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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages du 29 janvier 2014


OTTAWA, le mercredi 29 janvier 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 50, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et à tous les membres du public présents dans la salle ou qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle Dennis Patterson, je viens du Nunavut et je préside le comité. Notre mandat consiste à examiner les projets de loi et les questions qui concernent les peuples autochtones au Canada en général. Pour comprendre les préoccupations des gens que nous représentons, nous invitons souvent des témoins qui peuvent nous renseigner sur les questions d'actualité qui comptent pour eux. Ces séances sont essentielles pour nous aider à choisir les prochaines études que nous allons entreprendre dans l'intérêt de la communauté autochtone.

Le témoin invité aujourd'hui va brosser un portrait général de la vaste question de l'infrastructure financière dans les réserves qui pourrait être liée aux projets d'immobilisations, aux écoles et au logement. Je suis heureux de vous annoncer que nous allons entendre ce soir le président du Conseil de gestion financière des Premières Nations, une des quatre institutions mises sur pied en vertu de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières Nations pour permettre aux Premières Nations d'établir leurs propres régimes de fiscalité foncière et d'emprunt.

Avant d'entendre notre témoin, je demanderais aux membres du comité autour de la table de se présenter.

Le sénateur Moore : Bonsoir, je m'appelle Wilfred Moore, sénateur libéral de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dyck : Je m'appelle Lillian Dyck, sénatrice libérale de la Saskatchewan.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, du nord-ouest de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le président : J'invite les membres du comité à se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre témoin, Harold Calla, président du conseil d'administration, Conseil de gestion financière des Premières Nations, qui a déjà témoigné devant nous.

Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Les sénateurs vont ensuite vous poser des questions et discuter avec vous.

Harold Calla, président du conseil d'administration, Conseil de gestion financière des Premières nations : Merci. C'est avec plaisir que je témoigne de nouveau devant le comité pour parler de questions importantes.

Comme vous l'avez souligné au début de la séance, le Conseil de gestion financière des Premières nations est une des institutions créées en vertu de la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Cette loi fournit entre autres aux Premières Nations une première occasion d'accéder collectivement au financement, de la même manière que les autres ordres de gouvernement. Je rappelle à tous que cette loi a reçu l'aval de tous les partis lors de son adoption.

Le Conseil de gestion financière des Premières nations est le seul organisme des Premières Nations prescrit par la loi au pays qui produit des normes sur les systèmes de gestion financière et sur le rendement financier des Premières Nations. Sur demande, le CGFPN certifie le respect de ces normes par les Premières Nations, qui peuvent ensuite demander de devenir membre emprunteur de l'Autorité financière des Premières nations et emprunter des fonds, en donnant les revenus de taxes foncières ou leurs autres revenus comme garantie de remboursement des prêts.

La pénurie de logements et d'infrastructures au sein des communautés autochtones et inuites a été bien documentée ces dernières années et a été rapportée dans tous les médias canadiens. La gravité de la pénurie varie selon les points de vue. Par exemple, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada estime qu'il manque de 35 000 à 40 000 unités de logement, tandis que selon l'Assemblée des Premières Nations, il manquerait de 80 000 à 85 000 unités. Quels que soient les chiffres que l'on examine, la pénurie de logements représente de 3 à 5 milliards de dollars.

Quels que soient les vrais chiffres, c'est clair qu'il faut tout de suite examiner le problème du manque de logements et d'infrastructures dans les réserves, qui comptent en tout environ 108 000 unités de logement. Un relevé des conditions de logement dans les réserves indique que 37 p. 100 des unités ont besoin de réparations majeures et 34 p. 100 nécessitent des réparations mineures, soit environ 40 000 et 37 000 unités respectivement.

AADNC indique que le financement du gouvernement du Canada et les propres investissements des Premières Nations permettent de construire environ 1 750 nouvelles unités et de rénover environ 3 100 unités par année. À ce rythme, il faudrait 23 ans pour remédier à la pénurie courante de logements telle qu'estimée par AADNC et 49 ans pour remédier à celle estimée par l'APN. Cela prendrait aussi 25 ans pour effectuer les rénovations présentement nécessaires.

Il est à noter qu'aucune de ces données ne tient compte de la croissance de la pénurie de logements ou du besoin de rénovations pendant ces périodes respectives. Étant donné que nous sommes la population qui connaît la croissance la plus rapide au pays, il s'agit d'un problème grave.

L'Évaluation nationale des systèmes d'aqueduc et d'égout des Premières Nations de 2011 révèle que 39 p. 100 des systèmes d'aqueduc dans les communautés des Premières Nations sont considérés comme étant à risque élevé et 34 p. 100 présentent un risque moyen. Donc, 73 p. 100 des systèmes constituent un risque pour les communautés des Premières Nations. L'évaluation indique aussi qu'il faudrait investir 4,7 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années, seulement pour corriger les problèmes relatifs aux systèmes d'aqueduc et d'égout.

L'infrastructure est essentielle pour attirer et soutenir le développement économique. Afin de permettre aux peuples autochtones d'atteindre leur potentiel économique et de devenir des participants actifs de l'économie canadienne, il faut combler le manque d'infrastructure dans les réserves. Les communautés nordiques en particulier ne disposent pas de l'infrastructure de base que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis, comme des réseaux de transmission et de distribution d'électricité, des couloirs de transport et un accès aux technologies de communication.

La pénurie de logements et d'infrastructures est exacerbée par le fait que la population autochtone connaît la plus forte croissance au pays. Donc, ces chiffres stupéfiants ne peuvent que continuer à augmenter.

Le principal obstacle qui empêche de combler la pénurie de logements et d'infrastructures dans les réserves, c'est que les fonds sont tout simplement insuffisants. Qu'on le veuille ou non, l'argent ne va pas fructifier par lui-même à moins d'une intervention divine. Il faut investir pour résoudre le problème.

Concernant les transferts fédéraux, l'infrastructure et le logement sont confrontés aux mêmes déterminants de coûts que les autres programmes d'AADNC, comme le plafond d'indexation ministériel de 2 p. 100 qui s'applique depuis 15 ans. L'inflation, l'éloignement de nombreuses communautés et la croissance de la population dans les réserves mettent à rude épreuve la capacité d'investir du ministère. Par ailleurs, les immobilisations exigent d'assumer des coûts de fonctionnement et d'entretien récurrents et doivent être remplacées tôt ou tard.

Les fonds d'AADNC pour les infrastructures proviennent du Programme d'immobilisations et d'entretien, dont le budget s'élève à environ 1 milliard de dollars par année. Par contre, l'APN a signalé que, selon les données du ministère, le financement diminue d'environ 770 millions de dollars par année. Quoi qu'il en soit, c'est clair que les transferts fédéraux ne suivent pas le rythme de la demande d'infrastructure des communautés autochtones.

La plupart des communautés autochtones sont hautement dépendantes des transferts fédéraux, parce qu'elles n'arrivent pas à générer leurs propres revenus. Les taxes, les redevances, les recettes des entreprises et d'autres sources peuvent aider à financer les projets d'immobilisations et à obtenir des fonds. Bon nombre de communautés autochtones ont besoin de capacités, de ressources, de capital de démarrage et d'autres outils pour avoir accès aux débouchés économiques et générer leurs propres revenus.

Il est bien documenté au pays que nous nous trouvons à un tournant. Nous possédons d'immenses quantités de ressources naturelles, de minéraux, de pétrole et de gaz dans le Nord. Pour ces communautés, il s'agit d'une occasion historique de participer à la croissance économique et de régler nombre de problèmes que nous avons évoqués. L'objectif du Conseil de gestion financière et d'autres organismes consiste entre autres à engager des discussions pour permettre aux Premières Nations de participer à ces activités économiques, d'en tirer des revenus durables pouvant être réinvestis dans leurs communautés, d'acquérir de l'autonomie et de faire ensuite leurs propres choix.

Une des principales difficultés que nous devons surmonter à l'heure actuelle, c'est que le programme de financement de l'infrastructure ne soutient pas le développement économique. C'est un cercle vicieux. Tant que nous ne reconnaîtrons pas le besoin d'avoir des communautés prospères formées de gens qui entretiennent leurs logements et qui ont des revenus, nous allons continuer de rencontrer des embûches.

Je pense qu'il faut examiner le statu quo et la façon dont les ressources gouvernementales sont allouées et utilisées pour trouver des solutions appropriées.

Que ce soit en raison d'un manque de volonté politique ou de l'absence d'une économie locale, il reste que bien des Premières Nations ont du mal à mettre en place un régime de location de logements dans leurs communautés. Les revenus tirés des loyers aideraient à faire des réparations et des rénovations ainsi qu'à construire de nouveaux logements. On n'établit pas un programme de logement équitable soutenu par la communauté en claquant des doigts.

Les communautés autochtones ont besoin de plus de soutien pour mettre sur pied des programmes de logement durable dans les réserves, mais aussi pour créer des économies locales et faciliter le paiement des loyers.

Jusqu'à présent, la grande majorité des projets d'infrastructure dans les réserves ont été financés à l'aide de contributions versées par AADNC et, souvent, par la communauté autochtone durant la construction. En général, d'autres ordres de gouvernement tentent de financer ce genre d'infrastructure durant toute sa vie utile. Nous essayons en vain d'établir un financement sur 12 ans.

Jusque récemment, les Premières Nations n'avaient pas la possibilité de trouver collectivement un financement à long terme. Les coûts d'un emprunt conjoint sont bien moindres et favorisent une infrastructure qui soutient les besoins de la communauté et le développement économique.

La loi sur la gestion financière a permis de créer le conseil de gestion et l'Autorité financière des Premières nations, qui ont collaboré pour que les Premières Nations puissent consolider les ressources, réduire leurs dettes et s'adresser directement aux marchés financiers afin d'obtenir les fonds nécessaires et de soutenir le développement des communautés.

Je répète que la dette est garantie par les revenus des taxes et de ses propres ressources.

De nos jours, bien des communautés n'ont rien de tout cela, surtout dans le Nord. Nous devons donc trouver des solutions innovatrices pour permettre la titrisation et régler ces problèmes.

Le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations a été mis sur pied en 2008 pour aider à réduire la pénurie de logement dans les communautés en permettant aux Autochtones de financer leurs propres habitations. Même si le fonds a approuvé 630 millions de dollars en crédit à 53 Premières Nations, qui pourraient se décliner en 3 700 prêts, l'AFPN n'a accordé que 55 prêts jusqu'ici.

Je tiens à en parler, parce que ce programme a besoin d'un soutien continu. Il est vrai qu'il faut un certain temps pour que les choses évoluent dans les communautés autochtones. Toutefois, ce programme finance les logements, mais il fournit aussi des ressources précieuses pour développer les capacités des communautés essentielles à sa mise en œuvre.

Les Autochtones qui répondent aux critères d'admissibilité peuvent obtenir des prêts d'un établissement de crédit, mais ils ont quand même besoin de les rembourser et d'avoir du travail et un revenu familial.

La rareté du financement fédéral et des revenus propres aux Premières Nations nuisent à la planification du développement des communautés. La planification des infrastructures permet d'établir les priorités et de saisir les occasions de développement économique.

Le statu quo en matière de financement dans les réserves entraîne un certain nombre de problèmes, pas seulement un manque de fonds. Il faut améliorer le développement des capacités et accroître les retombées économiques grâce aux projets d'immobilisations dans les réserves. Des données empiriques donnent à penser que le transfert des connaissances et des compétences applicables fait souvent défaut lorsque des projets d'immobilisations sont réalisés dans les réserves, surtout dans les communautés du Nord. Dans bien des cas, les membres des communautés qui sont embauchés pour un projet ne reçoivent pas la formation adéquate ou ne se voient confier aucune responsabilité. De plus, des entrepreneurs et des fournisseurs de l'extérieur de la région sont engagés pour fournir les biens et services nécessaires au projet.

Dans ce contexte, les retombées qui favoriseraient l'économie locale ne restent pas dans la communauté. Une meilleure planification des projets d'immobilisations dans les réserves pourrait aider à corriger ces problèmes.

Je répète que, par le passé, la grande majorité des projets d'infrastructure dans les réserves étaient financés par le gouvernement fédéral durant la construction. Cependant, il est préférable de financer les immobilisations durant toute leur vie utile. Le programme de l'Autorité financière des Premières nations prévoit ce type de financement, mais il exige la certification du Conseil de gestion financière et la garantie des taxes foncières ou d'autres sources de revenus propres. Ces exigences permettent de préserver la qualité du crédit du programme de l'AFPN, mais elles constituent un obstacle pour bien des Premières Nations qui veulent profiter du programme.

Il faut comprendre que l'Autorité financière des Premières nations a reçu récemment une cote de crédit de catégorie investissement de la part des agences de cotation financière et des banques d'investissement. L'an prochain, l'autorité va émettre de 300 à 350 millions de dollars d'obligations pour soutenir le développement économique et les infrastructures des Premières Nations.

Nous savons qu'il s'agit d'une occasion réelle, exemples à l'appui. Le gouvernement fédéral doit commencer à examiner ce genre d'options et envisager de titriser une partie de son financement annuel destiné aux infrastructures dans les réserves.

À moins que d'autres fonds ne soient investis, ce programme ne réglera pas tous les problèmes au bout du compte. Nous devons établir si nous allons dépenser 1 million, 2 ou 3 milliards de dollars par an.

Si on examine les programmes de financement fédéral, on constate qu'AADNC prévoit environ 150 millions de dollars par année pour le logement. Si ces fonds étaient titrisés à 4,1 p. 100 pendant 10 ans, ils pourraient générer 981 millions de dollars; pendant 30 ans à 4,85 p. 100, ce serait 1,8 milliard. C'est un montant encore plus important si on ajoute les autres volets. Un programme de 30 ans permettrait de récolter de 1,8 à 12,5 milliards de dollars pour régler ces problèmes. C'est un placement de cet ordre que nous devons commencer à envisager pour générer non pas des millions, mais des milliards de dollars.

Je pense que cette nouvelle approche en matière de financement des infrastructures dans les réserves pourrait aussi ouvrir la voie au financement à long terme des immobilisations des Premières Nations par l'AFPN. Les communautés autochtones pourraient commencer à investir leurs propres revenus ainsi qu'à créer et à favoriser les occasions de développement économique dans leurs terres traditionnelles.

L'absence d'infrastructures est la principale cause de l'absence d'économies dans les territoires des Premières Nations. Dès qu'elles auront saisi les occasions de développement économique, les Premières Nations disposeront de revenus autonomes. Elles pourront ensuite titriser leurs créances grâce au programme pour répondre aux besoins de leurs communautés en infrastructures et s'affranchir un peu plus des transferts fédéraux pour le financement des projets d'immobilisation et des programmes et services de logement et autres.

Comme j'ai dit, les communautés du Nord ont toujours été incapables de trouver d'autres sources de revenus, à cause d'un certain nombre de facteurs, notamment l'absence d'infrastructures, les possibilités limitées, l'accès difficile aux ressources et l'absence d'activité économique régionale ou locale. Mais nous devons vraiment constater que, pour elles, le climat économique a changé au cours des dernières années. Du Cercle de feu jusqu'au pétrole et au gaz de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, en passant par les ressources qu'on extrait dans les Prairies, elles sont capables de participer à ces projets et d'opérer un véritable revirement de leur situation. Une occasion historique se présente pour nous tous.

Ces Premières Nations pourront ensuite élaborer des plans pour leurs communautés, nouer, avec des compagnies, des partenariats qui leur permettront d'accélérer le développement de leur potentiel, grâce à l'instruction et au sens des affaires, et elles sauront comment fonctionner dans l'économie générale, dans une économie internationale. En vous liant à ces communautés des Premières Nations et en leur offrant des occasions pour profiter de ces initiatives, vous pourriez constater qu'elles deviendraient plus sensibles aux besoins du pays et des Canadiens.

Très bientôt, nous serons astreints à des choix assez fondamentaux, parce que, d'après ce qu'on entend, comment maintenir sa qualité de vie sans diversification? Voilà certains des enjeux auxquels nous faisons face. Je pense que les Amérindiens, les questions amérindiennes et les Premières Nations n'ont plus besoin d'être considérés comme des éléments du problème, mais qu'ils doivent faire partie de la solution, une solution qui exigera un partage des bénéfices.

Monsieur le président, je voudrais bien entretenir le comité un jour du travail effectué par le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Il concerne les modalités de participation des Premières Nations à ces initiatives, de manière à ne pas augmenter les coûts, à ne pas exiger d'augmentation des transferts et à répondre aux besoins de notre pays.

En conclusion, même si la possibilité existe de titriser le financement fédéral annuel, je n'y vois pas une solution à long terme; elle est à court terme et elle augmentera de façon spectaculaire le financement disponible à court terme, mais, en soi, ce n'est pas la solution à long terme.

Nous devons développer les économies, examiner les liens de financement budgétaire entre le Canada, les provinces et nos Premières Nations, parce que ces liens ne se résument pas simplement à des problèmes de logement et d'infrastructure. Il faut revoir tous les besoins qui découlent de ces liens, et les Premières Nations doivent se trouver dans une position qui les incitera à devenir plus autonomes, à participer à l'économie et à créer de la richesse — un mot étranger au dossier autochtone. Cependant, nous sommes en position de pouvoir favoriser la création de richesse par les communautés des Premières Nations de notre pays.

Voici nos quatre recommandations : aider les communautés à produire des revenus autonomes, y compris par la fiscalité, les redevances et les droits imposés aux usagers; garantir aux communautés créant des revenus autonomes que le financement de base ne sera pas réduit et qu'elles ne seront pas pénalisées; trouver des moyens pour accélérer le processus par lequel les communautés peuvent profiter du financement fourni par l'Autorité financière des Premières Nations; et, je pense, reconnaître que l'occasion exceptionnelle qui se présente à nous, au Canada, pour la mise en valeur de l'énergie et des ressources, peut offrir une solution non négligeable aux besoins de ressources des communautés des Premières Nations pour répondre à leurs aspirations et sortir de la position inacceptable de faire partie des statistiques que j'ai énumérées tout à l'heure.

Sur ce, monsieur le président, je vous remercie de m'avoir écouté avec patience et courtoisie et je suis prêt à répondre aux questions.

Le président : Monsieur Calla, je vous remercie de cet exposé des plus riches et des plus stimulants. Je vois bien que vous avez beaucoup réfléchi aux petites comme aux grandes questions.

Je prends la liberté de vous questionner, pour mon enrichissement personnel et peut-être celui de certains des participants : qu'entendez-vous par « titrisation ». Je sais que le tableau que vous avez présenté mentionne un financement à hauteur de 150 millions de dollars par année par le ministère. Vous avez dit, je crois, qu'il dépense environ 770 millions, mais s'il devait fournir 150 millions, cela pourrait engendrer un capital qui, si la période d'amortissement est de 10 ou de 30 ans, serait presque un million à presque 2 milliards de dollars. Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer en termes simples ce mécanisme et cette notion?

M. Calla : Les Premières Nations s'associeraient sous le régime de la loi sur la gestion financière. Elles deviendraient un groupement d'emprunt, qui ressemblerait beaucoup à une coopérative de crédit ou à une simple coopérative. Elles proposeraient aux marchés de capitaux, aux banques d'investissement et aux investisseurs privés les obligations qu'elles émettraient.

Depuis que l'idée a germé, nous avons entamé des démarches auprès des marchés de capitaux, et l'autorité financière me dit que les obligations qui sont à la veille d'être émises sont déjà prévendues. La titrisation, c'est la nouvelle façon de dire qu'on emprunte, qu'on se sert d'une rente annuelle pour assurer le service d'une dette.

Le président : Si vous me permettez d'insister, qu'est-ce qui vous empêche de le faire maintenant?

M. Calla : Eh bien, d'après le ministère, pour en tirer 1,8 milliard de dollars, il devra engager cet argent annuellement; donc, à moins d'obtenir plus de crédits, il ne pourra rien faire d'autre.

Le président : Je suis au courant de vos liens de collaboration avec le ministère. Avez-vous discuté de cette idée avec lui?

M. Calla : L'idée de la titrisation à l'aide de fonds fédéraux a été discutée à l'époque de l'élaboration du projet de loi. Le concept n'est pas nouveau. Il n'a jamais eu de suite parce que nous venons tout juste de nous prouver à nous-mêmes et au reste du monde que nous pouvons, en fait, émettre des obligations. Jusqu'à l'année dernière, c'était beaucoup de théorie, mais tout ça marchera.

Je pense que le ministère ne serait pas contre l'idée s'il pouvait compter sur des augmentations de son financement. Nous proposons en réalité d'éprouver le concept. Il ne s'agit pas de sauter à pieds joints sur l'occasion. C'est un exemple pour montrer aux sénateurs les possibilités de la titrisation. Mais à moins de l'adosser à un financement de plus en plus élevé, ce n'est pas une solution. Il s'agit en quelque sorte d'envisager de l'essayer, parce que, un jour, si l'économie des communautés de ces Premières Nations se développe, cela pourra remplacer une partie de cette mesure.

Trop souvent, nous avons assimilé ce dossier à un problème social. Mais c'est un problème de développement économique. Les conséquences sont sociales, parce que nous ne possédons pas d'économies. Nos économies ont subi un effet de déplacement, mais je pense que nous sommes maintenant en mesure d'effectuer un revirement. Nous devons commencer à agir comme le gouvernement du Canada, celui de l'Ontario, les districts régionaux et les municipalités.

Vous l'avez peut-être fait, mais moi je n'ai pas payé ma première maison comptant ni les deux autres. Nous devons tous nous faire à l'idée de financer nos dettes. En y mettant le temps. En économisant, on ne parviendrait peut-être jamais à réunir l'argent. D'après moi, c'est à cela que servent les crédits annuels et les liquidités.

Le président : C'est extrêmement intéressant.

Le sénateur Moore : Je suis heureux que vous ayez posé la question sur la titrisation.

Merci d'être ici, monsieur Calla. Je suis à la première ligne de ce tableau, « Composante logement PIE » pour laquelle la source de fonds est le ministère. Est-ce que cela veut dire que si le ministère s'engage à fournir 150 millions de dollars de fonds chaque année pendant 10 ans, la vente d'obligations produira 981 millions de dollars?

M. Calla : Oui.

Le sénateur Moore : Très bien. Mais l'obstacle, le problème, actuellement, c'est d'amener le ministère à s'engager à verser cette somme chaque année n'est-ce pas?

M. Calla : Il faut l'adosser à de la monnaie réelle.

Le sénateur Moore : Pour produire près des 2,2 milliards visés, il devra engager ce montant chaque année pendant 30 ans. Actuellement, quel est le montant des engagements?

Le président : Dans votre exposé, c'est entre 770 millions et 1 milliard, d'après l'Assemblée des Premières Nations.

M. Calla : Oui, mais le volet logement du ministère dans cette catégorie particulière n'est que de 150 millions de dollars par année. Nous prétendons, à titre d'exemple, que la titrisation, aujourd'hui, de 1 milliard de dollars par année permettrait de réunir 12 milliards. Voilà ce que l'idée est censée montrer et que, quelle que soit l'origine de l'argent, les revenus autonomes des Premières Nations, le gouvernement du Canada ou le fisc — ce qui est une autre question dont j'aimerais vraiment vous parler, un jour — il faut chaque année réunir des liquidités pour payer une dette qui se chiffre dans les milliards de dollars afin de pouvoir résoudre ce problème au bon moment.

On ne peut pas dorer la pilule. Il faut agir ou, sinon, se retrouver dans la situation que vous connaissez trop bien, dans nos communautés. Depuis j'ignore combien d'années, nous n'avons pas voulu ou pu nous attaquer au problème. Cela nous a conduits là où nous sommes. Nous n'avons pas créé d'économies ni de moyens de formation. Notre problème exige mobilisation, motivation, attention et ressources.

Dans certains des exposés présentés ici, j'ai eu le plaisir de constater qu'on y parle de développement économique. Notre population est celle dont le taux de croissance est le plus rapide. Le Nord a besoin d'emplois et de formation. Il a besoin d'acquérir des compétences. J'arrive de la conférence provinciale sur le gaz naturel liquéfié, qui s'est tenue à Prince George, et, là-bas, j'ai entendu le secteur privé réclamer du personnel. Eh bien, nous avons maintenant la possibilité d'en fournir.

Grâce aux revenus qu'on pourra tirer de ces emplois, on pourra se permettre une partie de cet effort pour que, un jour, la Première Nation elle-même puisse contribuer à ce genre d'opération.

Le président : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le groupement d'emprunt qui, d'après vous, interviendrait? Quel rôle réservez-vous, dans ce scénario, au Conseil de gestion financière des Premières Nations?

M. Calla : Nous sommes portiers, nous choisissons les participants.

La loi visait à reproduire les modèles de financement des municipalités, en l'occurrence l'autorité financière municipale de la Colombie-Britannique, de la dette de laquelle la province n'est pas garante. Sa notation est AAA, et elle n'a jamais eu de non-paiement. C'est le modèle qui nous a inspirés pour la titrisation. C'est alors que nous avons obtenu l'appui du ministère et du gouvernement de l'époque pour l'élaboration de ce projet de loi.

La Première Nation doit de son plein gré manifester le souhait d'être ajoutée à une liste de nations qui se placent sous le régime de la loi sur la gestion financière. Elle demande au conseil de gestion financière d'élaborer une loi d'administration financière et elle soumet à son examen ses états financiers pour l'obtention d'un certificat.

Une fois la loi adoptée et en possession de son certificat, elle demande à l'autorité financière de devenir membre emprunteur, ce qui ressemble beaucoup à une demande d'adhésion à une coopérative. Les membres du groupement déterminent ensuite les conditions d'emprunt et les communiquent à l'autorité financière, qui les possède toutes et eux aussi, maintenant, et ils l'informent de l'existence de lois sur les emprunts selon lesquelles ils ont besoin de 350 millions de dollars dans l'année qui suivra.

Ils s'adressent ensuite aux marchés de capitaux et ils émettent des obligations. De retour, récemment, de New York, ils m'ont dit que le voyage avait été très fructueux et que les obligations étaient prévendues.

Voilà comment fonctionne le système. C'est un collectif. On travaille ensemble et on est responsable de la dette contractée. Dans nos réunions politiques, quand les représentants des Premières Nations parlent de « toutes nos relations », je réponds toujours, en plaisantant, qu'ils sont vraiment sincères, maintenant, parce que chacun garantit la dette de l'autre. C'est dans nos mœurs maintenant.

L'un des points forts du système est la nécessité d'établir des critères de rendement financier, puis, au bout du compte, celle de mettre en œuvre des systèmes de gestion financière. Finalement, si un problème survenait, mais ce serait étonnant, notre inspecteur, comme celui des municipalités en Colombie-Britannique, peut prendre les choses en main. En cas de manquement aux engagements, le Conseil de gestion financière des Premières Nations possède le pouvoir, en vertu de la loi, et l'accord de la Première Nation d'intervenir et de faire acquitter le service de la dette. Ce pouvoir draconien donne aux investisseurs la confiance de recouvrer les intérêts et le principal.

C'est l'élément central de l'opération, éprouvé en Colombie-Britannique et dans d'autres régions du pays aussi.

Le sénateur Tannas : J'ai la tête pleine de questions. Je m'interroge sur le scénario dans lequel vous avez mentionné des agences de notation et le fait qu'elles vous ont adressé de timides messages selon lesquels elles évalueraient les investissements. Vous avez parlé des banques d'investissement et d'un rapport que vous avez obtenu, selon lequel elles avaient une émission d'obligations théoriques, parce que, pour le moment, elles ne sont pas réelles, n'est-ce pas?

M. Calla : C'est exact.

Le sénateur Tannas : Alors est-ce que l'émission d'obligations théoriques et sa notation comprendraient l'hypothèse qu'il y aurait aussi une augmentation théorique dont il a été question ici, au sujet des engagements du ministère, ou la ferait-on miroiter aux personnes alléchées?

M. Calla : Il n'en a pas été question. Nous n'étions pas autorisés à en parler.

Le sénateur Tannas : Donc vous avez réussi à l'obtenir uniquement grâce aux déclarations existantes de revenus, à des bilans financiers, et cetera?

M. Calla : Oui.

Le sénateur Tannas : C'est fantastique, c'est super.

M. Calla : Je devrais mentionner que les sources de revenus engagées ont également été évaluées par les agences de notation et qu'elles ont toutes reçu des AAA ou des AA.

Le sénateur Tannas : Ce serait, dans tous les cas, des sources gouvernementales de revenus...

M. Calla : La plupart.

Le sénateur Tannas : ... ou d'entreprises commerciales qui possédaient leur propre notation de haut niveau, est-ce exact?

M. Calla : Sur le document que j'ai vu, la notation la plus faible attribuée à une source de revenus était A plus : c'est formidable, génial!

Le sénateur Tannas : Je ne connais pas très bien les taux d'emprunt. Avez-vous une idée de ce que le delta serait à 4 p. 100 ou quelque? L'écart avec le taux d'emprunt du gouvernement du Canada est-il énorme? Vous me voyez venir. Ne devrions-nous pas tout simplement emprunter l'argent? Pourquoi passer par les bilans et payer en plus un intermédiaire, alors que c'est un problème du gouvernement?

M. Calla : C'est une excellente question, mais je n'ai pas de réponse.

Nous avons créé la loi de gestion financière non seulement pour favoriser cette source particulière de revenus de l'État, mais aussi pour soutenir le développement économique; pour conserver aux Premières Nations la possibilité d'accéder directement aux marchés de capitaux pour la première fois, sans éprouver les difficultés qui peuvent se présenter du fait de l'évaluation du risque par l'une des grandes institutions prêteuses. Je pense que nous somme mieux servis, à long terme, quand nous avons directement accès aux marchés de capitaux et que les autorités financières offriront cette possibilité aux Premières Nations. Je pense que, dans 10 ans, les Premières Nations en reconnaîtront pleinement la valeur.

Le sénateur Tannas : Je suppose qu'en ce moment, peu importe le delta, vous jugez bon d'aller de l'avant avec cette idée, n'est-ce pas?

M. Calla : Tout à fait.

Le sénateur Tannas : Je suis d'accord.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. C'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.

Un témoin qui a comparu devant le comité il y a près d'un mois nous a dit à quel point il était difficile de faire construire des maisons conformément aux normes du code du bâtiment et des inspecteurs en bâtiment. Comme il faut faire affaire avec des entrepreneurs qui ne respectent pas les normes, on se retrouve avec des maisons qui ont une durée de vie inférieure. Si nous appliquons un modèle de financement par l'entremise de votre organisation, y a-t-il une manière de remédier à cette situation? La qualité du produit que vous financez devra sans aucun doute être surveillée de près.

M. Calla : L'une des plus grandes difficultés auxquelles sont confrontées nos communautés est l'incapacité d'obtenir les fonds nécessaires pour compléter les contributions qui leur parviennent. On finit par étirer le budget pour essayer de répondre aux besoins d'une famille, car les fonds sont carrément insuffisants.

On doit accroître le financement alloué par unité de logement afin qu'il reflète la réalité du Nord. Je ne crois pas que ce soit le cas en ce moment. Bien entendu, un certain nombre de changements ont eu lieu. J'ai cru comprendre, d'après des témoins qui ont comparu devant vous auparavant, qu'on retrouve maintenant des inspecteurs au sein des organisations autochtones et qu'ils envisagent d'améliorer la qualité de la construction dans les réserves.

Je crois qu'il faut tout simplement continuer d'appuyer ces initiatives. Honnêtement, le Fonds pour les logements du marché destiné aux Premières Nations va réellement dans ce sens. Les choses devraient s'améliorer, n'empêche que cela coûte beaucoup plus cher de construire dans le Nord que dans le centre-ville de Toronto ou de Vancouver; c'est indéniable. Bien que vos affectations soient en quelque sorte différentes au sein du ministère, à mon avis, elles ne tiennent pas compte des particularités du Nord et sont loin d'être suffisantes. C'est donc une partie du problème, tout comme la pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans le Nord.

Je considère que ces problèmes devront être réglés dans le cadre du processus. Nous devons continuer de renforcer nos capacités, de concert avec les communautés elles-mêmes et conformément aux normes.

La sénatrice Raine : C'est en quelque sorte un cercle vicieux. On voit qu'il y a un besoin, mais il est difficile de le combler lorsqu'on n'a pas les ressources nécessaires.

Vous êtes au fait de ce qui se passe ailleurs au pays et des récentes percées dans le domaine de la conception et de la technologie. Est-ce quelque chose que nous devrions envisager?

M. Calla : Permettez-moi de vous expliquer la situation. S'il y avait un désir d'octroyer un financement et que 12 milliards de dollars se trouvaient sur la table, le secteur privé se précipiterait sur l'occasion. C'est ce qui, selon moi, permettrait d'améliorer les normes de construction et les délais. Nous devons absolument solliciter la participation du secteur privé.

La sénatrice Raine : Je pense que nous avons tous vu les constructions du secteur quasi privé, c'est-à-dire les maisons typiques qu'on retrouve dans les réserves. Je trouve cela extrêmement dommage que ces maisons ne soient même pas adaptées aux conditions climatiques rigoureuses des régions nordiques et au mode de vie de leurs occupants. Je suis donc d'accord avec vous là-dessus.

M. Calla : Madame la sénatrice, sachez que nous ne réalisons pas d'économies d'échelle. Construire une ou deux maisons, ce n'est pas comme en construire 150. Par conséquent, si l'on s'y prend de cette façon pour combler les lacunes au sein d'une communauté, on aura beaucoup plus de possibilités en ce qui concerne les produits, et le coût unitaire sera considérablement plus élevé.

Le sénateur Moore : Monsieur Calla, vous avez laissé entendre à la sénatrice Raine que plus on construit, plus cela coûte cher. Je croyais que c'était plutôt l'inverse, que c'est en construisant beaucoup qu'on bénéficie d'économies d'échelle.

M. Calla : J'ai dit que le coût par logement serait réduit. Il y aurait une réduction du coût unitaire, mais une augmentation considérable des besoins en capitaux.

Le sénateur Moore : En ce qui a trait au prêt garanti par les impôts fonciers, de quels impôts fonciers s'agit-il exactement? Qui taxe qui? En quoi consiste le prêt garanti par les impôts fonciers?

M. Calla : En 1988, la Loi sur les Indiens a été modifiée, grâce à la modification Kamloops, afin de permettre aux Premières Nations de louer des terres de réserve et de percevoir un impôt foncier du preneur à bail. Je sais que ce n'est pas commun ici, mais dans l'Ouest, un grand nombre de nos réserves se trouvent en milieu urbain. Contrairement à la Colombie-Britannique, les administrations municipales ont commencé à percevoir des impôts fonciers sur les terres de réserve; ce n'était pas le cas dans l'Est. De nombreuses Premières Nations étaient déçues de ne pas pouvoir toucher les recettes provenant de leurs terres.

En 1988, la loi a été modifiée et, en Colombie-Britannique, une loi provinciale a forcé les municipalités à se retirer du processus d'imposition foncière lorsque le ministre des Affaires indiennes a promulgué une loi de l'impôt. Je pense qu'il y a près de 100 Premières Nations partout au pays qui lèvent une forme ou une autre d'impôt foncier sur leurs terres. J'ai oublié le montant que cela représente, mais c'est assez considérable. Entre 50 et 60 millions de dollars sont recueillis chaque année. Ce sont donc ces revenus, qui s'apparentent à des recettes municipales, qui permettraient aux Premières Nations de bénéficier de ce programme.

Le sénateur Moore : Qui sont les locataires dans ces cas?

M. Calla : Ce sont des entreprises ou, dans certains cas, des propriétaires de maison ou de chalet.

Le sénateur Moore : Est-ce que ce sont des non-Autochtones?

M. Calla : La plupart d'entre eux le sont, mais ce n'est pas obligatoire.

Le sénateur Moore : Connaissez-vous le pourcentage?

M. Calla : Je n'ai pas cette information.

Pour vous donner une idée de ce dont on parle, connaissez-vous un peu Vancouver?

Le sénateur Moore : Non, pas vraiment.

M. Calla : Connaissez-vous le centre commercial Park Royal, situé à West Vancouver?

Le sénateur Moore : Oui.

M. Calla : C'est l'une des propriétés pour laquelle la nation Squamish perçoit des impôts fonciers.

Le sénateur Moore : Cela représente donc une somme assez considérable.

M. Calla : En effet.

Pour revenir à ce que je disais plus tôt au sujet du développement d'une économie, si on développe une économie, il y aura toutes sortes d'occasions qui se présenteront aux Premières Nations pour lui permettre d'augmenter leurs revenus. Nous devons créer des possibilités de générer des recettes, comme le font les autres ordres de gouvernement pour les mêmes raisons.

La sénatrice Dyck : Merci pour votre exposé de ce soir, monsieur Calla. Il y a beaucoup de choses qui me dépassent. Je ne comprends rien au secteur bancaire. J'ai tenté de suivre du mieux que je pouvais, alors il se peut que mes questions vous semblent naïves.

Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, et je suis peut-être complètement dans le champ, lorsque vous avez parlé de garantir le financement annuel octroyé par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord, en gros, vous prenez les fonds et vous les investissez pour que dans 10 ou 20 ans, vous disposiez de plus de capitaux. D'une certaine façon, les besoins d'une Première Nation en matière de logements et d'infrastructures deviennent le moyen par lequel vous obtenez des fonds du ministère, mais aussi le capital que vous investissez parce que vous ne voulez pas prendre tout le capital et payer tout de suite l'achat d'une maison. Est-ce en partie exact?

M. Calla : Vous avez compris le concept fondamental, mais sachez qu'on fait face à un énorme déficit en matière d'infrastructures et de logements. Un milliard de dollars par année n'est pas suffisant pour l'éliminer; il va donc falloir amasser d'autres fonds ailleurs.

On nous demande souvent de combien d'argent le ministère a besoin. D'après nos projections, le ministère devra nous verser un financement croissant pour que nous puissions remédier aux problèmes d'infrastructure. Une certaine partie peut provenir des Premières Nations, mais si vous voulez avoir un impact important, vous devrez obtenir des milliards de dollars, et il vous faut ces milliards maintenant. Cela vous donne donc une idée de l'argent dont le ministère aura besoin s'il demeure la seule source de financement.

La sénatrice Dyck : Chaque Première Nation devra donc s'assurer de développer sa propre économie et ses méthodes, notamment pour l'imposition — c'est-à-dire l'instauration d'un régime d'impôt foncier sur ses réserves — ou le développement de ses ressources ou d'autre chose.

M. Calla : En gros, il faut avoir des recettes. Les gouvernements des Premières Nations ont besoin de recettes, et beaucoup plus que ce qu'ils peuvent obtenir dans le cadre des paiements de transfert. Le plafond de 2 p. 100 a été absolument destructeur dans nos communautés, et cela a donné lieu à un tel déficit que les chiffres font peur. À moins qu'il y ait une augmentation considérable du financement du ministère pour remédier à ces problèmes, il nous faudra trouver des solutions novatrices. Il arrive qu'on emprunte des sommes considérables et qu'on les rembourse, un peu comme vous l'avez fait avec votre maison. Votre maison vous a peut-être coûté 100 000 $ et vous payez 500 $ par mois pour rembourser votre prêt hypothécaire. C'est donc le même scénario ici. C'est ce qu'on devra envisager si on veut avoir un impact important.

Comment cet argent sera-t-il remboursé au bout du compte? L'argent proviendra en partie du gouvernement ainsi que de l'économie en développement des Premières Nations et de ses revenus de sources propres. Toutefois, ce sont des sommes astronomiques.

La sénatrice Dyck : Quand vous dites que chaque Première Nation devra développer sa propre économie et générer ses propres sources de revenus, selon vous, est-ce que c'est quelque chose que la plupart des Premières Nations seront en mesure de faire? Je sais que c'est une question un peu vague, mais avez-vous une idée de la viabilité de cette option?

M. Calla : Tout d'abord, je ne dis pas qu'elles seront obligées de le faire. Ce que je suggère et ce que je répète, c'est ce que m'ont dit les communautés des Premières Nations elles-mêmes : « Nous aimerions avoir une économie et être plus autonomes. Nous voulons que nos enfants aient un emploi. » C'est de là que je tire mon argument, et on doit encourager ce désir. Doit-on renforcer les capacités à cet égard? Absolument. C'est en partie la raison d'être du Conseil de gestion financière, de l'Administration des Premières nations, de l'Association des agents financiers autochtones et du Fonds pour les logements du marché destiné aux Premières Nations.

L'autre aspect de votre question est, si je ne me trompe pas, combien de Premières Nations réussiront à développer leur économie. Je suis beaucoup plus optimiste aujourd'hui qu'il y a cinq ans, à la lumière des possibilités qui se profilent dans le Nord. Au final, je pense que la majorité des Premières Nations y parviendront.

Nous devons appuyer celles qui peuvent aller de l'avant, de façon à accroître notre appui à celles qui sont en difficulté, mais chose certaine, nous devons agir. Les Premières Nations qui sont plus prospères doivent recevoir notre appui afin de faire bouger les choses. Il y aura sans aucun doute des éléments politiques dont il faudra tenir, et nous devrons changer notre façon de faire.

Le président : Dans un même ordre d'idées, vous avez dit dans votre exposé que le fait de générer des revenus de sources propres était la solution au problème et permettrait d'obtenir du financement. Les méthodes de financement traditionnelles, c'est-à-dire à court terme, ne fonctionneront tout simplement pas. Vous avez également dit que certaines politiques fédérales pourraient être perçues comme un désincitatif à générer des revenus de sources propres. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Calla : Avec plaisir.

Vous avez probablement déjà entendu parler de la politique sur la déduction des revenus de sources propres; à voir les hochements de tête dans la salle, je constate que vous savez de quoi je parle. Pour beaucoup d'entre vous, cela représente une contre-incitation. À mon avis, cette politique n'a pas été appliquée de façon uniforme. Je pense qu'on essaie maintenant de stabiliser les choses. Toutefois, quand je parle de la nécessité de se pencher sur la question du financement, c'est de ce genre de choses dont il faut discuter. On doit absolument s'interroger sur les services qui sont offerts et sur la façon dont on les financera. Le problème avec les politiques existantes, c'est la déduction des revenus de sources propres. C'est le concept des programmes et des services; on ne contrôle pas l'admissibilité ni le contenu.

Il s'agit d'un problème plus global et, une grande part de nos difficultés réside dans notre incapacité à aller de l'avant, tant que cette question financière n'est pas réglée. Je ne crois pas qu'on contribue à la solution. Le Canada, les provinces et les Premières Nations doivent commencer à discuter le plus tôt possible — d'après ce que j'ai compris, les provinces et le Canada mèneront des discussions cette année sur le financement de transfert. À mon avis, les Premières Nations devraient prendre place à la table afin d'entamer cette discussion.

Le président : Vous avez dit que nous devons appuyer les Premières Nations qui peuvent agir, et vous travaillez dans ce domaine. Je me demandais si vous pouviez nous donner, maintenant ou plus tard — car avec votre analyse, je pense que vous avez touché l'objet fondamental de notre étude, en ce qui concerne les logements et les autres infrastructures —, des exemples de Premières Nations qui ont réussi, le genre de situation dont vous parlez, et qui ont besoin de soutien pour progresser. Nous aimerions savoir comment nous pourrions être à l'avant-garde en matière de financement. Auriez-vous des exemples à nous donner?

M. Calla : Absolument. Si vous prenez l'annexe qui est requise en vertu de la Loi sur la gestion financière des Premières nations, vous verrez qu'il y aura une autre série d'ajouts à la liste du gouverneur en conseil. Cependant, cette fois, on parle d'environ 128 Premières Nations de partout au Canada qui ont demandé au gouvernement d'être inscrites à l'annexe de la Loi et de participer au régime.

À l'heure actuelle, 38 lois sur la gestion des finances ont été adoptées à l'échelle du pays, et nous avons 34 certificats de rendement financier; ces Premières Nations constitueront le premier groupe d'emprunteurs. Nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente au cours des prochaines années, je dirais même de manière exponentielle. Dès l'émission des obligations, nous assisterons à l'aménagement des infrastructures et au développement économique sur le terrain. C'est ce qui s'est produit lorsque les premiers emprunts provisoires ont été négociés, et les Premières Nations de Membertou et de Tzeachten, une communauté de Vancouver, sont devenues, entre autres, les premiers membres à emprunter dans le cadre du programme à court terme de l'Administration financière. À mesure que les communautés généreront leurs propres sources de revenus, d'autres emboîteront le pas.

Lorsque cette mesure législative a été présentée, un grand nombre de Premières Nations, d'un bout à l'autre du pays, ne croyaient jamais avoir la possibilité de conclure quoi que ce soit, mais les choses ont évolué pour elles depuis 1998, depuis l'application de l'obligation de consulter et d'accommoder. Plusieurs possibilités de revenus s'offrent maintenant aux Premières Nations, comparativement à lorsque cette mesure a été élaborée, et beaucoup d'autres Premières Nations reconnaissent qu'il y a un potentiel et qu'elles peuvent créer un effet de levier.

Effectivement, 34 Premières Nations ont leur certificat de rendement financier, et 33 d'entre elles constitueront le premier groupe d'emprunteurs. Le processus est enclenché. On retrouvera bientôt entre 120 et 130 Premières Nations inscrites à l'annexe.

Ce sont des exemples.

Vous parlez de Kamloops et de la Première Nation We Wai Kai dans Campbell River. Je vais vous donner un exemple. Ils ne verront probablement pas d'inconvénient à ce que je parle d'eux, étant donné que c'est une histoire très positive.

La Première Nation We Wai Kai participe non seulement au développement de la réserve, mais elle emprunte aussi pour appuyer un projet hors réserve auquel elle prendra part, grâce à un accès à des capitaux, c'est-à-dire un projet d'expédition de charbon depuis la Colombie-Britannique.

Je pense que tous les Canadiens doivent comprendre que le développement économique des Autochtones ne profite pas uniquement aux Autochtones. Si on regarde les communautés prospères, par exemple plus au sud, des milliers de personnes viennent s'installer dans les réserves aux États-Unis pour s'y trouver un emploi. C'est ce qui va se produire ici. Dans ma collectivité de Squamish, quelque 1 500 personnes se rendent chaque jour au centre commercial Park Royal pour y travailler.

Développement économique des Autochtones appuie l'activité économique régionale. Cela crée des emplois. Les propriétaires du centre commercial Park Royal ont récemment agrandi considérablement leur édifice. Encore une fois, cela crée des emplois et permet au gouvernement local de percevoir plus d'impôts.

Le développement économique des Autochtones est une solution. Il est bénéfique au Canada et aux habitants des régions où se situent nos réserves.

Le sénateur Tannas : Le nom des 34 Premières Nations qui bénéficieront de la première émission d'obligations sera- t-il rendu public?

M. Calla : Je crois que c'est déjà fait. La liste figure sur notre site web.

Le sénateur Wallace : Monsieur Calla, comme vous l'avez clairement souligné, il est nécessaire d'obtenir de l'investissement — du nouveau capital — du secteur privé afin d'arrondir les fonds consentis par le gouvernement fédéral. Je suis convaincu qu'avant d'investir, les prêteurs du secteur privé veulent avoir la certitude que leur argent sera utilisé aux fins prévues et, pour cela, ils se tourneront vers la gouvernance des collectivités des Premières Nations concernées.

J'imagine que c'est à ce moment que le travail de votre conseil entre en ligne de compte. Vous évaluez chaque collectivité des Premières Nations et leur émettez un certificat qui confirme certaines choses. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? En ce qui a trait au logement et aux projets de construction dans les collectivités des Premières Nations, on nous dit qu'il y a des lacunes sur le plan des normes réglementaires pour la délivrance de permis, notamment. Les choses semblent fonctionner différemment sur les réserves comparativement au reste du pays.

Dans ce contexte, que fait le conseil? Lorsque vous analysez une collectivité aux fins de l'émission d'un certificat permettant d'assurer aux prêteurs que leur argent sera utilisé aux fins prévues, que regardez-vous exactement?

M. Calla : C'est une excellente question. Je dispose de combien de temps?

D'abord, nous devons obtenir toutes les strates qui existent en dehors de la réserve en matière d'accès au capital. Donc, nous devons examiner soigneusement les gouvernements et nous avons besoin du soutien des banques d'affaires et des investisseurs en capital de risque. Tout cela est nécessaire.

Pour rassurer les investisseurs, qu'ils veuillent conclure des affaires ou visiter nos terres — la portée des projets est énorme. Je dis toujours qu'il est maintenant impossible de construire une station-service dans une région urbaine; il faut construire un centre commercial de 800 millions de dollars. Vous comprendrez que lorsqu'il s'agit d'un investissement semblable, il faut vraiment faire preuve de diligence raisonnable.

La plupart des Premières Nations dans les régions urbaines entretiennent des relations avec les gouvernements locaux. C'est le cas de ma collectivité, à Squamish. Par exemple, nous insistons pour que les gouvernements locaux inspectent nos projets de construction afin de s'assurer qu'ils respectent leur code du bâtiment. Ce sont eux qui fournissent les services de police et les services des incendies, et tous les intervenants veulent s'assurer que les deux codes du bâtiment et les deux ensembles de normes sont en complète harmonie. Ainsi, ceux qui doivent parfois mettre leur vie en danger savent à quoi s'attendre. C'est ainsi que fonctionnent les collectivités des Premières Nations.

La Commission de la fiscalité des premières nations, l'autre institution créée en vertu de la loi et qui régit la mise en œuvre de l'impôt foncier, offre toute une série de programmes de soutien aux Premières Nations sur la façon de traiter avec les gouvernements locaux. Dans le cadre de son processus de certification, le Conseil de gestion financière demande d'abord à la Première Nation concernée d'adopter une loi sur la gestion des finances publiques semblable à la Loi sur la gestion des finances publiques du gouvernement fédéral. Nous avons publié des normes à ce sujet sur notre site web. La Première Nation nous fait ensuite parvenir la loi qu'elle a adoptée avec son chef et son conseil, et nous la vérifions pour nous assurer qu'elle respecte nos normes. Si ce n'est pas le cas, la demande est rejetée.

Nous lui demandons ensuite de nous fournir cinq états financiers annuels vérifiés et nous analysons son rendement à l'aide de notre système. Nous analysons sept principaux points de référence. Encore une fois, nous avons déjà partagé notre procédure avec les maisons de courtage de valeurs et les agences de classement. Donc, elles savent exactement ce que nous faisons.

Nous analysons ces données et, si elles respectent le seuil que nous avons fixé — par exemple, nous analysons le taux de croissance : il monte ou il descend? Quelle est la fourchette? Nous analysons cette donnée et la comparons au seuil que nous avons fixé.

Donc, nous analysons ces données et, si elles respectent nos critères, nous commençons à considérer l'admissibilité de la Première Nation à l'obtention d'un certificat. Ensuite, nous analysons plus en détail les états financiers et notons certaines informations dans une annexe liée à notre certificat, des informations qui pourraient intéresser le public. Nous remettons ces documents à la Première Nation. Celle-ci les remet à l'autorité financière qui, en collaboration avec les agences de classement, remet notre certificat, les états financiers à qui de droit. C'est le processus qui a mené à la situation actuelle.

Si j'ai bien compris, puisqu'il s'agit de la première émission d'obligations, les agences de classement ont analysé cinq états financiers pour chacune des 33 Premières Nations qui forment le premier groupe d'emprunteurs. Ce fut une analyse détaillée.

Une fois qu'elles ont obtenu leur certificat de rendement financier, qu'elles ont adopté leur loi sur la gestion des finances publiques et qu'elles ont obtenu leur prêt, les Premières Nations doivent, au cours d'une certaine période de temps, développer un système de gestion financière et le faire certifier auprès du Conseil de gestion financière. Encore une fois, ce système doit s'appuyer sur des normes, mais il doit aussi comprendre beaucoup d'éléments de gouvernance. Par exemple, nos normes en matière de système de gestion financière portent sur des questions de conflit d'intérêts et d'indépendance. Les Premières Nations doivent donc satisfaire certaines attentes — et elles disposent de plusieurs années pour y arriver, puisque ce n'est pas quelque chose que l'on peut obtenir dans Internet en espérant que ça fonctionne. Il faut des gens et des ressources pour réussir à mettre en œuvre un système de gestion financière. Nous avons commencé à travailler avec ces Premières Nations à cet égard.

En vertu d'une politique stratégique interne que nous avons adoptée, tous les trois ans, les Premières Nations ayant obtenu leur certificat feront l'objet d'un examen de la conformité afin de s'assurer qu'elles utilisent le système de gestion financière qu'elles ont développé.

Tout cela permet de rassurer les agences de classement et les maisons de courtage de valeurs que nous faisons preuve de diligence raisonnable et que tout cela mérite une cote d'évaluation des investissements.

Le sénateur Wallace : Les normes et les critères dont vous parlez et que votre conseil impose sont-ils semblables à ce que les municipalités canadiennes doivent respecter afin d'obtenir du capital pour leurs projets d'eau et d'égouts, de routes et autres?

M. Calla : Je crois que nous allons plus loin.

Le sénateur Wallace : Vraiment?

M. Calla : Oui. Nous nous sommes lancés dans ce projet en nous disant qu'il fallait absolument qu'il réussisse. Il a fallu attendre 10 ans pour que la loi soit adoptée — 10 ans. Les gouvernements refusaient d'utiliser leur majorité pour l'adopter. Il a fallu attendre un gouvernement minoritaire et obtenir l'appui de tous les partis. Heureusement que nous avons réussi, car je peux maintenant dire que vous avez tous appuyé ce projet.

En réalité, ce projet a fait l'objet de mûres réflexions, car certains auraient été heureux de nous voir échouer, si je peux dire. Ce projet ne peut pas échouer; nous ne pouvons pas échouer.

Si nous avons un droit inhérent en vertu de l'article 35, selon un des principes fondamentaux des gouvernements, nous devrions avoir le droit de régulariser notre accès direct à du capital au pays. Un gouvernement ne peut pas exister sans revenus et sans marchés financiers. C'est un régime de dépendance, et ça dure depuis trop longtemps. C'est la raison pour laquelle nous en sommes là aujourd'hui.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur Calla.

Le sénateur Tannas : Dans le cas de l'émission d'obligations, les Premières Nations doivent-elles vous dire ce qu'elles envisagent de faire avec les fonds?

M. Calla : Oui. Puisque nous prêtons en fonction du flux de rentrées existant, ce n'est pas aussi crucial, mais nous, la Commission de la fiscalité et l'autorité financière, en tant qu'institutions, savons ce à quoi serviront ces fonds. Les Premières Nations sont tenues de nous le dire.

Le sénateur Tannas : Vous avez parlé de cautionnement réciproque. Les membres du groupe savent-ils ce que les autres membres du groupe envisagent de faire avec les fonds?

M. Calla : Oui.

Le sénateur Tannas : Croyez-vous que certains diront : « Nous n'aimons pas la façon dont cette collectivité utilisera les fonds; c'est risqué »?

M. Calla : Non. Puisque nous prêtons en fonction du flux de rentrées existant, cette tension est désamorcée. Le point de référence qui intéresse les membres du groupe d'emprunteurs, c'est le sérieux de ces flux de rentrées.

Le sénateur Tannas : D'accord. Merci.

La sénatrice Dyck : J'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait au sujet du nombre de Premières Nations qui ont reçu leur certificat et qui peuvent émettre des obligations. Vous dites que les occasions sont plus nombreuses en raison de l'obligation de consulter. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet afin que nous puissions comprendre ce que cela signifie?

M. Calla : Après les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans les affaires Delgamuukw, Taku et Haida, il y a eu, ce que je qualifierais, une réponse limitée de la part de toutes les parties sur la façon de mettre en œuvre ou d'interpréter ces décisions. Ce hiatus a été comblé.

À mon avis, les gouvernements — qu'ils soient fédéral ou provinciaux — se lavent les mains et disent au secteur privé : « Allez-y, vous; allez traiter avec ces gens. »

Le secteur privé a amorcé des démarches, mais le processus s'est transformé en une sorte d'examen de la valeur actualisée nette de fonds vexatoires. C'est mon point de vue. « Si le projet doit durer six ans et que ça doit me coûter X montant, alors je suis prêt à investir ceci. » Aujourd'hui, la situation a changé. Comme le veut une expression que j'ai entendue au Québec : « Il ne faut plus investir dans le passé; il faut se tourner vers les perspectives d'avenir. »

Donc, le flux de rentrées à long terme, la participation à l'activité économique et le partage des risques liés à cette participation sont de plus en plus fréquents dans les collectivités des Premières Nations. Par exemple, ma collectivité a acheté le permis de ferme forestière no 38 auprès d'Interfor pour une superficie de 238 000 hectares. Nous avions besoin des revenus, alors, nous avons décidé d'acheter ce permis. Aujourd'hui, nous exploitons cette ferme forestière.

Il y a cinq ou six projets indépendants de production d'électricité en cours sur nos territoires. Nous bénéficions de ces accords et profitons du flux de rentrées qui en découle. De nombreuses autres collectivités vivent des situations semblables.

Je crois que c'est la façon de réagir à l'ampleur de la situation. Si on choisit de participer de manière significative au projet Cercle de feu et d'appuyer ce projet, sur le plan environnemental, il y a toutes sortes — ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas simplement une question commerciale. Le flux de rentrées dont bénéficieront ceux qui appuient et participent à ces projets aura un impact considérable sur le reste du pays dans 10 ou 15 ans.

Le président : J'imagine, alors, qu'il n'y a pas de problème de logement à Squamish?

M. Calla : Oui, il y en a un. Absolument. Nous n'avons pas encore développé une économie. Nous avons des terres, mais nous devons encore développer une économie, créer des emplois, donner de l'espoir, mieux éduquer nos enfants et leur offrir des possibilités grâce au développement économique.

Peu importe le niveau de réussite que certaines Premières Nations pensent avoir atteint, toutes les Premières Nations au pays sont confrontées aux mêmes problèmes.

Le sénateur Moore : Monsieur Calla, les exemples que vous donnez sont encourageants, mais j'aimerais vous poser une question au sujet du passage qui figure au bas de la page 4 de votre mémoire. On peut lire ceci :

Quoique le FLMPN a approuvé 630 millions de dollars en crédits pour 53 Premières Nations ayant le potentiel pour 3 700 prêts, le FLMPN n'a réalisé en réalité que 55 prêts.

Cinquante-trois Premières Nations ont présenté une demande. Elles ont obtenu un prêt, alors, elles doivent avoir présenté une demande. Je ne comprends pas le processus, mais elles ont fait une demande et ont été approuvées pour 630 millions de dollars, soit un potentiel pour 3 700 prêts. Est-ce que cela signifie 3 700 prêts hypothécaires?

M. Calla : C'est exact.

Le sénateur Moore : Donc, seulement 55 de ces prêts ont été approuvés sur une possibilité de 3 700. Pourquoi?

M. Calla : Pourquoi?

Le sénateur Moore : La question est évidente : 1,5 p. 100 des prêts ont été approuvés. Pourquoi?

M. Calla : Il y a plusieurs obstacles. Les Premières Nations ne disposent d'aucun financement pour les infrastructures dans les subdivisions résidentielles, puisque les gouvernements doivent s'occuper des systèmes d'eau. Donc, les projets de construction de routes, d'égouts et de systèmes d'eau potable dans les subdivisions résidentielles sont rares, voire inexistants. C'est un des problèmes.

Aussi, il est impossible d'effacer en peu de temps l'impact qu'a eu le système de réserve.

Le sénateur Moore : Pourriez-vous vous expliquer, à nous et à ceux qui regardent, je l'espère, la télédiffusion de cette séance, ce que cela signifie?

M. Calla : Pour qu'une demande soit approuvée, les demandeurs doivent pouvoir contracter un prêt bancaire. Ils doivent avoir un revenu et une cote de crédit.

Le sénateur Moore : Est-ce que vous parlez de ceux qui présentent une demande de prêt hypothécaire?

M. Calla : C'est exact.

Aussi, ces projets prennent du temps. Vous pouvez consulter le rapport de John Beaucage à ce sujet — il a déjà témoigné devant le comité. C'est de ce rapport que nous tirons notre information. L'an dernier, sept demandes ont été approuvées.

D'ailleurs, j'ai rencontré la SCHL ce matin pour discuter de cette question. Une des recommandations que je leur ai présentées, c'est que le prêt permette de rehausser la cote de crédit afin de soutenir le développement des infrastructures, pas seulement des maisons. Selon moi, cela augmentera considérablement le nombre de demandes approuvées.

Il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain. Il y a un potentiel pour 3 700 prêts.

Le sénateur Moore : Oui, et c'est beaucoup.

M. Calla : Et nous y arriverons. La loi a été adoptée en 2005, et le conseil a été créé en 2007. Il a fallu attendre longtemps avant que des normes soient élaborées pour faire avancer les choses. Cette situation dure depuis des centaines d'années; nous ne renverserons pas la vapeur en 10 ans. Nous sommes sur la bonne voie. Nous devons simplement maintenir le cap et écouter les conseils des administrateurs de ce fonds afin d'aider les Premières Nations à en profiter davantage.

Tous les intervenants devront revoir leur façon de faire des affaires. Les questions politiques seront à l'avant-plan. Ils doivent réaliser qu'ils disposent du soutien politique afin de proposer, sans crainte, des changements en matière de politique que certains qualifieraient de radicaux. Certaines propositions seront rejetées, mais il faut permettre aux gens de s'exprimer sans crainte pour trouver des solutions.

Le sénateur Moore : Nous avons entendu des histoires au sujet de la construction dans le Nord : un entrepreneur en construction qui, parfois en collaboration avec la direction de la Première Nation, embauche un inspecteur du bâtiment et ne demande pas toujours la tenue d'inspections. Donc, le Code du bâtiment n'est pas respecté. Que font le conseil et les Premières Nations qui ont été certifiées pour s'assurer qu'il existe un code du bâtiment de base et que celui-ci est respecté?

M. Calla : Rien. C'est hors de notre portée. Je suis un comptable de formation, alors c'est hors de mon champ de compétences.

Le sénateur Moore : Qui s'en charge, alors?

M. Calla : Il faut comprendre que des relations bancaires entrent encore en ligne de compte ici. Si on veut faire un prélèvement sur un prêt de la First Nations Bank, de la Banque Royale ou de la Banque de Montréal, il faut satisfaire à certains critères. Les procédures ne différeront pas de ce qui se fait en dehors des réserves.

Le sénateur Meredith : Merci, monsieur Calla. Je suis enchanté de vous revoir.

Vous affirmez qu'un échec est impossible. J'aime votre optimisme. J'ai toujours cru qu'il faut agir comme il se doit dans ce pays. Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Vous venez de dire que la situation n'est pas survenue du jour au lendemain; elle ne se corrigera pas en un clin d'œil non plus.

Il faut 3à 5 milliards de dollars pour le logement et 4,7 milliards de dollars pour le traitement des eaux usées. Vous avez parlé des revenus propres. À titre d'entrepreneur, j'ai toujours considéré qu'il fallait que j'essaie de faire mon possible pour prendre soin de ma famille et contribuer à mettre du pain sur la table des autres. Le défi pour les Premières Nations consiste à attirer ce genre de partenariats.

Qu'est-ce que votre organisation a accompli en partenariat avec le chef et des conseils pour trouver des investisseurs de l'extérieur et des ressources qui pourraient être exploitées sur les réserves pour que vous créiez des emplois et puissiez verser un salaire décent aux Autochtones afin qu'ils puissent se permettre d'acheter une maison ou de louer un logement décent? C'est ma première question, mais j'en ai quelques autres.

Je crois à la collaboration. Je crois qu'il faut faire tout ce qu'on peut pour assurer le développement de la communauté et l'établissement d'un solide partenariat. Vous avez peut-être indirectement répondu à la question, mais concrètement, pourriez-vous dire au comité ce qui a été fait à cet égard?

M. Calla : Notre champ d'action est limité. Nous n'offrons pas de solution miracle. Nous ne faisons que mettre en lumière le besoin de gouvernance, de gestion financière et d'accès à l'emprunt, ainsi que la nécessité d'encourager le secteur privé à investir.

Il y en a bien d'autres. J'étais, cet après-midi, à une rencontre avec le Conseil national de développement économique des Autochtones, qui est à l'origine de tels efforts de collaboration. Chaque membre du conseil d'administration du CGFPN possède une expérience dont ils peuvent faire profiter aux autres, mais cet aspect ne relève clairement pas de notre mandat.

Je crois qu'en instaurant une loi sur l'administration financière, en devenant certifié, en empruntant de l'argent et en envisageant un certificat en gestion financière, on indique au secteur privé que quelqu'un pourra assumer ses responsabilités dans le cadre du partenariat. Voilà ce que cherchent les partenaires avec lesquels j'ai été en rapport au fil des ans.

Je dirais que le secteur privé doit épouser l'idée selon laquelle il peut offrir, quand on le lui demande, des occasions importantes de renforcement de la capacité dans le cadre de détachements ou par d'autres moyens. Nous avons un rattrapage de 100 ans à faire, et nous ne disposons pas de 100 ans pour y arriver. Nous devons continuer d'investir dans notre éducation, pas seulement dans la formation professionnelle, mais également dans les métiers. Nous devons être en mesure d'offrir des occasions aux gens pour qu'il y ait des emplois intéressants au sein des communautés.

Tout cela attire le secteur privé, car il en a besoin. Il a besoin de travailleurs, il a besoin de partenariats. On brosse parfois un portrait très noir du secteur privé, mais à dire vrai, bien des employés y ont la possibilité d'accomplir quelque chose de très bénéfique pour la société tout en gagnant de l'argent, et nous voulons tous en faire.

Nous nous efforçons donc de faire de la sensibilisation. Il faut instaurer un système de gouvernance. Si on veut être un partenaire, il faut s'avancer et honorer les responsabilités qu'on assume en devenant partenaire.

Le sénateur Meredith : Si je vous ai bien compris, vous avez affirmé que le développement des Premières Nations est lié au développement économique du Canada. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des chiffres? Nous avons entendu toutes sortes de chiffres de la part de diverses organisations qui ont comparu pour traiter de la diversification économique des Premières Nations. Pour favoriser le développement de ces dernières, il faut leur fournir l'investissement en capital initial pour qu'elles produisent leurs propres revenus. Comme le pays compte 612 bandes, pourriez-vous nous donner une idée de ce que les chiffres pourraient avoir l'air pour l'ensemble du Canada si nous réussissons à instaurer le bon mécanisme et obtenons du gouvernement et du secteur privé les types d'investissements nécessaires à la création de ces emplois?

Nous ne faisons pas qu'en parler, monsieur Calla. Il y a eu beaucoup de discussions. Les Canadiens qui nous regardent, ceux qui sont ici ce soir et les sénateurs présents autour de cette table sont impatients de voir les choses bouger et d'assister à un réel développement. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est?

M. Calla : Heureusement, je crois que oui. Vous me posez des questions difficiles ce soir.

Il y a deux ou trois étés, j'ai été invité par quatre ministères fédéraux pour participer à un forum sur la politique publique tenu à l'échelle du pays afin de traiter de la participation des Premières Nations aux grands projets de mise en valeur des ressources. Le rapport rédigé par suite de ce forum indiquait qu'à l'époque, il y avait au pays des projets de développement totalisant 650 milliards de dollars qui faisaient l'objet d'une forme quelconque de consultation et d'accommodement.

Voilà ce qu'il en est de l'ampleur des chiffres au chapitre du capital.

Le Conseil de gestion financière des Premières Nations, fort du soutien du ministère, a réalisé l'analyse d'un plan typique de projet de gaz naturel liquéfié prévu en Colombie-Britannique, d'une envergure approximativement équivalente à celle de la proposition de Shell. Nous voulions entre autres donner aux gens une évaluation de la chaîne de valeur. Nous en parlons et les sociétés de pipelines viennent en parler, mais qu'est-ce que chacun y gagne? Quelle est la part du gâteau de chacun? Même si c'est difficile à évaluer, nous avons demandé conseil à l'ancien président de Terasen Gas et à l'ancien dirigeant principal des finances de Foothills Pipeline, qui nous ont aidés à préparer un rapport. Nous avons établi que le développement découlant de ce projet de 37 milliards de dollars s'élèverait à 200 milliards de dollars au cours des 25 premières années.

Si les Premières Nations acquéraient des parts de cette initiative — comme elles l'ont fait pour la première fois dans le cadre des projets du pipeline de la vallée du Mackenzie et du pipeline Pacific Trails, où elles ont acquis respectivement de 30 à 33 p. 100 des parts —, le ratio dette-actif serait de 60/40 pour une demande en capital de 4,5 milliards de dollars pour les Premières Nations. Voilà l'ordre de grandeur des chiffres dont il est question. Je ne veux pas laisser entendre que c'est la fin ou juste un, mais tout le monde jongle avec les milliards.

Veut-on mobiliser un montant d'une valeur de 200 milliards de dollars en permettant aux Premières Nations de détenir une part de 4,5 milliards de dollars dans le cadre d'un modèle de service public à tarifs réglementés quand la qualité des contreparties est telle que le risque est minime? C'est selon moi théorique. Un certain nombre d'occasions comme celle-là s'offrent au pays.

Au final, ce ne sont pas des milliards, mais bien des billions qui sont en jeu. À Prince George, le premier ministre de la Colombie-Britannique a déclaré que le gaz naturel liquéfié constitue une manne d'un billion de dollars pour la province. Alors, que faisons-nous?

Le sénateur Meredith : C'est la question à un million de dollars.

M. Calla : La question à un million de dollars, c'est que les consultations et les accommodements sont réels et doivent être soutenus. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent participer aux négociations relatives aux ententes sur les répercussions et les avantages. Il faut favoriser la participation des Premières Nations au capital social de ces initiatives et trouver des solutions à cet égard. Il faut surtout en arriver à une décision au sujet de ces initiatives avant que les groupes concernés n'aillent voir ailleurs.

J'ai eu l'occasion de faire partie des conseils d'administration de la SCHL, et je suis actuellement membre du conseil d'administration de FortisBC, un fournisseur de gaz naturel. Ma présence à la SCHL m'a permis de me renseigner au sujet de la titrisation, particulièrement lors de l'effondrement des marchés financiers, et j'en ai appris au sujet de l'industrie pétrolière, juste assez pour être dangereux, comme j'aime toujours le dire.

Pour ce que je considère comme réel, sachez que nous avons demandé à l'ambassadeur du Japon de prendre la parole lors d'une activité des Premières Nations à Prince George. Alors qu'il s'adressait à nous et aux représentants fédéraux et provinciaux, il a indiqué que le Japon avait fermé toutes ces centrales nucléaires pour se tourner vers le gaz naturel. Comme il l'achetait sur le marché au comptant, son économie en pâtissait. Les Japonais veulent acheter leur gaz du Canada, mais il faut arriver à une décision, sinon ils iront ailleurs. D'après ce que je comprends, l'occasion que nous offrait le nickel dans le cercle de feu nous a échappé parce que la Chine est partie ailleurs.

L'heure n'est pas aux manœuvres politiques. Il est temps de réfléchir très sérieusement à la manière dont nous voulons que le pays aille de l'avant. Quel rôle joueront les Premières Nations? Comment participeront-elles? Pendant trop longtemps, nous ne les avons pas considérées comme une source ou un actif. Il se trouve dans nos valeurs culturelles bien des choses dont vous pourriez très franchement avoir besoin à cet égard. J'entends constamment dire au pays que nous sommes les gardiens de notre territoire traditionnel. Je dis toujours à la blague qu'on ne croirait pas le nombre de fois où j'ai reçu un appel de fonctionnaires locaux au sujet de quelque chose qui les tracassait et qui m'ont demandé : « Avez-vous été consultés? »

Je crois que nous voulons tous être en meilleure position. Nos communautés n'aiment pas vivre dans la pauvreté et le désespoir qui sont les leurs. Nous avons besoin de profiter de ces activités dans nos territoires traditionnels. Nous ne l'avons pas fait pendant trop longtemps. Eh bien, nous avons l'occasion d'agir, et de le faire de manière à profiter de la croissance de l'économie plutôt que d'une contraction de l'économie ou de l'augmentation des paiements de transfert.

Ce sont ces paiements qui nous ont menés là où nous en sommes. Personnellement, j'aimerais bien mieux être riche et ne pas en avoir besoin si on arrive là.

Je crois qu'il convient de se demander où on s'en va dans ce pays. Une bonne partie des réponses viendront de cette ville et des capitales provinciales au cours de la prochaine année. Comment va-t-on adopter le concept d'inclusion et l'idée que les Premières Nations puissent réellement produire de la richesse?

Ce sont là des questions intéressantes, et il n'existe pas de solution facile. Ainsi, si j'ai souligné le besoin de tenir une table ronde nationale sur les relations fiscales et d'autres questions, c'est parce que je vois toutes les questions qu'il faudra résoudre. Nous ne pouvons toutefois pas toutes les régler alors que nous tentons d'en arriver à une décision sur ces grandes initiatives, parce que je crois que les promoteurs iront voir ailleurs.

Ces sociétés internationales, dont certaines ont connu quelques années de vaches maigres dernièrement, doivent maintenant se demander où elles investiront pour obtenir l'énergie dont elles auront besoin dans six ans. Si elles n'envisagent pas de prendre une décision finale en matière d'investissement au cours des 12 prochains mois, elles seront peut-être obligées d'examiner d'autres options.

Si nous n'osons pas, si nous ne faisons pas preuve de leadership et si nous restons embourbés dans les processus et les politiques, je crains que nous ne réalisions pas le potentiel qui s'offre à nous. Oui, le logement et l'infrastructure font partie de l'équation. Nous tentons de résoudre les problèmes du monde aujourd'hui, mais ce que je veux vraiment vous faire comprendre, c'est qu'il ne faut pas s'occuper uniquement du logement et de l'infrastructure. Il existe une question bien plus importante à examiner, et nous devons commencer à nous considérer comme des alliés.

Je sais que ce n'est pas toujours facile, mais j'aime toujours utiliser les Jeux olympiques de Vancouver 2010 comme exemple. Nous avons réuni les quatre Premières Nations hôtes lors d'une activité organisée à Prince George pour montrer aux Premières Nations du Nord ce que nous avions accompli dans le cadre de ces jeux. Même si nous avons eu les mêmes problèmes de chevauchement en ce qui concerne les territoires traditionnels et toutes sortes de questions, nous avons uni nos efforts pour les Jeux olympiques parce que nous avons réalisé qu'il y allait du bien commun. Nous avons alors commencé à travailler ensemble. Les Jeux olympiques nous ont permis de faire de grandes choses. Les liens tissés entre les quatre Premières Nations hôtes perdurent encore aujourd'hui, maintenant que les Jeux sont chose du passé. Quand j'observe cet exemple, je me dis qu'il est possible de travailler main dans la main. Les gouvernements et les Premières Nations peuvent travailler en collaboration.

Je me souviens d'avoir participé à une réunion avec la province, au cours de laquelle on a dit au chef Gibby Jacob, de Squamish, que ce n'était pas à cause de lui qu'on avait accueilli les Jeux olympiques, mais qu'on n'aurait pas pu les avoir sans lui. Voilà ce qu'il faut arriver à faire. Nous devons faire partie de ce qui se passe au pays. Je crois que nous pouvons le faire et que nous y parviendrons, mais il faut établir des fondations, faire preuve de patience et arriver à se comprendre, ce qui n'arrivera pas d'ici 2020.

Le sénateur Meredith : Merci, monsieur Calla. Je vous souhaite beaucoup de succès dans cette entreprise. Nous continuerons d'être là pour appuyer ces initiatives, car je crois fermement, comme le président me l'a souvent entendu dire, qu'il est grand temps que les Premières Nations puissent atteindre le niveau et la norme dont jouit l'ensemble de la population canadienne.

Le président : Puisqu'il est question de collaboration entre les gouvernements et les Premières Nations, que pensez- vous des partenariats public-privé? Je sais que les Premières Nations sont admissibles au programme fédéral de partenariat public-privé, mais je ne crois pas qu'elles s'en soient beaucoup prévalues. Pourtant, ce programme est très populaire dans d'autres régions au pays. Le fédéral dispose de fonds substantiels. Pourriez-vous nous dire s'il s'agit là d'une autre solution novatrice qui permettrait aux Premières Nations de générer des capitaux pour les infrastructures?

M. Calla : Oui, c'est effectivement une solution. J'ai également eu le privilège d'être membre du conseil d'administration de Partnerships British Columbia pendant six ans. Si vous ne connaissez pas cet organisme, sachez qu'il a fourni je ne sais combien de milliards de dollars en infrastructure sur une période de six ou sept ans, et il poursuit son œuvre aujourd'hui. Il m'a permis d'en apprendre beaucoup sur les partenariats public-privé. Ces partenariats sont fort avantageux sur les plans de l'innovation, de la conception de produit, de la construction sans délai et de la gestion des dépassements de coût. Voilà des avantages vraiment considérables. Bien des gouvernements pourraient en prendre de la graine, je suppose.

Reste à régler la question du service. Si on fait appel au secteur privé et qu'on emprunte de l'argent, il faut quand même payer. Il faut encore réussir à gérer la question des revenus. Existe-t-il des façons novatrices de résoudre les questions techniques? Assurément. Peut-on offrir des services plus promptement? Certainement, mais il faut délier les cordons de sa bourse. Tant qu'on n'a pas réglé la question des revenus, ce ne sont que des mots pour bien des communautés des Premières Nations.

Le président : À moins qu'on ne puisse trouver un projet qui générera des revenus.

M. Calla : Oui.

Le président : Mais on n'a pas été en mesure de le faire.

M. Calla : On commence à y parvenir, mais un grand nombre des arrangements contenus dans les ententes sur les avantages pourraient permettre de produire des revenus. Je l'espère. J'ai foi en les partenariats public-privé. J'ai vu les projets novateurs et les ai comparés à d'autres projets qui n'ont pas été réalisés dans ce cadre. Il est selon moi possible d'éviter les dépassements de coût et de délais, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas assurer de supervision.

Quand j'étais membre du conseil d'administration, nous avons eu l'occasion d'examiner divers projets et de déterminer s'ils convenaient à un partenariat public-privé. Tous ne s'y prêtaient pas, mais c'est certainement une possibilité qui, je l'espère, peut être retenue.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. C'est une excellente séance et je vous remercie de nous donner votre avis.

J'aborde la question sous un angle légèrement différent. L'aménagement du territoire dans les réserves des Premières Nations diffère légèrement de celui des autres communautés, car à bien des endroits, on trouve un mélange d'unifamiliales, de maisons plurifamiliales, d'appartements et d'autres choses. Dépendamment de l'endroit, pour éviter que les coûts des infrastructures enflent démesurément, nous avons comprimé la taille des communautés, alors que la plupart des communautés autochtones sont assez rurales et étendues.

Dans la solution actuellement envisagée au chapitre du logement et de l'infrastructure des Premières Nations, a-t-on pensé à prévoir un aménagement efficace et à bâtir des maisons plurifamiliales, des coopératives de logement ou des projets de ce genre pour que les gens puissent se permettre un appartement plus petit au début et s'installer ensuite dans un endroit plus grand quand ils en ont besoin? Je sais que les familles des Premières Nations comptent souvent de nombreux membres de plusieurs générations; elles ont donc besoin d'un logement différent de celui d'une famille nucléaire traditionnelle. Je le comprends, mais comment peut-on faire pour concevoir et construire les communautés de manière vraiment économique?

M. Calla : La planification urbaine est indispensable. Auparavant, le ministère recevait du soutien pour fournir les ressources aux collectivités à cet égard. L'un de nos anciens conseillers municipaux disait qu'il fallait prendre la longue maison et l'installer de cette façon. Dans certaines collectivités, cela pourrait fonctionner.

Il nous faut un plan communautaire, non seulement pour le logement, mais aussi pour le développement économique, pour toutes sortes d'enjeux. Nous ne faisons pas exception. Il nous faut un plan communautaire officiel, comme tous les autres. Il doit être appuyé par les membres. En fait, pour une partie du travail que nous effectuons sur le plan des normes de système de gestion financière, nous discutons du contenu du plan communautaire. Ce n'est pas moi qui l'élabore, car, je le répète, je ne suis pas un urbaniste, mais bien un comptable.

La sénatrice Raine : J'aimerais en savoir davantage sur les gens qui profitent de votre fonds commun d'emprunt. Vous avez mentionné la participation de la Première Nation Membertou. Ses membres vivent sur la côte Est. Votre organisme compte-t-il des membres partout au Canada, dans le Sud et dans le Nord?

M. Calla : Je ne nierai pas que lorsque les dispositions législatives ont été élaborées, elles n'ont pas reçu un appui unanime. Il y avait toujours des différends sur les questions d'obligation de représentant et des droits et des titres ancestraux. On a inclus des dispositions et des annexes, qui ont satisfait la plupart des gens. Il en faut, de sorte que cela ne s'applique pas.

Ce qui est encore plus important, c'est qu'à l'époque, aucune possibilité économique ne s'offrait aux gens. Cette situation a changé pour certains d'entre eux maintenant. Voilà le changement fondamental. Une fois qu'on y goûte et qu'on commence à comprendre ce qui est nécessaire, soudain, la lumière brille pour une partie de ces questions.

Effectivement, la présence de collectivités dans presque toutes les provinces maintenant nous encourage beaucoup. Cela suscite de plus en plus d'intérêt. Ce que je trouve vraiment excitant, c'est qu'un grand nombre d'entre nous étaient emballés, et nous avons franchi le seuil en quelque sorte, mais beaucoup de gens suivront. C'est vraiment excitant pour tout le monde, car c'est de bon augure pour l'avenir, à mon avis.

Le président : C'est très inspirant, monsieur Calla, et je crois que nous convenons tous que c'est très stimulant pour nous.

J'ai une dernière question. D'habitude, nous n'utilisons pas tout le temps prévu pour les réunions qui ont lieu le soir, et c'est donc tout à votre honneur. J'ai toutefois remarqué que vous avez siégé au conseil d'administration de la SCHL, et je dois vous poser une question. Une représentante de la SCHL est venue parler de la question du logement pour les Premières Nations. À propos de l'inspection et de la qualité, elle a dit ce qui suit : « nous nous attendons à ce que les Premières nations embauchent un inspecteur compétent, mais nous ne faisons pas de vérification, bien que cela pourrait changer. »

Je pense que l'idée, c'est qu'il s'agit d'une Première Nation qui a l'autorité de construire et de réglementer, et nous prenons du recul, car nous respectons cette souveraineté, si on peut le dire ainsi, ou cette indépendance. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Vous collaborez avec les Premières Nations, qu'il s'agisse de la SCHL ou de votre travail. Où faut-il tracer la ligne entre respecter la souveraineté des Premières Nations et exiger des comptes? C'est ce qui nous a laissés perplexes lorsque nous avons entendu cela. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Calla : J'ai beaucoup de choses à dire, mais en ce qui concerne la question que vous posez, c'est dans l'intérêt de tous que les logements soient construits selon des normes. Encore une fois, une partie du travail effectué par la SCHL et le Fonds pour les logements du marché consiste à établir un groupe de professionnels. Je pense que c'est la solution. Il ne s'agit pas d'essayer de gagner une bataille sur des questions de compétence et de mesures imposées. Cela revient à dire qu'il faut déterminer comment nous allons collaborer et qu'il faut élaborer une approche coopérative. C'est ce que font les deux organismes, la SCHL et le Fonds pour les logements de marché.

J'ai participé à des conférences dans lesquelles il y a maintenant une association d'inspecteurs autochtones. Il nous faut continuer à favoriser l'évolution de ce volet dans la collectivité et à collaborer avec les autorités locales. Les autorités régionales peuvent être une formidable source de renforcement des capacités et de diffusion des connaissances, mais à quel point voyez-vous des membres des Premières Nations et des autorités locales se réunir, surtout au centre du Canada? Je l'ignore, car je ne suis pas souvent présent, mais je sais que cela se produit en Colombie-Britannique, de même que dans le Canada Atlantique.

Il faut se réunir, fournir cette capacité et ce soutien, et peut-être même créer une masse critique. Certains membres de Premières Nations travaillent pour des autorités locales et fournissent des services à tout le monde. À mon avis, c'est une solution, monsieur le président.

Le sénateur Moore : À cet égard, le même jour — j'ignore de quel programme gouvernemental il s'agissait —, nous avons su qu'ils ne reconnaissaient pas le travail d'un inspecteur en bâtiment comme une carrière et qu'ils ne financeraient donc pas la formation pour développer la masse, ce que je n'ai pas compris. Le savez-vous, monsieur Calla?

M. Calla : Eh bien, permettez-moi de vous poser une question. Comment fournir ce type de compétence administrative lorsqu'on construit une ou deux maisons par année? Il faut en bâtir quelque part. Si nous obtenons une somme considérable, nous pouvons construire un grand nombre de logements et peut-être arriver à faire quelque chose. Toutefois, lorsqu'on se penche sur l'attribution des logements, qui ne représente pas beaucoup de construction dans une année, la masse critique ne suffit pas pour soutenir le type de capacité qu'a une municipalité.

Le sénateur Moore : Ne faut-il pas commencer quelque part?

M. Calla : Oui, c'est toujours le cas, et cela commence par l'élaboration de normes et une reconnaissance de la part de ceux qui contribuent à créer cette association au pays. C'est par là que tout commence, mais encore une fois, c'est une question de masse critique.

Le président : Pour nous rafraîchir la mémoire, notre personnel compétent nous a informés qu'EDSC a dit qu'il n'y avait aucun inspecteur du logement qualifié pour la formation.

En terminant, au nom du comité, je veux vous dire que votre témoignage a été très utile et intéressant. Je suis très ravi des discussions avec les membres du comité qui ont suivi votre exposé. Elle a été constructive. Je suis certain que cela permettra à notre comité de faire un examen approfondi et de présenter de bonnes recommandations dans son rapport. J'ai le sentiment que nous vous reverrons.

Je sais que vous vous êtes déplacé de Squamish sur la côte Ouest, et nous vous en remercions. Merci beaucoup.

M. Calla : Merci, monsieur le président.

(La séance est levée.)


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