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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 5 - Témoignages du 6 décembre 2011


OTTAWA, le mardi 6 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous poursuivons ce matin notre étude sur le secteur canadien du transport aérien. Nous accueillons aujourd'hui deux représentants de l'International Air Transport Association : M. Douglas E. Lavin, vice-président régional de l'Amérique du Nord, et Cyriel Kronenburg, directeur des Frais aéroportuaires de l'Amérique du Nord.

Douglas E. Lavin, vice-président régional, Amérique du Nord, International Air Transport Association : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet de votre étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien. Je m'excuse à l'avance pour ma gorge, car j'ai attrapé le même rhume que le président. La semaine dernière, j'ai fait parvenir mon témoignage officiel au comité. Si vous me le permettez, j'aimerais en résumer les points essentiels, puis je répondrai à vos questions.

Si vous ne le saviez pas, l'International Air Transport Association, ou IATA, est une association commerciale mondiale créée en 1945 en vertu d'une loi spéciale du Parlement canadien et dont le siège social est à Montréal. Nous comptons environ 1 400 employés répartis dans 70 bureaux partout dans le monde. Au cours des 60 dernières années, la IATA a élaboré les normes commerciales grâce auxquelles nous avons aujourd'hui un système de transport aérien international intégré et interopérable. Nous avons pour mission de représenter, de diriger et de servir l'industrie internationale du transport aérien. Nous représentons 230 transporteurs aériens internationaux, y compris Air Canada et Air Transat.

Le transport aérien joue un rôle clé dans le développement de l'économie mondiale et la croissance économique à long terme. L'apport du transport aérien à l'économie mondiale est estimé à plus de 3 500 milliards de dollars, soit 7,5 p. 100 du PIB mondial. Cette industrie est à l'origine de 32 millions d'emplois et assure chaque année le transport de plus de 2 milliards de passagers et de 43 millions de tonnes de fret.

Comme on peut s'y attendre, le transport aérien est également très bénéfique à l'économie canadienne. Selon une étude récente de l'IATA, l'apport du secteur aérien au PIB canadien est de 33,3 milliards de dollars canadiens, soit 2,2 p. 100 du PIB; l'industrie est à l'origine de plus de 400 000 emplois. Les lignes aériennes canadiennes représentent 7,6 milliards de dollars, sont à l'origine de 82 000 emplois et transportent annuellement 52 millions de passagers et 556 000 tonnes de fret.

Même si ces statistiques sont impressionnantes, elles seraient encore plus intéressantes si le gouvernement du Canada adoptait une politique durable en matière de transport aérien. Plutôt que promouvoir le moteur de croissance qu'est le transport aérien, l'État impose à l'industrie une des fiscalités les plus lourdes au monde. Il traite le transport aérien comme une vache à lait, car il a prélevé plus de 3 milliards de dollars de taxes et de droits ces 10 dernières années, en plus du coût des services de l'industrie.

Cette année, le Forum économique mondial a classé le Canada au premier rang pour la qualité de ses infrastructures de transport aérien, mais au 125e rang sur 133 pays concernant la lourdeur des taxes et des droits de transport aérien; le pire pays est celui qui occupe le 133e rang.

Ce fardeau fiscal est principalement attribuable aux 2,5 milliards de dollars de frais de location à la Couronne que les 26 grands aéroports du pays ont déboursés à ce jour. Ce montant est nettement supérieur à la valeur comptable des actifs aéroportuaires au moment de leur transfert au secteur privé dans les années 1980. C'est parce que ces aéroports doivent verser annuellement 250 millions de dollars en frais de location à la Couronne que Toronto Pearson est l'aéroport ayant les redevances d'atterrissage les plus élevées au monde. Ces aéroports n'ont pas le choix de refiler la facture aux lignes aériennes, qui en font payer le prix à leur tour aux passagers.

Malheureusement, les frais de location versés à la Couronne ne sont pas les seuls au menu fiscal du gouvernement. Les lignes aériennes doivent payer très cher pour exercer leurs activités au Canada en raison des taxes foncières élevées, des redevances de navigation, des frais de sécurité, des taxes sur le carburant et des frais d'amélioration aéroportuaires. L'an dernier, ces coûts ont incité entre 4,5 et 5 millions de passagers canadiens à traverser la frontière pour prendre un avion aux États-Unis, où la facture des droits et des taxes est moins salée. Les passagers qui prennent l'avion au Canada paient souvent un supplément de 60 à 75 p. 100 sur le tarif de base des lignes aériennes pour les droits et les taxes, alors qu'aux États-Unis, ces coûts représentent seulement entre 10 et 18 p. 100 du tarif de base. J'ai déjà demandé à un transporteur américain à faibles coûts pourquoi il n'offrait pas de vols au Canada; il m'a répondu qu'il le faisait déjà, car ses vols se rendent à Burlington.

Ces coûts exorbitants ont contribué directement au fait que, depuis 2002, le Canada est passé du huitième au 15e rang dans le classement des pays les plus visités. L'Association de l'industrie touristique du Canada, ou AITC, estime que si le Canada parvenait à retrouver sa position au sein des 10 meilleures destinations, il générerait 46 900 emplois supplémentaires et 5,2 milliards de dollars de nouvelles activités économiques. Même si de nombreux facteurs contribuent à ce recul, les coûts élevés du transport aérien et les vols moins fréquents ne favorisent pas les voyages au Canada.

D'autres États reconnaissent l'apport de l'industrie du transport aérien à leur économie et maintiennent une fiscalité avantageuse tout en investissant dans les infrastructures et d'autres éléments essentiels à l'écosystème aéronautique. Des pays comme Singapour, Hong Kong, la Chine, la Corée et les économies émergentes du Moyen-Orient ont tous adopté des politiques et des programmes pour favoriser le transport aérien plutôt que d'y mettre un frein. Certains États ont appris qu'une lourde fiscalité en matière de transport aérien ne constitue pas une bonne politique économique. En 2008, les Pays-Bas ont décidé d'imposer une taxe de transport aérien dans le but d'amasser 412 millions de dollars. Or, le pays l'a vite abolie dès qu'il a constaté un ralentissement des activités économiques de l'ordre de 1,6 milliard de dollars. De façon similaire, le gouvernement irlandais a imposé une taxe sur les voyages aériens dans le but de recueillir 165 millions de dollars, mais il a annoncé son intention de la réduire considérablement puisqu'elle a entraîné la perte de 594 millions de dollars et de 3 000 emplois.

En octobre dernier, la IATA s'est jointe au Conseil national des lignes aériennes du Canada, à l'Association des hôtels du Canada, à l'Association de l'industrie touristique du Canada et au Conseil des aéroports du Canada pour animer la journée de l'aviation à Ottawa. L'objectif était de souligner le défi qui attend l'industrie et de discuter des moyens d'encourager le gouvernement à adopter une politique solide en matière de transport aérien plutôt qu'à entraver ce moteur de croissance incroyable. Certains signes sont prometteurs, comme le communiqué que le gouvernement a diffusé en novembre sur sa nouvelle stratégie en matière de tourisme. Toutefois, il y a encore du chemin à faire. C'est pour cette raison que votre travail est aussi important.

Nous demandons instamment au comité de mettre en évidence, dans son rapport, le besoin d'une politique canadienne solide en matière de transport aérien qui inclut au minimum les composantes suivantes : l'abolition des frais de location à la Couronne imposés aux aéroports canadiens; un examen exhaustif de la charge fiscale imposée au secteur du transport aérien canadien comparativement aux pays concurrents; un appel encourageant l'Ontario et la Colombie-Britannique à supprimer la taxe illégale qu'elles prélèvent sur le carburéacteur international; un appel encourageant les municipalités à diminuer l'impôt foncier des aéroports; un examen des coûts et des frais afférents à la sécurité et à l'immigration; et un plan fédéral d'investissement destiné à stimuler le développement des infrastructures.

D'après notre expérience ailleurs, nous pouvons affirmer avec certitude que la mise en œuvre d'une telle politique se traduira par une augmentation de la croissance du secteur, des recettes fiscales, de la satisfaction des passagers et du nombre d'emplois bien rémunérés dans le secteur du transport aérien. Nous vous remercions de nous donner aujourd'hui l'occasion de faire le point sur le secteur. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Greene : Votre exposé m'a enchanté. C'est formidable; je pense que nous devrions tout simplement l'inclure dans notre rapport.

Parmi les pays d'attache des 230 transporteurs aériens que vous représentez, vous dites que nous sommes situés au 125e rang concernant la lourdeur des taxes et des droits de transport aérien. Quel pays arrive premier, ou plutôt, quels sont les cinq pays dont les taxes sont les moins élevées?

M. Lavin : Je crois que la réponse se trouve dans notre déclaration préliminaire. L'avez-vous, monsieur Kronenburg?

Cyriel Kronenburg, directeur, Frais aéroportuaires, Amérique du Nord, International Air Transport Association : Il s'agit surtout de pays d'Europe, d'Asie et du Moyen-Orient. Je vais chercher, puis je vous donnerai la réponse exacte dans quelques minutes.

Le sénateur Greene : Excellent.

Vous qui connaissez le fonctionnement de vos membres, pourriez-vous commencer par nous dire de quel type d'organisme il s'agit? Que savez-vous des structures de coûts de vos membres?

M. Lavin : Nous en savons très long sur le sujet, en particulier sur les structures de coûts imposées par le gouvernement. Nous savons très bien combien le carburant coûte aux lignes aériennes. Partout dans le monde, nous déployons des efforts considérables afin de redresser les trajectoires des lignes aériennes et de diminuer le coût du carburant; en effet, nous collaborons avec les gouvernements pour que les avions puissent traverser en ligne droite les différents pays du monde. Le carburant est le principal coût des transporteurs aériens, mais au Canada, la fiscalité est loin d'être négligeable.

Le sénateur Greene : Puisqu'il s'agit d'un prix international, j'imagine que le coût du carburant est semblable pour toutes les lignes aériennes, n'est-ce pas?

M. Lavin : J'imagine que oui, mais tout dépend de la consommation de carburant et de la façon dont les fournisseurs de services de navigation aérienne organisent la navigation. À vrai dire, certains pays sont bien plus efficaces que d'autres à cet égard. Par exemple, la navigation est plutôt pénible en Chine; pour une raison que nous ignorons, le pays refuse que les lignes aériennes survolent ses bases militaires, même à une altitude de cinq milles. Par conséquent, les avions doivent emprunter des trajectoires tortueuses qui les obligent à consommer beaucoup de carburant.

Le sénateur Greene : J'imagine que le coût des aéronefs ne varie pas beaucoup non plus d'un membre à l'autre.

M. Lavin : Tout à fait, en fonction du libre marché et des négociations à ce propos.

Le sénateur Greene : Par conséquent, le principal écart de prix est-il attribuable à la fiscalité et à ce genre de choses?

M. Lavin : Je pense que oui.

M. Kronenburg : Les coûts afférents à l'aéroport et à la navigation représentent entre 10 et 20 p. 100 du coût net de la plupart des transporteurs aériens. Le problème, c'est que le carburant représente une portion considérable de leur coût, et il est suivi du personnel. Puisque la plupart des transporteurs aériens ont du mal à gérer le coût du carburant, qui est d'ailleurs très instable à l'heure actuelle, elles doivent nécessairement se tourner vers ces éléments beaucoup moins importants du coût net afin de le modifier.

Nous avons déployé beaucoup d'efforts à cet égard partout dans le monde, car les transporteurs aériens peuvent très difficilement contrôler cet aspect eux-mêmes. Par exemple, Royal Jordanian ne négocie pas directement ses tarifs, ses droits et sa charge fiscale avec le gouvernement canadien; tout comme la plupart des lignes aériennes, ce transporteur préfère que nous le fassions à sa place.

Au Canada, sachez que des transporteurs comme Air Canada et WestJet auront l'heure juste. Dans des pays comme le Canada, nous essayons d'aider nos autres membres au sujet de cette charge fiscale.

Le sénateur Greene : J'imagine qu'un transporteur aérien qui veut faire concurrence aux autres sur le plan des prix — c'est-à-dire sur le prix des billets plutôt que sur les services offerts ou d'autres éléments du genre — n'y arrivera qu'en évitant de proposer des vols en partance ou à destination d'un État qui impose une fiscalité lourde.

M. Lavin : Je pense que c'est exact. Les frais de 10 à 20 p. 100 devraient freiner leur ardeur. Puisque les transporteurs aériens de ce genre ne sont jamais rentables et ne couvrent jamais leurs coûts de capital, une charge fiscale de 10 à 20 p. 100 suffit à les rebuter. C'est d'ailleurs ce qu'on observe au Canada, où certaines lignes aériennes s'abstiennent d'offrir des vols en raison des taxes élevées.

Le sénateur Greene : À votre avis, quel modèle le Canada devrait-il envisager d'adopter? Celui des Pays-Bas, de Singapour ou d'ailleurs?

M. Lavin : Certains pays considèrent assurément le secteur du transport aérien comme un moteur de croissance. Je pense que Singapour, Hong Kong et certains pays du Moyen-Orient s'en sont rendu compte. Toutefois, si on compare la charge fiscale des États-Unis — notre plus proche voisin — avec celle du Canada, les statistiques sont surprenantes. M. Kronenburg pourra vous donner quelques exemples.

M. Kronenburg : Partout dans le monde, un nombre grandissant de gouvernements et d'organismes de tourisme commencent à considérer le transport aérien comme un catalyseur des activités commerciales et de l'économie. Par exemple, les Caraïbes offrent souvent des garanties de recettes ou même une commission par passager aux lignes aériennes afin qu'elles les aident à consolider le secteur du tourisme.

Par ailleurs, la Chine a investi beaucoup de deniers publics dans la construction d'aéroports à l'occasion des Jeux olympiques. Tout l'argent investi a servi aux jeux et à l'infrastructure des aéroports.

Au Brésil, on observe actuellement le même phénomène. Au cours des cinq dernières années, le pays a investi 2 ou 3 milliards de dollars dans les infrastructures de transport aérien, et il fait également appel à des fonds privés. De même, le président Obama a injecté environ 780 millions de dollars au dernier fonds de stimulation majeur qui ciblait les aéroports.

Bien des pays injectent des fonds dans ce secteur plutôt que d'en retirer, mais le Canada affiche plutôt un bilan négatif à cet égard. Non seulement le gouvernement fédéral n'investit pas dans les aéroports, mais en plus, il leur impose des frais de location.

Je ne crois pas qu'il existe un modèle idéal en matière de transport aérien. Tous les pays ont des points faibles. Certains font mieux que d'autres, mais les méthodes que certains utilisent pour stimuler les transporteurs aériens ne nous plaisent pas toujours. Au bout du compte, c'est d'une politique dont le Canada a besoin.

Hong Kong et les Pays-Bas réussissent bien en matière de transport aérien. Copa est la ligne aérienne la plus prospère d'Amérique latine, et elle appartient au Panama, un petit pays qui n'est pas naturellement porté vers le transport aérien. La réussite de ce transporteur est uniquement attribuable au fait que le gouvernement considère le secteur comme un catalyseur de l'économie. Sans le canal de Panama et Copa, le pays serait bien loin de sa situation actuelle.

Je pense que c'est l'élément décisif. Il faut que Transports Canada, le ministère des Finances et le secteur du transport aérien élaborent ensemble une politique qui établira le contexte des 20 prochaines années, car il faut arrêter de faire la guerre année après année à tous ces petits détails qui, une fois réunis, expliquent pourquoi le Canada perd du terrain. Chaque fois que nous intervenons, on nous répond qu'il est impossible de prendre telle ou telle mesure, mais personne ne se demande vraiment ce qu'il convient de faire, ni quelle politique il faudrait adopter pour la suite des choses. La stratégie en matière de tourisme est un premier pas important, mais elle ne propose rien sur le secteur du transport aérien. Il faudrait y ajouter des dispositions à cet égard en collaboration avec le secteur. C'est ce que nous voulons.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup d'être ici. Votre mémoire est d'une très grande qualité. Il est très bien structuré et je trouve la critique positive. J'ai quelques questions à vous poser. Vous dites que, en termes de compétitivité des aéroports canadiens, la situation a commencé à se dégrader dans les années 1980?

[Traduction]

M. Lavin : En effet, la situation s'est dégradée sur le plan des frais de location à la Couronne.

Ce qui est encourageant, c'est que le gouvernement a vendu ses aéroports à des entreprises privées et leur a permis de réaliser les investissements nécessaires à l'amélioration des infrastructures. En revanche, le gouvernement a extorqué aux aéroports des frais de location à la Couronne en échange de la propriété et des installations. Depuis, les aéroports sont tenus de payer ces frais et le seront à jamais, car aucune échéance n'est prévue. Les aéroports ont déjà payé un montant supérieur à la valeur comptable des actifs dans les années 1980, au moment de la première transaction. Par conséquent, ils ne font littéralement que signer un chèque aujourd'hui, ce qui les oblige à refiler la facture aux transporteurs aériens, qui, à leur tour, en font payer le prix aux passagers.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : N'y a-t-il pas une contradiction dans ces choix? On dit toujours que l'entreprise privée est plus efficace que le gouvernement. On a transféré les aéroports gouvernementaux à l'entreprise privée et cela ne semble pas être un succès. N'y a-t-il pas une contradiction dans cette décision?

[Traduction]

M. Lavin : Non, je n'y vois aucune contradiction, car selon notre expérience — et M. Kronenburg pourra me corriger si j'ai tort —, les aéroports sont devenus plus efficaces à la suite de leur privatisation, et aussi beaucoup plus à l'écoute des besoins de leurs clients, qu'il s'agisse de passagers ou de lignes aériennes. Ce qui est de trop, c'est l'argent que le gouvernement leur enlève depuis toutes ces années et qu'il continuera à percevoir. Ce n'est pas une question d'efficacité; le problème, c'est que les aéroports doivent littéralement signer un chèque sans échange de service. C'est ce qui menace actuellement le secteur.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, le problème se situe au niveau de l'administration du champ d'activité plutôt que dans les infrastructures?

[Traduction]

M. Lavin : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vos propositions semblent aussi intéressantes. Est-ce que vous les avez dressées par ordre de priorité? Vous avez cinq mesures, à la page 6. S'il y en avait une que le gouvernement devrait adopter à court terme pour démarrer la compétitivité de l'entreprise, laquelle suggéreriez-vous?

[Traduction]

M. Lavin : La première, sans hésitation.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si je donnais une image de l'industrie aéronautique au Canada, je la comparerais au Canadien de Montréal. Elle a une défensive très forte, mais une offensive très faible, c'est ça?

[Traduction]

M. Lavin : C'est exactement ça. Merci.

M. Kronenburg : La privatisation des aéroports canadiens n'est pas la cause du problème. Le Travel & Tourism Competitiveness Report indique clairement qu'ils ont réussi, car ils occupent la première place mondiale sur le plan des infrastructures. Voici le problème : c'est comme si les aéroports, après avoir remboursé leur prêt hypothécaire de 2 milliards de dollars selon la valeur comptable des actifs, avaient remis leurs clés à Transports Canada, puis commencé à lui verser un loyer sur les installations aéroportuaires qu'ils venaient d'acheter. C'est ce qui pose problème. Depuis le début, nous soutenons que la transaction représente un net progrès, mais il faut un jour mettre fin à ce lien qui fait perdre de l'argent aux aéroports.

Je pense qu'il s'est passé la même chose avec NAV CANADA, une entreprise privée qui a très bien réussi. Ses coûts ont chuté dès qu'elle s'est dissociée du gouvernement. Nous lui avons décerné le prix Eagle à trois reprises pour son rendement et ses activités internationales. Or, il y a un inconvénient majeur : au Canada, les utilisateurs doivent payer l'ensemble de ces services, alors que les États-Unis consacrent 3 milliards de fonds publics aux activités de la Federal Aviation Administration, ou FAA.

Peu importe l'efficacité du Canada, les transporteurs comme Air Canada, WestJet et Air Transat, ou bien les transporteurs américains qui offrent des vols ici auront bien du mal à faire concurrence à nos voisins si ceux-ci injectent des fonds publics dans le système.

En ce qui concerne notre principale demande, nous insistons sur les frais de location de la Couronne et continuerons de le faire en raison de leur importance. Ils représentent 20 p. 100 du coût net d'un aéroport; par conséquent, ils ont une grande incidence sur celui-ci de même que sur les lignes aériennes.

À plus grande échelle, nous devrions vous demander principalement d'instaurer une politique en collaboration avec l'industrie. Il y a trop longtemps que nous le demandons sans succès. C'est le moment d'examiner l'apport de l'industrie et de trouver comment mieux en tirer parti pour assurer la croissance du Canada. C'est ce qu'il faut faire rapidement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À la page 3 du document en français, au deuxième paragraphe, vous mentionnez que le Canada est au premier rang sur le plan de la qualité des infrastructures, mais presque en queue de peloton sur le plan de sa compétitivité, du moins pour ce qui est de la lourdeur des taxes. Cela me semble une situation presque dramatique. Si rien n'est fait en termes de politique agressive sur le plan de la compétitivité, est-ce que la situation peut s'aggraver davantage?

[Traduction]

M. Lavin : Vous êtes certainement en fin de liste; toutes mes félicitations. Or, la situation pourrait quand même empirer, car le transport aérien demeure l'un de secteurs les plus concurrentiels au monde et fait des gagnants et des perdants. Si vous ne levez pas cet obstacle à la croissance, les choses ne feront qu'empirer. Le secteur du transport aérien n'attend pas l'ouverture des marchés les bras croisés; il en trouve d'autres et continuera de le faire, surtout grâce aux ouvertures d'espaces aériens, entre autres, qui permettent l'accès à de nouvelles destinations. Si vous continuez d'exiger ces frais, vous remarquerez probablement une diminution du nombre de destinations offertes.

Le sénateur Eaton : C'est très intéressant. Je trouve votre témoignage plutôt déroutant après avoir écouté celui des transporteurs aériens. Monsieur Kronenburg, il est normal que la Chine et le Brésil investissent des milliards de dollars, car ce sont des pays en développement. Je ne trouve pas la comparaison pertinente. Les États-Unis rencontrent d'épouvantables problèmes financiers. D'autre part, l'aéroport de Hong Kong était déjà une plaque tournante lors de mes premiers voyages dans les années 1960.

J'aimerais revenir sur la gouvernance des aéroports. Vous avez parlé du lourd fardeau fiscal, ce qu'aucun membre du comité ne remet en question. Or, les représentants de l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, ou GTAA, nous assurent par exemple que leur aéroport constitue un modèle en matière de gouvernance. De leur côté, les transporteurs aériens — Air Canada, WestJet — nous disent que la charge fiscale est excessive. J'ai demandé aux représentants de l'aéroport et des lignes aériennes s'il était possible d'améliorer la gouvernance des aéroports. Croyez-vous que la charge fiscale serait la même si les lignes aériennes et votre association preniez part aux décisions des grands aéroports du pays? Pourriez-vous l'alléger un peu, la modifier ou bien jouer un rôle plus important à cet égard? L'aéroport nous assure qu'il n'a pas besoin d'aide et que sa gouvernance est impeccable. J'en doute fort. Avez-vous quelque chose à dire sur la gouvernance des aéroports du pays?

M. Kronenburg : Pour être franc, même si le modèle canadien n'est pas parfait, il est pas mal comparativement à ce qui se fait ailleurs.

Le sénateur Eaton : Peu m'importe le reste du monde. Que pouvons-nous indiquer dans notre rapport afin d'améliorer la situation?

M. Kronenburg : Vous pourriez modifier le modèle de gouvernance de façon à ce que les transporteurs aériens siègent au conseil d'administration des aéroports. Je suis certain que les lignes aériennes canadiennes en seraient ravies, et nous serions tout à fait d'accord. Les aéroports auraient certainement leur idée là-dessus. Cela permettrait-il de changer quoi que ce soit à la charge fiscale et aux frais de location? Non, pas du tout. Une telle mesure aurait une incidence sur les dépenses de l'aéroport et sur son orientation stratégique, et permettrait aux lignes aériennes d'avoir leur mot à dire.

Toutefois, à titre d'exemple, la GTAA vient d'annoncer la nomination d'un nouveau PDG. Pendant le processus de recherche, elle a demandé l'avis d'Air Canada, de WestJet et d'Air Transat sur les candidats. C'est ainsi qu'il faut procéder. Le nouveau PGD connaît très bien l'aéroport et l'industrie du transport aérien. Il vient de Hong Kong. Les aéroports commencent à changer de mentalité. Ils cherchent davantage à développer des partenariats, tout comme les lignes aériennes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons commencé à faire front commun avec le Conseil des aéroports du Canada, l'association des transporteurs aériens canadiens, l'Association de l'industrie touristique du Canada et l'Association des hôtels du Canada. Nous avons trop longtemps rivalisé les uns contre les autres sans nous intéresser au problème fondamental auquel se heurte notre secteur.

Le sénateur Eaton : Ne pensez-vous pas qu'une fois regroupés — si le modèle de gouvernance des aéroports était modifié et que des représentants des lignes aériennes, de la IATA et même de la sécurité y prenaient part —, vous formeriez un groupe de pression qui aurait bien plus de poids aux yeux de Transports Canada que lorsque les différents groupes agissent sans se concerter?

M. Kronenburg : Nous avons essayé, jusqu'à ce que les ministères des Finances et du Transport ne veulent plus entendre parler des frais de location à la Couronne. Ils ne comprennent pas ce qui pose problème. Nous avons agi seuls et avec d'autres, mais nous devons maintenant expliquer les véritables répercussions du secteur du transport aérien sur l'économie canadienne. C'est d'ailleurs l'objectif de la journée de l'aviation.

Si l'on prend l'exemple de Montréal, les frais de location à la Couronne correspondent à 24 p. 100 du coût net de l'aéroport, et les impôts fonciers représentent 16 à 18 p. 100 de plus. En fait, la gouvernance de l'aéroport ne changera rien à ces deux coûts. Vous vous préoccupez sans cesse des 40 p. 100 qui restent, mais si le service de la dette représente 60 p.100 de ce chiffre, ce que vous cherchez à modifier correspond finalement à une très faible portion de l'ensemble des coûts aéroportuaires. Il en va de même à la GTAA et à l'aéroport de Vancouver.

Le sénateur Eaton : Ces charges fiscales sont-elles uniquement fédérales, ou sont-elles en partie provinciales?

M. Kronenburg : C'est une combinaison des deux. Les impôts fonciers sont provinciaux, alors que les frais de location à la Couronne sont fédéraux. La taxe provinciale sur les carburants est provinciale. C'est intéressant, parce que cette taxe est perçue sur le carburant international, et ce, même si le gouvernement du Canada a ratifié la Convention de Chicago, qui stipule justement que le carburant des vols internationaux doit être exempt de taxes. Or, les provinces ont décidé de taxer le carburant international en faisant fi des engagements du gouvernement fédéral. Nous avons essayé de prendre des mesures à cet égard, mais les provinces s'en fichent. C'est le genre de problèmes que nous essayons de régler, qui portent essentiellement sur les frais. Au bout du compte, c'est ce à quoi il faut s'attaquer.

Le sénateur Eaton : Pourriez-vous faire parvenir au président les recommandations qui, à votre avis, devraient figurer au rapport, s'il y a lieu?

M. Kronenburg : Oui, sans problème.

Le sénateur Eaton : J'ai une dernière question. Les mesures de sécurité prises à la suite du 11 septembre ont-elles nui au secteur du transport aérien? Il y a eu un retour du bâton tout de suite après les événements, mais la sécurité pose-t- elle encore problème aux transporteurs aériens?

M. Lavin : Oui, la sécurité est une grande préoccupation, autant sur le plan des coûts que de l'efficacité. C'est un problème avec lequel nous devons composer tous les jours. Nous soutenons que la sécurité est une responsabilité du gouvernement et ne devrait pas être payée par les passagers ni les compagnies aériennes. La situation est plutôt intéressante au Canada. Si vous comparez les droits exigés au Canada au titre de la sécurité avec ceux des États-Unis — et en tant que citoyen américain, je peux vous dire que je n'ai jamais vu un aussi grand manque d'efficience ni d'aussi lourdes dépenses au chapitre de la sécurité qu'aux États-Unis —, vous constaterez qu'ils sont de deux à trois fois plus élevés. Cela nous amène donc à nous demander ce qui est à l'origine de ces frais aussi élevés.

Le sénateur Eaton : Pourquoi sont-ils aussi élevés?

M. Lavin : Nous collaborons étroitement avec les autorités et nous essayons de les convaincre de se pencher sur les pratiques inefficientes. Par exemple, à la suite de l'incident terroriste du 25 décembre à bord d'un avion à destination de Detroit, les voyageurs ont du affronter des files d'attente de plusieurs heures au contrôle de la sécurité de l'aéroport de Toronto. Nous avons débattu notamment des avantages de la carte NEXUS au Canada, dont bon nombre d'entre vous avez, j'en suis certain. Si vous avez déjà fait l'objet de vérifications, ne devriez-vous pas bénéficier d'un passage accéléré au contrôle de la sécurité, de façon à accroître l'efficience, à augmenter le débit et à réduire les coûts? Il y a de nombreuses questions en jeu.

Je ne suis pas l'expert pour vous dire quelles sont les faiblesses précises de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA, à cet égard, mais les chiffres ne concordent pas avec ceux de l'autre côté de la frontière.

Le sénateur Cochrane : Outre les coûts, j'aimerais que vous abordiez la question de la sécurité. Êtes-vous d'avis qu'il y a un degré de sécurité satisfaisant à nos aéroports? Je pense ici aux entrées. On s'est plaint du fait que les mesures de sécurité n'étaient pas partout adéquates, malgré toutes les questions soulevées et les changements apportées. Parlez- moi de la sécurité.

M. Lavin : Le plus gros problème concernant la sécurité — et la situation n'est pas unique au Canada —, c'est que le système de sécurité actuel a été conçu en grande partie aux États-Unis il y a 30 ou 40 ans pour empêcher les gens de détourner un avion jusqu'à Cuba. On ne l'a pas modernisé depuis. On a les mêmes magnétomètres qu'à l'époque. Il y a certaines différences, en ce sens qu'il faut enlever ses chaussures, sa ceinture, et cetera, mais on cherche des objets dangereux et non pas des personnes dangereuses.

Les compagnies aériennes doivent fournir des quantités énormes de renseignements au gouvernement sur chacun des passagers avant qu'ils ne montent à bord de l'avion. Les responsables de la sécurité ont de l'information sur tous les passagers. Pourquoi traite-t-on une grand-mère de 80 ans au même titre qu'une personne qui arrive d'un endroit où il y a des activités terroristes? C'est très difficile à comprendre.

L'IATA se concentre sur le point de contrôle du futur. C'est un concept que nous comptons et espérons mettre en place d'ici les dix prochaines années. Il y aura trois différents tunnels correspondant à chaque passager. Vous pourriez être une personne ordinaire sur qui on n'a pas d'information, un voyageur bien connu ou une personne plus problématique. Chacun d'entre eux sera traité différemment. Nous croyons que, dans dix ans, la technologie nous permettra de franchir ces tunnels sans avoir à nous départir de notre ordinateur ou de nos souliers ou encore à déposer nos effets sur une rampe ou un magnétomètre. Nous collaborons avec le gouvernement canadien, l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI, et d'autres à ce chapitre. En définitive, notre système est désuet et n'est pas adapté aux défis d'aujourd'hui.

Le sénateur Mercer : Le sénateur Greene a dit que c'était un excellent rapport. Je suis d'accord avec lui. Ma seule réserve, c'est que nous allons probablement appuyer toutes les recommandations et que la personne qui devrait nous aider en ce moment, le ministre Flaherty, n'est pas ici. Il faudra apporter des changements, et ce qui pose problème, c'est qu'il pourrait considérer un flux de rentrées auquel nous aimerions peut-être mettre fin.

J'aimerais que vous apportiez quelques précisions. La terminologie me laisse un peu perplexe. Les gens qui nous écoutent le sont peut-être aussi. Vous avez dit plus tôt que l'Ontario et la Colombie-Britannique taxaient le carburant embarqué sur les vols internationaux. Pourriez-vous revenir là-dessus? Nous pourrons ensuite parler du fait que ces provinces font fi d'un accord international que le gouvernement du Canada a signé.

M. Lavin : Le concept fondamental est le carburant embarqué. La Convention de Chicago a été élaborée après la Deuxième Guerre mondiale et constitue un traité qui gère l'aviation internationale. On a décidé à juste titre qu'une compagnie aérienne qui quitte un pays — supposons qu'Air France vole au-dessus de Montréal, se ravitaille en carburant et retourne en France — ne paie pas de taxe sur le carburant embarqué dans un autre pays. De même, la France n'imposerait pas de taxes à Air Canada si la compagnie atterrit à Paris, se ravitaille et retourne ensuite à Montréal. L'idée, c'est de créer une situation équitable. Cependant, on peut imposer une taxe sur un vol intérieur, par exemple dans le cas d'un vol entre Cleveland et Washington, D.C., parce que ça reste aux États-Unis. Cependant, compte tenu de la nature de l'aviation internationale, les règles doivent être les mêmes pour tout le monde.

Le sénateur Mercer : Quelqu'un paie une taxe sur le carburant.

M. Lavin : Oui.

Le sénateur Mercer : Reprenons votre exemple d'Air France. Si Air France se ravitaille à Montréal et que le Québec ne taxe pas le carburant, la compagnie se trouve à ne payer aucune taxe sur ce carburant. Est-ce qu'elle en paie lorsqu'elle est en France?

M. Kronenburg : L'idée, c'est de ne pas payer de taxe sur le carburant embarqué à l'étranger. Si une compagnie aérienne se ravitaille au Canada et qu'elle survole ensuite de nombreux pays, par exemple l'Islande, l'Irlande et le Royaume-Uni, avant d'arriver en France, il serait controversé de taxer le carburant embarqué ici. C'est une entente réciproque.

Il y a une taxe canadienne sur le carburant, c'est-à-dire une taxe d'accise fédérale — d'environ quatre cents le litre — qui s'applique à l'aviation canadienne.

Le sénateur Mercer : Dans ce cas, combien d'argent fait-on en Colombie-Britannique et en Ontario?

M. Kronenburg : Pour l'Ontario, cela se situe autour de 50 millions de dollars par année. Quant à la Colombie- Britannique, si je ne me trompe pas, c'est 17 ou 18 millions de dollars. Il y a trois ans, la Colombie-Britannique avait annoncé qu'elle éliminerait cette taxe, mais elle ne l'a jamais intégrée à son budget. C'est le gouvernement qui avait fait cette annonce.

Le sénateur Mercer : Une autre source de revenus.

M. Kronenburg : On avait fait cette annonce tout de suite après les élections, puis on n'en a plus entendu parler. On avait annoncé qu'on ferait disparaître cette taxe, étant donné que l'aéroport de Vancouver perdait du terrain au profit de son concurrent, l'aéroport de Seattle.

Le sénateur Mercer : Cela m'amène à ma prochaine question. J'ai été étonné d'apprendre que l'aéroport de Toronto est l'aéroport où il est le plus coûteux d'atterrir dans le monde. Je suis certain que ce n'est pas un titre auquel aspire Toronto.

Où se situent les aéroports Trudeau, Macdonald-Cartier, ici à Ottawa, et de Vancouver? Y a-t-il d'autres villes canadiennes qui se classent parmi les dix ou vingt aéroports les plus coûteux? Nous savons que l'aéroport Pearson se classe au premier rang.

M. Kronenburg : C'est très difficile d'établir des comparaisons, car ici, on ne compare pas des pommes avec des pommes. L'appellation des droits et des taxes varie énormément. Il a toujours été facile pour nous de faire des calculs en ce qui concerne Toronto, étant donné que le coût est très élevé par rapport aux autres.

Toutefois, lorsqu'on compare combien il en coûte à une compagnie aérienne pour atterrir à un aéroport et le quitter, les aéroports de Vancouver, de Toronto et de Montréal figurent parmi les 20 plus coûteux. Cela s'explique en grande partie par les frais de location et le Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, le DSPTA, qui représentent 40 à 50 p. 100 du coût total.

Le sénateur Mercer : Supposons que nous avons accepté toutes vos recommandations et adopté notre rapport et que le gouvernement du Canada est d'avis que vous avez fait de l'excellent travail et qu'il souscrit à toutes nos recommandations, qu'est-ce qui me garantit, en tant que voyageur, que je vais payer moins cher?

Comment garantir qu'Air Canada ou tout autre transporteur aérien n'augmenteront pas leurs prix? Et si un transporteur aérien annonce une réduction des prix de 100 $ alors qu'il aurait pu en consentir une de 200 $, comment garantir que les 100 $ ainsi économisés ne se retrouveront pas dans ses coffres ou dans ceux qui acceptent ce genre de stratagème? Comment garantir que les choses changeront si nous donnons suite aux recommandations qui nous sont constamment formulées? Vous n'êtes pas les premiers à nous faire part de ce genre de récriminations.

M. Lavin : N'étant pas un transporteur aérien, nous ne pouvons pas vous décrire comment une compagnie aérienne établit ses prix, mais nous pouvons cependant vous donner notre opinion sur la question en nous basant sur des faits historiques. Tout d'abord, les millions de dollars que les transporteurs versent à l'État en guise de loyer ne peuvent pas être investis dans l'ouverture de nouveaux itinéraires, l'achat de nouveaux appareils ou la mise en œuvre d'initiatives favorisant la croissance économique.

Vous avez évoqué l'objectif visé par le ministre Flaherty. J'imagine qu'on passera sous silence les 250 millions de dollars versés à l'État en guise de loyer. Pourtant, le résultat est très simple sur le plan mathématique : l'histoire nous prouve que le ministre obtiendra davantage que ces 250 millions de dollars, grâce aux recettes fiscales entre autres.

Le sénateur Mercer : Ce genre de renseignements nous est utile pour vous appuyer dans ce dossier — du moins, j'ai l'impression que nous vous appuyons — et pour convaincre le ministre Flaherty ou quiconque sera aux rênes du ministère.

M. Lavin : Nous disposons d'environ cinq études qui peuvent vous donner une idée réelle de la situation à l'échelle internationale.

Le sénateur Mercer : C'est ce dont nous avons besoin.

Le président : Si vous pouviez faire parvenir ces études à notre greffier, nous pourrions en prendre connaissance et nous en servir dans notre rapport.

Le sénateur Greene : Je n'ai pas d'autres questions parce que vous avez posé celle que j'avais en tête à la fin de votre intervention. Vous avez précisé que notre rapport sera valable si nous réussissons à changer certaines attitudes à condition, bien sûr, que vos recommandations soient mises en œuvre. Il nous faudrait cependant montrer qu'il existe un meilleur scénario possible. Nous avons donc besoin de ces études.

En fait, j'ai une autre question, mais rien ne presse, car elle porte sur un autre sujet.

Le sénateur Martin : J'ai plusieurs questions supplémentaires, et je signale en passant la pertinence de celles de mes collègues. Je vous remercie de votre exposé clair. Mes questions s'inscrivent dans la foulée des propos du sénateur Mercer. Tout d'abord, les membres de votre association sont-ils tous des transporteurs aériens?

M. Lavin : Oui.

Le sénateur Martin : Vous défendez les intérêts de vos membres, notamment en examinant avec les législateurs les modifications susceptibles d'être apportées aux politiques établies. Vous jouez également un rôle prépondérant auprès de vos membres en élaborant notamment des normes et des procédures. Nous pourrions publier un rapport contenant des recommandations judicieuses en fonction des divers témoignages que nous avons entendus, et le gouvernement pourrait modifier ses politiques, ce qui, selon nous, améliorerait la situation de l'industrie.

Vous représentez les transporteurs aériens. À ce titre, pourriez-vous nous indiquer comment vous pourriez favoriser l'adoption de changements positifs par vos membres? Certains de vos membres ne sont pas des transporteurs aériens canadiens, et vous vous penchez sur des pratiques exemplaires utilisées à l'échelle internationale. Dans quelle mesure les transporteurs aériens canadiens sont-ils disposés à adopter ces pratiques exemplaires ou à mettre en œuvre les modifications qui s'imposent?

Si une politique établie est modifiée, vos membres sont tenus de s'y conformer. Quel est votre rôle à cet égard? Dans quelle mesure vos efforts en ce sens ont-ils été fructueux jusqu'à présent ou le seront-ils à l'avenir?

M. Lavin : En ce qui concerne les normes, nous les établissons depuis environ 50 ans. Ces normes vont même jusqu'à fixer le nombre de carottes dans les repas servis au cours des vols. C'était le rôle que l'IATA jouait avant la déréglementation.

Après la déréglementation, nous nous sommes surtout efforcés notamment d'éliminer les obstacles posés par les gouvernements, pour que les transporteurs aériens puissent mener leurs affaires comme toute autre entreprise commerciale. Nous sommes convaincus que, dans la conjoncture actuelle, le marché libre constitue probablement la meilleure garantie que les transporteurs aériens s'en tiendront à certaines normes, et nous espérons que vous en êtes convaincus également. Nous établissons les normes, mais nous ne jouons pas le rôle d'un gouvernement. Les transporteurs aériens sont membres de notre association, et nous les appuyons. Nous avons entre autres établi une norme sur les billets électroniques à l'échelle internationale. Comme vous le savez, le billet en papier n'existe plus. L'IATA a élaboré cette norme et a demandé aux transporteurs aériens de l'appliquer.

En réponse à votre question sur le prix des billets, je vous signale que ces politiques et procédures entraîneront peut- être une croissance des activités et que, s'ils se rendent compte que les droits d'atterrissage et autres frais d'administration sont moins élevés ici, de plus en plus de transporteurs aériens desserviront les aéroports canadiens, à condition, bien sûr, que le marché le justifie. Notre expérience nous permet de dire que cet essor entraînera fort probablement une baisse des prix des billets.

Rappelez-vous que le prix du billet d'avion a augmenté de 0,7 p. 100 au cours des huit dernières années, alors que l'indice du coût de la vie est monté de 2,1 p.100. Le prix du billet d'avion ne pose pas vraiment problème, mais nous sommes tous à l'affût des aubaines. Dans la conjoncture actuelle, nous estimons que le marché est assez vaste pour accueillir d'autres protagonistes.

Les transporteurs aériens se livrent concurrence entre eux. Par contre, cette concurrence se limite désormais à peu d'aspects, compte tenu particulièrement des taxes imposées par le gouvernement. Effectivement, les transporteurs aériens n'ont pas beaucoup de marge de manœuvre à cause notamment des taxes sur les carburants. Ils se livrent concurrence sur le prix des billets et les services aux passagers. Ce sont là deux des rares occasions qui s'offrent à eux. La concurrence s'intensifiera si vous leur en donnez la possibilité en supprimant les obstacles.

Le sénateur Martin : Je me demandais précisément comment les transporteurs aériens devraient améliorer leur efficience et s'ils avaient pris toutes les mesures qui s'imposent. Est-ce là un processus continu? Nos transporteurs aériens sont-ils aussi efficients que ceux des autres pays?

M. Lavin : Cela dépend de ce qu'on entend par efficience. Nous sommes fiers de nos deux membres canadiens : Air Canada et Air Transat. Leur rendement se compare favorablement à celui de nos autres membres. Ils ont atteint une efficience opérationnelle. Air Canada est à l'avant-garde sur ce plan, malgré la situation qui règne ici. Les mesures prises pour simplifier la vie des passagers et améliorer les divers services sont toutes très positives. Les autres transporteurs aériens offrent des services distincts et visent une clientèle différente. C'est la loi du marché. Nous sommes fiers de nos membres canadiens.

Le sénateur Greene : Ma prochaine question sera brève. Elle portera entre autres sur la gouvernance.

Dans votre mémoire succinct, vous dites que la bonne nouvelle, c'est que le Canada se classe au premier rang mondial pour la qualité de son infrastructure du transport aérien.

Selon les pilotes et d'autres témoins, les aéroports sont des palais majestueux pour les passagers avec leurs fontaines et autres constructions, mais on observe des lacunes dans l'infrastructure de transport pour permettre notamment le décollage et l'atterrissage des appareils ainsi que le transbordement des passagers. Qu'en pensez-vous?

M. Kronenburg : Tout est une question de point de vue. Je n'ai pas lu le compte rendu de ces témoignages. J'ignore donc si ces pilotes ont déjà conduit un avion à l'étranger.

Le sénateur Greene : C'est pourtant le cas.

M. Kronenburg : Je suis responsable de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud. Ayant déjà été pilote et ayant visité bien des aéroports, je peux vous dire que le Canada se classe parmi les premiers. Rares sont les pays qui sont aussi bien dotés que lui en matière d'infrastructure, qu'il s'agisse de terminaux ou de pistes. NAV CANADA est réputé mondialement pour la qualité de ses services de navigation. Bien des systèmes utilisés partout dans le monde ont été élaborés au Canada. À ce chapitre, Bombardier est un chef de file mondial.

Au Canada, l'infrastructure de transport aérien est vraiment excellente. Bien sûr, on peut toujours déceler des lacunes, et il y a certes des domaines où les choses pourraient être améliorées, compte tenu particulièrement des conditions climatiques canadiennes. Dans l'ensemble, je ne dirais pas que l'infrastructure est insuffisante. À mon avis, rien ne laisse à désirer sur ce point.

Le sénateur Greene : Un de vos transporteurs aériens, Air Canada, ne dessert pas uniquement les principaux aéroports canadiens. Ses appareils atterrissent également dans le Nord, ce qui pose des problèmes passablement différents. Défendez-vous les intérêts d'Air Canada par rapport à ces problèmes particuliers?

M. Kronenburg : Pas en ce qui concerne ces problèmes. Cependant, Jazz exploite des vols sous la bannière Air Canada et est membre de l'IATA. Nous avons toujours défendu les intérêts de Jazz toutes les fois que cette entreprise nous l'a demandé.

En ce qui concerne les problèmes que posent les aéroports dans le Nord, il existe des moyens qui, comme aux États- Unis, permettent au gouvernement central de financer un service aérien essentiel dans les régions défavorisées en exigeant un droit que doivent acquitter les passagers et dont le montant est versé dans un fonds destiné à venir en aide aux transporteurs aériens et aux aéroports desservant ces régions. Au Canada, NAV CANADA est tenu d'exploiter une tour de contrôle à Yellowknife, que cela soit rentable ou non. NAV CANADA n'a pas voix au chapitre : c'est ainsi que le système fonctionne. Encore une fois, c'est tout le secteur qui est mis à contribution. D'autres pays sont aux prises avec le même problème, notamment le Brésil et la France, deux pays plus peuplés possédant des régions défavorisées. C'est un aspect important.

Que ce soit Air Canada, WestJet ou Air Transat, les transporteurs aériens canadiens doivent livrer concurrence aux transporteurs étrangers pour attirer non seulement les passagers en provenance et à destination du Canada, mais également les passagers en correspondance. Qu'arrivera-t-il si on gagne cette clientèle? Entre autres, les passagers en provenance de Francfort et devant se rendre à Panama ne feront plus escale à Chicago à cause d'un problème de visa, mais à Montréal. Ces passagers en correspondance n'entraîneront aucune répercussion économique directe sur Montréal, car ils n'y séjourneront pas. Cependant, ils auront recours au secteur de la restauration, le transporteur aérien achètera du carburant et son personnel aura besoin de nuitées. Montréal récoltera donc des bénéfices indirects importants. Là où réside le problème pour Air Canada, Air Transat et WestJet, c'est qu'ils ne peuvent livrer concurrence en raison du modèle actuel. Ils déploient beaucoup d'efforts en ce sens, mais les coûts sont rédhibitoires. C'est pourquoi de nombreux passagers font encore escale à Detroit, Chicago ou New York. C'est même plus économique d'exploiter un vol à New York que de faire escale à Toronto.

Le président : Au sujet de NAV CANADA, je signale que, mardi matin prochain, nous accueillerons John Crichton, président et chef de la direction de NAV CANADA.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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