Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 3 - Témoignages du 2 novembre 2011
OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, dans le cadre de son étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications et je vous remercie d'être ici.
[Traduction]
Nous poursuivons notre étude sur le secteur canadien du transport aérien.
[Français]
Nous accueillons aujourd'hui M. Bernard Buissières, vice-président, affaires juridiques et secrétaires de la société, ainsi que M. George Petsikas, directeur principal aux affaires gouvernementales et de l'industrie et d'Air Transat.
Monsieur Bussière, à vous la parole.
Bernard Buissières, vice-président, Affaires juridiques et secrétaire de la société, Air Transat : Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître devant votre comité. La présentation de mon sujet est un peu particulière et différente.
[Traduction]
Je félicite le comité de son initiative, puisque la situation du secteur du transport aérien est très précaire et qu'il n'y a pas eu de véritable examen des politiques depuis un certain temps. Mon collègue George Petsikas et moi vous remercions de l'occasion qui nous est offerte de vous présenter notre société et de mettre en lumière un problème très particulier qui a été causé par les politiques et la réglementation. Air Transat, qui est un membre fondateur du Conseil national des lignes aériennes du Canada, dont mon collègue est le président, adopte pleinement la position que le conseil a exposée dans le cadre des audiences du comité.
Permettez-moi de vous présenter la société. Transat est l'une des plus importantes sociétés intégrées de tourisme du monde. Elle est un chef de file dans le secteur canadien des vacances et des voyages. Son siège social est à Montréal, et elle emploie environ 6 400 employés, dont 5 400 au Canada.
Transat est d'abord et avant tout un organisateur de voyages à l'étranger. Nous offrons plus de 60 destinations dans le monde. Nous organisons également beaucoup de voyages pour les touristes étrangers qui viennent au Canada. Pour ce secteur, nos marques sont Canadian Affair, Look Voyages et Jonview Canada.
Air Transat est notre division du transport aérien, et il s'agit de la première ligne aérienne de vacances du Canada. Elle transporte chaque année quelque trois millions de passagers vers près de 60 destinations dans 25 pays. Nous nous associons également à CanJet pour offrir le transport vers des collectivités comme Halifax, Regina, Thunder Bay et Rouyn-Noranda.
Ce soir, j'aimerais vous expliquer en quoi les voyageurs canadiens bénéficient d'une protection inadéquate en tant que consommateurs à cause du manque de cohérence du cadre réglementaire. Comme vous le savez peut-être, presque partout au Canada, les voyageurs ne sont pas du tout protégés contre la faillite de leur ligne aérienne ou de leur voyagiste. Peu de gens le savent, mais la protection des consommateurs dans le secteur des voyages est déplorablement inadéquate. Trois provinces ont pris des mesures pour offrir une protection du genre dans certaines circonstances. La nature de la protection varie un peu d'une province à l'autre, mais la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec disposent d'un fonds de compensation bien établi pour protéger les consommateurs lorsque les services ne sont pas fournis par le voyagiste. Si le voyageur a fait affaire avec une agence de voyages, cela peut même inclure les fournisseurs comme la compagnie aérienne. Il y a eu des cas où les services de ces organismes provinciaux ont joué un rôle important auprès des consommateurs : les cas de Canada 3000, Jetsgo et, plus récemment, Conquest Vacations. Avec différents degrés de succès, les consommateurs se sont fait rembourser leurs billets à la suite de la faillite de ces entreprises.
À l'heure actuelle, le secteur du transport aérien est menacé, et il semble donc illogique que la vaste majorité des Canadiens ne soient pas protégés par un organisme gouvernemental. Selon l'époque de l'année et l'organisateur de voyage, une défaillance majeure pourrait avoir pour effet que des milliers de Canadiens ne puissent rentrer chez eux. La situation serait inacceptable quand on pense que seulement une partie d'entre eux seraient rapatriés.
Pourquoi est-ce le cas? Il y a plusieurs cadres réglementaires et stratégiques contradictoires. Les lignes aériennes sont réglementées par le gouvernement fédéral. Les agences et les organisateurs de voyages sont assujettis à la réglementation provinciale. La protection des consommateurs est une responsabilité des provinces. Dans ce cadre réglementaire hétérogène, la plupart des Canadiens ne bénéficient d'aucune protection de la part du gouvernement. Les Canadiens qui achètent des billets directement auprès d'une ligne aérienne ne sont pas protégés en cas de faillite de celle-ci.
La majeure partie des problèmes auxquels fait face notre secteur, mis à part la concurrence au chapitre du coût des taxes dont vous avez entendu parler par beaucoup d'intervenants qui ont comparu devant vous et des choses comme le coût du carburant et la situation économique en général, échappent grandement à notre emprise. Cependant, voici un domaine où nous, ensemble avec le gouvernement, pouvons apporter des changements réels.
Nous proposons la création d'un fonds national de compensation dans le but d'harmoniser le cadre réglementaire hétérogène et d'offrir une protection à tous les consommateurs du Canada qui ont besoin d'être rapatriés ou remboursés lorsque leur agence de voyages, leur voyagiste, leur ligne aérienne ou leur fournisseur de voyages en ligne fait faillite. Ce n'est pas une proposition unique. L'Australie, le Danemark, le Royaume-Uni et l'Union européenne envisagent des initiatives du genre. Il y a également des mécanismes qui ont déjà été mis en place ailleurs et qui pourraient être examinés.
Un fonds national de compensation créé en collaboration avec les trois provinces qui ont déjà une réglementation permettrait d'harmoniser les trois fonds existants de façon à garantir l'utilisation efficace des ressources en place pour la gestion du programme. Les agences de voyages du Canada pourraient prendre une petite cotisation chaque fois qu'un consommateur achète un voyage et la déposer dans un fonds national de compensation. C'est ainsi que fonctionne le fonds provincial que le Québec a mis sur pied. En seulement quatre ans, avec une contribution de 3,50 $ par tranche de 1 000 $ d'achats de voyage et des frais minimes imposés aux agences de voyages, le fonds du Québec dispose maintenant de 60 millions de dollars.
Pour vous donner une idée, si nous utilisons les données de Statistique Canada selon lesquelles 109 millions de passagers sont passés par les aéroports du Canada en 2010, présumons que la moitié étaient des Canadiens. Si nous appliquions l'approche québécoise à l'échelle nationale, avec un prix moyen du billet de 1 000 $, le fonds serait de plus de 190 millions de dollars au bout d'un an, pour 65 millions de voyageurs canadiens. Ce serait un premier pas dans la bonne direction pour protéger les consommateurs en cas de manquement ou d'événements majeurs et pour garantir qu'ils n'aient pas à assumer des pertes et des dépenses importantes.
Vous vous demandez probablement pourquoi nous demandons une mesure aussi altruiste. Ce régime de protection des consommateurs hétérogène dont j'ai parlé a d'importantes conséquences sur le plan financier pour les voyagistes et les lignes aériennes comme ceux que représente le conseil. Ces dernières années, nous avons vu les sociétés de crédit assumer en double la responsabilité d'offrir une compensation aux consommateurs pour les services non rendus. Lorsqu'un consommateur fait l'achat d'un voyage organisé ou d'un billet d'avion avec sa carte de crédit, il peut se faire rembourser par la société de cartes de crédit s'il ne reçoit pas le service en question.
Toutefois, cette quasi-assurance n'est rien d'autre qu'un outil de marketing pour inciter les consommateurs à utiliser telle carte de crédit plutôt que telle autre. Je ferais remarquer également que les avantages de cette quasi-assurance ne sont généralement pas garantis par écrit. Je vous mets au défi de lire votre entente de carte de crédit : vous allez constater qu'il n'y a rien à ce sujet, à moins que vous n'ayez une carte pour les clients très privilégiés. Les consommateurs prennent un risque lorsqu'ils décident de compter sur ce service; ils n'ont pas l'information nécessaire. Les sociétés de cartes de crédit peuvent prendre la décision de rembourser leurs clients après avoir déterminé les répercussions d'ordre financier, et cela se fait dans le cadre d'un communiqué. Elles ne remboursent que le coût des achats effectués par le consommateur, pas le coût du rapatriement ou d'un nouveau voyage.
Ce qui est encore plus important, c'est que cette quasi-assurance cause également des distorsions extrêmes sur le plan économique dans notre secteur. Vu les faillites dont j'ai parlé tout à l'heure, elle a été utilisée à plusieurs reprises. Les sociétés de cartes de crédit, plutôt que d'assumer le coût de cette assurance elles-mêmes, en transfèrent la responsabilité financière, en raison des défaillances potentielles, aux entreprises qui s'occupent du traitement des transactions par carte qui gèrent les transactions entre les voyagistes et les lignes aériennes, d'une part, et les consommateurs, de l'autre — l'intermédiaire électronique, si vous voulez. Par conséquent, ces entreprises imposent maintenant des modalités exigeantes aux sociétés qui offrent des voyages pour le traitement des transactions par carte de crédit. La responsabilité financière est donc repoussée plus loin le long de la chaîne.
Ces exigences prennent la forme de lettres de crédit, d'autres garanties ou encore de retenue des fonds reçus des consommateurs pendant une période indéterminée. Elles compromettent gravement la santé financière de nombre de voyagistes et de lignes aériennes. Vous vous rappelez peut-être que Conquest Vacations a fait faillite après 20 ans et en citant comme l'une des principales raisons de sa faillite les exigences déraisonnables des sociétés de cartes de crédit et des entreprises connexes qui s'occupent du traitement. Cela devient également un obstacle à l'entrée sur le marché de nouvelles lignes aériennes ou de nouvelles sociétés de voyages.
Les voyagistes et les lignes aériennes n'ont pas vraiment le choix de se plier à ces exigences, vu que plus de 90 p. 100 des voyages sont achetés à l'aide d'une carte de crédit. Vous vous demandez peut-être ce qu'il est advenu des trois fonds provinciaux de compensation. Vous auriez raison de faire remarquer que la quasi-protection des consommateurs offerte par les sociétés de cartes de crédit est la responsabilité de ces organisations provinciales. Si vous résidez dans l'une des trois provinces en question et que vous n'avez pas reçu de service, vous avez droit à une compensation du fonds provincial. Seules ces trois provinces dotées d'une réglementation assument le coût de rapatriement des consommateurs lorsque le voyagiste est en défaut. Nous affirmons que cela cause beaucoup de confusion chez les consommateurs et un risque important pour ceux-ci. Il y a aussi des consommateurs qui vivent en Nouvelle-Écosse, en Alberta et en Saskatchewan, où aucune protection n'est offerte. Si un fonds national de compensation était créé et servait de premier recours pour les Canadiens coincés à l'étranger en raison d'une défaillance, il y aurait moins de risque dans l'ensemble du système de paiement du secteur des voyages, les entreprises qui traitent les transactions auraient moins d'exigences, et les voyagistes ou les marchands de voyages disposeraient d'une plus grande marge de manœuvre sur le plan financier.
Les sociétés de cartes de crédit pourraient quand même offrir leur quasi-assurance. Le changement crucial qu'apporterait la création d'un fonds national de compensation dans le cycle financier, c'est que, en cas de défaut, les sociétés de cartes de crédit rembourseraient aux consommateurs le coût des services qu'ils n'ont pas obtenus de la même manière que s'il s'agissait d'un véritable produit d'assurance. Elles auraient alors accès au fonds national de compensation pour obtenir elles-mêmes un remboursement, plutôt que de transférer la responsabilité financière aux sociétés de traitement, qui la refilent ensuite au voyagiste ou à la compagnie aérienne. Les sociétés de traitement seraient davantage en confiance à l'égard de leur rôle financier dans le cycle et n'auraient plus à imposer d'exigences aux voyagistes et lignes aériennes. Nous affirmons que la répartition du risque financier dans le système entre tous les participants, y compris les consommateurs, serait plus équitable.
Nous avons discuté activement avec l'Office de la protection du consommateur du Québec, le Travel Industry Council of Ontario, Transports Canada et Industrie Canada de la création d'un fonds national de compensation. Les discussions se poursuivent, et nous espérons que le mécanisme proposé est celui qui permettra d'harmoniser un cadre réglementaire hétérogène qui pose problème.
Il y a également un Comité des mesures en matière de consommation composé de représentants de toutes les provinces et présidé par Industrie Canada, qui examine l'idée d'un fonds national de compensation. Il s'agit cependant d'un processus très lent et qui exige une orientation stratégique et politique de la part du gouvernement fédéral pour continuer d'avancer.
En outre, je sais que vos collègues du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ont déjà entrepris une vaste étude de consultation sur l'influence potentiellement indue sur le plan économique des sociétés de cartes de crédit dans le cadre de toutes les transactions commerciales. Le Bureau de la concurrence et le Groupe de travail chargé de l'examen du système de paiements du ministère des Finances envisagent assurément plusieurs solutions. Nous aimerions voir dans le cadre du travail que vous entreprenez l'occasion d'effectuer un examen approfondi de la question avec les responsables des fonds provinciaux de compensation, qui défendent l'idée d'une approche nationale à l'égard de leurs champs de compétence.
En conclusion, j'aimerais que vous teniez compte du fait que les lignes aériennes et les voyagistes font face à des risques importants à l'heure actuelle. Le fardeau fiscal que le gouvernement impose au secteur du transport aérien et l'insuffisance du cadre de protection des consommateurs compromettent la capacité de sociétés comme la nôtre d'innover, de contribuer davantage à l'économie et de créer et de maintenir de bons emplois pour les Canadiens.
Merci encore de vous pencher sur la question.
[Français]
Nous vous invitons à poser vos questions.
Le président : Merci, monsieur Bussières. Je vais commencer par vous présenter les membres du comité présents ce soir : le sénateur Merchant, de la Saskatchewan, le sénateur Verner, de la belle ville de Québec, le sénateur Greene, de Halifax, le sénateur MacDonald, du Cap-Breton, le sénateur Martin, de Vancouver, et le sénateur Zimmer, du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Zimmer : Tout d'abord, merci de votre exposé. J'ai deux questions.
On a dit que beaucoup de gens qui prennent un vol pour l'étranger traversent la frontière en raison du coût moins élevé des vols à partir des aéroports américains. Est-ce que cette situation a touché Air Transat? Le cas échéant, comment comptez-vous maintenir votre relation avec vos passagers?
M. Bussières : Il est clair que la réponse est oui. Nous avons bel et bien d'anciens clients qui se rendent à Plattsburgh pour prendre l'avion et pour aller dans le Sud. Comment s'y prendre pour surveiller cela? C'est très difficile.
Les droits et coûts dont bon nombre d'entre vous avez déjà entendu parler ont clairement un effet. On essaie de séduire les clients et de les garder, mais, malheureusement, dans notre domaine, la loyauté des clients est une chose que nous devons gagner chaque jour.
Le sénateur Zimmer : En outre, les échanges entre l'Asie et le Canada augmentent lentement depuis environ neuf ans. Est-ce qu'Air Transat a déjà envisagé une présence sur ce marché?
M. Bussières : M. Petsikas et moi l'avons fait en 2005, et il était alors très difficile d'offrir des prix concurrentiels par rapport à ceux des sociétés chinoises. En réalité, nous ne disposions pas du bon appareil, parce que nous devions enlever certains sièges dans l'appareil que nous avions. C'est quelque chose que nous examinons de façon très attentive.
Le sénateur Zimmer : Je vous ai vu vous faire un sourire. Y a-t-il quelque chose de secret à cet égard?
M. Bussières : Non, c'est un marché incroyable.
George Petsikas, directeur principal, Affaires gouvernementales et de l'industrie, Air Transat : Est-ce que ce que nous disons va figurer au compte rendu?
Le président : Non seulement ce que vous dites va figurer au compte rendu, mais j'aimerais aussi vous rappeler que vous êtes à la télévision. Voilà ce qui compte vraiment.
Le sénateur Greene : Est-ce que vos clients paient exactement les mêmes frais et taxes que les compagnies aériennes ordinaires par rapport au prix du billet?
M. Petsikas : Soyons clairs : toutes nos activités sont internationales. Nous n'offrons pas de vol intérieur au Canada. Ensuite, la vaste majorité d'entre elles ont un permis de transporteur international régulier, comme Air Canada ou n'importe qui d'autre.
Enfin, pour répondre à votre question, oui, en règle générale, un passager qui achète un billet en partance de Toronto et à destination de Heathrow, à Londres, doit payer les frais de sécurité du transport aérien et toutes les autres charges ou taxes applicables, par exemple les droits imposés aux passagers au Royaume-Uni. Nos passagers sont assujettis à la même structure de frais et de taxes que ceux des grands exploitants de réseau.
[Français]
Le sénateur Verner : J'aimerais poser des questions supplémentaires pour faire suite à celles du sénateur Greene. J'aimerais revenir sur la question des taxes. Je vous fais part d'une expérience personnelle qui date d'une semaine.
J'ai tenté de réserver des vols vers la Floride avec départs de Québec. On m'a conseillé d'utiliser un vol régulier parce que si j'utilisais des points bonis, et que je paierais moins de taxes sur un vol régulier, soit avec West Jet ou Air Canada, qu'avec Air Transat. Est-ce parce que j'utilise des points bonis?
Ça coûtait presque le double en taxes si je prenais Air Transat au lieu de prendre des points Visa, par exemple, pour payer mon billet avec Air Canada ou West Jet.
M. Petsikas : Cela n'a pas rapport aux points bonis. L'utilisation des points bonis, je crois, est sujette à un régime différent au plan de la taxation que celui de payer le plein prix de chez nous. Il faut comparer des pommes avec des pommes. Si vous achetez un aller simple Toronto-Orlando avec Air Canada pour 299$, pour le même trajet avec Air Transat, vous serez assujettie aux mêmes taxes applicables que sont les frais d'amélioration aéroportuaires pour Pearson, les taxes pour la sécurité et autres. Maintenant, il pourrait y avoir des différences quant aux surcharges qui sont incluses et non par rapport aux taxes, comme des surcharges de carburant, par exemple. Il pourrait y avoir des différences, mais en principe, non, on est sujets aux mêmes taux de taxation.
Le sénateur Verner : Je voulais simplement vous dire que c'était ce qu'un agent de voyages m'avait dit.
[Traduction]
Le sénateur Greene : En ce qui concerne la concurrence des aéroports américains, à l'égard des vols nolisés et de sociétés comme la vôtre dans les aéroports américains, quelle est selon vous la proportion de la clientèle de Montréal et de Toronto qu'ils attirent et que vous ne perdriez pas normalement?
M. Petsikas : Parlez-vous des aéroports frontaliers? Nous parlons dans ce cas de pertes transfrontalières. Les aéroports qui attirent beaucoup de monde sont ceux de Plattsburgh et de Burlington pour Montréal, celui de Buffalo pour Toronto et ceux de Bellingham et de Seattle pour Vancouver. Nous estimons que, à l'heure actuelle, de trois à quatre millions de passagers prennent chaque année leur voiture ou un autre moyen de transport terrestre pour aller prendre l'avion à partir de ces aéroports plutôt qu'à partir de Toronto, de Montréal ou de Vancouver.
Il y a toutes sortes de raisons, mais la principale, c'est le coût. Dans bien des cas, il s'agit d'aéroports qui bénéficient de beaucoup de subventions. Je peux vous dire que l'aéroport de Plattsburgh, par exemple, a été construit par la Force aérienne des États-Unis; la piste d'atterrissage et l'aire de trafic étaient entièrement construites. Lorsque la force aérienne a quitté les lieux il y a quelques années, quelqu'un a eu l'excellente idée d'en faire un aéroport civil.
L'État de New York et le comté de Clinton ont essentiellement construit le terminal gratuitement. Je connais les gens qui s'occupent de l'aéroport de Plattsburgh; je les ai rencontrés plusieurs fois. Ils ont un grand sens de l'entrepreneuriat. Ils ne se gênent pas pour dire : « Pourquoi ne pas faire décoller les avions d'Air Transat à destination de Cancun ou d'ailleurs à partir de Plattsburgh, parce que nous ne pouvons vous offrir des redevances d'atterrissage et des frais d'aéroport correspondant à peu près au dixième de ce que vous offre l'aéroport Trudeau? »
Il m'est difficile de dire que je ne suis pas intéressé. Il y a évidemment des raisons pour lesquelles nous ne voulons pas attirer la clientèle vers un autre aéroport que notre aéroport de base, qui est l'aéroport Trudeau de Montréal, comme il se doit. L'un des problèmes qui se posent pour nous, c'est que nous avons investi des milliards de dollars dans l'infrastructure aéroportuaire du Canada. Nous devrions disposer d'une infrastructure aéroportuaire que les gens souhaitent utiliser.
Les gens disent que c'est un excellent aéroport, qu'il est très pratique, qu'il répond à leurs besoins et que le prix est juste. C'est de plus en plus difficile par rapport à ce dernier élément en raison des coûts liés au système, des politiques fiscales et budgétaires applicables, comme vous avez entendu d'autres témoins le dire. Franchement, le problème vient aussi de la mentalité de l'utilisateur payeur en ce qui a trait à l'infrastructure aéroportuaire, c'est-à-dire le fait que, il y a 20 ans, nous avons essentiellement déclaré que les aéroports devraient assumer tous les coûts. Nous leur avons dit de le faire en utilisant le financement par emprunt, parce que c'est la seule option possible lorsqu'il s'agit de rénover ce qui était alors une infrastructure en ruine. Nous leur avons ensuite dit de trouver un moyen de refiler la facture aux utilisateurs, point à la ligne.
On ne peut pas être concurrentiel avec ce modèle par rapport à un modèle très subventionné, dans le cadre duquel tous les coûts sont assumés et où les aéroports n'ont qu'à essayer de convaincre les passagers de payer ce qu'ils pensent pouvoir leur faire payer en plus.
Le sénateur Greene : Au fil du temps, si nous ne faisons rien, si nous n'apportons pas de changements ici dans notre façon de mener nos activités, quelle sera la situation dans dix ans selon vous?
M. Petsikas : Le problème des pertes transfrontalières n'est pas nécessairement lié aux chiffres dans l'ensemble. Ceux-ci sont relativement petits, si on les compare au nombre total d'embarquements dans les aéroports du Canada. Le problème, c'est la tendance. Tous les sondeurs vous le diront : oubliez les chiffres; concentrez-vous sur les tendances.
La tendance, à mon avis, met essentiellement en lumière ce qui est symptomatique d'un problème de plus grande portée. Le symptôme, c'est que, à l'heure actuelle, le système de transport aérien du Canada perd du terrain. Le secteur du voyage et du tourisme compte pour environ 650 000 emplois d'un océan à l'autre. Il s'agit du tourisme, des hôtels, de l'hébergement et les lignes aériennes et ainsi de suite.
Le Canada était avant dans les dix premiers pays, le huitième sur le plan des arrivées de touristes étrangers, il y a de cela pas même cinq ou six ans. Le pays est maintenant treizième, et la chute rapide se poursuit. Cela pose problème. L'un des symptômes, c'est ce que font les gens en ce moment, c'est-à-dire que, selon l'expression que j'aime utiliser, ils échappent à l'administration en prenant leur voiture et en disant : « Je ne vais pas payer ces taxes ni ces coûts élevés liés aux infrastructures, parce que je peux payer vraiment moins cher ailleurs. »
Pour nous, c'est un avertissement. Si nous voulons continuer d'avoir notre part du gâteau dans le secteur du tourisme et des voyages, lequel est le plus important et celui qui connaît la croissance la plus rapide dans le monde, il va falloir que nous prenions du recul et que nous nous dotions, pour une fois, de ce que j'appelle une politique stratégique en matière d'aviation au Canada.
Nous avons déjà eu des politiques en matière d'aviation, mais nous n'avons jamais eu de politiques stratégiques ayant essentiellement comme objectif sous-jacent de permettre au système de transport aérien, comme catalyseur important de l'activité économique en général, y compris les voyages et le tourisme, de mener ces activités de la façon la plus concurrentielle et efficace possible sur le plan des coûts pour contribuer à l'activité économique en général. Nous ne nous sommes jamais vraiment posé les questions suivantes : est-ce que cette politique permet d'atteindre cet objectif? Est-ce que cela nous permet d'arriver à notre but?
Tout ce que nous avons eu jusqu'à maintenant, comme vous le savez, c'est la politique de l'utilisateur payeur — ses répercussions sur la compétitivité du système sur le plan des coûts, nous ne nous en soucions pas du tout — et un mode de taxation axé sur une politique budgétaire dans le cadre de laquelle nous sommes essentiellement perçus dans une optique budgétaire, c'est-à-dire comme une excellente source de revenus pour le fisc, pour le centre; nous n'allons pas réinvestir l'argent; nous allons le garder pour nous, et bonne chance dans vos activités.
Si nous ne modifions pas cette situation, nous allons avoir de gros problèmes, parce qu'il y a des pays très dynamiques qui ont déterminé que le secteur des voyages et du tourisme avait un rôle stratégique à jouer dans leur croissance. Ils joignent l'acte à la parole et investissent leur argent dans l'infrastructure et se préparent à s'accaparer d'une part du gâteau dans le secteur mondial des voyages et du tourisme.
Nous avons été témoins de grandes réussites, par exemple dans le cas de la Turquie. Nous avons commencé à offrir des vols vers la Turquie cette année. J'ai vu cela l'an dernier, et j'ai dit : « Pourquoi voudrions-nous offrir des vols vers Istanbul? » Ensuite, on regarde les chiffres et on se rend compte que la Turquie est passée de je ne sais trop quel rang au septième rang dans le monde pour ce qui est des arrivées de touristes étrangers. Elle a connu une ascension extrêmement rapide vers les dix premiers pays dans le monde. Pourquoi? Les représentants de l'industrie, les responsables des politiques gouvernementales et tous les intervenants ont dit : « Nous voulons que les gens viennent dépenser de l'argent en Turquie. C'est une bonne chose. Il s'agit d'un revenu en provenance de l'étranger, et cela aide à régler les factures ici. Nous aimons cela. »
Que pouvons-nous faire pour collaborer avec les intervenants — c'est-à-dire l'industrie, les lignes aériennes et les aéroports — pour offrir un bon produit et pour amener les gens à dire : « Je veux aller en Turquie. J'ai envie d'aller là- bas dépenser le revenu net que je travaille fort à gagner. »
Ils y sont parvenus, et les résultats sont au rendez-vous. Je ne veux pas réinventer la roue. Les exemples existent. Réunissons les intervenants et faisons la même chose.
M. Bussières : Nous ne vendons pas beaucoup de billets d'avion en tant que tels. Nous sommes essentiellement un fournisseur de voyages, et, ce que nous vendons, ce sont des forfaits. Cela nous a donné un petit avantage, par rapport à votre question, lorsque les gens partent de Plattsburgh ou d'ailleurs. Il ne s'agit pas seulement d'un billet d'avion, mais beaucoup de choses ont changé avec les technologies d'aujourd'hui.
Si vous prenez un fournisseur de voyages en ligne, vous pouvez faire affaire avec un fournisseur en ligne, soit un point.com ou un point.ca, et élaborer votre propre forfait. C'est vous qui choisissez les différents éléments. Vous pouvez choisir d'acheter un billet d'avion parce qu'il coûte moins cher en partance de Plattsburgh. Vous réservez votre chambre d'hôtel ou vous créez votre propre forfait.
Cela devient, pour nous, une vraie concurrence. S'il n'y a ni coût ni frais qui y sont associés, nous ne pouvons pas être concurrentiels, parce que cela coûte moins cher au consommateur. J'essaie de formuler la chose. Si nous ne revoyons pas la politique, comme M. Petsikas nous invite à le faire, dans dix ans, je ne suis pas sûr que nous serons encore là.
Le sénateur Merchant : Je viens de Regina, et vous savez où se trouve Regina. Je suis tellement heureuse. Il n'y a pas beaucoup de concurrence à Regina.
M. Bussières : C'est bon pour nous.
Le sénateur Merchant : Je sais que vous offrez des vols nolisés. Offrez-vous des vols seulement au Canada?
M. Bussières : Pas encore.
Le sénateur Merchant : Aimeriez-vous le faire?
M. Bussières : Cela pourrait très bien se faire, mais nous n'avons encore rien à annoncer.
Le sénateur Merchant : Envisagez-vous des changements qui faciliteraient cela? La concurrence est une bonne chose. Il y a d'autres sociétés. Nous avons entendu le témoignage des représentants de WestJet et de Porter. Je présume que les vols que vous offrez ici sont rentables. Vous ne voudrez peut-être pas répondre à la question, mais je présume que votre entreprise est rentable.
[Français]
M. Bussières : On essaie d'avoir du succès et on travaille fort.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Une société qui, à mes yeux, semble bénéficier de beaucoup d'avantages, c'est Air Canada. Ai-je le droit d'en parler? Cependant, de temps à autre, cette société ne semble pas être rentable.
Y a-t-il quelque chose de différent dans votre structure, dans votre éthique de travail ou à l'égard de vos syndicats? Pourquoi Air Canada a-t-elle des problèmes, tandis que les autres sociétés plus petites semblent arriver à les régler et à être rentables?
[Français]
M. Bussières : Je vais tenter de répondre à votre question de la façon suivante. Notre entreprise existe depuis longtemps, sa structure de coûts augmente d'année en année. Dans notre domaine, celui des voyages-vacances, si on compare un forfait qui se vendait en 2001 avec le même forfait qui se vend aujourd'hui, il est environ 38 p. 100 moins cher selon les études menées par le Conference Board du Canada.
Pour demeurer compétitif, nous devons continuellement nous réinventer. Il faut qu'on modifie notre modèle d'affaires et c'est ce qu'on essaie de faire. Je suis chez Air Transat depuis plus de 11 ans et je vous dirais que c'est la quatrième fois que la compagnie se réinvente. Et pour faire cela, il faut de la flexibilité.
Les règles doivent être établies à cet effet et si elles ne le sont pas, il est clair que la compagnie est appelée à disparaître. Tout à l'heure, le sénateur Zimmer faisait référence au fait que je souriais. Il a tout à fait raison. Comme on est une compagnie publique, nos résultats pour le dernier trimestre ont été plutôt décevants.
Encore une fois, on est encore en train de se réinventer. On a pris des décisions très difficiles récemment, c'est de l'information publique. Tantôt je parlais des processeurs de cartes de crédit. Je dirais que les frais de transfert sont aussi élevés sinon plus élevés que ce qui nous reste de profit dans la transaction, et pourtant ce n'est pas eux qui prennent les risques.
Quand on parle d'essayer de travailler tous ensemble pour avoir une approche plus équitable, on le fait dans le but de rester plus longtemps dans le marché. Je ne peux pas répondre pour Air Canada, c'est une compagnie qui existe depuis longtemps. Les défis et les difficultés auxquels est confronté Air Canada, nous les vivons aussi parce que nous aussi du personnel. Certains employés sont syndiqués et d'autres ne le sont pas. Trouver la bonne recette et le bon équilibre est un défi constant.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Je veux poursuivre dans la même veine que le sénateur Merchant. Elle vous a demandé si vous envisagiez d'offrir des vols intérieurs, et vous avez donné une réponse vague : « Peut-être. » Pourtant, vous faites des affaires depuis 25 ans, ce qui me semble suffisant pour se faire une idée. Je suis curieux de savoir pourquoi vous n'avez assuré aucune présence sur le marché des vols intérieurs au cours des 25 dernières années.
M. Petsikas : En fait, nous avons été présents dans ce marché. Je pense que c'est dans les années 1990 que nous avions un programme de vols intérieurs qui n'était pas sans envergure. Toutefois, la stratégie de l'entreprise est principalement fondée sur le transport de vacanciers vers l'étranger dans des avions gros porteurs. Nous n'avons que des appareils gros porteurs à Air Transat. Malheureusement, cela ne nous offrait pas nécessairement à l'époque la possibilité d'assurer la liaison entre des paires de villes, pour laquelle un avion gros porteur n'est pas l'appareil idéal.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les vols intérieurs posent problème pour une entreprise comme la nôtre, vu sa structure et son marché. Il faut pouvoir offrir des vols à une certaine fréquence. Il faut être prêt, par exemple, à offrir des correspondances avec d'autres lignes aériennes et à collaborer avec d'autres compagnies. Nous ne disposons pas pour l'instant des systèmes nécessaires. Allons-nous le faire, ou, à tout le moins, est-ce une possibilité pour l'avenir? Je pense que ce que nous pouvons dire ce soir — sans évidemment entrer dans les détails de notre planification commerciale, ce que nos actionnaires n'apprécieraient pas particulièrement, si nous faisions une annonce avant qu'ils ne soient prêts — vous pourriez probablement présumer, vu les défis dont M. Bussières a parlé et que posent nos résultats récents, que nous devons envisager toutes les possibilités et toutes les occasions d'étendre nos activités. Espérons que vous serez témoins de cela dans l'avenir. Je ne peux pas vous dire de quoi il s'agira, comme je l'ai dit, mais je pense que nous envisagerons les différentes possibilités avec beaucoup d'ouverture.
Si des occasions se présentent sur le plan des vols intérieurs, et si nous disposons de la bonne flotte et déterminons qu'il y a des endroits où nous pouvons offrir une valeur ajoutée aux consommateurs, bien sûr, et à nos actionnaires, il n'y a aucune raison pour nous de ne pas envisager de les saisir.
Pour répondre à votre question, nous avons déjà offert des vols intérieurs, et les résultats ont été plus ou moins heureux.
Le sénateur MacDonald : Quand avez-vous cessé d'en offrir?
M. Petsikas : Au début de la dernière décennie.
M. Bussières : Après les événements du 11 septembre. Nous avons dû réduire notre flotte de 25 p. 100 et réduire aussi nos effectifs de 25 p. 100. Ce sont des décisions qui ont été difficiles à prendre.
Le sénateur MacDonald : Je vais faire une extrapolation. Je présume que les vols nolisés sont plus rentables que les vols réguliers. Corrigez-moi si je me trompe. Je suis curieux de savoir une chose : est-ce que ce sont les vols nolisés ou les vols réguliers qui forment la majeure partie de vos activités?
[Français]
M. Bussières : Pour nous, les vols réguliers ou les vols charter, ce n'est pas l'essence de notre business, nous offrons vraiment du voyage-vacances. Comme George l'a expliqué, ce que l'on fait essentiellement, c'est soit amener des étrangers au Canada ou encore amener des Canadiens à l'extérieur du pays, essentiellement sous le parapluie d'un voyage-vacances. C'est le cœur de notre business. Alors, pour nous, régulier ou charter, c'est une question de règlementation; mais la législation a évolué à un point tel que comme on a plusieurs fréquences, étant donné qu'on a la chance d'amener plusieurs Canadiens soit à l'extérieur ou encore des étrangers au Canada ou encore des Canadiens qu'on ramène, il faut vraiment regarder sous le parapluie qui est Transat. Transat, essentiellement, est fabricant de voyages. Et c'est ce que l'on vend à nos gens. C'est le coeur de notre business.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : En tant que consommateur venant de la côte Est, je trouve frustrant de voir qu'il y a des vols à très bon prix à partir de Toronto et de Montréal, mais qu'il est exorbitant pour nous de s'y rendre à partir de Halifax. Que pouvez-vous faire, dans les limites d'un modèle d'affaires, pour offrir davantage de vols réguliers vers le Sud, surtout l'hiver? Nous sommes tous des snowbirds.
[Français]
M. Bussières : On a essayé de s'attaquer à cette question via l'entente que nous avons avec CanJet, dont le siège social est à Halifax. C'est un très bon partenaire. On valorise énormément la relation et on essaie d'utiliser leurs avions avec nos clients pour aller dans certaines destinations, puis les avions sont répartis en fonction de la demande.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Merci d'être venus, messieurs. Je m'excuse d'être en retard.
Vous avez une flotte d'avions gros porteurs, mais, si vous voulez faire la transition vers un autre marché, vous allez devoir abandonner ce modèle d'appareil gros porteur, puisqu'il n'est pas pratique, économique ni écologique, et ainsi de suite.
Est-ce que vous êtes en train d'envisager l'acquisition d'appareils autres que des gros porteurs? Le cas échéant, est-ce que vous envisagez tous les types d'appareils? J'aimerais surtout savoir si vous pensez acheter des avions faits ici. Il est évidemment dans notre intérêt supérieur à tous que les lignes aériennes du pays, si elles font l'acquisition d'avions, achètent des appareils ici et emploient des Canadiens pour leur construction.
[Français]
M. Bussières : La question est intéressante. Comme on l'a expliqué tantôt, notre modèle d'affaires aujourd'hui est essentiellement du voyage-vacances et comme vous l'avez très bien dit et très bien exprimé, c'est une distance plus grande que ce que Bombardier, à titre d'exemple, fabrique comme avion. Dans la mesure où, dans un avenir non déterminé, nous déciderions de couvrir le Canada, c'est clairement une option que l'on va devoir envisager.
Toutefois, pour répondre en partie à votre question, le partenariat que nous avons développé avec CanJet nous donne accès à une flotte d'avions qui sont des 737-800 de Boeing et, par cette relation, ceci nous permet de compléter notre offre de produits, mais toujours dans le domaine de voyages-vacances.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : D'autres personnes qui ont comparu avant vous nous ont parlé de la possibilité d'offrir des vols vers la Caroline du Sud, la Floride et d'autres endroits à partir du Canada, surtout à partir de l'Est, en utilisant non pas les gros porteurs, mais plutôt des avions de transport régional à réaction et aussi, dans le cas de Porter, des avions à turbopropulseur pour se rendre à Hilton Head et dans d'autres régions. Évidemment, ce sont des appareils de ce type qu'on construit au Canada, des avions de transport régional et l'ensemble de la flotte de Porter.
Si vous modifiez votre modèle d'affaires en ce sens, serait-il indiqué pour vous d'envisager l'utilisation de court- courriers à réaction, plutôt que de long-courriers à réaction? Le marché est peut-être plus petit, mais plus fréquent, si vous voyez ce que je veux dire.
M. Bussières : Je ne suis pas sûr que je vais répondre complètement à votre question, mais je peux vous dire que nous avons compris par l'expérience qu'il est important d'essayer d'avoir une flotte essentiellement composée d'un seul type d'appareil. Lorsque je suis arrivé à Air Transat — et c'était avant les événements du 11 septembre —, nous avions cinq types d'appareil. L'entretien était tout à fait ridicule.
La réponse comporte de nombreux éléments, et, à l'heure actuelle, nous nous concentrons essentiellement sur le Airbus 310 et le Airbus 330. Le 310 va arriver « à échéance » d'ici trois à cinq ans. Nous essayons de trouver un appareil pour le remplacer. Nous n'avons pas cet appareil, mais c'est un long-courrier, comme M. Petsikas l'a expliqué.
Je ne dis pas que notre entente nous permet d'acheter de plus petits appareils, mais c'est une source de préoccupation. Si nous revenions à ce que nous avions avant, c'est-à-dire trois, quatre ou cinq types d'appareil, il est clair que les choses sont difficiles dans le secteur à l'heure actuelle, mais cela va engendrer des coûts supplémentaires, et c'est quelque chose que nos gens d'affaires vont essayer d'éviter.
Une des raisons pour lesquelles nous avons conclu un partenariat avec CanJet, c'est essentiellement que nous ne voulions pas avoir un troisième type d'avion dans notre flotte. En même temps, cela ne revient pas à dire qu'on n'examine pas les décisions prises dans le passé au fil du temps. Nous évaluons toujours les décisions que nous avons prises antérieurement. En ce moment, nous essayons de limiter le nombre d'appareils de types différents que nous avons.
Le sénateur Mercer : Toutes les personnes qui se sont adressées à nous, tous les représentants des lignes aériennes qui nous ont parlé et même d'autres intervenants, se sont plaints des taxes excessives qui sont payées sous une forme ou sous une autre. Peu importe comment elles sont présentées, ce sont des taxes qui sont imposées aux voyageurs. Ces gens disent que nous devrions probablement trouver un moyen de nous débarrasser de ces taxes pour supprimer ce que vous appelez les pertes transfrontalières.
Je pense que l'industrie, vous et les autres, doit nous démontrer — non seulement au comité, mais au gouvernement en général — que si l'on fait cela, si on supprime les taxes en question, si on réduit les frais, telle ou telle chose va se passer.
Comme je l'ai dit à mes collègues déjà, je ne tiens pas à défendre la politique fiscale du gouvernement, mais, si l'on enlève de l'argent quelque part, vous trouvez de l'argent ailleurs. Il faut que les intervenants du secteur se mettent ensemble pour dire au gouvernement ce qui va se passer et ce qui va augmenter s'il prend des mesures. La conséquence, c'est que les voyageurs vont payer des taxes sur autre chose, que ce soit les produits qu'ils achètent au détail, l'hôtel, la location de voitures et toutes les autres choses qui sont liées au voyage. À mes yeux, c'est un élément clé qui manque.
Je ne pense pas que vous trouverez ici un sénateur qui n'a pas fait sienne l'idée que nous devons régler ce problème de pertes transfrontalières. Mis à part ceux d'entre nous qui viennent de la Nouvelle-Écosse, nous trois ici présents, tout le monde a pu constater ces pertes à un aéroport de sa région.
Envisage-t-on dans le secteur, pas seulement Air Transat, de réunir tout le monde pour se demander comment expliquer la situation et comment démontrer au gouvernement qu'il s'agit d'un bon modèle d'affaires que de nous laisser nous débarrasser des charges en question. Nous savons que les aéroports ont leur part de culpabilité aussi, alors nous devons être en mesure de démontrer qu'il y a un avantage monétaire pour tout le monde à effectuer un changement sur le plan des taxes.
M. Petsikas : Sénateur, permettez-moi de vous dire sans réserve que je suis tout à fait d'accord avec vous. La bonne nouvelle, c'est que nous l'avons fait. Je suis dans le secteur depuis un bon bout de temps, et il y a des années que je fais du lobbying contre beaucoup des choses en question. Pendant des années, y compris au sein de notre ancienne association, nous disions toujours : « Accordez-nous un allégement fiscal. Ce n'est pas bon. Supprimez cette taxe. Supprimez le loyer; cela n'a aucun sens. Supprimez la taxe d'accise sur le carburant; nous ne l'aimons pas. » Les lignes aériennes voulaient toujours des allégements fiscaux. Mon Dieu, voilà qui est nouveau! Pourquoi ne pas faire la file avec tout le monde, et nous nous occuperons de vous dès que ce sera votre tour?
Nous avons créé le CNLA il y a un peu plus de trois ans maintenant. L'une des premières choses que nous avons dites, c'est : « Nous devons changer de discours au sujet des allégements fiscaux et les raisons pour lesquelles ceux-ci sont sensés ou ne le sont pas. » Ce que nous avons fait était très simple : Nous avons dit qu'il s'agissait d'une question de rendement du capital investi pour les contribuables. Il s'agit de reconnaître le fait que, si nous demandons aux contribuables de renoncer à certains revenus, essentiellement, ils investissement dans notre secteur.
Nous avons embauché un éminent professeur d'économie, Fred Lazar, qu'un certain nombre d'entre vous connaissez peut-être bien. Il a réalisé une analyse des retombées économiques pour nous l'an dernier, et, essentiellement, a calculé la contribution du secteur, et surtout des quatre membres du CNLA à la prospérité économique du pays. Il a aussi fait des calculs pour tenir compte des retombées secondaires directes et indirectes de notre secteur lorsqu'il joue le rôle de catalyseur au sein de l'économie en général en contribuant à l'accroissement de la productivité, des échanges et des exportations et importations. Quel serait le gain si nous supprimions les taxes en amont? Il a mis des chiffres sur toutes ces choses. Nous avons présenté nos arguments. Nous nous sommes adressés au ministère des Finances et avons dit que nous préparions une analyse de rentabilisation. C'en est une qui, malheureusement, ne donnera pas de résultats en une, deux ou trois semaines. Pour qu'elle s'applique, il faut décider de soutenir un secteur pour ce qu'il apporte à l'économie du pays en général. Il s'agit du soutien global à l'égard de l'activité économique en général. Il faut poser la question suivante : « Pensons-nous que ce soit une bonne idée de réduire le fardeau fiscal en amont du secteur pour qu'il puisse soutenir l'accroissement de l'activité économique, ce qui signifie que nous récupérerons l'argent à la fin en taxes à la consommation? » Beaucoup d'économistes vous diront que c'est ainsi que les choses devraient se faire dans un secteur comme le nôtre.
Le sénateur Mercer : Ce serait à long terme aussi.
M. Petsikas : C'est quelque chose qui prendra quelques années à cheminer dans le système, assurément, mais nous avons présenté notre idée. Évidemment, il y a le problème qui se pose, comme nous le savons, par rapport à la situation économique actuelle. Il y a aussi des problèmes d'ordre budgétaire. Cependant, fondamentalement nous croyons que notre secteur vaut la peine qu'on y investisse, à cet égard. Nous avons présenté nos arguments, et nous espérons que le ministère des Finances et l'ensemble du gouvernement seront d'accord avec ce que nous essayons de dire ici.
Le président : Je vous remercie tous les deux de votre exposé. Vous avez mis en lumière de nouveaux enjeux et avez répondu à des questions qui, comme vous le savez, préoccupaient les membres du comité depuis six ou sept mois, et même un an. Je vous répète ce que je vous ai dit au début, c'est-à-dire que, s'il y a des questions qui n'ont pas été abordées et que vous voulez nous en faire part, ou encore si, en cours de route, vous voulez faire des commentaires sur certaines des questions qui sont portées à l'attention du comité, nous serons très heureux de les prendre en considération.
Je veux dire aux membres du comité que le projet de loi S-4 sur la sécurité ferroviaire a été renvoyé au comité aujourd'hui, alors nous allons nous occuper de cela lorsque nous reviendrons. Je pense qu'une liste de témoins est déjà établie, mais je veux parler au vice-président. Comme vous le savez, les projets de loi ont préséance sur les rapports du comité, alors il est fort probable que nous nous occupions de cela lorsque nous reviendrons. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)