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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 1 - Témoignages du 4 octobre 2011


OTTAWA, le mardi 4 octobre 2011

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, dans le cadre de son étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je déclare la séance ouverte et je vous remercie d'être ici.

[Traduction]

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de l'industrie du transport aérien. Nous accueillons des représentants d'Air Canada, soit Duncan Dee, le vice-président général et chef de l'exploitation, David Waugh, le directeur des accords bilatéraux et des affaires réglementaires et internationales, et Joseph Galimberti, le directeur des relations gouvernementales.

L'une des dernières fois que mon ami, M. Galimberti, a témoigné devant le comité, on a précisé que nous avions effectivement travaillé ensemble il y a environ maintenant sept ans. Je voulais dire d'entrée de jeu que nous nous connaissons. Je n'ai jamais collaboré avec MM. Galimberti ou Dee sur des dossiers concernant Air Canada dans ma vie antérieure. Je voulais clarifier le tout pour éviter tout soupçon.

[Français]

Duncan Dee, vice-président général et chef de l'exploitation, Air Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de cette très importante question. J'aimerais vous remercier d'avoir lancé l'étude en cours sur les nouveaux enjeux liés à l'industrie canadienne du transport aérien.

Il est grand temps que le gouvernement en général procède à un examen de notre industrie et approfondisse autant que possible ses connaissances sur les forces du marché qui appuient les services indispensables que nous fournissons et l'infrastructure que nous soutenons.

L'industrie canadienne du transport aérien est extrêmement importante pour l'économie canadienne. En 2010, Air Canada à elle seule a transporté près de 24 millions de passagers, employé 24 700 Canadiens, produit des rentrées de plus de 9,7 milliards de dollars et accumulé 8,4 milliards de dollars de dépenses intérieures générant directement 3,3 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada.

[Traduction]

Par contre, même ces chiffres élevés ne reflètent probablement pas toute l'importance d'Air Canada dans l'économie canadienne. Si on tient compte des retombées économiques secondaires et des effets catalyseurs, l'incidence d'Air Canada sur le PIB et l'emploi au Canada est beaucoup plus grande. Sa contribution directe au PIB est de 3,3 milliards, sa contribution indirecte et induite au PIB s'élève à 3 milliards et son effet catalyseur se situe entre 5 et 19 milliards, soit entre 11 et 25 milliards de dollars en retombées économiques globales annuelles. Nous employons directement près de 30 000 personnes et indirectement près de 40 000, soit une contribution totale entre 124 000 et 278 000 emplois, en tenant compte des effets catalyseurs.

Les gens du milieu voient d'un bon oil les travaux du comité, parce que le gouvernement n'a adopté, et ce, depuis des décennies, aucune position de principe cohérente à l'égard de l'aviation commerciale au Canada. La dernière tentative d'énoncer une vision uniquement pour les transporteurs, qui était d'ailleurs une tentative plutôt limitée, a été la politique de deux transporteurs pratiquée dans les années 1980 et au début des années 1990. Cette politique visait à répartir les droits de desserte internationaux entre Air Canada et les Lignes aériennes Canadien International dans le but de maintenir artificiellement en vie deux transporteurs nationaux. Pour des raisons assez évidentes, cette politique n'est plus pertinente.

[Français]

Depuis, même si des documents et des directives louables comme la récente politique Ciel Bleu ont été présentés périodiquement, ils ont été malheureusement sapés par l'absence d'un cadre stratégique plus global visant le transport aérien.

Malheureusement, l'introduction et la mise en ouvre de politiques internationales sur le transport aérien en tant qu'initiative autonome plutôt qu'en tant qu'élément d'une stratégie nationale, primordiale pour l'ensemble du secteur, n'ont pas créé une vision à long terme de notre industrie et de son rôle stratégique dans l'économie canadienne.

Le même manque de directives est évident dans les politiques qui régissent les aéroports au Canada. Depuis la mise en place de la politique nationale des aéroports en 1994 et l'association des principales installations aéroportuaires du Canada aux autorités aéroportuaires locales, il n'y a eu aucune révision importante des politiques.

[Traduction]

Par conséquent, l'infrastructure de l'aviation commerciale au Canada est incohérente, mal comprise, remplie d'intérêts divergents travaillant à contre-courant et chargée de frais de structure et de services très élevés, voire injustifiables, qui nuisent énormément à la croissance et affaiblissent artificiellement les marchés.

La situation est si sombre qu'aujourd'hui aucun aéroport canadien n'est desservi par les transporteurs à escompte américains. Certains d'entre eux choisissent plutôt d'offrir leurs services à partir des aéroports internationaux de Buffalo Niagara, Niagara Falls, Plattsburgh et Bellingham pour attirer la clientèle canadienne. Par passager, les frais de structure, soit les redevances d'atterrissage, les frais d'améliorations aéroportuaires, les redevances de navigation et le droit de sßreté, de ces quatre aéroports sont de 229 p. 100 inférieurs à ceux des aéroports canadiens concurrents. Comme on est en droit de s'y attendre, les passagers canadiens réagissent à une telle disparité. D'ici 2015, jusqu'à 3,4 millions d'entre eux pourraient prendre l'avion à partir de ces quatre aéroports seulement, ce qui aurait des répercussions négatives directes de 2,3 milliards de dollars sur l'économie canadienne.

[Français]

Revenons pendant quelques instants à la politique sur le transport aérien international; cet élément essentiel de la politique aérienne du Canada a aussi malheureusement été touché parce que les sociétés aériennes internationales se livrent aux mêmes calculs que les voyageurs canadiens dont je viens de parler, mais qu'elles le font d'un point de vue différent.

Pour les dirigeants de ces transporteurs aériens, le processus décisionnel est simple : il consiste à évaluer le marché canadien strictement en fonction des perspectives commerciales. Faut-il utiliser un bien de grande valeur comme un triple 7 pour desservir un marché canadien où les coûts de structure sont élevés? Ne vaut-il pas mieux se servir de son parc aérien pour desservir un marché accueillant, généralement américain, dont le bassin de population est semblable et où ses coûts sont plus bas et contrôlés, un avantage opérationnel pouvant servir à stimuler le trafic et à prendre de l'expansion?

[Traduction]

La conclusion de cet exercice s'impose d'elle-même. Lorsqu'on constate que, malgré le récent accord « ciel ouvert » conclu avec l'Union européenne, seules des augmentations graduelles de la capacité à destination du Canada par les transporteurs européens se sont matérialisées et qu'il y a toujours plusieurs fréquences de desserte inutilisées dans les présents accords bilatéraux libéralisés avec des partenaires commerciaux établis, comme la Chine, l'Inde, la Russie, l'Australie et le Brésil, il devient rapidement évident que les transporteurs internationaux décident jour après jour de déployer leurs ressources ailleurs. Malheureusement, les seuls transporteurs internationaux qui revendiquent vraiment un accès accru au Canada sont situés dans des pays où les transporteurs nationaux sont doublement avantagés. Premièrement, ils sont intégrés verticalement dans des politiques gouvernementales visant à attirer activement des touristes et du trafic de correspondance. Deuxièmement, ils ont moins de dépenses, parce qu'ils se trouvent dans des pays où l'utilisation d'une main-d'ouvre étrangère moins coûteuse est pratique courante et où les syndicats et les régimes de retraite sont des concepts inconnus, ce qui leur permet d'annexer le marché canadien et de se servir du Canada comme plaque tournante. Susciter l'enthousiasme de ce genre de prédateur n'est pas un signe d'un climat économique sain.

[Français]

Il convient de signaler que contrairement au Canada, d'autres États affectent des ressources considérables à l'élaboration de stratégies d'orientation cohérentes et profitent des avantages associés à un milieu d'exploitation intérieure favorable, ainsi qu'à l'expansion stratégique des accords aériens internationaux.

Suite à l'initiative de l'Allemagne en matière de transport aérien, en 2003, le gouvernement allemand et la partie intéressée de l'industrie ont pris d'importantes mesures pour accroître l'efficacité et réduire les coûts d'exploitation liés aux activités, notamment d'immigration et de sécurité.

Le gouvernement des États-Unis a mis en place un plan d'infrastructure sectoriel complet en matière de transport, qui comprend explicitement divers systèmes de soutien destinés à l'industrie du transport aérien.

À Dubaï, le gouvernement a investi massivement dans le développement de l'infrastructure du secteur aérien. De plus, l'assouplissement des règlements sur le travail et l'amélioration du climat fiscal confèrent un avantage concurrentiel au plan de l'exploitation.

[Traduction]

À Singapour, le gouvernement considère le transport aérien comme un élément clé de sa stratégie de croissance économique depuis les années 1970. Il a développé l'aéroport national ainsi que le réseau de transport de surface connexe aux frais de l'État.

À Hong Kong, en 1990, le gouvernement a décidé de créer un partenariat public-privé de 20 milliards de dollars et a reconquis plus de 12 kilomètres carrés de terrain pour y construire un nouvel aéroport. Ce projet comporte un réseau de transport intermodal assurant le déplacement sans heurt des passagers et de la marchandise entre l'aéroport et la Chine continentale.

En Turquie, dès 2002, le gouvernement a compris que le tourisme international pouvait être un puissant facteur de croissance économique et d'emploi et qu'une politique en matière de transport aérien novatrice et capable de soutenir le transport des passagers était nécessaire. Il a donc entrepris de moderniser les aéroports existants, d'en construire de nouveaux et de développer un réseau de transport de surface pour desservir les installations.

Ce n'est pas par coïncidence que chacun des six pays mentionnés précédemment compte au moins un transporteur mondial important et prospère ainsi qu'au moins une plaque tournante mondiale. Qui plus est, tous profitent des avantages économiques considérables qui en découlent.

[Français]

Les mêmes possibilités s'offrent au Canada. L'aéroport international Lester B. Pearson représente un marché dont la taille est comparable à celle des aéroports de Dallas-Fort Worth et d'Atlanta, mais il ne dessert que 32,3 millions de passagers par année.

L'aéroport de Vancouver, comparable aux aéroports de Minneapolis-Saint-Paul, qui dessert 24,4 millions de passagers par année et de Denver, qui dessert 47,5 millions de passagers par année, ne dessert que 17,9 millions de passagers par année.

L'aéroport de Montréal est comparable aux aéroports de Baltimore, qui dessert 29,8 millions de passagers par année, et de Seattle, qui dessert 36,6 millions de passagers par année, mais il ne dessert que 12,2 millions de passagers par année.

[Traduction]

De son côté, Air Canada ne manque pas de possibilités de croissance, étant donné son portefeuille de droits de desserte inutilisés, ses produits à bord inégalés dans l'industrie, son service primé, son parc aérien récent et sa souplesse lui permettant de répondre à la demande du marché en attendant la livraison de nouveaux appareils. Air Canada est en très bonne position pour entrer en concurrence et connaître du succès en faisant passer le trafic de correspondance au départ des États-Unis par les aéroports du Canada, en route vers l'Europe et l'Asie.

Cependant, comme c'est certainement aussi le cas pour les autres grands transporteurs aériens canadiens qui témoigneront devant vous, Air Canada est régulièrement gênée par les coûts d'exploitation élevés qui ont cours dans les aéroports canadiens. Les frais de gestion et de structure élevés gonflent les « obstacles financiers » associés au lancement d'un nouveau service, et malheureusement, il en découle directement et inévitablement une croissance limitée au Canada comme à l'étranger.

Dans cet esprit, j'estime humblement que l'issue la plus importante de votre étude consistera à formuler que le moment est venu pour le gouvernement du Canada de s'engager à élaborer un cadre stratégique unique et cohérent qui regroupera les divers intervenants du secteur canadien de l'aviation sous une vision unifiée de l'avenir. Il faut d'abord et avant tout mettre l'accent sur le contexte canadien marqué par des coûts élevés, en vue de réduire les frais de structure et les autres frais au profit direct des voyageurs, tout en établissant des objectifs de croissance modestes en ce qui concerne le nombre de passagers que l'industrie et le gouvernement pourront atteindre en se concertant. Une augmentation relativement modeste de 20 p. 100 du nombre de passagers au Canada pourrait représenter environ 5,7 milliards de dollars en retombées directes pour l'économie canadienne. Il est clair qu'il s'agit d'une occasion à saisir. Il nous faut maintenant comprendre comment le gouvernement et l'industrie peuvent collaborer pour y arriver.

Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous et je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Dee. Je vais en profiter pour vous présenter les membres du comité. Le sénateur Martin, de la Colombie-Britannique, le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Eaton, de Toronto, Ontario, le sénateur Verner, de la belle ville de Québec, de la province de Québec, le sénateur Boisvenu, le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador et le vice-président du comité, le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse.

Vous avez certes donné aux nouveaux membres du comité un aperçu global de la situation à laquelle le comité aura à faire face au cours des prochaines semaines, et je vous en remercie, monsieur Dee.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : J'aime bien Air Canada; je fais affaire avec vous chaque semaine. J'adore vos services. Cependant, si nous recommandons au gouvernement de cesser de percevoir, par exemple, le loyer des aéroports, la taxe d'accise sur le carburant et les frais d'améliorations aéroportuaires, selon vous, combien vos passagers économiseront- ils?

M. Dee : Merci d'être un client régulier d'Air Canada.

En ce qui concerne les avantages directs, divers chercheurs, dont Fred Lazar de l'Université York, ont évalué l'augmentation potentielle de l'activité économique, si le loyer cessait d'être perçu, par exemple. Nous avons évalué de manière prudente que l'activité économique ainsi générée serait quatre fois plus élevée. En raison du loyer, des routes internationales sont actuellement peu rentables. Le loyer des aéroports représente des dépenses fixes de plus de 250 millions de dollars par année qui ne rapportent rien directement à l'entreprise ou aux clients. N'oublions pas que nous payons le loyer d'aéroports qui sont déjà non seulement construits, mais aussi finis de payer depuis longtemps. Les routes que nous avons déjà examinées sans rien concrétiser, comme des vols en direction de l'Inde, l'une des économies mondiales les plus florissantes, engendreraient des retombées économiques considérables qui dépasseraient largement les 250 millions de dollars perçus directement en loyer.

Le sénateur Eaton : Diriez-vous que le prix des billets diminuerait en moyenne de 20 ou de 30 p. 100? Quels avantages les clients en tireraient-ils?

M. Dee : Nous transportons environ 33 millions de clients par année, et le loyer correspond à 250 millions de dollars. Faites le calcul, et vous verrez que cela représente une très faible réduction par passager. Cependant, nous parlons de 250 millions de dollars. Dans une bonne conjoncture, les profits d'Air Canada seraient de 250 millions de dollars, si nous arrivions à modifier les divers frais imposés au Canada. L'une des forces motrices importantes des dernières années est la croissance des aéroports américains situés près de la frontière. Le sénateur Martin connaît probablement bien l'aéroport de Billingham, les sénateurs de Montréal, l'aéroport de Plattsburgh, et ceux de Toronto, l'aéroport de Buffalo. Ces aéroports ne sont pas assujettis à des politiques, par exemple, sur le loyer. En étant capable d'offrir des vols à meilleur marché et de générer davantage d'activité économique, on attire un plus grand nombre de passagers, ce qui a pour effet d'entraîner une diminution des coûts globaux. C'est ainsi que l'activité économique est générée. Les données dont je vous ai fait part démontrent, par exemple, que Vancouver est très loin d'avoir atteint son plein potentiel en ce qui concerne le nombre de passagers, étant donné sa population. Nous pourrions faire diminuer les coûts globaux en générant de l'activité économique par l'entremise de nouvelles routes en direction de l'Inde ou d'autres destinations encore non desservies. Ainsi, nous pourrions partager les frais de structure, qui sont fixes, sur un plus grand nombre de passagers.

Le sénateur Eaton : Vous avez mentionné brièvement un autre élément, à savoir que d'autres pays n'ont pas de coûts de main-d'ouvre. Vos employés ont-ils, par exemple, un régime de pension à prestations déterminées? Selon moi, c'est là que le bât blesse actuellement pour bon nombre d'entreprises. Bien entendu, une partie du prix du billet sert à couvrir les coûts d'un tel régime, n'est-ce pas?

M. Dee : Absolument. Les coûts de main-d'ouvre représentent le deuxième secteur de dépenses en importance, après le carburant. Ce sont donc d'importantes dépenses.

En tant qu'entreprise, nous sommes très fiers de continuer d'offrir un régime de pension à prestations déterminées à nos employés actuels. Malheureusement, nous sommes en concurrence avec des entreprises canadiennes qui n'en ont tout simplement pas. Certains de nos concurrents canadiens contribuent à des REER ou d'autres régimes du genre, mais n'offrent pas de régime de pension proprement dit.

Nous avons essayé de négocier avec nos syndicats, et nous avons réussi à nous entendre sur un aspect. Pour les futurs employés — et c'est un arbitre fédéral qui a tranché dans le dossier des TAC —, le régime de retraite deviendra un régime de retraite à prestations déterminées et à cotisations déterminées, une sorte de régime mixte. Ces régimes coûtent en effet très cher.

En exploitant une entreprise au Canada, nous avons des coûts intrinsèques en raison des frais de structure et du Code du travail, que nous ne cherchons pas à modifier. Nous vous demandons seulement de prendre conscience de cette situation. Pour ce qui est des coûts que nous pouvons modifier, comme les frais d'améliorations aéroportuaires et le loyer des aéroports, nous vous demandons d'en tenir compte dans votre évaluation de la compétitivité de notre industrie.

Le sénateur Mercer : Messieurs, merci de votre présence.

Je ne comprends pas l'une de vos réponses au sénateur Eaton. Je suis moi aussi inquiet. Je ne suis pas contre l'idée de modifier les frais perçus et la façon dont le gouvernement et les transporteurs aériens interagissent. Toutefois, vous affirmez que les frais des aéroports américains sont de 229 p. 100 inférieurs à ceux des aéroports canadiens. La question du sénateur Eaton portait sur la réduction du prix des billets. Vous avez dit que la réduction serait très faible, puis vous avez discuté des avantages, au final, pour les investisseurs au lieu de ceux pour les passagers.

En ce qui concerne les passagers qui se rendent à Plattsburgh, à Bellingham, à Buffalo, les gens d'Ottawa qui s'en vont à Syracuse, et cetera, comment planifiez-vous de les attirer de nouveau dans les aéroports canadiens si vous n'abaissez pas considérablement le prix des billets? Si j'habitais à Toronto, pourquoi ne ferais-je pas moins d'une heure de route pour me rendre à Buffalo et économiser des centaines de dollars, si ce n'est que pour prendre un vol d'Air Canada? Il faut me donner un avantage pour m'attirer et réduire de beaucoup le prix des billets. Dans votre réponse à la question du sénateur Eaton, vous avez affirmé que la réduction serait très faible.

M. Dee : Le sénateur Eaton a parlé du loyer aéroportuaire, qui fait évidemment partie des frais.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Il y a quelques années, nous avons lancé une marque à faible coût appelé Tango, sous laquelle nous entendions lancer un tarif à 1 $. Toutefois, après avoir ajouté les frais d'améliorations aéroportuaires, les frais supplémentaires, les taxes et tous les frais que nous devions percevoir, ce tarif s'élevait plutôt à 79 $.

En comparaison, un transporteur américain demande 2,50 $ et, je crois, un maximum de 5 $ en frais de sécurité. On a d'ailleurs engagé un débat, là-bas, pour savoir si on devrait augmenter ce plafond.

Au Canada, nous demandons 7,50 $ pour les vols intérieurs et ce montant s'élève à 15 $ pour les vols internationaux. Pourtant, nos mesures de sécurité sont les mêmes qu'aux États-Unis. Par contre, les Américains traitent un plus gros volume de passagers, ce qui leur permet de répartir — et, ainsi, de réduire — les coûts.

À notre avis, si nous pouvions ramener le coût des intrants, comme le loyer aéroportuaire et d'autres frais du même type, à un niveau plus convenable, nous serions alors en mesure d'offrir des vols supplémentaires, ce qui générerait un plus gros volume de passagers; nous pourrions ainsi répartir les coûts parmi un plus grand nombre de clients, ce qui nous permettrait de diminuer les tarifs.

Si vous comparez les annonces publicitaires de solde de places des années 1970 à celles d'aujourd'hui, vous constaterez que les tarifs associés à un bon nombre d'itinéraires n'ont pas changé du tout depuis ce temps-là, alors que le prix du carburant a augmenté de façon exponentielle, tout comme celui de la main-d'ouvre.

Le sénateur Mercer : Je comprends. Plus tard, j'aurai une question sur la pratique de prix d'éviction; mais pour le moment, j'aimerais m'en tenir à la réduction des coûts.

Vous avez parlé de l'Initiative de transport aérien que les Allemands ont lancée en 2003. Selon vous, le gouvernement allemand et les parties intéressées de l'industrie ont entrepris des démarches pour augmenter l'efficacité et réduire les coûts d'exploitation associés aux activités comme l'immigration et la sécurité.

Comment y sont-ils arrivés? De combien ont-ils réduit les coûts? Qui a profité des économies réalisées : les transporteurs aériens ou les passagers?

M. Dee : Aux États-Unis?

Le sénateur Mercer : Non, en Allemagne.

M. Dee : Si vous prenez le cas de l'Allemagne, vous constaterez une augmentation dans le nombre des transporteurs à faible coût; c'est ce qui arrive au bout du compte. L'arrivée de ces transporteurs à faible coût et le fait que les transporteurs existants ont la capacité de réduire leurs tarifs encouragent les consommateurs allemands.

Le Canada ne profite pas d'une initiative de ce genre. Par exemple, à Toronto, il faut payer certains des droits d'atterrissage les plus élevés au monde. Il en coûte le double, parfois plus, pour faire atterrir le même avion à Toronto plutôt qu'à Buffalo. Si on pouvait réduire ce coût en devenant plus efficace et en éliminant le loyer aéroportuaire, il est évident que les consommateurs en profiteraient, car l'activité économique augmenterait et on offrirait un plus grand nombre d'itinéraires, ce qui attirerait plus de consommateurs en retour.

Le sénateur Mercer : Si nous pouvions y arriver et que ces mesures encourageaient les exploitants à faible coût à s'installer au Canada, il me semble qu'Air Canada en profiterait grandement. Il ne s'agit pas vraiment d'une question, mais plutôt d'un commentaire.

J'aimerais revenir à un commentaire que vous avez fait au sujet des avions dont vous attendez la livraison. Avez- vous commandé de nouveaux appareils? Si oui, qui est votre fournisseur?

M. Dee : Nous avons commandé des 787 chez Boeing. La date de leur livraison a été repoussée à quelques reprises, mais nous devrions les recevoir d'ici deux ans.

Le sénateur Mercer : Ils viennent tous de Boeing?

M. Dee : Pour le moment, oui.

Le sénateur Mercer : Vous n'en avez commandé aucun d'un fabricant canadien?

M. Dee : Notre dernière commande concernait les gros porteurs; comme vous le savez, sénateur, on ne les produit pas au Canada. Au cours des prochaines années, nous nous pencherons sur le remplacement des avions à fuselage étroit pour nos A-319 et nos A-320. Si un fabricant canadien, par exemple Bombardier, était en mesure de fabriquer un appareil comme ceux de la série C, dont on a fait la promotion en vue de remplacer les Airbus à fuselage étroit, nous envisagerions certainement cette option, si le coût et le moment nous convenaient.

En ce moment, nous nous concentrons sur la livraison des gros porteurs. Avec notre partenaire régional, Jazz, nous sommes le plus gros exploitant d'avions canadiens au monde. Notre flotte comprend des Dash 8 et des avions à réaction régionaux Canadair.

Le sénateur Greene : Merci beaucoup. Merci aussi de votre exposé; je l'ai trouvé excellent.

En tenant compte des perspectives d'avenir et des recommandations que nous allons faire — et je suis pour le changement —, pensez-vous que nous devrions modifier les modèles existants ou les changer complètement?

M. Dee : Je ne pense pas que nous avons besoin de changements importants, mais d'une approche cohérente du transport aérien.

Ces dernières années, peu importe le parti au pouvoir, nous nous sommes occupés de petits éléments du cadre stratégique. Dans les années 1980 et 1990, on défendait une politique axée sur deux compagnies aériennes; elle avait pour but de maintenir Lignes aériennes Canadien et Air Canada en service. Ensuite, on a commencé à se préoccuper de la prédominance d'Air Canada. Cela a été suivi de la politique Ciel Bleu, qui ne visait que la composante du cadre stratégique concernant l'accès aérien international.

Ce que nous voulons, c'est une approche globale qui nous permettrait d'envisager l'industrie dans son ensemble et d'en dégager tous les défis — non seulement les coûts, mais aussi les occasions et les cadres stratégiques qui influencent notre industrie. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que les visas de transit figurent parmi nos préoccupations. Nous devons livrer une concurrence à des régions du monde, par exemple l'Europe, qui n'ont pas de régime de visa de transit, car leurs lois leur permettent de transférer des passagers sans passer par un agent de douanes européen. Nous n'avons pas cette chance au Canada.

Lorsque nous tentons d'être concurrentiels entre, par exemple, le Brésil et le Japon ou entre le Brésil et certains endroits du Moyen-Orient, nous ne pouvons pas transférer nos passagers aussi facilement au Canada qu'un transporteur européen le pourrait. En effet, ils peuvent transférer des passagers dans leurs pays sans visa de transit, alors que nous devons l'exiger. Dans certains cas, ces coûts supplémentaires s'ajoutent au prix du billet.

Nous aimerions avoir une approche globale qui tiendrait compte de tous les éléments de la politique gouvernementale qui ont des répercussions sur notre industrie, c'est-à-dire le tourisme, le trafic commercial et le développement économique. Cela représente une foule de choses.

Comme le sénateur Mercer l'a fait remarquer, nous avons, au pays, un secteur aérospatial qui a aussi sa part du gâteau. Tous ces éléments devraient faire partie d'une politique globale.

Le sénateur Greene : D'autres pays envisagent-ils de créer une telle politique mondiale?

M. Dee : Tout à fait. On peut trouver plusieurs exemples, et j'en ai donné six dans mon exposé. L'aviation a été envisagée comme un élément important des objectifs économiques de certains pays, par exemple Singapour. Et cela remonte aux années 1970.

Le sénateur Greene : D'autres pays envisagent-ils la création d'une politique mondiale similaire plutôt qu'une politique fondée sur la concurrence?

M. Dee : Parlez-vous d'une politique mixte?

Le sénateur Greene : Oui.

M. Dee : Non, pas vraiment. Les entreprises aériennes, contrairement à d'autres industries, font toujours l'objet de restrictions importantes. Je pense par exemple aux restrictions relatives à la propriété étrangère. Contrairement au secteur de l'automobile ou à d'autres du même type, nous ne pouvons pas établir de politiques continentales ou mondiales.

Il existe une politique européenne visant l'accès par voie aérienne, mais il n'existe aucune politique commerciale à l'échelle internationale visant les entreprises aériennes; c'est surtout en raison d'anciens règlements qui viennent de la Convention de Chicago, qui régit la propriété au sein de l'industrie aérienne et la façon dont les pays se servent de désignations bilatérales pour traiter avec les entreprises aériennes des autres pays.

Le sénateur Greene : En tenant compte de ce que d'autres pays font et de leurs politiques globales, pouvez-vous nous donner des exemples de système que vous préféreriez au nôtre? Par exemple, la situation d'Air Canada serait-elle meilleure si elle fonctionnait sous le système américain, allemand, et cetera?

M. Dee : Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Nous ne disons pas qu'il faut adopter tout ce qui se fait aux États-Unis ou en Europe. Puisque nous n'avons pas de cadre, nous avons l'avantage de pouvoir choisir ce qu'il y a de mieux et de devenir les meilleurs.

Ce que bien des pays ont fait, que ce soit à Singapour, à Dubaï ou même en France, c'est qu'ils se sont dit : « Nous voulons être la plaque tournante; nous ne voulons pas être qu'un aéroport comme les autres, mais bien une plaque tournante. » Ils ont élaboré des politiques en fonction de cela.

Le comité voudra peut-être examiner ces exemples plus directement et inviter des gens de ces autres pays à lui donner leur point de vue, ou même voir ce qu'ils font là-bas. La plaque tournante qui a été construite à Paris est incroyable. Elle a été possible grâce à la collaboration directe entre les transporteurs aériens et les aéroports.

Dans notre pays, les transporteurs aériens ont peu participé à la construction des aéroports. Il y a quelques années, le ministre Doug Young a dit, après coup, que l'une des plus grosses erreurs qu'il a faites a été la cession des aéroports, car on a construit des établissements géants sans rime ni raison. C'est maintenant du passé. On ne peut rien y faire.

Dans le cas de l'aéroport Charles de Gaulle à Paris, il a été construit grâce à la collaboration entre l'Aéroport de Paris, l'exploitant d'aéroport et Air France, qui ont travaillé ensemble et qui ont construit des installations qui répondaient aux besoins du transporteur aérien pour la création de la plaque tournante. Quand on regarde la façon dont fonctionne l'aéroport, c'est incroyable. En plus de favoriser la circulation fluide entre le monde et Paris et d'autres villes centrales en France, c'est un carrefour international. On peut partir de n'importe où dans le monde et se rendre à n'importe quel endroit en passant par Paris-Charles de Gaulle. C'est l'une des choses que nous aimerions faire à Toronto, mais nous n'en sommes pas encore là en raison des coûts et de notre infrastructure.

Le sénateur Greene : Les transporteurs aériens devraient-ils faire partie des conseils d'administration des aéroports?

M. Dee : Les règles actuelles ne le permettent pas. Évidemment, nous aimerions participer davantage, et que ce soit sous la forme d'une représentation au conseil d'administration ou d'un mécanisme officiel par des changements apportés à la gouvernance des aéroports, ce serait positif.

Il y a des villes aux États-Unis, par exemple Détroit ou Charlotte, en Caroline du Nord, qui ont d'énormes plaques tournantes de transporteurs aériens sans qu'il y ait véritablement de raison économique. Les villes de Detroit et de Charlotte ne sont pas de grandes destinations pour les gens, mais elles ont été capables d'y construire d'énormes plaques tournantes — U.S. Air à Charlotte et Delta-Northwest à Detroit, ou même à Minneapolis —, en raison de l'influence accrue de ces transporteurs aériens sur le développement des aéroports et d'une coopération accrue. C'est quelque chose que nous avons raté au Canada.

Le sénateur Greene : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Martin : Le sénateur Greene a abordé un sujet sur lequel je voulais me pencher un peu plus, mais je vous remercie de vos réponses. Je pense qu'en tant que Canadiens, nous avons tout un défi pour ce qui est de la superficie du pays et de nos déplacements à l'intérieur de notre propre pays. Vous parlez de plaque tournante internationale ou du projet d'en créer une à Toronto ou à Vancouver — et compte tenu de la taille de notre pays, nous pourrions peut-être envisager d'en avoir deux ou trois. L'autre chose qui est revenue souvent au cours des sessions, c'est le fossé entre les plaques tournantes urbaines et les autres aéroports. L'été dernier, j'étais à Whitehorse, et mon expérience là-bas a été différente de ce qu'elle aurait été si j'avais été à Vancouver, à Montréal ou à Toronto.

Pour ce qui est de l'idée d'un cadre global, je me demande quelles difficultés cela poserait de réaliser quelque chose comme cela, étant donné que nous avons ces différences entre les plaques tournantes urbaines et rurales au Canada. De quelle façon surmonterions-nous cet obstacle et créerions-nous un cadre global qui répondrait aux besoins des différents types d'aéroports que nous avons au pays?

M. Dee : Vous avez frappé en plein dans le mille pour ce qui est de l'une des difficultés importantes auxquelles nous faisons face en tant qu'entreprise. Si l'on prend l'exemple d'Air France ou encore de Lufthansa, qui mettent en place un réseau international spectaculaire, comme vous l'avez mentionné, ils concentrent leurs efforts sur une plaque tournante principale. Dans le cas d'Air France, c'est Paris; dans le cas de Lufthansa, c'est Francfort; et dans le cas de British Airways, c'est Londres.

Au Canada les aéroports de Vancouver, de Toronto et de Montréal sont nos trois plus grandes plaques tournantes de par la taille de ces villes, mais nous avons également de plus petites plaques tournantes, comme vous le dites, dans des villes comme Edmonton, Calgary, Winnipeg, Halifax et St. John's.

Le sénateur Martin : Whitehorse.

M. Dee : Exactement. Je pourrais toutes les nommer.

Le président : Il y a 26 aéroports nationaux. Ils aimeraient tous dire qu'ils sont des plaques tournantes.

M. Dee : Nous avons cette difficulté de taille.

En fait, au Canada, nous avons la chance d'avoir la situation géographique que nous avons. Toronto est le point de transit qui convient le mieux d'un point de vue géographique pour un voyageur de l'Amérique du Sud qui veut se rendre en Europe ou en Asie. Vancouver est le point de transit nord-américain qui est situé le plus près de l'Asie. Il ne s'agit pas de favoriser une plaque tournante, mais de stimuler l'activité économique et le trafic de façon à ne pas soutenir qu'une seule plaque tournante, mais bien les trois.

Tout comme la nôtre, la situation géographique des États-Unis est impressionnante, mais ce pays a des plaques tournantes à bien des endroits auxquels on ne penserait pas. Bien des gens ne désigneraient pas Charlotte, en Caroline du Nord, comme une plaque tournante aérienne, mais c'en est une. Au nord-est des États-Unis, dans la région de New York, il y a l'aéroport La Guardia, qui est une plaque tournante nationale, et l'aéroport JFK et l'aéroport Newark, des plaques tournantes internationales. À moins d'une heure de vol, il y a l'aéroport de Philadelphie, qui est également une plaque tournante internationale. Pas très loin de là, il y a l'aéroport de Detroit. À partir de là, il y a les aéroports de Minneapolis, de Chicago, d'Atlanta, de Denver, de Los Angeles et de San Francisco, qui sont des plaques tournantes énormes qui profitent de leur situation géographique et des marchés locaux.

En raison des origines de sa population, le Canada a des liens exceptionnels avec le reste du monde, et c'est ce dont nous parlons. Votre question portait sur l'idée de se servir de cela pour les activités nationales. Par exemple, à bord de nos vols entre Toronto et Tel-Aviv, ou entre Toronto et Francfort, seulement environ 40 p. 100 des voyageurs sont des résidants de Toronto. Une grande partie de ces gens prennent des vols à partir de Sault Ste. Marie, de Windsor ou de n'importe où ailleurs en Ontario, ou même des Prairies, pour se rendre à Toronto et ensuite ailleurs. Ces vols entre plaques tournantes internationales sont également avantageux pour les petites collectivités, qui peuvent ainsi avoir accès au commerce.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question; nous pouvons réaliser cela à Toronto seulement si nous pouvons avoir des liaisons intérieures par lesquelles nous pouvons nous rendre à Toronto, pour ensuite aller n'importe où dans le monde à partir de là.

Le sénateur Martin : Merci. Ma question portait davantage sur la façon dont nous examinons la réalité du Canada et ces différentes plaques tournantes et les différences entre les centres urbains et ruraux et sur la façon d'élaborer un cadre global qui, d'une façon réaliste, pourrait répondre à toutes ces préoccupations au Canada. Cela demande une analyse plus approfondie des exemples des six pays que vous avez donnés. Du point de vue géographique, notre pays est celui qui est situé le plus près des États-Unis, mais nous avons des difficultés qu'ils n'ont pas. C'est une possibilité, car je suis en faveur de changements et d'améliorations, mais il faut examiner d'autres cadres et voir quels aspects pourraient s'appliquer au Canada étant donné les difficultés que nous avons à l'heure actuelle. Je crois que vous et d'autres serez des acteurs très importants pour appuyer ce type d'idées, ce qui est la raison de votre présence aujourd'hui, et vous pourriez peut-être faire parvenir à notre comité d'autres renseignements ou analyses dont nous pourrions tenir compte.

J'ai une autre question qui touche une autre question sur l'idée qu'il n'y a pas de cadre international à proprement parler, mais c'est un secteur concurrentiel. Je sais que tout le monde ici a déjà payé plus pour avoir de la meilleure qualité. Sur le plan des prix, le Canada ne peut pas faire concurrence à certains pays. Ma question porte sur le service à la clientèle et la formation des employés d'Air Canada, et j'aimerais savoir si tous les ans, on centre son attention sur le perfectionnement professionnel et le type de formation qui pourrait être offerte pour s'assurer que le service qu'Air Canada offre à ses clients est, en fait, je dirais supérieur ou égal à celui qu'offrent d'autres transporteurs aériens. Si le service est impeccable et répond aux attentes des gens, je crois que dans une certaine mesure, les gens paieront plus. Je ne parle pas pour tout le monde, mais la qualité compte plus que n'importe quoi d'autre. Quel type de perfectionnement professionnel ou de priorités avez-vous pour vos employés?

M. Dee : En ce qui concerne les centres urbains et les centres ruraux, et la diversité géographique du Canada, les États-Unis ont un programme de services essentiels de transport aérien, l'Essential Air Services program, qui subventionne le transport aérien des centres ruraux vers les centres urbains. Dans des endroits comme Massena, New York et des endroits au sud d'Ottawa qui sont situés très proches, certains de ces aéroports bénéficient du programme de services essentiels de transport aérien, qui fournit une certaine part de subventions pour permettre la liaison. Le comité pourrait en tenir compte dans l'examen d'une politique globale.

Pour ce qui est du service à la clientèle et de la formation, oui, nous formons nos employés de façon régulière. Il y a des années où nous offrons plus de formations que d'autres. Ce que je dirais, c'est que chaque fois qu'on nous compare à nos homologues nord-américains, qui sont ceux avec qui on peut le mieux nous comparer — les transporteurs aériens américains traditionnels comme U.S. Air, United et Delta —, nous faisons bonne figure. Nous en sommes très fiers. Pouvons-nous nous améliorer, ou en faire davantage? Tout à fait.

Je crois qu'une des difficultés auxquelles nous avons fait face ces dernières années, c'est que nous avons eu beaucoup de bouleversements : de l'achat de Canadian Airlines, à l'intégration, aux événements du 11 septembre, et à toutes les choses qui nous ont pris par surprise; et nos travailleurs ont dß affronter tout cela. Nous faisons bien mieux les choses que par le passé, et nous cherchons des moyens de nous améliorer. Vous avez raison : la formation et la formation sur le service à la clientèle sont deux des choses sur lesquelles nous devons nous concentrer, de même que ce dont le secteur de la formation aime parler en ce qui a trait aux points de services et la façon dont nous pouvons mieux communiquer avec les clients.

Je peux donner de nombreux exemples où nous nous sommes classés au premier rang de l'industrie. Nous avons un programme concierge qui a été primé et qui est reconnu à l'échelle mondiale, par exemple, pour nos clients VIP. Ces dernières années, nous avons gagné le prix décerné aux meilleurs agents de bord en Amérique du Nord, car nos agents de bord font plus que leur devoir. Nous nous sommes améliorés à certains égards, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie, monsieur Dee, ainsi que vos collaborateurs, merci beaucoup, votre mémoire est très, très intéressant, d'autant plus que je suis un nouveau membre à cette table, et je vous dirais que mes connaissances de l'industrie aérienne se limitent strictement à mon expérience de client d'Air Canada depuis 1976. Depuis combien de temps êtes-vous dans l'industrie aéronautique?

M. Dee : J'ai commencé chez Air Canada en 1993.

Le sénateur Boisvenu : Donc, j'ai plus d'expérience que vous... en tant que client.

M. Dee : Un petit peu, oui, absolument.

Le sénateur Boisvenu : J'ai commis quelques infidélités avec d'autres compagnies aériennes, mais je suis toujours revenu à Air Canada considérant que vous offriez l'un des meilleurs services au Canada. Cela dit, vous avez dß suivre l'aventure montréalaise entre Dorval et Mirabel?

M. Dee : Oui.

Le sénateur Boisvenu : De votre point de vue de spécialiste en aéronautique et de dirigeant d'Air Canada, peut-on qualifier cela d'échec ou d'aventure positive?

M. Dee : Pour ne pas me mettre dans une situation difficile, j'aimerais souligner une chose au sujet de ce débat entre Dorval et Mirabel, c'est que cela a retardé le développement de Montréal en tant que plaque tournante aérienne. Avoir deux aéroports distincts pour une population de six millions de personnes n'a pas aidé. Cependant, depuis la fermeture de Mirabel comme aéroport desservant des passagers et la centralisation des services passagers à Dorval, les gestionnaires d'Aéroports de Montréal ont beaucoup amélioré la situation à Montréal et nous assistons maintenant au développement d'une vraie plaque tournante à Montréal, à Dorval.

Si vous me permettez une petite précision, je crois que la politique de diviser le trafic entre Mirabel et Dorval a été un échec, pas nécessairement pour les économies locales des petites régions de Mirabel ou de Dorval, mais pour le développement de Montréal comme plaque tournante internationale de services aériens.

Le sénateur Boisvenu : Vous avez parlé dans votre mémoire de la migration des voyageurs vers des aéroports à proximité qui sont dans la zone américaine. Je connais effectivement des gens qui voyagent et ils font deux vérifications, soit à Montréal et à Plattsburgh.

M. Dee : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que la migration a suivi la réévaluation du dollar canadien?

M. Dee : Absolument.

Le sénateur Boisvenu : C'est sßr qu'avec un dollar canadien valant 60 cents américains, les gens avaient moins tendance à prendre l'avion aux États-Unis et à payer en dollars américains. Cela a-t-il eu un impact important?

M. Dee : Cela a eu un impact, mais nous avons observé la migration des passagers même avant cela. C'est toutefois devenu beaucoup plus fréquent depuis qu'il y a la parité entre le dollar canadien et le dollar américain.

Le sénateur Boisvenu : Les industries québécoises et canadiennes ont été confrontées à la même réévaluation du dollar. On s'est aperçu que le dollar canadien valant 60 cents américains était une espèce de drogue pour les compagnies, ce qui les a gardées longtemps très loin de l'amélioration de la productivité.

Pour l'industrie aéronautique au Canada, devant cette migration de la clientèle vers les États-Unis, y a-t-il aussi un exercice de productivité à faire par rapport à cette industrie tout comme l'industrie manufacturière canadienne a été forcée de faire un exercice de productivité afin d'être compétitive avec l'industrie américaine?

M. Dee : Il est important de souligner une chose concernant l'industrie aérienne : une grande partie de nos coûts est en dollars américains. Par exemple, le carburant est payé en dollars américains. Les appareils sont payés en dollars américains. La plupart de nos appareils sont soit fabriqués en Europe ou aux États-Unis et leur valeur nominale est donc en dollars américains.

Le sénateur Boisvenu : Le fait d'un dollar canadien à parité avec le dollar américain est-il un avantage pour votre compagnie?

M. Dee : C'est plus avantageux pour l'industrie aérienne que pour les manufacturiers. Il y a toutefois des avantages et des désavantages. Par exemple, lorsque le dollar canadien est fort, les Canadiens voyagent à l'international. On ne voit pas cela lorsque le dollar canadien est faible.

Cet été, avec les difficultés économiques en Europe, on ne voyait pas autant d'Européens qui voyageaient au Canada, mais on voyait que des Canadiens voyageaient en Europe; les Québécois voyagent beaucoup plus souvent en Europe qu'auparavant alors que le dollar canadien était faible.

On ne peut pas trop nous comparer aux manufacturiers au Canada parce que, premièrement, une grande partie de nos coûts est en dollars américains et, deuxièmement, les consommateurs canadiens qui représentent une grande partie du marché — la moitié de nos clients — sont encouragés à voyager à l'international lorsque le dollar canadien est fort.

Le sénateur Boisvenu : Air Canada bénéficie-t-il davantage des retombées des voyages intérieurs ou des voyages extérieurs?

M. Dee : Les affaires d'Air Canada sont divisées en trois parties : un tiers de nos revenus proviennent de l'international; un tiers du marché domestique et un tiers du marché américain. Depuis les deux ou trois dernières années, l'économie canadienne est évidemment plus forte que l'économie européenne ou américaine et cela devient plus important dans notre rentabilité.

Aux États-Unis, à cause des problèmes économiques, la rentabilité est devenue moins importante, mais ça dépend du cycle. Il y a quelques années, l'économie américaine était très forte et on voyait une contribution beaucoup plus importante des États-Unis.

Le sénateur Boisvenu : Félicitations pour votre français.

M. Dee : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane : Je crois que vous avez dit qu'il y a 17 ans nous avons mis en place la Politique nationale des aéroports. On ne l'a pas révisée depuis?

M. Dee : C'est exact.

Le sénateur Cochrane : Cela fait 17 ans. Quels efforts Air Canada a-t-il déployés pour régler la question avec des représentants du gouvernement?

M. Dee : C'est une excellente question. Nous avons discuté avec bon nombre de ministres depuis ce temps pour l'examen de la Politique nationale des aéroports. Évidemment, la politique qui a été instaurée il y a 17 ans, et qui consistait pour ainsi dire à transférer la responsabilité des aéroports aux autorités aéroportuaires locales constituait un changement majeur dans la façon de gérer les aéroports dans notre pays. Avant ce changement, ils étaient gérés directement par Transports Canada et financés par les contribuables. Après cette période, la responsabilité a été confiée aux autorités aéroportuaires locales, qui étaient indépendantes du gouvernement.

Nous ne cherchons pas à ce que le gouvernement reprenne le contrôle des aéroports. À propos des changements que nous souhaitons dans la Politique nationale des aéroports, nous ne nous concentrons pas seulement sur les aéroports. Nous cherchons des moyens par lesquels les aéroports et les compagnies aériennes pourraient mieux collaborer. Comme le sénateur Greene l'a mentionné, nous devons examiner la gouvernance pour voir s'il y a des moyens — qui ne passeraient pas nécessairement par une meilleure représentation des compagnies aériennes au sein des conseils d'administration — d'élaborer des mécanismes de collaboration plus officiels entre eux, par exemple au plan des priorités de dépenses. Il y a de très beaux aéroports dans notre pays, mais si vous considérez leurs atouts dans une perspective fonctionnelle, ils ne sont pas aussi attirants que cela. Il y a un meilleur moyen de collaborer pour que le Canada soit un endroit plus propice à la croissance de l'industrie aérienne, plutôt que de se contenter de voir d'autres pays s'en occuper.

Le sénateur Cochrane : Nous avons tous le même sentiment. Nous voulons améliorer les compagnies aériennes et créer des espaces d'accueil plus présentables pour les passagers à destination ou en provenance de notre pays, ou qui se rendent à l'étranger. Qu'avez-vous fait en particulier pour voir si la Politique nationale des aéroports est révisée? Avez- vous réalisé quoi que ce soit par rapport aux points de vue que vous avez exprimés aujourd'hui? Avez-vous déjà réalisé quoi que ce soit?

M. Dee : À propos de la Politique nationale des aéroports, il est clair que nous n'avons pas réussi à faire apporter des changements significatifs. Ces dernières années, les autorités aéroportuaires, en particulier à Toronto, ont réduit certains de leurs coûts en réponse à des demandes des sociétés aériennes. En ce sens, il y a eu donc des améliorations.

Avons-nous pu faire changer les politiques de façon significative? Malheureusement, non.

Le sénateur Cochrane : Contrairement aux ports nationaux du Canada, les autorités aéroportuaires ne sont pas encadrées par une loi. Elles sont plutôt assujetties à des baux fonciers qui sont vérifiés par Transports Canada. N'est-ce pas vrai?

M. Dee : Il y a la Loi sur les aéroports du Canada. Effectivement, les baux fonciers régissent les rapports qu'entretiennent, je suppose, Transports Canada et les aéroports.

Le sénateur Cochrane : À votre avis, les aéroports seraient-ils mieux régis par une loi qui énonce clairement les obligations et responsabilités des autorités aéroportuaires?

M. Dee : Il faudrait examiner la question plus à fond, ce que nous n'avons pas fait réellement.

Le sénateur Cochrane : Air Canada est membre de Star Alliance.

M. Dee : Oui.

Le sénateur Cochrane : Star Alliance est l'une des plus importantes alliances au sein de l'industrie aéronautique. À votre avis, les compagnies membres d'alliances mondiales devraient-elles être autorisées à fusionner pour devenir des compagnies internationales et réaliser des économies d'échelle comme on le voit dans d'autres secteurs mondialisés? Air Canada prévoit-elle resserrer davantage ses liens avec d'autres compagnies aériennes membres de Star Alliance?

M. Dee : La fusion de membres d'alliances mondiales est régie par de multiples restrictions relatives à la propriété étrangère. Le Canada limite à 25 p. 100 la propriété étrangère. Ce pourcentage est le même dans de nombreux pays, mais il peut aller jusqu'à 49 p. 100. Cela dépend dans une large mesure de la définition traditionnelle de « désignation ». Une compagnie aérienne d'un pays est désignée selon sa nationalité. Les fusions ne pourront réellement s'opérer avant que tout le cadre mondial de la définition de « propriété » ne soit changé et ce cadre est défini dans la Convention de Chicago.

Notre directeur des affaires internationales, David Waugh, pourrait peut-être donner d'autres précisions sur la notion de nationalité et d'alliances mondiales.

La réponse devrait être brève. Dans un monde idéal, nous aimerions pouvoir acheter des compagnies aériennes dans d'autres pays et fusionner avec des compagnies d'autres pays, comme cela se fait dans d'autres secteurs. Dans un monde idéal donc, il est probable que nous répondrions par l'affirmative. Il y a toutefois de multiples questions à régler, sur lesquelles M. Waugh peut élaborer, avant même d'en arriver là. Le Canada ne peut pas agir seul dans ce dossier, de multiples pays doivent agir de concert pour l'autoriser à l'échelle internationale.

David Waugh, directeur, Accords bilatéraux, Affaires réglementaires et internationales, Air Canada : Il est important de noter qu'il y a eu tout un réseau d'ententes internationales depuis la création de la Convention de Chicago dans les années 1940. Il est aussi important de se rappeler que, si le Canada devait faire des changements, cela ne serait pas forcément vu comme une réussite au niveau international, puisque de nombreux autres pays auraient à faire des changements semblables. Comme l'a souligné M. Dee, de nombreux pays ont une réglementation semblable, qu'il s'agisse de 25 ou de 49 p. 100, et n'ont pas fait la transition vers une propriété étrangère entièrement souple.

M. Dee : British Airways et la compagnie espagnole Iberia ont fusionné, mais elles sont toutes deux en Europe. Une telle fusion entre une compagnie canadienne et un transporteur européen ou américain devrait être décidée, non seulement par le Canada, mais aussi par les États-Unis, l'Europe et d'autres.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, je pourrais peut-être poser une question et faire en même temps un commentaire.

Pour répondre à votre question, nous avons eu sept ministres des Transports en neuf ans. On leur aura posé la même question à tous. Depuis près de sept ans que je suis ici, nous avons eu six ministres des Transports.

C'est difficile d'avoir un engagement à long terme. En même temps, si vous considérez les 15 dernières années, nous aurons probablement eu 10 ministres des Transports, mais seulement deux ou trois ministres des Finances. Je dirais que c'est le ministre des Finances qui s'occupe de l'industrie.

Ce sera donc une question et un commentaire. Pensez-vous que le ministère des Finances voit dans l'industrie aérienne et les aéroports une source de revenus, où y voit-il une source de problèmes?

M. Dee : C'est une excellente question. Ce n'est pas seulement l'industrie aérienne que le ministère des Finances considère comme une source de revenus, ce sont aussi les passagers. Si vous pensez aux taxes que nos passagers ont à payer, imaginez que leurs seuls concurrents sont les fumeurs et les consommateurs d'alcool. Nous sommes taxés comme un vice.

En achetant un billet d'avion, vous payez une taxe sur la sécurité qui va directement à l'Administration canadienne de la sßreté du transport aérien. Puis vous payez une taxe de navigation aérienne destinée à NAV CANADA. À cela s'ajoute la TVH, puis viennent les frais d'améliorations aéroportuaires qui font eux aussi l'objet de la TVH, et cetera. Au total, vous êtes probablement aussi taxés que si vous achetiez une bouteille de scotch. Quant à savoir ce que le ministère des Finances pense de nous, il pense certainement que nous sommes une vache à lait, tout comme nos passagers bien sßr.

On constate malheureusement — pas seulement au Canada, mais dans bien d'autres régions du monde, quoique le Canada en soit un des exemples les plus flagrants — que beaucoup de gens qui regardent la télévision le dimanche soir s'intéressent aujourd'hui à des programmes tels que Pan Am, programme qui célèbre les jours d'antan où les voyages par avion étaient le privilège des riches. Dans le monde entier, les administrations fiscales pensent que l'on peut taxer les usagers du transport aérien parce que ce sont des gens riches.

Les voyages par avion sont aujourd'hui très démocratiques. Dans tout le pays, les gens — et pas seulement les gens riches — voyagent pour toutes sortes de raisons. Et malheureusement, la même taxe s'applique aux voyageurs riches qu'à ceux qui le sont moins. Voilà, nous l'espérons, les questions sur lesquelles le comité se penchera et qu'il essaiera de régler.

Le sénateur Eaton : Monsieur Dee, pour en revenir à la première question du sénateur Greene, je suis stupéfaite de constater que vous ne vouliez pas faire partie d'un conseil d'administration ou devenir actionnaire. Je pense, par exemple, à l'aéroport Pearson. Est-ce parce que vous ne voulez pas prendre la responsabilité de certaines des décisions que l'autorité aéroportuaire aura à prendre?

M. Dee : Si je le pouvais, sénateur, j'adorerais diriger l'aéroport Pearson. Le problème vient du fait, par exemple, que si Air Canada obtient un siège au conseil d'administration de l'aéroport Pearson et que notre mandat est de trois ans, et qu'après cela il y a un représentant d'un autre transporteur aérien ou, Dieu nous en garde, d'un transporteur étranger...

Le sénateur Eaton : Je ne vois pas pourquoi tous les actionnaires ne sont pas représentés au conseil d'administration de l'autorité aéroportuaire, mais j'en devine la raison. On se souvient tous de ce qui est arrivé l'an dernier à tous ces pauvres passagers à l'aéroport de Londres, lorsqu'il est tombé deux pouces de neige. Je pense que quelque chose du genre pourrait bien arriver aux aéroports Pearson, Trudeau ou de Vancouver. J'ai toujours l'impression que les compagnies aériennes ne veulent pas assumer la responsabilité des centaines de passagers qui se trouvent à l'aéroport. On les empêche de partir à cause du temps, du terrorisme, ou d'autre chose. Et l'autorité aéroportuaire fait alors des déclarations du genre : « Nous ne sommes pas vraiment prêts. »

où s'arrête votre responsabilité envers les passagers? S'arrête-t-elle lorsqu'ils embarquent dans l'avion ou lorsqu'ils arrivent à l'aéroport et enregistrent leurs bagages?

M. Dee : Dès qu'ils achètent un billet, ce sont nos clients. Qu'ils aient un problème à l'aéroport à cause du temps ou d'autre chose, nous avons toujours pris très sérieusement nos responsabilités envers eux. À Londres, par exemple, nous avons été la première compagnie à opérer vers Heathrow après que les pistes eurent été déblayées. Le déblaiement ne nous concerne évidemment pas. Notre responsabilité consiste à nous occuper de nos clients et à faire en sorte qu'ils arrivent le plus rapidement possible à leur destination.

Malheureusement, nous ne pouvons pas tout contrôler, par exemple le temps. Ainsi, l'éruption volcanique survenue l'an dernier en Islande a cloué au sol tous les avions. Voilà le genre de choses qui nous touchent. Mais même dans ces cas-là, nous avons communiqué avec nos clients. J'ai moi-même donné de multiples interviews destinées à donner au public toutes les informations dont nous disposions dans les circonstances.

Pour ce qui est des voyageurs coincés aux aéroports, cela fait quelques années, heureusement, que cela n'est pas arrivé au Canada. Mais lorsque cela est arrivé dans le passé, nous avons fait notre possible pour régler les problèmes et prendre soin de nos clients au mieux de nos capacités.

Malheureusement, lorsqu'un grand nombre de gens sont coincés au même endroit — et je ne cherche pas à justifier ce qui s'est passé au Royaume-Uni —, il n'y a pas suffisamment de chambres dans les hôtels pour les loger tous.

Le sénateur Eaton : Beaucoup ne pouvaient d'ailleurs pas se payer ces chambres.

M. Dee : C'est vrai. Il y avait même des gens qui se trouvaient en correspondance et n'avaient même pas leurs bagages avec eux. C'est difficile pour nous de faire des reproches, mais selon l'expérience que nous avons de ces situations, nous essayons d'aider nos clients.

Le sénateur Eaton : Je ne vous demande pas de faire des reproches, tout ce que je veux dire c'est que si vous et l'autre grande compagnie — je suppose qu'il s'agit de WestJet — qui opèrent, par exemple, de Pearson, siégeaient au conseil d'administration de l'autorité aéroportuaire, vous pourriez assumer collectivement vos responsabilités et trouver des solutions pratiques et cohérentes.

M. Dee : Je n'exclurais pas cette possibilité. Ce n'est pas une chose à laquelle nous nous opposerions nécessairement. Il nous faudrait examiner dans son ensemble la gouvernance des autorités aéroportuaires pour voir si elle susciterait des conflits et s'il serait difficile de gérer ce type de rapports.

Le sénateur Eaton : Pour l'instant, vous fonctionnez en vase clos, n'est-ce pas?

M. Dee : Absolument. Nous avons régulièrement des rapports avec les aéroports, mais vous avez raison; malheureusement, nous fonctionnons quelquefois en vase clos.

[Français]

Le sénateur Verner : Monsieur Dee, merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître ce matin. J'aimerais aller dans le même sens que le sénateur Martin concernant les aéroports de taille moyenne dans les régions moins populeuses que le fameux MTV, Montréal-Toronto-Vancouver, par exemple, dans la région d'où je viens, à Québec, et aussi Winnipeg et Calgary. Je suis d'accord avec vous lorsque vous parlez de la démocratisation de l'utilisation de ce moyen de transport.

Je crois effectivement que voyager par avion n'est plus seulement l'apanage des gens qui ont les moyens de le faire. Dans ce contexte, que proposeriez-vous au comité pour desservir les populations autour des aéroports de taille moyenne, dans des régions moyennes? Je songe, entre autres, à la région de Québec où, entre 2009 et 2010, on a connu un accroissement de 15 p. 100 du nombre de passagers.

M. Dee : Je crois que l'aéroport de Québec est un excellent exemple d'un aéroport en croissance. On a assisté à cet aéroport au commencement des services vers les États-Unis, par exemple, ce qui n'était pas le cas par le passé, ainsi que vers l'Europe, pendant l'été. La même situation a été constatée à l'aéroport de Moncton, qui a assisté au commencement des services pour des destinations qu'il n'avait jamais desservies auparavant.

D'une certaine manière, il faut procéder en considérant la situation économique des centres desservis par ces aéroports. D'autre part, il faut regarder aussi le rôle du transport aérien dans le développement économique. Alors, comme on dit en anglais...

[Traduction]

Qui vient en premier? La poule ou l'ouf?

[Français]

Est-ce que c'est le transport aérien qui génère l'activité économique ou si c'est l'activité économique qui génère un plus grand nombre de liaisons?

Je crois que certains pays ont eu du succès en étudiant ce dossier. Les États-Unis, par exemple, comme je l'ai mentionné auparavant, ont un programme spécifique pour les aéroports de régions éloignées, mais pas nécessairement pour les aéroports de taille moyenne comme l'aéroport de la ville de Québec. Cependant, j'y ai vu des exemples de villes de taille moyenne devenir plaque tournante. Ce que j'encourage, c'est une étude de ces exemples.

J'ai mentionné des villes telles que Charlotte, en Caroline du Nord. Charlotte n'est pas une ville qui attire beaucoup de trafic international, mais elle est une plaque tournante très importante pour US Airways. Est-ce que la ville de Québec peut aspirer à une telle désignation à l'avenir? Cela reste à voir. Charlotte n'est pas devenue une plaque tournante seulement grâce à des forces économiques, mais plutôt à cause d'une volonté de la collectivité de travailler avec un transporteur comme US Airways pour bâtir une plaque tournante, qui est devenue une plaque tournante importante au cours des années.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je poursuivrai par deux idées de mon collègue concernant la représentation des compagnies aériennes au conseil d'administration des aéroports. On constate que lorsqu'il y a un problème à l'aéroport, c'est toujours la faute des autres. Si les bagages n'arrivent pas, c'est la faute de la compagnie aérienne. S'ils n'arrivent pas à temps, c'est la faute de l'aéroport. On enlève ainsi certaines possibilités de démenti raisonnable. J'en ai d'ailleurs parlé à plusieurs reprises à mes amis de l'aéroport international Macdonald-Cartier.

Le président : En fait, vos amis vous écoutent en ce moment. Je rappelle au comité que les délibérations sont télévisées.

[Français]

Je veux simplement rappeler que le comité est télévisé. J'explique aux gens qui nous écoutent que nous sommes en train de débattre et d'étudier les questions relatives aux aéroports et transporteurs aériens du Canada.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : On n'en a pas beaucoup parlé et j'ai été surpris que vous n'y fassiez pas allusion, je veux dire de la question du fret, même si vous avez parlé du commerce en termes généraux. Dans la région d'où nous venons, le sénateur Greene et moi-même, la chose la plus importante est le fret de l'aéroport international Stanfield d'Halifax. De là partent en effet le poisson frais et, en automne, le homard, qui entrent dans la composition des repas de fête traditionnels en Europe. Vous avez peut-être un commentaire à faire à ce sujet. On a vu que le fret faisait partie des questions concernant Air Canada et on a parlé de ses possibilités de croissance.

Le sénateur Greene a soulevé en outre la question de la gestion des aéroports, dont vous avez aussi parlé. Je n'ai pas l'habitude d'excuser le gouvernement, et ce gouvernement en particulier, de ne rien faire. Mais si nous lui recommandons de lever les taxes et redevances actuelles, il doit trouver un moyen de remplacer les recettes qu'elles représentent pour financer ce qu'il y a à faire. En effet, les redevances versées aux aéroports permettent de construire des terminaux sßrs et confortables pour les passagers. Ce sont des dépenses incontournables. Toutes les autres dépenses comme celles qui touchent, par exemple, la sécurité doivent être assumées. C'est bien joli de nous dire que les Américains, les Européens ou d'autres n'ont pas à payer ces redevances et que par conséquent nous ne devrions pas avoir à les payer. Mais alors, d'où viendra l'argent? Il faut poser la question et la poser par rapport à la croissance économique, car les deux sont liées si l'on revient à la première question du sénateur Eaton à propos des avantages destinés aux passagers. Mais qu'en est-il des avantages qu'en retirent les expéditeurs? L'aéroport international Stanfield d'Halifax est un élément important du port de la ville. Lorsque l'on parle du port d'Halifax et du fret, nous ne parlons pas seulement des navires, mais aussi des avions. Pouvez-vous faire un commentaire à ce sujet?

M. Dee : Nous exploitons Air Canada Cargo, bien que nous n'ayons pas de flotte réservée au fret. Le fret est transporté dans la soute à bagages des vols réguliers. La raison pour laquelle nous n'avons pas consacré autant de temps au fret qu'aux passagers est, je suppose...

Le sénateur Mercer : Que le fret ne se plaint pas.

M. Dee : Oui, le fret ne se plaint pas et nous n'avons pas encore perdu de bagage de homard. Toutefois, c'est un point important. Le fret représente une portion significative de nos affaires. Ces dernières années, nous avions envisagé d'exploiter une flotte exclusivement réservée au fret. Dans le cadre d'un projet pilote, nous avions conclu ce qu'on appelle dans notre jargon un bail de location avec équipage aux termes duquel nous utilisions la flotte et les équipages à partir d'endroits comme Halifax ou ailleurs vers des destinations du monde entier.

Une des choses qui a grandement nui à ce service a été le ralentissement économique. Un indicateur avancé du ralentissement économique est un ralentissement dans le secteur du fret aérien, ce qui s'est manifestement produit. Malheureusement, le moment choisi pour le lancement de notre service de fret aérien a fait en sorte que ce fut une des premières choses à être touchée. C'est un élément important de notre avenir. Le Canada est un des rares pays du G8 à ne pas avoir ses propres flottes d'avions cargo qui sillonnent le ciel toutes les nuits. Nous utilisons des avions de passagers pour transporter du fret. Un des plus importants transporteurs de fruits de mer à l'aéroport international Stanfield de Halifax est Air Canada, sur ses vols à destination de Londres, par exemple.

Malheureusement, ces quelques dernières années, le marché du fret est tel que le transport de marchandise, particulièrement en provenance d'Asie, se fait dans une seule direction. On constate que beaucoup de biens arrivent sur des vols à destination du Canada, mais il n'y en a pas beaucoup qui transitent dans l'autre sens, parce que beaucoup de nos exportations ne sont pas des produits à délai de livraison critique et ne nécessitent pas d'être transportées par avion. Par exemple, on utilise d'autres moyens de transport pour l'exportation de certaines de nos ressources, comme les navires de charge.

Si la conjoncture économique le permet, Air Canada aimerait mettre sur pied un service de fret à l'avenir. Quant à savoir si cela se fera dans un avenir rapproché ou non, je ne saurais vous le dire.

Le sénateur Mercer : Il y a deux ou trois ans, Air Canada a fermé son centre d'agents de bord de Halifax. En conséquence, les agents de bord ne sont plus basés à Halifax, mais ailleurs, comme à Toronto ou Montréal.

Ceux d'entre nous qui transitent par l'aéroport international Stanfield de Halifax se retrouvent souvent à voyager avec des agents de bord qui se rendent à leur travail ou qui en reviennent. Avez-vous réexaminé la situation? Du point de vue de l'entreprise, cela a-t-il eu les résultats escomptés? Est-ce toujours un sujet qui est abordé lors des négociations collectives avec les trois syndicats concernés?

M. Dee : Le centre d'agents de bord a été fermé il y a deux ou trois ans. Je n'étais pas là pendant la courte période où on l'a fermé; je ne peux donc pas faire de commentaires sur la décision en soi.

Le sénateur Mercer : C'est, encore une fois, de la responsabilité positive.

M. Dee : C'était une question de responsabilité positive.

Ce qu'on a constaté à l'époque — et c'est ce qui justifie la fermeture —, c'est que le centre était rendu à un point où on a jugé que de le maintenir à Halifax était non rentable.

Cela a-t-il fonctionné? De façon générale, compte tenu des mesures que nous avons mises en place pour les agents de bord qui ont été touchés — non pas de les réinstaller, mais de faciliter leurs déplacements entre leur domicile à Halifax et leur lieu de travail, qu'il s'agisse de Montréal, Toronto ou d'un autre endroit —, nous avons le sentiment que depuis la fermeture du centre, cela n'a pas vraiment posé problème. Est-ce un sujet qui a été abordé récemment pendant les négociations collectives? Non.

Le sénateur Mercer : Déménager est très difficile pour les familles, pour des agents de bord qui ont deux ou trois enfants, à qui on demande de partir d'un endroit où le coût de la vie est raisonnable, comme Halifax, pour aller à Toronto, où le coût de la vie est exorbitant. Ce n'est qu'un commentaire.

Je veux parler de l'aéroport Billy Bishop de Toronto. Dans ma vie antérieure, je passais par l'aéroport du centre-ville de Toronto au moins une fois par semaine. J'avais l'habitude de voyager sur les ailes d'Air Canada. Ensuite, Air Canada a cessé ses activités à cet endroit, ce qui m'a surpris, parce que je n'avais jamais voyagé à bord d'un avion vide entre Ottawa et le centre-ville de Toronto. Porter a pris le relais et s'est très bien acquittée de cette tâche. Je me suis rendu à l'aéroport du centre-ville de Toronto plusieurs fois à bord de leurs appareils.

Vous êtes maintenant revenus dans ce marché. Une des critiques dont on m'a fait part depuis que je siège au comité — et j'en fais partie depuis ma nomination au Sénat —, c'est qu'Air Canada a tendance à adopter une pratique de prix d'éviction. Cela signifie que vous ciblez un concurrent qui vous enlève des parts de marché parce que c'est un transporteur à peu de frais, puis vous le chassez du marché en égalant le prix de votre concurrent pour ce vol précis ou en fixant un prix plus bas, jusqu'à ce qu'il se replie et abandonne le marché. Je n'ai pas encore vu cela dans le cas de Porter, parce que l'entreprise a été très dynamique. Cependant, sans égard au point de départ, vos prix pour ce vol à destination de l'aéroport du centre-ville de Toronto ont baissé. Par rapport à l'achalandage que vous aviez avant de quitter l'aéroport du centre-ville de Toronto il y a plusieurs années, quelle est la part de marché que vous avez récupérée?

M. Dee : Actuellement, en raison des contraintes liées aux créneaux de temps à cet aéroport, nous pouvons seulement exploiter une ligne aérienne entre Montréal et Toronto. Nous ne pouvons pas offrir de vols pour toute autre destination. Quant à la récupération des parts de marché, cette ligne a certainement satisfait à nos attentes et, dans certains cas, les a dépassées. Toutefois, nous n'avons pas été en mesure de voir ce que nous pourrions faire. En ce moment, par exemple, nous n'offrons pas de service entre Ottawa et l'aéroport du centre-ville de Toronto.

Le sénateur Mercer : Il me semble que pour chaque action, il y a une réaction. Vous avez pris une décision et la réaction a été que quelqu'un a comblé le vide.

Le sénateur Cochrane en a parlé, et le sénateur Dawson a proposé d'entreprendre des démarches auprès du gouvernement. Je ne peux pas laisser filer l'occasion de vous dire qu'à mon avis, votre opposition, catégorique ou silencieuse, à donner aux Émirats arabes unis — pour les vols à destination ou en provenance de Dubaï — un meilleur accès à l'espace aérien canadien semble être une politique à courte vue. Ce l'est du point de vue de l'industrie. Vous voulez accroître votre marché tout en empêchant les autres de faire de même. Vous aurez la même réaction des autres.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur les effets négatifs que ce genre d'opposition a eus sur notre opération militaire en Afghanistan, en raison de la perte d'accès au Camp Mirage. À Dubaï, les gens disaient que c'était directement lié aux négociations sur l'espace aérien et les lignes aériennes pour les transporteurs.

C'est un enjeu important. Cela a coûté au gouvernement — peu importe de quel gouvernement il s'agit — et aux Canadiens des millions, voire des milliards de dollars, et cela a gravement nui à nos opérations militaires au moment même où nous mettions fin à nos opérations en Afghanistan. Je vous exhorte à y réfléchir, à penser aux conséquences de certaines prises de position hostiles.

Le sénateur Greene : J'ai deux questions qui n'ont aucun lien entre elles. La première découle de la question que le sénateur Mercer a posée à propos de l'argent et de son utilisation. Si nous réduisons les taxes et les frais, il faut les remplacer par autre chose, quelque part.

Faut-il vraiment les remplacer? Je crois comprendre que les frais et les taxes qui sont versés à l'industrie par les passagers ressortent immédiatement de l'industrie, pour ainsi dire, parce qu'en réalité, ils ne servent pas à payer quoi que ce soit.

M. Dee : Non. C'est exactement de cela qu'il s'agit. Dans beaucoup de pays du monde, les frais perçus servent à payer le service reçu.

Aux États-Unis, par exemple, lorsque vous payez à même votre billet d'avion un droit d'immigration pour entrer aux États-Unis, ces droits servent à payer pour l'activité qui est entreprise, qui est votre inspection par un agent des douanes. Pour ce qui est de la sécurité du transport aérien, c'est le même principe.

Au Canada, malheureusement, une grande partie des frais et des droits perçus vont directement dans les recettes générales. Il n'y a aucun lien direct entre le service que le consommateur a prétendument acheté et le service qu'il reçoit. D'une certaine façon, on ferait mieux de dire que tous ces frais ne sont qu'une seule et même taxe plutôt que des taxes distinctes, parce qu'il n'y a pas de corrélation entre les taxes perçues et les services reçus.

Le sénateur Greene : C'est exactement ce que j'avais cru comprendre.

Plus tôt, vous avez dit que vous ne vouliez pas revenir aux jours — et je pense que tout le monde ici est d'accord — où le gouvernement fédéral était propriétaire de tous les aéroports. Je me demandais ce qu'il en était des municipalités. Il me semble que les municipalités sont souvent, à divers moments, en guerre avec leurs aéroports. Or, l'aéroport pourrait être un important moteur de développement d'une municipalité. C'est ce que vous avez dit par rapport à Charlotte, qui est un merveilleux exemple.

Avez-vous réfléchi à la question de savoir si les municipalités devraient être propriétaires des aéroports? Si c'était le cas, je suppose qu'elles auraient les mêmes intérêts économiques que les transporteurs aériens : plus de touristes, de développement économique, et cetera.

M. Dee : Lorsqu'on a créé les autorités aéroportuaires, l'idée était de les rapprocher des intérêts locaux. Il existe des exemples, principalement aux États-Unis, mais aussi ailleurs, où des municipalités — ou du moins des organismes sous contrôle de la municipalité ou, dans certains cas, du gouvernement de l'État — exploitent un aéroport. À New York, la Port Authority of New York and New Jersey, un organisme qui relève des gouvernements des deux États, exploite trois aéroports importants et d'autres aéroports. Il s'agit, principalement, des aéroports JFK, New York et La Guardia. Pour ces exemples, on a obtenu de très bons résultats. Dans certains cas, des municipalités ont elles-mêmes exploité les aéroports par l'intermédiaire d'autorités aéroportuaires municipales.

Au chapitre de la gouvernance, il y a dans le monde plusieurs exemples de réussites. Le Canada a choisi un système qui est un peu moins précis sur la question des responsabilités. Les autorités aéroportuaires ont des conseils d'administration dont la nomination relève de groupes divers. Personne ne détient vraiment la majorité. Un coup d'oil sur les exemples de gouvernance à l'échelle mondiale nous permettrait de mieux connaître ce que les autres pays ont fait différemment par rapport à l'exploitation de leurs aéroports.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Dee, j'aimerais vous féliciter à nouveau car vous avez des propos qui sont très clairs et constructifs.

Ma première question concerne l'écart entre la profitabilité d'un aéroport américain par rapport à un aéroport canadien. Vous avez mentionné un écart de 229 p. 100 au Canada par rapport aux États-Unis, ce qui est considérable. Évidemment, plus il y a de clients, plus on peut partager les coûts. Le pourcentage des coûts d'exploitation lié à la clientèle par rapport à la portion liée à la réglementation se partage de quelle façon? On pourrait augmenter la clientèle de 20 p. 100. Toutefois, si on ne travaille pas sur la réglementation, l'effet net sera peut-être nul.

M. Dee : Je crois que les deux sont étroitement liés. Par exemple, en ce qui a trait à la réglementation qui touche l'immigration, comme je l'ai indiqué, en Europe, le transit ne se fait pas, pour les passagers, dans l'aéroport. Dans l'aéroport européen, le passager n'a pas besoin de faire application pour un visa, alors qu'au Canada c'est le cas.

D'autre part, on constate une importante communauté d'origine japonaise au Brésil et des échanges très importants entre le Brésil et le Japon. Un grand nombre de Brésiliens d'origine japonaise voyagent régulièrement entre le Japon et le Brésil. Un des problèmes pour ce groupe est le règlement qui exige l'obtention d'un visa spécial pour traverser le Canada, entre le Brésil et le Japon, même si les passagers n'ont l'intention de rester au Canada que quelques heures en attendant leur correspondance. Ces règlements ont effectivement la capacité de diminuer le nombre de passagers qui choisissent le Canada comme point de transit pour leur correspondance.

Les coûts également ont malheureusement cette tendance à diminuer le trafic aérien qui utilise le Canada comme point de départ ou de correspondance pour des vols.

Pour ce qui est du partage, je dirais qu'il est difficile de donner un pourcentage et dire que 50 p. 100 sont attribuables aux règlements et 50 p. 100 aux coûts. Les deux facteurs, effectivement, ont un impact sur les passagers et encouragent ceux-ci à trouver les moyens de se rendre à leur destination sans passer par le Canada.

Le sénateur Boisvenu : Votre analyse fait état de façon éloquente de la situation. Toutefois, comment se fait-il que vous ne soyez pas allés plus loin avec vos propositions? Votre rapport sur la situation est excellent, mais vous avez fait peu de recommandations, entre autres, sur la direction que pourrait prendre le gouvernement ou l'entreprise pourrait nous donner une vision de l'avenir. J'aimerais savoir pourquoi, dans votre mémoire, vous n'avez pas emprunté cette avenue?

M. Dee : Je crois que nous sommes prêts à consacrer du temps pour développer des solutions. Ces solutions se formuleront non seulement en consultant Air Canada, mais tous les acteurs de l'industrie aérienne. Il existe des solutions très intéressantes pour Air Canada, comme l'élimination des baux, mieux connus en anglais sous le terme « ground rent ». D'autres aspects sont à considérer, comme l'ont mentionné les sénateurs Cochrane et Eaton, tels les changements dans la gouvernance des aéroports. Ces suggestions pourraient être utiles pour l'industrie.

Pour ce qui est des autres solutions spécifiques, nous sommes prêts à travailler avec vous pour en trouver dans les mois qui viennent.

Le sénateur Boisvenu : Vous avez donc préféré ne pas tout mettre du même coup.

M. Dee : Nous ne voulons pas présumer des activités du comité.

Le sénateur Boisvenu : La mondialisation a vraiment frappé l'industrie de l'aviation, n'est-ce pas?

M. Dee : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Plusieurs compagnies se sont fusionnées avec celles de d'autres pays. Il ne s'agissait donc pas strictement d'une réorganisation nationale, mais également d'une réorganisation internationale.

On annonçait récemment que la compagnie American Airlines est menacée en termes de profitabilité. Quelle est votre vision en termes d'organisation internationale? Nous sommes passés, au Canada, de plusieurs entreprises à une ou deux. Va-t-on se retrouver un jour, à l'échelle mondiale, avec cinq compagnies aériennes? Quelle est votre position sur ce point?

M. Dee : Comme le sénateur Cochrane l'a indiqué il y a quelques instants, on remarque aujourd'hui une tendance de consolidation dans l'industrie aérienne. Toutefois, les règlements nationaux empêchent les fusions. Par exemple, Air Canada ne pourrait pas acheter un transporteur américain car certaines restrictions aux États-Unis l'en empêchent. Une compagnie américaine ne pourrait pas non plus acheter Air Canada à cause des mêmes restrictions. Sans un changement dans ces règlements, la seule façon pour l'industrie aérienne de se consolider est par le biais d'alliances internationales comme Star Alliance, Oneworld aux États-Unis et SkyTeam fondée par Air France.

À moyen terme, nous entrevoyons la consolidation sur le plan des alliances, mais nous n'entrevoyons pas la possibilité de fusions ou d'acquisitions mutuelles de transporteurs aériens car les règlements l'empêchent à l'heure actuelle.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Merci de nous faire part de vos observations. Je voulais revenir sur un de vos brefs commentaires au sujet de l'incidence de l'industrie du transport aérien sur les autres industries. Je me souviens d'une réunion des intervenants en Colombie-Britannique à laquelle l'organisme Tourism Whistler a assisté. Ses représentants ont dit qu'ils voulaient voir une augmentation du nombre de vols, se sont dits conscients de l'importance d'avoir une industrie du transport aérien en santé et de ses effets directs sur la collectivité et sur les touristes qui se rendent à Whistler. C'est valable pour toutes les autres parties du Canada où l'on veut attirer davantage de touristes. Les représentants du secteur des croisières touristiques ont mentionné que ce qui se passe dans l'industrie du transport aérien a une incidence directe sur leurs succès. De plus, ils ont parlé de leur appui à la politique Ciel bleu et à l'idée d'augmenter le nombre de vols et d'attirer le plus de gens possible au Canada. C'est vraiment lié à la vitalité économique de notre pays.

Avez-vous eu de telles conversations avec les intervenants? Y a-t-il eu des études mixtes sur les effets économiques qu'on puisse obtenir grâce à certains ajouts ou améliorations à votre industrie? Peu importe ce qu'on demande en surplus, ces effets économiques pourraient se concrétiser. De telles études existent-elles? Que faites-vous à cet égard?

M. Dee : Pour ce qui est de l'interaction avec l'industrie du tourisme et des autres intervenants de nos industries, nous avons régulièrement des discussions, c'est certain. Nous travaillons en étroite collaboration avec les croisiéristes. Par exemple, non seulement nous leur amenons des clients en les transportant, mais nous vendons aussi des croisières par l'intermédiaire de notre filiale, Vacances Air Canada.

Il est important de reconnaître que lorsqu'on voyage partout dans le monde, ce qu'on remarque dans beaucoup d'endroits, c'est une des quelques marques canadiennes qui fait la promotion du Canada comme destination touristique : Air Canada. Par exemple, vous verrez que notre billetterie de Buenos Aires fait la promotion du Canada comme destination touristique. Lorsque les exploitants d'entreprises touristiques locales parlent d'un meilleur accès aérien, il est important qu'ils reconnaissent que les seuls transporteurs qui font la promotion de l'industrie touristique intérieure, ce sont les transporteurs nationaux. Partout dans le monde, la société Singapore Airlines ne fait pas la promotion du Canada comme destination touristique, parce qu'elle fait la promotion de Singapour.

Malheureusement, au Canada, ces quelques dernières années, on pourrait presque dire qu'il y a eu une stratégie qui consistait à diviser pour régner, où les transporteurs internationaux promettent mer et monde et disent qu'ils vont amener des touristes de leurs pays qui dépenseront des millions de dollars dans le secteur du tourisme. Malheureusement, beaucoup de pays qui revendiquent cet accès n'ont pas une population très élevée, et l'histoire a démontré qu'ils avaient tort. Dans beaucoup de cas, là où ils ont eu un plus grand accès, les transporteurs aériens internationaux n'ont pas forcément attiré beaucoup de touristes. En fait, c'est tout le contraire. Ils ont pris les touristes de ces pays et les ont ramenés dans leurs pays d'origine et ont fait de ceux-ci des destinations touristiques prisées.

Nous travaillons étroitement avec le secteur du tourisme. Je suis un membre du conseil d'administration de l'association touristique. Nous essayons de répondre aux préoccupations de chacun. Il y a un facteur clé sur lequel les croisiéristes, les transporteurs aériens, les hôteliers et les autres joueurs de l'industrie du tourisme sont entièrement d'accord : afin d'augmenter le nombre de voyageurs non seulement à destination du Canada, plus particulièrement pas ceux qui en proviennent, mais aussi ceux qui y viennent ou qui y transitent —, il faut que le secteur de l'aviation ait une structure de coûts moins élevée.

Plus tôt, j'ai dit au sénateur Verner qu'un des grands marchés qu'on a vu ces dernières années est celui des Brésiliens d'origine japonaise qui voyagent régulièrement entre le Brésil et le Japon. Pour eux, dans le passé, le Canada a été un point de transit intéressant. Ne serait-il pas formidable que ces personnes passent deux ou trois jours ici et apprennent à connaître le Canada, ce qui leur permettrait de se rendre compte que notre pays multiculturel compte une importante communauté japonaise qui a des liens non seulement avec leur pays ancestral, mais aussi avec leur pays d'adoption, car nous avons aussi une importante communauté brésilienne. Quand on a des coûts qui nous empêchent de rivaliser avec d'autres pays — qui proposent de passer par Dubaï ou Singapour pour aller au Japon —, ces choses sont de moins en moins possibles. Pour que les gens puissent voyager à moindre coût et sans visa, on leur dit de passer par un endroit autre que le Canada.

Le sénateur Martin : Il en coûte plus cher pour les Canadiens de se rendre dans d'autres régions du Canada qu'aux États-Unis pour prendre des vacances. Parlez-nous des défis qui se posent pour les déplacements à l'intérieur du Canada et des mesures que vous prenez avec les provinces pour favoriser les déplacements interprovinciaux et inter- territoriaux? Terre-Neuve-et-Labrador fait une campagne efficace, mais je ne suis toujours pas allé dans cette province. Toute la publicité de cette province en appelle aux Canadiens. J'entends des Canadiens dire qu'ils devraient voyager à l'intérieur du Canada d'abord, mais qu'il est parfois moins cher de prendre la direction du sud. Faites-vous quelque chose avec les provinces pour promouvoir le tourisme au Canada?

M. Dee : Voilà un très bon exemple, parce que certaines publicités du ministère du Tourisme de Terre-Neuve-et- Labrador comportent un court commentaire invitant les gens à se rendre à Terre-Neuve-et-Labrador par Air Canada. La concurrence est extrêmement vive dans le marché local au Canada. Nous avons des joueurs forts, comme WestJet et, au niveau régional, Porter, qui contribuent à la dynamique du marché au Canada. Comme vous le dites, il en coûte plus cher pour les Canadiens de se rendre en avion à Las Vegas qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, et cela tient à l'infrastructure coûteuse de notre pays, une réalité bien triste. Cela n'a pas de sens que les gens puissent se rendre de Vancouver à Las Vegas à moindre coût en prenant l'avion à Bellingham au lieu de Vancouver. Les membres de ma famille ou de ma parenté à Vancouver font 45 minutes de voiture pour se rendre à l'aéroport de Bellingham, où ils peuvent laisser leurs autos. Le stationnement d'un jour à Bellingham est moins coûteux que celui de l'aéroport international de Vancouver. Ils peuvent se rendre à Las Vegas ou au Mexique ou partout ailleurs dans le monde. Si rien n'est fait pour réduire les droits et les frais d'exploitation au Canada, ce genre de choses se poursuivra.

Nous devons nous demander pourquoi les Canadiens voient toujours une différence de coûts entre les transporteurs canadiens et américains alors que nous avons au Canada des joueurs importants, comme WestJet et Air Canada, qui se livrent concurrence. Un article publié dernièrement dans les journaux a traité d'une polémique suscitée par l'ouverture d'un débit de vente J. Crew à Toronto, dont les prix étaient de 25 à 35 p. 100 plus élevés que ceux de la même chaîne aux États-Unis. Le ministre des Finances a soulevé un point excellent, à savoir que le problème tient en partie aux droits élevés. L'industrie du transport aérien doit payer des loyers dans les aéroports, des droits et des taxes, qui expliquent pourquoi les Canadiens généralement paient plus cher. Les transporteurs américains, en particulier, amènent leurs citernes de carburant au Canada pour ne pas avoir à faire le plein ici et à acquitter les taxes d'accise sur le carburant. Nous n'avons pas ce privilège lorsque nous effectuons des vols entre Toronto et Moncton. Nous devons acquitter les taxes d'accise sur le carburant en vigueur au Canada. Voilà le genre de choses qu'il faut mettre en lumière. Tout comme J. Crew a dß relever ses prix de 35 p. 100 pour faire un profit avec les chandails vendus à Toronto, nous devons augmenter nos prix pour récupérer les frais que nous devons acquitter en faisant des affaires au Canada.

[Français]

Le président : En terminant sur cette note, j'aimerais vous remercier pour votre présence aujourd'hui.

J'aimerais également réitérer la demande du sénateur Cochrane.

[Traduction]

Que pensez-vous d'une loi sur les aéroports? Je vous encourage également à donner suite à la question posée par le sénateur Boisvenu, si vous avez une opinion là-dessus.

[Français]

Je pense que vos deux collègues et vous allez suivre les délibérations du comité; alors si vous avez des recommandations, sentez-vous bien à l'aise de les faire parvenir au greffier au fur et à mesure que les travaux du comité progressent. Comme vous le savez, nous allons le faire par étapes.

La première étape sera fort probablement un rapport intérimaire sur les aéroports, tout ce qui concerne la législation d'aéroports, les conseils d'administration, la gouvernance et la présence. D'ailleurs, sur une des questions qui n'a pas été posée, vous pouvez nous répondre par écrit.

[Traduction]

Nous avons un réseau national des aéroports formé de 26 aéroports. Contrairement à ce qui arrive dans la vie, les gens ne naissent pas tous égaux. Nous avons un réseau national des aéroports et nous disons à la blague que nous avons un sous-comité appelé MTV — Montréal Toronto Vancouver. MTV accueille fondamentalement 75 p. 100 du transport aérien, et ceci vaut autant pour votre industrie que pour l'industrie elle-même. Or, les 23 autres aéroports font l'objet du même type de structure. Je ne peux pas imaginer que Air Canada voudrait siéger au conseil d'administration de 26 aéroports, mais la société serait sßrement intéressée à être davantage présente au conseil des trois grands aéroports. Monsieur Dee, j'aimerais que vous parliez de cette question, parce que c'est la première dont le comité devra s'occuper si le réseau national des aéroports fait l'objet d'une révision. Comme l'a dit le sénateur Cochrane, le réseau a été mis en place il y a 17 ans. L'idée était certes bonne, mais aucune disposition de réexamen n'a été prévue dans la loi, alors que cela est souvent le cas dans les autres lois. Les ministres qui se sont succédé estiment que le réseau national des aéroports devrait faire l'objet de certaines améliorations. Nous comptons sur vos observations pour aider le comité à préparer le meilleur rapport possible.

[Français]

Je vous remercie beaucoup et demain soir, nous rencontrerons l'un de vos compétiteurs, WestJet, à 18 h 45. Nous serons dans la salle 2 de l'édifice Victoria.

(La séance est levée.)


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