Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 13 mars 2012
OTTAWA, le mardi 13 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, dans le cadre de son étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte.
[Traduction]
Ce matin, nous poursuivons notre étude sur l'industrie canadienne du transport aérien.
Nous sommes heureux d'accueillir David Goldstein, président-directeur général de l'Association de l'industrie touristique du Canada, l'AITC.
[Français]
Il sera accompagné par M. Kevin Desjardins, vice-président, Stratégie et affaires publiques et par Mme Adrienne Foster, gestionnaire, Recherche et politiques.
[Traduction]
Je vous remercie de prendre le temps de venir nous parler, monsieur Goldstein. La parole est à vous.
[Français]
David Goldstein, président-directeur général, Association de l'industrie touristique du Canada : Bonjour, monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices. Je vous remercie pour cette deuxième opportunité de faire partie de votre importante étude. Comme vous le savez, le secteur du transport aérien est énormément important pour notre industrie.
[Traduction]
L'Association de l'industrie touristique du Canada est la seule organisation nationale qui représente l'ensemble des industries canadiennes du tourisme et des voyages. Parmi nos membres, mentionnons notamment les intervenants directs du secteur de l'aviation tels que les compagnies aériennes et les aéroports, de même que les services ferroviaires de passagers, les hôtels, les attraits touristiques, d'autres moyens de transport et les organisations locales de promotion du tourisme.
Il s'agit certes ici d'un important processus, et nous sommes ravis que le comité prenne part à la réalisation de cette étude.
Depuis notre dernière comparution devant le comité, nous avons suivi de près l'évolution du dossier. Nous savons que plusieurs de nos membres et partenaires du secteur touristique canadien se sont adressés à vous, et que la situation du transport aérien au Canada se précise.
Par conséquent, et afin de consacrer le plus de temps possible à la période de questions, mes remarques seront brèves, du moins, je l'espère.
Au niveau international, le tourisme se classe en quatrième position des secteurs d'exportation qui croissent le plus rapidement. Ce secteur représente d'énormes possibilités sur le plan économique pour le Canada. Les voyages internationaux sont à la hausse, et nous assistons à une compétition de plus en plus féroce pour attirer les voyageurs.
Dans un tel contexte, permettez-moi de porter à votre attention deux éléments qui viennent démontrer l'importance de votre étude pour le secteur touristique canadien.
Tout d'abord, notre politique actuelle en ce qui a trait au transport aérien est nettement dépassée. Cette politique est en vigueur depuis maintenant 15 ans, et fut mise en place à une époque où notre frontière avec les États-Unis demeurait ouverte et que notre dollar valait 65 cents US. Or, les choses ont bien changé depuis, et rien ne semble indiquer un retour à la situation de départ dans un avenir rapproché.
Ensuite, le Canada est une destination où l'on se rend principalement par la voie des airs. La croissance du nombre d'arrivées à laquelle nous assistons actuellement est attribuable à ce moyen de transport — une situation qui s'applique aussi à la croissance modeste du nombre de voyageurs en provenance des États-Unis. En un mot, la structure de coûts du transport aérien actuellement en place au Canada est en train d'atrophier l'une des principales possibilités de croissance économique au Canada. Ainsi, un système de transport aérien à la fois cohérent et efficient s'avère essentiel à la croissance de l'économie touristique et à la création d'emplois.
Lors de notre plus récente comparution devant le comité, j'avais fait état de notre déficit au compte des voyageurs internationaux, c'est-à-dire la différence entre les dépenses des Canadiens à l'étranger et celles effectuées chez nous par les visiteurs internationaux. En 2009, ce déficit se situait à 12,2 milliards de dollars. Le mois dernier, nous avons obtenu les données pour 2011, et cette somme a grimpé à 15,9 milliards de dollars.
Un tel écart s'explique entre autres par une hausse remarquable des dépenses des Canadiens ailleurs dans le monde. Toutefois, on assiste depuis les dix dernières années à une stagnation des sommes injectées dans notre économie par les voyageurs internationaux.
Pourquoi le déficit au compte des voyages est-il à ce point important? Parce que les biens et services sont consommés ici; cela ne semble pas être un secteur d'exportation, mais c'en est un. Les visiteurs internationaux qui dépensent leur argent chez nous ont un impact significatif sur notre économie et sur les revenus de l'État.
La demande en tourisme est très élastique : plus les coûts sont élevés, plus cette demande est faible. Nous savons que, pour la majorité des gens qui voyagent sur de grandes distances, leur premier contact avec la destination envisagée dans leur processus d'achat est le billet d'avion. Pour ces voyageurs, la façon la plus évidente de comparer divers pays à visiter est d'en comparer le coût du billet pour s'y rendre en avion.
Selon le Forum économique mondial, le Canada est passé de la cinquième place en 2009 à la neuvième en 2011 pour ce qui est de la compétitivité dans les secteurs du voyage et du tourisme. Notre performance lamentable en ce qui a trait aux taxes sur les billets d'avion et les frais aéroportuaires — nous nous classons 125e sur 139 pays — est la principale cause de cette baisse.
La structure de coûts du transport aérien au Canada — ce que nous appelons le « club sandwich » des taxes et autres frais de ce secteur — nuit à notre potentiel pour attirer les visiteurs. On parle ici entre autres des frais que le consommateur peut lui-même constater, dont les redevances de navigation aérienne qui augmentent le coût de leurs billets d'avion. À cela s'ajoutent divers frais qui viennent gonfler davantage ce coût, incluant les loyers des aéroports et les taxes d'accise sur le carburant. Ces taxes et frais passablement élevés ont pour résultat de dissuader les visiteurs internationaux et américains d'opter pour le Canada; ils vont plutôt privilégier une destination plus abordable. De plus, nous constatons que de plus en plus de Canadiens cherchent à se procurer leurs billets d'avion de l'autre côté de la frontière. Un récent sondage révélait d'ailleurs que 15 p. 100 des Canadiens ont pris leur vol à partir d'aéroports situés à Buffalo, Plattsburgh et Bellingham, pour n'en nommer que quelques-uns.
Et surtout, une autre conséquence du scénario actuel est que les transporteurs aériens à rabais préfèrent ne pas desservir les aéroports canadiens. Nous savons par exemple que Jet Blue a choisi de transporter les voyageurs canadiens à partir des aéroports d'Ogdensburg, de Burlington, de Buffalo ou encore de Bellingham. Une telle pratique vient provoquer l'érosion de notre coefficient de remplissage, entraînant du même coup des coûts plus élevés tant pour les Canadiens que pour les visiteurs potentiels.
Nous vous avons remis une publicité parue dans une revue spécialisée et dans laquelle Allegiant, un autre transporteur aérien à rabais, annonce clairement son accès à notre marché, et ce, malgré le fait qu'aucun de ses vols n'atterrisse en sol canadien.
Quel message une telle publicité envoie-t-elle quant à l'état actuel de notre secteur du transport aérien, alors qu'une destination comme Orlando sollicite activement les visiteurs canadiens sachant qu'il n'est même pas nécessaire de venir les cueillir au Canada? Un tel constat est inquiétant. On nous fait comprendre en quelque sorte que nos aéroports sont de moins en moins importants. Le Conseil des aéroports du Canada, si je ne me trompe pas, tient une conférence à Toronto la semaine prochaine qui s'intitule « L'un de nos aéroports a disparu! ». En effet, 15 p. 100 des Canadiens prennent leur vol à partir des États-Unis; c'est comme si le Canada perdait un aéroport de taille moyenne aux mains des États-Unis.
Non seulement nous trouvons-nous à encourager les voyages aux États-Unis, mais nous mettons en place un important obstacle à la croissance du tourisme à destination du Canada.
Ainsi, l'AITC espère que le comité recommandera que l'on procède à un examen exhaustif de la structure de coûts de notre secteur du transport aérien, en tenant compte de l'impact négatif des taxes et frais élevés sur notre capacité à attirer les visiteurs étrangers et à encourager les voyages à l'intérieur du Canada.
Il convient de mentionner que vos collègues du Comité permanent des finances de la Chambre des communes se sont également penchés sur ce dossier et ont formulé une recommandation à cet effet dans le cadre de leurs plus récentes consultations prébudgétaires.
Avant de conclure, j'aimerais rapidement souligner le travail accompli par notre gouvernement au cours des derniers mois afin de soutenir l'industrie touristique canadienne.
La mise sur pied, en octobre dernier, de la Stratégie fédérale de tourisme s'est avérée une preuve manifeste que le gouvernement considère le tourisme comme étant un secteur économique prioritaire. Depuis, nous avons assisté à une série de gestes concrets posés par le gouvernement. Entre autres, l'introduction d'un nouveau visa de 10 ans permettant les séjours multiples pour les visiteurs étrangers, ainsi que l'expansion des centres de demande pour l'obtention d'un visa, nous permettront d'attirer davantage de visiteurs en provenance de marchés émergents tels la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique. Le gouvernement a aussi cherché à faciliter les voyages d'agrément et d'affaires entre le Canada et les États-Unis, par l'entremise de son Plan d'action sur la sécurité du périmètre et la compétitivité économique.
Nos membres apprécient certes de telles initiatives, qui augurent très bien pour l'avenir de notre secteur d'activité. Voilà pourquoi votre étude sur la structure de coûts du transport aérien est si importante. Comme je l'ai dit, le Canada est une destination où l'on se rend par avion. Le succès éventuel de notre industrie touristique dépend de notre habileté à attirer davantage de voyageurs internationaux qui utilisent ce moyen de transport.
Encore une fois, je répondrai volontiers à vos questions relativement à la structure de coûts du transport aérien et à son impact sur le tourisme canadien.
Le sénateur Zimmer : Je vous remercie, monsieur Goldstein, pour votre exposé et je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir de vous voir.
Selon vous, dans quelle mesure l'industrie du transport aérien est-elle importante pour le tourisme au Canada? Ces deux industries sont-elles liées? Croyez-vous qu'il y a des secteurs relatifs à ces deux industries qui pourraient être améliorés, et si oui, lesquels?
M. Goldstein : C'est une bonne question, monsieur le sénateur. Laissez-moi y répondre en deux parties.
Tout d'abord, je crois que toute l'industrie de l'aviation, non seulement les compagnies aériennes, mais aussi les aéroports et le secteur des services, contribue étroitement à l'industrie touristique. Il est évident qu'elle permet le déplacement de beaucoup de gens, mais elle joue un rôle de plus en plus important dans le développement du tourisme au Canada.
Cela était absolument nécessaire en raison du virage à 180 degrés qui s'est produit à la suite des événements du 11 septembre. Il faut se dire les vraies choses : le Canada est un pays où l'on se rendait essentiellement en voiture avant les attentats du 11 septembre. Le Canada enregistrait auparavant un total de 17 millions de séjours de plus de 24 heures en provenance des États-Unis. Maintenant, les Américains effectuent à peine 11,9 millions de séjours. Cela représente une baisse énorme des visites au Canada. Ces séjours ont en quelque sorte été remplacés par des vols en provenance des États- Unis et des marchés émergents de l'Europe de l'Ouest.
Pour répondre à votre question, le secteur de l'aviation a beaucoup aidé à la modeste reprise du secteur touristique. Encore une fois, si l'on modernise le cadre dans lequel on fait des affaires, je pense qu'il y aura encore plus de possibilités.
Le sénateur Zimmer : Lors de votre dernière comparution, vous aviez dit qu'il fallait établir un arrangement plus équitable à l'égard des loyers aéroportuaires. Pourriez-vous développer votre pensée à ce sujet? Qu'est-ce que cela impliquerait?
M. Goldstein : Comme je l'ai dit dans mon allocution et comme je le répète souvent, les loyers aéroportuaires sont un élément important du « club sandwich » des frais, des taxes et des droits. Il ne s'agit pas ici d'un seul problème, mais plutôt de plusieurs éléments qui entrent en ligne de compte. Il faut le mentionner. On a déjà pris des mesures à cet égard. Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique, dans son plus récent budget provincial, a supprimé la surtaxe relative aux frais de carburant, qui est l'un de ces éléments. Nous espérons que le gouvernement ontarien, de même que le gouvernement fédéral, emboîteront le pas.
Il n'y a que deux autres pays dans le monde, l'Équateur et le Pérou, qui font payer des loyers aéroportuaires. C'est peut-être une réponse simpliste, mais concrètement, les autres pays ont trouvé d'autres moyens de financer leur structure de coûts et sont ainsi plus compétitifs que nous.
Le sénateur Zimmer : Croyez-vous qu'en concluant plus d'accords aériens libéralisés avec les pays de l'Asie et des Émirats arabes unis, on pourrait augmenter le nombre de visiteurs au Canada en provenance de ces régions?
M. Goldstein : C'est une question assez difficile. Je vous en remercie.
Je vais commencer par vous dire qui sont nos clients et d'où ils viennent. Si nous prenons les États-Unis, l'Europe de l'Ouest et la plupart des pays émergents — le Brésil, l'Inde et la Chine —, soit nous avons avec eux des accords aériens partiellement ou complètement libéralisés, soit nous avons des créneaux inutilisés. Je vais vous donner l'Inde comme exemple.
Air India a plusieurs créneaux inexploités à destination du Canada, plus précisément de Vancouver et de Toronto. Honnêtement, le plus gros obstacle, c'est la structure de coûts. Chose certaine, la conclusion d'accords aériens libéralisés est utile. Comme vous le savez, le premier ministre a signé, l'été dernier, un accord aérien libéralisé avec le Brésil. Cela s'annonce très prometteur, puisqu'il s'agit de l'un des marchés touristiques les plus florissants de l'hémisphère. Cependant, la politique aérienne à elle seule ne permettra pas de résoudre le problème. La structure de coûts du Canada nuira grandement à sa compétitivité face aux pays avec qui il a déjà conclu des accords de libéralisation du transport aérien.
Le sénateur Eaton : Merci pour votre exposé des plus intéressants.
On entend beaucoup parler de l'absence de concurrence entre les transporteurs aériens canadiens et de notre politique de « ciel ouvert ».
J'aimerais revenir sur votre exposé et, évidemment, sur la façon dont les autres pays exploitent leur marque touristique. Si l'on ne tient pas compte du transport aérien, selon votre graphique, la France accueille énormément de touristes, en grande partie grâce à ses attraits culturels et à son histoire. On peut voir qu'il y a beaucoup de pays en avant de nous — la Turquie pour son climat et ses plages; le Royaume-Uni, en raison de son histoire et du 60e anniversaire de la reine; et l'Italie, encore une fois pour son histoire.
Supposons que nous nous attaquons sérieusement au problème du transport aérien, ou plutôt le ministre, puisque nous ne faisons que des recommandations. Supposons que le ministre remédie au soi-disant problème du transport aérien. Évidemment, nous, les Canadiens, ne voyons pas la publicité que vous faites à l'étranger, comme le font les autres pays ici. Par exemple, le Yucatán, au Mexique, est célèbre par ses antiquités. Outre le transport aérien, on ne voit pas vraiment dans quel secteur vous intervenez. Comment vous y prenez-vous pour mettre en valeur l'image de marque touristique du Canada? Misez-vous sur l'aspect culturel? Les paysages? Comment fait-on la promotion du Canada à l'étranger?
M. Goldstein : C'est une excellente question. Il y a toutefois une distinction à faire. La Commission canadienne du tourisme est l'organisme qui s'occupe de la promotion du tourisme pour le Canada, et elle le fait en collaboration avec bon nombre de nos membres, c'est-à-dire les organisations provinciales et locales de promotion de destinations. Je ne crois pas que nous ayons un problème au niveau de l'image de marque.
Le sénateur Eaton : Quelle est-elle?
M. Goldstein : Nous misons sur plusieurs aspects : les expériences urbaines à proximité de la nature; la sécurité; je pense que notre diversité culturelle est aussi extrêmement attirante, surtout pour les marchés émergents. Si vous venez d'Asie, par exemple, ou de l'Asie du Sud-Est, le fait de savoir que nous sommes une société très accueillante qui vous rappelle la maison...
Le sénateur Eaton : Vraiment? Voyagez-vous réellement dans un pays parce qu'il est sécuritaire?
M. Goldstein : Je crois que dans l'esprit de ces consommateurs qui n'ont pas beaucoup voyagé — sachez que l'expansion du tourisme repose désormais en grande partie sur des marchés qui, il y a 10 ou 15 ans, ne pouvaient se permettre de voyager ou n'en n'avaient pas le droit. Pour beaucoup d'entre eux, le Canada est la porte d'entrée de prédilection de l'Amérique du Nord ou de l'Occident. Nous sommes une destination très attirante pour ces raisons.
Je ne veux pas parler au nom de la Commission canadienne du tourisme ni des organisations comme Travel Alberta, qui ont mené d'importantes études de marché et des campagnes précises et personnalisées, mais je ne crois pas que nous ayons un problème d'image; je pense que nous avons plutôt un problème d'accès. Nous avons cerné le véritable problème. La commercialisation, l'accès et le produit sont les trois principaux éléments.
Le sénateur Eaton : Je suis désolée, et je suis consciente que nous avons un problème d'accès. Toutefois, si je suis à Hong Kong, en France ou aux États-Unis et que je cherche un pays où dépenser mon argent, vais-je d'abord penser à la sécurité et au multiculturalisme ou plutôt à un endroit facilement accessible qui me propose quelque chose de différent, que je ne peux pas faire à la maison, et qui offre des attraits amusants pour mes enfants et de bons restaurants?
C'est la raison pour laquelle je vous pose cette question. C'est facile pour l'industrie touristique de blâmer les compagnies aériennes, mais je pense que le véritable problème se situe bien au-delà de l'achat du billet d'avion. Si nous étions tous sur un pied d'égalité, je vous l'accorde, les coûts seraient problématiques. Cependant, qu'en est-il si ce n'est pas le cas?
M. Goldstein : Tout ce que vous dites est vrai. Il faut reconnaître que nous sommes situés juste à côté des États-Unis, qui est une destination de choix pour les voyages internationaux.
Afin de régler quelques-uns des problèmes que vous soulevez, la Commission canadienne du tourisme a lancé il y a environ un an la campagne Collection d'expériences distinctives. Il s'agit d'une série d'expériences individuelles de voyage au Canada qui nous démarquent d'autres destinations. C'est une avenue à ne pas négliger, car les touristes d'outre-mer prêts à dépenser abondamment sont toujours en quête d'expériences nouvelles.
Le sénateur Eaton : Comme nous tous quand nous voyageons.
M. Goldstein : Dans les sondages menés à l'échelle planétaire sur les destinations envisagées, nous avons terminé premiers au cours des deux dernières années. Nous avons toujours été parmi les trois ou quatre destinations privilégiées. Malheureusement, nous sommes 15e au chapitre des arrivées internationales. Il y a un problème de conversion entre les attentes suscitées par notre image touristique et le processus décisionnel menant à la réservation du voyage. C'est là qu'interviennent les problèmes d'accès comme la difficulté à obtenir un visa pour venir au Canada.
Le sénateur Eaton : On pourrait dire la même chose des États-Unis où il est également difficile d'obtenir un visa. Pourquoi alors les États-Unis n'ont-ils pas perdu de terrain?
M. Goldstein : Au cours des deux dernières années, nous avons réalisé au Canada des progrès considérables quant à l'octroi du visa en réduisant notamment les taux de refus. Dans le cadre de la Stratégie fédérale en matière de tourisme, le ministre Kenney s'est employé en priorité au cours des derniers mois à régler quelques-unes de ces questions. Nous améliorons notre position concurrentielle, mais le coût du billet d'avion pour venir au Canada demeure trop élevé.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie pour votre mémoire, que je qualifierais de très pessimiste. Croyez-vous vraiment que l'offre de l'industrie touristique canadienne est influencée par la valeur du dollar?
M. Goldstein : La valeur du dollar masque les défis structurels d'avant la parité avec le dollar américain. La politique dans le secteur aérien a été créée alors que le dollar valait environ 65 cents et cela a changé le modèle de compétitivité.
La concurrence du Canada a été améliorée par la faiblesse du dollar canadien, mais cette situation a masqué des problèmes structurels. Maintenant que le dollar a repris de la force, nous sommes forcés à évaluer ces problèmes structurels.
[Traduction]
Nous avons subi des pertes considérables au cours de la dernière année, mais pas nécessairement pendant la période où notre dollar valait moins que la devise américaine.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Il y a des pays très concurrentiels dans le domaine touristique, la France entre autres. Depuis l'introduction de l'euro, en 2002, les coûts en tourisme ont augmenté considérablement, cependant, malgré cela, la France s'est maintenue en tête de peloton, touristiquement parlant. Je comprends que l'offre de service, la structure est déficitaire, que la faiblesse du dollar nous a beaucoup aidés, nous a même aveuglés sur le plan industriel, mais la France, malgré la force de l'euro, n'a jamais perdu sa première place dans le domaine touristique. Ils ont certainement une stratégie pour retenir le tourisme que nous n'avons pas?
[Traduction]
M. Goldstein : Je vais vous répondre en trois volets. Premièrement, ils avaient effectivement une stratégie. Deuxièmement, la devise a toujours posé problème, mais pas de façon marquée; ce n'est qu'une des nombreuses difficultés à surmonter. Troisièmement, comme le soulignait le sénateur Eaton, la France constitue en quelque sorte l'étalon or en matière de produit culturel. Ce pays a une image de marque très bien définie. Il faut se réjouir du fait que le Canada a maintenant une stratégie en matière de tourisme. Nous nous attaquons ainsi à des problèmes que des pays comme la France et l'Allemagne ont déjà réglés. La question de la devise sera toujours problématique dans un sens ou dans l'autre, mais nous n'avons aucun contrôle sur cet aspect. Nous pouvons seulement faire en sorte que les risques de fluctuation de la devise ne viennent pas exacerber les problèmes stratégiques ou structurels qui minent le marché.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Nous constatons un déclin de l'industrie touristique, c'est évident, mais ce déclin est-il proportionnel aux investissements dans l'industrie?
Au Canada, depuis dix ans, les grands projets touristiques, les investissements majeurs en termes de tourisme, je n'en vois pas. Alors qu'en France, aux États-Unis, il y a eu des investissements majeurs dans les produits d'attraction nouvelle mode. Je comprends qu'on peut mettre la faute sur le gouvernement ou sur les compagnies aériennes, mais l'industrie du tourisme elle-même, combien a-t-elle investi au cours des 10 dernières années pour maintenir sa compétitivité, comme l'industrie automobile l'a fait, ainsi que l'industrie manufacturière?
[Traduction]
M. Goldstein : J'aimerais bien que nous puissions recevoir l'aide qui a été offerte à l'industrie automobile, mais, plus sérieusement, la réponse réside dans l'accès au capital. Le capital est une ressource mobile qui va là où les chances de réussite sont les meilleures. Lorsque les investisseurs voient des chiffres comme ceux que nous avons devant nous, surtout les investisseurs internationaux...
Le sénateur Boisvenu : Ils vont voir ailleurs?
M. Goldstein : Sans vouloir pointer du doigt qui que ce soit, lorsqu'une entreprise comme Fairmont qui construit des hôtels partout sur la planète doit décider si elle va investir 50 millions de dollars pour rénover ses hôtels au Canada ou 50 millions de dollars en Malaisie ou en Chine, il est clair que le rendement du capital est plus intéressant dans ces autres marchés, tout au moins tant que nous n'aurons pas changé nos politiques publiques. L'issue devient inévitable lorsque nous instaurons un modèle stratégique et réglementaire qui ne favorise pas les investissements nécessaires au renouvellement de notre produit touristique.
Notre association compte d'excellents entrepreneurs qui lancent de nouveaux produits sur le marché. Le sénateur Doyle et moi-même discutions d'ailleurs de quelques-unes des initiatives semblables dans sa province. L'infrastructure globale doit créer un environnement propice aux investissements au Canada. C'est ce qui nous manque.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : À la page 9 de votre document, vous recommandez de procéder à un examen exhaustif de la structure des coûts. Ne croyez-vous pas que cette démarche incite à minimiser les réels problèmes dans votre industrie? C'est plus que cela. Je ne crois pas que, en revoyant la structure des coûts de l'entreprise aéroportuaire, on va régler tous vos problèmes. L'industrie a un effort à faire, le gouvernement aussi, sans doute, et les compagnies aériennes.
[Traduction]
C'est un grave problème.
M. Goldstein : Oui. Nous avons mis l'accent sur cet aspect de la problématique étant donné l'étude menée par votre comité. Tout le système doit être amélioré du point de vue de la commercialisation, de l'accès et du produit. Nous avons travaillé sur ce dossier avec différents ministres. Le plan est énoncé clairement dans la Stratégie fédérale en matière de tourisme. Vous n'en êtes pas nécessairement conscients, mais pas moins de 15 ministères et organismes fédéraux ont un impact sur les politiques du secteur touristique. Citons par exemple les Services frontaliers des douanes, Parcs Canada et l'Agence du revenu du Canada pour la TPS et la TVH. La Stratégie fédérale en matière de tourisme récemment mise de l'avant par le gouvernement a pour avantage important de créer un forum où ces 15 entités sont réunies à la même table de telle sorte que l'on cesse, il faut l'espérer, d'établir des politiques en vase clos.
Vous avez raison de dire qu'il ne s'agit que de l'un des engrenages du mécanisme. Je ne voudrais pas que vous partiez d'ici en pensant que c'est notre seul défi.
[Français]
Le président : Merci, monsieur Goldstein. Je voudrais inviter les membres du comité à participer à un caucus du tourisme qui se réunit environ à tous les deux mois.
[Traduction]
Il s'agit de rencontres très intéressantes où l'on examine la situation dans son ensemble. Le ministre responsable du tourisme a témoigné lors du dernier caucus. Je crois qu'il y en a un autre dans deux semaines. Si des sénateurs sont intéressés, je pourrai leur transmettre l'information.
C'est très important, car on n'arrive pas vraiment à donner à l'industrie le coup de pouce dont elle a besoin. Bien des gens sont préoccupés par l'avenir du tourisme au Canada, mais personne ne semble capable d'intervenir concrètement.
Le sénateur Eggleton : Il n'y a pas très longtemps que j'ai joint les rangs de ce comité et que je participe à cette étude sur le transport aérien. Je sais toutefois que vous avez comparu ici l'an dernier. Depuis lors, la Stratégie fédérale en matière de tourisme a été rendue publique en octobre. Dans quelle mesure cette stratégie a-t-elle changé la donne? A-t- elle permis de régler quelques-uns des problèmes qui empêchent le Canada de grimper sur la liste des pays les plus visités?
M. Goldstein : Même avant l'annonce de la stratégie, nous avons commencé à observer un changement structurel au sein du gouvernement fédéral. Dès 2009, le premier ministre annonçait le cadre de la Stratégie fédérale en matière de tourisme. Différentes étapes ont dont mené à cette annonce.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, le plus difficile a été d'asseoir les 15 ministères et organismes à la même table. Il n'y a pas de lobby anti-tourisme. C'est un secteur bénéfique qui a des retombées dans toutes les circonscriptions de notre pays. De très importants progrès ont été réalisés grâce â l'instauration d'une approche pangouvernementale et à la tenue de deux rencontres des sous-ministres adjoints de différents ministères.
Nous avons par exemple assisté à un changement de culture à Immigration Canada. L'activité économique générée par les visiteurs ne figurait pas au rang des priorités de ce ministère, mais on y accorde désormais plus d'importance et de nombreuses mesures ont été prises au cours des 18 derniers mois pour régler les problèmes liés aux demandes de visa.
Avant même l'annonce de la Stratégie fédérale en matière de tourisme, deux annonces faites simultanément l'an dernier lors de la visite du premier ministre au Brésil auguraient d'un avenir meilleur. L'une concernait la libéralisation du transport aérien alors que l'autre traitait de l'ouverture de centres de traitement pour les visas.
Pour revenir aux questions de commercialisation, d'accès et de produit, la Commission canadienne du tourisme a commencé à faire de la publicité au Brésil pour stimuler la demande, mais il était difficile d'obtenir un visa et de trouver du transport aérien à des prix concurrentiels. Dans ce dernier cas, il faudra un certain temps maintenant que nous avons conclu un accord de libéralisation, mais les centres de traitement des visas constituent déjà une amélioration considérable. Voilà des exemples concrets de collaboration entre les ministères dans le cadre de la stratégie pour cerner et régler quelques-uns des problèmes les plus simples. Il faut espérer que les questions plus complexes dont nous discutons ici pourront aussi être solutionnées d'ici un an ou deux.
Dans les mois qui ont mené à l'annonce de la stratégie comme par la suite, nous avons pu constater des progrès importants. Comme l'indiquait votre collègue, il reste encore à régler bien des questions qui touchent l'ensemble du gouvernement fédéral.
Le sénateur Eggleton : Les problèmes liés à la structure de coûts du transport aérien et aux loyers des aéroports n'ont pas encore été réglés, mais pourraient l'être à l'intérieur de ce cadre?
M. Goldstein : Oui, et comme je l'indiquais précédemment, vos collègues du Comité des finances ont reconnu que c'était problématique. Je crois que l'exode massif de Canadiens vers les aéroports des États-Unis montre bien qu'il y a un problème structurel auquel on commence à s'attaquer dans les hautes sphères stratégiques.
Le sénateur Eggleton : Permettez-moi d'extrapoler relativement à l'examen détaillé que vous recommandez. Si cet examen conclut, comme vous l'avez fait, que les loyers aéroportuaires, lesquels ne s'appliquent que dans très peu de pays, constituent un important facteur de coût rendant l'industrie non concurrentielle, quelle sera la solution? Faudra- t-il se débarrasser de ces loyers, les capitaliser sur une longue période, comme l'un des aéroports l'a déjà suggéré, ou ouvrir les portes de l'industrie en permettant à des entreprises étrangères de venir assurer la liaison entre les villes canadiennes pour livrer ainsi concurrence à Air Canada, WestJet et Porter?
Y a-t-il des options que vous privilégiez?
M. Goldstein : Ce sont toutes des options envisageables, mais nous avons des accords permettant des échanges plutôt libres avec les régions du monde où nous sommes actifs, comme l'Europe de l'Ouest, les États-Unis et l'Amérique du Sud.
Le meilleur exemple récent que je pourrais vous donner est celui de l'entreprise américaine Virgin qui a amorcé il y a environ un an une liaison aérienne entre Los Angeles et Toronto. Il en est résulté une concurrence qui a fait baisser les prix. Air Canada a réagi en ajoutant des vols dans le même marché, mais Virgin a cessé d'offrir ce service parce qu'il lui coûtait trop cher de faire atterrir ses avions. Étant donné notre structure de coûts d'atterrissage trop dispendieuse, nous perdons le marché des transporteurs à bas prix.
Le sénateur Eggleton : Nous avons reçu la semaine dernière un professeur de l'école Rotman de gestion de l'Université de Toronto. Il nous a présenté des graphiques indiquant que notre situation était assez semblable à celle des États-Unis pour ce qui est des taxes additionnelles et des frais de sécurité. La différence se situe dans la part de ces frais que les entreprises aériennes refilent aux consommateurs dans le prix du billet.
Il ne pouvait toutefois nous dire quelle proportion de ces coûts additionnels était attribuable aux loyers aéroportuaires. Êtes-vous mieux renseigné? Pouvez-vous nous répondre à ce sujet?
M. Goldstein : Le loyer des aéroports n'est pas notre seul problème. Il y a toute une série de taxes et de frais qui se cumulent pour faire grimper le coût des billets. Si nos moyens nous le permettaient et si nous décidions d'en faire une priorité concurrentielle en renonçant à l'ensemble de ces taxes et de ces frais, ce n'est pas tellement la baisse de 7 ou 8 $ du prix du billet qui ferait une différence. Ce serait davantage l'effet incitatif auprès des autres transporteurs aériens qui pourraient créer une véritable concurrence sur le marché canadien et réduire ainsi le coût des billets. C'est ce qui fait défaut actuellement. Pour des considérations d'ordre économique, les transporteurs ne franchissent plus notre frontière avec les États-Unis. Et ce n'est pas seulement parce que l'aéroport de Bellingham est magnifique. Seule bonne nouvelle, notre infrastructure aéroportuaire se classe au premier rang au monde. C'est grâce aux politiques mises en place il y a 15 ans que nous sommes parvenus à ce résultat, mais notre structure de coûts a malheureusement pour effet d'entraver la concurrence sur le marché.
Nous avons même pu le constater dans une mesure plus restreinte à l'intérieur même du Canada. Si on prend l'exemple de Terre-Neuve, l'ajout de liaisons aériennes stimule la concurrence. Maintenant que WestJet et Porter desservent St. John's, on commence à voir la concurrence s'intensifier, comme c'est le cas dans le nord de l'Ontario où les avions de Porter atterrissent à Sudbury et ailleurs. La concurrence entraîne une baisse des prix. Il s'agit de savoir comment nous pouvons amener davantage de concurrence au Canada.
[Français]
Le sénateur Verner : Dans un autre ordre d'idées, j'ai dans mes notes un communiqué de presse émis en 2010 par la Coalition nationale du voyage et du tourisme, coalition à laquelle vous vous êtes joints pour un livre blanc énonçant une série de mesures concernant la concurrence internationale.
Dans la fiche d'information se trouvent une série de recommandations. Avez-vous produit un estimé des coûts des différentes mesures que vous demandez au gouvernement? Je vous dis ça parce qu'on est à l'aube d'un budget qui va devoir tenir compte de restrictions budgétaires importantes et d'une situation économique fragile. Y a-t-il une quantification des différentes mesures proposées qui sont tout de même nombreuses?
M. Goldstein : Je n'ai pas ces renseignements avec moi mais je peux les faire parvenir au comité.
[Traduction]
Les loyers aéroportuaires s'élèvent effectivement à 300 millions de dollars par année. Nous pouvons dégager les différents coûts des intrants dans le système. Dans certains cas, nous pouvons influer sur ces coûts; pour d'autres, nous sommes impuissants. Certains éléments relèvent en effet de considérations stratégiques ou de la volonté du gouvernement fédéral d'intervenir ou non.
La politique actuelle consiste essentiellement à refiler tous les coûts à l'utilisateur final, soit le consommateur. Parmi les pays du G20, le Canada est le seul où le client doit faire les frais de tous les coûts associés à la sécurité. Dans la plupart des pays, l'État assume une partie de ces frais en considérant qu'ils visent le bien public.
Notre structure de coûts est effectivement fondée sur le principe voulant que la plus grande partie des frais soient refilés à l'utilisateur final. C'est notamment le cas pour toute l'organisation de NAVCAN, notre système de navigation aérienne. Je ne veux surtout pas dire que NAVCAN ne fait pas du bon travail et que la sécurité ne fait pas partie de nos responsabilités premières, mais nous avons l'une des structures de coûts les plus dispendieuses au monde pour la navigation, et tous ces coûts sont imposés aux clients par l'entremise des compagnies aériennes et des aéroports.
Nous allons répondre par écrit au comité relativement aux différents éléments de coût. Dans le document auquel vous faites allusion, nous avons procédé à l'analyse des coûts, mais aussi des pertes pour l'économie canadienne du fait de notre quinzième rang mondial alors que nous pourrions être neuvièmes. Nous avons aussi procédé à une analyse assez détaillée des pertes fiscales pour le trésor fédéral et les provinces en raison des activités commerciales perdues.
[Français]
Le sénateur Verner : Dans le contexte où on devrait pouvoir faire des choix, quelles seraient les deux mesures les plus importantes que vous aimeriez voir réaliser?
[Traduction]
M. Goldstein : Au sein de la structure de l'aviation ou dans l'ensemble de l'industrie touristique?
Le sénateur Verner : Dans l'ensemble.
M. Goldstein : Pour l'ensemble de l'industrie, l'un de nos deux principaux problèmes résulte du financement insuffisant de la Commission canadienne du tourisme. Nous sommes au vingtième rang mondial pour ce qui est des ressources affectées à la commercialisation internationale. Pour revenir à la question posée par le sénateur Eaton, nous obtenons de bons résultats compte tenu des sommes que nous dépensons, mais le manque de ressources et de financement pour la commercialisation à la disposition de la Commission canadienne du tourisme fait partie des grands enjeux pour nous. En second lieu, il y a le problème de la compétitivité des coûts. Dans le secteur de l'aviation, il faut considérer que la plus grande partie des frais de sécurité et des loyers aéroportuaires sont refilés directement aux clients via le prix du billet. Je crois que vous avez tous pu constater que même un billet gratuit dans le cadre d'un régime comme Aéroplan finit par vous coûter quelque chose comme 150 $ parce que vous devez payer l'ensemble de ces frais et de ces taxes. C'est à ce chapitre que nous cherchons des solutions.
Le sénateur Eaton : Vous avez dit qu'il nous fallait d'abord travailler sur notre image de marque ou notre vision, et je suis d'accord, d'où l'importance extrême de nos investissements en faveur de la commercialisation. Je n'essaie pas de protéger les compagnies aériennes, car elles pourraient être plus concurrentielles qu'elles le sont actuellement, mais s'il est effectivement moins onéreux de prendre l'avion à destination d'autres pays du monde, votre séjour peut vous coûter plus cher une fois rendu là-bas. Prendre le petit déjeuner au Royaume-Uni vous coûtera le prix d'un souper au Canada. Il faut être prudent lorsqu'il est question des coûts d'accès, car nous savons qu'une fois rendu dans ce pays de la zone euro, tout sera plus cher qu'au Canada.
M. Goldstein : Mes administrateurs ne vont pas vraiment apprécier mon commentaire, mais lorsque j'ai décidé d'aller en Italie avec mon épouse l'an dernier, je ne me suis pas vraiment préoccupé du cours de l'euro. Je voulais seulement visiter l'Italie avec ma femme. Les gens prennent ces décisions en fonction de tout un éventail de facteurs.
Le sénateur Eaton : Vous n'avez pas choisi d'emmener votre épouse en Italie parce que les aéroports y sont merveilleux ou parce que c'est sécuritaire.
M. Goldstein : Non, mais j'ai une histoire intéressante à vous raconter sur ce voyage. Cela vous donnera une idée du contexte concurrentiel dans lequel nous vivons. La connectivité des vols est une des raisons qui ont influencé ma décision. L'aéroport d'Ottawa travaille en étroite collaboration avec Air Canada afin d'offrir un vol quotidien vers Frankfort, ce qui ouvre de nombreuses possibilités de correspondance pour les voyageurs. Cela permet d'avoir des correspondances plus faciles en Europe, ce qui n'était pas le cas auparavant. Il fallait plutôt se rendre à Montréal, à Toronto, à Plattsburgh ou ailleurs.
Les consommateurs utilisent de plus en plus Internet pour acheter leurs billets d'avion. Les algorithmes utilisés par ces sites Web tiennent compte des temps de correspondance. Cela permet au consommateur d'avoir accès à des vols moins chers, plus rapides et plus avantageux. J'ai fait mes études universitaires en science politique, et non en mathématique. Mais, je peux vous dire que, si nous n'adoptons pas ces algorithmes, si nous n'offrons pas ces possibilités aux consommateurs, nous perdrons beaucoup de clients.
Mme Foster effectue pour moi des analyses en prévision d'une conférence au cours de laquelle je dois prendre la parole la semaine prochaine, au Nunavut. Pour se rendre au Nunavut, il est plus économique de prendre un vol de Toronto vers Reykjavik. Ça, c'est un problème de transport aérien. Je ne dis pas que cette composante permettra d'éliminer tous les obstacles, mais c'est un pas essentiel dans la bonne direction. Le prix n'est pas la seule chose importante.
Le sénateur Merchant : Je suis heureux que vous ayez soulevé la question de la connectivité, car j'habite à Regina. Lorsque votre vol est en partance de Toronto ou de Montréal, vous ne réalisez pas à quel point la connectivité des vols est importante pour quelqu'un qui vient de Regina ou de Saskatoon. Nous passons beaucoup de temps dans les aéroports. Même si je quitte Ottawa le jeudi pour me rendre à Regina, peu importe l'heure à laquelle je décide de partir, il m'est impossible d'avoir un vol avant 22 heures. Je peux donc passer de quatre à cinq heures à l'aéroport. Lorsqu'il est question de vols internationaux, cela a un impact considérable.
Nous avons abordé brièvement la restructuration de l'industrie aéronautique. Vous avez parlé de la concurrence sur le prix des billets et de la restructuration de tous les autres droits supplémentaires. Pourriez-vous comparer certains aéroports internationaux avec les aéroports canadiens, par exemple, ceux de Hong Kong, de Frankfort ou de Los Angeles? Pourriez-vous nous donner deux ou trois chiffres? Comme de nombreux autres témoins, vous avez mentionné les loyers des aéroports. Dites-nous d'abord combien il en coûte en tout à un voyageur, outre le prix de son billet d'avion, pour que son avion atterrisse à un aéroport. Vous pourriez ensuite nous donner des chiffres en ce qui a trait à la sécurité, car c'est un autre sujet qui a été soulevé. J'ignore comment cet aspect se compare d'un aéroport à l'autre. Peut-être pourriez-vous encore une fois nous donner les loyers des aéroports. Avant de restructurer les coûts et de les réunir, il faut d'abord les analyser séparément pour déterminer les changements à apporter.
M. Goldstein : Nous pourrions certainement faire parvenir cette information par écrit au comité. J'aimerais simplement ajouter qu'il n'y a pas de solution universelle. Les défis auxquels sont confrontés les aéroports de Toronto, de Montréal ou de Vancouver sont différents de ceux des aéroports d'Halifax, d'Ottawa, de St. John's ou de Regina. Même si notre politique actuelle est modulable, c'est-à-dire qu'elle comprend des sections qui s'appliquent aux grands aéroports comme aux petits aéroports ou même aux très petits, toute nouvelle politique doit être également modulable en fonction des réalités de chaque marché desservi, peu importe la taille de l'aéroport.
Je sais que je vais faire réagir le sénateur Mercer, mais je dirais que l'aéroport d'Ottawa est plutôt bien administré. Je suis impatient d'entendre vos questions et vos commentaires à ce sujet, sénateur Mercer. Du point de vue de la structure de coûts, je crois que les administrateurs ont fait du bon travail dans les circonstances. C'est une des raisons pour lesquelles l'aéroport peut attirer certains vols internationaux, chose que les marchés secondaires n'arrivent pas nécessairement à faire.
Nous communiquerons au comité les données concernant la structure de coûts et les comparaisons entre les aéroports de différentes tailles, car ils ne sont pas tous pareils.
Le sénateur Merchant : Y a-t-il des leçons à tirer des autres aéroports ou est-ce, comme vous le dites, une question de taille? Peut-être qu'on ne peut pas faire de comparaisons.
M. Goldstein : Certains pays non démocratiques traitent leurs aéroports de façon différente. Ils n'ont pas à décider entre les soins de santé et l'économie touristique. Ils s'attaquent délibérément à l'économie touristique mondiale en s'appuyant sur leur propre politique publique. Ce n'est donc pas un accident si des pays développés comme le Canada se retrouvent en queue de peloton. Malheureusement, le Canada se classe bon dernier. À mon avis, nous n'arriverons jamais à concurrencer certains de ces pays. Toutefois, parmi les pays du G20 ou du G8, nous devrions être plus concurrentiels. J'espère que les renseignements que nous vous fournissons permettront de vous résumer la situation.
Le sénateur Merchant : Certains des aéroports que j'ai mentionnés, comme LAX, Kennedy, Heathrow ou Francfort, se trouvent dans des pays comparables au nôtre. Ils ne se trouvent pas dans des pays comme ceux dont vous parlez.
M. Goldstein : La politique publique américaine est très différente de la nôtre. Les Américains considèrent leurs aéroports comme des moteurs économiques, alors que nous, nous considérons les nôtres comme des postes de péage. Les États-Unis ont pris une décision en matière de politique publique, soit d'encourager un style d'investissement différent. Pour accroître leurs revenus, les aéroports s'appuient, entre autres, sur les droits. Donc, il y a les loyers. À cela s'ajoutent les frais d'améliorations aéroportuaires. LAX ne paie pas de loyer et profite d'une structure de prêts différente, que ce soit des obligations municipales ou autres mécanismes. Les administrateurs ont donc accès à des capitaux qui leur permettent d'améliorer les infrastructures de l'aéroport. C'est un modèle qui diffère beaucoup du nôtre. Nous serons heureux de vous faire parvenir des données comparatives sur le sujet.
Le sénateur Doyle : De nombreux facteurs influencent le prix d'un billet d'avion, et ces facteurs peuvent avoir un effet dissuasif sur les voyageurs. Les associations touristiques ont parlé des frais. La semaine dernière, le PDG de l'Association du transport aérien international, qui représente la plupart des transporteurs aériens internationaux, s'est montré critique à l'endroit du gouvernement et, entre autres, des taxes élevées. Transports Canada a réagi en disant que le loyer des aéroports ne représente qu'environ 1 p. 100 du prix d'un billet d'avion. Vous avez également souligné que le Forum économique mondial a octroyé la première position au Canada en ce qui a trait à la qualité des infrastructures.
Que pouvons-nous faire pour conserver notre réputation sur la scène internationale? Évidemment, les loyers élevés jouent un rôle important dans le maintien des infrastructures, mais il faut aussi être conscient des problèmes que soulèverait une baisse des frais. Y a-t-il un juste milieu?
M. Goldstein : Oui, il y a un juste milieu. Ce que nous tentons de faire valoir, c'est que les frais ne représentent pas la majeure partie du prix d'un billet. C'est le manque de concurrence causé par les droits qui pousse le prix des billets à la hausse. Nous avons remarqué une baisse des tarifs dans les marchés où la concurrence est plus vive. Afin d'encourager la concurrence, nous devons créer un environnement qui inciterait les autres transporteurs aériens à pénétrer ces marchés. C'est particulièrement important pour les marchés secondaires du Canada où il commence tout juste à y avoir une certaine concurrence entre les transporteurs intérieurs.
Par souci de transparence, je tiens à préciser qu'Air Canada, WestJet et Porter sont tous membres de notre association. Je crois que nous sommes la seule association qui regroupe tous ces transporteurs, ainsi que les aéroports et les organisations de marketing de destinations, comme celles de Terre-Neuve-et-Labrador. C'est dans cette province que l'on retrouve un modèle de coopération. Si je ne m'abuse, vous avez souligné plus tôt que St. John's en est un très bon exemple. On y a fait beaucoup de progrès au chapitre de l'accessibilité, car le gouvernement provincial et l'industrie de la province ont travaillé avec Air Canada, Jazz, Porter et WestJet, et aujourd'hui, ces transporteurs desservent tous l'aéroport de St. John's. Il y a un meilleur équilibre. Toutefois, les transporteurs à faibles coûts européens qui devraient avoir St. John's ou Gander comme destination brillent encore par leur absence.
Il y aura toujours des voyages d'affaires. C'est un des secteurs qui ont été le moins touchés par la dernière récession. L'impact a été moins important, car ceux qui doivent se déplacer pour affaires, notamment dans le secteur pétrolier et gazier, continuent à le faire, peu importe le prix des billets, car l'élasticité de la demande est plutôt faible. Ce sont davantage les voyages d'agrément ou les voyages pour assister à des congrès qui sont affectés par la hausse des prix. L'accessibilité aide à ce chapitre.
Le sénateur Doyle : Le secteur du tourisme est-il bien représenté au sein des conseils d'administration des aéroports?
Adrienne Foster, gestionnaire, Recherche et politiques, Association de l'industrie touristique du Canada : Le Conseil des aéroports du Canada a récemment mené une étude sur la composition des conseils d'administration. Celle-ci a permis de découvrir que 40 p. 100 des membres des conseils ont déjà travaillé dans l'industrie aéronautique. Nous pourrons vous faire parvenir des détails en ce qui a trait aux OMD.
M. Goldstein : Nous vous ferons parvenir les détails nécessaires, mais je sais que les dirigeants des offices du tourisme locaux et des centres de congrès locaux siègent au conseil d'administration de certains aéroports. Encore une fois, je suis impatient d'entendre les commentaires du sénateur Mercer, car l'aéroport d'Ottawa est un bon exemple. Les dirigeants du centre des congrès et de l'office du tourisme ainsi que plusieurs gens d'affaires du secteur touristique siègent au conseil d'administration de l'aéroport Macdonald-Cartier. À notre avis, le secteur touristique y est bien représenté. Il serait peut-être utile, dans le cadre de cette étude, d'analyser les modèles de gouvernance afin de déterminer si la représentation est adéquate. Nous vous ferons parvenir des chiffres précis à ce sujet.
Le sénateur MacDonald : Monsieur Goldstein, je suis heureux de vous revoir. Comme vous pouvez vous l'imaginer, de nombreux témoins sont venus nous parler des loyers des aéroports et des droits ainsi que de leur impact sur les coûts et l'achalandage. Je suis convaincu que l'industrie touristique nous dirait la même chose. Cependant, je préfère m'adresser à vous en ce qui a trait au tourisme, puisque j'œuvre dans ce secteur depuis maintenant 24 ans.
J'aurais quelques questions à vous poser. Premièrement, quelle est la relation entre l'AITC et la Commission canadienne du tourisme? À quoi ressemble leur collaboration?
M. Goldstein : Nous travaillons en étroite collaboration avec la Commission canadienne du tourisme. Sans vouloir être insolent, je dirais que leur travail consiste à vendre le Canada au reste du monde, alors que mon travail consiste à vendre le Canada au gouvernement fédéral. Nous sommes l'organisme de pression qui représente le secteur privé avec lequel nous travaillons étroitement et pour lequel nous administrons les salons professionnels. Nous sommes en quelque sorte le lien entre la CCT et l'industrie elle-même. Nous avons une bonne relation de coopération.
Le sénateur MacDonald : Depuis une dizaine d'années, il est question de déménager la Commission canadienne du tourisme à Vancouver. Qu'en pensez-vous? Est-ce une bonne idée? Ne devrait-elle pas plutôt être située dans la capitale nationale? Est-ce que son emplacement a une incidence sur ses activités?
M. Goldstein : Merci pour cette question facile. Je crois qu'il est bien d'avoir des sociétés d'État réparties un peu partout au pays. Toutefois, avant de déménager une société d'État, il faudrait peut-être s'interroger sur son rôle.
Certains diront que notre principale organisation de marketing a été déménagée à Vancouver à l'époque où les Olympiques et l'Asie du Pacifique constituaient des priorités. J'aurais pu tout aussi bien avancer que, puisque la plupart des sociétés de marketing se trouvent soit à Montréal, soit à Toronto, il aurait probablement été plus judicieux de déménager notre principale organisation de marketing, la CCT, dans une des ces villes.
Mais, voici où nous en sommes. Ce déménagement a entraîné des pertes de 25 millions de dollars. Je préfère qu'aucune autre somme ne soit dépensée pour déménager de nouveau l'organisation. On aurait pu utiliser cet argent pour faire plus de publicité pour le Canada.
Le sénateur MacDonald : S'il y a une chose que je connais bien, ce sont les circuits de circulation et la provenance des voyageurs. Dans les années 1990, nous avions beaucoup de touristes américains en raison du faible dollar canadien. J'ai remarqué que, dernièrement, ceux-ci sont considérablement moins nombreux. Par contre, le nombre de touristes européens, ceux qui viennent ici par avion, a légèrement augmenté.
Je comprends que les loyers des aéroports constituent un obstacle, mais je ne crois pas qu'ils représentent un problème pour l'industrie touristique canadienne. Le gros problème de cette industrie, c'est que nous avons perdu les touristes américains qui venaient ici en voiture. Nous sommes passés de 20 millions à 16 millions de touristes. Les quatre millions de touristes de moins ne venaient pas au pays par avion, mais bien par voiture. Que font la Commission canadienne du tourisme et l'AITC pour récupérer ce marché? Ce devrait être le marché le plus facile à retrouver.
M. Goldstein : Vous avez raison. Je crois qu'il s'agit d'un problème à deux volets. Je suis d'accord avec vous que la diminution de l'achalandage américain a été la perte la plus importante. Cela est dû en partie au dollar canadien, mais aussi à la situation aux postes frontaliers depuis les attentats du 11 septembre.
Pour répondre à votre question, nous avons beaucoup travaillé avec le groupe de travail Par-delà les frontières. Nous sommes la première organisation à avoir fait une présentation bilatérale avec la U.S. Travel Association. Selon nous, la meilleure chose qui pourrait arriver pour l'industrie touristique canadienne serait un retour à la normale aux postes frontaliers.
Cela dit, de plus en plus de voyageurs, que ce soit de l'Europe ou des marchés émergents, viennent au Canada par avion. Il est vrai qu'à ce chapitre, nous connaissons une croissance de près de 2 p. 100 par année, ce qui est bien étant donné l'économie actuelle. Toutefois, à l'échelle mondiale cette année, le nombre de ces voyageurs est passé de 6 à 6,5 p. 100. Nous n'obtenons pas notre part du marché, notamment en ce qui concerne ceux qui voyagent pour affaires. Je crois qu'il s'agit d'un problème à deux volets.
Nous avons été formés de façon à travailler avec le gouvernement afin de trouver une solution à la situation aux postes frontaliers. Je crois que, sur ce plan, nous faisons des progrès modestes.
Le sénateur MacDonald : Vous avez dit plus tôt que, selon vous, les campagnes publicitaires de la Commission canadienne du tourisme étaient bonnes et efficaces, et pourtant, le nombre de touristes a baissé de quatre millions au cours de la dernière décennie. Je serais curieux de connaître les critères que vous utilisez.
M. Goldstein : La CCT investit principalement dans les marchés émergents, et c'est là que nous notons la plus importante croissance. L'an dernier, le nombre de voyageurs en provenance de la Chine a augmenté de 24 p. 100, et nous avons également constaté une augmentation du nombre de voyageurs en provenance du Brésil. Malheureusement, en raison de son budget limité, la commission a dû prendre une décision entre investir une petite somme pour faire de la publicité aux États-Unis ou utiliser la majorité de ses fonds pour solliciter les marchés émergents. C'est la stratégie qu'elle a adoptée et les résultats sont concluants.
Les principales provinces qui font de la promotion aux États-Unis, comme Terre-Neuve, l'Alberta et d'autres, sont celles où la fréquentation des Américains commence à augmenter. Le nombre de voyageurs américains qui viennent en voiture stagne, mais ils sont plus nombreux à venir par avion.
Dans l'idéal, la Commission canadienne du tourisme serait financée au même niveau que la concurrence. L'Australie a dépensé 107 millions de dollars en promotion l'an dernier, tandis que nous avons investi 84 millions. C'est sans tenir compte de nos pertes éventuelles établies dans l'examen stratégique.
Le sénateur MacDonald : Mais c'est difficile de conduire pour se rendre en Australie.
M. Goldstein : La Grèce, qui a fait faillite, a dépensé 138 millions de dollars l'an dernier, parce que le gouvernement sait que le tourisme se traduit rapidement par une croissance économique. Je ne m'attends pas à ce que nous dépensions autant que la France ou certains autres leaders, mais toutes proportions gardées, nous devrions investir plus de 100 millions en publicité chaque année, mais ce n'est pas le cas.
Le sénateur MacDonald : Je veux terminer par un commentaire. C'est bien de savoir que les voyageurs américains sont un peu plus nombreux à venir par avion. Mais je ne pense pas du tout qu'il est sage de concentrer nos dépenses dans le transport aérien et de ne pas investir dans le transport terrestre.
M. Goldstein : C'est une question ardue. Compte tenu de ses ressources, la CCT a dû réfléchir mûrement avec de prendre ses décisions. Je ne pense pas que ses responsables voudraient revivre une telle situation.
Je pense que les provinces et les villes ont fait un excellent travail de promotion aux États-Unis. Rien n'est parfait, monsieur le sénateur. Je répète qu'à mon avis, si la CCT était financée au même niveau que la concurrence et qu'elle se concentrait sur les États-Unis, nous n'aurions pas de meilleurs résultats. Mais nous ne pouvons pas nier l'impact du resserrement des contrôles à la frontière et le fait que les États-Unis possèdent le moins de passeports par habitant de tous les pays du G20.
Jusqu'à ce que les déplacements entre les deux pays soient assez libres comme en Europe et avant le 11 septembre — tout en gardant les douanes et les contrôles —, il sera assez difficile de regagner une part du marché américain. C'est sans oublier la force du huard, les prix de l'essence et tous ces facteurs dissuasifs, mais le problème structurel demeure la frontière.
Le sénateur Merchant : Après les Jeux olympiques 2010 de Vancouver, nous étions convaincus que c'était la meilleure publicité possible pour le Canada. Y a-t-il eu plus de touristes grâce aux jeux?
M. Goldstein : J'ai constaté que le tourisme international a augmenté. Nous croyons que c'est une des raisons pour lesquelles notre image de marque est passée du troisième ou du quatrième rang au premier rang mondial. Les Jeux olympiques ont eu une énorme influence sur notre réputation. Les chiffres ne sont pas très révélateurs, dans la mesure où nous sortons toujours d'une des pires crises économiques de l'histoire occidentale, mais nous avons tenu le coup et nous avons assez bien réussi pour ce qui est des arrivées occidentales. Avons-nous fait tout notre possible pour profiter des retombées des Jeux olympiques? Nous pouvons sans doute prendre d'autres mesures. Les gens de Whistler vous diraient probablement que le tourisme ne s'est pas intensifié beaucoup. Toutefois, le Canada a énormément profité des Jeux en ce qui a trait à sa réputation.
Le sénateur Mercer : Je n'avais pas prévu prendre la parole ce matin, mais mon ami M. Goldstein m'a encouragé à le faire. Je ne voudrais décevoir ni lui ni M. Benoit, de l'aéroport d'Ottawa. Cet aéroport jouit d'une excellente réputation, il paraît très bien et il est propre, ouvert et moderne. Nous avons dit aujourd'hui que le Canada avait certaines des meilleures infrastructures au monde pour ce qui est des aéroports. Cependant, nous n'avons pas le meilleur service, notamment à l'aéroport d'Ottawa. Un de mes amis dirait à juste titre que c'est de la poudre aux yeux. Monsieur le président, le service s'est beaucoup amélioré depuis notre visite à l'aéroport d'Ottawa, lorsque je me plaignais du service de taxi et des longues files d'attente. Monsieur Benoit, si vous suivez la séance, sachez que c'est mon seul compliment.
Je veux revenir à la promotion. Le sénateur MacDonald a raison : le secteur du tourisme en Nouvelle-Écosse se fonde en grande partie sur les moyens de transport terrestre et, avant, c'était sur le traversier de Yarmouth. Toute une région de notre province a subi des contrecoups majeurs lorsque le traversier qui reliait cette ville à Bar Harbour a été mis au rancart. C'est pourquoi on ferme des installations touristiques qui étaient en activité durant la majorité de ma vie. Une des solutions, c'est la promotion. Je n'étais pas chaud à l'idée que le bureau de tourisme soit déplacé d'Ottawa à Vancouver. Je favorisais l'Est plutôt que l'Ouest, mais c'est mon travail de député.
Je pense que nous devons améliorer notre façon de faire de la promotion. Je ne connais pas les responsables, mais les publicités de Terre-Neuve-et-Labrador sont un très bon exemple. Elles nous donnent envie d'y retourner, et j'y suis allé à maintes reprises.
Que devons-nous faire pour que les gens se concentrent sur le besoin d'attirer plus de touristes? Au Canada, le marché des États-Unis était bien établi. Les Américains venaient en voiture, par avion, en bateau et, à certains endroits, par train. Nous savons ce qui est arrivé après le 11 septembre, surtout ceux dont la circonscription comptait des aéroports avec des centaines d'appareils cloués au sol durant des jours. Nous comprenons les enjeux, mais sur quoi devons- nous axer nos efforts? Il me semble que le plus dur, c'est d'obtenir un nouveau client, et que le plus facile, c'est de conserver un client de longue date. Je ne pense pas du tout que nous perdons notre temps, mais nous devons peut-être songer à de nouveaux marchés, entre autres dans les pays émergents. Nous devons revenir à l'essentiel. Les touristes américains viennent en voiture et dépensent beaucoup au Canada. Même si nous ne pouvons pas les forcer à se procurer un passeport, nous devons trouver une manière de faciliter leur venue et de rendre attrayante la perspective de voyager et de dépenser ici. Les Américains dépensent beaucoup lorsqu'ils voyagent et ils gardent à flot bon nombre de nos petites industries touristiques.
M. Goldstein : L'aéroport d'Ottawa a la chance ou la responsabilité d'être le seul à desservir tous les parlementaires et tous les décideurs au pays. Le travail effectué est beaucoup plus surveillé que dans la plupart des aéroports. Le service y est assez bon et il s'améliore.
La promotion aux États-Unis est un aspect important, mais l'accès aussi. Le resserrement des contrôles frontaliers depuis le 11 septembre a modifié les façons de voyager des nouvelles générations. Dans votre région, monsieur le sénateur, les Américains possèdent des résidences d'été depuis longtemps. Le voyage au Canada était presque un rite de passage annuel. Les Américains et les Canadiens ont très longtemps pensé que les déplacements sans entraves d'un côté à l'autre de la frontière étaient en quelque sorte un droit divin. Cette époque est révolue. Il n'y a pas de problème à revenir en arrière et à se demander ce qui aurait dû ou pu être fait après le 11 septembre et quels ont été les effets sur l'économie canadienne.
En réalité, je pense que Par-delà la frontière est une initiative bénéfique. Pour la première fois, nous commençons à parler des gens, pas seulement des marchandises. Après le 11 septembre, nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts à réfléchir à la façon de faire passer les marchandises à la frontière et sans doute pas assez de temps à la façon de faire traverser les gens. Concernant les programmes pour les voyageurs dignes de confiance comme NEXUS, le renforcement de NEXUS ou certaines mesures visant à faciliter les voyages terrestres auxquelles l'ASFC travaille, le président Obama et le premier ministre Harper ont compris que la question du commerce était plus vaste. Je pensais qu'il faudrait 15 ans après le 11 septembre pour qu'on s'en rende compte. Nous commençons à réaliser des progrès. Mais avant de parvenir à une structure plus normalisée aux douanes, ce sera difficile d'inciter les jeunes générations à faire comme les générations précédentes et à voyager au Canada.
Par exemple, c'est très frustrant pour les gens dans le nord de l'Ontario, où les entreprises liées à la pêche à Deerhurst, dans la région de Muskoka, profitaient énormément du marché américain. Nous devons aussi examiner ce que nous pouvons faire, comme l'a dit le sénateur Eaton.
Il faut réinvestir un peu dans notre produit pour attirer les voyageurs. Nous ne pouvons pas simplement espérer la libre circulation à la frontière. Le taux de change de 65 ¢ nous donnait un avantage naturel, mais c'était aussi un désavantage, parce que nous ne nous occupions pas des problèmes structurels et nous ne réinvestissions pas dans notre produit. Nous commençons à examiner la question, et c'est pourquoi j'aimerais terminer en parlant de Terre-Neuve-et-Labrador, l'exemple à suivre présentement au Canada.
Cette province a réglé les problèmes de marketing, d'accès et de produit. Elle a doublé ses dépenses de promotion, qui ont atteint 16 millions de dollars. Ses campagnes publicitaires sont superbes, mais la visibilité est importante. Le gouvernement s'est donné l'objectif d'attirer plus de visiteurs qu'il n'y a de résidents, soit environ 520 000. Il a atteint son objectif l'an dernier. Imaginez si nous avions le même.
Le sénateur Doyle : Malgré notre climat.
M. Goldstein : Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a doublé son budget de marketing et s'est penché sur les questions d'accès. Il y a un nouveau service de traversier et plus de compagnies aériennes qui desservent la province, comme Porter, WestJet et d'autres. Le gouvernement a amélioré son produit et ne fait plus seulement la promotion des pubs de la rue George. C'est une grande réussite à petite échelle. Si le Canada employait le même modèle et que notre objectif était de faire passer les arrivées internationales de 16,1 millions l'an dernier à 30 millions, nous pourrions facilement nous classer de nouveau au cinquième rang mondial.
Il y a toute une série de questions autres que l'accès au transport aérien, dont vous discutez aujourd'hui. Le marché américain est une question de frontière, et c'est celle qui me préoccupe le plus.
Le président : Je tiens à rappeler à mes collègues que, demain soir, nous recevrons Steve Desroches, maire suppléant de la ville d'Ottawa, et Scott Clements, PDG de la Fort McMurray Airport Authority.
Le dernier temps de parole va au sénateur Unger.
Le sénateur Unger : Quelle est la tendance pour les arrivées internationales en 2012?
M. Goldstein : Les données de Statistique Canada et de l'OMT devraient paraître dans deux ou trois semaines. Je pense que nous aurons reçu autant ou un peu plus de voyageurs internationaux et que nous conserverons le 15e rang.
J'espère que nous avons infléchi la tendance ou que nous maintenons notre position. Je sais qu'il paraît bien de se classer parmi les dix meilleurs, mais le nombre d'arrivées m'intéresse davantage. Ce nombre se fonde sur les séjours d'au moins une nuit et non sur les déplacements effectués le même jour. Ce qui est inquiétant, c'est d'être passé de 21 millions d'arrivées à 16,1 millions. J'espère que nous n'avons pas connu un recul important.
Le sénateur Unger : Concernant la publicité d'Orlando au Canada, les compagnies aériennes canadiennes font-elles de la promotion aux États-Unis?
M. Goldstein : Bien sûr. L'objectif de certaines compagnies américaines, c'est de présenter les aéroports aux États- Unis comme des points d'accès au Canada. Par exemple, l'aéroport de Plattsburgh est désigné comme étant l'aéroport Plattsburgh-Montréal. J'ai assisté il y a deux mois à une conférence sur l'aviation en partie commanditée par cet aéroport. Je suis sûr que tout le monde connaît une personne qui a traversé la frontière en voiture pour prendre l'avion aux États-Unis. Les aéroports américains en profitent pour attirer les Canadiens.
Je comprends que les Canadiens veulent aller à Orlando, mais le problème, c'est que la baisse de fréquentation des aéroports au Canada nous fait perdre notre avantage concurrentiel. Si plus de gens atterrissaient à Montréal, à Toronto ou à Vancouver, les prix baisseraient au pays. Les compagnies américaines ignorent totalement les aéroports canadiens. Elles obtiennent le meilleur de notre marché sans investir et sans offrir de vol au Canada, mais elles présentent les aéroports américains comme des points d'accès canadiens.
Le président : Merci aux témoins de leur présence. La séance était très instructive.
(La séance est levée.)