Aller au contenu
TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 8 - Témoignages du 3 avril 2012


OTTAWA, le mardi 3 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.

Le sénateur Stephen Greene (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Ce matin, nous poursuivons notre étude de l'industrie du transport aérien, notamment le rendement et la viabilité à long terme de cette industrie, sa place au Canada, les relations commerciales qu'elle entretient avec les passagers et l'importance qu'elle revêt comme moteur économique dans les collectivités canadiennes.

Nous recevons ce matin Michael Janigan, directeur exécutif et avocat général du Public Interest Advocacy Centre et son adjointe, Laman Meshadiyeva.

Michael Janigan, directeur exécutif et avocat général, Public Interest Advocacy Centre : Merci de m'avoir invité à participer à la séance d'aujourd'hui pour vous parler de mon organisme .

Le Public Interest Advocacy Centre est un organisme national sans but lucratif établi à Ottawa qui s'efforce de défendre, grâce à des recherches et à un soutien, les intérêts du consommateur ordinaire, du consommateur vulnérable , surtout en ce qui concerne les services publics. Lorsqu'Air Canada a pris le contrôle de Canadian Airlines, PIAC a participé au débat sur la restructuration de l'industrie en participant à un regroupement d'organismes baptisé l'Association canadienne des passagers aériens. PIAC a participé ultérieurement à une coalition de groupes de consommateurs que l'industrie du voyage a formée en 2005 sous le nom de Travel Protection Initiative ou TPI. Cet organisme a poursuivi un certain nombre d'objectifs visant la protection des consommateurs, y compris l'indication du prix global dans la publicité des compagnies aériennes, l'amélioration du contrôle financier des compagnies aériennes et la tenue de statistiques publiques sur leurs résultats.

Nous avons réalisé des progrès à ce chapitre, car le gouvernement a enfin mis en route une politique obligeant les compagnies aériennes à indiquer le prix total dans leur publicité, ce qui les soumettra à des règles publicitaires similaires à celles qui existent aux États-Unis et en Europe. Ces règles imposeront également aux compagnies aériennes les mêmes responsabilités que celles auxquelles les agences de voyages sont soumises depuis la majeure partie de la dernière décennie.

L'étude du comité a une vaste portée et nous ne disposons pas de ressources et de compétences suffisantes pour couvrir tous ses éléments. Nous allons essayer de centrer notre attention sur les questions qui touchent la partie c) de son mandat, soit les relations commerciales du secteur du transport aérien avec ses passagers. Il y a un certain nombre de questions pertinentes à examiner dans ce contexte général.

Il y a d'abord la question du service de base. Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à un amenuisement des services qui, auparavant, étaient fournis au passager contre l'achat d'un billet au tarif économique ou le plus bas. Depuis la suppression de services accessoires, comme les repas, les couvertures et les oreillers gratuits, jusqu'à l'imposition de frais pour les bagages et la sélection des places en passant par la diminution des responsabilités envers les passagers en transit, il est difficile de savoir exactement quels sont les droits et privilèges qu'un passage achète lorsqu'il voyage en avion.

Il est donc difficile pour les passagers de comparer les tarifs, et le niveau de service qu'ils obtiennent risque de ne pas répondre à leurs attentes.

Le document de 2008 de Transports Canada sur les droits des voyageurs aériens n'est guère beaucoup plus que l'énoncé d'une politique du transport aérien prévoyant un minimum de droits ou de recours pour les voyageurs. Il est urgent d'établir une définition du service de base répondant aux attentes minimales des voyageurs et protégeant les consommateurs contre les réductions de services excessives des transporteurs.

Une étude rendue publique dans le rapport de janvier 2002 de la Federal Reserve Bank of San Francisco révélait que, contrairement aux États-Unis où les tarifs de transport aérien ont diminué de 40 p. 100 pendant la restructuration du secteur du transport aérien, la restructuration n'a pas diminué les tarifs au Canada et le marché canadien a enregistré un taux de croissance représentant environ le tiers de celui du marché américain. Au cours du premier trimestre de 2011, le tarif intérieur moyen au Canada était de 188,30 $ contre 119,80 $ au premier trimestre de 1983.

Si l'on tient compte de l'inflation mesurée par l'IPC, ce chiffre devrait être de 249,20 $, ce qui montre que l'évolution générale des prix a suffi à réduire de moitié le taux d'inflation attendu.

Néanmoins, tel qu'indiqué ci-dessus, les tarifs intérieurs moyens en vigueur au premier trimestre de 2011 couvrent un ensemble réduit de services par rapport à ceux qui existaient en 1983 et il est probable que ce sont les liaisons les plus fréquentées qui ont surtout bénéficié des baisses de tarifs. Les tarifs pour certaines liaisons moins concurrentielles telles que Charlottetown-St. John's semblent également se fonder sur les principes Ramsey d'établissement des prix et viser à récupérer les rabais accordés ailleurs.

Les autorités semblent faire preuve d'ambivalence à l'égard de ce phénomène, ce qui n'est pas le cas, je crois, des clients. À part certaines possibilités de nouvelle concurrence et le recours occasionnel à d'autres formes de transport, le fait est qu'en l'absence d'une concurrence suffisante, il y a peu d'incitatifs à modérer les prix du transport aérien entre certaines villes.

Enfin, étant donné la géographie du pays où il y a des liaisons cruciales qu'il n'est pas rentable de desservir à un tarif raisonnable, il faudrait utiliser une subvention financée par le réseau, comme cela est le cas pour le service local de télécommunications, pour pouvoir atteindre les objectifs de transport. Cette subvention devrait être accordée par voie d'appel d'offres.

Il y a aussi les programmes de fidélisation. Ces programmes ne sont plus considérés, depuis longtemps, comme des cadeaux que les fournisseurs offrent à leur guise aux clients. L'accumulation de points échangeables contre des billets d'avion ou d'autres produits est devenue un facteur décisionnel important pour l'acheteur. Ces points font partie de ce que reçoit le client, mais le marchand les déclare sans valeur monnayable.

L'utilisation accrue des points et des crédits accordés pour orienter les consommateurs vers certaines pratiques d'achat peut avoir d'importantes répercussions sur la gamme de choix à la disposition des consommateurs et la possibilité, pour de nouveaux arrivants, de pénétrer les marchés existants avec des meilleurs prix et des meilleurs produits. D'autre part, le droit unilatéral de modifier ces programmes donne à penser que le client a été fidélisé en échange de promesses peu fiables. La déréglementation de nombreuses industries a conduit les consommateurs à compter sur la concurrence pour leur offrir de la valeur et du choix. Si leur choix a été influencé par une valeur qui n'existe pas, le programme nuit à une saine concurrence fondée sur une prestation efficiente du service et c'est une mauvaise affaire pour les consommateurs. Ces préoccupations ne sont pas insignifiantes. Nous constatons qu'Aeroplan a souvent été cité comme la raison pour laquelle Canadian Airlines n'a pas pu pénétrer les marchés de l'Est dans les années 1990.

Nous suggérons de mettre en place des règles fondamentales pour que le nombre de places qui peuvent être obtenues contre des points de fidélité à bord d'un avion soit divulgué, pour que les changements fassent l'objet d'un délai minimum de préavis et pour que des mesures soient prises afin que tout changement ne diminue pas la valeur des points existants.

Contrôle financier et fonds d'indemnisation : un aspect alarmant du cadre réglementaire canadien est l'absence de contrôle financier des transporteurs aériens après la période d'approbation initiale. Si un important transporteur fait faillite, les paiements faits d'avance par les consommateurs ne seront protégés par aucun modèle de gouvernance de Transports Canada. En fait, Transports Canada n'a pas accès aux outils d'évaluation nécessaires, tels que le bilan des profits et pertes pour évaluer le passif prépayé par rapport à la trésorerie.

Le secteur dépend moins qu'avant des paiements anticipés et les délais de réservation sont plus courts, mais le fait que le gouvernement n'a pas mis en place un programme de contrôle financier ou n'a pas insisté pour que les transporteurs aériens participent à un régime national d'indemnisation des voyageurs suscitera de nouveau la controverse si une importante faillite survient.

Je fais observer que M. Bussières, d'Air Transat, a abordé certaines de ces questions devant le comité.

Pouvons-nous compter sur les compagnies de cartes de crédit pour assumer le coût des remboursements? Les organismes de réglementation provinciaux des agences de voyages comme le Conseil de l'industrie du tourisme de l'Ontario, le CITO, assurent jusqu'à 5 millions de dollars en cas de faillite d'un transporteur final même si les transporteurs aériens ne cotisent pas au fonds CITO. Néanmoins, les pertes peuvent dépasser cette limite et seuls les voyageurs qui recourent aux agences de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec pourront être remboursés.

Je vais maintenant parler des statistiques à l'égard des résultats. Il ne sert pas à grand-chose de compter sur la concurrence pour discipliner le marché du transport aérien si l'on ne recueille pas et ne publie pas des renseignements permettant de récompenser le rendement supérieur d'un transporteur avec une part plus importante du marché. Aux États-Unis, le département des Transports et la Federal Aviation Authority publient des renseignements détaillés au sujet des arrivées à temps, des bagages perdus, des départs retardés et des vols annulés. Le département des Transports impose des sanctions financières aux transporteurs dont les pratiques laissent à désirer sous la forme d'amendes et d'autres pénalités.

Les consommateurs canadiens ont besoin de ces renseignements pour faire les meilleurs choix possible sur le marché. La réglementation doit faire respecter des normes de qualité pour que le service réponde aux attentes raisonnables des voyageurs.

Je vais maintenant passer au commissaire aux plaintes. L'inclusion du processus de résolution des plaintes à l'Office des transports du Canada n'a pas été une réussite. Malgré les promesses que les autorités de Transports Canada ont faites lorsque le Bureau du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien a été fermé en 2007, il y a eu beaucoup de publicité concernant cette fonction de l'office, mais surtout pour dissuader le public d'y recourir. Le guichet concernant les pratiques à l'égard de la clientèle qui avait été ouvert lorsque le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, Bruce Hood, et celle qui l'a précédé étaient en fonction, a été fermé.

Les voyageurs et le secteur du transport aérien ont besoin d'un commissaire aux plaintes ayant le pouvoir de résoudre les différends avec la clientèle et d'imposer des solutions lorsqu'une entente est impossible. Comme pour les télécommunications où règne une concurrence plus forte, il faut un ombudsman indépendant pour arbitrer et résoudre les différends avec les clients. Également, une commission peut attirer l'attention sur les problèmes génériques liés au service et suggérer des solutions.

Les procédures officielles de l'OTC ne s'alignent pas sur les besoins des voyageurs et visent à établir des règles officielles à partir de la réglementation existante d'une façon quasi judiciaire. La plupart des difficultés des voyageurs n'exigent pas ou n'atteignent pas ce niveau d'arbitrage.

En ce qui concerne la participation des voyageurs, les transporteurs aériens ont fait l'objet d'une déréglementation quand le processus en était à ses débuts et leur gouvernance reflète l'idéologie qui prévalait à l'époque. Il suffisait de prendre du recul et de laisser le marché fonctionner. Le gouvernement n'a pas les renseignements nécessaires ni les moyens voulus pour évaluer comme il faut la satisfaction de la clientèle et la protection des consommateurs. Transports Canada n'a malheureusement pas cherché à mettre au point un système de mesure pour évaluer le rendement des compagnies aériennes, surveiller ce système et le faire appliquer.

À part quelques études universitaires qui s'intéressent surtout aux résultats financiers des transporteurs aériens, on manque d'études empiriques sur ce qui donne des résultats. La position des voyageurs sur le marché est surtout protégée par la vague de protestation qui est déclenchée lorsque les transporteurs prennent des mesures de réduction des coûts qui nuisent à la qualité du service.

Il faudrait avoir au moins un conseil des usagers des transports aériens qui puisse réagir au nom des consommateurs et lutter contre ce qui semble être une léthargie bureaucratique ou une captation de la réglementation. La situation financière des transporteurs aériens n'est pas très solide, mais tout semble indiquer que le mécontentement des clients peut difficilement assurer la réussite financière à long terme.

Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci. Nous allons donc passer aux questions.

Le sénateur Zimmer : J'ai deux brèves questions. Premièrement, le Canada a négocié un certain nombre d'accords « Ciel ouvert », notamment avec l'Union européenne et les États-Unis. À votre avis, dans quelle mesure ces accords ont-ils été bénéfiques pour les voyageurs canadiens et faudrait-il les élargir pour permettre le cabotage?

M. Janigan : C'est une bonne question, mais malheureusement, nous n'avons pas fait d'études empiriques sur les avantages que ces accords apportent aux consommateurs. Je pense qu'en général, les consommateurs bénéficient des accords « ciel ouvert » en ayant accès aux services de façon réciproque et équitable.

Malheureusement, je ne suis pas en mesure d'en parler de façon générale.

Le sénateur Zimmer : Deuxièmement, pour ce qui est de favoriser la concurrence dans un marché canadien, certains membres du secteur ont laissé entendre qu'il faudrait relever la limite imposée pour la propriété étrangère. Croyez-vous que ce soit une solution viable pour augmenter la concurrence sur le marché intérieur et, à votre avis, les concurrents doivent-ils être canadiens pour mieux servir les intérêts canadiens?

M. Janigan : En général, nous sommes restés neutres en ce qui concerne la question de la propriété associée aux avantages pour les consommateurs, que ce soit dans le secteur des télécommunications, des transports ou dans un autre secteur.

Je dirais qu'il faut, d'abord et avant tout, examiner la réglementation actuelle pour voir si nous pouvons l'améliorer avant d'ouvrir le marché à la concurrence étrangère. À mon avis, quand nous avons des difficultés dans un marché, nous avons trop souvent tendance à nous dire : « Comme cela ne fonctionne pas, ouvrons le marché à la propriété étrangère et nous verrons ce qui se passera. »

Il y a des choses évidentes que l'on peut faire pour créer de meilleures conditions tant pour les transporteurs aériens que pour les consommateurs canadiens avant de chercher des solutions ailleurs.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai quelques questions. Comment votre organisation est-elle financée?

[Traduction]

M. Janigan : Nous sommes une société canadienne sans but lucratif, qui est également un organisme de bienfaisance, et qui a été créée en 1976. Nous fournissons un soutien, sur le plan juridique et sur celui de la recherche, aux groupes de consommateurs et autres groupes du pays.

Nous obtenons notre financement de deux sources principales. Premièrement, nous allons devant les tribunaux comme le CRTC ou la Commission de l'énergie de l'Ontario, où nos frais de participation pour défendre les intérêts des consommateurs nous sont remboursés. Deuxièmement, nous essayons de profiter des connaissances acquises devant certains de ces tribunaux et en défendant les intérêts des consommateurs pour faire des recherches qui sont parfois financées au moyen de contrats que nous pouvons conclure avec le gouvernement fédéral ou provincial. Nous avons parfois fait des recherches en association avec des groupes du secteur privé et nous avons eu aussi des rapports financés par l'Union européenne.

Notre financement provient de différentes sources. Nous essayons de faire concorder notre travail avec les ressources disponibles. Nous avons réussi à le faire depuis 1976 et nous sommes toujours là.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Avez-vous un conseil d'administration?

[Traduction]

M. Janigan : Oui. Nous avons un conseil d'administration national qui se réunit pour établir notre politique. Nous avons un petit personnel administratif de quatre avocats qui travaillent ici et à Toronto.

Nous nous intéressons surtout aux grandes industries publiques comme les secteurs des télécommunications, de l'énergie, de la radiodiffusion et des services financiers ainsi que des transports, dans une certaine mesure. À la fin des années 1990, nous nous sommes intéressés à la question de la déréglementation du transport aérien simplement parce que nous étions un des rares organismes qui avaient l'expérience des services publics, de la réglementation des services publics et de ce genre de choses. Nous nous y intéressons toujours et toutes nos autres nos activités subventionnent ce domaine.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Quelle est la relation entre le consommateur et les compagnies aériennes?

[Traduction]

M. Janigan : J'aimerais une précision. Qu'entendez-vous par « relation »?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous agissez comme ombudsman? Agissez-vous comme représentant des consommateurs ou comme représentant des entreprises? Où vous situez-vous sur le plan des affaires?

[Traduction]

M. Janigan : Rien d'aussi officiel. Nous cherchons surtout à faire de la recherche et à recueillir des renseignements sur le secteur du transport aérien, la position des consommateurs dans ce secteur et nous essayons d'en parler dans les tribunes qui s'offrent à nous.

Par exemple, pour ce qui est de l'initiative récente visant à ce que la publicité annonce le prix total, nous y avons participé avec l'Office des transports du Canada et d'autres membres de notre coalition du secteur des voyages pour faire mettre en place des règles qui, à notre avis, rendront la publicité beaucoup plus claire pour les consommateurs. Néanmoins, nous n'avons pas de relation officielle.

Une des difficultés que cela pose est qu'il y a très peu de tribunes où l'on peut présenter un point de vue éclairé sur ces différentes questions. En général, Transports Canada considère que son rôle n'est pas de protéger les consommateurs. L'Office des transports du Canada est prêt à le faire, mais son mandat est limité. La plupart du temps, notre seule tribune est la publicité.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si un consommateur veut loger une plainte sur la qualité des services, à qui s'adresse-t-il?

[Traduction]

M. Janigan : Il s'adresse à l'Office des transports du Canada. L'office est constitué pour recevoir ces plaintes et essayer de les résoudre. Le problème est que son mandat est assez étroit quant aux questions qu'il peut résoudre.

Si vous lisez la loi et les règlements, il est très difficile pour l'office de porter plainte sur des questions telles que des tarifs déraisonnables, étant donné que sa capacité d'intervention est limitée.

Contrairement à Transports Canada en général, l'Office des transports du Canada cherche généralement à assumer ses responsabilités et à faire ce qu'il peut dans le cadre de son mandat limité pour amener les compagnies aériennes à respecter les règles.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Nous avons visité l'aéroport de Montréal. Nous sommes des gens qui prennent souvent l'avion. Dans un aéroport, il y a une multitude de services, beaucoup de compagnies aériennes et beaucoup de sous- contractants. Est-ce qu'il y a une organisation qui surveille tout cela ou tous ces gens sont laissés à eux-mêmes?

Je vais vous donner un exemple banal, il s'agit d'une expérience malheureuse que j'ai vécue dernièrement et cela concerne la pesée des bagages. Toutes les compagnies aériennes ont leur balance. Quand je vais faire le plein de ma voiture, il y a une étiquette qui indique que l'équilibrage du réservoir d'essence est vérifié par Transports Canada ou autre. Qui me dit que chacune des compagnies aériennes vérifie ses balances pour s'assurer qu'elles soient bien légales?

[Traduction]

M. Janigan : Je suppose que c'est Mesures Canada, une division d'Industrie Canada chargée des poids et mesures, qui a la responsabilité de vérifier ce genre de balance.

Un des exemples les mieux connus est que Mesures Canada vérifie l'exactitude des pompes à essence, par exemple, si elles enregistrent précisément la quantité d'essence et je suppose qu'elle en fait autant pour les balances.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous seriez surpris si je vous disais que lorsque j'ai posé la question au directeur de l'aéroport de Montréal, il m'a dit qu'il n'y avait aucune vérification effectuée sur les balances dans les aéroports. Chaque compagnie est responsable de l'entretien de ses équipements.

[Traduction]

M. Janigan : Malheureusement, c'est révélateur d'un problème général. Lorsque nous avons procédé à une déréglementation, il y a 20 ans, la structure en place pour couvrir ce genre de questions était insuffisante et nous avons eu, pendant une brève période, un commissaire aux plaintes pour résoudre ce genre de problèmes. Je ne pense pas que Transports Canada aimait beaucoup cela et il a fait abolir ce bureau en promettant que l'Office des transports du Canada jouerait le même rôle. Cela n'a pas été le cas. Il faudrait au moins un engagement permettant aux consommateurs de penser qu'ils ont voix au chapitre et qu'ils peuvent avoir une influence dans le secteur du transport aérien.

Le vice-président : C'est au tour du sénateur Doyle, de Terre-Neuve.

Le sénateur Doyle : Parlez-vous au nom de provinces qui peuvent avoir des plaintes à formuler qui ne concernent pas l'ensemble du pays? Votre mandat vous permet-il de faire valoir les plaintes des provinces?

M. Janigan : Si les plaintes des consommateurs de ces provinces concernent véritablement une expérience propre à la province en question ou commune à l'ensemble du pays, elles nous intéressent assurément.

Le sénateur Doyle : Néanmoins, vous ne défendrez pas pour autant les intérêts de la province.

M. Janigan : Non, les gouvernements provinciaux ont les ressources nécessaires et ils sont bien représentés.

Le sénateur Doyle : Vous recevez beaucoup de plaintes au sujet des points et vous avez parlé, dans votre déclaration préliminaire, de la façon dont le secteur du transport aérien considère les points et le reste.

Avez-vous reçu des plaintes ou y a-t-il de nombreuses plaintes au sujet de la difficulté d'obtenir un billet avec des points? On entend parler de gens qui essaient de se rendre d'Ottawa à New York et qui doivent passer par Vancouver pour y arriver. Quelle est l'attitude des transporteurs aériens en général à l'égard des points?

M. Janigan : Il y a un certain nombre de plaintes qui reviennent constamment. L'une d'elles est que même si l'accumulation de points est l'un des principaux avantages que vantent certaines compagnies aériennes, les places disponibles contre des points semblent être distribuées avec parcimonie et les voyageurs se plaignent de ne pas pouvoir y avoir accès du tout ou seulement grâce à leurs cartes de crédit à primes qui leur permettent d'obtenir des billets d'avion, mais pour un coût plus élevé.

Par le passé, nous avons toujours considéré cela comme un désagrément qu'un marché concurrentiel réglerait, mais cela va plus loin. En réalité, la décision d'achat du client repose en partie sur l'accumulation de ces points. Lorsque toutes les conditions changent du jour au lendemain ou que la prime à laquelle ces points vous donnent droit est modifiée, l'entente initiale est modifiée. C'est une question qui intéresse les gouvernements provinciaux, non seulement du point de vue des compagnies aériennes, mais de façon générale. Partout où vous allez, on essaie de vous donner des points, mais leur valeur est parfois douteuse.

Je ne recommande pas d'établir des politiques quant à savoir si quelqu'un peut obtenir ou non un billet d'avion pour Boston, mais il est possible de mettre en place des règles de base en ce qui concerne la transparence et la façon dont un programme de points s'applique pour donner aux voyageurs l'assurance que ce qu'ils obtiennent ne diminuera pas de valeur simplement à cause des résultats financiers d'une compagnie aérienne.

Le sénateur Doyle : Pensez-vous qu'il est légitime que la compagnie aérienne vous fasse payer une somme exorbitante lorsque vous essayez de modifier une réservation que vous avez faite avec vos points?

M. Janigan : Il faudrait au moins qu'on annonce à l'avance quels seront les frais exigés pour une modification et que les gens en soient informés. La plupart du temps, on s'en aperçoit après coup. Il faudrait également que vous puissiez faire une comparaison entre les compagnies aériennes pour voir quelle est celle qui répondra le mieux à vos besoins.

Comme je l'ai dit, de nombreux analystes estiment que si Canadian Airlines n'a pas pu pénétrer les marchés de l'Est, c'est à cause d'Aeroplan. Je pense qu'elle n'a réussi à obtenir que 19 p. 100 du marché de l'Est, même si la plupart des études montraient que Canadian Airlines était la compagnie la plus efficiente des deux. C'est un exemple de situation où le sens des affaires n'a pas suffi.

D'autres facteurs, comme Aeroplan, sont intervenus pour expliquer la réussite d'une des compagnies et l'échec de l'autre.

Le sénateur Doyle : Vous avez dit qu'il faudrait au moins un conseil des usagers des compagnies aériennes pour défendre les consommateurs. Votre rôle n'est-il pas d'assurer cette défense?

M. Janigan : Oui, mais nous avons besoin d'une tribune pour le faire. Nous avons besoin d'un organisme qui donne des avis officiels, qui est écouté, qui fait rapport au ministre et qui s'occupe de ce genre de problèmes, où l'on peut examiner des questions comme celle des programmes de fidélisation.

Souvent, comme tout est fait maintenant dans une sorte de boîte noire, personne ne sait ce qui y entre ou ce qui en sort. Les consommateurs et les autres usagers des compagnies aériennes peuvent peut-être trouver des solutions s'ils ont la possibilité de participer à une tribune où on discute et décide de ces questions.

J'ai trouvé intéressant de lire ce qu'ont dit les porte-parole des compagnies aériennes au sujet des problèmes associés aux frais de transfert, aux loyers et à ce genre de choses. Je me suis dit que, dans une certaine mesure, les transporteurs aériens et les consommateurs ont beaucoup en commun. En fait, nous ne sommes peut-être pas très bien servis par le modèle de gouvernance actuel, tant en ce qui concerne les transporteurs aériens que les consommateurs.

Le sénateur Doyle : Mon collègue a mentionné le niveau de coopération entre les compagnies aériennes et les consommateurs. Qu'en est-il du niveau de coopération entre les compagnies aériennes et votre groupe? Les compagnies aériennes considèrent-elles que vous contribuez à leurs difficultés parce que vous vous plaignez au nom des consommateurs? Considèrent-elles que vous faites partie du problème ou de la solution pour que le client soit content?

M. Janigan : J'hésite à faire des hypothèses sur ce qu'elles pensent de nous. Le problème, je crois, est que les compagnies aériennes canadiennes, et surtout la principale, traversent des moments difficiles. Dans une certaine mesure, je pense qu'elles nous considèrent peut-être comme un obstacle qui les empêche d'aller puiser davantage dans le portefeuille des clients.

Cela dit, nous sommes certainement parfaitement conscients de l'importance économique des transporteurs aériens au Canada et nous sommes prêts à les rencontrer n'importe quand pour chercher des solutions à ce que nous considérons comme des problèmes persistants pour les consommateurs.

Le sénateur Doyle : Si nous avions plus de concurrence sur le marché national du transport aérien, cela vous faciliterait-il la tâche?

M. Janigan : Oui, dans une large mesure. Je pense toutefois qu'il faut mettre en place des règles de base régissant toutes les compagnies aériennes en ce qui concerne le traitement des voyageurs et ce à quoi ils peuvent s'attendre, car je ne crois pas que la concurrence éliminerait forcément ce besoin.

Nous constatons, au Canada, que pour certaines liaisons, la concurrence est probablement presque adéquate. Pour la liaison entre d'autres villes, elle n'existe pratiquement pas.

Le sénateur Doyle : Qu'entendez-vous par « liaison »?

M. Janigan : Les gens voyagent d'une ville à une autre. Si vous prenez le marché aérien dans son ensemble, vous devez l'examiner dans le contexte d'un vol entre Ottawa et Toronto.

S'il n'y a pas de concurrence pour la liaison entre deux villes, la compagnie aérienne assure le service peut fixer un prix qui ne sera pas trop diminué par la concurrence, à moins qu'il y ait un transport intermodal et la seule menace serait l'arrivée d'un concurrent. Si vous êtes une grande compagnie aérienne comme Air Canada, vous pouvez récupérer les rabais que vous offrez pour la liaison Ottawa-Toronto, par exemple, ou Charlottetown-St. John's, en faisant payer plus. C'est un véritable problème. Nous avons rendu tout le système concurrentiel et déréglementé alors qu'il y a certains endroits où il n'y a pas de concurrence. Les consommateurs de ces régions sont, dans une large mesure, laissés sans protection.

Le sénateur Doyle : Quels sont les principes de Ramsey en matière d'établissement des prix?

M. Janigan : Si vous êtes dans un marché concurrentiel et si vous avez des produits que vous vendez à la fois dans un marché concurrentiel et dans un marché non concurrentiel, vous réduisez vos prix dans votre marché concurrentiel et vous vous rattrapez en augmentant vos prix dans le marché non concurrentiel.

Le sénateur Eaton : Monsieur Janigan, j'aime beaucoup les points des compagnies aériennes. Je fais partie des personnes qui offrent des voyages à leurs enfants et aux autres grâce à leurs points. Je les apprécie beaucoup. Toutefois, ce qui me déplaît, c'est qu'on fasse payer pour la moindre chose. Quand vous parlez des prix, on voit rarement dans le tarif des compagnies aériennes quel est le prix à payer pour les bagages, pour les écouteurs et pour une boisson. On ne voit pas cela. Devrions-nous faire des recommandations à ce sujet dans notre rapport? Le vol entre Toronto et Montréal coûte maintenant 600 $. Porter prétend toujours que c'est moins cher, mais ensuite on ajoute les taxes.

Quand vous parlez des prix, dites-vous que le prix devrait inclure une bouteille d'eau, un verre de Clamato, l'enregistrement de deux valises et le choix de votre place?

M. Janigan : Oui, j'essaierais probablement de faire en sorte que les attentes incluses dans le « service de base » soient aussi générales que possible, tout en protégeant les intérêts des consommateurs.

La possibilité de modifier sa réservation dans un délai raisonnable...

Le sénateur Eaton : C'est un inconvénient majeur; si vous changez votre vol, vous vous retrouvez tout à coup avec un coût énorme.

M. Janigan : Suite à l'ouragan Floyd, je me souviens d'être arrivé à JFK, à New York, d'avoir dû me rendre à LaGuardia où tout était fermé et tout ce que nous avions, c'était un numéro 1-800 qui était surchargé d'appels.

J'estime que les clients devraient pouvoir raisonnablement s'attendre à être en mesure de changer leur vol dans un délai raisonnable ou d'avoir le droit de choisir leur place.

Certaines choses ont été envisagées, surtout par Ryanair, pour essayer de faire une distinction entre les catégories de voyages, ce qui était relativement inquiétant et ne se répandra pas ici, j'espère, pour ce qui est de la possibilité d'aller aux toilettes et ce genre de choses. C'est un cas extrême.

Une des choses que nous devrions avoir déjà établie, c'est le service minimum auquel vous avez droit lorsque vous payez pour un voyage en avion. Vos attentes seront peut-être plus importantes si c'est un long vol, mais ces règles ne sont pas en place. Transports Canada ne s'intéresse absolument pas à cet aspect de la protection des consommateurs. Il pense que le marché se chargera de veiller à tout cela. À mon avis, la principale chose que le comité pourrait faire serait d'amener Transports Canada à intervenir. Vous ne pouvez pas laisser le secteur du transport aérien faire les choses à sa guise; il faut lui imposer certaines règles pour qu'une concurrence réaliste puisse avoir lieu. Il faut commencer par s'intéresser à la question. Jusqu'ici, Transports Canada ne s'est pas intéressé à grand-chose à part les questions de sécurité.

Le sénateur Eaton : Vous pourriez peut-être envoyer au greffier une liste des recommandations de base et nous pourrons en quelque sorte embarrasser le ministère dans notre rapport. On ne sait jamais; l'espoir fait vivre.

Comme vous l'avez vu, un certain nombre de nos témoins nous ont parlé de la compétitivité. Du point de vue du consommateur-voyageur, ces témoins ont dit aussi que si les charges inhérentes aux loyers à payer et aux taxes pour la sécurité et l'amélioration des aéroports disparaissaient ou diminuaient, rien ne garantit que ces économies seraient transférées au consommateur. Est-ce une chose à laquelle vous avez réfléchi?

M. Janigan : Particulièrement en ce qui concerne le témoignage d'Air Canada, j'ai remarqué qu'effectivement, on ne semblait pas dire que toutes ces économies se traduiraient en avantages pour le consommateur.

En théorie, du point de vue économique, si vous apportez des changements en amont, ils devraient finir par se répercuter sur les coûts en aval.

Le sénateur Eaton : C'est la théorie?

M. Janigan : Oui. La question est de savoir s'il y a ou non suffisamment de concurrence dans le marché; si l'un des concurrents décide d'en profiter en offrant des baisses de prix. Le problème, au Canada, est que ces baisses de prix viseront seulement des liaisons pour lesquelles les transporteurs se font concurrence, ce qui veut dire que vous pourrez attendre éternellement d'obtenir un rabais pour votre vol entre Moncton et St. John's, par exemple.

Le sénateur Eaton : Que pensez-vous du cabotage entre nos principales plaques tournantes?

M. Janigan : C'est certainement une perspective intéressante. Cela pourrait inciter fortement nos compagnies aériennes à réduire leurs prix et peut-être même à augmenter leur niveau de service.

Le sénateur Eaton : Un de nos témoins a suggéré le cabotage. Il a ajouté qu'on pourrait songer à subventionner les billets d'avion pour les endroits isolés, car au Canada, cela pose un sérieux problème en dehors des grands centres urbains.

M. Janigan : C'est un sujet que j'ai abordé dans ma déclaration préliminaire en disant qu'il faudrait prendre le secteur des télécommunications comme modèle. Dans le secteur des télécommunications, il y a actuellement ce qu'on appelle un fonds pour les zones de desserte à coûts élevés. Pour fournir un service local, par exemple dans le Nord et certaines collectivités isolées de diverses provinces, NorthwesTel ou Télébec, qui assurent le service, recourent au fonds pour fournir un service téléphonique local à un prix raisonnable.

Par le passé, nous avons conclu un genre d'entente tacite avec Air Canada en disant à la compagnie qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait ailleurs, mais qu'elle devait veiller à ce que toutes ces routes soient desservies. Je ne pense pas que ce soit le modèle qui convient. À mon avis, il faut tout tarifer comme il faut, examiner le coût réel et dire aux compagnies aériennes : « À quel prix pouvez-vous fournir ce service et nous accorderons la subvention à celle qui nous présentera la meilleure offre? » Pour desservir Iqaluit, Goose Bay ou les endroits qui ont absolument besoin d'un service de transport aérien, nous accorderions une subvention sur des bases concurrentielles. C'est ainsi qu'il faudrait résoudre ce genre de questions.

À part cela, nous espérons que les marchés concurrentiels pourraient apporter certains avantages aux consommateurs à la condition que des règles de base soient mises en place pour leur assurer une certaine protection.

Le sénateur Eaton : Tout cela semble tellement évident, n'est-ce pas, autour de cette table?

J'ai une dernière question. Vous occupez-vous des aéroports? La situation à Toronto n'a rien à voir avec ce qui s'est passé à Londres l'année dernière, mais vous ne savez jamais avec le terrorisme, la météo, les tempêtes de neige inopinées, comme celle qui a coincé les gens dans un aéroport à Londres. Avez-vous quoi que ce soit à voir avec les aéroports ou parlez-vous avez leurs dirigeants? Par exemple, si l'aéroport de Toronto ou de Vancouver doit cesser ses opérations pendant le congé de mars, y a-t-il des règles disant que les aéroports doivent fournir suffisamment de nourriture, d'eau et d'aide médicale ou faut-il oublier cela?

M. Janigan : J'avoue ignorer si Transports Canada a une réglementation en place à laquelle les aéroports doivent se conformer à l'égard des voyageurs.

Je sais par exemple, qu'en Europe, lorsque des incidents comme le...

Le sénateur Eaton : Heathrow.

M. Janigan : Quand il y a eu le nuage de cendres, les compagnies aériennes étaient responsables des voyageurs et ont dû les prendre en charge.

Le sénateur Eaton : Ce n'est pas considéré comme un cas de force majeure?

M. Janigan : C'est ce que les compagnies ont dû faire, étant donné la façon dont les règles qui protègent les consommateurs s'appliquent en Europe. Je ne préconise pas l'une ou l'autre formule, mais en Europe, tout voyageur qui est bloqué est traité d'une tout autre façon que le voyageur nord-américain qui est bloqué par une tempête de neige, par exemple.

Le sénateur Eaton : Est-ce un sujet auquel vous vous intéressez? Cela fait-il partie de votre mandat à l'égard du transport?

M. Janigan : Oui. Le plus difficile, pour le moment, c'est d'amener le ministère à jouer un rôle. Il se défend d'avoir à s'occuper de la protection des consommateurs. Ce n'est pas son rôle. Nous ne nous occupons pas de la protection des consommateurs; nous avons pour fonction d'accorder des permis aux compagnies aériennes et c'est là que nous jouons un rôle.

Les observations d'Air Transat sont très pertinentes en ce qui concerne le contrôle financier. Si une grande compagnie aérienne fait faillite, cela aura d'énormes retombées, par exemple sur les fonds d'indemnisation des voyageurs des trois grandes provinces du pays et les émetteurs de cartes de crédit pourraient également se désister.

J'ai également été nommé par le gouvernement de l'Ontario au Conseil de l'industrie du tourisme de l'Ontario. J'en suis actuellement le président. Si cette situation se produit, elle aura d'importantes répercussions sur le fonds et les agences de voyages en général. La réaction du ministère est que ce n'est plus de son ressort. Nous ne nous occupons plus de ce genre de choses; ce n'est pas notre rôle. Cela ne nous concerne pas. L'idée d'avoir des responsabilités supplémentaires suscite énormément de crainte.

Le sénateur Eaton : Au bout du compte, monsieur Janigan, nous devrions inciter Transports Canada à se mêler de protection des consommateurs.

M. Janigan : Effectivement, c'est essentiellement ce qu'il faut retenir de mes propos.

Le sénateur Zimmer : Eh bien, figurez-vous que c'est ce qui m'est arrivé il y a deux ou trois ans. Nous nous étions posés à Toronto en plein orage, au milieu des éclairs. Comme un autre avion était à la porte, nous avons attendu sur le tarmac, à un peu moins de 300 mètres. Pas question d'ouvrir la porte, sans doute parce que le personnel au sol devait craindre qu'on soit foudroyé. On ne nous a servi ni boissons gazeuses ni eau. Nous sommes restés là, porte fermée, à attendre pendant deux heures. Puis, les lumières se sont rallumées dans le terminal. Elles se sont de nouveau éteintes. Deux ou trois minutes plus tard, deux types se sont pointés. Il y en a un qui a pris le boyau d'avitaillement et qui a semblé se demander, en regardant l'aile : « C'est là que ça doit se mettre. » Les lumières se sont de nouveau éteintes à l'intérieur et les types sont partis. Quatre heures et demie plus tard, nous étions encore là. Les lumières se sont rallumées, puis rééteintes et nous avons dû attendre une heure de plus. Même le pilote a dit au micro : « Je ne sais pas où ils sont passés. » Finalement, ils sont revenus. Dites-moi, dans ce cas-là, on se plaint auprès de la compagnie aérienne ou du syndicat?

M. Janigan : L'Office des transports du Canada examinerait ce genre de plaintes. La question est de savoir s'il aurait le pouvoir de rendre une décision, outre les pressions morales qu'il peut exercer sur les parties concernées. Encore une fois, nous nous trouvons dans une situation où l'on ne recueille pas les renseignements nécessaires de façon systématique et où il n'existe aucune règle s'appliquant de façon systématique à la plupart des circonstances du genre. D'ailleurs, la majorité des compagnies aériennes ou des aéroports ont adopté des règles qui les exonèrent de toute responsabilité dans de telles circonstances, qu'on parle d'orages ou d'autres choses; ils se sont mis complètement à l'abri sur ce plan.

Ce n'est pas joli tout ça et, malheureusement, votre mésaventure correspond à ce que beaucoup de voyageurs ont connu au cours des 20 dernières années.

Le sénateur Zimmer : Au débarquement, personne n'est venu s'excuser ou nous dire qu'il pourrait y avoir des représailles. On nous a simplement demandé de sortir. On aurait pu mieux faire!

Le sénateur MacDonald : Monsieur Janigan, pouvez-vous nous dire comment les clients sont traités ailleurs dans le monde. Il y a des pays où les droits des consommateurs sont mieux protégés que chez nous. Dans un tel cas, les gens sont-ils nettement mieux traités qu'ici? Est-on plus respectueux des consommateurs dans ces pays-là? Existe-t-il un modèle, quelque part, que nous pourrions reprendre?

M. Janigan : En général, les droits des consommateurs en vigueur dans les pays de l'Union européenne sont nettement plus progressistes que les nôtres. Les Américains tiennent des statistiques de rendement sur les compagnies aériennes — par exemple, pour ce qui est du respect des horaires à l'arrivée et des annulations de vols — à partir desquelles les consommateurs peuvent choisir entre les différentes compagnies et décider de celles qu'ils emprunteront. Par ailleurs, les autorités américaines ont commencé à imposer des amendes et des sanctions aux compagnies aériennes qui ne respectent pas ce qui est considéré comme étant des normes acceptables à cet égard.

Cela dit, les compagnies aériennes sont loin d'être des parangons en matière de service à la clientèle. Si vous consultez les rapports d'agences de notation comme Skytrax — et je n'irai pas jusqu'à dire qu'ils sont fiables —, vous constaterez que la plupart des compagnies aériennes nord-américaines ont reçu trois étoiles, tout comme Air Jamaica, Egypt Air et d'autres compagnies du même acabit. Elles ne sont pas forcément des références dans la façon dont elles traitent les passagers.

Ce serait bien que nous reprenions certains aspects de l'expérience américaine au Canada, surtout pour ce qui est de la compétitivité du marché et de la tenue de statistiques sur le rendement des compagnies. Comme on le dit couramment, quand on veut obtenir des résultats, il faut commencer par évaluer la situation. En effet, si l'on ne dispose pas d'une base de référence, comment être certain qu'il y a amélioration dans le temps? Transports Canada hésite beaucoup à s'aventurer sur ce terrain d'une façon qui serait utile, à partir d'un modèle de gouvernance, mais aussi d'un modèle de service à la clientèle grâce auquel les usagers pourraient choisir d'emprunter la compagnie aérienne qui n'annule pas régulièrement ses vols.

Le sénateur MacDonald : Je suppose que les mécanismes de l'Union européenne sont différents de ceux en place aux États-Unis. Connaissez-vous ces mécanismes et savez-vous comment ils fonctionnent?

M. Janigan : Les Européens appliquent une méthode plus sinueuse pour tenir des statistiques dans le domaine de l'aviation; ils sont partout à la fois, dans chaque pays. Je crois que l'UE impose aux pays membres de tenir de telles statistiques et les données sont propres à chaque pays.

Les Européens se sont aussi dotés de mécanismes de protection des consommateurs pour la façon notamment dont il faut traiter les passagers en transit. C'est là quelque chose d'important en Europe, puisque, là-bas, on peut se retrouver dans quatre pays différents en une heure. Ils insistent beaucoup sur la façon dont il faut traiter les passagers dans les situations où il n'est pas possible de les amener à leur destination finale.

Certaines dispositions sont remarquables de générosité face aux problèmes des compagnies aériennes. Je vous ai, par exemple, parlé de ce qui s'était passé lors de l'éruption du volcan en Islande, il y a quelques années. Cette éruption a provoqué tout un chaos. Si je ne m'abuse, même les passagers de compagnies aériennes canadiennes se sont retrouvés bloqués dans des aéroports européens.

Le sénateur MacDonald : Par rapport au reste de l'Occident ou du monde industrialisé, comment le Canada se classe-t-il?

M. Janigan : J'accorde toujours la même note, peu importe le secteur d'activité dont on parle. En général, nous sommes dans la bonne moyenne. Je suis toujours agacé par la médiocrité des résultats. Nous n'avons pas à nous contenter de la médiocrité; nous avons renoncé à beaucoup d'avantages naturels dans des domaines comme les télécommunications et le transport aérien, par exemple. Nous devrions faire beaucoup mieux.

En général, nos résultats sont médiocres. Cependant, nous avons obtenu de bons résultats sur le plan de la sécurité dans les transports aériens. Pour ce qui est de la compétitivité, de la qualité du service à la clientèle et de la protection des consommateurs, nous sommes dans le milieu du peloton; nous sommes médiocres.

Le vice-président : Voulez-vous poser d'autres questions à nos témoins?

Voulez-vous formuler quelques dernières remarques au terme de votre témoignage?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Recevez-vous beaucoup de plaintes annuellement? Existe-t-il un registre où les plaintes des consommateurs sont documentées?

[Traduction]

M. Janigan : C'est l'Office des transports du Canada qui prend les plaintes en compte. Malheureusement, la procédure de plainte est relativement peu diffusée et rares sont les passagers qui savent qu'ils peuvent se plaindre auprès de l'office. Un peu partout sur le site Internet de l'office, on invite les passagers à commencer par se plaindre auprès des transporteurs.

À l'époque où il n'y avait pas de commissaire aux plaintes, les choses étaient bien différentes. Le volume de plaintes était également très différent. Le tout premier commissaire, Bruce Hood, ancien arbitre de la LNH, était beaucoup plus dynamique. Il a été l'un des partisans les plus véhéments et les plus convaincus de la protection des consommateurs.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si un passager dépose une plainte à une compagnie aérienne et que la qualité de service de la compagnie aérienne est douteuse, quels sont les recours pour un citoyen canadien d'aller au-delà de l'entreprise qui décide de ne pas traiter sa plainte?

[Traduction]

M. Janigan : Ils pourraient se plaindre auprès de l'Office des transports du Canada. Malheureusement, les compagnies aériennes ont le loisir de transmettre ou non les plaintes. Cette politique peut paraître illogique, mais c'est ainsi. Cet aspect n'est pas encadré par un règlement ou plus exactement, il est régi par le règlement de l'Office des transports du Canada. Les choses ne vont pas au-delà du risque d'une mauvaise publicité associée à ce type de différend.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si je comprends bien, on dépose une plainte à la compagnie aérienne et la compagnie aérienne décide de ne pas la traiter et dit que le client a tort. Une plainte est déposée à Transports Canada qui ne va pas seulement vérifier auprès de la compagnie aérienne, la compagnie aérienne va possiblement dire que le client a tort. Donc, le citoyen va tourner en rond. Il n'y a pas d'endroit pour arbitrer la plainte et dire si le citoyen a raison ou tort. Est-ce la situation actuelle?

[Traduction]

M. Janigan : L'OTC s'efforcera de résoudre la plainte au mieux. Il enquêtera sur les circonstances et cherchera à déterminer les tenants et les aboutissants de l'affaire. En revanche, l'office ne rend pas de décisions dans ce genre d'affaires.

Comme nous l'avons constaté dans le cas des télécommunications, il est intéressant de pouvoir recourir à un commissaire aux plaintes indépendant parce que, dans le cadre d'un processus géré au niveau interne, les dirigeants de la compagnie concernée peuvent se sentir obligés de couvrir leur personnel, même s'il est en tort. Il arrive qu'ils se sentent émotivement interpellés et leur réflexe est alors de défendre la position de la compagnie plutôt que de rechercher un règlement.

D'un autre côté, il est beaucoup plus facile pour un commissaire indépendant de dire à la compagnie qu'elle a tort et qu'elle doit rembourser le passager. La compagnie accepte plus facilement de se plier à ce genre de directive. Il est beaucoup plus facile, pour la culture d'entreprise, d'accepter l'avis d'un commissaire aux plaintes.

Le vice-président : Merci beaucoup. Aimeriez-vous faire d'autres commentaires en guise de conclusion?

M. Janigan : Non. Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président : C'est très bien. Nous allons donc mettre un terme à cette réunion.

Avant de partir, j'invite mes collègues du comité à rester cinq minutes de plus pour une séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


Haut de page