Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 1 - Témoignages du 27 novembre 2013
OTTAWA, le mercredi 27 novembre 2013
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue aux sénateurs et à tous les membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que ce soit dans la salle ou bien au réseau CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Dennis Patterson, je suis du Nunavut et je suis le président du comité. Notre mandat est d'examiner la législation et les affaires relatives aux peuples autochtones du Canada de façon générale. Pour mieux comprendre les préoccupations de nos commettants, nous invitons régulièrement des témoins qui peuvent nous éclairer sur les questions qui leur paraissent importantes actuellement. Ces sessions sont très utiles car elles aident le comité à décider quelles études futures il entreprendra afin de mieux servir la communauté autochtone.
Les témoins d'aujourd'hui ont été invités pour nous donner des renseignements généraux sur la vaste question du financement des infrastructures dans les réserves, ce qui touche, entre autres choses, aux projets d'immobilisations, aux écoles et au logement. Nous entendrons ce soir des représentants de trois différentes directions générales d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.
Avant d'entendre nos témoins, je voudrais faire un tour de table et demander aux membres du comité de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Moore : Bonsoir. Je m'appelle Wilfred Moore, sénateur libéral de Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Watt : Sénateur Watt, du Nunavik.
La sénatrice Dyck : Sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.
Le sénateur Meredith : Sénateur Don Meredith, de l'Ontario.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Raine : Sénateur Greene Raine, de Colombie-Britannique.
Le président : Sénateurs, je sais que vous vous joindrez à moi pour souhaiter la bienvenue à nos témoins d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. M. Karl Carisse est directeur principal, Direction de l'innovation et de transformations politiques majeures, et je le remercie d'avoir accepté de venir témoigner devant le comité ce soir à un très court préavis. M. Carisse est accompagné de trois collègues : Annie Comtois, gestionnaire principale des programmes, Direction de la planification, de la surveillance et de la production de rapports; Patrick Haggerty, gestionnaire principal en matière de politiques, Direction de l'innovation et de transformations politiques majeures; et Paul Schauerte, gestionnaire principal en matière de politiques, Développement des programmes et de partenariats régionaux.
Monsieur Carisse, le nom de votre direction est une vraie source d'inspiration : « Direction de l'innovation et de transformations politiques majeures ». Nous cherchons justement des idées en vue d'apporter des innovations et des transformations susceptibles d'améliorer la vie des peuples autochtones. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Nul doute que les sénateurs auront ensuite des questions à vous poser.
Je crois comprendre que vous avez un mémoire à présenter. Vous avez la parole.
[Français]
Karl Carisse, directeur principal, Direction de l'innovation et de transformations politiques majeures, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de vous parler des infrastructures communautaires des Premières Nations.
En construisant et en entretenant des infrastructures de base dans les collectivités des Premières Nations, nous contribuons à assurer la santé et la sécurité des collectivités et nous les aidons à participer à l'économie.
[Traduction]
Les Premières Nations sont les propriétaires et opérateurs des infrastructures dans les réserves. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada offre un soutien financier ainsi que des conseils aux Premières Nations pour les aider à acquérir, à construire, à exploiter et à entretenir les infrastructures communautaires. Il fournit entre autres des fonds pour : les systèmes d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées, les écoles, les routes et les ponts, les réseaux électriques, les bâtiments communautaires et les logements, et le renforcement des capacités pour la formation des opérateurs d'installations d'approvisionnement et de traitement des eaux usées.
Affaires autochtones vise à ce que les infrastructures communautaires dans les réserves soient bien planifiées, administrées de façon efficace et comparables à celles dont jouissent les Canadiens vivant à l'extérieur des réserves. Le versement aux Premières Nations de fonds pour les infrastructures communautaires découle du pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada dans le cadre de la politique sociale. Des fonds sont versés aux Premières Nations dans le cadre du Programme d'immobilisations et d'entretien du ministère. Ce programme est doté d'un budget annuel d'environ un milliard de dollars et il comprend trois volets de financement pour les bénéficiaires des Premières Nations : le financement pour le fonctionnement et l'entretien des immobilisations, qui représente environ 35 p. 100 du budget total; le financement pour les petits projets d'immobilisations qui appuient le logement des Premières Nations et les projets de construction, d'acquisition, de rénovation et de réparations majeures de moins de 1,5 million de dollars, qui représentent environ 40 p. 100 du budget total; et le financement pour les grands projets d'immobilisations fondés sur des propositions qui visent particulièrement la construction, l'acquisition, la rénovation ou la réalisation de réparations majeures et dont la valeur est de plus de 1,5 million de dollars — environ 25 p. 100 du budget total. Les bureaux régionaux ont la flexibilité de réallouer la contribution globale aux divers secteurs du programme pour répondre aux priorités régionales.
Affaires autochtones fournit actuellement aux Premières Nations jusqu'à 100 p. 100 du financement des immobilisations pour la construction de la plupart des projets d'infrastructure communautaires, principalement des projets scolaires et des projets liés aux systèmes d'eau potable et de traitement des eaux usées. Les Premières Nations possèdent leurs propres infrastructures et sont responsables d'en assurer le fonctionnement et la gestion au quotidien.
[Français]
Affaires autochtones investit environ 204,2 millions de dollars par année pour aider les Premières Nations à offrir des services d'approvisionnement en eau et en traitement des eaux usées. Entre 2006-2007 et 2013-2014, le gouvernement du Canada aura investi environ trois milliards de dollars en infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées dans les collectivités des Premières Nations.
[Traduction]
En réponse au Rapport sur l'évaluation Nationale des systèmes d'aqueduc et d'égout des Premières Nations pour 2009 à 2011, le gouvernement du Canada s'est engagé à régler les questions entourant l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées dans les réserves en fonction des priorités. Il a établi une stratégie de réduction du risque qui prévoit un processus de renforcement des capacités et une formation des opérateurs améliorée, des normes et des protocoles exécutoires ainsi que des investissements dans les immobilisations.
Pour ce qui est des normes et des protocoles, une loi a été mise sur pied pour veiller à ce que les Premières Nations profitent des mêmes mesures de protection en matière de santé et de sécurité de l'eau potable que tous les autres Canadiens. La Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations a reçu la sanction royale le 19 juin 2013 et elle est entrée en vigueur le 1er novembre 2013.
Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance de la consultation, et il est en train d'élaborer un règlement propre à chaque région en collaboration avec les Premières Nations, les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres intervenants. Les travaux sont déjà en cours dans la région de l'Atlantique et une proposition ainsi que des résolutions appuyant cette proposition ont été reçues de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
Les règlements seront mis en œuvre de manière progressive. Cela donnera au gouvernement fédéral et aux Premières Nations le temps de porter les infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées, les capacités et les activités de surveillance au niveau exigé par le règlement fédéral établi dans le cadre de cette loi.
[Français]
Affaires autochtones investit annuellement environ 200 millions de dollars dans l'entretien et l'amélioration de l'infrastructure scolaire dans les réserves. De plus, le gouvernement a pris des mesures dans le cadre d'investissements ciblés. Entre avril 2006 et mars 2012, le gouvernement du Canada a fourni du financement pour appuyer la réalisation de 429 projets scolaires, dont 36 projets de construction d'écoles, 393 projets de rénovation et autres travaux liés aux écoles.
[Traduction]
L'investissement ciblé le plus récent effectué à partir du budget de 2012 est un montant additionnel de 175 millions de dollars pour de nouveaux projets scolaires, des projets de rénovation d'écoles et des projets scolaires novateurs et économiques visant à donner aux élèves des Premières Nations de meilleurs milieux d'apprentissage. Le plan par étapes des investissements dans l'infrastructure scolaire comprend les éléments suivants : un investissement de 100 millions de dollars dans quatre écoles hautement prioritaires, dans les Premières Nations de Fort Severn, de Poplar Hill et de Pikangikum, en Ontario, et dans la Première Nation de Shamattawa, au Manitoba; des travaux de construction ou de rénovation pour cinq autres projets hautement prioritaires qui sont prêts à être réalisés et devraient être terminés d'ici 2015, soit le projet de Centre éducatif Aq'amnik de la bande de St. Mary's, en Colombie-Britannique, qui est déjà terminé, les projets des Premières Nations de Lax Kw'alaams, Kwakiult et Tl'etinqox-t'in, en Colombie-Britannique, et le projet de la Première Nation de Peter Ballantyne, en Saskatchewan; un examen de l'efficacité et de la faisabilité de nouvelles méthodes d'approvisionnement dans le cadre d'une analyse de rentabilité sur l'établissement d'un partenariat public-privé pour quatre écoles dans le Nord du Manitoba réalisé en collaboration avec Partenariats public-privé Canada; les quatre écoles sont : Bunibonibee, Manto Sipi, Wasagamack et God's Lake; et enfin, un investissement de 25 millions de dollars pour soutenir une initiative fondée sur les propositions visant à appuyer des projets scolaires novateurs axés sur le partage des coûts.
Affaires autochtones reconnaît qu'il est nécessaire de construire plus de nouvelles écoles et installations et de réaliser plus de travaux de rénovation et de réparation sur les installations actuelles. L'ordre de priorité pour les investissements dans l'infrastructure scolaire est actuellement établi à l'échelle nationale pour s'assurer qu'on accorde la préséance aux projets qui ont les répercussions les plus importantes. Par exemple, en septembre 2013, la Première Nation de Cat Lake, située dans le Nord de l'Ontario, a célébré l'ouverture du Centre d'enseignement Lawrence Wesley. Cette nouvelle école entièrement équipée offrira aux élèves présents et futurs de cette Première Nation un environnement d'apprentissage sécuritaire et accueillant qui sera le reflet de leurs besoins et de leurs intérêts particuliers, et ce, afin de les aider à atteindre leur plein potentiel. La nouvelle installation accueillera environ 176 élèves de la maternelle à la 8e année.
Pour l'avenir, le ministère revoit son programme d'infrastructures scolaires pour s'assurer que le financement futur sera fondé sur les normes et les pratiques modernes de l'industrie en matière d'approvisionnement, de construction et de fonctionnement et d'entretien et que les écoles demeureront en bon état pendant toute leur durée de vie.
Les Premières Nations sont responsables de la prestation et de la gestion des services de logement dans les réserves. Elles assument cette responsabilité avec le soutien que leur donne le gouvernement du Canada dans le cadre d'initiatives et de programmes divers. Par l'entremise d'Affaires autochtones et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le gouvernement du Canada verse un financement annuel pour répondre aux besoins en matière de logement dans les réserves. Le gouvernement fédéral investit actuellement un montant approximatif de 303 millions de dollars par année pour répondre aux besoins en matière de logement dans les réserves, soit 146 millions de dollars par l'entremise d'Affaires autochtones et 157 millions de dollars par l'entremise de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Affaires autochtones fournit des fonds aux collectivités afin de répondre à un éventail de besoins en matière de logement, tandis que la SCHL concentre ses efforts sur la prestation aux Premières Nations de programmes de logement spécifiques.
Entre 2006-2007 et 2012-2013, le gouvernement du Canada a versé un montant total de 2,3 milliards de dollars pour le logement des Premières Nations dans les réserves, dont 1,2 milliard de dollars par l'entremise d'Affaires autochtones. Ce financement contribue en moyenne à la construction de 1 750 logements et à la rénovation de 3 100 logements par année dans les réserves. En plus du financement annuel, le gouvernement du Canada a aussi effectué des investissements importants dans le logement dans les réserves dans le cadre d'initiatives de financement ponctuelles. Par exemple, pour aider à régler les problèmes de surpopulation et de délabrement, le gouvernement a annoncé que 400 millions de dollars seraient investis dans le logement dans les réserves entre 2009-2010 et 2010-2011 dans le cadre du Plan d'action économique du Canada. Ce financement a profité à près de 500 collectivités des Premières Nations. Plus de 4 400 logements ont été construits ou rénovés grâce à l'allocation de 150 millions de dollars d'Affaires autochtones uniquement.
Si l'on se tourne vers l'avenir, Affaires autochtones est déterminé à continuer de travailler en partenariat avec les Premières Nations et d'autres intervenants pour répondre aux besoins en matière de logement et mettre en place des infrastructures durables qui appuient les besoins actuels et seront en mesure de répondre aux besoins futurs. Affaires autochtones s'emploie activement à établir des partenariats dans le domaine de la connectivité avec d'autres ministères, les provinces et les territoires, le secteur privé et les organisations des Premières Nations pour que les collectivités autochtones puissent bénéficier d'Internet à la norme de l'industrie canadienne de 1,5 mégaoctet par seconde par ménage. Cette démarche a donné naissance à sept grands projets de partenariats régionaux, provinciaux, fédéraux et privés au sud du 60e parallèle.
Depuis 2009-2010, Affaires autochtones a investi environ 45 millions de dollars dans l'infrastructure de connectivité, ce qui a mené à d'autres investissements d'environ 150 millions de dollars des gouvernements fédéral et provinciaux et du secteur privé. Pour l'avenir, Affaires autochtones s'efforce d'harmoniser les politiques, les programmes et les futurs projets de connectivité fédéraux et provinciaux à l'intention des collectivités rurales et des Premières Nations afin de maximiser les investissements et les avantages pour les Premières Nations.
Par exemple, l'initiative d'expansion de service à large bande du Nord-Ouest de l'Ontario est un projet qui offrira des connexions à fibre optique auprès de 26 collectivités de Premières Nations dans des régions rurales et éloignées du Nord-Ouest de l'Ontario. C'est une initiative conjointe de la part de plusieurs ministères fédéraux, le gouvernement provincial, la Nation Nishnawbe Aski, et Bell Alliant. Ce projet de service à large bande est la plus grande et complexe initiative autochtone publique-privée de connectivité au Canada. À ce jour, plus de 1 700 kilomètres de câble de fibre optique ont été déployés et ce projet doit être complété en septembre 2014, si la température est favorable dans les prochains mois.
[Français]
Affaires autochtones entreprend ou supervise plusieurs processus d'inspection auprès d'immeubles accessibles au public pour soutenir son mandat d'établir des collectivités saines et plus durables, et protéger les investissements considérables du gouvernement fédéral dans les infrastructures des collectivités des Premières Nations.
Affaires autochtones n'a aucune obligation juridique de réaliser des inspections dans les réserves, mais les résultats de ces inspections aident à planifier les futurs investissements, à s'assurer que les biens dans les réserves sont gérés et entretenus de manière sécuritaire et efficace, à orienter les activités de formation, à surveiller l'utilisation du financement et à rendre des comptes au Parlement, ainsi qu'aux Canadiens et Canadiennes.
[Traduction]
Le nouveau Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés est entré en vigueur en juin 2008. Affaires autochtones a trouvé dans les réserves partout au Canada 1 471 systèmes essentiels de stockage de combustible détenus par les collectivités qui n'étaient pas conformes au règlement, et il a reçu des fonds pour remédier à la situation. Au-delà de cet engagement, le ministère continuera de chercher des plans ou des options de financement pour aider les collectivités des Premières Nations à moderniser leurs réservoirs essentiels.
Dans l'ensemble, les inducteurs de coût généraux de l'infrastructure sont les mêmes que pour les autres fonctions d'Affaires autochtones, y compris le plafond d'indexation ministériel de 2 p. 100 appliqué depuis 1997-1998, la croissance démographique dans les réserves en raison du haut taux de naissance et l'inflation. Cependant, certains inducteurs de coût sont uniques à l'infrastructure. Toutes les immobilisations doivent être remplacées un jour ou l'autre, ce qui augmente les pressions financières. De plus, il y a un grand ensemble d'immobilisations pour lesquelles des fonds de fonctionnement et d'entretien doivent être investis.
À l'heure actuelle, la durée de vie de certaines infrastructures dans les réserves est réduite parce qu'il y a un manque de conformité au code et de financement de fonctionnement et d'entretien qui a été réaffecté pour répondre à d'autres besoins. De plus, comme le cycle des projets d'infrastructure est de quatre à cinq ans, une certaine planification ainsi que des fonds réservés sont requis pour atteindre des résultats. Enfin, bien des réserves sont situées dans des endroits reculés dont l'accès est limité, ce qui augmente les coûts liés à l'expédition des matériaux ainsi que la durée du cycle de construction.
Le gouvernement du Canada examine de nouvelles approches pour établir et entretenir les infrastructures des Premières Nations. Certains de ces travaux ont trait aux modes de financement des infrastructures. Contrairement aux municipalités, aux villes et aux provinces, Affaires autochtones collabore avec les collectivités des Premières Nations pour couvrir le coût de l'infrastructure communautaire pendant les années un et deux de la période de construction. La plupart des compétences répartissent le coût d'une infrastructure sur sa durée de vie utile. Nous estimons que l'utilisation prudente du financement aidera le département et les collectivités des Premières Nations à combler les lacunes en matière d'infrastructure dans les réserves plus rapidement et de façon plus rentable.
Affaires autochtones a déjà participé au financement de projets de nature analogue par le passé, mais aucune approche formelle n'a jamais été élaborée. Par exemple, au milieu des années 1990, Affaires autochtones a collaboré avec la Première Nation de Kasabonika et la Banque Royale du Canada pour organiser une transaction où le financement destiné à une école a été avancé par la Banque Royale et remboursé sur cinq ans. Une partie des coûts du prêt a été remboursée en utilisant le financement épargné parce qu'il n'était plus nécessaire de déplacer les élèves dans les collectivités avoisinantes de Kenora et de Sioux Lookout.
Les Premières Nations d'Attawapiskat, de Kashechewan et de Fort Albany ont été raccordées au réseau électrique provincial en 2003. Ce projet de Five Nations Energy de 55,6 millions de dollars a pu être mis en œuvre grâce à un financement sur 10 ans par le ministère. Il a été déterminé que le ministère aurait dépensé plus de 55 millions de dollars sur une période de 18 ans pour entretenir les groupes électrogènes diesels dans ces trois collectivités. Ce projet a permis de fournir à ces trois collectivités des Premières Nations un niveau de service supérieur et a permis au ministère de réaliser des économies en matière de financement pour plusieurs années à venir. Il n'aurait pas été possible de le mener à bien sans le recours à du financement provenant du secteur privé.
L'utilisation de mécanismes de financement en soi ne permettra pas de combler les lacunes en matière d'infrastructure dans les réserves. Le financement doit être utilisé de façon stratégique dans les situations où il optimise le rendement lorsque tous les coûts entrent en ligne de compte, y compris les intérêts. Les situations où l'utilisation de ce financement pourrait être avisée comprennent les suivantes : les occasions d'établir des partenariats avec des provinces ou des municipalités et où le facteur temps entre en ligne de compte; l'exécution de grands projets qu'il est difficile de mener à bien dans le cadre du plan d'investissement à long terme en raison de la taille, mais qui produisent un rendement au fil du temps; et les projets qui utilisent à la fois le financement gouvernemental et les revenus autonomes des Premières Nations.
Dans le budget de 2010, le gouvernement du Canada s'est engagé à examiner l'approche actuelle à l'égard du financement des infrastructures et à améliorer la gestion du cycle de vie des immobilisations en partenariat avec les Premières Nations. Depuis ce temps, la Direction générale des infrastructures communautaires s'est efforcée de trouver des façons d'améliorer l'accès des collectivités des Premières Nations aux sources de financement à caractère institutionnel et social par l'entremise du réseau existant des sociétés de financement des Autochtones, de l'Administration financière des Premières Nations et du Conseil de gestion financière des Premières Nations.
L'Administration financière des Premières Nations et le Conseil de gestion financière des Premières Nations sont des institutions mises sur pied en vertu de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières Nations. Ils ont convenu d'offrir aux Premières Nations l'accès à du financement sur le marché des obligations.
Le système d'emprunt créé par ces institutions est très semblable à celui utilisé dans la plupart des municipalités canadiennes et offre un financement à faible coût qui exige une garantie gouvernementale relativement faible. La longue durée et les faibles taux d'intérêt qu'offrent les obligations les rendent beaucoup plus appropriées que les prêts bancaires dans le cas des projets d'infrastructure.
Nous collaborons avec les collectivités des Premières Nations qui ont manifesté de l'intérêt à engager des revenus autonomes pour mener à bien les projets d'infrastructure et nous les encourageons à collaborer avec l'Administration financière des Premières Nations pour obtenir le taux d'emprunt le plus bas possible.
Affaires autochtones travaille également de près avec Partenariats public-privé Canada pour étudier la faisabilité d'avoir recours à des partenariats public-privé pour établir l'infrastructure des Premières Nations. Les partenariats public-privé sont des partenariats à long terme entre le secteur privé et le secteur public pour la prestation de services d'infrastructure qui, la plupart du temps, comportent une composante financière.
Plusieurs projets ont été examinés, mais deux le sont actuellement avec détermiNation. Nous collaborons avec le Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique et 33 Premières Nations de l'Atlantique pour déterminer s'il est possible de mettre en place un partenariat public-privé pour les services d'aqueduc et d'égout et pour déterminer si celui-ci optimiserait l'utilisation des ressources. Il se pourrait qu'une entreprise du secteur privé rénove et gère toute l'infrastructure d'aqueduc et d'égout pendant plusieurs années dans le cadre de ce projet. Le consortium du secteur privé sera lié par contrat pour fournir des services d'aqueduc et d'égout pour répondre aux besoins des collectivités.
Au Manitoba, nous collaborons avec quatre Premières Nations du Nord pour déterminer s'il est possible de conclure un partenariat public-privé pour un projet de construction d'écoles.
Affaires autochtones examine aussi des réformes possibles pour ces programmes d'infrastructure dans les réserves, axées sur le transfert des responsabilités relatives à la gestion et à la mise en place de l'infrastructure aux Premières Nations au moyen d'un cadre robuste de développement des capacités, d'un financement adapté et coordonné, d'un ensemble de lois et d'un mécanisme de prestation de services coordonné et simplifié.
[Français]
Affaires autochtones s'emploie à veiller à ce que les infrastructures communautaires dans les réserves soient bien planifiées et gérées efficacement, et s'engage à travailler avec les Premières Nations et d'autres intervenants pour assurer la durabilité des infrastructures et la santé des collectivités.
[Traduction]
Je suis reconnaissant de cette occasion qui m'a été donnée aujourd'hui de parler de cette question importante aux membres du comité et nous sommes disposés à répondre aux questions des sénateurs. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Je crois que vous avez également réussi à nous fournir un tableau qui avait été demandé à la dernière réunion et qui donne un aperçu des dépenses en immobilisations des collectivités...
M. Carisse : C'est exact.
Le président : ... au cours des dernières années. Je vous en remercie.
M. Carisse : Je vous en prie.
Le sénateur Tannas : Merci, monsieur Carisse, pour votre exposé qui était excellent.
Au sujet de l'Administration financière des Premières Nations, peut-être pourriez-vous me dire depuis combien de temps elle existe, combien de prêts ont été accordés et quelle est la valeur des prêts en cours en date d'aujourd'hui.
Patrick Haggerty, gestionnaire principal en matière de politiques, Direction de l'innovation et de transformations politiques majeures, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : J'essaie de voir en quelle année elle a été créée. L'Administration financière des Premières Nations et les autres organisations qui font partie du programme ont été mises sur pied il y a plusieurs années. Elles sont encore en train de s'organiser pour accréditer des collectivités des Premières Nations. J'ai entendu dire récemment qu'on envisage d'émettre en février une offre obligataire initiale de l'ordre de 100 à 150 millions de dollars, mais pour l'instant, aucun projet n'a encore été financé au moyen du marché des obligations.
Le sénateur Tannas : Cette somme de 150 millions de dollars servirait à des projets pour lesquels des demandes ont été présentées, ou bien veut-on simplement avoir de l'argent disponible pour inciter les gens à présenter des demandes?
M. Haggerty : Je ne suis pas au courant de tous les projets qui peuvent être à l'étude, mais je sais qu'un certain nombre sont déjà prêts à accepter de l'argent dès maintenant. J'ignore si cela absorberait la totalité des 100 à 150 millions de dollars.
La sénatrice Dyck : J'ai une question supplémentaire. Vous avez dit que l'on travaille avec des collectivités des Premières Nations qui ont leurs propres sources de revenus et qui s'adresseraient à cette Administration financière des Premières Nations. Y a-t-il un certain nombre de communautés des Premières Nations qui sont en attente, prêtes à démarrer? Pourriez-vous nous dire à peu près combien d'entre elles seraient intéressées à s'orienter dans cette voie?
M. Haggerty : Nous avons actuellement une collectivité qui est prête à bénéficier de l'enveloppe pour innovation, de l'argent prévu dans le budget de 2012 pour les écoles. Une communauté est intéressée à construire une école et s'est adressée à l'Administration financière des Premières Nations en vue d'emprunter le montant qu'elle injecterait dans ce projet.
La sénatrice Dyck : C'est donc vraiment nouveau.
M. Haggerty : C'est assez nouveau.
Le président : Pour nous aider à comprendre, pourriez-vous décrire de façon un peu plus détaillée l'Administration financière des Premières Nations?
M. Haggerty : L'Administration financière des Premières Nations émet des obligations sur le marché obligataire et distribue l'argent ainsi amassé aux emprunteurs des Premières Nations accréditées. Il y a une autre organisation appelée le Conseil de gestion financière des Premières Nations qui garantit la capacité des Premières Nations de rembourser ces fonds, mais c'est l'Administration financière qui emprunte l'argent en gros montants et qui le distribue ensuite aux communautés des Premières Nations et reçoit des paiements réguliers.
Le président : Quelles sont sa structure et ses relations avec le ministère?
M. Haggerty : C'est entièrement indépendant du ministère.
M. Carisse : Elle a été créée en vertu de la loi.
M. Haggerty : Oui, elle a été créée en vertu de la loi et est administrée par notre Direction générale de la gouvernance à Affaires autochtones.
Le président : Y a-t-il un conseil d'administration et des services administratifs?
M. Haggerty : Oui.
Le sénateur Watt : J'ai une question supplémentaire à celle du sénateur Patterson.
Je suppose que ces prêts sont garantis par le gouvernement du Canada. Est-ce le ministère des Affaires indiennes qui les garantit?
M. Haggerty : Je ne connais pas très bien la structure exacte du mécanisme de garantie. Les obligations sont garanties par des fonds fédéraux, mais ce n'est pas une garantie à 100 p. 100.
Le sénateur Watt : Pourriez-vous nous fournir ces renseignements à un moment donné?
M. Haggerty : Oui, nous pouvons le faire.
Le président : Je signale que nous avons invité des représentants de l'Administration financière des Premières Nations à venir témoigner devant le comité.
Le sénateur Meredith : C'est un plaisir de vous rencontrer, monsieur Carisse, ainsi que les membres de votre équipe.
Je reviens à des observations que vous avez faites au sujet des investissements faits par le gouvernement dans les réserves des Premières Nations pour y installer des réseaux d'aqueduc. Vous avez évoqué la formation des opérateurs, des normes et protocoles obligatoires, et des investissements en immobilisations. D'autres ont comparu devant notre comité et ont évoqué le grand nombre d'avis de sécurité concernant l'eau. Madame Comtois, vous pourriez peut-être ajouter une observation au sujet de la localisation.
Depuis environ un an, savez-vous combien d'avis de sécurité ont été émis et, compte tenu de l'argent investi, savez- vous si cet investissement a débouché sur une amélioration considérable sur le plan de la sécurité et s'il y a eu diminution du nombre d'avis de faire bouillir l'eau dans les réserves? On a parlé de certains opérateurs qui n'étaient pas à leur poste pour assurer un suivi continu. Pouvez-vous faire le point à notre intention et nous dire si la situation s'améliore, compte tenu de l'argent qui a été investi?
M. Carisse : Au sujet des avis de sécurité concernant l'eau, Santé Canada fait un suivi. Je ne me rappelle pas du chiffre aux dernières nouvelles. Nous pouvons assurément vous fournir ce renseignement. Nous l'obtenons chaque mois de Santé Canada. Je pense que la moyenne tourne encore autour de 100 ou 120, mais nous allons vous fournir les chiffres. Je pense que c'est relativement stable.
Il ne faut pas perdre de vue qu'en fait, les avis de sécurité concernant l'eau montrent que le système fonctionne. Aujourd'hui même, nous avons eu un avis concernant l'eau dans notre immeuble du 72, rue Laval à Gatineau. Cela veut dire que le système fonctionne bien. Dès que l'eau pose un problème quelconque, pour quelque raison que ce soit, on réagit.
La difficulté consiste à comparer ce qui se passe dans les réserves et hors réserve. Nous suivons de très près les avis de sécurité concernant l'eau dans les réserves, tandis qu'on n'obtient pas nécessairement toute l'information concernant la situation hors réserve. Des études ont été faites dans le passé montrant que, en tout temps, il y a plus de 1 000 avis de sécurité concernant l'eau dans l'ensemble du pays.
Est-ce comparable? Je crois que Santé Canada fait un suivi des avis de sécurité concernant l'eau qui sont déclenchés par cinq critères ou plus. Il peut y avoir un avis très limité, touchant quelques familles seulement, mais qui est considéré comme un avis au même titre qu'un autre qui touche un groupe beaucoup plus nombreux. Quoi qu'il en soit, nous allons assurément vous fournir ces chiffres.
Le plus important, c'est que grâce à l'investissement consenti, nous avons vu une diminution du nombre de systèmes à haut risque, autant pour l'eau potable que pour les eaux usées. À même les fonds dont nous disposons, nous décidons des investissements en fonction d'un ordre de priorité et en fonction des besoins. Ainsi, nous pouvons nous attaquer en premier aux systèmes à haut risque dans lesquels il faut investir en priorité.
L'investissement n'est pas nécessairement consacré à l'infrastructure elle-même. Les évaluations nationales montrent que de 60 à 70 p. 100 des risques dans l'acheminement de l'eau potable ou le traitement des eaux usées sont en fait d'origine humaine, de sorte qu'il s'agit d'assurer adéquatement le contrôle, l'exploitation et l'entretien de ces systèmes. Ce sont des éléments auxquels nous pouvons nous attaquer dès maintenant. Cela m'amène à votre question suivante, sénateur, au sujet des formateurs.
Je sais que nous avons maintenant un plus grand nombre de formateurs dans le cadre du programme de formation itinérant. Cela fonctionne bien. On constate que, grâce à ce programme, il y a un plus grand nombre d'opérateurs accrédités.
C'est toujours difficile de garder des opérateurs accrédités dans les collectivités. Nous en avons discuté dans le passé. Ils obtiennent leur accréditation, et ils sont au niveau 2 ou 3 et une ville plus importante limitrophe ou tout près cherche des opérateurs et parfois, ils sont attirés par ces offres d'emploi.
Paul Schauerte, gestionnaire principal en matière de politiques, Développement des programmes et de partenariats régionaux, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Nous avons constaté une augmentation du nombre d'opérateurs qualifiés. Durant les premières années, nous avons effectivement eu ce problème de taux de roulement approchant 20 ou 25 p. 100, les opérateurs étant formés et quittant ensuite la réserve pour trouver un emploi ailleurs, mais dans l'ensemble, nous avons vu une augmentation de la proportion d'opérateurs qualifiés, qui est passée de 51 p. 100 à 60 p. 100 depuis la publication de l'évaluation nationale de 2009-2011. Cela s'applique aussi aux opérateurs d'installations de traitement des eaux usées. Nous avons constaté une augmentation à la fois sur le plan du maintien des effectifs et de la proportion d'opérateurs qualifiés.
Le sénateur Meredith : Madame Comtois, voulez-vous ajouter quelque chose?
Annie Comtois, gestionnaire principale des programmes, Direction de la planification, surveillance et production de rapports, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Non, je pense qu'on a fourni tous les renseignements que je possède actuellement. Oui, le niveau de risque a diminué et nous obtenons de meilleurs résultats avec le programme de formation itinérant.
Le sénateur Meredith : Monsieur Carisse, je veux vous poser une question sur l'éducation. Vous avez évoqué le montant d'argent qui a été investi dans le système d'éducation des Premières Nations à la fois dans les réserves et hors réserve. Comment établissez-vous l'ordre de priorité des besoins? Il est crucial de considérer l'éducation comme priorité absolue pour tous, surtout pour nos jeunes. Je suis curieux de savoir comment on s'organise pour qu'il y ait des ressources appropriées consacrées à ce dossier très important et même fondamental pour le développement.
Vous avez parlé de l'éducation des enfants. Je suis curieux de savoir comment vous établissez l'ordre de priorité parmi les quelque 600 bandes d'un bout à l'autre du pays. Comment évaluez-vous les demandes et comment sont-elles classées par ordre d'acuité des besoins, sur le plan de la construction d'écoles, de l'embauche d'enseignants, de la gestion des programmes et tout le reste?
M. Schauerte : Je vais me faire un plaisir de répondre à cette question. Je peux assurément vous dire comment nous établissons l'ordre de priorité pour le financement de la rénovation ou de la construction d'immobilisations.
Quand il s'agit de la fixation des priorités sur le plan des programmes, du maintien des effectifs d'enseignants, et cetera, tout cela relève de notre Direction générale de l'éducation au ministère, mais pour ce qui est de l'infrastructure, de la construction d'écoles, il faut au départ que chaque Première Nation fasse connaître ses besoins en fait de construction d'une nouvelle école ou de rénovation de l'école existante dans le cadre du plan quinquennal d'immobilisations. Nous prenons ces plans dans chaque région et en faisons une compilation et, en dernière analyse, nous aboutissons à ce que nous appelons notre plan national d'investissement en infrastructure.
Dans ce cadre, nous identifions tous les projets d'écoles qui ont été demandés par les Premières Nations et nous les soumettons à un autre outil d'évaluation, un cadre de classement des écoles par ordre de priorité, qui tient compte de critères très précis pour en arriver à une liste nationale des écoles que nous pouvons financer selon le niveau des besoins, du plus élevé au plus bas.
Nous tenons compte de critères comme les exigences de santé et sécurité, le surpeuplement des écoles existantes, la situation géographique et l'éloignement. On se demande si les enfants peuvent fréquenter d'autres écoles, ou bien si l'éloignement est tel qu'ils n'ont aucune autre option. On tient compte de la conception, de la priorité des élèves du primaire par rapport au secondaire, et l'on examine la possibilité de partenariats, de partage des écoles entre plusieurs communautés, et cetera.
Toutes les demandes sont évaluées en fonction de ces critères et nous établissons une liste nationale des écoles. Elle est mise à jour chaque année et, dès que nous avons des fonds disponibles, nous commençons en haut de la liste.
Le sénateur Meredith : Disons par exemple que vous avez 20 écoles. Les besoins sont variables. Y a-t-il dans ces écoles des élèves qui ont des besoins urgents? Accordez-vous des ressources temporaires réparties entre ces 20 écoles, parce qu'encore une fois, il faut s'assurer que l'éducation de ces élèves ne soit pas compromise? On met en place une quelconque mesure provisoire en attendant de construire l'infrastructure nécessaire.
M. Schauerte : Oui, et je peux vous en donner un exemple. La Première Nation Pikangikum, dans le Nord de l'Ontario, a perdu son école à la suite d'un incendie en 2007, sauf erreur, et nous leur construisons une nouvelle école pour élèves de la maternelle à la 12e année, une grande école pouvant accueillir 1 000 élèves, mais immédiatement après l'incendie, nous avons installé un certain nombre d'unités temporaires. Ce sont de très grandes unités préfabriquées pouvant loger plusieurs salles de classe. Nous les avons transportées là-bas peu de temps après l'incendie, en quelques mois, pour que l'année scolaire ne soit pas interrompue. Ils utilisent encore ces unités actuellement, pendant la construction de leur nouvelle école.
En pareils cas, quand on perd une école en tout ou en partie, nous travaillons avec la communauté pour trouver des solutions de rechange, comme des unités portatives, pour leur permettre de poursuivre leurs études dans l'intervalle, pendant que nous essayons de combler leurs besoins à long terme.
Le sénateur Wallace : Monsieur Carisse, j'ai trouvé intéressantes vos observations sur les partenariats public-privé et les possibilités qu'ils peuvent offrir. Je crois comprendre qu'aucun partenariat public-privé n'a encore été lancé dans les réserves au Canada, n'est-ce pas?
M. Carisse : Pas encore, en effet.
Le sénateur Wallace : Bon nombre de collectivités envisagent des PPP pour assurer les services d'aqueduc et d'eaux usées et en examinent les avantages potentiels. Examine-t-on des exemples de communautés au Canada qui ont fait appel à des PPP pour leurs services d'aqueduc et de traitement des eaux usées et qui pourraient servir de modèle pour les réserves?
M. Carisse : Je pense que pour trouver un bon exemple, il faudrait se tourner vers d'autres domaines que l'eau. Des écoles ont été construites en Alberta, mais peut-être aussi des installations pour l'eau...
M. Haggerty : Oui, c'est le premier qui vient à l'esprit. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement de l'Alberta pour examiner comment on a appliqué avec succès le modèle PPP pour construire quatre séries d'écoles. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec la société d'État PPP Canada pour en apprendre le plus possible sur les expériences menées ailleurs au Canada.
La plupart des projets menés à bien ont été faits de concert avec une seule province ou territoire et avec des communautés des Premières Nations. Pour que les projets soient d'une envergure suffisante pour vraiment attirer l'intérêt du secteur privé, nous devons souvent les regrouper. C'est tout à fait particulier dans le monde des Premières Nations. Nous travaillons de concert avec PPP Canada pour essayer d'élaborer des projets qui soient acceptables aux yeux du marché.
Le sénateur Wallace : Je sais que des écoles ont été construites en suivant le modèle PPP, et je pense qu'il y a quelques années, on a eu du succès à cet égard en Nouvelle-Écosse, mais aujourd'hui, cela touche en particulier les réseaux d'aqueduc et d'égouts, qui représentent un énorme problème pas seulement dans les réserves mais ailleurs. Comme je viens du Nouveau-Brunswick, je sais que la ville où j'habite près de Saint John vient d'engager quelque 250 millions de dollars dans un modèle PPP. Je crois comprendre que ce serait le premier exemple d'un projet d'eau potable réalisé selon le modèle PPP.
Je dis cela simplement parce que je m'interroge : si c'est tellement nouveau dans le reste du Canada pour les réseaux d'aqueduc et d'égout, à quel point est-ce réaliste de s'attendre à ce que ce modèle soit appliqué dans les réserves, où il y a d'autres complications et problèmes? Je me disais que quelque chose m'échappe peut-être et qu'il y a peut-être au Canada un modèle où cela a été fait avec succès.
Alors je comprends pour les écoles, mais pour les réseaux d'aqueduc et d'égouts, pouvez-vous me dire ce qui se fait dans ce domaine?
M. Haggerty : Ce sera difficile. Le modèle PPP est relativement nouveau au Canada. C'est nouveau dans le monde. Le Canada est à l'avant-garde pour la réalisation du modèle PPP. Des projets d'aqueduc et d'eaux usées ont été faits en Alberta et en Colombie-Britannique selon le modèle PPP, et d'autres provinces ont fait des essais. Nous allons donc tenter d'apprendre le maximum de l'expérience acquise au Canada dans le domaine des PPP, même si l'expérience est encore relativement récente.
Le sénateur Wallace : Monsieur Carisse, vous avez parlé dans votre allocution des réservoirs de combustible et je sais par expérience que cela peut être un grave problème pour les communautés quand des réservoirs souterrains ont des fuites. La remise en état des terrains peut être extrêmement coûteuse et difficile. Quelle est l'ampleur de ce problème dans les réserves? Le problème se pose-t-il au niveau de réservoirs individuels pour chaque unité d'habitation, ou y a-t- il des cas de réservoirs souterrains reliés aux maisons par des tuyaux? Donnez-moi une idée de la gravité de ce problème dans les réserves.
M. Carisse : C'est un peu des deux. Je ne crois pas que le règlement s'applique à la plupart des petits réservoirs individuels, mais dans beaucoup de ces collectivités, surtout les plus éloignées qui comptent sur le diésel, on trouve ce qu'on appelle des parcs de stockage. C'est alors que la situation se complique.
Mme Comtois : Le règlement adopté en 2008, mis en vigueur en 2008 ne s'applique pas aux petits réservoirs individuels, mais il s'applique par contre aux grands réservoirs. Nous avons reçu des fonds dans le budget de 2011 pour aider les Premières Nations à rendre leurs réservoirs conformes aux nouveaux règlements qui étaient nécessaires. Nous avons reçu du gouvernement 44 millions de dollars pour répondre aux besoins les plus urgents.
Comme M. Carisse l'a dit dans son allocution, nous avons repéré 1 471 réservoirs que nous appelons des systèmes essentiels de stockage détenus par les collectivités. Ces réservoirs sont vraiment essentiels pour les collectivités, par exemple le réservoir qui dessert une école ou une usine de traitement des eaux usées ou encore un parc de stockage, qui alimente la seule source d'énergie d'une collectivité, ou encore le réservoir de carburant pour les camions d'incendie, par exemple. C'est la seule source d'alimentation. C'est à cela que nous consacrons nos efforts. Nous aidons les Premières Nations dans ce dossier.
Nous travaillons aussi avec Environnement Canada. Oui, c'est un problème, parce que parfois, quand on enlève un réservoir ou qu'on le change pour assurer la conformité, on se rend compte que le site est contaminé. C'est un autre service du ministère qui s'occupe des sites contaminés, mais nous devons aussi en tenir compte dans nos activités relatives aux réservoirs de combustible.
Le sénateur Wallace : La contamination causée par les réservoirs de combustible est-elle un grave problème dans les réserves? Cela peut coûter très cher pour y remédier, mais est-ce un problème majeur dans les réserves?
Mme Comtois : Je le crois. Encore une fois, nous ne sommes pas nécessairement les principaux responsables des sites contaminés au ministère, et je ne connais donc pas les chiffres. Nous pourrions probablement vous revenir là-dessus.
D'après ce que je sais, oui, beaucoup de sites contaminés dans les réserves résultent de fuites dans les réservoirs de combustible; ce n'est pas toujours le cas, surtout au sud du 60e. Dans le Nord, la situation est différente, à cause des grandes installations minières et tout le reste. Mais la réponse est oui, les réservoirs de combustible sont l'une des causes de contamination.
Le sénateur Wallace : Oui. Cela contamine la nappe phréatique, après quoi on a du mal à fournir de l'eau potable. Un problème en cause un autre. Merci beaucoup.
Le président : Avez-vous une brève question supplémentaire, sénateur Meredith?
Le sénateur Meredith : Oui. C'était ma neuvième question sur ma liste, monsieur le président. Mais le sénateur Wallace a posé une question sur les PPP.
Je m'adresse à M. Haggerty, mais peut-être pourrez-vous intervenir aussi, monsieur Carisse. Le gouvernement estime que ces PPP pourraient apporter beaucoup de valeur et il existe de quelconques données quantitatives quant aux économies que le gouvernement pourrait réaliser en invitant le secteur privé à devenir partenaire pour l'extraction des ressources, comme mécanisme de développement économique. Pouvez-vous me donner des chiffres quant au nombre de personnes employées et quant à la valeur économique en dollars découlant de ces projets? Je sais que vous avez dit que c'est relativement nouveau. Je connais très bien une conférence à laquelle je devais assister au début de l'année à Trinité-et-Tobago. Les pays des Caraïbes envisagent de se tourner vers des partenariats pour le partage des ressources et l'extraction, dans le but de créer des emplois.
Pourriez-vous commenter brièvement ces deux aspects que le sénateur Wallace a soulevés?
M. Carisse : S'agissant des PPP comme tels, il est difficile de fournir des chiffres car nous n'en avons pas en cours actuellement, ce qui permettrait d'observer le développement économique et l'incidence en matière d'emploi. Ce que nous constatons, que ce soit ici ou à Trinité-et-Tobago et dans des pays du monde entier, c'est qu'il existe un déficit d'infrastructures au Canada, et pas seulement dans les réserves. Si vous recevez, par exemple, des représentants de la Fédération des municipalités canadiennes, vous constaterez que la carence d'infrastructures se fait sentir de la même façon en dehors des réserves. C'est pourquoi nous devons proposer des instruments qui remédient à cette carence, car les fonds fédéraux n'y suffiront jamais.
C'est l'une des raisons pour lesquelles le Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique est disposé à envisager un partenariat public-privé avec nous. Il s'agit de quelque chose de nouveau et qui pourrait présenter des risques, mais nous en avons pleinement conscience et nous décidons d'aller de l'avant et d'innover. Les besoins de ces collectivités sont multiples, notamment en matière de rénovation des infrastructures, et ils savent bien que le budget du gouvernement est limité.
On pourrait, une fois un projet identifié, y intéresser le secteur privé, par exemple sous la forme d'un PPP sur une période de 25 ans; on pourrait alors consacrer, disons, cinq ans à la remise en état de l'infrastructure, et la période restante sous forme de fonctionnement et d'entretien; ainsi, le secteur privé pourrait veiller au bon fonctionnement pour le volet eau et eaux usées. Et le tout se ferait sous forme de transaction, de sorte qu'étant payés pour fournir le service, ils devraient se conformer aux normes et directives en vigueur.
Je crois que les chefs sont vraiment intéressés par cette formule. Il y a partage du risque et dévolution d'une partie de ce risque à une tierce partie, ce qui présente de nombreux avantages. Malheureusement, nous n'avons pas encore obtenu les chiffres correspondants.
S'agissant des partenariats, que j'ai rapidement évoqués dans mon introduction, il convient de préciser que, dans le cadre de nos travaux en commun, ils ont cherché à déterminer l'incidence, sur l'emploi, des travaux d'infrastructure et de connectivité dans le Nord de l'Ontario. Il faudrait que je pose la question à Bell, mais je suis sûr qu'ils seront prêts à communiquer les chiffres au comité. Ils ont réussi à employer des membres des communautés concernées, notamment pour ce qui est de définir les parcours optimaux pour le service à large bande, ce qui impliquait d'aller sillonner toutes sortes de terrains. Je crois qu'ils ont pu mesurer les avantages à court terme pour les personnes engagées sur les chantiers de construction; cela sans parler des avantages à très long terme de la bande large, notamment pour ceux qui vont la gérer. On peut même imaginer l'émergence de petits fournisseurs de services Internet dans ces collectivités, et, bien sûr, tout l'éventail de choses qui se produisent une fois que l'on est connecté avec une bande large de bonne qualité, qu'il s'agisse de l'Internet, du commerce ou des soins de santé par voie électronique, et bien d'autres choses encore.
Je crois qu'en effet les statistiques recueillies par Bell Aliant pourraient vous aider à vous faire une meilleure idée des ordres de grandeur, si nous pouvons vous les communiquer.
Le sénateur Meredith : Merci.
Monsieur Haggerty, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Haggerty : J'aimerais ajouter, s'agissant des partenariats public-privé, que la notion de rentabilité est au cœur de toute décision de s'engager dans ce genre de partenariat. Il faut, pour l'essentiel, comparer le coût de la démarche traditionnelle et celui du partenariat public-privé. Si rien n'indique que le partenariat public-privé sera plus rentable, ils l'écarteront. Il s'ensuit que la mise au point d'un PPP nécessite beaucoup plus de temps, car il faut vérifier à l'avance toute une série de choses, et faire toutes sortes de calculs pour s'assurer que c'est économiquement justifié pour les collectivités concernées et pour le contribuable.
Le sénateur Moore : Monsieur Carisse, j'ai parcouru votre mémoire et je voudrais poser une série de questions brèves.
Le président : Nous apprécions les questions brèves.
Le sénateur Moore : Merci, monsieur le président.
Au bas de la page 7, vous parlez de la nouvelle école destinée à la Première Nation de Cat Lake. L'établissement a-t- il été construit selon les prescriptions du code, et le risque de moisissures a-t-il été écarté?
M. Carisse : S'agissant des établissements scolaires, tout projet dépassant 1,5 million de dollars est classé comme grand projet d'immobilisation et, de ce fait, il est suivi de beaucoup plus près par le ministère. Donc, nous travaillons avec la Première Nation, qui reste propriétaire de l'infrastructure et s'occupe des appels d'offres, mais nous sommes directement impliqués. Il y va également du nom des entrepreneurs et des sociétés qui remportent l'appel d'offres pour la construction de ces écoles. Étant donné qu'ils doivent se conformer aux normes du code de construction, comme du code de protection contre les incendies, tant que le fonctionnement et l'entretien se déroulent comme il se doit, et, aussi, que le ministère finance intégralement les frais de bon fonctionnement et de bon entretien de ces écoles comme de toutes les écoles, il ne devrait pas y avoir de moisissures.
Le sénateur Moore : Au paragraphe suivant, page 8, vous dites que le ministère a entrepris de refondre complètement le programme d'infrastructures scolaires, afin que les écoles restent en bon état de fonctionnement pendant tout leur cycle de vie. À partir de quand s'est-on conformé à cette condition et a-t-on commencé à réaménager les écoles de manière à ce qu'elles répondent aux normes du code et que ces facteurs soient pris en considération? Est-ce là quelque chose de récent?
M. Schauerte : Le ministère a toujours abordé chaque chantier comme un projet traditionnel et unique. Cela concerne en premier lieu la manière dont le ministère aborde son rôle en tant qu'organisme de financement et que conseiller des Premières Nations en matière de construction d'établissements scolaires, car il est vrai que, pour un grand nombre de communautés, ce genre de chantier survient une fois par génération. Lorsque nous passons en revue les modalités appliquées par d'autres instances, par exemple le gouvernement de l'Alberta, nous voyons que l'on innove en matière d'acquisition et de construction d'établissements scolaires, que l'on essaie de s'éloigner du principe traditionnel de la construction selon les spécifications de l'appel d'offres, pour se tourner vers la conception- construction ou les partenariats public-privé y compris les modalités d'emploi du financement, tout en s'efforçant de moderniser notre conception de l'acquisition et du financement d'établissements scolaires.
Le sénateur Moore : À quand remonte l'adoption de cette approche : 5 ans, 10 ans, 2 ans?
M. Schauerte : Je pense que cela fait environ cinq ans que nous avons commencé à examiner sérieusement cette option, et je dirais que depuis environ deux ans, elle fait son chemin.
Le sénateur Moore : Vous dites que les établissements scolaires doivent rester en état de bon fonctionnement pendant tout leur cycle de vie, mais j'aimerais savoir quelle en est la durée. S'agit-il, par exemple, de la période habituelle de 35 à 50 ans?
M. Schauerte : Tous les établissements que nous envisageons de construire depuis environ un an doivent pouvoir offrir un cycle de vie d'une quarantaine d'années. Je veux parler de la structure métallique, car pour la charpente en bois, c'est différent.
Le sénateur Moore : Vous dites, à la page 9, qu'entre 2006-2007 et 2012-2013, on a octroyé un montant de 2,3 milliards au titre du soutien au logement dans les réserves, et 1,2 milliard provenant d'Affaires autochtones. Le financement appuie, en moyenne, 1 750 nouvelles unités et 3 100 rénovations par an sur les réserves. Cela veut-il dire que, chaque année, nous construisons 1 750 unités?
M. Carisse : C'est bien cela.
Le sénateur Moore : Chaque année? Et nous rénovons chaque année 3 100 unités?
M. Carisse : Oui, en moyenne, selon les auto-déclarations.
Le sénateur Moore : Au bas de la page, vous dites que près de 500 Premières Nations bénéficient de ce financement provenant d'Affaires autochtones, soit 150 millions de dollars provenant du ministère, avec construction ou rénovation de plus de 4 400 unités. J'aimerais savoir quelle est la répartition entre les nouvelles constructions et les rénovations.
M. Carisse : Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais je puis les communiquer au comité.
Le sénateur Moore : J'aimerais simplement que ces chiffres soient versés au procès-verbal. Je trouve la perspective d'expansion de la bande large dans le Nord de l'Ontario très positive. J'aimerais comprendre comment se passent les choses : est-ce que ce sont les Nations qui demandent à Bell de venir faire une estimation du besoin et d'établir ensuite par où faire passer les lignes de fourniture du service, ou est-ce que c'est Bell qui examine le secteur et essaie de mettre sur pied un réseau?
M. Carisse : Pour vous répondre en toute franchise, cela n'a pas été simple du tout, mais je suis heureux de pouvoir dire que nous avons réussi. Bell exploitait, dans ces secteurs, un vieux réseau satellitaire qui méritait vraiment d'être modernisé, tout en sachant que la bande large donne de bien meilleurs résultats que le satellite. Mais Bell est une compagnie privée et elle n'allait pas entreprendre de moderniser ses satellites tout en sachant que le gouvernement verrait d'un bon œil l'accès de ces collectivités éloignées à la bande large. Parallèlement, nous pouvions nous prévaloir du Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations, qui fonctionne selon le principe de proposition de projet, et la bande large faisait partie des catégories autorisées. Au même moment, Industrie Canada a lancé un programme de raccordement des zones rurales au réseau à bande large, avec financement de la connectivité. J'ajoute que la province était également prête à envisager l'accès à la bande large pour ce secteur, ce qui le rapprochait de la ceinture de feu. Par conséquent, tout a convergé dans le bon sens.
Ils savaient que les sociétés allant faire la mise en valeur de la ceinture de feu voudraient disposer de la bande large, ce qui profiterait au développement. Et en effet, cela a marché. Il a fallu beaucoup négocier avec les différents partenaires. Par exemple, les communautés de la Nation Nishnawbe Aski et le Conseil tribal de Wabun étaient raccordés au réseau satellitaire. Certes, on peut faire beaucoup de choses grâce au satellite, mais pas autant qu'avec la fibre optique. Donc, ils étaient d'accord puisqu'ils souhaitaient le raccordement, Bell était sur place et la province était bien disposée. Nous avons en outre collaboré avec Industrie Canada et Santé Canada.
Le sénateur Moore : Mais qui a lancé l'idée? Était-ce Bell, parce qu'ils souhaitaient pouvoir exploiter leur système?
M. Carisse : L'initiative est venue des deux côtés : tout d'abord les collectivités concernées, il y a de cela environ cinq ans avant même que les programmes ne soient mis en place.
Nous avons fait un gros investissement en Saskatchewan, où SaskTel a amené la bande large jusqu'à toutes les écoles des Premières Nations. Dans ce cas, c'est SaskTel qui a annoncé au ministère qu'ils allaient construire un important réseau de fibre optique afin de raccorder les établissements scolaires hors réserve de la province. Ils se sont adressés à nous en demandant si le ministère ne serait pas intéressé à participer. Nous l'étions sans aucun doute, et sans faire de montage financier trop compliqué, nous avons pu assurer le financement sur cinq ans en collaboration avec SaskTel. Mais si ces derniers n'avaient pas lancé leur propre investissement principal pour le secteur hors réserve, nous n'aurions pas pu le faire pour cette collectivité uniquement. C'est là que nous voyons ce partenariat prendre forme.
Le sénateur Moore : Madame Comtois, je poursuis dans la voie ouverte par le sénateur Wallace : au bas de la page 12 de votre mémoire, vous parlez de 1 471 réservoirs à carburant non conformes, qui sont la propriété de la collectivité; Affaires autochtones a reçu un financement pour combler cette lacune, et j'aimerais en connaître le montant. Combien cela représente-t-il par unité? Faudra-t-il plusieurs années pour rectifier la situation et, dans l'affirmative, combien d'années? À combien se montent les crédits dont vous disposez à cette fin?
Mme Comtois : Comme je l'ai dit, le budget 2011 nous a accordé un financement sur quatre ans. J'avais dit 44 millions, mais il s'agit en réalité de 45 millions. Le ministère a également engagé ses propres fonds pour financer cette initiative, si bien que l'enveloppe totale, pour le financement accordé entre 2011-2012 et 2015-2016, sera de 79,5 millions de dollars. C'est le montant que nous engageons afin de subventionner les travaux concernant ces réservoirs de carburant essentiels à travers tout le pays.
Le sénateur Moore : Dans tout le pays. Je vois.
Le président : Nous apprécions votre question fort précise, sénateur Moore, car elle donne aux autres la possibilité d'intervenir.
Le sénateur Meredith : Pour en revenir aux questions de connectivité, vous avez déclaré que 26 Premières Nations sont raccordées au réseau. Puis-je savoir combien d'entre elles ne le sont pas? Pourquoi n'utilisons-nous pas davantage de satellites, de répétiteurs et de récepteurs pour raccorder ces communautés, plutôt que d'installer de la fibre optique?
M. Carisse : Presque toutes les communautés du pays sont connectées jusqu'à un certain point. Je dois préciser qu'Industrie Canada a sa propre définition de « bande large », à savoir 1.5 mégaoctet par seconde de réception au foyer. Certaines collectivités peuvent encore être raccordées à l'accès par ligne commutée ou par satellite, cette dernière technologie ne cessant d'évoluer et offrant des services toujours meilleurs et une bande plus large. Le problème, avec les satellites, tient à la période de latence. Si vous voulez vraiment profiter de la bande large, notamment pour les services de santé offerts par voie électronique par Santé Canada, il faut que la bande large soit assez répandue dans la communauté. S'agissant, par exemple, de localités éloignées, si nous pouvons éviter aux jeunes et aux personnes âgées de devoir faire le voyage pour un contrôle de routine qui peut se faire au dispensaire au moyen de la bande large, cela bénéficiera à tout le monde. Or, cela, on ne peut pas toujours le faire avec la communication satellite.
Nous savons bien qu'il faudra encore un moment avant que toutes les collectivités du Nord puissent être raccordées par fibre optique. Mais si l'on parvient à en connecter quelques-unes par ce moyen, cela libère de la bande large satellitaire pour les autres collectivités qui continuent d'utiliser ce moyen.
Il faut voir quelles sont les possibilités offertes. Le ministère ne peut pas, à lui tout seul, lancer un important chantier de raccordement par fibre optique. Compte tenu de notre cadre de hiérarchisation des priorités, comme l'a mentionné M. Schauerte, il est difficile d'installer la fibre optique tout en améliorant le réseau d'eau potable et les établissements scolaires. Alors, par quoi commencer?
Dans le Nord de l'Ontario, les perspectives sont excellentes pour la bande large. Je n'ai pas tous les chiffres sous la main, mais si je me souviens bien, Bell devait investir 25 millions de dollars, la province environ 35 millions et le gouvernement fédéral boucler le solde. Si l'on sait exploiter cette perspective, tout le monde en profitera.
Lorsque la santé et la sécurité sont en jeu, vous ne pouvez pas vraiment proposer cela au détriment de l'eau et des eaux usées, n'est-ce pas? C'est difficile, face aux questions de santé et de sécurité. Cependant, il faut savoir profiter d'une occasion comme celle-là quand on vous l'offre. La bande large l'emportera toujours sur le service satellitaire, c'est un fait établi. Cependant, certaines collectivités resteront raccordées par satellite; donc, si nous pouvons libérer de la bande large à leur intention tout en mettant à profit l'évolution de la technologie, nous devrions pouvoir leur obtenir un bon accès avec une bonne largeur de bande.
Le sénateur Sibbeston : Notre comité entreprend de se renseigner à propos du logement dans les réserves des Premières Nations. À cette fin, nous essayons de recueillir, auprès de vous entre autres, un certain nombre de faits et de données. Nous allons entendre les témoignages de dirigeants autochtones, peut-être nous rendrons-nous dans certaines réserves, puis nous établirons des recommandations visant à améliorer la situation.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'action de notre gouvernement. Aurez-vous la franchise et le courage de nous dire ce que le gouvernement doit entreprendre? Par exemple, améliorer ses programmes, ou investir davantage? Par ailleurs, si l'on regarde le tableau d'ensemble, est-ce qu'il n'appartient pas aux Premières Nations d'apporter elles- mêmes les grandes améliorations nécessaires et de se montrer plus efficaces? En d'autres termes, la solution n'est-elle pas principalement entre les mains des Premières Nations?
M. Carisse : Il faut bien le dire, la solution est toujours entre les mains des Premières Nations et qu'elle dépend entièrement des Premières Nations. Vous aurez sans doute l'occasion de vous entretenir avec des chefs comme D'Arcy Bear des Sioux Dakota de Whitecap, et vous verrez que certaines de leurs communautés accomplissent des choses formidables. Si vous en avez l'occasion, rendez-vous sur place, ça permet de se rendre compte de l'importance primordiale de la géographie et de l'emplacement. Il est très difficile, pour les communautés isolées, de bâtir une économie ou de créer beaucoup d'emplois. Un nombre important d'entre elles obtiennent actuellement de bons résultats, et l'on peut incontestablement tirer parti de la gouvernance, surtout avec les dirigeants établis de longue date. Mais ce n'est pas facile pour beaucoup d'entre elles, surtout s'agissant de certains de nos projets d'infrastructures qui, souvent, s'étendent sur plus de deux ans. Les choses peuvent devenir difficiles lorsqu'il y a un changement de direction dans certaines communautés, et sous cet angle, la gouvernance est de première importance.
S'agissant de l'infrastructure, je reviens sur ce que nous disions, à savoir envisager différents instruments afin de niveler quelque peu les différences entre la situation des réserves et les conditions générales. Nos municipalités disposent d'une panoplie d'instruments en matière de financement et de législation municipale, à laquelle les Premières Nations n'ont pas accès. La législation municipale remonte au XIXe siècle et elle n'a cessé d'évoluer, tandis que nous sommes toujours pris avec une Loi sur les Indiens qui date de 1876. Il nous faut donc nous munir d'instruments modernes et agir au niveau des infrastructures dans les réserves, de la même façon que nous le faisons partout ailleurs en 2013; mais voilà, nous sommes aux prises avec cette loi de 1876, si bien que nous avons des problèmes en matière d'utilisation des terres. Plusieurs initiatives ont d'ailleurs été récemment lancées dans ce domaine, notamment pour le logement.
Il est difficile de focaliser l'action, parce que l'infrastructure constitue un tout étroitement imbriqué. J'imagine qu'un grand nombre de chefs diront que le logement représente le problème numéro un lorsqu'on parle d'infrastructures, mais qui dit logement dit approvisionnement en eau, pas forcément l'eau courante mais au moins de l'eau potable et accessible pour l'ensemble de la communauté avec traitement des eaux usées. Il faut également qu'une route conduise au logement, avec électrification ou approvisionnement en énergie. Et c'est là que les choses s'imbriquent.
Je pense que les codes régissant les infrastructures jouent un rôle très important. Nous parlions tout à l'heure des établissements scolaires, en disant que l'on peut faire appel au secteur privé pour construire une école, avec obligation de se conformer aux prescriptions du code. Nous agissons suffisamment du côté du fonctionnement et de l'entretien pour que l'infrastructure reste conforme au code, mais il en va différemment pour un logement. Comment résoudre ce problème?
J'aimerais vraiment pouvoir vous dire qu'il existe une solution miracle et qu'il suffit de l'appliquer pour tout changer. Mais il faut étudier la question sous tous les angles, y compris celui de la gouvernance. Je ne crois pas que le ministère ou une quelconque instance gouvernementale puisse imposer quoi que ce soit. Il faut au contraire œuvrer au niveau de la base, avec les Premières Nations, afin de bien comprendre quelle est la perception de leurs dirigeants quant aux orientations à prendre.
Le sénateur Sibbeston : Je crois que les Canadiens ne sont pas très informés là-dessus. Le logement est quelque chose d'essentiel pour tout le monde. On achète une maison et pour ce faire on emprunte de l'argent; et puis on travaille toute sa vie pour rembourser l'hypothèque; au bout d'une trentaine d'années, l'hypothèque est remboursée; alors on profite de la maison pendant un moment et puis on s'en va rejoindre ses ancêtres. C'est notre histoire à tous au Canada.
Mais, s'agissant des Premières Nations, qu'est-ce qui est normal? La façon dont les membres des Premières Nations font l'acquisition d'une maison diffère de la manière habituelle au Canada. Pouvez-vous, par exemple, décrire la façon dont les Autochtones s'y prennent pour acheter une maison, et ce que cela exige? Est-ce qu'ils paient des impôts? Est-ce qu'ils doivent payer pour tous les services? J'aimerais que vous nous aidiez à comprendre la situation.
M. Carisse : Certains vous diront, comme l'Association des agents financiers autochtones du Canada, qu'il y a un manque de familiarisation avec les choses financières dans un grand nombre de communautés, si bien que l'accès à la propriété est loin d'y être aussi répandu, avec parallèlement une pénurie de régimes pour encadrer la location dans ces communautés. Donc, s'agissant de la propriété, de la location et des logements sociaux, les chiffres sont carrément opposés à ceux que l'on observe en dehors des réserves. Dans ces communautés, c'est exactement le contraire. Pour la plupart d'entre elles, le logement est la propriété de la bande, si bien que, contrairement à ce que nous connaissons, ce sont les chefs et les conseils de bande qui décident de l'octroi d'un logement. Certaines communautés peuvent décider que cela se fera en dehors du territoire de la réserve, et elles ont leur propre organe responsable du logement pour ce faire. Mais lorsque quelqu'un vit dans une communauté et souhaite emprunter de l'argent pour prendre sa propre hypothèque en dehors de la réserve, ça n'est pas facile à l'heure actuelle. Il manque les instruments nécessaires. Lorsque certains membres de la communauté ont un travail et gagnent leur vie, souvent c'est ce qu'ils souhaitent faire et ils essaient.
Nous avons, quant à nous, le Fonds pour les logements du marché destiné aux Premières Nations. Hier, nos collègues de la Société canadienne d'hypothèques et de logement sont venus nous parler de ce fonds. Il serait bon, je crois, que des représentants du Fonds viennent nous en parler eux-mêmes. Ils n'ont pas obtenu les chiffres qu'ils prévoyaient, mais là encore, c'est quelque chose de tellement différent qu'il a fallu, je crois, un temps pour que cela démarre. Mais peut-être est-on à la veille de voir des gens s'y intéresser davantage. Une fois que les gens s'y mettront et commenceront à se lancer dans les hypothèques et dans le financement, cela fera boule de neige et vous verrez que les communautés voudront en être elles aussi. Elles commenceront à voir leur vie changer et les gens apprendront très vite à s'y retrouver dans les questions financières.
Ce qui nous amène à ce dont nous parlions précédemment, à savoir le développement économique, façon canadienne, j'imagine. Si vous voulez lancer votre petite entreprise, vous devez engager votre propre argent, et la plupart des gens utilisent leur propre maison comme caution. Cela, on ne peut pas le faire aujourd'hui dans beaucoup de communautés, mais les choses évoluent.
Dans certaines de ces communautés, les choses ne bougent pas facilement. Il y a, par exemple, les logements construits dans le cadre d'un projet économique, comme Sunridge, à Osoyoos, qui est de toute beauté. Donc, il existe bel et bien des communautés qui avancent à grands pas et qui s'intéressent à l'accès à la propriété. Si vous vous rendez à Kahnawake et à Wendake, par exemple, cela existe déjà. Peut-être y aurait-il lieu de faire venir certains représentants de ces communautés pour qu'ils vous parlent de leur expérience et comment ils se sont rendus jusque-là.
Nous-mêmes avons reçu des gens de Wendake qui nous ont parlé de leur initiative : ils nous ont dit que cela a été pour eux une odyssée d'une trentaine d'années pour atteindre leur but. Donc, il faut du temps. Mais si l'on analyse cette expérience et qu'on essaie de la reproduire ailleurs, j'espère que cela prendra moins de temps et que cela aidera les autres communautés à en faire autant.
Le président : Je pense effectivement qu'il y a lieu d'étudier ces exemples de réussite.
La sénatrice Raine : Ma première question concerne la conception des établissements scolaires. Bon nombre de ces écoles sont construites à l'intention de collectivités plutôt réduites, et si l'on pense que l'école est occupée par les élèves de 9 heures à 16 heures et qu'ensuite le bâtiment reste inutilisé, on se demande si la conception de l'école prévoit son usage en tant qu'installation communautaire pouvant servir, au-delà de ses fins éducatives pour les enfants, comme lieu d'enseignement continu et aussi d'accueil pour le loisir, et peut-être enfin comme bibliothèque communale et lieu de socialisation. Donc, les écoles sont-elles encore conçues comme simples établissements scolaires, ou essaie-t-on de les placer au cœur de la communauté?
M. Schauerte : Ces dernières années, nous avons précisément suivi cette orientation, qui consiste à collaborer avec les Premières Nations pour bien comprendre leurs besoins. C'est pourquoi, si la collectivité ne dispose pas d'autres endroits pouvant faire office de centre communautaire ou de lieu de rencontre ou de réunion, c'est l'école qu'ils utilisent à cette fin.
Tout en nous conformant aux normes d'occupation de l'espace destiné à des élèves, qui définissent le financement que nous fournirons pour construire l'établissement, nous consultons souvent les communautés des Premières Nations pour aller plus loin et, grâce à des partenariats, agrandir les cuisines pour en faire des cuisines communautaires. Ces installations sont généralement ouvertes bien au-delà de l'horaire scolaire de 9 heures à 16 heures, et elles sont utilisées le soir pour d'autres activités d'enseignement ou pour des réunions communautaires. J'ajoute qu'elles servent également durant le week-end. Il s'agit donc d'un usage intensif, qui dépasse de loin les fonctions éducatives.
Nous essayons de collaborer avec les Premières Nations pour répondre à leurs besoins et les aider dans leurs entreprises. Nous collaborons aussi avec Santé Canada et avec le programme Bon départ de la prématernelle, afin de les intégrer aux installations scolaires. Nous essayons de définir de nouvelles approches pour la construction des établissements scolaires et veiller à ce qu'ils répondent aux besoins de la communauté.
La sénatrice Raine : Est-ce que ces établissements scolaires ainsi conçus sont gérés par ce que j'appellerai la commission scolaire, pour ce qui est de leur fonctionnement et de leur entretien? Une fois que vous élargissez leur usage à d'autres fonctions, qui s'occupe de leur administration et de leur exploitation?
M. Schauerte : C'est la communauté qui s'en occupe. Si elle s'est dotée d'une autorité éducative, c'est elle qui en assume la responsabilité, mais souvent cela se fait à travers le chef et le conseil de bande et avec le principal de l'école. Leur approche est profondément ancrée dans la communauté. Il s'agit de leur installation, qui est la propriété de la communauté et exploitée par elle; donc c'est à eux de déterminer quel en sera l'usage et qui pourra en bénéficier.
La sénatrice Raine : Je sais que se posent des problèmes liés à la santé dans les réserves, avec augmentation du taux d'obésité, le diabète et d'autres problèmes connexes. Ces problèmes ne touchent pas seulement les Premières Nations et les réserves, mais l'ensemble du pays.
J'aimerais savoir si l'on construit des installations de sport afin de permettre aux jeunes de pratiquer une activité physique pendant la journée. Je pense en particulier aux régions où l'hiver est rigoureux.
M. Schauerte : Par le passé, on a peut-être vu des cas où, du fait de l'exiguïté de l'école, on n'a pas construit de gymnase. Cependant, nos normes de financement imposent que, dans le cas de construction d'un établissement scolaire destiné à une communauté, quelle que soit sa taille, il sera équipé d'un gymnase pour les élèves. C'est pourquoi, lorsque nous faisons l'aménagement paysager et la mise en valeur du site entourant l'école, nous veillons à ce qu'il y ait des agrès et des installations de jeu, un losange de baseball et une piste de course, tout cela pour encourager la pratique de l'éducation physique dans la collectivité.
La sénatrice Raine : En élargissant un peu la perspective, si l'on considère l'école comme, bien souvent, le cœur de la communauté, en prévoyant différents régimes d'utilisation de l'espace et de construction, j'aimerais savoir si l'on veillera à placer les nouveaux appartements, et aussi les logements pour personnes âgées, à proximité des écoles, afin que ces catégories puissent s'y rendre facilement sans problèmes de transport. Est-ce que cela est intégré à leur planification, afin que les enfants qui souhaitent jouer au baseball ne soient pas empêchés de le faire par la distance de leur domicile?
Comment se fait la planification? Je rappelle que l'infrastructure n'est pas faite que de briques et de ciment, mais qu'elle répond à un plan orienté vers la communauté afin de lui permettre de s'épanouir de façon logique et efficace. Est-ce bien le cas?
M. Schauerte : Par le passé, les réserves étaient mises sur pied sans que l'on ait recours à une planification centralisée selon un modèle correspondant à des villes comme Ottawa, par exemple, qui n'aurait pas sa place. Mais les choses évoluent. Nous voyons un certain nombre de collectivités évoluer dans le sens de la planification communautaire selon un plan directeur. C'est ainsi que lorsqu'ils construisent de nouveaux lotissements, ils essaient de les condenser davantage, ce qui d'une part permet d'abaisser les coûts des prestations, et d'autre part les rapproche du cœur de la localité. Cela de sorte que, comme vous l'avez dit, les résidants aient facilement accès aux installations communautaires, à l'école, aux centres communautaires et de loisirs.
Je dois dire que ce concept est encore relativement récent. Le ministère œuvre avec les Premières Nations à travers son service de mise en valeur des terres et de développement économique. Il s'efforce de promouvoir les initiatives axées sur une planification centralisée de l'utilisation de terres, et il a recours à des techniques modernes telles que les systèmes de topographie informatisée afin de les aider à visualiser et à planifier la configuration communautaire. Le ministère a entrepris toute une série d'initiatives.
Le président : J'ai une question peut-être difficile à vous poser, monsieur Carisse. Nous avons parlé d'un large éventail d'activités de votre ministère, ce dont je vous remercie. J'aimerais à présent savoir si vous pouvez recommander au comité les questions que vous considérez comme prioritaires en matière d'infrastructures et sur lesquelles nous devrions concentrer notre attention.
M. Carisse : Je dirais que la grande priorité, c'est le financement des infrastructures et comment le faire différemment. Je suis certain que nous pouvons faire mieux avec les fonds qui existent déjà. De nombreux aspects sont touchés.
Comme je l'ai déjà indiqué, on peut penser par exemple aux municipalités et aux lois municipales, et à la manière dont les municipalités ont accès aux marchés obligataires dans la province. Nous avons des outils comme l'AFPN qui commencent à se mettre en place, mais le financement des infrastructures est vraiment crucial. Plus particulièrement, cela touche aux aqueducs et aux écoles; ce pourrait être des routes et des ponts; la connectivité touche une foule de domaines. Je pense que le logement doit être une priorité.
Mon opinion personnelle est que nous avons fait de grands pas. Des lois et des règlements ont été adoptés depuis quelques années au sujet des systèmes d'aqueduc et d'égout. Il y a eu une évaluation nationale et nous connaissons maintenant davantage les besoins. Nous avons une idée — bonne ou mauvaise — des systèmes de risque qui existent. Nous avons une bonne façon de former les opérateurs.
Je pense que ça va bien aussi avec les écoles. Une loi est proposée, comme vous le savez tous, en matière d'éducation. Nous avons un cadre de classement des priorités. Nous commençons à construire. Quel est le besoin pour les écoles? Nous obtenons du financement supplémentaire.
Le logement fait partie de ces priorités, la seule pour laquelle j'avoue que le gouvernement — ou tout au moins le ministère — intervient un peu plus, mais parfois aussi un peu moins. C'est davantage une allocation aux deux tiers des communautés. C'est une attribution de fonds. Ce n'est pas plus de 1,5 million de dollars pour un grand projet dans lequel le gouvernement jouera davantage un rôle de soutien. Je pense qu'on peut faire beaucoup plus dans le cas du logement. Le financement et le logement seraient deux grandes priorités, et le logement inclurait aussi les codes, s'assurer que les habitations sont construites et entretenues conformément au code du bâtiment.
Le président : C'est très utile. Merci.
Le sénateur Tannas : C'était intéressant. Nous avons parlé aujourd'hui et à la dernière réunion du déficit en matière d'infrastructures. Je crois en cette idée qu'on peut gérer ce qu'on peut évaluer. Au fil de nos discussions, nous avons appris qu'il y a environ cent mille logements dans les réserves, et le document que j'ai ici indique que vous en construisez 1 750 nouveaux et que vous en rénovez quelques anciens, ce qui est bien, mais 1 750 nouveaux par année, cela représente 1,75 p. 100. Or, la croissance de la population autochtone est plus élevée que cela.
La sagesse populaire dit également que la première chose à faire pour sortir du trou, c'est cesser de creuser. Serait-il juste d'affirmer que nous sommes en train de creuser le déficit en matière de logement? J'aimerais savoir ce que vous en pensez, mais pouvez-vous me dire également si d'autres ou vous-mêmes avez mesuré le déficit en matière d'infrastructures dans chacun de ces domaines?
M. Carisse : En ce qui concerne l'écart qui se creuse, oui, l'écart grandit, et c'est la même chose hors des réserves, alors nous devons trouver une solution. À cause de la croissance démographique, les réserves pourraient devenir plus peuplées. Si l'on fabrique un tissu dans la communauté, avec de nouvelles écoles, de meilleures infrastructures, il se pourrait que certains aient envie de revenir dans la communauté.
Il faut aussi se demander quels types d'écoles on construit et si le système de traitement de l'eau est adapté. Y a-t-il assez d'énergie? On en revient aussi au logement. Tout est relié.
À l'heure actuelle, cependant, pour tenter de combler cet écart, on se fonde surtout sur le logement social et les allocations que reçoivent les communautés. C'est pour cette raison que, si nous pouvons trouver les outils qui faciliteront l'implantation des régimes locatifs dans les communautés des Premières Nations, c'est en fait un autre aspect, mais aussi l'accès aux prêts hypothécaires, et cetera, notamment par l'entremise du Fonds pour les logements du marché, tout cela aidera à promouvoir autre chose que le logement social. Certains pourraient souhaiter avoir leur maison et acheter leur maison.
Le régime locatif est un autre aspect. Peu de communautés en ont un. À mon avis, il y a un réel avantage à promouvoir le régime locatif, à utiliser le financement accordé à la communauté par l'entremise du régime locatif afin qu'elle le réinvestisse par la suite dans ses propres logements. C'est un cercle vicieux quand cela ne se fait pas. Je comprends la situation, et les chefs diront qu'ils ont tellement de priorités sur leurs épaules qu'ils doivent faire des choix. Je suis d'accord, mais c'est un peu un cercle vicieux. Si l'on ne commence pas, on ne profite jamais des avantages des régimes locatifs.
En ce qui concerne le déficit en matière d'infrastructures, nous avons effectué récemment l'évaluation nationale des systèmes d'aqueduc et d'égout. Elle a révélé qu'il fallait immédiatement environ 1,2 milliard de dollars pour respecter les normes, et environ 3 milliards de dollars de plus pour la croissance. Encore une fois, ce sont des chiffres approximatifs. L'essentiel, c'est qu'il existe un énorme déficit concernant l'eau. Nous n'avons pas encore effectué d'évaluations pour d'autres types d'infrastructures, comme nous l'avons fait pour les systèmes d'aqueduc et d'égout. D'après ce que signalent les Premières Nations et ce qu'on trouve dans leurs plans d'infrastructures, nous avons une idée des besoins, mais dans l'évaluation nationale, la différence est que nous sommes allés dans les communautés pour évaluer la situation. Il ne s'agissait pas seulement d'auto-déclarations. C'était très proactif ou tout au moins une évaluation active des besoins effectuée sur place, dans les communautés.
Le sénateur Tannas : Bien, et vous appliquez les mêmes critères.
M. Carisse : Oui, partout au Canada.
La sénatrice Raine : Vous avez parlé de « régimes locatifs » à quelques reprises, et je ne suis pas certaine de comprendre tout à fait de quoi il s'agit. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne?
M. Carisse : Essentiellement, dans de nombreuses Premières Nations, les résidants ne paient pas de loyer. Ils habitent dans les logements et l'allocation-logement vient du chef et du conseil. Aucun loyer n'est payé, alors il n'y a pas de revenu. Aucun montant ne revient au ministère. Aucun revenu n'est encaissé par l'autorité, par exemple, une municipalité ou une province. L'argent reviendrait à la communauté, qui pourrait l'utiliser pour aider le logement.
Une allocation-logement est versée. Je pense que le ministère verse une allocation-logement d'environ 125 millions de dollars par année, par l'entremise du programme d'aide au revenu. Mais cette allocation-logement ne va pas nécessairement à un régime locatif ou aux loyers. Encore une fois, elle est versée dans le cadre du financement global à la Première Nation, au chef et au conseil, et ils ont des priorités. Ils peuvent décider d'accorder la priorité à l'eau ou à d'autres infrastructures, à différents besoins dans la communauté. Le problème des régimes locatifs, c'est qu'ils sont absents.
Puis, on en revient à la question de la littératie financière et à l'idée de payer un loyer. Quand on commence à payer un loyer, on commence aussi à avoir ce qui me paraît être la fierté de posséder quelque chose, pas seulement la maison qu'on vous a donnée, mais aussi le foyer qu'on y crée et dans lequel on vit. C'est un état d'esprit complètement différent. On paie un loyer, on habite dans une maison et on commence à profiter du fait qu'on en prend soin et qu'on l'entretient, tout comme le terrain. Ce n'est pas nécessairement le cas dans de nombreuses communautés actuellement.
La sénatrice Raine : Il est question essentiellement de deux choses. D'abord, les gens en sont venus à s'attendre à ce qu'un logement leur soit fourni, gratuitement, ce qui n'est pas le cas presque partout dans le monde, mais surtout ils ont l'impression que c'est un droit et qu'il n'y a pas d'obligation ni de responsabilité d'en prendre soin.
M. Carisse : C'est exact.
La sénatrice Raine : Tandis que si un régime est en place et qu'ils ne font pas attention au logement, ils peuvent être expulsés, et la prochaine personne sur la liste qui voudrait mieux s'occuper du logement aurait la possibilité d'y habiter. Quelque chose du genre?
M. Carisse : Tout à fait.
Il y a cependant des communautés qui ont établi leur régime locatif. Il fonctionne bien. Il n'est pas facile d'être gestionnaire des logements dans une communauté. Je pense que le comité aurait intérêt à entendre certains de ces gestionnaires, qui pourraient décrire les problèmes auxquels ils sont confrontés.
Je pense que les régimes qui fonctionnent bien se trouvent dans les communautés où il existe un véritable organisme des logements et où le chef et le conseil ont décidé de ne pas participer au processus de logement. Un organisme extérieur au chef et au conseil s'occupe du logement. Même s'il y a une attribution de logements, elle est complètement dépolitisée. Elle se fonde sur les besoins. Je pense aussi que c'est la meilleure façon de procéder. Il faudrait discuter des régimes locatifs.
La sénatrice Raine : Si l'on va plus loin, évidemment, c'est la possibilité d'avoir son titre de propriété pour le terrain et d'investir ensuite dans sa maison ou de faire construire sa maison, dont on finit par être propriétaire. On a ensuite un bien qu'on peut donner en garantie pour emprunter ou qu'on peut léguer à ses enfants, et cetera. Nous avons refusé cela aux citoyens des Premières Nations.
M. Carisse : C'est exact. Je pense qu'il y a un grand désir en ce sens dans les communautés, peut-être plus grand qu'on ne le croit.
Le président : Monsieur Carisse, pouvez-vous nous indiquer des endroits où un régime locatif et une régie du logement sont en place?
M. Carisse : Oui.
La sénatrice Dyck : Je n'ai pas encore posé de question, n'est-ce pas?
Le président : Brièvement, mais vous pouvez intervenir, je vous en prie.
La sénatrice Dyck : Merci de votre exposé de ce soir. Vous êtes venus très rapidement et je vous remercie pour la table que vous avez fournie.
Je poserai ma grande question. Vous avez donné des exemples très intéressants. Vous avez parlé de la Première Nation dakota de Whitecap, qui est un exemple d'une Première Nation qui se tire très bien d'affaire depuis quelques années.
Je pensais au logement et à la construction. Je sais que quelques programmes en Saskatchewan ont commencé à offrir de la formation à l'Université de la Saskatchewan et qu'ils construisent des maisons. Les étudiants ont été transportés à Cumberland House ou quelque part du genre. L'école secondaire Mount Royal, que nous avons visitée lors de notre étude sur l'éducation, a un atelier de construction. Elle est peut-être reliée elle aussi avec une Première Nation. Ces programmes de formation commencent à voir le jour.
Vous avez décrit vos besoins financiers et différents moyens d'utiliser le financement pour obtenir un effet de levier, mais je pense qu'il faut plus que cela. Il faut du financement, il faut le ministère, il faut l'industrie et il faut de la formation. La Première Nation est au milieu, reliée à ces quatre piliers. C'est le cas de la Première Nation dakota de Whitecap. Elle a maintenant accès à de la formation, chez Boeing je crois. Il y a un programme avec le Saskatchewan Indian Institute of Technologies pour former les membres de la réserve. Elle a du financement. Elle a du financement ministériel. C'est une toute nouvelle initiative qu'ils sont en train de lancer.
Je me demande si cela pourrait s'appliquer au logement, parce qu'il existe un besoin dans presque toutes les Premières Nations du pays. Y aurait-il moyen de faire participer les établissements d'enseignement avec le ministère et avec une industrie — l'industrie de la construction, je suppose — et avec une banque, pour que tout le monde travaille ensemble. Qu'en dites-vous?
M. Carisse : Cela me paraît très bien. C'est très proche de ce que nous faisons avec le Programme de formation itinérante, qui réunit divers intervenants pour l'eau. Je l'ai déjà mentionné par le passé. Nous l'avons envisagé pour les écoles. Nous pourrions certainement envisager quelque chose de semblable pour le logement.
Il y a quelques années, nous avons envisagé un programme de formation itinérante pour les travaux publics en général. Un grand nombre de communautés ont peut-être un John ou une Janet, heureux de travailler comme opérateur accrédité de niveau 2, qui veut rester dans la communauté et fait un formidable travail pour l'eau, mais elles ont besoin d'un gestionnaire des logements. Il n'y a peut-être pas assez de logements pour justifier un gestionnaire des logements à plein temps, mais il y a un besoin. La situation peut être complètement différente ailleurs; il y a peut-être un excellent gestionnaire des logements, mais pour une raison ou une autre, il n'y a personne pour l'eau. Si nous pouvions mettre à la disposition des communautés un outil qui pourrait s'adapter aux besoins, ce serait utile.
La sénatrice Dyck : Vous avez aussi évoqué dans votre exposé l'idée des projets fondés sur des propositions. Il pourrait peut-être y avoir un fonds spécial dans lequel les différents partenaires pourraient puiser pour commencer à agir et lancer un ou deux projets pilotes ou davantage.
M. Carisse : Oui. Je pense que c'est une excellente idée.
L'autre chose que nous envisageons — dans la même veine — ce sont des pôles. Il en existe, comme l'Ontario First Nations Technical Services Corporation ou le Technical Services Advisory Group en Alberta, afin de fournir une capacité technique. Ils peuvent créer des capacités et les offrir à leurs membres. Certains conseils tribaux peuvent le faire eux aussi.
Nous savons également qu'il existe des organisations, et nous travaillons actuellement avec le Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique pour élaborer un règlement sur l'eau, mais aussi au sujet des partenariats publics- privés. Ils envisagent de créer une administration de l'eau quelque part dans la région de l'Atlantique, afin de s'occuper des besoins et des demandes concernant l'eau. Il y a certainement des possibilités.
Je pense que quelques communautés en arracheront pendant un certain temps, à cause tout simplement de leur taille. Une petite communauté de 300 personnes n'aura probablement pas de gestionnaire des logements, de gestionnaire foncier ou de directeur de l'usine de traitement de l'eau. Il faut avoir accès à un regroupement quelconque afin d'obtenir des compétences qui n'existent peut-être pas chez soi.
Le sénateur Moore : J'ai une question à l'intention de M. Haggerty, pour qu'il confirme quelque chose, et une autre à l'intention de M. Carisse.
En ce qui concerne l'Administration financière des Premières Nations, je pense que vous avez déclaré qu'elle existe depuis quelques années. Elle est allée sur le marché obligataire et a obtenu 150 millions de dollars. Cet argent est déposé à la banque?
M. Haggerty : Je crois comprendre qu'en février, au début de la prochaine année civile, elle émettra des obligations à 10 ans, d'une valeur de 100 à 150 millions de dollars, alors elle n'a pas encore accès à cet argent.
Le sénateur Moore : Oh, ce n'est pas encore arrivé.
M. Haggerty : Non, si je comprends bien.
Le sénateur Moore : Elle existe depuis quand?
M. Haggerty : Je ne me souviens pas de la date exacte; elle a été établie en 2007, je crois.
Le sénateur Moore : Alors, elle ne s'apprête que maintenant à aller sur le marché obligataire. Pourquoi maintenant, y a-t-il un besoin de financement? C'est ce que nous avons entendu. M. Carisse vient de nous dire que le financement est un grand problème. Comment se fait-il que vous alliez sur le marché obligataire seulement en février 2014?
M. Schauerte : Avec votre permission, sénateur, j'ai quelques renseignements sur ce dossier.
Quand la loi a été adoptée, elle prévoyait un certain nombre de mois pour l'entrée en vigueur et la création des institutions. Il a fallu quelques années pour créer les institutions — la Commission de la fiscalité des premières Nations, l'Administration financière des Premières Nations et les autres institutions. Une fois créées, elles ont dû commencer à déterminer quelles communautés pouvaient être admissibles et pouvaient adhérer à l'Administration financière des Premières Nations. Il n'y a pas d'adhésion du simple fait qu'on est admissible. Il faut passer par le conseil de gestion financière, par une évaluation rigoureuse afin de s'assurer que la communauté est viable et peut entrer sur le marché obligataire. Il y a un rôle pour la commission de la fiscalité, qui doit comprendre la capacité de lever des impôts dans la communauté.
Chacune des communautés qui a exprimé le désir d'adhérer à l'AFPN a dû franchir quelques étapes avant d'adhérer. Ils ont élargi ce qui était une source de revenu admissible pour une Première Nation souhaitant adhérer à l'AFPN. Au départ, il y avait seulement les revenus autonomes. C'est maintenant élargi, de manière à inclure les sources de financement qui viennent du gouvernement fédéral, par exemple.
Tout cela s'est fait, et ils sont maintenant arrivés au point où des obligations peuvent être émises.
Le sénateur Moore : Mais les Premières Nations ne participent pas à l'émission d'obligations; c'est l'administration qui s'en occupe, n'est-ce pas?
M. Schauerte : Non, au nom des Premières Nations.
Le sénateur Moore : Mais l'administration émet les obligations pour obtenir les fonds et les Premières Nations iraient ensuite présenter leurs projets à l'administration. C'est ainsi que cela fonctionne?
M. Haggerty : En gros, oui.
Le sénateur Moore : Je n'arrête pas d'entendre parler de « littératie financière ». Qu'en est-il de l'assurance hypothécaire ou de l'assurance sur le financement qui pourrait relever de l'organisme de financement des Premières Nations? Est-il possible d'en obtenir? La SCHL est-elle participante? Comment cela fonctionne-t-il? Je suppose que l'une des conditions serait qu'on puisse dire à l'organisme de financement : « Oui, je suis assuré. » Est-ce possible? Je suis conscient que certaines de ces Nations sont éloignées et d'autres pas, mais est-ce un problème?
M. Schauerte : L'assurance est certainement un problème dans les réserves. L'assurance est une denrée rare dans les réserves. Historiquement, avant que le ministère commence à céder des biens, il n'y avait pas besoin d'assurance; le gouvernement assurait lui-même les biens. Mais avec la cession des biens au cours des dernières décennies, on s'est efforcé d'amener l'assurance dans les réserves pour divers types de biens, comme les maisons et les infrastructures publiques.
Comme vous l'avez fait remarquer avec justesse, sénateur, quelques communautés éloignées ou qui ont des taux élevés de sinistres, par exemple, ne sont presque pas assurables; elles ont beaucoup de mal à obtenir de l'assurance. Nous avons tenté de résoudre ce problème avec les Premières Nations, en explorant les solutions avec les Premières Nations et les assureurs pour trouver des façons d'accroître l'assurance dans les réserves, pour les maisons et les biens publics.
L'un des aspects essentiels que nous constatons, c'est le regroupement des actifs, essayer de mettre les actifs en commun. Plus il y a de biens, plus les communautés à risque élevé peuvent se regrouper avec des communautés à faible risque et répartir les coûts entre de multiples communautés diverses.
Nous savons que l'industrie de l'assurance en général est très intéressée à entrer sur le marché des réserves, mais elle est très hésitante. C'est un problème de méconnaissance. Très peu d'assureurs ont assez d'antécédents ou de relations avec les communautés pour se sentir à l'aise. Il y a aussi des cas comme la Première Nation Membertou, dans l'Atlantique, qui a créé sa propre industrie de l'assurance, une autre initiative encourageante.
Le sénateur Moore : Cela dépend donc des dirigeants des Premières Nations? Est-ce que la plupart des dirigeants comprennent qu'une capacité d'assurance, la capacité d'assurer ses biens, constitue un avantage et peut permettre d'obtenir du financement et d'améliorer la communauté? Cette histoire de littératie financière me turlupine, et j'aimerais savoir s'il faut sensibiliser les dirigeants ou s'ils comprennent le problème?
M. Carisse : Je pense qu'ils sont un peu conscients que cela aiderait. Mais pour certaines Premières Nations, c'est simplement que les primes leur paraissent trop élevées. Le chef et le conseil doivent se demander quoi faire avec les fonds. Ils savent que, même sans assurance, s'il arrive quelque chose à un bien comme une école, le gouvernement sera encore là pour 150 p. 100 de cette école. Ce n'est pas ce que nous souhaitons, mais actuellement, avec le financement que reçoivent le chef et le conseil et toutes leurs priorités... Ils travaillent avec les inspecteurs d'assurance-incendie. Les communautés peuvent prendre certaines mesures pas très exigeantes pour réduire leurs primes. Certains pensent qu'il faut des bornes-fontaines et un système à haute pression. Ce n'est pas le cas. Avec une auto-pompe, quelques réservoirs d'eau et des pompiers volontaires, il est possible de faire baisser les primes.
Je pense qu'ils savent ce qu'il faut faire. Il y a aussi des outils que nous pourrions utiliser. À un moment donné en Ontario, hors des réserves, la province voulait mettre quelque chose en place à l'intention des municipalités rurales. Je pense que c'était relié au commissaire des incendies. C'était un outil de ce genre.
La municipalité indiquait ce qu'elle avait et l'outil proposait, comme un guide, quelles améliorations à apporter pour abaisser les primes d'assurance, en collaboration avec les inspecteurs d'assurance-incendie. Il y a donc des possibilités et je pense que c'est ainsi que nous pouvons les aider.
Le sénateur Moore : Avez-vous une liste ou des données, des statistiques montrant les communautés ou installations assurées chez les Premières Nations? Avez-vous ce genre d'information? J'ai presque l'impression qu'on part de rien ou presque.
M. Carisse : Nous pouvons chercher. De mémoire, je ne sais pas si nous avons des renseignements de ce genre, mais nous pouvons demander à nos bureaux régionaux s'ils connaissent des communautés ou des pratiques exemplaires.
Le sénateur Moore : Parce que c'est lié aux prêts hypothécaires. Cela permet de comprendre ce qu'est un prêt hypothécaire. C'est lié aux défauts de paiement, aux forclusions. Alors, il faut comprendre les notions de base.
M. Carisse : Exactement.
Le sénateur Moore : C'est la même chose avec la location. Qu'est-ce qu'un bail? Quand on ne paie pas, on est expulsé. Avons-nous des données sur ce genre de situation ou est-ce complètement nouveau?
M. Carisse : Non, nous n'en avons pas. Il faudrait peut-être s'adresser directement aux communautés pour obtenir ces chiffres.
Le sénateur Moore : Je comprends.
Le président : Puisque vous mentionnez vos bureaux régionaux, je me demande si vous pouvez décrire au comité la structure de votre Direction générale des infrastructures communautaire. Évidemment, vous avez une administration centrale. Quel rôle jouent les bureaux régionaux dans les immobilisations? Je pense que nous devons comprendre la portée de la décentralisation et les rôles des régions.
M. Carisse : Bien sûr. À l'administration centrale, nous sommes plutôt le volet orientation. Nous élaborons les normes, les programmes, les cadres de responsabilisation de gestion, et cetera. Pour chaque bien, nous avons une espèce de norme. M. Schauerte a parlé des normes sur les surfaces dans les écoles. Quand on veut construire une école, quel est le prix au mètre carré? Quels types de salle se trouveront dans l'école?
Nos bureaux régionaux sont le volet exécution du programme. La structure est essentiellement la même dans l'ensemble du ministère pour les divers programmes. Il y a un bureau régional dans chaque province et dans chaque territoire, sauf dans la région de l'Atlantique, où, pour les quatre provinces, il y a un bureau régional, à Amherst.
Pour ce programme particulier, parce qu'il s'agit d'un programme d'immobilisations et d'entretien, c'est un programme dans les réserves. Il ne s'applique pas au Nunavut, où il n'y a pas de réserves des Premières Nations, ni aux Territoires du Nord-Ouest. Il y a quelques communautés et quelques réserves dans les Territoires du Nord-Ouest, comme K'atl'odeeche et Salt River. Elles obtiennent leur financement par l'entremise de la délégation de pouvoirs au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
La présence est surtout au sud du 60e parallèle, mais il y a quelques communautés au Yukon, surtout celles qui ne sont pas visées par l'autonomie gouvernementale. Il y a encore trois communautés où vous verrez une présence du programme d'immobilisations.
Le bureau régional est l'organisme d'exécution du programme. Tous les ans, les Premières Nations préparent un plan d'investissement dans l'infrastructure des Premières Nations afin de décider où le milliard de dollars sera dépensé. Le plan passe par les bureaux régionaux, qui en font un plan régional. Là, il se fonde sur ce qu'a décrit M. Schauerte, soit le classement des priorités pour tous les éléments d'infrastructure. Il va ensuite à l'administration centrale, où nous avons aussi des cadres de classement des priorités nationaux pour tous les biens. Plus précisément, nous en avons un pour les écoles, un pour l'eau et un autre pour quelques réservoirs, afin de pouvoir établir des priorités dans l'ensemble du pays.
Autrefois, toutes les régions pouvaient réaliser des projets différents pour les écoles, mais nous nous sommes aperçus que, vu les besoins, nous voulions nous assurer qu'à l'échelle nationale, les écoles qui en avaient le plus besoin, les systèmes d'aqueduc et d'égout qui en avaient le plus besoin, les grands projets et les réservoirs de stockage de carburant, tous ces projets obtenaient du financement. Essentiellement, nous sommes revenus à des priorités à cause des problèmes de santé et de sécurité liés à ces catégories de biens.
Voilà en résumé comment fonctionne le programme d'immobilisations et la répartition des tâches entre l'administration centrale et les bureaux régionaux.
Le sénateur Meredith : Monsieur Carisse, à quelle fréquence sont réalisées les inspections des biens? Mme Comtois peut probablement indiquer si nous devrions insister sur cet aspect dans notre rapport, quand nous aborderons les codes, parce que cela revient sans cesse sur le tapis.
À la page 16, vous indiquez que certaines infrastructures dans les réserves ont actuellement une durée de vie réduite parce qu'il y a un manque de conformité aux codes, et de financement de fonctionnement et d'entretien qui a été réaffecté pour répondre à d'autres besoins. À quelle fréquence les inspections sont-elles effectuées pour vérifier que les codes sont respectés? Devrions-nous nous pencher sur cette question? Dans notre étude, comment le comité pourrait-il chercher à s'assurer que des fonds sont bloqués pour répondre à des besoins cernés et qu'ils ne soient pas réaffectés ailleurs? Les chefs et les conseils pensent peut-être qu'il y a d'autres priorités, mais une fois de plus, la santé et le bien- être des membres des Premières Nations sont en jeu. Pouvez-vous me donner des précisions à ce sujet?
Mon autre question porte sur la concurrence relative au service à large bande entre Bell, Rogers et TELUS. Quels types de mécanismes faut-il envisager pour s'assurer que la concurrence existe et qu'il n'y a pas de monopole d'un grand acteur canadien dans certaines communautés? J'apprécierais que vous nous donniez plus de renseignements à ce sujet.
À une époque où la concurrence augmente et où nous voulons nous assurer que les communautés n'ont pas à souffrir du fait qu'une entreprise ne veut pas investir, que font les Affaires autochtones pour inviter, dans un scénario de PPP peut-être, d'autres parties intéressées ou de petites entreprises en démarrage qui possèdent des technologies d'avant-garde et des liens avec un réseau de satellites?
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne les technologies par satellite. Il y a maintenant beaucoup de satellites qui envoient des signaux, de services de télévision par antenne parabolique, par exemple, d'entreprises dans ce secteur et d'abonnés. Il existe des technologies qui pourraient être déployées pour servir certaines de ces communautés éloignées. Je pense que nous ne rendons pas service aux Premières Nations si nous ne nous assurons pas qu'elles sont reliées économiquement, par le développement économique et le commerce électronique. Certains produits mis au point par les Premières Nations pourraient être vendus sur des sites Internet, par exemple. Il faut y réfléchir. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
M. Carisse : En ce qui concerne les inspections des biens, nous avons un système de rapport sur la condition des biens qui prévoit l'inspection, dans un cycle de trois ans et par des inspecteurs qualifiés, de tous les biens financés par les deniers publics. Ces inspecteurs vont dans les usines de traitement de l'eau, dans les écoles, dans les immeubles communautaires, et cetera. Pour tous les biens publics dans lesquels le ministère a investi, il y a une inspection tous les trois ans.
C'est un moyen de voir si l'exploitation et l'entretien se font correctement, si le bien est bien entretenu et s'il y a détérioration. Tous les ans, il y a une évaluation de rendement pour l'eau, ce qui est un peu différent. Je n'entrerai pas dans les détails techniques, mais des inspecteurs vont sur place, contrôlent que les systèmes fonctionnent bien et examinent les registres pour s'assurer que le système produit de la bonne eau potable.
Afin de bloquer le financement, il est versé au chef et au conseil. En codant le financement, nous pouvons déterminer exactement quel montant va à quelle communauté et à quelles fins. C'est un peu différent pour la Première Nation bénéficiaire, parce qu'elle reçoit un montant global et examine les priorités du chef et du conseil pour décider à quoi serviront les fonds.
Je suis d'accord. Il y a des domaines comme l'eau et l'exploitation et l'entretien plus particulièrement, pour lesquels je pense qu'on ne rend pas service aux communautés si l'on ne s'assure pas que des fonds leur sont affectés directement et si les biens commencent à se détériorer. Cela dit, je ne suis pas chef, je ne suis pas dans les souliers d'un chef, et je comprends que les chefs doivent jongler avec les priorités. Je pense qu'il serait bon d'entendre les dirigeants exprimer leurs points de vue à ce sujet. Nous travaillons actuellement en Ontario pour trouver une façon de le faire.
M. Schauerte : Une inspection permet de repérer une lacune, mais par le passé, lorsque personne n'y donnait suite, le rapport allait sur une tablette et la même lacune ressortait trois ans plus tard quand le bien était inspecté à nouveau.
Comment pouvons-nous influencer le comportement et provoquer une intervention après une inspection? Nous commençons par notre région de l'Ontario et les Premières Nations de cette province pour modifier nos outils et notre dialogue annuel avec les Premières Nations afin d'obtenir un meilleur suivi après une inspection, lorsque de telles lacunes sont constatées. Nous nous attendons maintenant à ce que ces lacunes signalées soient considérées comme des projets d'immobilisations dans le prochain plan d'immobilisations de la Première Nation l'année suivante et que la Première Nation y affecte des fonds. La lacune ne peut pas se retrouver dans une colonne sans financement. Nous nous attendons à ce que les Premières Nations commencent à financer ces activités, en plus des autres priorités.
Nous espérons qu'avec le temps, nous pourrons commencer à changer le comportement et à le répandre. Lorsqu'ils auront ce rapport en main et qu'ils examineront les lacunes, nous espérons qu'ils reconnaîtront qu'il faut les corriger au cours des 12 mois suivants, afin de s'assurer que leur installation reste en bon état de fonctionnement.
M. Carisse : En ce qui concerne le monopole des sociétés de télécommunications, le problème dans un grand nombre de collectivités, comme celles du Nord de l'Ontario, c'est qu'il n'y a pas de concurrence. Il y a Bell Aliant et c'est tout. Lorsque la concurrence existe, c'est avantageux pour le ministère et pour le gouvernement, mais aussi pour les communautés. Mais dans certaines régions, il n'y a pas de concurrence. Elle n'existe pas. Dans le Nord de l'Ontario, nous pouvions travailler seulement avec Bell Aliant. Heureusement, Bell Aliant a investi pour que le projet puisse se réaliser.
Je suis d'accord avec vous au sujet des satellites. Quelques communautés seront servies par des satellites pendant encore très longtemps. La différence avec la fibre, c'est qu'elle est évolutive. Une fois en place, ils disent qu'elle est bonne pour les 20, 30, voire 40 années suivantes, tandis qu'avec les satellites, on est toujours limité par la capacité de la bande passante et il y a des problèmes de décalage.
Cela dit, la technologie est en train d'évoluer. J'ai entendu parler récemment de différents types d'ondes radio qu'ils aimeraient utiliser pour tenter d'accéder aux communautés, pas seulement dans les réserves, mais aussi hors des réserves. Il y a une certaine bande passante qui n'est pas utilisée actuellement. Nous continuons de chercher des technologies et, comme pour toute nouvelle infrastructure dans les communautés, des études de faisabilité sont effectuées.
Pour les écoles ou pour l'eau, ou pour les bureaux des conseils de bande, nous recherchons la connectivité. Quelle est la possibilité? Qu'est-ce qui fonctionne pour la connectivité? On s'adresse souvent à nous. Une société de télécommunications ou une Première Nation vient nous voir. Nous essayons de conclure une entente avec les différents acteurs, et lorsqu'il peut y avoir de la concurrence, nous sommes ravis.
Le président : Je demanderai à la vice-présidente de présenter le mot de la fin ce soir.
La sénatrice Dyck : Je m'attendais à ce que vous le fassiez.
Le président : Je conclurai.
La sénatrice Dyck : Encore une fois, je remercie tous les membres du comité et nos témoins, tout particulièrement, qui nous ont présenté une foule de renseignements et quelques idées intéressantes. Je vous en remercie.
Le président : Je suis tout à fait d'accord. Ce survol a été très utile. Je pense que nous avons réussi à traiter de tous les sujets que vous avez abordés dans votre exposé et je suis d'accord avec la sénatrice Dyck que la contribution de tout le monde a été très utile.
J'informe les membres que nous nous réunissons mardi. Je crois comprendre que nous entendrons la First Nations National Building Officers Association et le Conseil national de développement économique des Autochtones. Quelques autres organisations qui ont été mentionnées ce soir ont reçu des invitations. J'informe aussi le comité qu'il n'y aura pas de réunion mercredi prochain.
Merci aux témoins et merci à tous pour vos excellentes questions.
(La séance est levée.)