Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 10 - Témoignages du 29 mai 2012
OTTAWA, le mardi 29 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 8 h 35, pour étudier la teneur des éléments de la Section 41 de la Partie 4 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé à la Chambre des communes le 29 mars 2012 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
Le sénateur Stephen Greene (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Mesdames et messieurs, j'ai le plaisir de déclarer ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous sommes absolument ravis d'accueillir aujourd'hui l'honorable Christian Paradis, ministre de l'Industrie. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada, par l'entremise du premier ministre Harper, a pris des mesures musclées afin de favoriser la concurrence au sein de l'industrie des télécommunications. En 2008, le gouvernement a vendu aux enchères une partie de son spectre sans fil, une vente de fréquence qui lui a permis d'amasser la somme rondelette de 4,5 milliards de dollars. Qui plus est, le gouvernement a stimulé la concurrence au sein du secteur des télécommunications sans fil au Canada, ce qui a permis aux consommateurs canadiens de réaliser des économies.
Le ministre Paradis est responsable des étapes subséquentes. Puisque la télédiffusion n'utilise plus les ondes, ce spectre sans fil fort prisé est à vendre. Le ministre se chargera de cette vente aux enchères historique. Ainsi, tous les Canadiens auront accès aux communications modernes dans toute leur splendeur. Le spectre mis aux enchères par le ministre aura de grandes répercussions en région rurale.
Le ministre Paradis est ici aujourd'hui pour discuter d'un sujet lié à notre étude préliminaire du projet de loi C-38, qui porte sur l'exécution du budget. Il nous parlera plus précisément de la part accordée à la propriété étrangère lors de la vente aux enchères.
Je suis très fier d'accueillir le ministre, qui travaille fort afin de réduire le coût des services sans fil au Canada, de façon à ce que tous les Canadiens profitent de leurs avantages considérables à prix abordables. Les Canadiens paient trop cher depuis déjà trop longtemps, mais grâce au travail du ministre Paradis, ce temps sera bientôt révolu.
Ces modifications sont essentielles à la réussite de notre pays, et j'espère que tous les Canadiens constateront que vos efforts d'aujourd'hui contribueront à réduire le coût de leur téléphonie sans fil de demain.
Monsieur le ministre, la parole est à vous.
L'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre de l'Industrie : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici ce matin. J'aimerais remercier les sénateurs d'avoir accepté de commencer la séance plus tôt.
J'espère que mes collaborateurs et moi pourrons vous donner l'information dont vous avez besoin afin de mieux comprendre les raisons qui expliquent les importantes modifications présentées dans le projet de loi d'exécution du budget. Je suis accompagné aujourd'hui de Marta Morgan, qui nous a conseillés tout au long du processus. Elle a accompli un travail formidable.
Avant de parler spécifiquement des modifications concernant la Loi sur les télécommunications qui figurent dans cet important projet de loi, et avant d'aborder les changements aux restrictions concernant les investissements étrangers dans le secteur des télécommunications, ainsi que le soutien de la Liste nationale des numéros de télécommunications exclus, j'aimerais présenter au comité le contexte du programme général du gouvernement en matière de télécommunications.
[Français]
Les modifications dont nous discutons aujourd'hui font partie du plan du gouvernement du Canada visant les emplois, la croissance et la prospérité à long terme. Notre objectif est de renforcer la sécurité financière des travailleurs et des familles du Canada, et de créer des bons emplois, favorisant la prospérité à long terme dans toutes les régions du pays.
Lorsqu'il a présenté le budget au Parlement, le ministre des Finances a expliqué qu'avec ce budget notre gouvernement regardait vers l'avant non seulement sur une période de quelques années mais bien pour la prochaine génération. Cette déclaration est particulièrement vraie dans le cas du programme du gouvernement en matière de télécommunication.
Le secteur canadien des télécommunications est à un tournant critique. Le secteur privé prend des décisions relativement aux investissements massifs en capital pour toutes les formes de services de télécommunication. À titre de gouvernement, nous devons faire en sorte que le cadre réglementaire approprié soit en place pour stimuler l'investissement pour que les Canadiens aient accès à des réseaux à large bande et à haute vitesse et à des services sans fil et novateurs à des prix concurrentiels.
Le gouvernement a déjà montré qu'il a la ferme volonté d'encourager la concurrence et le choix du consommateur dans le domaine des télécommunications. Au cours des dernières enchères du spectre, qui ont eu lieu en 2008, notre gouvernement a pris des mesures pour encourager l'arrivée de nouveaux venus dans le marché des services sans fil. Depuis ce temps, le paysage canadien des services sans fil a changé.
De nouveaux joueurs sont arrivés sur le marché, ce qui donne plus de choix aux consommateurs. De plus, les entreprises titulaires et les nouveaux venus ont fait des investissements afin de mieux servir les abonnés. Les consommateurs peuvent voir les avantages de l'accès à des services plus évolués, à un éventail d'options plus large et ce à des prix inférieurs.
Plus récemment, le 14 mars, j'ai annoncé une série de mesures visant le secteur des télécommunications, y compris la réforme des restrictions s'appliquant aux investissements étrangers ainsi que le cadre de travail pour les prochaines enchères du spectre dans les bandes de 700 MHz et de 2 500 MHz.
J'ai également annoncé des mesures précises visant l'amélioration et la prolongation de ces politiques en vue de favoriser davantage la concurrence et de ralentir la prolifération de nouveaux pylônes de téléphonie cellulaire au profit des Canadiens.
Ces décisions reposent sur trois objectifs. Le premier, la concurrence durable dans les services de télécommunication sans fil. Le deuxième, un investissement et une innovation vigoureux dans ce secteur. Le troisième, la disponibilité en temps opportun des services évolués pour tous les Canadiens y compris dans les régions rurales.
Ces décisions permettront aux nouveaux venus sur le marché d'acquérir ces importantes fréquences du spectre et d'améliorer leur capacité de soutenir la concurrence. Ces fréquences permettront aux sociétés de télécommunication d'offrir aux entreprises et aux consommateurs canadiens, y compris ceux des régions rurales, les derniers réseaux mobiles de quatrième génération fondés sur la technologie d'évolution à long terme qu'on connaît comme LTE.
[Traduction]
En ce qui a trait à l'augmentation de l'investissement étranger, j'avais annoncé dans le cadre du programme en matière de télécommunications que le gouvernement procéderait aux changements qui vous sont présentés dans le projet de loi C- 38. Ces modifications de la Loi sur les télécommunications supprimeront les restrictions en matière d'investissement étranger auprès des sociétés de télécommunication qui détiennent moins de 10 p. 100 de l'ensemble des parts de marché canadiennes en télécommunications. Le gouvernement ne supprime pas ces restrictions auprès des radiodiffuseurs.
La Loi sur les télécommunications est entrée en vigueur en 1993. L'article 16 de la loi énonce que les entreprises de télécommunications doivent être la propriété de Canadiens et sous contrôle canadien. Pour satisfaire à cette exigence, elles doivent répondre à trois critères : au plus 20 p. 100 des actions à droit de vote peuvent appartenir à des non-Canadiens, ce qu'on appelle souvent la limite directe de 20 p. 100; au plus 20 p. 100 des membres du conseil d'administration peuvent être des non-Canadiens; et la société n'est par ailleurs pas contrôlée par des non-Canadiens, ce qu'on appelle souvent le critère du « contrôle de fait ».
Plusieurs organismes d'examen se sont penchés sur la réforme de ces restrictions, et ces dernières ont fait l'objet de vastes consultations menées par notre gouvernement. J'aimerais attirer votre attention sur deux de ces examens en particulier.
Il s'agit d'abord du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, qui a présenté son rapport en 2006. Le groupe a constaté que, parmi les pays membres de l'OCDE, le Canada avait conservé l'un des ensembles de règles les plus restrictives et inflexibles à l'égard de l'investissement étranger dans le secteur des télécommunications.
Ce groupe d'étude a porté une attention particulière aux répercussions des restrictions sur le secteur sans fil. Il a conclu que la qualité, le prix et la disponibilité des services sans fil s'amélioreraient si l'on assouplissait les restrictions du Canada relatives à l'investissement étranger.
Tout en appuyant l'ouverture du secteur des télécommunications, le groupe d'étude reconnaissait la complexité liée à l'industrie du câble, qui offre à la fois des services de télécommunications et de radiodiffusion. Ces fournisseurs de services sont soumis à des restrictions en matière d'investissement au titre de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion. Le groupe a donc recommandé une réforme graduelle, proposant qu'on assouplisse immédiatement les investissements étrangers dans les entreprises possédant moins de 10 p. 100 du marché canadien des télécommunications.
Deux ans plus tard, en 2008, le Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence a examiné la façon d'accroître le rendement économique général du Canada grâce à une concurrence accrue. Le groupe d'étude de la concurrence a fait écho aux recommandations du groupe d'étude des télécommunications en recommandant notamment la suppression des restrictions imposées aux entreprises dont la part de marché est inférieure à 10 p. 100.
[Français]
À la suite de ces examens de politique faisant partie du discours du Trône du 3 mars 2010, le gouvernement a annoncé son intention d'ouvrir les portes du Canada à l'investissement étranger dans les secteurs clés, notamment celui des télécommunications.
Des consultations sur les réformes potentielles ont été lancées en juin. Le gouvernement a reçu presque une centaine d'observations, et le ministre de l'Industrie d'alors a rencontré l'ensemble des entreprises qui étaient intéressées par ces changements et les enchères du spectre à venir. Les changements proposés aujourd'hui au projet de loi C-38 tiennent compte des commentaires reçus dans le cadre des consultations ainsi que des travaux des groupes d'étude indépendants.
J'aimerais maintenant parler de la partie du projet de loi qui traite des dépenses d'enquête et d'application associée à la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus. La Liste nationale de numéros de télécommunication exclus est un programme efficace auquel se fient de nombreux Canadiens pour se protéger contre les appels de télémarketing non sollicités. Avec ces modifications, le gouvernement renforce son engagement à protéger les consommateurs. La Liste nationale de numéros de télécommunication exclus, établie en 2008, permet aux consommateurs canadiens de s'inscrire gratuitement pour réduire le nombre d'appels téléphoniques non sollicités qu'ils reçoivent.
Les sociétés de télémarketing n'ont pas le droit d'appeler les consommateurs inscrits à la liste. Jusqu'à maintenant, la liste compte plus de 10,7 millions de numéros de téléphone inscrits.
À l'heure actuelle, le fonctionnement de la Liste nationale des numéros de télécommunication exclus est entièrement financé par les sociétés de télémarketing tandis que les coûts des enquêtes et de l'application sont assumés par le gouvernement.
Les modifications qui figurent dans le projet de loi permettraient au CRTC de récupérer les coûts des enquêtes et de l'application liés à la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus auprès de l'industrie du télémarketing. Le CRTC pourra établir des tarifs à cette fin. Le CRTC tiendra cet été des consultations sur la structure tarifaire qui sera mise en place le premier avril 2013.
Pour conclure, monsieur le président, ces modifications font partie d'un programme stratégique intégré et axé sur l'avenir en matière de télécommunication qui fait partie de notre programme plus vaste concernant les emplois et la croissance.
Ces modifications combinées aux décisions récemment annoncées au sujet du cadre des enchères favoriseront la disponibilité en temps opportun de services sans fil de calibre international à faible coût pour les familles canadiennes, y compris dans les régions rurales. Ce programme qui s'appuie sur les mesures prises par notre gouvernement en 2008 pour appuyer la concurrence permettra d'améliorer la connectivité pour les consommateurs et d'accroître la productivité des entreprises. Ces réformes font partie du plan du gouvernement visant à créer les bases solides qui permettront aux sociétés canadiennes de créer des emplois et de favoriser la croissance en profitant de possibilités au Canada et à l'étranger.
Comme l'a dit le ministre des Finances, nous prendrons les mesures décisives pour nous assurer que l'économie créera de bons emplois et favorisera une meilleure qualité de vie pour nos enfants et nos petits-enfants.
[Traduction]
Je souhaite vous remercier une fois de plus de m'avoir donné l'occasion de vous parler de l'importance de ces modifications. Si vous avez des questions, je serai heureux d'y répondre.
Le vice-président : Merci beaucoup. Permettez-moi de commencer par vous présenter les sénateurs présents. À partir de ma gauche se trouvent le sénateur Mercer de la Nouvelle-Écosse, le sénateur MacDonald de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Zimmer du Manitoba, le sénateur Boisvenu du Québec, le sénateur Unger de l'Alberta, le sénateur Doyle de Terre-Neuve-et-Labrador, et le sénateur Verner du Québec. C'est le sénateur Verner qui va commencer.
[Français]
Le sénateur Verner : Je remercie le ministre ainsi que ses adjoints qui sont parmi nous ce matin. D'abord, j'aimerais aborder la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus.
La gestion de la liste a été confiée, en 2007, à Bell Canada pour un contrat de cinq ans. Selon les données que j'ai ici, suite à des plaintes, Bell Canada a reçu une amende de 1,3 million de dollars pour avoir enfreint les critères qui prévalent pour la liste.
Vous êtes certainement en cours de processus de renouvellement d'un gestionnaire pour ladite liste. Si ce n'est pas déjà fait, j'imagine que bientôt vous allez le sélectionner. Du fait que Bell Canada s'est vu imposer des amendes importantes, cette entreprise a-t-elle été exclue de ce processus?
M. Paradis : Au niveau du processus, j'aimerais laisser Mme Morgan l'expliquer puisque que l'octroi du contrat antérieur et futur s'effectue au niveau administratif.
Marta Morgan, sous-ministre adjointe, Secteur de l'industrie (Industrie Canada) : C'est au CRTC de procéder au renouvellement du contrat. J'ajouterai également qu'il s'agit là de deux différentes questions; une est relative aux amendes imposées à Bell Canada dans le marché des services de télécommunication, et l'autre est relative à leur administration de la liste qui, à ma connaissance, a été faite avec compétence. Ils ont atteint les standards requis au contrat. Toutefois, la question du processus et de l'échéancier devrait être posée aux représentants du CRTC qui vont, je pense, bientôt comparaître devant le comité.
Le sénateur Verner : Je vais certainement leur poser la question. Cela me semble, à tout le moins, un petit peu questionnable — je ne dis pas que ce n'est pas approprié — qu'une entreprise ayant fait l'objet d'amendes aussi sérieuses puisse compétitionner afin de gérer la même liste.
Concernant la Loi canadienne anti-pourriel adoptée par le Parlement en février 2011, j'en comprends que les processus sont différents pour ce qui est de la liste des télécommunications concernant les appels téléphoniques puisque le consommateur doit s'inscrire afin de figurer sur cette liste et éviter de recevoir des appels téléphoniques à la maison, alors que pour la Loi canadienne anti-pourriel, ce serait l'inverse; ce serait aux entreprises de vérifier auprès des consommateurs s'ils acceptent de recevoir des produits de télémarketing ou de publicité. Il y aura donc deux lois avec des processus différents; mais est-ce qu'éventuellement une aura préséance sur l'autre? De quelle façon envisagez-vous cela pour le consommateur?
M. Paradis : Il s'agit tout d'abord de deux technologies différentes. Lorsqu'on parle de la Liste des consommateurs exclus, cela concerne la sollicitation par téléphone, tandis que l'application de la Loi canadienne anti-pourriel vise la nouvelle technologie Internet.
La Loi canadienne anti-pourriel a été introduite sur la base des consultations tenues. À l'heure où on se parle, nous sommes également en phase de réglementation. Des consultations ont été tenues suite à la première publication sous forme de gazette. Il y a eu des réactions de la part des intervenants et de l'industrie. Nous sommes donc en processus de propositions qui, je l'espère, seront finales et feront en sorte que nous pourrons aller de le l'avant.
Toutefois, au niveau pratique, on ne peut pas connaître tout ce qu'il en est au niveau Internet; c'est pour cette raison que la loi propose une approche plus coercitive. Dès qu'il y a une plainte on peut aller de l'avant, tandis que la Liste des consommateurs exclus est gérée par le CRTC. C'est un organisme qui existe déjà avec une technologie existante. Jusqu'à maintenant, ça fonctionne. Il y a eu 131 contraventions, 54 avis de violation pour des contraventions plus graves et 42 sanctions administratives pécuniaires. Il s'agit là d'un total de deux millions de dollars pour les sociétés de marketing qui ont été mises à l'amende depuis que ce processus est en place.
Par ailleurs, effectivement, vous touchez un point fondamental en disant que ce sont des pans de technologie qui peuvent s'intégrer. Nous savons qu'à un moment donné les télécommunications, le câblage et le téléphone se dirigeront de plus en plus vers une approche unique. Évidemment, pour le CRTC, ce sera le genre de sujet qu'il devra étudier dans l'avenir. De notre côté, nous sommes toujours ouverts à toutes les suggestions requises pour nous adapter à l'évolution de la technologie qui évolue très vite dans ce secteur.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Monsieur le ministre, vous avez dit dans votre exposé que la suppression des restrictions au sein de l'industrie des télécommunications n'aurait pas la moindre influence sur l'industrie de la radiodiffusion. Il y a un an environ, je crois, le président du CRTC a dit qu'il faudrait probablement fusionner la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion. Qu'en pensez-vous? Si on le faisait, l'industrie de la radiodiffusion risquerait-elle davantage de subir des changements? Il est souvent question du contenu canadien, et du fait que la propriété des télécommunications pourrait entraîner une réaction en chaîne si elle conduisait à des modifications à la Loi sur la radiodiffusion. À la lumière de ce dont le président du CRTC a parlé il y a un an, envisage-t-on de remplacer la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion par une seule loi?
M. Paradis : Cette question a été soulevée à plusieurs occasions, et le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications y a répondu en partie. Au moment de la déclaration du président, on avait décidé que seules les restrictions des sociétés de télécommunications seraient supprimées, et c'est ce que nous faisons. À l'époque, cette solution semblait logique puisque ces sociétés n'ont aucun contrôle sur le contenu; elles gèrent uniquement la technologie. Si nous décidons plus tard d'évaluer à son tour la Loi sur la radiodiffusion, il faudra tenir des audiences publiques, ce qui n'a pas été fait. Il est donc trop tôt pour me prononcer sur ce qu'il en adviendra. D'ailleurs, le rapport indiquait lui aussi que nous devrions commencer par des audiences publiques.
Le sénateur Doyle : Craint-on que les entreprises de télécommunications étrangères qui s'implanteront au pays s'intéressent uniquement aux grandes zones urbaines plutôt qu'aux régions rurales? Pourrait-on adopter des directives pour éviter que ces entreprises étrangères limitent leurs activités aux grands centres urbains? Dans ma province, l'accès aux télécommunications s'est grandement amélioré. Mais sans restrictions, il arrive que de grandes entreprises étrangères s'intéressent uniquement aux centres urbains lucratifs.
M. Paradis : En effet. Le spectre de la bande de 700 mégahertz est très prisé, et nombreux sont ceux qui veulent en faire l'acquisition. L'offre est donc inférieure à la demande. Nous imposons des conditions afin de nous assurer qu'un quatrième intervenant entrera en jeu partout où nous nous trouvons au pays. Comme vous le savez, le spectre de la bande de 700 mégahertz est divisé en 14 zones, alors la concurrence est féroce. Plutôt que de réserver des fréquences comme nous l'avons fait en 2008, nous avons décidé de fixer un plafond qui limite une société à deux blocs de fréquence B et C; la catégorie A n'en fait pas partie.
En fait, il restera un bloc; c'est le marché et pas le gouvernement qui décidera duquel il s'agit. Nous sommes donc certains que quatre intervenants pourront tenter leur chance partout au pays. Toutefois, si une société décide d'acquérir un deuxième bloc du spectre de la bande de 700 mégahertz, elle sera en plus tenue d'offrir ses services en région rurale. De plus, 90 p. 100 de son réseau devra être en place après cinq ans, et 97 p. 100 après sept ans, ce qui est plutôt strict.
Franchement, si les entreprises de télécommunications étrangères décident de ne pas acquérir un deuxième bloc, d'autres le feront. Ces exigences s'appliqueront dès qu'un titulaire ou une société quelconque se retrouvera avec deux blocs, ou encore, dès qu'un réseau couvrant deux blocs sera exploité conjointement.
Il y aura certainement au bout du compte une entreprise qui sera tenue de respecter ces exigences supplémentaires, et ce, dans l'intérêt des Canadiens en région rurale. Nous en sommes convaincus, car les consultations nous ont appris que ce spectre est en demande. Cette fréquence est très efficace et a une grande portée; elle traverse même le béton. Elle offre de nombreux avantages pratiques. Elle est moins chère que le spectre habituel, car elle nécessite de moins nombreuses tours. Et c'est loin d'être tout. Nous sommes donc convaincus que les régions rurales seront mieux servies.
Le sénateur Doyle : À quel point favoriser une forte concurrence est-il dans l'intérêt des Canadiens des villes et des régions? Vous trouvez manifestement ce genre de concurrence importante, mais dans quelle mesure? J'aimerais que vous nous parliez des effets tangibles de cette concurrence au sein des collectivités. Je ne connais pas parfaitement la loi, et j'ignore comment les modifications amélioreront la prestation de services dans les régions rurales du Canada.
M. Paradis : Commençons par les leçons que nous avons déjà tirées. Lorsque nous sommes passés en 2008 aux services sans fil évolués, de nouveaux joueurs ont fait leur apparition, ce qui n'arrivait jamais auparavant. Aujourd'hui, ces nouvelles sociétés comptent environ un million d'abonnés et offrent des forfaits bon marché ou abordables. Par exemple, un forfait cellulaire d'appels illimités peut coûter aussi peu que 15 $ par mois. C'est bel et bien possible; on en trouve des exemples. Même les grosses pointures ont commencé à proposer de tels forfaits afin de faire concurrence à ces nouvelles offres. Il s'agit d'un nouveau type de marché. C'est donc ce que nous avons constaté en zone urbaine. Depuis 2008, les prix ont diminué d'environ 11 p. 100.
Je viens moi aussi d'une région rurale. Nous voulons favoriser ce type de concurrence, mais nous voulons surtout nous assurer que la nouvelle technologie puisse être déployée en même temps d'un bout à l'autre du Canada, peu importe où l'on se trouve. Je parle bel et bien de la technologie LTE. On constate qu'elle est présente en région rurale, mais elle le sera de plus en plus grâce à la bande de 700 mégahertz. Une entreprise qui possède deux blocs ou qui exploite un réseau conjoint avec une autre société devra se plier à des exigences supplémentaires et offrir des services en région, comme je viens de vous l'expliquer. À l'avenir, les nouvelles technologies feront rapidement leur arrivée même en milieu rural.
Un tel spectre favorisera naturellement la concurrence. Ainsi, les Canadiens en région rurale auront plus de choix qu'auparavant, mais ils auront surtout accès au service alors que ce n'était pas le cas il y a tout juste cinq ou six ans. Nous constatons que le phénomène prend une ampleur grandissante, ce qui se traduira par une expérience réussie. Nous sommes tout à fait convaincus qu'un quatrième joueur partout au pays permettra non seulement de stimuler le développement du réseau, mais aussi d'offrir plus d'options aux consommateurs de même que de meilleurs prix, si tout va bien. C'est au coeur de notre raisonnement.
Le vice-président : Avant de passer au sénateur Mercer, je vais laisser le sénateur Zimmer poser une question complémentaire à celle du sénateur Doyle.
Le sénateur Zimmer : Veuillez excuser mon retard. Je vous remercie de comparaître, monsieur le ministre. Le sénateur Doyle a posé d'excellentes questions. Il est excellent que vous imposiez une limite de deux blocs par société, mais j'aimerais ajouter que nous avons déjà eu un problème de thésaurisation. En fait, les sociétés se procuraient le spectre, mais ne l'exploitaient pas. Existe-t-il une réglementation qui impose un délai aux sociétés pour exploiter le spectre?
M. Paradis : Tout à fait. Nous voulons éviter que le spectre fasse l'objet de spéculation. C'est trop important. Les sociétés devront l'exploiter, sans quoi elles le perdront. En fonction de l'endroit, les sociétés devront en général avoir mis en place 20 à 50 p. 100 de leur réseau après 10 ans. Une société qui ne respecte pas ce critère perdra tout simplement son bloc. Par ailleurs, si une société fait l'acquisition de deux blocs du spectre de la bande de 700 mégahertz, ou qu'elle exploite un réseau conjoint avec une autre société et que, de fait, elle est réputée avoir deux blocs, elle sera tenue d'offrir des services en région rurale, comme je viens de le dire. C'est progressif. Il n'y a jamais eu de tels critères, mais compte tenu du potentiel du spectre, nous sommes plutôt sûrs que l'ensemble du pays en profitera.
Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, merci d'être ici. Il s'agit d'une mesure législative compliquée qui fait intervenir plusieurs aspects. Je suis toujours surpris de constater que le gouvernement l'ait présentée et intégrée dans le projet de loi d'exécution du budget, alors qu'il faudrait vraiment l'étudier en profondeur dans un projet de loi distinct. Toutefois, je ne vais pas remettre en question cette décision politique aujourd'hui.
Je veux attirer votre attention sur le fait que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a présenté, il y a plusieurs années, un rapport détaillé sur la pauvreté rurale. Dans ses examens et ses déplacements un peu partout au Canada, le comité a remarqué que quatre problèmes revenaient dans presque toutes les collectivités visitées. Le problème sur lequel je veux attirer votre attention concernait l'accessibilité à Internet et au service fourni aux Canadiens vivant dans les régions rurales.
Vous avez mentionné, monsieur le ministre, que vous représentez une région rurale. J'habite justement dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse. Pour être gentil envers les fournisseurs, je dirai que les services qu'ils offrent sont, au mieux, inégaux. Dans notre maison, en Nouvelle-Écosse, ma femme et moi faisons affaire avec deux fournisseurs distincts. Le service que je reçois est assez bon. Par contre, elle n'a aucun service. Il faut qu'elle conduise pendant cinq kilomètres avant d'obtenir un service et, bien honnêtement, elle paie un montant assez élevé à son fournisseur.
Monsieur le ministre, lorsque les Canadiens décident de résilier un contrat et de faire appel à une entreprise qui leur offrira un meilleur service, cela engendre des coûts. Avez-vous déjà réfléchi au fait qu'un très grand nombre de Canadiens se retrouvent liés à des fournisseurs par des contrats de service qui ne valent pas le papier sur lequel ils sont rédigés, car ils ne peuvent pas avoir le service en question? Pour résilier un contrat, il leur en coûtera des centaines ou des milliers de dollars, selon le type de contrat. Au bout du compte, ils ont perdu leur argent durement gagné. C'est un problème surtout dans votre collectivité et dans ma collectivité, c'est-à-dire dans les régions rurales du Canada.
M. Paradis : Nous y avons évidemment réfléchi, et c'est pourquoi nous voulons saisir l'occasion que présente le spectre. De plus, en juillet 2009, nous avons annoncé le programme à large bande. Il s'agissait de collaborer avec les provinces afin de comprendre la composante géographique qui permet de bien établir le réseau, surtout dans les régions rurales. Ce programme a été bénéfique. Je peux affirmer qu'en ce moment, les choses se sont améliorées dans ma circonscription, mais il reste du travail à faire.
En mars dernier, nous avons organisé une réunion fédérale-provinciale, et encore une fois, nous avons soulevé la préoccupation, afin de veiller à ce que le gouvernement fédéral et les provinces puissent collaborer et se compléter.
Il y a aussi la question des technologies; on peut choisir un service sans fil, par satellite ou par câble. Ainsi, nous devons comprendre exactement ce qui se passe pour pouvoir continuer à offrir l'accès.
Ce programme a été exécuté à grande échelle. En effet, 98 p. 100 des foyers canadiens ont accès à Internet à haute vitesse par l'entremise de différentes technologies, y compris la technologie sans fil. Toutefois, nous devons maintenant offrir plus de choix, favoriser la concurrence et de meilleurs prix, et encourager ces entreprises à investir. C'est pourquoi nous avons organisé la vente aux enchères du spectre de la bande de 700 mégahertz. C'est aussi pourquoi nous avons ajouté des conditions en ce qui concerne les régions rurales.
Nous devons nous rappeler qu'on passera ensuite à la bande de 2 500 mégahertz. Ce sera pendant l'année suivant la vente aux enchères de la bande de 700 mégahertz, et ce spectre est aussi intéressant. Je pense qu'il y aura 70 zones; cela signifie-t-il 70 permis? Des entreprises qui souhaitent exercer leurs activités dans les régions rurales ont manifesté un intérêt certain. C'est ce que j'ai entendu pendant mes consultations ministérielles, et c'est ce que les fonctionnaires ont aussi entendu. Encore une fois, il y aura des limites, ce qui permettra à de nouveaux joueurs de participer.
On offre donc l'accessibilité. Parfois, le service n'est pas aussi bon que nous le souhaiterions, mais nous allons y arriver, cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi nous avons imposé ces critères dans les deux nouvelles ventes aux enchères à venir, car il y a beaucoup d'occasions à saisir.
En ce qui concerne la Loi sur l'exécution du budget, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous suivons le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications. C'est un sujet dont on a beaucoup discuté. Nous en avons parlé dans le discours du Trône en 2010; il s'agit donc d'un engagement très important pour nous. Nous devions faire le lien avec les enchères du spectre à venir, car il faut de l'argent dans ce domaine. Cela exige tellement d'investissements que si nous voulons vraiment avoir un quatrième joueur dans ce domaine au pays, nous devons veiller à ce qu'il ait accès aux capitaux et puisse faire des dépenses en immobilisations. Cela coûte beaucoup d'argent et c'est tellement long avant d'être rentable qu'on y a intégré cet outil.
C'est pourquoi nous devions l'annoncer en même temps — pour veiller à ce que la vente aux enchères soit réussie. La vente aux enchères du spectre de 700 mégahertz est extrêmement importante, et nous devions avoir tous les outils nécessaires pour atteindre ces objectifs.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le ministre. Vous n'avez pas abordé l'autre question, c'est-à-dire comment les fournisseurs ont été autorisés à lier les Canadiens dans des contrats qui les obligent à payer pour des services qu'ils ne reçoivent pas. Il est bien connu que les Canadiens paient certains des prix les plus élevés au monde pour ces services. J'ai comparé mes factures de téléphone cellulaire et mon accessibilité avec des collègues américains, et ils sont extrêmement surpris des prix payés par les Canadiens.
Un grand nombre de gens pensent que le fait d'obtenir un de ces permis ici au Canada est en fait un permis pour imprimer de l'argent. Ce qui me préoccupe, c'est le fait que faire appel aux entreprises nationales n'a pas contribué à réduire les coûts.
Monsieur le ministre, affirmez-vous que la concurrence étrangère que vous allez tenter d'autoriser par cette loi signifiera des prix moins élevés pour les Canadiens? Si c'est bien ce que vous affirmez, comment pouvez-vous garantir que cela va fonctionner?
M. Paradis : Malheureusement, nous ne pouvons rien garantir, mais nous pouvons chercher à mettre en place les meilleurs outils pour atteindre nos objectifs. Si je me fie aux leçons que nous avons apprises du spectre pour les SSFE, nous en avons réservé une partie à l'époque, mais ce n'était pas la même situation, et la concurrence s'est accrue. Il y a un quatrième joueur dans un grand nombre de domaines, et les prix ont diminué de 11 p. 100 en moyenne au Canada.
Pouvons-nous faire plus? Oui, nous le pouvons. C'est pourquoi nous avons ajouté d'autres conditions au spectre de 700 mégahertz. Nous sommes persuadés que nous pouvons continuer d'avancer dans cette voie, et c'est aussi pourquoi, dans cette vente aux enchères, nous avons annoncé que nous allions réviser les politiques concernant les tours. Il y a un problème avec l'itinérance et le partage des tours; en effet, de plus en plus de gens veulent avoir accès à Internet, mais ils ne veulent pas avoir de tours dans leur cour. C'est la dure réalité.
Il y a également la question de l'itinérance et du service continu. Nous en avons beaucoup entendu parler. C'est pourquoi nous avons dit que nous allions tenir des consultations.
Nous voulons résoudre les différends plus rapidement que nous le faisons maintenant. Nous voulons que les entreprises soient plus transparentes lorsqu'elles échangent des communications, et nous voulons veiller à ce que l'itinérance soit prolongée indéfiniment, plutôt que pendant seulement cinq ans. C'est un outil qui sera très utile.
En cours de route, nous veillons à avoir un quatrième joueur partout au pays, avec la possibilité d'avoir accès à des capitaux et à une infrastructure à un prix raisonnable — et non prohibitif —, car les électeurs diront qu'ils ont payé dans le passé et qu'ils ne veulent pas que tout le monde en profite. C'est juste. L'idée, c'est d'atteindre un équilibre dans ce cas-ci.
Selon que nous discutions avec les nouveaux joueurs ou avec les électeurs, nous avons entendu deux histoires différentes. Nous avons adopté ces politiques afin de veiller à atteindre cet équilibre. En cours de route, si nous accomplissons ce que nous pouvions faire en 2008, nous espérons que cela engendrera de meilleurs prix et plus de choix, et que ces entreprises investiront davantage.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le ministre. Je veux poser une question au sujet de la Liste nationale des numéros de télécommunications exclus, mais avant, la décision du gouvernement d'annuler le Programme d'accès communautaire un peu partout au Canada n'aide pas à permettre à tous les Canadiens de se connecter au réseau, surtout dans les plus petites collectivités, où le service est de piètre qualité. Les limites ont été très utiles pour permettre aux gens d'avoir accès en passant par un système fourni au niveau communautaire.
En ce qui concerne la Liste nationale de numéros de télécommunications exclus, je viens d'un secteur où ce type de liste suscite un grand intérêt. En effet, pendant la plus grande partie de ma vie, j'ai œuvré dans le secteur caritatif. Les organismes caritatifs ont été exemptés de certains règlements pris à l'égard de ces listes, mais nous souhaitons certainement savoir comment elles fonctionnent.
Combien la gestion de la Liste nationale des numéros de télécommunications exclus coûte-t-elle, en ce moment? Pouvez-vous nous donner un chiffre?
M. Paradis : Le gouvernement a dû payer trois millions de dollars. Nous versons l'argent pour aider à couvrir les coûts de lancement, et ensuite, l'entreprise peut imposer des frais aux télévendeurs, mais le gouvernement assume les coûts de lancement. Lorsqu'on procède à ce que nous appelons l'amortissement, c'est-à-dire lorsque les coûts de lancement sont payés, on peut couvrir les coûts engendrés par le CRTC dans le processus d'enquête en imposant des frais, au lieu de faire payer trois millions de dollars par année au gouvernement.
Pour simplifier, lorsque vous voyez le bout du tunnel, lorsque les coûts de lancement sont couverts — ce qui sera le cas à la fin de l'année —, le gouvernement peut se retirer et vous pouvez percevoir des frais en remplacement. Cela ne fera aucune différence pour le consommateur, mais le gouvernement économisera trois millions de dollars par année.
Le sénateur Mercer : Il y a plusieurs semaines, lorsque nous avons parlé des coûts liés aux entreprises aériennes, nous avons découvert que les gouvernements saisissent parfois ces occasions pour en faire des sources de revenus — et je vous vois secouer la tête pour dire « non ». Je suis d'accord avec vous. J'aimerais préciser que nous ne voulons pas voir cela à l'avenir.
M. Paradis : Il s'agit d'un très bon point. J'ai essayé de résumer l'explication, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que les coûts ne varieront pas. Les contribuables auront assumé les coûts de lancement — ce qui sera le cas à la fin de l'année —, et ensuite, le système fonctionnera tout seul.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, bonjour. Félicitations pour votre travail.
Je viens moi aussi d'un milieu rural qui est l'Abitibi. Il n'y a pas plus rural que ça, je pense. Je me souviens encore que même au début des années 2000 plusieurs foyers devaient partager la même ligne téléphonique. Je me souviens que, alors que je demeurais dans un petit rang dans un village qui s'appelait Granada, nous étions six à partager la même ligne téléphonique. C'était presque un perron d'église. Ces gens ont eu beaucoup de difficultés à obtenir un accès Internet.
Notre gouvernement a investi beaucoup depuis six ans dans ces milieux pour introduire l'accès Internet à large bande et faire en sorte que ces foyers aient accès à l'outil indispensable qu'est Internet. Je pense qu'il faut féliciter notre gouvernement pour avoir livré la marchandise dans ce domaine.
Ceci en guise d'introduction parce que veux établir un parallèle avec le projet de loi que vous parrainez; toujours concernant le milieu rural. J'étais en Abitibi pas plus tard que l'an dernier avec mon BlackBerry. Dès que je suis entré sur le territoire de l'Abitibi, il ne fonctionnait plus parce qu'il est configuré pour la technologie 3G et qu'en Abitibi ils utilisaient encore les anciennes bandes.
Souvent donc, les milieux ruraux sont très désavantagés par rapport aux milieux urbains et par rapport à l'accès aux services et à la qualité des services. Qu'apportera votre projet de loi en termes d'équité par rapport au milieu rural?
Je pense que c'est une de vos préoccupations de traiter les gens vivant en milieu rural de façon équitable par rapport au milieu urbain, alors comment votre projet de loi fera-t-il en sorte que ces gens des régions éloignées puissent avoir accès à ces services qui deviennent, à certaines occasions, essentiels pour ces gens?
M. Paradis : Justement, j'étais à Val-d'Or il y a quelques mois pour annoncer un projet d'accès Internet à large bande et on pouvait voir que de l'infrastructure se déploie de plus en plus dans la région de l'Abitibi. Plusieurs projets étaient annoncés et on sentait beaucoup d'enthousiasme.
Il y a plusieurs problèmes; par exemple, un producteur laitier disait qu'il ne pouvait pas faire de la génétique laitière parce qu'il n'a pas accès aux banques de données du MAPAQ, ou autres, via Internet et nous savons que tout ça se passe maintenant en temps réel. C'est donc le premier point, c'est-à-dire le programme à large bande annoncé en 2009 et qui se poursuit. Il y a encore du déploiement qui se fait. Ça porte ses fruits. L'infrastructure est là et elle se déploie.
Maintenant, c'est au niveau du réseau; à savoir comment s'assurer du fonctionnement une fois que l'infrastructure est en place. Parce qu'on dit que techniquement, 98 p. 100 des foyers canadiens peuvent avoir accès à Internet haute vitesse d'une façon ou d'une autre, que ce soit par câble, par satellite ou sans-fil. Mais là, ça prend un réseau correspondant. Comme on le disait tantôt, si votre appareil est configuré en 3G, alors que la technologie n'est encore offerte que sur d'autres fréquences, c'est à ce moment qu'il faut nous assurer que les services puissent être déployés d'une façon convenable.
Lorsqu'on parle d'équité, nous voulons que les Canadiens aient accès aux nouvelles technologies où qu'ils soient au Canada et cela inclut les milieux urbains et les milieux ruraux.
Je parlais plus tôt du LTE 4G; c'est la nouvelle technologie qui s'en vient maintenant. Le spectre du 700 mégahertz en est un vraiment prisé, rare et efficace. Ça voyage loin, à travers les murs, ça coûte moins cher et moins de tours de communication sont nécessaires. Bref, c'est quelque chose que les compagnies regardent de près.
Il y a deux facettes. On dit qu'on veut avoir un quatrième joueur, où que nous soyons au Canada. Ça crée donc plus de choix pour le consommateur, ça crée de la compétition et ça force les gens à investir pour offrir toujours mieux. On espère, en bout de ligne, que ça occasionnera une baisse des prix, comme ce fut le cas en 2008 alors que nous avons réussi à baisser les prix de 11 p. 100 en moyenne partout à travers le Canada.
Nous sommes allés plus loin cette fois et avons établi un critère historique et jamais vu dans l'histoire : le critère rural. Dans la technologie de 700 mégahertz, vous avez le bloc A et les blocs B et C; c'est sur ces deux derniers qu'il y a eu de la compétition. C'est sûr que ce qui peut arriver en bout de ligne de la façon que l'enchère est montée, c'est que des compagnies vont se ramasser, tôt ou tard, soit avec deux blocs ou soit avec un bloc et puis avec une autre compagnie avec laquelle elle opère un réseau de façon conjointe.
Au niveau pratique, il s'agit de deux blocs. Que vous soyez dans l'une ou l'autre de ces situations, si vous arrivez avec deux blocs indirects ou directs, vous devrez déployer votre réseau de façon additionnelle. Votre réseau actuel, vous devriez le déployer à 90 p. 100 d'ici les cinq prochaines années, et à 97 p. 100 d'ici les sept prochaines années.
Ce sont des critères agressifs, mais nous considérons que les compagnies sont capables de le faire dans un plan d'affaires concerté. C'est un risque gérable. Aller au-delà de ça aurait été prohibitif ou trop onéreux, mais aller en deçà aurait voulu dire que certains Canadiens auraient pu manquer l'occasion d'avoir accès à ces nouvelles technologies. Le but était de viser l'équilibre.
Également, il faut garder à l'esprit que toute l'attention est concentrée sur le système de 700 mégahertz compte tenu de la particularité de ce spectre. C'est tellement puissant qu'il n'y a seulement que 14 zones partout au Canada. Il y a des gens qui nous demandaient de fragmenter les zones, mais on ne peut même pas parce qu'il y aurait de l'obstruction étant donné que c'est une onde trop performante.
Mais il y a le 2 500 mégahertz après qui s'en vient, qui est une onde de plus courte portée, mais qui peut contenir beaucoup de volume au niveau du multimédia, par exemple. C'est une onde qui couvrira plusieurs régions; je pense que c'est 69 ou 70 zones.
Le sénateur Boisvenu : Plus fragmentées.
M. Paradis : En effet. Nous savons que des compagnies regardent ça d'un œil très attentif parce qu'il y a des cas dans le milieu rural où ça pourrait être intéressant. Je pense aux satellites, par exemple. Certains attendent ça pour aller chercher des zones fragmentées et établir un plan d'affaires. Ça va s'ensuivre; ce n'est évidemment pas pour demain, mais au moins les jalons sont jetés pour atteindre cet équilibre et ce niveau d'accès. C'est ce que nous voulons.
Le sénateur Boisvenu : Cette question est fréquemment reliée à l'économie et au développement économique. Je ne veux pas vous poser une question piège, mais en quoi ce projet de loi va-t-il favoriser la création d'emplois au Canada afin de faire en sorte que nos travailleurs puissent en bénéficier plutôt que des emplois soient créés à l'extérieur du pays?
M. Paradis : C'est une question d'accès. On sait qu'il s'agit de productivité. Je parlais tantôt de la ferme laitière ou de la PME qui veut répondre à des appels d'offre en ligne. Nous savons que c'est très rapide et que ça ne fonctionne plus avec des lettres scellées par la poste et un processus qui prend des jours. Il faut avoir accès en ligne, ici, là et maintenant.
Également, il y a tout l'aspect de l'infrastructure. Il y a l'aspect du réseau et d'un secteur compétitif fort, d'y avoir accès et de susciter et créer de l'investissement de la part du secteur, ainsi que d'avoir plus de choix pour le consommateur. C'est la facette dont on parle ici.
Un projet pilote a justement été annoncé par Industrie Canada de 80 millions de dollars par année sur deux ans pour inciter les PME à faire des investissements pour avoir accès à cette technologie, afin de les sensibiliser au fait que s'ils ont accès à Internet, ils vont accroître leur productivité. C'est piloté par le CNRC. C'est un projet pilote très populaire et on pourra voir les résultats.
On constate qu'on traîne un peu de la patte au niveau de la productivité. Au lieu de se mettre la tête dans le sable, il faut corriger le problème. Une des façons de le faire est de faire en sorte que nos entreprises aient un accès Internet de qualité. C'est un outil de base. On parlait autrefois d'électrification rurale, et là on parle d'Internet. Cela créé de l'emploi parce que si on augmente la productivité, on augmente la performance; si on augmente la performance, on peut espérer augmenter le volume de vente et on gère ainsi la croissance et non la décroissance.
[Traduction]
Le vice-président : C'est tout pour les questions, à moins qu'il y en ait une autre.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, je sais que cela ne concerne probablement pas les modifications au projet de loi et à la loi dont nous avons discuté, mais d'après ce que je comprends, l'Europe et les États-Unis utilisent un service d'urgence 911 amélioré sur le plan technologique, c'est-à-dire un système qui n'est pas encore en place au Canada. En effet, les entreprises de télécommunications n'ont pas dépensé l'argent nécessaire pour mettre ce système en place. Je sais qu'il s'agit d'un investissement substantiel; on m'a dit qu'il s'élevait à environ cinq milliards de dollars.
J'aimerais savoir si on a abordé cette question avec les entreprises de télécommunications, qu'elles soient nouvelles ou déjà établies au Canada. Pouvez-vous nous dire si on a préparé un échéancier pour l'installation d'un service 911 amélioré et l'importation de ces technologies au Canada?
M. Paradis : Merci d'avoir posé la question. Je ne suis pas en mesure de vous donner un aperçu aujourd'hui. Je peux assurer un suivi auprès des fonctionnaires, qui sont probablement mieux renseignés, mais je n'ai pas les renseignements en main ce matin.
Le sénateur MacDonald : J'hésitais à poser la question, car cela n'est pas en lien direct avec le projet de loi. Nous vivons dans un grand pays, et le délai d'intervention est très important. La qualité de la technologie en place est évidemment importante lorsqu'il s'agit du délai d'intervention.
M. Paradis : Je serai heureux d'assurer un suivi. Je vais demander aux fonctionnaires d'examiner la question et de fournir une réponse écrite au comité.
Le sénateur MacDonald : Il y a au Canada des entreprises de télécommunications qui font beaucoup de profits, et je pense qu'elles ont l'obligation d'examiner les nouvelles technologies et de les mettre en place.
M. Paradis : Merci.
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je suis sûr que vous avez éclairé non seulement les membres de notre groupe de travail, mais aussi tous les Canadiens, d'un océan à l'autre.
M. Paradis : Merci encore une fois de m'avoir invité. Je vous en suis très reconnaissant. Je dois maintenant me dépêcher, car on m'attend en face.
Le vice-président : J'aimerais rappeler à notre auditoire que le comité effectue présentement une étude préliminaire du projet de loi C-38 ou, plus précisément, des éléments contenus dans la section 41 de la Partie 4, qui concerne la Loi sur les télécommunications. Demain soir, nous entendrons des représentants du CRTC.
(La séance est levée.)