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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 1er avril 2014


OTTAWA, le mardi 1er avril 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 38, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations, et pour procéder à l'étude article par article du projet de loi C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones à tous les honorables sénateurs et membres du public qui se joignent à nous ou qui regardent la séance sur CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Dennis Patterson. Je viens du Nunavut, et je préside le comité.

Notre mandat est d'examiner les dispositions législatives et les questions touchant les peuples autochtones du Canada de façon générale. Ce matin, nous recueillons des témoignages dans le cadre d'un ordre de renvoi précis qui nous autorise à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves et d'éventuelles solutions à ces problèmes, notamment en matière de logement, d'infrastructures communautaires, de façons novatrices d'obtenir du financement et de stratégies de collaboration efficaces.

Nous allons entendre le témoignage de Mme Roxanne Harper, de Turtle Island Associates Incorporated, entreprise autochtone qui s'est engagée à soutenir les efforts des collectivités autochtones en leur fournissant des services de consultation et de formation en matière de logement, en effectuant des recherches dans le domaine du logement et en élaborant des programmes et des politiques. L'association offre des services comme l'aide à l'élaboration de projets de logement; la conception de politiques et de programmes en matière de logement; la coordination et la tenue de consultations et de réunions dans la collectivité; la prestation de conseils relativement à la mise sur pied et au fonctionnement d'une autorité de logement; l'élaboration de plans pluriannuels en matière de logement; et l'évaluation des pratiques actuelles dans le domaine du logement.

Au cours de la seconde moitié de la séance, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

Avant que nous n'écoutions le témoignage de Mme Harper, j'aimerais faire un tour de table et demander aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Moore : Merci, monsieur le président. Bonjour. Je m'appelle Wilfred Moore, et je viens de la Nouvelle- Écosse.

La sénatrice Dyck : Bonjour. Je m'appelle Lillian Dyck, et je viens de la Saskatchewan.

Le sénateur Sibbeston : Je m'appelle Nick Sibbeston, et je viens des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le sénateur Meredith : Sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : Bonjour. John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le président : Je remercie les membres du comité. Je sais que vous vous joindrez tous à moi pour souhaiter la bienvenue à notre témoin. Mme Roxanne Harper, vice-présidente de Turtle Island Associates Incorporated. Madame Harper, nous avons hâte d'écouter votre exposé, lequel sera suivi de questions des sénateurs. Vous avez la parole.

Roxanne Harper, vice-présidente, Turtle Island Associates Inc. : Merci beaucoup. Mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour. Je suis membre de la Première Nation d'Eel Ground, située au cœur du territoire micmac du Nouveau-Brunswick. C'est à la fois un honneur et un plaisir pour moi que de passer du temps avec vous ce matin. Votre intérêt à l'égard de l'infrastructure et du logement dans les réserves m'encourage. Je vais parler précisément des problèmes de logement. Je travaille depuis 28 ans dans l'industrie du logement autochtone, et je m'occupe la plupart du temps de logements des Premières Nations dans les réserves.

Comme le président l'a mentionné, Turtle Island est une entreprise autochtone. Nous travaillons directement auprès des collectivités des Premières Nations qui souhaitent améliorer la prestation et l'administration de leurs programmes et services en matière de logement, tout en accroissant leur capacité de le faire. Nous avons eu la chance de voyager partout au pays. Je peux vous dire que nous nous sommes rendus dans toutes les provinces et dans tous les territoires à plusieurs reprises. Nous avons eu le privilège de discuter avec des Aînés, des dirigeants autochtones — nos chefs et les membres de nos conseils —, des responsables de l'administration, les membres des comités qui s'occupent du logement, et, surtout, les membres des Premières Nations qui sont eux-mêmes touchés par les programmes et les services de logement.

Lorsque nous avons reçu l'invitation à venir témoigner au Sénat, je me suis d'abord dit que j'allais vous communiquer de l'information concernant les problèmes auxquels les Premières Nations font face et vous parler plus précisément du surpeuplement, de l'accroissement de la demande en services de logement et des longues listes d'attente. Mais ensuite, je me suis dit que, en tant que sénateurs, vous deviez déjà savoir tout cela. Je vois ici des gens qui ont aussi une expérience personnelle et directe de la vie dans une collectivité autochtone.

Vous savez tout cela. J'ai donc décidé de procéder un peu différemment et de vous parler de deux choses auxquelles Turtle Island Associates a pu prendre part. Elles pourront sembler insignifiantes, vu l'ampleur des problèmes auxquels les Premières Nations font face, mais il s'agit de changements positifs extrêmement importants pour nos collectivités.

La première chose, c'est le renforcement des capacités de nos collectivités et des peuples des Premières Nations eux- mêmes. Par « renforcement des capacités », j'entends le fait de permettre à nos collectivités d'acquérir les compétences et les connaissances dont elles ont besoin pour offrir leurs propres programmes et services, ce qui leur permet d'administrer elles-mêmes leurs parcs résidentiels. Elles mettent au point des politiques et des procédures reflétant les valeurs, les traditions et les coutumes des Premières Nations, tout en continuant de protéger notre population et nos biens.

Nous savons tous, et vous le savez tous également, j'en suis convaincue, que beaucoup de Premières Nations manquent de ressources humaines dans tous les secteurs, dont celui de l'infrastructure et du logement. Le gouvernement fédéral a tenté de remédier à cette situation, par l'intermédiaire de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, qui, de temps à autre, parrainent des ateliers, tiennent des séances de formation, créent des occasions de réseautage et mènent des initiatives spéciales. Outre le gouvernement fédéral, le Fonds pour les logements du marché destinés aux Autochtones a également aidé les Premières Nations à améliorer la gestion financière, l'engagement des gouvernements et des collectivités en matière de logement et l'élaboration des politiques et des procédures. Tout cela est positif et certainement louable, mais il reste du travail à faire.

Pour véritablement renforcer les capacités d'une collectivité autochtone, il faut que nous comprenions et reconnaissions tous qu'il y a des obstacles. L'un de ceux-ci tient au fait que les Premières Nations ont souvent de la difficulté à accéder à la formation nécessaire au renforcement des capacités. Comme beaucoup de nos collectivités sont isolées, il n'est pas toujours possible pour les gens d'assister à une séance de formation en personne, et parfois, c'est le manque de ressources financières qui les en empêche.

En outre, dans certaines collectivités, il y a très peu de ressources humaines pour constituer une équipe spécialiste du logement capable de gérer les biens immobiliers d'une valeur de plusieurs millions de dollars que compte le territoire de la Première Nation : nous ne disposons pas toujours localement de la main-d'œuvre nécessaire.

Il y a aussi un manque de soutien financier constant pour l'acquisition des compétences, le transfert de l'information, et, surtout, pour la facilitation de changements qui permettront l'amélioration de notre infrastructure et de nos parcs résidentiels.

Pour vous aider à comprendre ces obstacles, j'aimerais vous donner un exemple de processus de renforcement des capacités qui a pris une vingtaine d'années à donner des résultats concrets et vous demander de réfléchir à cet exemple. Prenez un instant pour réfléchir à la situation du logement en dehors des réserves, n'importe où ailleurs au Canada. Il est normal pour les gens qui vivent dans une maison, dans un appartement ou dans un logement résidentiel de payer une partie des coûts. En dehors des réserves, exiger un loyer est tout à fait normal. Nous le savons tous, et nous comprenons cela. Dans les collectivités autochtones, c'est souvent une nouvelle façon d'envisager les choses qui nous force à acquérir de nouvelles aptitudes.

En 1997, Turtle Island Associates commençait à tenir des ateliers de renforcement des capacités visant à favoriser le partage des coûts de logement entre le gouvernement fédéral, la collectivité autochtone et les personnes occupant le logement. Au début, il y a eu énormément de résistance partout au pays, mais aujourd'hui, en 2014, l'idée a été adoptée par de nombreuses collectivités autochtones.

Nous nous demandons souvent pourquoi il a fallu autant de temps. C'est parce qu'il y a beaucoup d'obstacles dans nos collectivités. Nous comprenons l'idée d'essayer quelque chose de nouveau. Nous avons manqué de personnel. Parfois, nous n'avions pas l'appui politique nécessaire. Parfois, nos membres n'étaient pas prêts à essayer quelque chose de nouveau ou ne comprenaient pas pourquoi une démarche viable économiquement était nécessaire. Mais près de 20 ans plus tard, nous avons atteint notre but.

Ce petit changement — et je sais qu'il semble très petit vu la quantité de problèmes auxquels nous faisons face — a énormément amélioré la situation des collectivités autochtones. Il n'aurait pas été possible sans le soutien financier de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, sans le courage de notre personnel spécialiste du logement face à l'adoption d'une nouvelle démarche ni sans la vision de nos dirigeants, c'est-à-dire de nos chefs et des membres de nos conseils dans les réserves, puisque nous avons tous dû collaborer pour arriver à changer notre façon d'envisager le logement.

L'autre réussite dont j'aimerais vous parler, c'est que la nécessité du logement fondé sur le marché est maintenant reconnue par certaines collectivités. Le Fonds pour les logements du marché destinés aux Autochtones a été créé en 2008. Cela a été l'occasion pour les Premières Nations d'accéder aux ententes financières permettant à leurs membres vivant dans une réserve qui le souhaitaient et qui avaient les moyens d'assumer le coût d'un logement fondé sur le marché. Un aspect important de la démarche relative au fonds, c'est que les membres d'une Première Nation doivent respecter des critères d'admissibilité précis pour garantir qu'ils sont disposés à assumer le coût d'un logement fondé sur le marché et qu'ils ont les moyens de le faire. De plus, le fonds offre beaucoup de soutien et d'occasions de renforcement des capacités qui aident les membres des Premières Nations à acquérir les compétences et les connaissances dont ils ont besoin pour assumer les responsabilités et les obligations dont s'assortit la démarche du logement fondé sur le marché

Nous devons procéder davantage à ce genre de renforcement des capacités. Grâce à cette façon de procéder, les fournisseurs de logements autochtones sont plus qualifiés et plus expérimentés, la collectivité est plus forte, et ses dirigeants comprennent l'importance de la croissance et de la viabilité économique en matière de logement.

Je comprends et je reconnais que le logement fondé sur le marché n'est qu'une partie de la solution et que celle-ci ne peut s'appliquer partout. Les Premières Nations ont aussi besoin de soutien et d'aide pour répondre à tous leurs besoins en matière de logement. À l'heure actuelle, au Canada, il faudrait plus de logements sociaux, de logements pour nos aînés, pour les personnes handicapées, pour les gens qui ont des besoins particuliers, pour les jeunes et pour les étudiants, ainsi que pour les Autochtones qui vivent en dehors des réserves. Mon expérience me porte à croire qu'il est temps pour le gouvernement fédéral de revoir sa façon d'aborder ces problèmes de logement. Je pense qu'il y a un besoin urgent de mettre au point une stratégie pour nos collectivités nordiques et isolées, dont les besoins et les problèmes sont très différents de ceux qu'on retrouve dans le Sud. Il faudrait mettre au point une stratégie pour le Nord dans laquelle seraient abordées des choses comme les coûts de construction plus élevés, les coûts d'entretien et de réparation plus élevés, l'accès limité à la main-d'œuvre qualifiée, l'accroissement du coût des services publics, les taux de chômage ou d'aide sociale élevés et, surtout, le cycle de vie plus court des bâtiments résidentiels dans le Nord.

Le soutien financier fourni actuellement par le gouvernement du Canada ne suffit pas à répondre aux besoins des Premières Nations relativement à l'infrastructure et au logement. Les Premières Nations doivent trouver d'autres sources de financement. C'est facile à dire, mais ce n'est pas toujours possible. C'est ce qui arrive parfois lorsqu'une Première Nation doit utiliser ses propres ressources financières. Elle se retrouve aux prises avec d'autres problèmes budgétaires. Une chose qu'il est important de comprendre, c'est que certaines Premières Nations ne peuvent plus emprunter d'argent et peuvent ne pas être en mesure d'obtenir de financement externe, ce qui fait qu'elles doivent utiliser pour leur infrastructure et leur logement de l'argent qui devait servir à d'autres programmes et services. Cela compromet gravement les autres programmes et services offerts dans nos collectivités.

Pour conclure, j'aimerais dire que les problèmes que j'ai évoqués ne touchent pas que les Premières Nations; ils touchent l'ensemble du Canada, et il est urgent d'y trouver une solution. Le maintien du statu quo ne suffira pas. Nous devons nous inspirer de nos réussites — des deux choses dont je vous ai parlé, par exemple —, et nous devons mettre au point de nouvelles façons de régler les problèmes d'infrastructure et de logement afin d'améliorer la qualité de vie des Premières Nations de l'ensemble du pays.

Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, madame Harper. Je pense que vous avez raison de dire que le comité connaît le besoin. Nous nous sommes penchés là-dessus jusqu'à maintenant dans le cadre de nos études. Merci beaucoup d'avoir mis l'accent sur les problèmes et d'avoir formulé des suggestions utiles.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Je suis vraiment heureuse de pouvoir bénéficier de l'expérience que vous avez acquise en voyageant partout au pays; je suis sûre que vous avez vu des choses différentes aux différents endroits que vous avez visités. Les membres du comité ont une vraie compréhension du fait que les Premières Nations sont toutes différentes les unes des autres et ont chacune leurs forces et leurs faiblesses.

Mme Harper : Assurément.

La sénatrice Raine : Vous avez mentionné le fait que, pour être admissibles au logement fondé sur les marchés, les Premières Nations doivent respecter des normes précises sur le plan de la capacité. Pouvez-vous nous citer ou nous fournir un document contenant ces normes? Je pense que nous savons que les normes existent, mais je n'ai rien vu de bien défini sur leur nature. Ces normes sont-elles les mêmes dans le Sud que dans le Nord et dans les collectivités isolées, ou sont-elles différentes?

Mme Harper : Je suggérerais d'abord au Sénat de communiquer avec les responsables du Fonds pour les logements du marché destinés aux Autochtones, qui précisent leurs exigences. D'après ce que je sais du processus d'admission, lorsque les représentants d'une Première Nation s'intéressent au logement fondé sur le marché, ils communiquent avec les responsables du fonds; ceux-ci prennent rendez-vous avec les représentants de la Première Nation. Ils envisagent ce que nous, à Turtle Island, considérons comme étant des mesures progressistes. La première chose qu'ils doivent faire, c'est de demander au gouvernement s'il y a un engagement véritable à l'égard du logement fondé sur le marché. Celui-ci présente certains défis, et c'est souvent quelque chose de nouveau pour les collectivités autochtones, une expérience que la plupart des Premières Nations n'ont pas tentée. Les responsables du fonds rencontrent donc les membres du conseil de la Première Nation pour vérifier que la volonté politique et l'intérêt existent.

Ils examinent également les états financiers des trois dernières années afin de s'assurer que la Première Nation est en mesure d'assumer les responsabilités financières envisagées. Tout le monde ici présent sait que le logement fondé sur le marché ne concerne pas que le marché locatif; il s'agit aussi de favoriser l'accès à la propriété dans les collectivités des Premières Nations. Comme les maisons seront construites dans une réserve, nous devons tous envisager la possibilité d'un défaut de paiement de l'hypothèque à un moment donné. Cela se passe de la même façon qu'à l'extérieur des réserves. La raison pour laquelle ils examinent les états financiers, c'est qu'ils veulent déterminer si la bande peut assumer la responsabilité d'un défaut de paiement, financièrement et administrativement, et aussi établir si nos collectivités sont disposées à assumer la responsabilité des défaillances.

Madame la sénatrice, je vous encouragerais à communiquer avec les responsables du fonds, ou même à visiter leur site web. On y trouve beaucoup d'informations.

Une fois ces choses faites, un plan de renforcement des capacités est élaboré, et le Fonds pour les logements du marché destinés aux Autochtones a accès à un certain nombre de fournisseurs de services à l'échelle du pays qui sont en mesure de collaborer directement avec la collectivité autochtone, de s'occuper d'elle individuellement et de déterminer ses besoins en matière de renforcement des capacités. D'après ce que je sais, tout cela se fait bien avant que la Première Nation commence à construire des logements fondés sur le marché. Le renforcement des capacités peut durer de deux à trois ans.

La sénatrice Raine : D'après ce que vous avez vu, donc, le processus mis en place par l'autorité de logement fondé sur le marché fonctionne bien.

Mme Harper : Certainement.

La sénatrice Raine : Est-ce que c'est pareil partout, ou est-ce qu'il y a des variations sur un modèle de base?

Mme Harper : C'est différent à peu près partout, parce que les responsables du fonds reconnaissent et valorisent le caractère unique de chaque collectivité autochtone. Ce que nous avons constaté, c'est que certaines collectivités procèdent très rapidement et commencent à envisager la construction en tant que telle au bout de trois à cinq ans.

Tout le monde ici présent sait aussi que le Fonds pour les logements du marché destinés aux Autochtones n'existe que depuis six ans. C'est le tout dernier organisme à aider les membres de nos collectivités à accéder au logement, mais, chose certaine, à mon avis, il s'est acquis beaucoup de crédibilité et a connu beaucoup de succès en six ans. Le fait est cependant que le logement fondé sur le marché ne peut fonctionner partout, et c'est une réalité que nous devons accepter. Je pense que les responsables du fonds l'acceptent bien. Nous devons tous admettre la possibilité qu'une collectivité autochtone ne soit pas admissible pour toutes sortes de raisons, même si elles souhaiteraient participer.

Le président : Sénateur Meredith, sur le même sujet.

Le sénateur Meredith : Oui. Madame Harper, merci beaucoup de votre exposé. Pour donner suite à la question de la sénatrice Raine au sujet du fonds pour les logements du marché, les représentants de la RBC et de BMO sont venus témoigner devant nous, et ils ne se sont pas montrés très favorables à la chose. Pourquoi la participation à cette initiative n'a-t-elle pas été plus grande dans la collectivité? Le programme existe depuis six ans, mais disons que personne ne s'est précipité pour tirer parti de cette façon particulière de financer le logement au sein des Premières Nations.

Mme Harper : Sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec vous. À notre connaissance...

Le sénateur Meredith : Je vous pose simplement la question parce que c'est ce que les représentants des banques nous ont dit, que la participation n'avait pas été grande. Je ne fais que vous retransmettre l'information que nous avons reçue.

Mme Harper : À notre connaissance, il y a une centaine d'initiatives qui ont été lancées jusqu'à maintenant. Des maisons ont déjà été construites, la première maison construite avec l'aide du fonds étant située sur le territoire micmac de la Première Nation de Membertou. Des prêts pour rénovations ont été consentis. Les choses changent dans notre collectivité. Un certain nombre de Premières Nations n'ont pas encore commencé à construire des maisons, mais bénéficient de la démarche de renforcement des capacités du Fonds pour les logements du marché destinés aux Autochtones.

C'est ce qui le distingue vraiment des autres prêteurs. D'abord, le fonds n'est pas un établissement de prêts. Il dispose d'une liste de prêteurs approuvés qui sont disposés à consentir un prêt à la bande à un taux préférentiel, et aussi sans garantie d'emprunt ministérielle. C'est ce qui rend le fonds intéressant pour beaucoup de collectivités autochtones, et le nombre de collectivités intéressées a vraiment commencé à augmenter rapidement.

Ce que je crois savoir, d'après le dernier exposé que j'ai entendu, c'est qu'il y a maintenant plus d'une centaine de collectivités autochtones inscrites auprès du fonds. Cela ne veut pas dire que ces 100 collectivités ont toutes construit ou rénové quelque chose. Ce que cela signifie, c'est qu'elles bénéficient du renforcement des capacités et du soutien qu'offre le fonds.

Le sénateur Meredith : Vous avez dit que ce n'est pas une solution viable pour certaines Premières Nations.

Mme Harper : Assurément pas.

Le sénateur Meredith : Pourquoi, selon vous? Le besoin fondamental est de construire des maisons dans ces réserves des Premières Nations. Pourquoi certaines collectivités s'intéressent-elles davantage au fonds que d'autres?

Mme Harper : Ce qu'il y a, c'est que le logement fondé sur le marché doit être une solution viable économiquement pour la Première Nation. Nous devons envisager cette possibilité pour des collectivités dont les membres ont les moyens de faire les paiements fondés sur le marché, qui sont plus élevés, qu'il s'agisse d'une hypothèque ou d'un loyer, et sont disposés à faire ces paiements. Ce marché n'existe pas partout au Canada. Nous voyons encore régulièrement des collectivités autochtones où le taux d'aide sociale est de 85 p. 100. Le logement fondé sur le marché n'est pas une solution pour ces collectivités.

Pour être franche, je dois dire aussi que nous travaillons auprès de collectivités qui ne sont pas encore tout à fait disposées à adopter l'idée selon laquelle le logement pourrait être une responsabilité partagée par le gouvernement fédéral, par le gouvernement de la Première Nation et par les membres de la Première Nation eux-mêmes.

Je pense qu'avec le temps, le changement va peut-être se produire, mais, au bout du compte, nous devons tous envisager avec franchise la situation d'un pays de la taille du Canada. Il y a des collectivités éloignées et isolées du Nord où les gens n'auront pas les moyens de payer une hypothèque ou un loyer fondé sur le marché avant longtemps.

Le sénateur Tannas : Bonjour, madame Harper. Merci de votre exposé.

Je sais que les chiffres que vous allez me donner seront des estimations — des estimations éclairées —, mais vous êtes experte du domaine. Il ressort clairement de vos propos qu'il y a trois secteurs, comme ailleurs dans le pays. Il y a le logement social, où il n'y a essentiellement que des coûts et aucun revenu. Il y a ensuite les logements locatifs, où il y a des coûts et un certain loyer ou revenu qui compense. Maintenant il y a cette nouvelle idée de logement privé — de logement fondé sur le marché — et, au fond, la personne construit la maison qu'elle veut, en paie le coût, s'en occupe et ainsi de suite.

Pouvez-vous nous donner une idée de la répartition en pourcentage, selon vous, au sein des Premières Nations, entre le logement social et le logement à revenu, d'une part, et entre le logement locatif et le logement privé, d'autre part? Quelle est la proportion de logements appartenant à chacune de ces trois catégories?

Mme Harper : Je serais réticente à vous donner un chiffre. Ce que je peux vous dire, c'est que la plupart des maisons des réserves sont considérées comme étant des maisons dont la construction a été financée au titre de l'article 95 par la SCHL, donc il s'agissait de logements sociaux à un moment donné, qu'on considère aujourd'hui comme étant des logements abordables. À l'échelle du pays, ces logements comptent pour environ 25 p. 100 du parc résidentiel.

La plupart des maisons de nos collectivités sont considérées comme étant des maisons appartenant à la bande. Cela signifie qu'elles ont été construites à l'aide des revenus autonomes de la Première Nation, de ses autres budgets, et des subventions offertes par AADNC dans certains cas. Ces maisons composent la majeure partie du parc résidentiel.

Nous commençons à voir... il faut dire que, dans certaines Premières Nations, il y a toujours eu des gens qui, pour une raison ou pour une autre, possèdent leur propre maison et gèrent eux-mêmes leur propriété dans la réserve, avec à peu près aucune aide, ce qui est très bien.

Je ne sais cependant pas combien de gens sont propriétaires d'un logement privé.

Le sénateur Tannas : Selon vous, quelle est la proportion des logements des réserves qui ne génèrent aucun revenu parce que personne ne paie de loyer?

Mme Harper : Je dirais que, il y a 20 ans, cette proportion était de 100 p. 100. Les choses ont changé maintenant. Encore une fois, il faut que je dise que c'est quelque chose qui varie d'un endroit à l'autre du pays; il y a des régions du Canada où les Premières Nations ont adopté plus rapidement qu'ailleurs l'idée de la viabilité économique du logement, surtout pour ce qui est des programmes de logements locatifs.

Je ne suis pas en mesure de vous donner ce chiffre-là non plus, par contre. Je pense que nous nous améliorons. J'aimerais pouvoir promettre ou affirmer que c'est ce qui se passe à l'échelle nationale, mais ce n'est pas le cas. Il y a un certain nombre de collectivités autochtones qui, pour l'instant, continuent de n'exiger un loyer que dans les cas où l'un des occupants du logement touche des prestations d'aide sociale. C'est un obstacle que beaucoup de Premières Nations doivent surmonter, mais nous sommes en train d'y arriver.

L'objectif que nous pouvons envisager pour l'avenir, ce serait que chaque membre d'une Première Nation capable de le faire fournisse une contribution correspondant à ses moyens. Ce n'est pas un chiffre déterminé, pas un chiffre magique, et je ne peux pas affirmer que ce sera un jour comme c'est à l'extérieur des réserves, parce que nous savons que cela n'est tout simplement pas viable économiquement dans certaines de nos collectivités. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes convaincus qu'il faut mettre au point une stratégie nordique pour les Premières Nations, une stratégie tenant compte des caractéristiques particulières des collectivités nordiques et isolées.

La sénatrice Dyck : Merci d'être venue présenter un exposé ce matin. Je suis très heureuse qu'une personne possédant de nombreuses années d'expérience puisse venir nous présenter de très bonnes idées.

L'une des choses que vous avez dites, c'est que le gouvernement fédéral doit revoir sa stratégie en matière de logement, et vous avez parlé des collectivités éloignées et nordiques. Suggéreriez-vous entre autres que les choses soient envisagées sous un angle différent?

Mme Harper : Assurément.

La sénatrice Dyck : Y a-t-il d'autres suggestions n'ayant pas encore été suivies ou envisagées dont vous aimeriez nous faire part?

Mme Harper : Je ne sais pas si nous allons avoir suffisamment de temps, mais oui. À Turtle Island Associates, nous avons très à cœur les enjeux qui touchent le Nord. J'ai toujours trouvé triste et décevant que, dans un pays aussi grand que le Canada, nous n'ayons qu'une seule façon d'aborder la situation du logement chez les Autochtones. C'est une grande source d'inquiétude pour moi, parce que nous savons qu'il y a des différences entre les Premières Nations.

Encore une fois, je dois préciser que ce que je vais dire ne s'applique pas qu'au Nord. Mais il y a des choses intéressantes qui se passent dans le Nord à l'heure actuelle. Les collectivités nordiques ne sont plus toutes pareilles non plus : certaines ont été en mesure de prospérer économiquement, et la situation des gens est meilleure qu'avant. Il y a cependant un certain nombre de collectivités qui luttent pour leur survie au quotidien. Dans celles-ci, demander aux gens de payer un loyer de 300 $ en plus d'une facture d'électricité de 500 $ et de 1 200 $ d'épicerie revient probablement à demander quelque chose d'impossible aux gens du Nord en général.

Nous envisagerions donc une démarche en matière de logement que les collectivités isolées du Nord ont vraiment les moyens d'appliquer, et nous encouragerions tout le monde à envisager une démarche de ce genre. Il faut que celle-ci tienne compte du coût abordable de la construction des maisons, mais aussi des autres coûts à long terme.

Selon les estimations de l'Association nationale des agents du bâtiment des premières nations, le coût de construction d'une maison est d'environ 130 000 $ en moyenne au pays, mais le coût d'entretien sur 25 ans est de près de 900 000 $. C'est ce qui est difficile pour nos collectivités : l'engagement permanent à gérer les biens immobiliers après leur construction.

Comme l'occasion se présente à moi et que vous avez posé la question, je voudrais vous dire que, faisant partie moi- même d'une Première Nation, je suis tout à fait consciente des autres contraintes qui existent dans nos collectivités. Même si nous étions en mesure d'offrir une maison construite par les Premières Nations à chacun des membres de la collectivité, il nous manquerait peut-être encore d'autres ressources comme les terres ou l'infrastructure.

C'est peut-être aussi que certains membres des Premières Nations ne souhaitent pas retourner dans leur collectivité d'origine. J'encouragerais le gouvernement fédéral à envisager une démarche hors réserve en matière de logement. Cela lui permettrait d'offrir un peu plus de choix aux membres des Premières Nations quant à l'endroit où ils veulent vivre, choix que nous tous ici présents avons. Nous tenons parfois pour acquis que nous pouvons vivre où bon nous semble. Ce n'est pas toujours possible dans nos collectivités. Mais ce serait une idée qui y serait adoptée, parce qu'on accepterait le fait que si certains membres des Premières Nations sont capables de mieux se débrouiller par eux-mêmes, nous devrions les encourager à le faire. Si cela suppose qu'ils fassent l'acquisition d'un logement en dehors de la réserve avec le soutien du gouvernement fédéral ou de la Première Nation, qu'il en soit ainsi.

Certains d'entre vous se rappellent peut-être l'époque où il y avait un programme de logement hors réserve pour les Premières Nations. Ce que vous ne savez peut-être pas tous, c'est que ce programme qui était en vigueur à la fin des années 1970 ou au début des années 1980 a été immédiatement annulé ou suspendu lorsque le projet de loi C-31 a été adopté. Il y a peut-être un lien entre les deux choses.

Il faudrait peut-être envisager quelque chose de ce genre.

Nous pouvons tous garder l'esprit ouvert. Cela ne veut pas dire qu'il faille nécessairement donner de l'argent aux gens pour s'acheter une maison parce qu'ils sont membres d'une Première Nation. L'un des obstacles les plus importants — et il y a eu des études là-dessus — auxquels les Autochtones vivant hors réserve font face, c'est qu'ils n'ont pas de mise de fonds. Ce n'est pas qu'ils ne touchent pas un revenu suffisant pour rembourser leur hypothèque ni qu'ils n'ont pas la capacité d'emprunter; le problème, c'est qu'ils n'ont pas la mise de fonds que la plupart d'entre nous peuvent facilement faire. Certaines choses que nous tenons pour acquises au sein de la société canadienne n'existent pas toujours au sein de notre société autochtone.

Le président : Pendant que nous parlons de la stratégie fédérale, j'aimerais vous poser une question. Il y a deux ministères ou organismes qui contribuent au logement des Premières Nations : la SCHL et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Savez-vous ce que chacun fait?

Ensuite, pensez-vous qu'il y a une bonne raison pour qu'il y ait deux grandes sources de financement au sein du gouvernement fédéral?

Mme Harper : Wow. C'est une question très intéressante. Je connais les différences entre les deux organisations, et je vais être franche et vous dire que nous connaissons beaucoup mieux la façon de procéder de la SCHL. Il en est ainsi surtout parce que celle-ci a adopté une position progressiste à l'égard du renforcement des capacités. À Turtle Island Associates, nous sommes d'abord et avant tout des formateurs et des facilitateurs, ce qui fait que nous participons activement au volet de renforcement des capacités au quotidien et que nous apprécions et respectons grandement le travail de la SCHL.

Mais il faut aussi dire que les programmes et les services de la SCHL sont limités pour ce qui est du nombre de mises en chantier et de prêts pour rénovations que la SCHL a été en mesure de permettre à l'échelle dans nos collectivités.

Affaires autochtones et Développement du Nord Canada offre des subventions. Nous entendons souvent la critique selon laquelle celles-ci sont insuffisantes par rapport au coût de la construction ou de la rénovation des maisons. Lorsque nous examinons l'état de nos biens immobiliers dans les réserves et le financement offert par l'une ou l'autre des deux organisations en question, nous constatons souvent qu'il est insuffisant.

Est-il nécessaire que deux organisations s'occupent du logement pour les Premières Nations? Honnêtement, je ne puis vous répondre. Il faudrait vraiment que j'aie le temps d'y réfléchir. Y a-t-il des recoupements et des chevauchements? Peut-être. Je suis mal à l'aise, parce que c'est le genre de situations où j'aimerais pouvoir me retourner vers deux ou trois chefs pour leur demander ce qu'ils en pensent.

Mais ce qui est tout aussi important pour nos collectivités, c'est la relation entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral. Est-ce que l'une des deux organisations est mieux perçue que l'autre? Je ne sais pas. C'est peut- être une chose à laquelle le Sénat pourrait réfléchir. Qu'est-ce qu'une collectivité autochtone typique aimerait avoir? Il est probable que la réponse concerne la simplification des formalités administratives avec lesquelles nous devons composer. Cela pourrait nous permettre d'accéder plus rapidement aux choses, par exemple dans le cas des garanties d'emprunt ministérielles qui, pour le moment, sont très complexes et longues à obtenir. Cela pourrait établir de nouvelles normes; je ne suis pas sûre.

Le président : Je sais que c'est une question difficile. C'est probablement une chose à laquelle nous allons réfléchir dans le cadre de notre étude.

Mme Harper : Merci. Maintenant que vous avez dit cela, je vais y réfléchir moi aussi.

Le sénateur Sibbeston : Le premier point que vous avez soulevé m'intéresse, c'est-à-dire le fait que, depuis 1997, il y a un partage de coûts entre le gouvernement fédéral, la bande et ses membres. Quelle forme cela prend-il? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme Harper : C'est très prometteur, en fait. Ce qui se passe habituellement dans les réserves, c'est que, lorsqu'une Première Nation construit ou rénove une maison, une partie du financement vient de l'une des deux organisations fédérales, AADNC ou la SCHL. S'il s'agit d'une nouvelle maison dont la construction est financée dans le cadre du programme de la SCHL, une subvention de longue durée est versée pour aider à couvrir le coût de construction et les versements hypothécaires.

Cependant, la Première Nation doit elle aussi payer une partie des coûts. Les Premières Nations contribuent en général en fournissant le terrain ou l'infrastructure ou en préparant le chantier, et, dans certains cas, cette contribution s'ajoute aux fonds fournis par l'une ou l'autre des deux organisations.

La Première Nation apporte donc une contribution. Pendant très longtemps, ça s'arrêtait là, et un membre de la bande était choisi pour occuper cette maison. Ce qui est rapidement devenu difficile pour les Premières Nations, c'était d'assumer non pas le coût de construction, mais plutôt le coût de gestion du bien immobilier, le fait d'assurer la maison, d'y apporter les réparations nécessaires et d'effectuer un entretien minimum. C'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire dans beaucoup de collectivités autochtones.

C'est à ce moment-là, vers la fin des années 1990, que les Premières Nations ont commencé à envisager la possibilité que l'occupant apporte lui aussi une contribution. Elles ont pris conscience du fait que le coût de chacune des maisons dans les réserves dépassait toutes les subventions du gouvernement fédéral versées par l'intermédiaire d'AADNC ou de la SCHL. Les bandes ont dû combler l'écart à partir de leurs revenus autonomes. Comme je l'ai mentionné, cela avait une incidence sur les autres programmes et services. L'argent qui devait servir à tel ou tel projet était réaffecté au service du logement pour payer les versements de prêt, les assurances, les réparations, l'entretien, et tout le reste.

Les Premières Nations ont commencé à réfléchir à une nouvelle façon d'aborder la question du logement dans les réserves et à se demander si l'occupant pourrait apporter une contribution, même petite. Aujourd'hui, cette contribution varie beaucoup, et elle peut être de seulement 20 $ par mois. Ça ne semble pas beaucoup, mais si nous sommes une centaine à la faire, cela constitue un budget auquel la bande a accès. Dans certaines collectivités, le montant peut aller jusqu'à 300, 400 ou 500 $ par mois.

Il s'agit de la contribution de l'occupant. Le geste simple de demander une contribution à l'occupant aide les Premières Nations à régler leurs problèmes de logement, mais il génère aussi un nouveau budget auquel elles ont accès. Il y a donc maintenant trois sources de revenus : le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Première Nation et l'occupant lui-même.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup d'avoir présenté un exposé vraiment excellent. Comme les sénatrices Raine et Dyck, je suis contente de pouvoir profiter de l'étendue de vos connaissances et des 28 années d'expérience que vous avez accumulées un peu partout au Canada.

Je me demande si vous pouviez nous parler de quelque chose que nous avons entendu dire bien trop souvent. Peu importe la quantité d'argent versée, il semble y avoir une partie des sommes qui passent en dessous de la table, des normes de construction inadéquates, pas de normes du tout, et de l'argent dirigé non pas vers les écoles, le logement, l'isolation et les fondations, mais plutôt vers les entrepreneurs et d'autres gens qui n'ont pas très bonne réputation. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus et des suggestions de recommandations que le comité pourrait faire pour changer la situation?

Mme Harper : Certainement. Trop souvent, lorsque nous parlons des Premières Nations ou des peuples autochtones du Canada, nous mettons immédiatement l'accent sur les choses négatives qui se passent dans notre collectivité. Je vais vous dire que c'est arrivé, oui. Je ne vais pas le nier. Nous savons tous que c'est arrivé, mais ce n'est certainement pas le cas dans la majorité de nos collectivités. J'aurais pu parler de beaucoup de réussites.

Il y a un certain nombre d'années, par exemple, le gouvernement fédéral a décidé de soutenir la création de postes d'inspecteur du bâtiment des Premières Nations dans le cadre de l'ISIA, l'Initiative des services d'inspection par des Autochtones. L'une des choses que nous avons faites à l'époque, c'est que nous avons offert une formation à nos gens pour qu'ils deviennent des inspecteurs en bâtiment qualifiés, afin que nous n'ayons plus à attendre qu'une personne de l'extérieur de la réserve vienne inspecter nos projets de construction ou de rénovation réalisés grâce à des prêts. Des gens de chez nous étaient disponibles dans la collectivité, ce qui fait que les travaux de construction n'avaient pas à être interrompus. Il fallait parfois attendre pendant une semaine ou deux qu'un inspecteur de l'extérieur de la réserve vienne. Grâce au fait que les conseils tribaux ou que les bureaux de bande avaient leurs propres inspecteurs, les travaux de construction et de rénovation duraient moins longtemps. C'était une économie dans le cadre de beaucoup de nos projets, mais il y avait aussi un petit avantage secondaire dont beaucoup de gens ne parlaient pas, sauf peut-être nos Aînés. C'était bien de pouvoir faire affaire avec des inspecteurs autochtones qui comprenaient notre culture, notre langue. Lorsqu'ils discutaient avec nos gens sur le chantier, ils pouvaient leur expliquer certaines choses de base concernant l'entretien des maisons, et c'était un gros avantage de plus. Ils pouvaient expliquer l'entretien à faire à un Aîné. Cela a permis d'améliorer beaucoup de choses dans nos collectivités.

L'autre chose qui a commencé à se produire, grâce à certaines démarches de renforcement des capacités qui existaient au pays, c'est que les Premières Nations apprenaient à lancer des appels d'offres et à conclure des marchés avec leurs propres entrepreneurs. Ainsi, elles n'avaient plus à embaucher quiconque était disposé à travailler dans une réserve.

Des difficultés se sont posées pour certaines Premières Nations où il n'y a pas toujours de bassin de main-d'œuvre qualifiée facilement accessible, et c'est vrai de beaucoup de collectivités du Nord. Nous pouvons ne pas être en mesure de faire venir immédiatement une entreprise de construction pour construire les maisons dans certaines collectivités éloignées. L'accès a toujours été limité. Assurément, cela fait en sorte que ce ne sont pas les meilleurs entrepreneurs qui travaillent dans certaines collectivités; nous devons nous débrouiller avec ce que nous avons. Parfois, la qualité des constructions en est amoindrie. Ce n'est pas rare, et les choses se sont améliorées, mais à l'époque, lorsque nous achetions des matériaux de construction, nous n'obtenions pas toujours les meilleurs. C'est une chose qui a été constatée plus d'une fois à l'échelle du pays. Je ne peux pas vraiment dire qu'il y a une raison, mais je pense qu'il y a des gens qui ont décidé que des matériaux de qualité inférieure conviendraient pour une Première Nation.

Est-ce que de l'argent a disparu? Je dirais qu'il n'y en a probablement pas plus qui a disparu que dans le cadre des autres projets de construction résidentielle au pays. Je ne critiquerais pas notre collectivité pour avoir mal géré des fonds qui étaient probablement insuffisants au départ à l'échelon communautaire. Je suis cependant convaincue que nous avons fait énormément de progrès pour ce qui est de la reddition de comptes, de nos pratiques de gestion des contrats et du recours à nos propres gens pour la conception, la construction, l'inspection et la gestion des maisons dans les réserves.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup de nous avoir confié cela. J'étais consternée d'avoir entendu des problèmes de ce genre aussi souvent. Je suis heureuse de savoir qu'il y a aussi des aspects positifs.

Mme Harper : Merci d'avoir posé la question, parce que nous tenions vraiment à venir discuter avec vous. Je ne voulais vraiment pas ressasser toutes ces choses qu'on entend.

Comme sénateurs, je vous encourage à réfléchir aux choses positives qui ont fait avancer nos collectivités et à les souligner lorsque nous avons l'occasion de le faire, et peut-être que nous pouvons en faire davantage.

Le président : Madame Harper, l'initiative de formation dont vous avez parlé, la formation d'inspecteur en bâtiment, vous l'avez désignée par un sigle. Pouvez-vous nous en dire plus? Existe-t-elle toujours?

Mme Harper : D'après ce que je sais, l'ISIA était une initiative de la SCHL, et elle a commencé il y a un certain nombre d'années, au début des années 1990. Dans le cadre de cette initiative, on a choisi des inspecteurs autochtones d'un peu partout au pays pour en faire des inspecteurs en bâtiment qualifiés qui sont maintenant aptes à faire des inspections en vertu du CNB, du Code national du bâtiment.

Je ne sais pas combien d'inspecteurs il y a au pays, et j'oserais dire que leur nombre a peut-être diminué aujourd'hui. Je le dis par respect pour nos collectivités, parce que bon nombre de ces inspecteurs travaillaient pour des conseils tribaux dont le budget a subi des compressions importantes. Leur budget a été réduit à partir d'aujourd'hui, le 1er avril, et il y a peut-être des inspecteurs autochtones qui sont maintenant à la recherche d'un emploi. C'est un peu malheureux, quand on pense aux 20 années de renforcement des capacités qu'il a fallu pour offrir ce service dans nos collectivités et quand on constate que cela peut se perdre aussi rapidement.

Le président : Ce que vous dites est important. Je pense que le comité devrait approfondir cette question, parce que n'avions pas encore entendu parler de cela, même si nous avons entendu le témoignage des représentants de la SCHL, alors merci de nous en avoir parlé.

Le sénateur Moore : Merci d'être venue, madame Harper.

Simplement pour donner suite à la question du président, savez-vous depuis combien de temps l'ISIA était en place et savez-vous combien de membres de Premières Nations ont été formés? Avez-vous ces chiffres?

Mme Harper : Vous savez, je ne ferais qu'essayer de deviner, et je vous encouragerais à communiquer avec la SCHL, qui en saurait plus à cet égard. Je pense que les chiffres étaient impressionnants lorsque l'initiative battait son plein. Je répéterais encore une fois que c'était une excellente façon d'accroître les connaissances et les compétences des Autochtones ainsi que les services offerts à nos gens.

Le sénateur Moore : C'est très important.

Mme Harper : Assurément.

Le sénateur Moore : Où vivez-vous au Nouveau-Brunswick?

Mme Harper : Sur le territoire de la Première Nation d'Eel Ground.

Le sénateur Moore : Où cela se trouve-t-il? Donnez-moi le nom d'un village ou d'une ville près de chez vous.

Mme Harper : Il est situé sur la rivière Miramichi. J'allais vous taquiner un peu, parce que je vois qu'il y a des sénateurs de la Colombie-Britannique qui sont ici, et j'allais vous rappeler que le territoire de la Première Nation d'Eel Ground est situé sur la rivière Miramichi, qui est la meilleure rivière à saumons du pays.

Le sénateur Moore : Je sais.

Mme Harper : Sans vouloir manquer de respect aux gens de la Colombie-Britannique ici présents.

La sénatrice Raine : Nous pourrions tenir un petit concours là-dessus.

Mme Harper : Madame la sénatrice Greene Raine, permettez-moi de vous dire ce qu'un Aîné m'a dit un jour. Il y a une raison pour laquelle il y a quatre ou cinq espèces de saumons en Colombie-Britannique, et une seule sur la côte Est : le créateur vous a donné la quantité et nous a donné la qualité.

La sénatrice Raine : Nous élevons du saumon de l'Atlantique en Colombie-Britannique.

Mme Harper : Et vous serez heureuse de savoir que nous ne sommes pas d'accord avec cela.

Le président : Revenons-en à notre mandat.

Le sénateur Moore : On voit que vous venez des Maritimes, monsieur le président.

Pour ce qui est de Turtle Island Associates, où votre organisation a-t-elle son siège? Sur le territoire de votre réserve?

Mme Harper : Non, nous sommes à Akwesasne, mais nous voyageons partout au pays.

Le sénateur Moore : Et ça dure depuis 28 ans.

Mme Harper : Non, Turtle Island Associates existe depuis 1997. J'ai travaillé dans le domaine du logement autochtone pendant 28 ans. J'ai débuté dans l'est du pays, au sein de l'Aboriginal Peoples Council, qui est chargé d'administrer le Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones, lequel s'intéresse aux Autochtones vivant à l'extérieur des réserves. J'ai ensuite passé sept ans au sein de la SCHL, où j'exerçais des fonctions liées à la formation et au perfectionnement. Depuis les 17 dernières années, je suis partenaire de Turtle Island Associates.

Le sénateur Moore : Est-ce dans le cadre de l'exercice de vos fonctions liées à la formation et au perfectionnement que vous avez pris connaissance de l'existence du programme des inspecteurs autochtones?

Mme Harper : Ce programme a été lancé à l'époque où je faisais partie de cette organisation. Je n'ai pas participé au perfectionnement des inspecteurs autochtones, mais, bien entendu, j'étais au courant du fait que ce programme était en cours. Depuis ce temps, je m'occupe davantage d'eux — je les fais participer à des ateliers de renforcement des capacités, je me suis rendue avec certains d'entre eux dans nos collectivités et sur des lieux de travail, et, en outre, j'ai tenté de faire mieux connaître l'importance des inspecteurs en bâtiment des Premières Nations.

Le sénateur Moore : En réponse à une question du sénateur Tannas concernant les catégories de logement, vous avez mentionné « 80 p. 100 », mais je ne sais pas à quoi cela renvoyait. Pourriez-vous me le préciser, s'il vous plaît?

Mme Harper : Il s'agit de la proportion généralement admise de logements des collectivités des Premières Nations qui n'ont pas bénéficié du programme de la SCHL institué en vertu de l'article 95. En d'autres termes, il s'agit de logements dont la construction n'a été financée qu'au moyen des subventions versées par AADNC et des fonds que la Première Nation en cause a été en mesure de verser.

Le sénateur Moore : Il s'agit donc de logements appartenant aux bandes?

Mme Harper : Oui, en principe, il s'agit de logements appartenant aux bandes. De plus en plus de collectivités se mettent à les administrer comme s'il s'agissait de logements locatifs, mais malheureusement, la plupart des Premières Nations qui ont construit ces logements ont indiqué à leurs membres qu'ils pouvaient les occuper, mais elles n'ont pas nécessairement instauré de politiques en vertu desquelles des responsabilités en matière, par exemple, d'entretien, de rénovation et d'assurance, seraient déléguées aux occupants.

Le sénateur Moore : Vous avez mentionné que l'administration, en raison des coûts qu'elle suppose, était un volet qui posait de nombreuses difficultés. Qu'est-ce qu'englobe l'administration? Qu'est-ce qui explique qu'elle est si coûteuse? J'imagine que les coûts ne sont pas attribuables au gestionnaire, si je peux dire. Vous pourriez peut-être m'éclairer là-dessus.

Mme Harper : Le fait est que nous disposons de budgets liés au logement dans les réserves, mais que certains postes sont financés, et d'autres, non. Le poste de gestionnaire des logements n'a jamais été financé par le gouvernement fédéral. Si une Première Nation décide de créer un tel poste, elle doit le financer à même son budget d'immobilisations ou ses recettes autonomes.

Si une Première Nation est déjà aux prises avec des difficultés financières ou des déficits, il se peut qu'elle n'ait pas les moyens d'embaucher un gestionnaire des logements, ou qu'elle finisse par embaucher une personne qui n'est pas toujours la plus qualifiée pour occuper le poste. Croyez-le ou non, dans certaines collectivités qui n'ont pas les moyens d'embaucher un gestionnaire, c'est l'administrateur de bande, le chef ou le conseil qui finit par prendre en charge ces responsabilités, ce qui crée une foule d'autres difficultés pour la collectivité.

Ainsi, nous sommes en présence de difficultés administratives liées au fait, par exemple, que certaines collectivités des Premières Nations n'ont pas les moyens d'embaucher des personnes qualifiées afin de protéger leur population et les biens, ou au fait tout simple qu'elles ne disposent même pas d'un local où pourrait s'installer un coordonnateur des logements afin d'effectuer son travail, car tous les locaux dont dispose la bande sont déjà surpeuplés. Elles ne disposent pas toujours du matériel requis.

Bien souvent, des communautés des Premières Nations mettent deux ou trois jours avant de répondre à un courriel que je leur ai envoyé. Lorsque je demande aux gens de m'expliquer pourquoi ils ont tardé à me répondre, ils me disent que l'ordinateur était verrouillé. Les Premières Nations et les bureaux des conseils de bande ont des ressources administratives si limitées qu'ils ne disposent parfois que de deux ou trois ordinateurs branchés à Internet, dont l'accès est très contrôlé par l'administration, qui veut savoir qui les utilise chaque jour. Il s'agit là d'une réalité avec laquelle doivent composer une foule de communautés des Premières Nations.

Le sénateur Moore : Turtle Island Associates a été créée et a amorcé ses activités en 1997. Depuis ce temps, combien de Premières Nations avez-vous aidées à mettre en place le programme de gestion des logements qui vous semblait nécessaire?

Mme Harper : Wow.

Le sénateur Moore : La moitié des Premières Nations? Le quart? On nous a dit qu'il y avait 617 Premières Nations au Canada. À combien d'entre elles avez-vous pu fournir un soutien s'étant traduit par de véritables changements?

Mme Harper : De but en blanc, je vous dirai que nous nous sommes probablement rendus, au bas mot, dans le tiers des Premières Nations du pays. En fait, cette proportion pourrait même être de 40 p. 100.

Est-ce que cela a toujours donné lieu à des résultats positifs? Je ne saurais le dire, vu que, dans notre collectivité, nous sommes aux prises avec divers problèmes, par exemple un taux élevé de rotation du personnel — là encore, cela nous ramène à l'administration. Par les temps qui courent, il est extrêmement stressant d'occuper les fonctions de gestionnaire des logements dans la réserve. Au sein des collectivités en question, on se heurte à un taux élevé de rotation du personnel, de même qu'à de fréquents changements de gouvernement — je crois comprendre que vous allez discuter de cela plus tard aujourd'hui. Voilà la réalité des Premières Nations.

Il se peut que nous réalisions des progrès en collaboration avec un gouvernement en place, qu'il nous indique les politiques et les procédures qu'il souhaite instaurer, qu'il nous explique jusqu'où il est prêt à aller et qu'il nous mentionne le nombre de responsabilités qu'il souhaite partager avec les occupants, mais tout ce travail risque d'être réduit à néant à l'élection suivante.

Le sénateur Moore : Vous avez fait allusion au stress qu'éprouvent ceux qui occupent un poste de gestionnaire des logements dans une réserve des Premières Nations. Quels sont les éléments les plus stressants de leur travail? Avez-vous des recommandations à formuler quant à ce que nous pourrions faire ou mentionner dans notre rapport afin de contribuer à atténuer leur stress et pour vous aider à atteindre l'équilibre et la qualité de travail que vous souhaitez?

Mme Harper : Je vais d'abord répondre à votre première question, mais je ne voudrais pas oublier de vous indiquer les gestes que vous pourriez poser. Ce qui rend si stressant ce travail dans nos collectivités, c'est le fait que nous disposons d'actifs résidentiels qui valent littéralement des millions de dollars, mais que nous manquons cruellement de personnel pour les administrer. Il n'est pas rare que des membres du personnel disent qu'ils sont débordés et qu'ils n'en peuvent plus. Il est difficile pour une seule personne de s'occuper d'environ 200 maisons.

Une autre difficulté tient à ce que nous préparons nos gens à accepter une nouvelle démarche. C'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire. J'ai mentionné plus tôt la facturation des services de logement et la perception des montants connexes — il a fallu près de 20 ans pour en arriver là. À présent, ça va — nous pouvons en parler. Nous pouvons nous adresser aux représentants d'une Première Nation et leur demander : « Pouvez-vous montrer aux gens comment on doit s'y prendre pour faire cela, vu que, de toute évidence, cela a fonctionné pour vous? » J'ai dit plus tôt que, il y a 20 ans, nous nous heurtions à une forte résistance, mais il s'agissait d'un euphémisme. En fait, certaines personnes étaient furieuses; il y a des gens qui quittaient nos réunions, car elles n'aimaient pas le changement, et n'aimaient pas l'idée que nous devions mettre à l'essai une nouvelle démarche qui n'avait jamais été utilisée dans les réserves.

Une autre grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés tient à ce que de nombreux membres du personnel des Premières Nations sont devenus propriétaires fonciers sans avoir subi au préalable une formation appropriée. Une foule de ces engagements en matière de logement ont été pris il y a 30 ou 35 ans, car les programmes en question ont été mis en œuvre dans nos collectivités il y a de cela 35 ou 40 ans. À l'époque où on a commencé à lancer des initiatives relatives au logement des Autochtones, et principalement au logement social, le soutien en matière d'administration ou de renforcement des capacités était rare, et on n'était même pas en mesure de s'assurer que les chefs et les membres des conseils comprenaient les ententes qu'ils concluaient avec le gouvernement fédéral. Nous avons réalisé d'énormes progrès à ce chapitre au cours des 20 dernières années, mais des difficultés de ce genre persistent. En outre, nous avons régulièrement affaire à des employés qui, bien qu'ils soient affectés à des tâches liées au logement, ne possèdent pas les qualifications requises pour administrer des biens immobiliers d'une valeur de plusieurs millions de dollars — cela arrive de temps à autre, ce qui fait ressortir que très peu de postes dans les réserves sont classifiés. On ne met pas l'accent sur la possession d'une accréditation ni sur l'expérience. Cela nous ramène à la pénurie d'employés ou de ressources humaines dans bon nombre de collectivités des Premières Nations.

Nous pourrions tous nous pencher sur la question des compétences minimales que devraient posséder les personnes qui occupent un poste lié au logement. Toutefois, cela posera un problème, c'est que nos collectivités n'ont pas les moyens d'assumer les coûts liés aux normes et à la régularisation. Je crois que, si nous voulions tous changer les choses, nous pourrions faire vigoureusement valoir que le gouvernement fédéral devrait assumer une partie des coûts liés aux coordonnateurs des logements. Il devrait financer des postes comme celui de travailleur social ou, dans certaines collectivités, d'intervenant en toxicomanie. À mon avis, il voit les choses uniquement par le petit bout de la lorgnette; il devrait comprendre que le fait de soutenir financièrement la création de postes de gestionnaire des logements ne pourrait qu'être profitable pour l'ensemble du pays, vu que cela permettrait aux collectivités d'adopter des politiques économiques durables, de répartir les responsabilités liées au logement entre les propriétaires et les occupants, et, au bout du compte, d'obtenir de merveilleux résultats qui profiteront à tous.

Le sénateur Moore : Vous connaissez votre domaine, madame Harper. Vous arrive-t-il de rencontrer personnellement des Aînés ou des conseils des Premières Nations qui ont décidé qu'ils avaient réellement besoin de créer un poste de coordonnateur ou de gestionnaire des logements, puis de passer en revue avec eux toutes les qualifications que doivent posséder les personnes appelées à occuper ces postes? Si, à l'issue de cet examen, vous concluez que personne ne possède ces qualifications, est-ce que vous leur indiquez à quel endroit elles peuvent être acquises de manière à ce que le travail à faire puisse être fait? Est-ce que de telles démarches font partie du mandat de Turtle Island et de vos tâches personnelles?

Mme Harper : Oui, dans une certaine mesure. Nous travaillons en collaboration avec les Premières Nations afin qu'elles renforcent leurs capacités. L'une des questions que nous devons leur poser à un stade précoce du processus est la suivante : disposez-vous des ressources requises? Trop souvent, les gens croient que, par « ressources », on entend uniquement de l'argent servant à construire de nouvelles maisons.

Le sénateur Moore : Ces ressources renvoient-elles aussi à l'argent nécessaire pour payer le gestionnaire? Est-ce cela que vous vouliez dire?

Mme Harper : Oui, les ressources requises pour embaucher du personnel approprié, lequel pourrait comprendre non seulement un gestionnaire des logements, mais également des préposés à l'entretien qui s'occuperont des logements.

Nous observons actuellement une tendance intéressante au pays. Cette tendance, qui découle du fait que les Premières Nations ont commencé à facturer et à percevoir, tient à ce que les bandes qui font cela ont pris conscience du fait que leur personnel devait également comprendre ce que l'on appelle un « agent de relations avec les locataires » chargé de s'occuper des problèmes de défaut de paiement. Les Premières Nations sont conscientes du fait qu'elles ont besoin, pour l'essentiel, d'un plus grand nombre d'employés affectés aux logements, mais elles sont désormais en mesure de se dire qu'elles devraient peut-être financer cela au moyen des recettes provenant de la facturation et de la perception. C'est plutôt intéressant.

Oui, nous passons beaucoup de temps à discuter avec les Aînés, les chefs et les conseillers, les membres de l'administration en place et les membres de la collectivité afin de leur faire mieux comprendre que l'accroissement des ressources humaines représente un véritable investissement pour leur propre collectivité, surtout si ces ressources humaines sont des membres de la collectivité qui travaillent pour leur collectivité. Cela n'est pas toujours possible, et nous encourageons même certaines Premières Nations à envisager l'adoption d'une démarche en matière de logement axée sur les emplois à temps partiel et le partage d'emplois, mais elles doivent envisager d'embaucher une personne qualifiée pour s'occuper des questions relatives au logement.

Pour ma part, en tant que membre d'une Première Nation, j'ai toujours dit aux chefs et aux conseillers que, si nous trouvons une façon de financer et de créer un tel poste, cela leur permettra de délaisser un peu la gestion quotidienne des logements et de s'occuper des véritables problèmes de gouvernance. C'est des problèmes de ce genre, et non pas de problèmes de gestion immobilière, qu'un gouvernement devrait s'occuper.

Le sénateur Moore : Est-ce que c'est vous qui allez à la rencontre des Premières Nations, ou est-ce elles qui vont vous rencontrer à Akwesasne?

Mme Harper : Nous allons à leur rencontre. J'ai déjà pris l'avion 42 fois cette année — cela vous donne une idée de nombre de voyages que nous faisons. Je pourrais presque être sénatrice, quoique je pense que votre travail est plus enthousiasmant que le mien.

Le président : Chers collègues, nous allons devoir passer à l'étude du projet de loi C-9. Avant cela, nous entendrons le sénateur Wallace, le sénateur Meredith et la sénatrice Raine. Nous devrons ensuite, à contrecœur peut-être, mettre un terme à notre discussion.

Le sénateur Wallace : Merci, madame Harper. Vous avez dit une chose qui a suscité mon intérêt. Je souligne au passage que tout ce que vous avez dit m'a intéressé, mais l'un de vos propos a attiré mon attention de façon plus particulière.

Vous avez avancé que le gouvernement fédéral devrait revoir sa stratégie en matière de logement autochtone. Cela m'a rappelé que chaque réserve du pays est aux prises avec des problèmes qui lui sont propres, comme vous l'avez souligné aujourd'hui. Il ne me semble exister aucune panacée qui permettra de régler tous ces problèmes, et les conseils de bande des collectivités autochtones sont des organismes autonomes qui veulent prendre leurs propres décisions au nom des gens qu'ils représentent et qui ont le pouvoir de le faire. C'est compréhensible.

À la lumière de vos propos et de ceux qu'ont tenus les témoins qui se sont présentés devant nous, j'ai l'impression de disposer d'un ensemble de renseignements disparates en ce qui concerne les problèmes, les solutions possibles et les mesures que prennent les divers groupes et organismes afin d'apporter leur contribution. Vous dites que le gouvernement fédéral doit revoir sa stratégie, mais j'aimerais savoir si vous avez l'impression que nous sommes sur le point d'adopter au pays une stratégie nationale et globale en matière de logement autochtone qui nous permettra d'unir nos efforts?

Mme Harper : Je crois que les gens pourraient envisager une telle stratégie. Dans le cadre d'emplois antérieurs, j'ai moi-même joué un rôle dans le cadre de quelques-unes des stratégies nationales de ce genre, et, en tant qu'Autochtone, je peux vous dire que, en règle générale, au moment d'élaborer une initiative nationale en vue de régler un problème, on consulte un bon nombre de collectivités des Premières Nations et une foule d'autorités régionales.

Par exemple, je sais que vous avez récemment discuté avec des représentants de l'Atlantic Policy Congress — il s'agit d'une autorité régionale —, de même qu'avec des représentants du TSAG et d'autres autorités régionales. Toutefois, ce qui se produit, c'est que, après que l'on a consulté des gens de toutes les régions du pays, on les rassemble tous au sein d'une seule et même stratégie nationale. On prend le temps d'écouter les gens de diverses régions et l'on reconnaît leur caractère unique, mais on les fond ensuite tous au sein d'un même ensemble uniforme.

Pour ma part, j'estime que nous devons revoir la stratégie en tentant de cerner les particularités de chacune des régions de ce grand pays qui est le nôtre et de déterminer en quoi consiste vraiment l'intérêt supérieur des Premières Nations de chacune de ces régions. Je pense que cela pourrait nous permettre de découvrir que nos collectivités ont peut-être une singularité qu'elles souhaitent célébrer, soutenir et exploiter davantage. Cela pourrait également nous permettre de découvrir que les Premières Nations souhaitent peut-être mener un moins grand nombre d'initiatives de tel ou tel genre. C'est possible.

Le sénateur Wallace : D'accord, mais en l'absence d'une stratégie un tant soit peu globale, sera-t-il possible de régler le problème? Il semble que nous ne disposons que d'un ensemble de mesures ponctuelles visant chacune un problème isolé. Vous avez raison de dire que chaque collectivité est unique, mais ne serait-il pas raisonnable d'adopter, en tant que solution, une stratégie globale qui pourrait prendre la forme d'une liste énonçant l'ensemble des solutions offertes et des fonds que le gouvernement fédéral pourrait verser afin de contribuer à leur mise en œuvre? Les collectivités autochtones pourraient ensuite faire leur choix à partir de cette liste.

Mme Harper : Tout à fait.

Le sénateur Wallace : Est-ce que quelque chose du genre existe actuellement?

Mme Harper : À ma connaissance, non. Il existe même une foule d'initiatives ou de programmes en matière de logement qui sont fondés sur les propositions. Par exemple, si je souhaite participer à un programme de la SCHL, je dois rédiger une proposition ou une déclaration d'intérêt, et espérer qu'on me sélectionnera. Rien ne garantit que ce sera le cas. Je dois donc passer par ce processus axé sur les propositions.

On devrait peut-être garantir à chaque collectivité qu'elle obtiendra un minimum de ceci ou de cela. Les gens pourraient aller de l'avant en s'appuyant là-dessus. Je crois que cela pourrait avoir des effets positifs dans toutes nos collectivités.

Votre question est très intéressante. Devrait-il y avoir des normes minimales? Dans une foule de domaines, oui. Cependant, je vous invite à ne jamais perdre de vue que l'on doit mobiliser nos collectivités et les faire participer au processus d'établissement de ces normes minimales.

J'invite tous les sénateurs à prendre conscience du fait que certaines collectivités ne disposent pas des ressources requises aux fins de l'observation de nouvelles normes. Il serait facile d'intégrer une nouvelle norme à un code du bâtiment, mais nous devons tenir compte du fait que des milliers de maisons existent déjà. Que se passera-t-il? Faudra- t-il déposer des demandes à leur sujet? Avons-nous les moyens de respecter un nouveau code? Les collectivités ont-elles actuellement les moyens de changer leur façon de faire? Il est facile d'établir de nouvelles normes minimales, mais que fait-on des programmes en vigueur ou des portefeuilles existants?

Le sénateur Wallace : Je comprends, mais cette difficulté se posera pour tout le monde au pays.

Mme Harper : Oui.

Le sénateur Wallace : Les codes n'ont peut-être pas été applicables aux édifices d'Ottawa construits dans les années 1950. Ces difficultés se poseront partout. Cela dit, je vois ce que vous voulez dire, et je vous remercie de vos observations utiles.

Le sénateur Meredith : Madame Harper, j'aimerais revenir sur la question du sénateur Tannas concernant une stratégie gouvernementale pour le Nord. Quel rôle devraient jouer à cet égard les chefs et les conseillers? Voici un scénario possible : le gouvernement déclare qu'il a pris conscience de l'existence d'une crise et d'une pénurie, de l'absence de codes et de la présence d'édifices décrépits dans les collectivités des Premières Nations, et qu'il a décidé de mettre en œuvre telle ou telle stratégie. Cela fera ensuite les manchettes, et on connaît la suite.

Pour en revenir à l'observation et à la question formulées par mon collègue, j'aimerais savoir ce que les chefs et les conseillers proposent comme solution de rechange à une telle démarche descendante ou stratégie imposée par le gouvernement. Il faut que la solution émane de la population et de la collectivité. Il faut qu'elle soit axée sur les collectivités. Ce que vous dites au gouvernement fédéral, c'est qu'il doit soutenir une telle démarche, et non pas mettre en œuvre uniquement une solution ponctuelle; vous voulez que la spécificité des collectivités du pays soit prise en compte, et vous voulez leur proposer une solution à la crise qui sévit dans ces collectivités.

Mme Harper : Tout à fait.

Le sénateur Meredith : Pouvez-vous nous fournir des précisions quant à la teneur de vos discussions avec eux?

Mme Harper : Bien sûr. On constate que, dans une foule de collectivités des Premières Nations, les gens adoptent de plus en plus ce que d'aucuns appellent une nouvelle démarche, mais qui, pour bon nombre d'entre nous, constitue un retour à notre ancienne façon de gouverner, qui était davantage axée sur l'établissement d'un consensus au sein de la collectivité et sur la participation des membres.

Il nous arrive régulièrement de collaborer avec des Premières Nations qui, après avoir cerné et clarifié le problème, le soumettent aux membres afin qu'ils contribuent à déterminer l'orientation à prendre à cet égard. Il peut s'agir de toutes sortes de problèmes liés au logement, par exemple, la pénurie de logements, le surpeuplement des logements, la présence de moisissure et la qualité de l'air intérieur ou le fait que bon nombre de personnes quittent la communauté.

Une fois que le chef et ses conseillers ont cerné un problème de ce genre, ils le soumettent à leurs membres pour engager un dialogue avec eux afin qu'ils formulent des propositions quant aux mesures à prendre, qu'ils indiquent ce qui, d'après eux, est dans l'intérêt supérieur de la collectivité et qu'ils mentionnent ce qui fonctionne au sein de la collectivité. Ils peuvent ensuite élaborer collectivement une solution efficace pour eux.

Le hic, c'est que cela exige beaucoup de temps, et peut se révéler coûteux, car, bien souvent, les Premières Nations ont besoin de ressources qui les aideront à mener à bien ce processus de dialogue. Il arrive parfois qu'elles souhaitent obtenir l'avis d'un tiers qui ne formulera pas de critiques à leur endroit, qui ne fera pas preuve de condescendance à leur égard, qui comprend bien le problème et qui est en mesure d'élargir la portée du dialogue engagé avec les membres.

Pour mettre les choses en contexte, je vais vous donner un exemple de problème auquel nous nous sommes heurtés dans le Nord. Une collectivité des Premières Nations a récemment fait savoir qu'elle souhaitait se doter d'une unité de soins palliatifs. Il s'agit d'une chose toute simple. Les gens de cette collectivité en ont assez que leurs proches aillent finir leurs jours loin de chez eux. Dans bon nombre de cultures autochtones, la pire chose qui peut arriver à quelqu'un, c'est de mourir à l'extérieur de son territoire. Toutefois, pour la collectivité en question, il n'est même pas concevable de mettre en place une unité de soins palliatifs répondant aux normes actuelles.

Ainsi, les gens de cette collectivité, comme ceux d'une kyrielle d'autres Premières Nations, sont contraints d'accueillir leurs proches chez eux — c'est-à-dire dans des logements dont l'état laisse probablement à désirer, voire dans des taudis où règnent des conditions qui choqueraient bon nombre des personnes ici présentes —, afin qu'ils y terminent leurs jours. Voilà ce que souhaitent les gens de cette collectivité.

Pour ma part, j'estime qu'il n'y a rien de mal à ça. Si une collectivité établit que, en matière de logement, ce dont elle a besoin, c'est d'un foyer de soins spéciaux de cette nature, nous devons trouver des façons de la soutenir et de l'encourager.

Par souci d'équité à l'égard de tous, la plupart des Premières Nations sont conscientes du fait qu'elles devront mettre l'épaule à la roue. Ce qu'elles souhaitent, c'est non pas que le gouvernement du Canada fasse les choses à leur place, mais qu'il les aide à trouver une solution. À coup sûr, au cours des dernières années, on a manifesté partout au pays un désir authentique de travailler tous ensemble.

Le sénateur Meredith : J'aimerais revenir sur une question qui a été posée plus tôt à propos des ressources. Tous ceux qui se sont présentés ici ont invariablement indiqué au comité qu'ils avaient besoin de fonds supplémentaires, et ont indiqué de quel ministère ils devaient provenir. De plus, vous avez évoqué un certain nombre de sources de revenus autonomes auxquelles les Premières Nations pouvaient recourir afin de contribuer au financement des mesures visant à combler leurs besoins en matière de logement.

Vous avez parlé des progrès qui avaient été réalisés. Cependant, il me semble que les compressions budgétaires et certaines dispositions législatives — il a été question du projet de loi C-31 — ont eu pour effet, d'une façon ou d'une autre, de réduire à néant une partie de ces progrès.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à propos des mesures que nous pouvons prendre pour nous assurer que les progrès qui ont été réalisés — que ce soit au sein des collectivités ou, bien entendu, au chapitre du soutien financier offert par le gouvernement — soient maintenus dans l'avenir?

Mme Harper : Il y a quelques mesures que nous pourrions prendre dans l'immédiat, et il y en a d'autres qui devront être prises à long terme. J'ai horreur de faire comme tous ceux que vous entendez, et qui vous disent probablement que l'on doit augmenter les budgets, mais il est vrai qu'on doit augmenter les budgets, non seulement ceux visant la construction et la rénovation de maisons, mais également ceux axés sur le renforcement des capacités, ceux qui nous permettront de trouver des manières d'attirer les compétences et les connaissances dans les collectivités et de cerner les mesures que peuvent prendre les Premières Nations afin de commencer à créer leur propre réseau. Tout cela est sérieusement compromis par les compressions financières qu'ont subies les conseils tribaux, et qui se traduiront par une perte de compétences et de connaissances des Premières Nations et des Autochtones. Il s'agit pour nous d'une réalité.

Nous devons déterminer ce que nous pouvons faire pour rassembler nos gens, et peut-être envisager la création d'un centre d'excellence en matière de logement des Premières Nations auquel pourraient s'adresser ceux qui veulent accéder aux solutions, aux ressources et aux outils qui ont été créés. Devrait-il s'agir d'un centre régional ou national? Je ne le sais trop — je n'ai pas vraiment réfléchi à cela jusqu'à cet instant.

Il faut que les quelque 600 bandes du pays aient des occasions d'unir leurs efforts. Une mesure à long terme que nous pourrions prendre consisterait à demander aux Premières Nations qui ont obtenu de bons résultats en matière de logement de mettre en commun la recette de leur succès avec les autres collectivités du pays. Est-ce qu'une telle recette peut être reprise ailleurs? Elle ne sera peut-être pas efficace partout, mais nous devons avoir l'occasion de souligner et de célébrer nos réussites.

J'aimerais qu'un bulletin de nouvelles national souligne la réussite d'une initiative en matière de logement menée par une Première Nation — rien ne me ferait plus plaisir. Toutefois, il y a très peu de chances que cela se produise, n'est-ce pas? Il est plus probable que l'on diffuse un reportage sur une autre crise qui sévit dans nos collectivités. Il est plus probable qu'on parle de choses qui ne nous font pas nécessairement progresser et qui ne changeront pas la perception qu'ont de nous les autres Canadiens. Je suppose que bien des gens en viennent à se dire : « Il faut cesser de donner de l'argent à ces Autochtones. C'est assez. »

Nous pourrions peut-être tous tenter de souligner et de saluer nos bons coups. Si vous connaissez un journaliste de la SRC, dites-lui de communiquer avec moi — je pourrai l'aider à trouver une collectivité ou des choses positives ont été réalisées. La solution pourrait être aussi simple que cela — nous devons parler davantage de ce qui a fonctionné.

S'il y a une chose que nous souhaitions véritablement faire savoir aux sénateurs, c'est que, en dépit de tout ce que l'on entend, il y a des réussites, et on doit les saluer.

Le président : Je peux vous dire que le comité prévoit se pencher sur quelques-unes de ces réussites. Vous avez mentionné Membertou. Nous espérons nous rendre dans cette collectivité, de même que dans d'autres.

Mme Harper : Excellent.

Le président : Nous souhaitons suivre votre conseil.

La sénatrice Raine : J'allais poser une question qui aurait mené la discussion dans une tout autre direction, de sorte que je ne la poserai pas à ce moment-ci. Cela dit, j'espère que, lorsque vous reviendrez à Ottawa, je suis certaine que vous devez le faire de temps à autre...

Mme Harper : En fait, j'habite ici.

La sénatrice Raine : C'est bien. Nous pourrons vous inviter de nouveau à venir ici.

Mme Harper : Tout à fait.

La sénatrice Raine : Ce que vous nous avez dit aujourd'hui est merveilleux. Je vous poserai ma question à une autre occasion. Merci.

Le président : Je remercie la sénatrice Raine de s'être faite la porte-parole de tous les membres du comité en exprimant sa gratitude à votre égard, madame Harper. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir partagé vos connaissances avec nous, d'avoir exprimé sincèrement vos opinions, d'avoir répondu à des questions parfois épineuses, et surtout, peut-être, de nous avoir communiqué votre optimisme à propos du sujet difficile que nous étudions. Nous vous en savons gré.

Sur ce, nous allons vous permettre de vous retirer de manière à ce que nous puissions procéder à l'étude du projet de loi C-9, qui porte sur les élections au sein des Premières Nations. Je vous remercie d'être venue ici.

Nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi C-9. Je tiens simplement à mentionner que, tel que prévu, le comité directeur a travaillé sur des observations, et nous nous pencherons là-dessus plus tard.

Tout d'abord, je vous demande de porter votre attention sur le projet de loi C-9. Si quelqu'un a besoin d'une copie du texte législatif, nous pouvons lui en fournir. Toutefois, tout le monde devrait en avoir une dans son cartable. À ce moment-ci, j'aimerais savoir si vous êtes disposés à ce que nous procédions à l'étude article par article.

Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. L'étude du titre est-elle réservée?

Des voix : D'accord.

Le président : L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Veuillez intervenir si vous avez des commentaires à formuler.

L'article 3 est-il adopté?

La sénatrice Dyck : J'aimerais faire une brève observation à propos de l'article 3. Je tiens à souligner, aux fins du compte rendu, que l'Assemblée des Premières Nations et l'organisation des Premières Nations signataires du Traité no 6 nous ont transmis des mémoires dans lesquels elles formulent des objections concernant les alinéas 3(1)b) et 3(1)c) du projet de loi. Nous n'avons malheureusement pas eu l'occasion de recevoir ici des représentants de ces organisations, ce qui aurait été souhaitable, car, bien entendu, un témoignage de vive voix est beaucoup plus intéressant et beaucoup plus efficace qu'un mémoire. Il est regrettable que nous n'ayons pas eu la possibilité de les entendre, bien que nous ayons entendu leur témoignage au moment de notre étude de la version antérieure du présent projet de loi, à savoir le projet de loi S-6. Bien sûr, ces organisations ont été également entendues à la Chambre des communes.

Je tenais simplement à déclarer publiquement que ces organisations avaient formulé des objections, et que, dans une certaine mesure, elles se reflètent dans nos observations.

Le président : Merci, madame la sénatrice Dyck. Est-ce que quelqu'un d'autre a des commentaires à formuler à propos de l'article 3?

L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 9 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 11 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 12 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 13 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 14 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 15 est-il adopté?

La sénatrice Dyck : Pourquoi ne pas regrouper les articles par section?

Le président : D'accord. Si vous êtes d'accord pour que nous regroupions les articles...

La sénatrice Dyck : En fonction des sections.

Le président : ...je procéderai de cette façon, en commençant par les articles 15 à 19.

Les articles 15 à 19 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés.

Les articles 20 à 22 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés. Merci.

Les articles 23 et 24 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 25 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Les articles 26 et 27 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés.

Les articles 28 et 29 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés.

Les articles 30 à 35 sont-ils adoptés?

La sénatrice Dyck : J'aimerais formuler une brève observation.

Le président : Allez-y, s'il vous plaît.

La sénatrice Dyck : Un témoin a fait observer que l'article 33 pourrait créer une certaine confusion en cas de différend à propos du tribunal compétent, à savoir la Cour fédérale ou une cour supérieure provinciale. C'est tout ce que je souhaitais dire.

Le président : Le témoin en question représentait l'Association du Barreau canadien.

La sénatrice Dyck : Oui.

Le président : Merci. C'est noté.

Les articles 30 à 35 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés.

L'article 36 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Les articles 37 et 38 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés.

Les articles 39 et 40 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptés.

L'article 41 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 42 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 43 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 44 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'annexe est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptée.

Nous allons maintenant revenir à l'article 1. L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Dyck : Sous réserve des observations, ou observations comprises?

Le président : Je crois que nous avons convenu que des observations seraient formulées. Nous allons les examiner sous peu.

Ainsi, eu égard à cela, est-ce que le projet de loi est adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Est-ce que le comité souhaite examiner les observations à joindre au rapport?

Des voix : D'accord.

Le président : D'accord. Je propose que nous examinions ces observations.

Je crois que tout le monde dispose d'une copie des observations dans les deux langues officielles — elles ont été rédigées en français et en anglais. Comment devrions-nous procéder, sénatrice Dyck? Voulez-vous les lire à haute voix?

La sénatrice Dyck : Est-ce que cela est la pratique habituelle?

Marcy Zlotnick, greffière du comité : Vous n'êtes pas obligée de le faire.

Le président : Je crois que nous devrions le faire aux fins du compte rendu. Depuis notre dernière réunion, nous avons beaucoup travaillé sur ces observations, qui sont le fruit d'une réflexion assez approfondie. Ainsi, je demanderai aux vice-présidents du comité de bien vouloir les lire.

La sénatrice Dyck : D'accord. Observations concernant le projet de loi C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

Le projet de loi C-9 vise à offrir aux premières nations un nouveau régime d'élection, général et modernisé, qui viendrait s'ajouter aux trois principaux régimes d'élection actuellement disponibles en vertu de la Loi sur les Indiens : élections tenues conformément aux dispositions électorales de la Loi sur les Indiens; mécanismes de sélection communautaires fondés sur la coutume; élections tenues conformément aux dispositions des ententes d'autonomie gouvernementale.

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a constaté, au terme de son examen du projet de loi C-9, qu'il existait un soutien important et de longue date à un cadre législatif qui puisse combler plusieurs des lacunes propres au régime électoral instauré par la Loi sur les Indiens. Ce cadre permettrait, notamment, de prolonger la durée des mandats des chefs, de prévoir des peines pour les infractions relatives aux élections, ainsi que de resserrer les procédures de mise en candidature et d'envoi des bulletins par la poste.

Le comité a cependant entendu un certain nombre de témoins exprimer d'importantes réserves quant à l'article 3 du projet de loi qui confère au ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien le pouvoir d'ordonner qu'une élection soit tenue dans une Première Nation, y compris dans une Première Nation fonctionnant selon un code électoral coutumier, lorsqu'« il est convaincu qu'un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci ». Le comité a constaté que le ministre dispose déjà de ce pouvoir en vertu du paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens. Cependant, l'alinéa 3(1)b) du projet de loi C-9 confère au ministre un pouvoir plus limité que celui qu'il détient actuellement en vertu de la Loi sur les Indiens, qui lui confère, quant à lui, le pouvoir d'ordonner une élection dans toute Première Nation, « [l]orsqu'il le juge utile à la bonne administration d'une bande ».

Le paragraphe 74.1 et l'alinéa 3(1)b) confèrent des pouvoirs similaires, mais, alors que la première disposition assujettit les Premières Nations à la Loi sur les Indiens — il y a une faute de frappe ici — dont le régime électoral est dépassé et inefficace, la deuxième disposition assujettit les Premières Nations au régime plus moderne et plus strict du projet de loi C-9.

Le principal commentaire formulé est que toute décision ministérielle prise en vertu de l'alinéa 3(1)b) pourrait, sur requête, être soumise à l'examen des tribunaux. Qui plus est, le libellé, « conflit prolongé lié à la direction de la première nation [qui] a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci », place la barre assez haute, pour le ministre, lorsqu'il s'agit de justifier le recours à ce pouvoir.

Enfin, le comité a entendu des témoins objecter que l'alinéa 3(1)b) perpétue le pouvoir dont dispose le ministre sur les affaires des Premières Nations. Après examen de cette objection, le Comité a constaté que le pouvoir de dissolution que possède tout gouvernement (notamment fédéral, provincial ou municipal) est une caractéristique commune et nécessaire au Canada.

Le comité convient qu'il est arrivé, à de rares occasions par le passé, et qu'il pourrait encore arriver, que, dans une Première Nation, il ne soit possible de mettre un terme à l'absence de gouvernement fonctionnel en raison d'un conflit prolongé qu'en ordonnant la tenue d'une élection, mais le comité juge également que le libellé de l'alinéa 3(1)b) entérine la pratique établie qui veut que cette décision grave ne puisse être prise qu'avec la plus grande prudence, et seulement dans les très rares cas où toute autre forme de réforme démocratique et de règlement des différends a échoué, et ce, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'appliquer l'alinéa 3(1)b) à des Premières Nations fonctionnant selon un code électoral coutumier.

Le président : D'accord. Merci, sénatrice Dyck.

Nous allons peut-être devoir peaufiner ce texte. La sénatrice Dyck a relevé une erreur typographique, et on me dit que les mentions de projet de loi allaient devoir être mises en italiques.

Je vais donc poser la question suivante : plaît-il au comité que le Sous-comité du programme et de la procédure — le comité de direction — soit habilité à approuver la version finale des observations jointes au rapport, en prenant en considération les discussions tenues aujourd'hui, et une fois que toutes les corrections nécessaires sur le plan de la forme, de la grammaire ou de la traduction y auront été apportées?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. C'est convenu.

Enfin, est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi et de nos observations au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : Je m'efforcerai de le faire aujourd'hui.

Sur ce, chers collègues, je vous remercie. Je crois que nous avons effectué un bon examen de cet important projet de loi et que nous avons eu de bonnes discussions à son sujet, et je vous en remercie. La séance est levée. Merci.

(La séance est levée.)


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