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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 4 - Témoignages du 4 mars 2014


OTTAWA, le mardi 4 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 40, pour examiner les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

[Traduction]

Marcy Zlotnick, greffière du comité : Bonjour. En qualité de greffière du comité, j'ai le devoir de vous informer qu'en l'absence du président et du vice-président, je dois procéder à l'élection d'un président suppléant. Je suis prête à accepter des propositions de candidatures.

Le sénateur Moore : Madame la greffière, j'aimerais proposer que, en l'absence du président et du vice-président, le sénateur Scott Tannas préside notre réunion d'aujourd'hui.

Mme Zlotnick : Merci. Le sénateur Moore propose que le sénateur Scott Tannas soit nommé président suppléant.

Honorables sénateurs, souhaitez-vous adopter cette motion?

Des voix : D'accord.

Mme Zlotnick : La motion est adoptée. J'invite le sénateur Tannas à prendre place.

Le sénateur Scott Tannas (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Merci. Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et à tous ceux qui suivent nos délibérations, qu'ils soient ici présents ou qu'ils nous regardent sur CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Scott Tannas, je viens de l'Alberta, et je suis le président suppléant du comité. Notre comité s'intéresse à toutes les lois et à tous les dossiers relatifs aux peuples autochtones du Canada en général. Depuis quelque temps, nous organisons des réunions sur la question du financement des infrastructures des réserves, qui comprennent notamment les projets d'investissement, les écoles et le logement.

Aujourd'hui, nous allons discuter plus précisément des options de financement offertes aux Premières Nations, et ce, en présence des représentants de deux organisations : la Banque Royale et BMO Groupe financier.

Avant de donner la parole aux témoins, j'aimerais inviter chaque sénateur à se présenter, à tour de rôle.

Le sénateur Moore : Wilfred Moore, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le sénateur Meredith : Don Meredith, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Beyak : La sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le président suppléant : Merci. Messieurs, vous avez la parole. Lequel de vous deux veut commencer?

Harry Willmot, premier directeur, Expansion du marché autochtone, RBC Banque Royale : Bonjour à tous. Je m'appelle Harry Willmot. Je suis premier directeur de l'expansion du marché autochtone, à RBC Banque royale. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de mon expérience. Je travaille dans le secteur bancaire en général depuis près de 40 ans, et chez RBC, dans ce créneau précis, depuis 1989. J'ai eu la chance de parcourir le Canada de long en large. J'ai dû me rendre dans une bonne centaine de réserves, souvent à de nombreuses reprises, et je suis ici pour vous parler de mon expérience. Il y a des cas où la situation est vraiment difficile, et le logement est assurément un secteur qui intéresse RBC au plus haut point.

Je vais commencer par vous raconter une petite anecdote. RBC a ouvert sa première succursale à service complet sur une réserve il y a une vingtaine d'années, et c'était dans la réserve des Six Nations d'Oshweken, en Ontario. Peu de temps après l'ouverture, le chef Montour est venu me voir pour savoir quand il aurait le droit d'obtenir une hypothèque, car, a-t-il ajouté, s'il habitait de l'autre côté de la rue, en dehors de la réserve, il pourrait demander une hypothèque, mais étant donné qu'il habitait dans la réserve, il n'en avait pas le droit. Comme vous le savez, l'article 89 de la Loi sur les Indiens interdit aux établissements financiers de prendre un nantissement sur une réserve. Nous avons donc expliqué au chef en quoi consistaient nos programmes hypothécaires et pourquoi on ne pouvait pas les appliquer dans ce cas-ci. Il m'a alors répondu : « si vous ne pouvez pas consentir d'hypothèque sur une propriété d'une réserve, pouvez-vous accepter une garantie de notre part? » Nous y avons réfléchi pendant quelque temps, et en 1996, nous avons lancé le Programme de prêts résidentiels aux Autochtones des réserves. Je vous ai fait distribuer de la documentation à ce sujet. C'est un programme qui permet à la Première Nation de nous fournir elle-même une garantie, plutôt que ce soit la banque qui prenne un nantissement.

À l'heure actuelle, environ 85 Premières Nations du pays ont adopté ce programme, dans lequel nous avons investi aux alentours de 120 millions de dollars. C'est un grand succès. Et la banque nous donne les moyens de développer encore davantage ce portefeuille. Je peux vous assurer que nous n'avons jamais été obligés de procéder à une mobilisation de la garantie. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de défaillances ou de retards de paiements, mais c'est un véritable partenariat. D'un côté, RBC assume la responsabilité de déterminer l'admissibilité des demandeurs de prêts, comme elle le ferait pour ceux qui habitent en dehors d'une réserve. Et d'un autre côté, la Première Nation propose une garantie.

C'est un programme qui marche très bien et qui n'enlève rien aux autres programmes que nous continuons d'administrer. Vous ne le savez peut-être pas, mais à l'heure actuelle, dans les réserves, ce sont les produits de la SCHL qui sont les plus utilisés pour la construction de logements — l'article 95, pour les logements sociaux, et l'article 10, pour l'accès à la propriété d'un logement. Il y a aussi le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations, qui a été mis sur pied récemment. Il y a même des communautés qui se sont dotées de leurs propres programmes.

Quand je discute du problème du logement avec le chef et le conseil, pour voir comment on peut accélérer la construction résidentielle dans leur communauté, c'est très facile de passer en revue tous les programmes que nous avons, et bien d'autres, et d'arrêter un plan à long terme pour trouver une solution à la crise qui sévit dans ce secteur. Il y a encore beaucoup à faire, mais tout bien considéré, nous estimons que nous faisons de notre mieux pour minimiser les risques tout en accélérant la construction de logements.

J'aimerais ajouter quelque chose, car, comme l'a dit le sénateur, les infrastructures sont très importantes. Sans elles, vous ne pouvez pas construire des logements. Au fil des ans, RBC a largement contribué à la construction des infrastructures actuelles — des usines de traitement de l'eau et des effluents, des routes, le réseau d'électricité, des écoles, des centres de soins palliatifs et des services de santé. Ce sont là les infrastructures dont une communauté a besoin, et notre banque participe activement à leur financement.

Je parle beaucoup, et je pourrais continuer pendant des heures, mais je sais que mon collègue, M. Cameron, a lui aussi des choses à dire, et je vais lui laisser la parole.

Le président suppléant : Merci, monsieur Willmot. Je vous prie de m'excuser, messieurs, de ne pas vous avoir dûment présentés aux sénateurs ici présents. Nous venons d'entendre Harry Willmot, premier directeur, Expansion du marché autochtone, Banque Royale, et nous allons maintenant écouter Jason Cameron, directeur des services bancaires aux Autochtones, division régionale de l'Ontario, chez BMO.

Une fois que vous aurez terminé, monsieur Cameron, nous passerons aux questions des sénateurs, pour un échange qui sera certainement animé.

Jason M. Cameron, directeur, Services bancaires aux Autochtones, Division régionale de l'Ontario, BMO Groupe Financier : Merci beaucoup, monsieur le président. Permettez-moi, pour commencer, de vous dire qui je suis. Je suis membre de la Première Nation Madawaska Malaseet, qui se trouve dans les environs d'Edmundston, au Nouveau- Brunswick. Même si mon expérience du secteur bancaire n'est pas aussi longue que celle de M. Willmot, je travaille chez BMO depuis 18 ans. Après être passé par différents services, dans le détail aussi bien que dans le commercial, j'occupe, depuis un peu plus de sept ans, un poste dans les services bancaires aux Autochtones. J'ai l'expérience du financement commercial, des services bancaires aux Autochtones et des services bancaires de détail. J'ai donc une vaste expérience des services bancaires en général.

Cela dit, si vous le voulez bien, je vais m'en tenir au texte que j'ai préparé, pour être sûr de ne rien oublier. Ensuite, je serai ravi de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

Au nom de BMO Groupe financier, je suis heureux de prendre part à la discussion d'aujourd'hui sur les enjeux liés aux infrastructures des réserves des Premières Nations et, plus particulièrement, de présenter notre Programme de prêts résidentiels destinés aux réserves. Les Services aux Autochtones, de BMO Groupe financier, ont été créés en 1992 dans le but de répondre aux besoins bancaires et financiers particuliers des communautés des Premières Nations. Au cours des 20 dernières années, dans le cadre d'un effort national pour accroître la représentation régionale, nous avons mené à bien plusieurs initiatives. Nous avons ouvert la première succursale de la banque dans une réserve, sur le territoire traditionnel d'Akwesasne, en 1993. BMO Banque de Montréal s'enorgueillit de compter 14 succursales à service complet et comptoirs de services bancaires à la collectivité dans des réserves de partout au pays. Nous avons mis sur pied les premiers programmes de prêts résidentiels destinés aux réserves au Canada. Nous sommes la première et la seule institution financière engagée dans le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations. Nous avons élaboré une directive d'octroi de crédit qui précise clairement comment surmonter les obstacles de la Loi sur les Indiens dans nos pratiques d'octroi de crédit, plus précisément en ce qui a trait aux prêts pour travaux d'infrastructures. Nous continuons d'offrir des produits de financement innovateurs en exclusivité aux communautés autochtones.

À BMO Groupe financier, nous procurons du financement d'infrastructures aux communautés des Premières Nations depuis plus de 20 ans, pour divers projets comme des centres d'enseignement et de formation, des édifices administratifs, des installations d'urgence et de services sociaux, des installations de sports et de loisirs, des infrastructures routières et des ponts. Plus récemment, BMO a participé à deux importants projets d'infrastructures : une station d'épuration des eaux de plus de 60 millions de dollars, et un bâtiment de services de santé abritant une clinique de dialyse.

Comme BMO Banque de Montréal comprend l'importance du logement comme infrastructure d'une Première Nation, nous avons créé deux programmes spécifiquement destinés à l'habitation dans les réserves : notre Programme de prêts résidentiels destinés aux réserves, et notre Programme de prêts-rénovations destiné aux réserves. Ensemble, ces deux programmes offrent des options innovatrices de financement à l'habitation indépendant des administrations publiques. Ils sont conçus pour répondre aux besoins précis d'une Première Nation. Ils offrent du financement pour la construction, l'achat ou la rénovation de résidences unifamiliales sur les réserves. Ces programmes permettent d'offrir des prêts favorisant l'achat, la construction ou la rénovation d'une propriété. Pour être admissible à notre programme de prêts, la propriété doit être une maison unifamiliale, construite sur un terrain détenu en vertu d'un certificat de possession, et le lot doit être desservi par les routes ainsi que par les services d'électricité, d'eau et de fosse septique.

Nous offrons des prêts aux emprunteurs membres en règle de la Première Nation qui satisfont aux normes de crédit habituelles de BMO. Pour déterminer le montant du prêt, nous prenons en compte les limites individuelles maximales établies par la Première Nation et, bien sûr, la capacité de payer de l'emprunteur. L'une des caractéristiques de nos prêts consiste à exiger une mise de fonds minimale correspondant à 5 % du coût total du projet ou du prix d'achat. Les autres caractéristiques de notre programme de prêts destinés aux réserves comprennent des privilèges de remboursement qui font en sorte que tout montant peut être remboursé en tout temps, sans pénalité, sur une période d'amortissement maximal de 25 ans et avec des termes de 1 à 5 ans.

Au lieu d'une hypothèque ou d'une sûreté sur la propriété, que la Banque ne peut prendre en raison des restrictions contenues dans la Loi sur les Indiens, le chef et le conseil de la Première Nation offrent une garantie se fondant sur une résolution du conseil de bande, à l'appui de chaque prêt. Dans la plupart des cas, le propriétaire cède son droit sur le certificat de possession à la Première Nation jusqu'au remboursement du prêt.

Les caractéristiques de notre Programme de prêts-rénovations sont très semblables à celles de notre Programme de prêts résidentiels, sauf que les montants octroyés varient entre 5 000 $ et 25 000 $, que nous n'exigeons pas de mise de fonds, et que nous prêtons au taux de crédit personnel fixe de BMO. À BMO, nous travaillons en étroite collaboration avec le service du logement des réserves, pour faire le suivi de la gestion du portefeuille de logements. Soixante-treize programmes de la Banque ont été déployés dans toutes les régions du Canada, pour un total de plus de 90 millions de dollars en prêts à l'habitation.

Monsieur le président, 20 années de loyaux services aux communautés autochtones ont inspiré à BMO la mise sur pied de son Programme de prêts résidentiels destinés aux réserves et de son Programme de prêts-rénovations destinés aux réserves. Nous sommes fiers des relations étroites que nous entretenons avec les communautés des Premières Nations de partout au Canada, et nous entendons continuer à offrir un service de très haute qualité à notre clientèle.

Je suis heureux de représenter BMO aujourd'hui, et c'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Cameron et monsieur Willmot.

Le sénateur Meredith : Je vous remercie, messieurs, de vos déclarations liminaires. Monsieur Willmot, je vous suis reconnaissant de nous avoir raconté cette anecdote à propos des membres des Premières Nations qui veulent être propriétaires de leur logement. Je me réjouis que RBC ait pris des initiatives dans ce secteur, tout comme d'ailleurs M. Cameron et BMO.

J'ai jeté un coup d'œil aux taux d'intérêt que vous accordez, et j'aimerais savoir si le taux d'intérêt que vous offrez aux Premières Nations est celui qui s'applique dans le reste du Canada, ou bien s'il est différent?

M. Willmot : Non, ce sont les mêmes taux qui s'appliquent partout. En fait, nous pouvons même faire mieux, si c'est nécessaire. Les taux qui vous sont offerts, à vous qui vivez en dehors des réserves, s'appliquent aussi à ceux qui vivent dans les réserves.

Le sénateur Meredith : Vous avez parlé des infrastructures que vous financez dans les réserves — les routes, les hôpitaux et les écoles —, et c'est justement l'objet de notre étude. Pourriez-vous nous expliquer comment ça se passe? Est-ce que la bande et le conseil viennent vous voir pour vous dire qu'ils ont besoin de construire une route? Monsieur Cameron, n'hésitez pas à intervenir.

Nous avons entendu dire que les Premières Nations avaient du mal à trouver le financement dont elles ont besoin pour construire des routes et d'autres infrastructures. Vous avez dit que vous avez accordé des prêts résidentiels et des prêts-rénovations et que, parfois, les logements en question sont en mauvais état, notamment à cause d'infrastructures inadéquates. Pourriez-vous nous en dire davantage?

M. Willmot : La banque, c'est essentiellement une question de relation entre le banquier et le client. Je fais ça depuis un certain temps. Chez RBC, et je suppose que c'est la même chose chez BMO, on rencontre nos clients à intervalles réguliers pour discuter des plans d'aménagement envisagés par le chef et le conseil. Ces plans comprennent souvent la construction d'une école, la mise en conformité d'une station d'épuration des eaux, ou la création d'un lotissement. Notre rôle à nous, c'est d'accompagner le client dans la construction de ces infrastructures. C'est un partenariat. Nous travaillons en tandem avec nos partenaires du ministère des Affaires autochtones.

Le plan d'immobilisations qui a été arrêté, et que nous revoyons à intervalles réguliers, prévoit l'allocation de ressources à la construction d'écoles, à la mise en conformité de stations de traitement de l'eau et des effluents, ou à l'aménagement des infrastructures nécessaires à la communauté. Nous examinons avec le client les différentes sources de revenus possibles pour financer ces projets, et nous collaborons ensuite avec nos partenaires du gouvernement fédéral pour construire les infrastructures en question. C'est ce que nous faisons depuis un certain temps déjà. En fait, l'essentiel, c'est de comprendre les besoins du client et de trouver les ressources nécessaires pour construire les structures prévues.

Est-ce que c'est compliqué? Ça peut l'être, selon l'endroit, les revenus prévus pour le financement du projet et la période de l'année.

Notre rôle consiste à encadrer le financement de ces projets et à faciliter leur réalisation. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire de plus. C'est ce que nous faisons depuis 20 ou 30 ans.

Le sénateur Meredith : S'agissant des codes, est-ce que vous précisez dans vos accords de financement le type d'entrepreneurs qui pourront participer à la construction de ces infrastructures? Parce qu'au final, il faut bien comprendre qu'il y a un nantissement ou un paiement en jeu. Avez-vous une influence sur les entrepreneurs qui seront retenus, vu l'absence de codes et de règlements dans les réserves des Premières Nations?

M. Willmot : Parlez-vous du logement?

Le sénateur Meredith : Oui, et de tout autre projet de construction, en fait.

M. Willmot : Nous insistons pour que les normes minimales soient appliquées, et en matière de logement, ce sont celles de la SCHL. Chaque province a ses normes, mais ce sont là les minima que nous exigeons. Toutes sortes de programmes de formation sont en cours pour doter les Premières Nations des capacités nécessaires, notamment pour ce qui est des inspecteurs. Il faut que les codes du bâtiment soient rigoureusement observés.

Les ressources sont disponibles. Je parle de l'Ontario en particulier, où se trouve l'essentiel de mon marché. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Ontario First Nations Technical Services Corporation, qui organise des formations dans le domaine du traitement de l'eau et de l'approvisionnement en eau. Cette entité fait également des inspections de logements, entre autres. C'est vraiment un partenariat. La construction de ces logements est le résultat de la convergence d'initiatives diverses. Nous appliquons les normes minimales qui s'appliquent en Ontario.

M. Cameron : J'aimerais ajouter quelques mots à ce qu'a dit M. Willmot, car, s'agissant des infrastructures nécessaires à un nouveau projet domiciliaire, comme le réseau routier et les services d'électricité, d'eau et d'égout, BMO et RBC fonctionnent bien sûr de la même façon. Nous voulons d'abord comprendre le plan d'immobilisations et le plan stratégique, et pour cela, nous rencontrons les représentants de la communauté et des partenaires du projet, ainsi que ceux de la province et/ou du gouvernement fédéral, afin de définir la taille du projet, la logistique et les échéanciers. Nous discutons des problèmes d'accès. Puis nous arrêtons un plan, et nous calculons le financement nécessaire ainsi que les revenus qui pourront en être tirés. S'agit-il d'un lotissement de logements locatifs ou de logements que les Premières Nations veulent construire pour les vendre à leurs membres? Voilà le genre de plan que nous arrêtons. Pour en revenir à ce que disait M. Willmot, l'objectif est d'amener les partenaires à collaborer pour définir l'aide éventuelle de la banque et les besoins des Premières Nations.

Pour ce qui est de la qualité et des normes, puisque c'était votre question, je peux vous dire que, lorsqu'il s'agit de consentir un prêt résidentiel ou un prêt pour la construction de logements sur une réserve, nous collaborons avec la Première Nation et avec sa commission du logement pour définir les normes minimales. Dans bien des cas, les communautés des Premières Nations ont des normes supérieures à ça, et nous collaborons avec elles pour les définir. Nous personnalisons donc nos programmes de prêts résidentiels en fonction des besoins des membres qui achètent les logements et des besoins de la communauté, pas seulement en ce qui concerne le montant du prêt, mais aussi en ce qui concerne les normes de construction minimales. Y a-t-il une présélection par la commission du logement de la Première Nation? Quel est leur degré de participation, avec les banques, au processus de construction? Existe-t-il des contrats à prix fixe pour la construction? Tout ça est prévu dans le plan, à partir du début de la construction jusqu'à l'installation du client dans son logement.

M. Willmot : Pour les projets de construction plus importants, nous insistons pour avoir un surveillant de projet, une tierce partie indépendante qui pourra surveiller les travaux au fur et à mesure.

La sénatrice Raine : Je constate que vous avez tous les deux une solide expérience dans ce secteur, qui est relativement nouveau puisqu'il n'existe que depuis le milieu des années 1990. Ça vous fait donc une expérience d'une trentaine d'années dans ce domaine. Est-ce que les autres grandes banques canadiennes offrent elles aussi des programmes de prêts dans les réserves, ou vos deux banques sont-elles les seules à le faire?

M. Willmot : Pour le moment, BMO et RBC sont les seules à le faire. Si c'était une tribune appropriée, je profiterais de l'occasion pour encourager les autres établissements financiers à nous emboîter le pas.

La sénatrice Raine : Actuellement, vos deux banques desservent, à elles deux, 159 Premières Nations, sur les 600 et quelques qui existent au Canada. J'en conclus que les Premières Nations ne sont pas toutes admissibles à ce genre de programmes?

M. Willmot : C'est exact, mais nous sommes prêts à travailler avec tous nos clients, c'est-à-dire toutes les communautés des Premières Nations. On a parlé d'admissibilité. Si, pour quelque raison que ce soit, elles ne sont pas admissibles, nous travaillons avec elles pour les aider à acquérir les ressources et les capacités nécessaires. Concrètement, il s'agit d'un transfert de connaissances et de compétences. Notre objectif principal, sur le marché, est d'assurer ce transfert de connaissances et de compétences financières, et le fait d'être proche du client est une bonne chose pour nous. Combien de fois ai-je reçu un appel téléphonique d'un client qui voulait simplement me poser une question qu'il n'aurait probablement pas osé poser à quelqu'un d'autre! Nous établissons une relation avec notre client, et un certain niveau de confiance, si bien que le client se sent à l'aise pour nous solliciter quand il a besoin de notre aide. Notre objectif est d'être un conseiller financier pour le chef et le conseil, pas pour prendre les décisions à leur place, mais pour leur fournir les outils et les connaissances dont ils ont besoin pour prendre ces décisions.

La sénatrice Raine : Y a-t-il des Premières Nations qui font de la construction domiciliaire sans l'appui d'établissements financiers?

M. Cameron : Je vous rappelle que je ne m'occupe que du marché ontarien, mais mes collègues établis ailleurs nous font part de leur expérience. Personnellement, j'ai constaté que certaines Premières Nations continuaient de financer la construction des logements qui leur étaient accordés avec des crédits du gouvernement. Elles n'ont pas nécessairement un programme de prêts résidentiels pour des propriétés dans les réserves, ou un autre outil, mais je pense qu'elles ont de plus en plus tendance à envisager différentes solutions pour répondre à leurs besoins en matière de logement.

M. Willmot : Sénatrice, je ne connais pas de communautés dans cette situation.

La sénatrice Raine : Il est évident qu'avec l'augmentation de la population des réserves et la pénurie de logements dont nous entendons parler, les crédits consentis par le gouvernement fédéral ne suffisent pas à résorber cette pénurie. Il est donc particulièrement important que les établissements financiers puissent intervenir.

Pouvez-vous m'expliquer, à moi et à ceux qui nous écoutent, comment tout cela fonctionne? Comment faites-vous pour déterminer que la bande est en mesure de vous donner une garantie pour le prêt résidentiel que vous consentez à l'un de ses membres? Je n'ai pas de problème à comprendre comment vous déterminez l'admissibilité d'une personne en particulier, car c'est la même chose que pour n'importe quel autre client de la banque, mais comment faites-vous pour déterminer l'admissibilité d'une Première Nation? Doit-elle justifier des revenus réguliers garantis? J'aimerais bien que les deux témoins répondent à cette question.

M. Cameron : Il y a deux catégories de logements, ceux qui appartiennent à la Première Nation et ceux qui appartiennent à des membres à titre personnel. S'agissant de la garantie que la Première Nation donne pour les membres qui demandent un prêt, le processus est le même que si nous accordions le prêt à la Première Nation et que celle-ci était le constructeur ou le promoteur du projet. Nous prenons en considération la solidité financière de la Première Nation. Ce dont il est question, c'est d'un passif éventuel, et non pas d'une obligation directe. Par conséquent, on ne prend pas tout à fait le même genre de précautions.

Sur les 73 communautés avec lesquelles nous avons travaillé, nous n'avons enregistré qu'une perte légère. Pour revenir sur ce que disait M. Willmot tout à l'heure, il y a toujours des paiements en retard, mais c'est un portefeuille qui marche très bien. Nous avons acquis une solide expérience du marché, dont nous nous servons dans les autres communautés.

S'agissant des précautions que nous prenons lorsque nous examinons le parc de logements d'une communauté d'une Première Nation, nous tenons compte de la taille de ce parc et du coût de construction moyen sur la réserve. C'est là que le prêt est vraiment taillé sur mesure, en fonction des besoins de la Première Nation. Bien sûr, nous avons un gabarit général, mais chaque programme est adapté aux besoins de la Première Nation, et ça fait partie des précautions que nous prenons tout au long du processus.

M. Willmot : À RBC, nous suivons un processus similaire. Nous prenons en considération la solidité financière et la stabilité politique de la communauté. Personnellement, je vérifie aussi que la communauté a une commission du logement appropriée, séparée du chef et du conseil et fonctionnant en toute indépendance. Et si la commission a des difficultés pour la perception des loyers, il faut se demander si le moment est bien choisi pour introduire un programme de construction domiciliaire dans cette communauté. Nous cherchons également à savoir s'il y a des listes d'attente, car dans certaines communautés, il y a des centaines de familles qui sont en attente d'un logement.

Ce sont là les éléments que nous prenons en considération lorsqu'une communauté demande à participer à ce programme. Nous cherchons également à savoir quelles politiques sont en vigueur, car les considérations politiques et financières sont très importantes pour nous.

La sénatrice Raine : Merci.

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais poser une question au sujet de votre clientèle ou plutôt des membres d'une Première Nation qui demandent une hypothèque. Je suppose que, dans la plupart des cas, les habitants de la réserve emménagent dans des logements qui ont été construits ou qui sont fournis par la Première Nation, à même les crédits du gouvernement fédéral.

Je voudrais savoir s'il y a des gens, aujourd'hui, qui veulent faire construire une maison séparément, une maison individuelle, ou s'il existe des programmes selon lesquels la bande ou le gouvernement avance une certaine somme d'argent, libre ensuite à la personne de verser un complément. De cette façon, au lieu d'avoir une maison ordinaire, la personne peut se faire construire une plus belle maison. Que pouvez-vous répondre à cela?

M. Willmot : Construire des maisons dans une communauté consiste au départ à définir un plan à long terme, en faisant appel à tous les outils disponibles. En effet, notre programme s'adresse au client, c'est-à-dire à la famille, qui veut quelque chose de différent de ce que lui offre la SCHL, pour pouvoir faire construire la maison qu'il veut. En fait, la plupart des hypothèques que nous avons consenties dans le cadre de ce programme concernent des maisons indépendantes, qui ne font pas partie d'un lotissement. Et ce sont surtout des maisons qui appartiennent à une famille plutôt qu'à une bande ou à une communauté.

J'aimerais ajouter que nous observons, à l'heure actuelle, l'émergence d'un nouveau marché, celui de la revente. Autrement dit, les maisons sont remises en vente et changent de propriétaire. C'était d'ailleurs l'objectif recherché dès le départ. Nous voulions créer un marché dans la communauté de façon à ce qu'une personne de mon âge, par exemple, puisse revendre la grande maison dont elle n'a plus besoin parce que les enfants sont partis. De cette façon, le couple qui se trouve dans cette situation peut décider de mettre sa maison sur le marché, dans la communauté, et la vendre à une autre famille, ce qui lui permet de récupérer son investissement et ce qui permet aussi de stimuler l'activité immobilière. Nous commençons donc à observer ce phénomène, non sans une certaine satisfaction, car il ne peut avoir que des conséquences positives.

Le sénateur Sibbeston : C'est intéressant, car j'habite dans les Territoires du Nord-Ouest où il y a beaucoup de logements sociaux, mais les gens empruntent tout simplement l'argent. Il n'y a pas de réserves dans le Nord, sauf à Hay River, par conséquent, la banque peut prêter de l'argent aux particuliers pour qu'ils fassent construire leur propre maison. C'est vraiment une grande différence. Les gens se disent qu'ils peuvent avoir une maison du gouvernement sans avoir rien à payer, si ce n'est un loyer mensuel. Mais le fait d'avoir sa propre maison et sa propre hypothèque, c'est complètement différent. Je serais curieux de savoir si, dans les réserves, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir être indépendants et à vouloir acheter leur propre maison.

M. Willmot : J'ai l'impression que oui. Je l'ai personnellement constaté. Les gens veulent quelque chose de différent. Ils veulent faire construire une maison dont ils puissent être fiers. La fierté d'être propriétaire, ça fait toute la différence. Elle est palpable. M. Cameron et moi, nous nous sommes rendus dans de nombreuses communautés au fil des ans. Et cette fierté d'être propriétaire, on la sent chez les gens qui ont leur propre maison parce qu'ils savent qu'ils pourront la transmettre à leurs enfants. Ils sont fiers de faire fructifier leur investissement. Je l'ai constaté, en effet.

M. Cameron : Permettez-moi d'ajouter, sénateur, que lorsque nous commençons des discussions avec des communautés des Premières Nations, nous essayons de déterminer les besoins en logements pour l'ensemble de la réserve, ainsi que le pourcentage d'occupants de logements locatifs et le pourcentage de propriétaires-occupants. Nous essayons de combler les lacunes. Notre Programme de prêts résidentiels destinés aux réserves est conçu de façon à permettre aux simples particuliers de faire construire ou d'acheter une maison, d'en être le propriétaire réel et d'en tirer une certaine fierté. Mais il est aussi possible de faire construire des maisons à des fins locatives. Certaines communautés ont adopté la formule de la location-vente. Cela leur permet de construire 10 maisons et d'avoir 10 locataires. La communauté tire un revenu des loyers versés, et même si ça ne couvre pas complètement ses paiements de remboursement, elle accumule du capital. Autrement dit, la communauté se construit une solvabilité. Elle peut mettre le logement en location, et ensuite elle peut le mettre en location-vente.

Nous prenons en considération le parc de logements de la communauté pour déterminer si nous pouvons l'aider à satisfaire ses besoins, donc notre rôle ne se limite pas au Programme de prêts résidentiels destinés aux réserves. Nous essayons de voir avec elle comment on peut faire construire ces maisons, quels sont les besoins, et comment on peut faciliter l'installation des membres de la réserve dans ces logements. Tout cela se fait en parallèle avec d'autres programmes dispensés par la SCHL, conformément aux articles 95 et 10, qui sont en vigueur depuis déjà quelque temps.

Le sénateur Moore : Je vous remercie, messieurs, de comparaître devant notre comité aujourd'hui. Pour chacun de vos deux programmes, le demandeur de prêt doit avoir un certificat de possession émis par le ministre, n'est-ce pas?

M. Cameron : Généralement, nous demandons un titre ou un droit sur une parcelle de terrain. Ça peut être un certificat de possession. C'est sans doute ce qui est le plus courant en Ontario et dans le reste du pays.

Le sénateur Moore : J'aimerais savoir si ces certificats de possession ont une durée limitée. Sont-ils émis pour 10 ans, ou doivent-ils être valables pendant au moins toute la période d'amortissement de l'hypothèque?

M. Willmot : La Banque Royale n'exige pas de certificat de possession.

Le sénateur Moore : Ah bon?

M. Willmot : Non.

Le sénateur Moore : Bien. Si votre banque a obtenu une garantie du chef et du conseil d'une Première Nation et que ce chef ou ce conseil sont remplacés, la garantie initiale reste-t-elle intacte ou le nouveau chef peut-il en raccourcir la durée ou la modifier?

M. Willmot : Que je sache, la résolution du conseil de bande qui accompagne notre garantie a toujours été respectée par un nouveau conseil.

Le sénateur Moore : Et c'est ce que vous avez constaté aussi, monsieur Cameron?

M. Cameron : Oui, c'est la même chose. J'ajouterai qu'il y a eu des cas où un nouveau chef élu et son conseil ont demandé, avant d'émettre une nouvelle garantie ou une nouvelle résolution du conseil de bande à cet effet, d'examiner le programme afin d'être sûrs qu'il leur convenait. Dans ce cas-là, nous leur présentons le programme, nous leur expliquons en quoi consiste la garantie, et cetera, afin qu'ils comprennent bien comment cela fonctionne, et nous les accompagnons tout au long du processus.

À propos de ce que disait M. Willmot, je peux vous assurer que notre programme est extrêmement populaire auprès des chefs et des conseils et de leurs successeurs, surtout en Ontario, parce qu'il offre à leurs membres un autre moyen d'avoir accès à des capitaux.

Le sénateur Moore : Donc, vous les rencontrez pour leur expliquer en quoi consiste le programme, et cetera?

M. Cameron : Oui.

Le sénateur Moore : Mais ils savent qu'ils ne peuvent pas le modifier. Vous leur expliquez comment fonctionne le programme, mais ils savent qu'ils ne peuvent rien changer.

M. Cameron : À n'importe quel moment nous pouvons renégocier une modalité ou une autre. Ce n'est pas coulé dans le béton. La garantie est valable jusqu'à l'échéance du prêt — et ça, ça ne change pas —, mais on peut modifier une modalité en particulier au bout de trois ou quatre ans, compte tenu des besoins de la communauté. Par exemple, si le coût de construction moyen augmente soudain et qu'il faut relever le maximum pouvant être accordé à un emprunteur, nous pouvons facilement changer ce genre de chose.

Ce qui est important, c'est qu'à chaque changement de chef, de conseil ou de personnel de la commission du logement, nous soyons là pour leur expliquer en quoi consiste le programme, pour qu'ils soient à l'aise avec.

Le sénateur Moore : Certaines modalités de votre programme permettent de sauter un paiement ou au contraire de le doubler, et j'aimerais savoir, monsieur Willmot, si les gens s'en prévalent.

M. Willmot : Bien sûr.

Le sénateur Moore : Quel pourcentage?

M. Willmot : Ce qui distingue nettement notre programme de celui de la Banque de Montréal, c'est que le nôtre est vraiment une hypothèque, et que toutes les options offertes aux clients qui habitent en dehors des réserves sont aussi offertes aux particuliers qui habitent dans les réserves.

Si, en plein mois de décembre, votre chauffage tombe en panne, vous pouvez sauter un paiement pour le faire réparer. Vous en avez le droit. Il n'y a pas beaucoup de gens qui s'en prévalent, mais ça arrive.

Ce que le client peut négocier, ce sont les modalités et la durée d'amortissement de l'hypothèque, ainsi que le montant des remboursements. Il en discute avec son banquier pour s'assurer qu'il lui restera, à lui et sa famille, suffisamment de revenu disponible. Notre objectif est d'aider la famille à rester dans la maison et à se constituer un patrimoine.

Le sénateur Moore : Parfait. Vous avez donné l'exemple de la chaudière qui tombe en panne, mais à qui s'adresse le propriétaire de la maison pour pouvoir sauter un paiement? Avez-vous une succursale ou un comptoir bancaire sur la réserve? À qui doit-il s'adresser pour pouvoir sauter un paiement?

M. Willmot : Il ne faut pas oublier que si la personne saute un paiement, la somme due est ajoutée à la fin de la période d'amortissement.

Le sénateur Moore : C'est exact.

M. Willmot : Donc, il va voir son banquier pour négocier. Celui-ci n'en informe pas nécessairement le garant, c'est vraiment une question de relations entre la famille et son banquier.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie, messieurs, de nous avoir présenté des exposés fort instructifs. Je me réjouis que ce programme fonctionne aussi bien, même si vous dites avoir eu quelques problèmes, notamment en ce qui concerne les paiements de remboursement. Dans l'ensemble, je constate que ça marche bien, et depuis un certain nombre d'années déjà.

Pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe en cas de forclusion ou de défaut de paiement?

M. Willmot : Dans le cadre du partenariat, c'est à nous qu'incombe la responsabilité de surveiller que les remboursements sont effectués régulièrement. C'est nous qui l'assumons, pas le garant. Certes, nous informons ce dernier si un client est en retard de plus de 30 jours — nous lui envoyons un avis —, mais c'est avec le client que nous travaillons. L'objectif, comme je l'ai dit, est de permettre à la famille de rester dans la maison. Des options sont offertes à la Première Nation si elle doit intervenir pour, par exemple, aider la famille à payer ses versements en retard. Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, nous commençons à voir des maisons qui sont remises en vente, et si quelqu'un perd son emploi, c'est peut-être le moment pour lui de mettre sa maison sur le marché pour récupérer sa mise.

Je n'ai jamais eu de cas de ce genre, mais il arrive souvent que la Première Nation prenne possession de la propriété et l'ajoute à son parc de logements à louer. Je n'ai jamais eu de cas de forclusion ou de réclamation de la garantie. Nous avons toujours réussi à intervenir rapidement pour trouver une solution pour le client.

M. Cameron : Nous procédons d'une façon assez similaire. Nous faisons des rapports réguliers, et chaque mois, la succursale locale fournit un rapport détaillé pour chaque emprunteur — le montant de ce qui reste impayé à la fin de chaque mois. Le rapport indique également tout paiement en retard, et depuis combien de temps. Si le retard est de plus de 30 jours, la banque, comme l'a dit M. Willmot, contacte le client pour essayer de trouver une solution. S'il y a d'autres problèmes ou d'autres retards, nous contactons également la commission du logement afin d'en savoir davantage sur les difficultés du client et d'essayer de l'aider. Tant que les retards ne dépassent pas 90 à 120 jours, la banque essaie de trouver une solution avec la commission du logement, le chef et le conseil.

J'ai eu des cas où la Première Nation a décidé d'assumer le remboursement du prêt et de permettre à l'ancien propriétaire de louer la propriété. Je dirai cependant que la Première Nation et la banque prennent toutes les précautions pour que le client soit en mesure de payer, car nous ne voulons pas que le chef et le conseil de la Première Nation s'exposent à des risques en donnant une garantie alors que l'emprunteur n'est pas admissible. Nous partons du principe que le client a la capacité de rembourser. Nous surveillons régulièrement les remboursements, et, en cas de problème, nous collaborons étroitement avec la commission du logement et éventuellement le chef et le conseil pour trouver une solution.

Le problème auquel nous nous heurtons souvent, cependant, c'est l'exécution d'une décision, car il est évident que ni le chef ni le conseil ne veulent chasser une famille de leur maison. Comme l'a dit M. Willmot, la banque est parfaitement consciente de la hiérarchie décisionnelle au sein d'une Première Nation. Mais la commission du logement a-t-elle le pouvoir d'obliger le propriétaire ou le locataire à payer son hypothèque ou son loyer, par exemple? Est-elle indépendante du chef du conseil, sinon ça devient un problème beaucoup plus politique? C'est pour cela qu'il est important que notre banque sache comment fonctionne la Première Nation, pour être en mesure d'offrir un programme ou un financement qui répond réellement aux besoins, tout en évitant ce genre de situation.

La sénatrice Beyak : Je suis très impressionnée. C'est vraiment quelque chose d'intéressant pour les Premières Nations. Il n'y a rien de tel que de posséder sa maison.

Le sénateur Meredith : J'aimerais poser une petite question supplémentaire au sujet des revenus autonomes des Premières Nations, sachant que certains de ces revenus proviennent d'activités commerciales. D'où vos clients tirent-ils leurs revenus? De l'aide sociale? D'activités commerciales? De leur propre entreprise? En cas de défaut de paiement, si vous devez aller rencontrer le chef et le conseil pour trouver une solution, il est important de savoir d'où proviennent les revenus du client.

M. Cameron : Bien sûr, il existe toutes sortes d'emplois. Certaines personnes travaillent pour le chef et le conseil, d'autres sont des entrepreneurs, d'autres encore travaillent en dehors de la réserve, mais vivent dans la réserve. Bref, il y a toutes sortes de situations différentes, et il n'existe pas de solution unique. La banque prend en considération le revenu de la personne. RBC, tout comme BMO, vérifie si la personne est exonérée d'impôt, et si c'est le cas, nous ajustons son revenu à la hausse pour qu'elle soit traitée de la même façon qu'un autre client. Nous examinons sa capacité de rembourser, tout comme nous le ferions pour un client habitant en dehors des réserves. Et, compte tenu du niveau de revenu, qu'il provienne d'un emploi, d'une activité commerciale ou d'une entreprise, nous faisons notre évaluation.

M. Willmot : C'est la famille qui devient le créancier hypothécaire, c'est elle que la banque déclare admissible. Avoir une activité rémunératrice, une source de revenu régulier, est donc un facteur clé.

J'ai la chance de ne jamais avoir dû procéder à une forclusion. Je n'ai jamais eu à aller jusque-là. Mais je sais que c'est une possibilité. Comme je l'ai dit, notre objectif est d'aider la famille à rester dans la maison. Si, pour quelque raison que ce soit, la famille perd sa source de revenu — l'emploi disparaît ou un autre événement se produit —, elle doit prendre une décision, y compris celle de vendre la maison et d'opter pour un logement locatif. C'est dire que, tout comme nous le ferions pour un autre client, nous tenons compte de la réputation de la famille et de sa capacité de rembourser avant de décider d'accorder le prêt.

Le sénateur Wallace : Messieurs, j'ai écouté attentivement vos exposés sur le financement de la construction domiciliaire par vos deux banques, et je constate que c'est une expérience positive à la fois pour BMO et pour RBC. C'est réconfortant, et je suis ravi d'apprendre tout ça.

Nous avons entendu un certain nombre de témoins, et, d'après ce que j'ai compris, la pénurie de logements qui sévit dans certaines réserves est due principalement à l'insuffisance des capitaux mis à la disposition de ceux qui ont besoin de trouver un logement dans les réserves.

Pourriez-vous me dire, l'un et l'autre, quel est l'obstacle principal qui empêche le secteur privé d'investir davantage dans la construction résidentielle, ce qui serait pourtant souhaitable si l'on veut atténuer voire résorber la crise du logement? Je sais qu'il y a un certain nombre d'obstacles, mais j'aimerais savoir quels sont les principaux, en vue de la rédaction de notre rapport final.

M. Willmot : De mon point de vue, le logement n'est qu'un maillon de toute la chaîne. Pour pouvoir demander un prêt résidentiel ou une hypothèque, il faut avoir un emploi rémunérateur. Par conséquent, la création d'emplois, l'expansion économique, le développement des infrastructures de la communauté et l'accès au capital sont tous des facteurs qui accélèrent la construction résidentielle dans la communauté.

Ce que j'observe, c'est que, au fur et à mesure que vous vous éloignez des grandes villes et que vous allez vers le nord, les possibilités d'emploi se raréfient et nos chances d'utiliser ce programme dans les communautés sont de plus en plus limitées.

Je veux dire par là qu'il faut examiner la situation dans son ensemble, car tout se tient : l'éducation, le développement économique et la création d'emplois. Ce sont là les conditions qui favorisent l'accès à la propriété et la création de communautés dynamiques. Il ne faut pas examiner la question du logement séparément, il faut essayer de comprendre la situation d'ensemble, ses enjeux et ses défis.

Personnellement, j'estime que c'est gratifiant de contribuer au développement de l'économie canadienne, d'occuper un emploi rémunérateur et d'en tirer une certaine fierté. Personne ne veut vivre de l'aide sociale. Tous ceux que je connais veulent avoir un emploi rémunérateur, contribuer à l'économie, avoir des conditions de vie décentes, et participer à la société. Il ne faut surtout pas examiner ce problème séparément, c'est l'ensemble des besoins qu'il faut s'employer à satisfaire.

M. Cameron : C'est vrai qu'il ne faut pas examiner ce problème séparément, mais en ce qui concerne la crise du logement, c'est vraiment le message que j'entends constamment dans les communautés autochtones du Canada. Il faut vraiment prendre la mesure des besoins. S'agissant des logements dont le financement est assuré par la Première Nation, on pourrait envisager de le confier à une banque, de sorte que la Première Nation s'occuperait de loger les plus démunis ou d'autres groupes à faible revenu. Cela reviendrait tout simplement à redéployer les capitaux disponibles, dans le cadre d'un plan stratégique qui engloberait l'ensemble des besoins d'une communauté, aussi bien dans le domaine du logement que dans celui des infrastructures en général.

M. Willmot a parlé de l'éducation et du développement économique. Je rencontre constamment des Premières Nations qui cherchent le moyen de renforcer leur société de développement économique afin de mieux tirer parti des débouchés possibles, de façon à créer des emplois, à faire fructifier le capital et, par ricochet, à permettre aux gens de devenir propriétaires de leur logement. Il faut donc commencer par définir un plan stratégique avec la communauté de la Première Nation, dans lequel les besoins de cette dernière sont clairement définis, car tout ça se tient : l'éducation, le développement économique et l'emploi, et c'est comme ça que les gens acquièrent l'autonomie nécessaire pour effectuer leurs remboursements.

Le sénateur Wallace : Dans le secteur bancaire, tout gravite autour de l'évaluation du risque. C'est en fonction du risque que vous décidez d'accorder ou non le prêt demandé. Quand il n'y a pas de risque, vous n'hésitez pas à l'accorder. Si, par exemple, le gouvernement fédéral décidait d'offrir davantage de garanties aux bandes et aux conseils, pour la construction de logements aussi bien que d'infrastructures, il n'y aurait plus de risque pour les banques et elles pourraient plus facilement accorder des prêts. Est-ce que ça réglerait une grande partie du problème? On sait que la solvabilité des bandes est parfois un problème, et que c'est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas leur accorder un financement direct. On sait aussi que le gouvernement ne donne pas suffisamment de garanties.

M. Cameron : C'est difficile de généraliser quand on parle des communautés des Premières Nations, car on sait bien qu'elles ne sont pas toutes dans la même situation. Si on fait une analyse au cas par cas, on se rend compte que ce n'est pas nécessairement le manque de garanties et de capitaux qui est la source du problème. Je crois plutôt qu'il faut dès le départ jouer la carte de la concertation afin que la Première Nation et les divers paliers de gouvernement s'entendent sur les besoins de la communauté et sur le rôle que peuvent jouer les banques et les différents paliers de gouvernement. J'hésiterais beaucoup à appliquer une solution unique, sans connaître les besoins particuliers d'une communauté ou d'une région. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que notre succès, nous le devons surtout aux bonnes relations que nous entretenons avec la Première Nation, avec ses consultants et avec les divers paliers de gouvernement pour l'élaboration d'un plan à long terme, et moins à notre décision d'accorder le prêt.

Le sénateur Wallace : Savez-vous s'il y a encore beaucoup de réserves qui n'ont pas de plan à long terme? Quand il n'y a pas de planification à long terme, il me semble que cela n'encourage pas une banque à prêter de l'argent pour financer la construction de logements dans les réserves?

M. Cameron : Ça arrive, mais pour en revenir à ce que M. Willmot a dit et répété, l'une de nos responsabilités, en tout cas c'est la mienne, consiste à faire profiter la Première Nation de mes connaissances et de mes compétences dans divers domaines, par exemple en lui expliquant ce qu'a fait une autre Première Nation dans le même genre de situation, ou en lui conseillant de se doter de services de gestion de projet ou de services de consultants pour mener à bien ce travail de planification. Mais tout dépend des besoins. J'espère avoir répondu à votre question.

M. Willmot : J'aimerais aussi rappeler que les programmes dont nous discutons aujourd'hui n'exigent pas de garantie du gouvernement fédéral. Ce sont des programmes autonomes, qui ne font pas intervenir la SCHL. Nous ne demandons pas de garantie du gouvernement fédéral. Comme l'a dit M. Cameron, tout repose sur les relations que nous entretenons avec la Première Nation.

Nous travaillons avec des communautés qui veulent se doter d'un plan à long terme, mais un grand nombre nous ont dit qu'elles n'en voulaient pas, qu'elles préféraient continuer de construire leurs logements avec les mêmes programmes qu'aujourd'hui, c'est-à-dire l'aide de la SCHL et une garantie du gouvernement fédéral. Que je sache, nous n'avons pas de difficultés à faire construire des logements de la SCHL au moyen d'une garantie du gouvernement fédéral, mais ce n'est qu'un mécanisme parmi d'autres. J'estime que le chef et le conseil, ou la commission du logement, devraient pouvoir choisir, parmi la gamme de produits et services qui leur sont offerts, ceux qui répondent le mieux aux besoins de leur communauté.

Peut-on faire plus? Bien sûr. Vous avez parlé de crise. C'est une crise d'une très grande ampleur. Il va falloir construire des dizaines voire des centaines de milliers logements. Quant aux logements actuels, il y en a beaucoup qui ont grand besoin d'être rénovés. Ça crève les yeux. Certes, nous avançons, mais la crise est toujours là, bien présente.

Un sénateur a parlé des jeunes et de la démographie à la hausse, et c'est vrai que ça nous offre des occasions extraordinaires de construire encore plus de logements. Et c'est ce que nous allons continuer de faire, pour développer notre parc domiciliaire, en faisant appel à tous les outils et programmes qui sont mis à la disposition de la communauté. Lorsque celle-ci n'est pas au courant de l'existence de ces programmes, nous nous faisons un devoir de l'en informer.

Le sénateur Wallace : Lorsque la bande et le conseil sont solvables, je pense que les banques sont tout à fait disposées à leur prêter de l'argent. C'est comme ça que ça marche, n'est-ce pas?

M. Willmot : Oui.

Le sénateur Wallace : L'important, c'est la solidité financière des bandes et des conseils.

M. Willmot : Oui.

Le sénateur Watt : Je vous remercie de vos déclarations. Il y a un très grand nombre d'Autochtones au Canada qui n'ont toujours pas de logements, à la suite des inondations. J'en connais personnellement plusieurs qui sont encore installés dans un hôtel. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Que fait votre banque dans des situations d'urgence comme celle-ci, quand les gens ont besoin non seulement de logements, mais de toutes sortes d'infrastructures communautaires?

Existe-t-il un service, dans votre banque, qui puisse venir en aide à la communauté sinistrée, suite à une inondation ou à une autre catastrophe, et qui puisse en même temps collaborer avec le gouvernement du Canada et plus particulièrement le ministère des Affaires autochtones? Pourriez-vous me préciser quel est votre champ de responsabilité à cet égard?

M. Cameron : Sans trop entrer dans les détails, je peux vous parler d'un cas où la banque aide une communauté des Premières Nations à remettre en état des logements qui ont été inondés, et à faire les travaux nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise. Cela inclut également des travaux de construction.

Nous apportons notre aide à la communauté, et nous travaillons en étroite collaboration avec Affaires autochtones et avec le consultant de la Première Nation à la remise en état des logements. En collaboration avec le ministère, qui a un budget pour les nouvelles constructions, nous aidons à répondre aux besoins.

D'après ce que nous a dit la Première Nation, le pire est de ne pas avoir les infrastructures adéquates pour éviter que ça ne se reproduise. Elle est en train de faire une analyse des dépenses occasionnées par les deux dernières inondations pour les comparer au coût de construction d'une infrastructure de prévention, ce qui lui éviterait d'avoir à engager à nouveau de telles dépenses. À mon avis, c'est ça qui est important. Lorsqu'une communauté est exposée à des risques d'inondation, il faut qu'elle puisse entreprendre de vastes projets d'infrastructures pour prévenir les inondations et éviter de devoir financer l'évacuation et ensuite le retour des membres dans la communauté, sans parler de l'impact délétère que de telles inondations peuvent avoir sur le développement économique et les activités de la Première Nation.

Nous collaborons donc étroitement avec la communauté pour mettre au point une stratégie de construction d'infrastructures durables pour éviter d'autres inondations.

M. Willmot : Sénateur, notre expérience est tout à fait similaire. Nous avons établi de solides relations avec les communautés, et nous intervenons dès qu'elles font appel à nous, ce qui arrive souvent. Que ce soit pour apporter une aide humanitaire ou pour offrir un financement, RBC n'a jamais hésité à intervenir lorsque cela était nécessaire, surtout en situation d'urgence.

Lorsqu'une communauté est inondée, notre rôle consiste à dégager les capitaux nécessaires pour lui venir en aide. Les circonstances varient d'une communauté à l'autre, par conséquent je ne peux pas vous donner une réponse générale.

Nous sommes prêts à dégager les fonds nécessaires et à collaborer avec le client à l'élaboration d'un plan qui lui permettra de sortir de la crise ou de trouver une solution au problème.

Quand on parle d'inondations, on pense tout de suite à la construction de digues. Les gens se demandent parfois s'il faut vraiment investir dans ce genre de projet. Ce n'est pas moi qui prends ce genre de décision, ni la banque d'ailleurs. Ce sont nos clients et leurs partenaires, et s'ils décident d'entreprendre les travaux de construction et qu'ils ont besoin de notre aide, nous leur fournissons les ressources nécessaires.

Le sénateur Watt : Lorsqu'il faut décider d'un nouvel emplacement, parce qu'il arrive que certaines communautés doivent être déplacées, est-ce que la banque, dans le but de rentabiliser son investissement, tient à participer au choix de cet emplacement afin de s'assurer qu'il est plus sur les hauteurs?

Une relocalisation exige beaucoup de capitaux, et je suppose que la banque demande alors des garanties au gouvernement, surtout si la communauté a déjà été inondée dans le passé, même si c'était ailleurs.

Avez-vous une influence sur le gouvernement en ce qui concerne le choix de l'emplacement, étant donné tous les capitaux que vous allez investir dans la communauté?

M. Willmot : Pas que je sache, sénateur.

M. Cameron : Non.

Le sénateur Watt : Non quoi?

M. Willmot : Je n'ai aucune influence sur la décision. Ce n'est pas mon rôle.

Le sénateur Watt : Y a-t-il quelque chose que notre comité pourrait indiquer dans son rapport, à propos de cette question? Notre rapport sera soumis à un ministre, et peut-être même à plusieurs ministres. Avez-vous des suggestions sur ce qu'il faudrait faire en cas d'urgence? S'il n'y a pas de mécanismes en place, nous allons toujours nous retrouver en face des mêmes problèmes. Les gens qui n'ont plus de logement vont rester dans les hôtels, et ils n'auront probablement pas assez d'argent pour se retrouver un logement.

M. Cameron : C'est une question importante : la banque a-t-elle une influence sur le ministère des Affaires autochtones? Non. En revanche, j'aimerais bien que notre collaboration s'intensifie de façon à ce que, lorsque des situations d'urgence se produisent, que ce soit des inondations dans les zones de faible altitude ou d'autres catastrophes, nous puissions rencontrer des représentants du ministère pour élaborer un plan de relocalisation à long terme.

Il faut y réfléchir sérieusement et prévoir un processus de mise en œuvre réaliste. Pour être franc, je vous dirai que je serais ravi d'avoir l'occasion de discuter de tout cela avec des représentants du ministère des Affaires autochtones et des divers paliers de gouvernement, afin de trouver des solutions qui répondent aux besoins de chaque communauté, car ce n'est pas toujours ce qui se passe.

Le sénateur Watt : Pourriez-vous tous les deux nous faire parvenir des suggestions par écrit sur ce qu'il faudrait inclure dans le rapport?

M. Cameron : Personnellement, je vous ferai parvenir une réponse écrite dès que j'aurai eu l'occasion d'en parler avec mes collègues. Il serait tout à fait souhaitable que la banque puisse avoir ce genre de discussion. Ensuite, on verra bien.

M. Willmot : Je suis prêt à faire la même chose.

Je vais vous parler d'un cas réel. Je ne citerai pas le nom de la communauté, mais elle est entourée de digues. Je m'y suis trouvé au moment de la fonte des neiges, et j'ai vu un iceberg à une vingtaine de pieds au-dessus de ma tête, qui flottait sur la rivière. La communauté ne devrait pas être implantée à cet endroit. En plus, en été, c'est un lieu qui est envahi par les moustiques. Il est clair qu'elle ne devrait pas être implantée à cet endroit. Elle devrait être déplacée vers un endroit plus approprié. Et elle n'est pas la seule.

Est-ce à moi de prendre cette décision? Non. Est-ce que je peux intervenir à titre d'investisseur? Non.

Notre objectif, et M. Cameron l'a déjà mentionné, c'est de travailler avec nos partenaires et avec notre client, compte tenu des outils disponibles. S'ils décident de s'installer à tel endroit, c'est leur choix, et notre rôle, c'est de les aider.

M. Cameron : Puis-je vous demander, monsieur le président, de me donner un peu plus de précisions sur ce que vous attendez de BMO? Cela m'aidera à préparer une réponse et à vous la faire parvenir.

Le président suppléant : Nous allons demander à la greffière de préparer quelque chose à partir de la transcription, et cela vous aidera à formuler votre réponse.

M. Cameron : Quelque chose de très succinct, simplement pour situer le contexte. Je vous remercie d'avance.

Le président suppléant : Je vais poser une question, après quoi, nous passerons à la deuxième ronde.

Monsieur Cameron, j'aimerais que vous nous parliez un peu du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations. Vous travaillez chez BMO, et nous savons qu'une cinquantaine de prêts ont été accordés dans le cadre de ce programme efficace et novateur, semble-t-il.

Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, seulement 50 prêts ont été accordés jusqu'à présent? Comment ça se passe exactement avec les administrateurs de ce fonds? Est-ce qu'il y a des raisons d'être optimiste?

M. Cameron : Tout à fait. Mon collègue a eu des discussions avec les représentants du Fonds dès sa création. La Banque de Montréal considérait que c'était une nouvelle occasion d'apporter sa contribution à un autre programme. Nous sommes en train d'officialiser notre politique quant à notre participation au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations. Pour nous et notre communauté — qui est l'une des plus importantes au Québec —, ce fonds a permis de financer non seulement un programme de prêts résidentiels, mais aussi la construction de 20 nouvelles unités unifamiliales. Ça nous a permis, à nous et à notre banque, d'aller un peu plus loin que ce que nous faisons normalement.

Les discussions se poursuivent. Nous collaborons étroitement avec les administrateurs de ce fonds. Pourquoi n'ont- ils accordé que 50 prêts? C'est peut-être dû aux modalités du fonds; les formalités sont peut-être un peu plus longues que s'il s'agissait d'un fonds autonome. Nous devons respecter certaines formalités avec les programmes de la SCHL, et comme ils doivent en faire autant, cela prend du temps. Mais je pense que c'est pratiquement terminé et que maintenant, il ne reste plus aux administrateurs du fonds qu'à débloquer les financements en fonction des paramètres établis avec la communauté.

En résumé, cela prend peut-être un peu plus de temps, mais je pense que le fonds devrait recevoir plus de financement. Je ne sais pas exactement. Peut-être aussi que certaines communautés ne sont pas au courant de l'existence de ce fonds, ou qu'elles pensent ne pas y être admissibles. C'est donc à nous de les en informer quand nous discutons avec leurs représentants.

Le président suppléant : Monsieur Willmot, vous n'y participez pas. Pour quelle raison?

M. Willmot : Vous avez raison, sénateur, nous n'y participons pas pour l'instant. Nous sommes en négociation. Je considère que le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations est un outil supplémentaire pour le conseil. La tendance est très nette, elle est à la hausse. L'avantage du fonds, c'est qu'il permet de mettre en place le genre de dispositif que M. Cameron et moi-même souhaitons pour chaque communauté, c'est-à-dire des politiques et une commission du logement. Le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations est un excellent moyen pour les communautés de se doter de ces capacités, et par conséquent je trouve que c'est une bonne idée.

Je crois savoir que la Banque Royale poursuit ses négociations avec les administrateurs du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations, et peut-être qu'un jour nous participerons davantage à ce programme que je crois très prometteur. Personnellement, je pense que, même si nous n'avons accordé que 50 prêts jusqu'à présent, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg et qu'il va y en avoir bien d'autres. C'est ce que je pense.

Le président suppléant : Parfait. Merci beaucoup.

Le sénateur Meredith : Messieurs, il y a environ 612 bandes au Canada aujourd'hui, mais ce chiffre varie constamment en raison des scissions ou autres.

Monsieur Cameron, vous avez parlé de 73 programmes, et vous avez dit que l'encours des hypothèques s'élevait à 90 millions de dollars.

Monsieur Willmot, vous avez parlé de 85 programmes, et d'un encours de 180 millions de dollars.

Je compare les chiffres des deux banques et je me demande si les critères de BMO sont plus sévères que ceux de RBC en ce qui concerne l'approbation des prêts. Pouvez-vous me le dire? Ensuite, je vous mettrai au défi avec une autre question.

M. Cameron : Je vous dirai que nos deux banques sont en concurrence l'une contre l'autre constamment, et que de ce fait, il y a des communautés qui ont accès à nos deux programmes.

Le sénateur Meredith : Manifestement, il a pris les devants.

M. Cameron : RBC est un acteur important sur le marché autochtone. Mais nous avons un léger avantage en ce sens que nous avons un bureau national qui guide nos démarches dans tout le pays.

Pour répondre précisément à votre question, je dirai que nous adaptons notre programme en fonction des besoins de la communauté. Nos formalités de demande sont assez uniformisées. Pour notre programme, nous exigeons une mise de fonds de 5 % ou une partie du capital de financement. Nous estimons qu'avec ça, l'emprunteur apporte une contribution suffisante pour se sentir propriétaire du logement et en tirer une certaine fierté. Nous voulons nous assurer qu'il a les ressources nécessaires pour faire une mise de fonds.

C'est peut-être à ce niveau-là que nos critères sont différents de ceux de la Banque Royale, et à part quelques autres petites différences, il n'y a rien de bien tangible. À mon avis, c'est simplement dû au fait que, dans une communauté donnée, la Banque Royale peut être plus présente ou avoir plus de succursales que la Banque de Montréal, et l'inverse dans une autre communauté. Ça dépend aussi de la configuration du réseau de succursales et de l'emplacement des communautés.

M. Willmot : Permettez-moi d'apporter une légère correction, sénateur, mais l'encours de notre programme dépasse tout juste 120 millions de dollars. C'est un programme qui marche très bien, mais nos critères d'admissibilité sont exactement les mêmes. Nous appliquons les mêmes ratios que pour d'autres prêts, qu'il s'agisse du coefficient du service de la dette brute ou de l'amortissement total de la dette. Notre personnel fait preuve d'une grande rigueur et d'une grande prudence pour qualifier ces familles.

Comme je l'ai dit, il s'agit d'une hypothèque, et pas d'un prêt à taux fixe. Par conséquent, l'emprunteur profite de toutes les facilités offertes par une hypothèque, et il y en a toujours de nouvelles.

Nous observons la même rigueur, ni plus ni moins, que s'il s'agissait d'un emprunteur habitant en dehors des réserves. Notre objectif a toujours été de traiter tous les clients de la même façon, pour qu'ils aient le même accès aux ressources disponibles et aux services de personnes expérimentées. Ça fait partie de notre devise. Nous sommes présents dans la communauté pour aider les clients à subvenir à leurs besoins, que ce soit les besoins d'une famille ou ceux de l'ensemble d'une communauté. Nous observons toujours la même rigueur.

Le sénateur Meredith : Mais c'est payant, puisqu'au cours des dernières années et même des derniers trimestres, RBC a engrangé des profits records, tout comme BMO d'ailleurs. Mais là, manifestement, ils vous ont devancés, alors vous allez devoir faire le nécessaire pour rattraper votre retard.

Cela dit, quand je vois que cette crise perdure, que des communautés très défavorisées comme Attawapiskat sont en plus dévastées par des inondations, je me demande ce que vos deux banques, en tant qu'entreprises citoyennes, font réellement dans le domaine de l'éducation, pour mieux informer les membres des autres communautés du pays des possibilités qui leur sont offertes de réaliser leur rêve de posséder une maison? Que faites-vous à cet égard? Que leur donnez-vous en retour — je ne parle pas de vos profits, car rien ne se fait sans espoir de profit, et je sais bien que vous devez accorder un minimum d'hypothèques pour que le programme soit rentable. Non, je veux parler d'autre chose, de ce que la RBC fait en contrepartie pour ces communautés et ces gens qui sont marginalisés, afin qu'ils aient une meilleure chance de s'en sortir. Que font vos deux banques à cet égard?

M. Cameron : Permettez-moi de vous donner quelques précisions sur la perspective et l'orientation stratégique de la Banque de Montréal.

Nous avons l'appui total de notre PDG. En fait, Bill Downe s'est rendu avec le chef Atleo dans les différentes communautés que nous desservons, et je peux vous dire que le marché autochtone est une des grandes priorités de BMO. Par l'intermédiaire du Conseil canadien pour le commerce autochtone, nous participons, depuis sa création, au programme des Relations autochtones progressives (RAP), et nous sommes considérés comme un établissement modèle en ce qui concerne nos relations avec les entreprises autochtones. Ça repose sur les quatre piliers. Et pour la quatrième année consécutive, la Banque de Montréal a reçu le prix RAP de niveau or. Nous avons été le premier établissement financier à recevoir ce prix qui souligne notre participation aux infrastructures bancaires et aux activités de la communauté. Nous contribuons à diverses bourses d'études. Comme RBC, nous participons aux Capitaux pour la prospérité et l'entrepreneurship autochtones, le fonds CAPE, et à d'autres initiatives. Notre stratégie pour le marché autochtone se fonde sur une approche très globale.

Sans entrer dans les détails, je vous dirai que nous avons divers programmes de commandites, non seulement au niveau de la communauté, mais aussi avec les organisations gouvernementales. Nous jouons un rôle important au sein de l'Association des agents financiers autochtones du Canada, au niveau national et au niveau régional, et au sein, bien sûr, du Conseil canadien pour le commerce autochtone.

M. Willmot : RBC est le seul établissement financier à avoir adopté le Défi aux entreprises de l'Assemblée des Premières Nations. Chaque année, nous adressons un rapport à l'APN qui s'intitule « Un chemin tracé ». Ce rapport s'articule autour de quatre grands piliers : le développement social et économique, la fourniture de biens et de services, l'accès aux capitaux et aux services financiers, et la volonté d'être un employeur de choix. Chaque année, nous adressons un rapport à l'APN sur nos réalisations et nos difficultés.

L'an dernier, RBC a généreusement versé plus de 2 millions de dollars pour financer des initiatives autochtones dans tout le pays. C'est la troisième année d'affilée que nous dépassons les 2 millions de dollars de subventions. À l'heure actuelle, nous nous intéressons principalement à l'emploi et à la formation. Comme nos collègues, nous avons des programmes de bourses d'études. Nous avons aussi un programme anti-décrochage et un programme de bourses d'études pour les Autochtones. Notre objectif est d'attirer des jeunes membres des Premières Nations dans le secteur financier.

Quand je vais voir les gens chez eux, dans les communautés autochtones, je demande souvent : « Qui fait des études en commerce? Qui fait des études en finance? » Et je n'ai pas beaucoup de réponses. C'est souvent parce que les jeunes ne connaissent pas d'autres jeunes qui ont choisi ces professions. Ils s'orientent plutôt vers les services sociaux, le droit et l'éducation, mais les choses commencent à changer. Ils sont de plus en plus nombreux à s'intéresser au commerce, à la finance et à l'administration, et nous les encourageons dans cette voie.

Le sénateur Meredith : Et les entrepreneurs? Que pouvez-vous nous dire de ceux qui essayent de démarrer une entreprise dans les réserves?

M. Willmot : Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre objectif est d'assurer à tous un accès égal aux ressources et aux compétences. Pour RBC, ce qui est prioritaire, c'est le transfert des connaissances et des compétences financières. C'est ce que nous faisons auprès d'un certain nombre de groupes au Canada, en l'occurrence en Ontario.

Par exemple, au moyen de commandites et d'autres subventions, nous contribuons aux Waubetek Business Awards, aux Nishnawbe Aski Awards et aux Toronto Aboriginal Business Association Awards. La semaine prochaine, je vais prendre la parole à la remise des TABA Awards, à l'occasion de l'Aboriginal Business Day, pour expliquer aux petits entrepreneurs ce qu'un banquier attend d'eux et ce qu'ils doivent attendre de leur banquier. Ça fait partie des choses que je fais pour essayer de faciliter les contacts. Pour une raison ou pour une autre, les gens sont souvent intimidés par les banquiers, et il n'y a vraiment pas de quoi. Nous sommes des êtres humains, et notre objectif est de voir nos clients réussir. Pour moi, c'est très important d'être capable de transférer mes connaissances et mes compétences à la communauté.

On nous dit souvent que nous avons un talent inné. Si c'est le cas, nous nous devons d'en faire profiter les autres. Pendant des années j'ai essayé de comprendre ce qu'était ce talent inné. Et au bout de 40 années dans le secteur bancaire, j'ai eu le déclic. Il y a une vingtaine d'années, je me suis dit qu'il fallait que je transmette ces connaissances, et c'est ce que je fais depuis. Je rencontre régulièrement des clients. On m'appelle constamment pour me demander : « Harry, que dois-je faire pour que le non devienne un oui et que je sois capable de travailler avec ces clients? ». Nous avons pas mal réussi sur ce plan-là.

Comme toujours, il y a encore beaucoup à faire, et c'est de l'ordre du possible. Mais au bout du compte, je suis très fier de RBC. Nous avons beaucoup de réalisations à notre crédit, surtout sur ce marché-là.

Le président suppléant : Vous êtes très éloquent, monsieur.

La sénatrice Raine : Votre enthousiasme me réjouit, et surtout votre vision de l'avenir, qui est tout à fait positive. C'est réconfortant.

J'aimerais adresser ma question aux deux témoins. Le Conseil de gestion financière des Premières Nations organise des formations en littératie financière ainsi que des programmes de certification. Êtes-vous au courant? Pensez-vous que ce soit une bonne chose?

M. Cameron : Permettez-moi de répondre à votre question, sénatrice. Il y a tout juste un an que je suis de retour dans les services bancaires pour les Autochtones, mais mon collègue Stephen Fay, qui est chef des services bancaires pour les Autochtones à l'échelle du Canada, travaille depuis le début avec l'Administration financière des Premières Nations. Nous collaborons avec un grand nombre de communautés dans le cadre de ce programme, et c'est Steve Fay qui a demandé à notre groupe des marchés financiers de planifier l'émission de l'emprunt. C'est une option intéressante pour la communauté.

On nous a dit que les conditions étaient parfois contraignantes, simplement en raison de la configuration du modèle. C'est vrai que ça peut présenter des difficultés, mais c'est un moyen efficace pour canaliser des capitaux vers les infrastructures des communautés des Premières Nations. Il semblerait toutefois que ça ne convient pas à toutes les communautés du Canada.

La sénatrice Raine : Ça vaut sans doute pour beaucoup de programmes, car les communautés sont bien différentes les unes des autres.

M. Cameron : Absolument.

La sénatrice Raine : Monsieur Willmot, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Willmot : Non.

La sénatrice Raine : S'agissant des prêts résidentiels, y a-t-il une différence entre le financement d'une maison traditionnelle et le financement d'une maison modulaire? Pensez-vous que le financement des maisons modulaires va se développer, surtout dans les communautés éloignées?

M. Cameron : Oui. Beaucoup de Premières Nations nous ont approchés parce qu'elles veulent construire des unités à moindre coût. Nous examinons ces demandes, et nous commençons tout juste à mettre sur pied quelque chose avec nos communautés, car il semble que ce type d'unités soit une bonne solution dans d'autres communautés.

M. Willmot : RBC finance elle aussi des maisons modulaires. Je reçois régulièrement des demandes, mais pas beaucoup. J'ai l'impression toutefois que c'est une tendance qui va s'accentuer, ne serait-ce que parce que ces maisons sont moins chères. À l'heure actuelle, je dirais que sur 100 hypothèques que nous avons consenties, il y en a peut-être une qui concerne une maison modulaire. Mais au cours de mes déplacements et de mes rencontres, j'ai pu constater que la tendance était en train de s'accentuer.

La sénatrice Raine : Si j'ai bien compris, le prêt maximum qui est accordé par la RBC est de 150 000 $?

M. Willmot : C'est exact, mais ça peut varier. Nous rencontrons le chef et le conseil, et c'est eux qui nous disent quels sont les maximums et les minimums qu'ils peuvent accepter. Récemment, nous avons dépassé exceptionnellement le plafond de 150 000 $ dans certaines communautés, mais tout le monde prend part à la décision.

Je pense que nous allons continuer de faire preuve d'une certaine flexibilité, car les coûts de construction d'une maison ont beaucoup augmenté depuis 15 ans. Pour l'instant, le plafond est à 150 000 $, c'est en quelque sorte la norme, mais nous faisons preuve d'une certaine flexibilité.

La sénatrice Raine : Avec une hypothèque de ce montant, vous pouvez construire une maison de quelle superficie?

M. Willmot : Je suis bien placé pour vous répondre, car je viens de construire une maison. C'est vrai que je l'ai construite moi-même, mais tout compris, ça m'a coûté 120 000 $ pour 1 300 pieds carrés.

La sénatrice Raine : Ça fait donc à peu près 100 $ le pied carré?

M. Willmot : Ça dépend. Dans le Nord, c'est très différent, et pour toutes sortes de raisons. Prenez, par exemple, la base sur laquelle vous construisez votre maison. Est-ce que vous voulez un sous-sol? Est-ce que vous allez faire des fondations? Est-ce que vous construisez sur de la roche? Les coûts de transport sont aussi très importants, et quand j'ai construit une maison sur l'île, à Parry Sound, ce n'était pas du tout la même chose que si je l'avais construite dans le centre de l'Ontario, où il faut transporter les matériaux par avion ou emprunter les routes d'hiver. Je pense qu'une maison de même superficie dans le Nord me coûterait 50 000 $ de plus.

La sénatrice Raine : Les produits que vous offrez ne sont qu'une partie de l'ensemble. Pour résoudre la crise du logement, il va falloir que les banques trouvent le moyen de financer davantage d'unités. Envisagez-vous de nouvelles façons de financer la construction de maisons modulaires et de permettre aux Premières Nations de construire des maisons modulaires dans les réserves?

Le sénateur Meredith : Si vous me le permettez, il faut aussi inclure les nouvelles technologies qui permettent de réduire les coûts et de fabriquer ces unités plus rapidement, afin de mieux répondre aux besoins?

M. Willmot : Tout à fait. Nous sommes au courant des innovations qui sont en préparation. Nous savons bien que la construction d'une maison traditionnelle n'est pas nécessairement la méthode de construction la plus efficiente, surtout dans le Nord et dans les communautés les plus isolées. Certains des matériaux utilisés aujourd'hui sont très sophistiqués si on les compare aux maisons à ossature de bois traditionnelles, et ils coûtent aussi moins cher. Nous sommes très au courant des nouvelles tendances et des nouveaux matériaux.

Nous acceptons de financer les maisons modulaires, c'est évident, si c'est ce que veut la communauté. Ce n'est pas à nous à lui imposer un type de maison ou une méthode de construction. Notre rôle consiste à fournir le financement et à nous assurer que la maison répond aux normes prescrites dans les codes.

M. Cameron : Nous observons les mêmes tendances. Je dirai même que certains bâtiments modulaires sont maintenant préfabriqués par des entreprises comme ATCO, que ce soit un bâtiment administratif ou un stade. J'en ai vu plusieurs exemples avec mes collègues, surtout en Alberta où ce produit coûte moins cher, et si c'est une communauté accessible uniquement par avion, ils n'ont pas besoin de faire la navette. Ça coûte cher quand même, mais c'est préassemblé. Les matériaux sont livrés sur le site, et on peut finir l'assemblage comme on veut.

Les communautés expérimentent d'autres façons de réduire les coûts de construction et de financement. C'est le cas avec des entreprises comme ATCO, qui construisent ce type de maison dans un environnement contrôlé.

Le sénateur Wallace : On nous a dit que la construction d'unités multifamiliales serait une bonne façon de régler, en partie, le problème de la pénurie de logements dans les réserves. Du point de vue du prêteur, pensez-vous que la construction d'unités multifamiliales risque de poser des problèmes?

M. Cameron : Voulez-vous parler d'unités abritant plusieurs familles?

Le sénateur Wallace : Oui, par opposition aux unités unifamiliales.

M. Cameron : Quelle était exactement votre question?

Le sénateur Wallace : En tant que prêteur du secteur privé, pensez-vous qu'il vous serait plus difficile de financer un plus grand nombre d'unités multifamiliales? Parce qu'elles seraient situées dans les réserves, pensez-vous que vous aurez des difficultés à en financer un plus grand nombre? Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Willmot : J'ai besoin moi aussi de précisions. Voulez-vous parler de maisons en rangée, par exemple, où plusieurs familles occupent le même bâtiment, mais ont chacune leur unité? C'est à ça que vous faites allusion?

Le sénateur Wallace : C'est une possibilité. Ça pourrait aussi être un immeuble à la verticale, un immeuble de six unités, plutôt que ce dont on parlait tout à l'heure, où chaque famille aurait sa propre unité indépendante.

M. Willmot : On a vu des constructions de ce genre dans la région de l'Atlantique. Il y en a aussi un peu en Ontario, mais pas beaucoup. Vous voulez savoir si c'est une tendance? Je n'en vois pas beaucoup, mais je sais que plusieurs communautés ont choisi cette solution, qui ne nous pose d'ailleurs aucun problème.

M. Cameron : Ma réponse est la même. On n'en voit pas encore beaucoup, mais ça suscite un certain intérêt parce que la construction d'un bâtiment de six unités permet de faire des économies d'échelle. Je discutais justement avec les membres d'une communauté qui envisage de construire un bâtiment de six unités, dans le but d'accueillir une certaine catégorie de la population qui est prête à vivre dans ce genre d'unités multifamiliales. Quand ils quittent l'école, les jeunes qui viennent de trouver leur premier emploi n'ont besoin que d'un petit appartement d'une ou deux Chambres, et c'est à ces gens-là que s'adresserait ce bâtiment de six unités. J'en ai vu quelques exemples, et je pense que c'est une solution à laquelle songent certaines communautés. Tout dépend de leurs besoins, car bien évidemment, vous ne pouvez pas loger des aînés dans un bâtiment de trois étages abritant six unités.

Le sénateur Watt : Toujours sur le même sujet, j'aimerais revenir sur l'exemple que vous avez donné de la maison que vous avez construite vous-même. Je voudrais simplement signaler que, dans le Nord, ça coûte beaucoup plus cher. Par exemple, un bungalow de trois Chambres coûte entre 350 000 $ et 400 000 $ dans ma région. C'est à cause du coût élevé des transports et des matériaux. Or, dans ce genre de communauté, les gens ont un pouvoir d'achat très limité, quand ils en ont un.

Que faites-vous lorsqu'une communauté isolée et éloignée vous soumet une demande d'aide financière, étant donné le coût élevé des transports? Vous arrive-t-il de rejeter une demande? Et à ce moment-là, quelle est la solution?

M. Cameron : Je vais revenir sur l'exemple que j'ai déjà donné, celui de la Première Nation qui a trois projets en cours — un projet de restauration, un projet de rénovation et un projet de construction. Dans ce cas-là, le coût par unité était prévu aux environs de 275 000 $. Malheureusement, ils ont eu d'importants dépassements de budget parce qu'ils n'ont pas fini les travaux avant la fin de la route d'hiver, et ça a modifié considérablement les coûts. Dans ce cas- là, notre banque a collaboré étroitement avec la communauté et, surtout, avec le ministère des Affaires autochtones.

Quand nous étudions un projet domiciliaire avec une communauté, quel que soit le coût de construction moyen, nous commençons par définir les fondamentaux du projet et les différents participants. Autrement dit, le ministère des Affaires autochtones va-t-il en financer une partie? Y a-t-il d'autres sources de capitaux? La communauté va-t-elle investir des capitaux propres? Quel financement devraient fournir les banques pour que le projet tienne debout? Si c'est un projet de 20 nouvelles unités et qu'on se rend compte que ça ne tient pas debout, il faudra peut-être envisager la construction de 10 unités dans un premier temps, ou carrément envisager d'autres options. Quelle utilisation sera faite de ces logements? Des revenus seront-ils générés par des loyers ou par d'autres sources de subventions, qui faciliteront le remboursement de la dette?

Je l'ai dit et répété, nous examinons le projet dans son ensemble. Ce que les banques veulent avant tout éviter, c'est d'exposer une Première Nation à des risques excessifs. Nous n'accordons pas un prêt à une organisation autochtone ou à un simple particulier simplement parce qu'il y a une garantie ou une subvention quelconque. Dans ces cas-là, nous essayons de voir avec la communauté s'il ne vaudrait pas mieux opter pour un projet à plus petite échelle ou carrément pour d'autres solutions. Ça nécessite parfois que la communauté demande au ministère d'augmenter son financement et d'envisager d'autres solutions. Ce que je veux dire, c'est que nous ne disons jamais d'emblée non à un projet. Nous proposons d'en faire l'analyse ensemble, et de voir éventuellement s'il ne vaudrait pas mieux choisir d'autres options.

M. Willmot : À RBC, nous faisons la même chose. Nous refusons une demande de financement uniquement lorsque le demandeur n'est pas admissible. Tout le monde sait, dans le Nord, que le coût de construction est nettement plus élevé dans certaines régions que dans d'autres, et on en tient compte lorsqu'on examine les projets et le plan à long terme d'une communauté. Je le répète, le seul motif de rejet d'une demande de financement est la non-admissibilité du demandeur.

Nous faisons la même chose que M. Cameron. Si la communauté n'a pas les ressources suffisantes, nous essayons de voir, avec les membres du conseil, où on pourrait les trouver. Il se peut qu'il y ait d'autres partenaires. Il se peut qu'il y ait d'autres sources de revenus, au sein même de la communauté, qui puissent servir à financer le projet.

Le sénateur Watt : Je vais vous poser une petite question, qui m'intéresse personnellement. Avez-vous des emprunteurs dans l'Arctique, ou traitez-vous pour l'instant uniquement avec des Premières Nations?

M. Cameron : Je suis désolé, mais je n'ai pas cette information sous la main. Je pourrais vous la faire parvenir.

Le sénateur Watt : Dans l'Arctique, je suppose qu'ils seraient admissibles aux programmes que vous administrez.

M. Willmot : Il y a une différence.

Le sénateur Watt : C'est pour ça que j'ai parlé du coût élevé des transports, de la distance et d'autres facteurs de ce genre. Je voudrais savoir si ça déborde du cadre de ces programmes, ou bien si c'est envisageable.

M. Willmot : Jusqu'à présent, je n'ai fait affaire qu'avec des Premières Nations, et je ne peux donc pas vous donner une réponse. Je sais que nous sommes les banquiers du gouvernement du Nunavut et que nous sommes très actifs sur ce territoire dans bien des secteurs, mais je ne peux pas répondre à votre question, sénateur, parce que je n'en sais rien.

Le sénateur Watt : Vous n'investissez pas dans la construction résidentielle là-bas?

M. Willmot : Je dis simplement que je ne connais pas la situation, mais je peux vous faire parvenir cette information si vous le souhaitez.

Le président suppléant : Nous pouvons leur demander de confirmer plus tard s'ils ont des programmes de prêts résidentiels dans l'Arctique.

C'est la fin de notre réunion, messieurs. Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vos témoignages et de vos bonnes paroles. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je me souviens d'un message publicitaire d'un de vos concurrents, à propos des services bancaires dans le Nord, dans lequel on voyait des billets de banque s'échapper du dernier wagon d'un train.

M. Willmot : Je me souviens de cette époque.

Le président suppléant : Même si vous y travaillez depuis un certain temps, j'ai l'impression que c'est un secteur encore assez peu connu. Mais vous êtes fidèle à votre poste, chaque jour, et nous vous en remercions. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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