestion des essais, sénateur. Je suis certain que vous comprenez que ces patients seront suivis de très près pendant plus de deux ans. Ils vont subir deux interventions chirurgicales, et ils se rendront très souvent à la clinique pour subir une série de tests. C'est seulement pour des raisons économiques et pratiques que nous n'acceptons que les patients qui vivent près des sites.

De plus, un essai sur 100 patients coûte très cher, c'est-à-dire 6 millions de dollars. Étant donné que nous parlons du caractère pancanadien, je peux vous dire qu'il y a quelque chose de très pancanadien et d'absolument fantastique au sujet de ces essais. En effet, il ne s'agit pas d'une initiative du gouvernement du Canada, mais d'un véritable partenariat entre les provinces et le gouvernement fédéral, et chaque province où se trouve un site a accepté de collaborer et de participer financièrement aux essais. Il s'agit d'un exemple très positif d'étroite collaboration entre les provinces et le Canada au sujet d'un problème de santé très précis, et on devrait le souligner.

Le président : J'ai accordé un peu plus de temps au sénateur Cordy; je demanderais donc aux autres sénateurs d'aller droit au but.

Le sénateur Eggleton : Docteur Beaudet, vous avez mentionné au début de votre exposé qu'on a réfuté la théorie selon laquelle l'IVCC cause la SP. Toutefois, à mon avis, ce n'était pas la question. Je pense plutôt que la question, maintenant, est de savoir si le traitement lié à l'IVCC améliore la qualité de vie des patients.

J'ai remarqué que le Dr Traboulsee, qui dirige maintenant cette étude, était du même avis. D'après ce que je comprends, traditionnellement, il était d'avis qu'il ne fallait pas recommander cette intervention ou y avoir recours. Est-il suffisamment neutre à cet égard pour examiner la question? Il semble avoir eu un parti pris au sujet de la question dans le passé.

Dr Beaudet : Comme il s'agit d'un essai à double insu, le Dr Traboulsee ne peut pas savoir quels patients font l'objet d'une intervention bidon et lesquels ont droit à une véritable angioplastie. D'ailleurs, le patient lui-même l'ignore. C'est justement ce qu'on entend par « double insu ». Il ne peut donc d'aucune manière influer sur les résultats de l'essai.

Le sénateur Eggleton : Je voudrais également traiter de la question qui consiste à savoir si cette intervention, l'angioplastie veineuse, est une procédure médicale courante. Je crois que la ministre de la Santé a indiqué que ce n'était pas le cas, mais des témoins nous ont dit que cela se faisait fréquemment ailleurs dans le monde. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Dr Beaudet : Certainement. C'est une intervention courante dans le cas des artères. Les artères ont une paroi solide constituée de nombreuses fibres élastiques offrant beaucoup de résistance. Vous pouvez y insérer un ballonnet pour les élargir, et elles vont reprendre leur forme. Vous ne risquez pas de les déformer, de les endommager ou de détériorer l'endothélium. On ne court aucun risque en ouvrant une artère avec un ballonnet.

Les choses sont très différentes avec les veines, et c'est là que l'intervention devient un peu moins routinière. L'a-t-on déjà fait dans des veines? Oui, dans certains cas, comme ceux de patients dialysés pendant une longue période dont les veines rénales ont tendance à se sténoser. On a alors recours à l'angioplastie pour rélargir la veine. Comme les veines ont une paroi très mince comportant peu de fibres élastiques, on a remarqué en pareil cas qu'elles ont tendance à s'affaisser de nouveau peu de temps après. On ne dispose en fait que de très peu de données sur les répercussions à long terme de l'angioplastie sur les veines du cou, car il ne s'agit pas d'interventions courantes.

On court le risque de voir la veine s'ouvrir. En outre, l'endothélium de nos veines est très fragile. Il pourrait être endommagé par l'insertion d'un cathéter et le gonflement d'un ballonnet dans la veine, laquelle pourrait ultérieurement se sténoser. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter. Comme il y a eu certains incidents malheureux de la sorte à la suite d'une intervention semblable, je ne crois pas que nous devrions prendre cela à la légère.

Le sénateur Eggleton : On nous a dit plus tôt que le taux de réussite était assez élevé. Je crois qu'on a parlé d'un taux d'échec de 1,6 p. 100 pour les interventions réalisées. En revanche, des taux de mortalité beaucoup plus hauts sont associés à bon nombre des médicaments utilisés, comme le Tysabri. Qu'en pensez-vous?

Dr Beaudet : Je pense que vous touchez au cœur du problème. Il est inacceptable de perdre ne serait-ce qu'un seul patient en raison d'une intervention inefficace. L'essai clinique vise d'abord et avant tout à déterminer si nous pouvons affirmer que l'intervention est relativement sûre et qu'elle est assez efficace pour justifier la prise des risques qui y sont associés, comme c'est le cas pour n'importe quelle intervention. Il s'agit toujours de peser les risques et les avantages. Nous ne savons pas comment nous pouvons évaluer ces avantages de manière objective. C'est ce que nous essayons de déterminer.

Le sénateur Eggleton : Il existe toutefois des médicaments qui posent de plus grands risques. Quelles mesures prenez- vous à cet égard?

Dr Beaudet : C'est encore une question de rapport entre les risques et les avantages.

Le sénateur Seidman : Chose intéressante, vous venez de parler d'une façon objective d'évaluer les risques d'une très importante intervention chirurgicale pouvant entraîner certains dangers. Comme je l'ai fait précédemment avec le Dr Duncan, je vais vous parler de science, car vous y avez fait allusion au début de votre exposé. Depuis 2009, une vingtaine d'études ont été publiées dans des revues scientifiques avec comité de lecture. Comme je le soulignais au Dr Duncan, les cinq études publiées en 2012 semblent témoigner d'une certitude beaucoup moins nette quant à l'existence d'un lien entre l'IVCC et la SP. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela est important?

Dr Beaudet : Avec grand plaisir. Il y a deux choses à considérer. Dans l'étude initiale, le Dr Zamboni soutenait que 100 p. 100 des patients atteints de sclérose en plaques souffraient d'IVCC. Personne n'est parvenu à en arriver aux mêmes chiffres — absolument personne. Le Dr Zamboni prétendait que l'IVCC était en fait la cause de la SP. Personne n'a pu établir ce fait depuis, et cette théorie a pour ainsi dire été abandonnée.

Il y a possibilité de maladies concomitantes, c'est-à-dire que d'autres troubles neurologiques se développent parallèlement à la SP. Il en va de même de certaines anomalies vasculaires. Il est alors question de quelque chose de totalement différent : un lien entre deux maladies. Mais vous avez tout à fait raison. Certaines études n'ont démontré aucun lien, d'autres ont révélé des liens étroits, et d'autres encore des liens légèrement supérieurs à la normale.

C'est la raison pour laquelle nous avons commandé une méta-analyse portant sur toutes les études disponibles. Dans certains cas, nous ne disposons pas de suffisamment de détails sur la méthodologie pour inclure l'étude dans l'analyse. Deux analyses semblables ont été effectuées. Les résultats ont été communiqués au groupe d'experts et, dans les deux cas, la méta-analyse a révélé une signification statistique malgré des variations importantes. Il semble donc y avoir quelque chose à fouiller.

Comme vous le savez, c'était dans un contexte où de nombreux patients allaient se faire soigner à l'étranger pour revenir en prétendant que leur situation s'était améliorée. Les médecins étaient alors nombreux à s'adresser aux IRSC pour savoir quoi dire à leurs patients. Peut-on les empêcher d'aller à l'étranger? Peut-on leur dire que ce sont des balivernes et qu'ils ne devraient pas y aller? Peut-on leur dire qu'ils perdent leur temps et leur argent? C'est risqué. Impossible de répondre à ces questions tant que l'on n'a pas mené avec toute la rigueur voulue un essai clinique à double insu pour déterminer s'il y a un véritable effet ou un effet placebo.

On nous demande pourquoi on n'a pas procédé à un essai auparavant. Tant que nous ne disposions pas des données pouvant laisser croire qu'il existe tout au moins un lien significatif strict, il n'aurait pas été éthique de notre part de réaliser un essai. C'est ainsi que fonctionne la recherche scientifique. Il n'y a pas un seul comité scientifique au sein des IRSC qui aurait accepté une proposition dans ces circonstances. Depuis, l'approbation a été obtenue. On a considéré que l'on dispose maintenant d'une preuve scientifique suffisante, quoique mince, pour justifier d'un point de vue éthique la réalisation de cette intervention sur des patients.

Cela vous démontre à quel point il peut être difficile pour nous de déterminer s'il convient ou non de procéder à un essai. Il faut pouvoir se baser sur un fondement scientifique suffisant. Il est possible que nous nous rendions compte dans quelques années que l'intervention angioplastique a bel et bien un effet, mais que celui-ci n'a rien à voir avec le lien établi. Lorsque nous installons un cathéter dans une veine, nous libérons un peptide qui peut atténuer l'impression de « cerveau embrumé » chez les patients et améliorer leur qualité de vie. Impossible de le savoir.

Le sénateur Seidman : Merci pour cette réponse qui nous permet de mieux comprendre les questions en cause.

[Français]

Le sénateur Verner : Vous avez déjà répondu, Docteur Beaudet, à ma question concernant le choix de deux provinces, tel que ma collègue le sénateur Cordy l'a mentionné précédemment.

Je voulais plutôt faire référence au projet de loi. Dans le quatrième attendu, on y affirme que les essais cliniques ont démontré « le caractère sécuritaire de l'angioplastie par ballonnet dans le traitement de l'IVCC ». C'est le libellé exact.

Je voudrais m'attarder sur ce qu'on appelle le caractère sécuritaire du traitement. Savez-vous si ces traitements qu'on déclare sécuritaires avaient été approuvés par les autorités gouvernementales? Ou bien est-ce d'autres types d'essais cliniques qui ont été faits? D'où sortent ces affirmations?

Dr Beaudet : Je me pose la même question, parce que je ne crois pas que ce soit sécuritaire et je ne crois pas qu'il y ait d'évidence dans la littérature qui démontre que c'est sécuritaire. S'il y en avait, on ne poursuivrait pas une étude qui est en partie vouée à en démontrer l'efficacité et la sécurité. La première phase concerne l'aspect sécuritaire, la deuxième phase concerne l'efficacité.

En fait, ce n'est tellement pas sécuritaire que la FDA aux États-Unis a interrompu une étude parce qu'elle jugeait qu'il n'y avait pas de données suffisantes pour en démontrer la sécurité et que tant qu'on n'aurait pas une étude à double insu randomisée, on ne pouvait faire ce genre d'attendu.

Le sénateur Mockler : C'est certainement un sujet qui touche tous les Canadiens. Lorsque j'étais membre du cabinet du Nouveau-Brunswick, de 1999 à 2006, notre gouvernement a beaucoup fait pour la sclérose en plaques. Je sais que votre réputation était déjà grande à ce moment-là. J'aimerais que cela figure dans les Débats du Sénat.

J'ai quelques questions qui me viennent à l'idée. Je ne peux pas passer sous silence certains commentaires qui ont été faits par les témoins précédents.

Lorsque l'on dit — et je cite :

[Traduction]

Le Nouveau-Brunswick aide financièrement les patients qui se rendent à l'étranger pour subir des traitements. On a l'impression que le Canada favorise le tourisme médical.

[Français]

Mon deuxième constat est le suivant :

[Traduction]

L'un des piliers de la Loi canadienne sur la santé est l'accessibilité, c'est-à-dire que chacun profite d'un accès raisonnable et uniforme aux services de santé assurés, et que personne ne fait l'objet de discrimination fondée sur son niveau de revenu, son âge et son état de santé.

[Français]

Est-ce que les Canadiens sont discriminés sur la base de leur revenu, leur âge et leur état de santé?

Dr Beaudet : Non. Très clairement non. Je voudrais revenir sur l'explication de cet essai clinique qui se fait sur quatre sites établis dans trois provinces. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas là de donner accès à un traitement préférentiellement à un groupe de citoyens plutôt qu'à un autre. On n'en est pas là. Il s'agit plutôt de déterminer si on peut admettre ou non que ce traitement soit utilisé pour les patients avec la sclérose en plaques qui présentent des malformations vasculaires. Et à cette fin, on ne peut pas faire une étude sur 100 patients — ce qui n'est pas un grand nombre de patients — qui soit complètement éclatée au travers les dix provinces. Ce qu'on a en tête, d'abord et avant tout, c'est d'avoir une étude qui est scientifiquement la plus solide possible.

Comme je l'ai expliqué plus tôt, on ne veut évidemment pas l'avoir concentrée dans une province mais, en même temps, on ne veut pas se retrouver avec un si grand nombre de sites qu'on se retrouve avec une variance qui ne nous permet pas de conclure.

L'objectif n'est pas de donner accès à un traitement aux patients. Il s'agit plutôt de déterminer si le traitement est efficace ou pas, et s'il est sécuritaire ou pas. Une fois qu'on aura les résultats qui nous le démontreront, et qu'on aura comparé ces résultats avec ceux des autres études, nous pourrons faire des recommandations aux collèges des médecins des différentes provinces qui prendront des décisions d'accès thérapeutique ou non. Et déjà, les IRSC sont proactifs en communiquant avec les chercheurs des études très similaires, où on sait que la même rigueur scientifique est appliquée dans l'étude afin de s'assurer que les résultats puissent être analysés ensemble, multipliant du coup la généralisation possible des résultats.

Le sénateur Mockler : Est-ce que nous avons au Canada, actuellement, un système de santé à deux vitesses?

Dr Beaudet : Non.

[Traduction]

Le sénateur Seth : Sur la foi de tout ce que nous avons pu entendre, docteur Beaudet, il semble exister une mince corrélation entre la sclérose en plaques et cette intervention pour l'IVCC, mais nous allons procéder à des recherches et des tests plus approfondis pour voir de quoi il en retourne exactement du point de vue des résultats.

Nos patients canadiens atteints de sclérose en plaques ne savent vraiment plus trop quoi penser, car les États-Unis procèdent très rapidement. Là-bas, des essais sont menés et des interventions sont effectuées. N'est-ce pas un peu ce qu'on pourrait se demander ici? Comment se fait-il que nous n'allions pas aussi vite?

Dr Beaudet : Nous allons à la même vitesse, sénatrice. Il y a un essai tout aussi rigoureux qui est mené aux États- Unis et il ne fait que débuter, tout comme le nôtre. De fait, des Canadiens vont participer à cet essai, car la Saskatchewan et le Yukon enverront des patients là-bas.

Sinon, il y a effectivement eu certains essais entrepris aux États-Unis sans les autorisations appropriées ou sans que les conditions voulues ne soient réunies, et la FDA y a mis fin. Nous ne traînons pas de l'arrière. Nous avançons au même rythme que l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, des pays offrant habituellement des repères de comparaison valables pour le nôtre.

Le sénateur Seth : Ainsi, nous devrions dire aux patients que nous ne sommes pas en retard et que nous faisons de notre mieux. Nous voulons bien nous assurer que toute la procédure est sûre et que les résultats sont excellents. Ce serait bien mieux que de laisser l'impression que nous ne faisons rien du tout.

Dr Beaudet : Je n'aurais pas su mieux dire.

Le président : Comme il ne s'agit pas d'une question, nous allons en rester là pour l'instant.

Dr Beaudet, et peut-être également M. Wright, j'ai quelques questions relativement à des points qui ont été soulevés, mais je vais donner d'abord la parole au sénateur Merchant qui vient de se manifester. J'essaie toujours de faire passer mes collègues en premier.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissante.

Je suis de la Saskatchewan. Notre premier ministre et notre gouvernement ont annoncé il y a environ un an et demi leur intention d'aller de l'avant. Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression qu'ils sont un peu frustrés de la vitesse à laquelle les choses évoluent à l'échelle nationale relativement à ces essais. Ils vont réaliser l'étude à Albany, dans l'État de New York. Avez-vous la conviction que l'on a satisfait là-bas à tous les critères applicables pour procéder à des essais semblables?

Dr Beaudet : Oui, j'estime que l'essai réalisé dans l'État de New York est en fait très similaire au nôtre. C'est un essai tout ce qu'il y a de plus sérieux et je crois qu'il n'y a aucunement lieu de s'inquiéter pour les patients canadiens qui y participent.

On peut toujours dire que nous procédons lentement, mais vous avez pu constater que c'est un processus en plusieurs étapes. Il faut préparer une demande de propositions; laisser aux chercheurs le temps d'élaborer une procédure clinique valable; rencontrer des partenaires et des chercheurs de tout le pays; nous soumettre une proposition d'essai clinique; réaliser l'essai; et faire évaluer les propositions. Cette évaluation a été menée par un groupe d'experts internationaux; exception faite du président, tous les membres du groupe d'évaluation étaient en effet de l'extérieur du pays. Nous voulions que cette évaluation se fasse en toute objectivité. Je ne savais même pas qui faisait partie du groupe d'experts chargés d'examiner les demandes.

Une fois la proposition sélectionnée, nous devions attendre que chaque site obtienne une recommandation favorable du comité d'éthique local. Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, c'est un processus complexe à examiner pour ces comités locaux.

Réjouissons-nous du fait que nous soyons maintenant prêts à passer à l'action. Je dois dire que ce fut un véritable plaisir d'interagir avec les provinces tout au long de ce processus. Nous avons travaillé ensemble en partenariat. J'ai tenu les autorités provinciales au fait de l'évolution des choses et nous sommes demeurés constamment en communication. Comme je l'indiquais, nous pouvons maintenant compter sur la participation financière des provinces où il y a des sites d'essai, et j'estime que c'est formidable. Cela illustre bien la façon dont les choses devraient toujours se dérouler.

Le sénateur Eggleton : J'aurais une question complémentaire à ce sujet. Si l'étude réalisée dans l'État de New York est valable et prévoit la participation de Canadiens avec le financement de la Saskatchewan, pourquoi devrions-nous procéder à notre propre étude? Des essais semblables exigent beaucoup de temps. Nous pourrions mener parallèlement une étude de phase II, plutôt que d'effectuer nous aussi un essai clinique de phase I. Les décès ne cessent de s'accumuler. Pourquoi ne pas s'arrimer à cette étude-là avec laquelle nous avons déjà des liens de toute manière et passer directement à la phase II?

Dr Beaudet : Sénateur, nous avons ici un essai clinique qui englobe les phases I et II. C'est un essai de phase II avec un volet innocuité, ce qui fait qu'il couvre les deux phases.

Nous avons envisagé la possibilité de fusionner les deux études. Nous avons pesé les pour et les contre. Il n'est pas simple d'envoyer des patients canadiens à l'étranger de la même façon qu'il est plutôt complexe de les faire passer d'une province canadienne à une autre. Étant donné la complexité du protocole et le nombre de visites et d'examens requis, nous avons jugé préférable du point de vue scientifique de mener les deux essais parallèlement tout en prenant les mesures nécessaires pour fusionner les résultats de manière à maximiser les avantages obtenus.

Je dois donc vous dire que c'est une possibilité que nous avons bel et bien explorée. Nous estimions ajouter à la valeur scientifique de l'exercice en menant ces deux essais en parallèle pour procéder en bout de ligne à une méta- analyse des résultats. C'est ce que nous ont recommandé les experts, sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que le Dr Sandy McDonald a eu un rôle à jouer?

Dr Beaudet : Nous avons confié la tâche à des chercheurs financés par les IRSC ou les NIH. Nous n'avons pas fait appel à des gens qui ne pouvaient pas obtenir de subventions.

Le président : Nous n'allons pas commencer à débattre ici de l'identité des différentes personnes en cause. Des arguments ont déjà été portés au compte-rendu à ce sujet.

Nous discutons aujourd'hui d'un processus très complexe. C'est un essai qui ne consiste pas simplement, et je pèse mes mots, à avaler un comprimé, mais bien à se soumettre à une intervention chirurgicale avec toutes les complications pouvant en découler. Vous nous avez expliqué la nature de cet essai et l'importance dans un tel contexte que les procédures utilisées dans les différents sites d'essai soient, dans toute la mesure du possible, suffisamment similaires pour que les résultats puissent permettre de tirer une conclusion relativement à la question à laquelle on cherche à répondre. Est-ce bien le sens de ce que vous nous avez dit?

Dr Beaudet : Tout à fait.

Le président : Comme le soulignait le sénateur Seidman, nous pouvons maintenant miser sur le fait que des études à ce sujet ont été réalisées dans différents pays. À la lumière de sa question et de votre réponse, il semble vouloir se dégager une tendance quant aux conclusions qui sont tirées au fil du temps, c'est-à-dire au fur et à mesure que nous comprenons mieux tout ce qui se passe à partir de la détection des veines jusqu'aux effets sur le patient après le traitement reçu.

Vous n'avez pas à me répondre immédiatement si c'est impossible. Vous pourrez le faire ultérieurement.

Je m'adresse peut-être également à M. Wright, car votre groupe s'est penché sur les questions touchant la sclérose en plaques. Pouvez-vous nous dire s'il y a eu une évolution importante des résultats communiqués au fil des ans dans la documentation scientifique?

Je ne sais pas si vous disposez de renseignements à ce sujet, mais nous avons entendu dire que des demandes d'essai avaient été rejetées dans d'autres pays. De fait, si ma mémoire est fidèle et vous me corrigerez si je me trompe, je crois que le Dr Zamboni a lui-même demandé à mener un essai en Italie et qu'il n'a pas obtenu les approbations requises. Je pense en outre que certains des patients ayant participé à l'essai initial du Dr Zamboni ont ensuite changé d'avis par rapport à ce qu'il leur était arrivé à l'époque et à l'état dans lequel ils se trouvent aujourd'hui.

Je ne veux pas que vous me répondiez hâtivement. Je préférerais que le comité puisse se pencher sur une réponse écrite à ce sujet. J'attendrai donc votre réponse, docteur Beaudet, ainsi que M. Wright, si vous estimez que votre organisation suit ces questions d'assez près pour vous permettre de vous prononcer en la matière.

Dr Beaudet : Nous nous ferons un plaisir de vous transmettre une réponse détaillée à cette question. Simplement pour vous donner un aperçu, je vous dirais que c'est la nature même de l'activité scientifique. L'état de nos connaissances évolue constamment et nous apprenons sans cesse de nouvelles choses. D'une manière générale, nous constatons que de moins en moins d'études révèlent un lien étroit entre l'IVCC et la SP, alors qu'elles sont de plus en plus nombreuses à produire des résultats négatifs ou à montrer une incidence tout aussi élevée de l'ICVV chez des patients aux prises avec d'autres types de troubles neurologiques.

Une autre constatation très étonnante concerne la sténose des veines, le principal critère indiquant généralement qu'il y a ICVV. À la lumière des examens post mortem effectués depuis et grâce aux techniques d'imagerie plus sophistiquées maintenant utilisées, il semblerait que le véritable coupable, si tant est qu'il y a effectivement anomalie, pourrait être une dysfonction valvulaire dans les veines du cou, plutôt qu'un problème de sténose. Les choses évoluent donc et nous sommes constamment en apprentissage. Nous pouvons vous soumettre des documents qui témoignent de l'évolution de la situation de façon très détaillée.

Le président : Pourriez-vous nous fournir votre propre analyse? Nous ne voulons pas nécessairement nous farcir tous ces documents médicaux. Vous pouvez très bien y faire référence, mais je vous demande votre opinion à vous, plutôt que celle communiquée dans ces ouvrages.

Dr Beaudet : Je dois vous dire par ailleurs qu'il est vrai que la demande d'essai clinique du Dr Zamboni a été rejetée parce qu'elle était de trop grande portée. On lui a dit de procéder à un essai englobant les phases I et II, comme nous le faisons au Canada, plutôt que de commencer à la phase III. Les scientifiques ne procèdent pas de cette manière.

Le président : Je vais laisser le sénateur Cordy vous poser une dernière question.

Le sénateur Cordy : Il semble que nous donnions toujours des devoirs à faire à nos témoins.

D'excellents témoins vont comparaître devant nous au cours des prochains jours, mais nous n'en avons aucun qui a subi l'intervention à proprement parler. Lorsque nous avons mené notre étude sur la pauvreté, nous avons accueilli des gens vivant dans la pauvreté. C'est ce que nous avons fait à Halifax et à Toronto. Lorsque nous avons fait notre étude sur la santé mentale...

Le président : Allez-vous avoir une question pour notre témoin?

Le sénateur Cordy : Je me demande simplement si nous ne pourrions pas convoquer des patients comme témoins.

Le président : Nous en discuterons en comité.

Nous remercions nos témoins pour leur comparution aujourd'hui. Je remercie également mes collègues qui ont réussi, dans la plupart des cas, à couper court à leurs préambules pour aller directement au cœur de la question, et nos témoins d'avoir bien voulu y répondre et, surtout, de nous fournir ultérieurement les réponses aux questions que j'ai moi-même posées.

(La séance est levée.)


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