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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 9 avril 2014


OTTAWA, le mercredi 9 avril 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public présents dans la salle ou qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle Dennis Patterson, je suis du Nunavut et je préside le comité. Notre mandat consiste à examiner la loi et les questions qui concernent les Autochtones au Canada en général. Ce soir, nous allons entendre des témoignages liés à l'ordre de renvoi qui nous demande d'examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes et les solutions potentielles liés à l'infrastructure dans les réserves, y compris le logement et l'infrastructure communautaire, ainsi que les occasions innovantes de financement et les stratégies de collaboration plus efficaces.

Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir des représentants du Conseil tribal de Meadow Lake et de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Avant d'entendre leurs témoignages, je demanderais aux membres du comité autour de la table de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, vice-présidente, de la Saskatchewan.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Meredith : Sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Greene Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le président : Merci. Les membres du comité se joignent à moi pour souhaiter la bienvenue aux témoins : Merv Buckle, conseiller, et Joe McKayon, gestionnaire, Services techniques, Conseil tribal de Meadow Lake; Perry Bellegarde, chef, Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Nous avons hâte d'entendre vos exposés. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Nous allons commencer par le chef Bellegarde; allez-y.

Perry Bellegarde, chef, Federation of Saskatchewan Indian Nations : Merci beaucoup, monsieur le président Patterson.

[Note de la rédaction : M. Bellegarde s'exprime en langue autochtone.]

Je suis très content d'être ici. Je viens de remercier tous les hommes et toutes les femmes qui sont ici. Je vous salue au nom de notre fédération. Je vais présenter mon exposé sans plus tarder afin de nous laisser plus de temps pour les questions et les commentaires.

Je porte toujours mon médaillon du traité, qui me rappelle ainsi qu'aux fonctionnaires que nous avons une relation très particulière avec l'État en vertu des traités. Je le porte toujours pour rappeler avec courtoisie nos droits en tant qu'Autochtones dans ce pays maintenant appelé Canada, qui est pour nous l'île de la Tortue.

Bonsoir, mesdames et messieurs. Merci de l'invitation à témoigner devant votre comité. Je me présente aujourd'hui en tant que chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations et chef régional de la Saskatchewan pour l'Assemblée des Premières Nations. Je suis également le responsable national des dossiers relatifs aux traités.

Je remercie le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de m'avoir invité à témoigner ici. Merci de réaliser cette étude et de prendre des mesures pour améliorer l'infrastructure dans les réserves.

La FSIN représente 74 Premières Nations en Saskatchewan. Notre fédération s'engage à honorer l'esprit et l'intention du traité, ainsi qu'à promouvoir, à protéger et à mettre en œuvre pleinement les promesses du traité faites il y a plus de 100 ans.

Je suis présentement chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations et chef régional pour la Saskatchewan à l'Assemblée des Premières Nations. Mais j'ai aussi grandi dans la Première Nation de Little Black Bear établie sur le territoire visé par le Traité no 4, qui couvre le Sud de la Saskatchewan, le sud-est du Manitoba et une petite partie du sud-est de l'Alberta, pour un total d'environ 75 000 milles carrés.

J'ai été élu dirigeant à tous les niveaux dans les organisations des Premières Nations, comme chef de la FSIN, chef régional à l'APN, représentant de conseil tribal, représentant adjoint de conseil tribal, en plus d'être chef et conseiller de Little Black Bear.

Par le fait même, j'ai eu l'honneur de recevoir les enseignements de plus de 60 gardiens du savoir traditionnel et aînés, des hommes et des femmes qui habitent les territoires visés par traités en Saskatchewan et d'autres régions de ce que nous appelons maintenant le Canada. Ces gens m'ont transmis leur savoir sur l'esprit et l'intention des traités, sur les droits fondamentaux des Autochtones et les droits de la personne.

Pour améliorer le quotidien de nos gens où qu'ils résident, il est essentiel de reconnaître, de respecter et de mettre en œuvre pleinement nos droits de la personne qui sont confirmés par les traités, la Constitution et le droit international en matière de droits de la personne, dont la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il demeure urgent pour le Canada de faire preuve d'un respect sincère et de s'engager à long terme conformément à la rencontre entre la Couronne et les Premières Nations de 2012 et à la réunion qui a eu lieu en 2013 entre le premier ministre et les dirigeants des Premières Nations. Pour respecter le cadre de votre étude, mon exposé va porter sur l'infrastructure dans les réserves, mais le logement hors réserve est tout aussi important.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones constitue la norme minimale pour les droits autochtones partout dans le monde. Elle a été endossée par le Canada en 2010. L'article 21 se lit comme suit :

1. Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d'aucune sorte, à l'amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l'assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.

2. Les États prennent des mesures efficaces et, selon qu'il conviendra, des mesures spéciales pour assurer une amélioration continue de la situation économique et sociale des peuples autochtones. Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins particuliers des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones.

L'indice du développement humain montre que les Autochtones au Canada sont en situations vulnérables. Comme le rapporte une étude d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, le Canada se classe sixième, mais les Premières Nations arrivent au 63e rang. Les gouvernements doivent donc prendre des mesures spéciales pour améliorer leurs situations, sans exploiter leurs vulnérabilités, comme l'indiquent les paragraphes 1 et 2 de l'article 21 que je viens de citer.

Durant la visite officielle au Canada du rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en octobre 2013, James Anaya a reconnu l'objectif de réconciliation du Canada et les mesures qu'il applique. Il a aussi souligné des défis de taille et a conclu que le Canada est confronté à une crise en ce qui a trait à la situation des Autochtones. Le professeur Anaya a précisé que l'écart entre le mieux-être des Autochtones et des non-Autochtones ne s'est pas rétréci, qu'une grande partie des revendications territoriales fondées sur les traités ne sont pas réglées et qu'il y a beaucoup de méfiance entre les Autochtones et les gouvernements fédéral et provinciaux. Il a également signalé qu'un Autochtone sur cinq au Canada vit dans un logement qui nécessite d'importantes réparations et que la Commission canadienne des droits de la personne répète constamment que la situation des Autochtones représente le plus grave problème de respect des droits de la personne au pays.

Par ailleurs, le rapport de la vérificatrice générale de 2011 met en lumière les piètres conditions de vie et les obstacles dans les réserves :

Il est manifeste que les conditions de vie sont moins bonnes dans les réserves des Premières nations qu'ailleurs au Canada. Des analyses menées par Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC) le confirment... Au contraire, le bien- être moyen de ces collectivités reste bien inférieur à celui des autres collectivités canadiennes. Les conditions de vie dans de nombreuses réserves sont mauvaises et ne se sont pas améliorées de manière substantielle...

À notre avis, bon nombre des problèmes auxquels les Premières nations se heurtent ont des causes plus profondes que l'inefficience et l'inefficacité des programmes en vigueur. Selon nous, des obstacles structurels nuisent gravement à la mise en œuvre des services publics destinés aux Premières nations et à l'amélioration de la qualité de vie dans les réserves. Nous avons recensé quatre obstacles structurels de ce genre :

le niveau des services à assurer est mal défini;

il n'y a pas de fondement législatif;

les mécanismes de financement ne sont pas appropriés;

il manque d'organisations capables de veiller à la prestation des services à l'échelle locale.

Quatre points essentiels.

Concernant le niveau mal défini des services à assurer, la vérificatrice indique que :

Il reste à savoir si le gouvernement fédéral entend assurer, dans les réserves, des services de même étendue et de la même qualité qu'ailleurs au pays. Il n'y a pas, actuellement, de certitude à cet égard. Parfois, les documents du Ministère font état de services qui sont raisonnablement comparables à ceux des provinces. Les critères de comparabilité sont toutefois mal définis et peuvent ne pas comprendre, par exemple, le niveau et l'étendue des services.

Le rapporteur spécial de l'ONU et la vérificatrice générale reconnaissent le piètre état des infrastructures dans les réserves. L'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels signale que les droits au logement et à amélioration continue des conditions d'existence sont essentiels à notre droit à un niveau de vie adéquat.

Comme tous les droits de la personne, nos droits collectifs et individuels sont indivisibles, interdépendants et interreliés. Le déni d'un de nos droits de la personne nuit invariablement à la jouissance des autres droits. Par exemple, les violations de notre droit au logement se traduisent souvent par l'affaiblissement de nos autres droits de la personne. Le Bureau du haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies a mentionné de façon générale que :

L'absence de logement convenable risque aussi de causer des problèmes de santé, d'interférer avec la vie familiale et l'éducation, de nuire aux possibilités d'emploi et de miner les droits civils et politiques. Il peut en résulter l'exclusion sociale et des problèmes avec le système de justice.

En février, le chef national Shawn A-in-chut Atleo vous a signalé que les programmes de logement actuels ne répondent pas à la demande croissante, en raison de la croissance démographique supérieure à la moyenne, de la surpopulation, des dommages exceptionnels et courants causés par les inondations, des constructions de piètre qualité qui se détériorent et des conséquences qu'entraînent les moisissures. Une étude commandée par AADNC et réalisée par Stewart Clatworthy prévoit qu'entre 2010 et 2034, il manquera 130 000 logements, que 44 p. 100 des logements actuels auront besoin de réparations majeures et que 18 p. 100 devront être remplacés.

Les logements de piètre qualité construits avec des matériaux bas de gamme et toxiques, comme l'amiante, causent de graves problèmes de santé qu'il faut traiter de toute urgence. Concernant nos droits au logement et au meilleur niveau de santé physique et mentale possible, le Canada doit remplir ses obligations fondamentales en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Bureau du haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies précise que les obligations fondamentales suivantes prennent effet immédiatement : l'obligation de ne faire aucune discrimination entre les différents groupes de personnes en matière de concrétisation des droits en cause; l'obligation de prendre des mesures, notamment en élaborant des stratégies et des programmes spécifiques, ciblés délibérément sur la pleine réalisation des droits en question; l'obligation de suivre l'état d'avancement de la réalisation des droits de l'homme. La réalisation progressive de ces droits n'est pas une excuse pour retarder leur mise en œuvre. Elle exige plutôt de prendre des mesures immédiates et d'élaborer un plan de mise en œuvre.

Les données de mars 2013 du Système intégré de gestion des immobilisations indiquent qu'il y a 14 583 logements en Saskatchewan, dont 374 ont été terminés en 2011-2012, que 90 logements ont été détruits et que 566 ont été rénovés. Il s'agit d'une hausse nette de moins de 2 p. 100, qui ne comble pas la pénurie de logements compte tenu de la croissance démographique. Selon la base de données, la surpopulation dans les réserves des Premières Nations en Saskatchewan s'élève à 8,43 personnes par logement.

Les logements surpeuplés et inadéquats entraînent la transmission de maladies contagieuses et d'autres conséquences pour la santé. Les enfants manquent d'espace pour jouer et pour étudier. Les tensions sont accrues au sein des familles, qui n'ont pas d'options pour se mettre à l'abri des violences. Les logements inadéquats bafouent un éventail de droits de la personne.

Vous avez aussi entendu que l'APN envisage d'autres options pour mettre en place les infrastructures, comme la création d'une entité régionale appartenant aux Premières Nations et fonctionnant en partenariat pour appliquer des solutions durables et rentables à long terme. Des partenaires veulent fournir d'autres options de prestation de services et d'acquisitions pour corriger le manque d'infrastructure. Pour que ces options fonctionnent, le fédéral doit modifier sa politique sur les accords de contribution pour participer à bien plus long terme aux partenariats financiers. Comme vous le savez, les accords de contribution sont annuels ou pluriannuels dans certains cas, mais en général, ils ne durent pas plus de cinq ans. Les partenaires financiers veulent que le fédéral s'engage durant 10, 15, 20, 25 ans ou plus.

Il faut offrir un financement équitable aux employés des Premières Nations pour créer et pour gérer des offices du logement et financer la formation et le développement continus pour que ces offices puissent répondre aux besoins réels de façon continue.

Voici ce que disent les articles 19 et 23 de la Déclaration de l'ONU :

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'élaborer des priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d'être activement associés à l'élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d'autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les administrer par l'intermédiaire de leurs propres institutions.

Les dirigeants des Premières Nations sont au courant des rumeurs selon lesquelles un projet de loi fédéral permettrait d'établir des normes pour les Premières Nations, un peu comme les codes du bâtiment gérés par d'autres gouvernements. Si ces rumeurs s'avèrent fondées, je demanderais au gouvernement de prendre des précautions et d'adopter une approche coordonnée avec les Premières Nations. Il faut remédier à l'infrastructure inadéquate avant ou pendant la mise en œuvre de ces normes. Comme les collectivités partout au Canada, les Premières Nations doivent profiter de logements, d'écoles, de réseaux d'aqueducs et d'égouts, de routes et de ponts, de systèmes de collecte et d'élimination des déchets, de réseaux d'électricité et d'énergie, de systèmes d'entreposage et de distribution de gros de carburant, d'installations de lutte contre les incendies et de détection automatique d'incendie, ainsi que de bâtiments et d'infrastructures communautaires. Avant l'adoption et la mise en œuvre de mesures législatives pour respecter son engagement relatif à la Déclaration de l'ONU, le Canada doit consulter les Premières Nations et leur permettre une participation active.

Enfin, je vais reprendre les recommandations de la fiche d'information que l'APN vous a remise au début de février : 1) accorder un financement annuel normalisé pour fournir comme il se doit des logements sûrs, sécuritaires et durables dans les réserves; 2) le gouvernement du Canada doit supprimer le plafond de financement de 2 p. 100 qui s'applique depuis 1996; 3) chercher du soutien pour les prêts renouvelables et d'autres programmes de financement qui connaissent du succès dans les communautés; 4) créer des offices du logement; 5) soutenir les projets à long terme, comme les initiatives de développement économique liées aux logements accessibles dans les réserves; 6) soutenir les propres institutions de prêts personnels et hypothécaires des Premières Nations.

En plus de nos traités et des principes constitutionnels, la Déclaration de l'ONU permet d'établir nos objectifs collectifs et, dans ce cas précis, notre droit à l'amélioration de nos logements. Les normes stipulées par cette déclaration forment un cadre commun fondé sur des principes dans lequel nous pouvons tous travailler pour répondre au besoin fondamental de logements et d'infrastructures réalisables dans les réserves.

C'est ce qui met fin à mon exposé. Merci.

Le président : Merci beaucoup, chef Bellegarde. Votre exposé sur les défis à relever était très convaincant. Merci également des recommandations que vous avez formulées.

Merv Buckle, conseiller, Conseil tribal de Meadow Lake : Merci de l'invitation à témoigner devant vous pour parler un peu des questions et des défis pratiques qui se posent au Conseil tribal de Meadow Lake et aux neuf Premières Nations membres.

Je vais parler de deux questions, puis en tant que gestionnaire des services techniques du conseil tribal, M. McKay va parler de certains problèmes généraux en matière d'infrastructure.

Dans le cadre des négociations sur la gouvernance avec le Canada, les chefs de Meadow Lake ont autorisé en 2005 la tenue d'un examen sur l'état du logement, qui a donné lieu à un certain nombre d'observations et de recommandations. En raison du ralentissement économique et de graves préoccupations concernant la façon d'appliquer les recommandations relatives au droit au logement issu des traités et les ressources limitées, les changements proposés n'ont pas été apportés à l'époque. Les fonds ne le permettaient tout simplement pas.

Il importe de présenter certaines hypothèses émises en 2006. Western Management Consultants a dit que, si rien n'était fait, le taux d'occupation des logements atteindrait 10,5 personnes dans 10 ans. Le taux actuel, 10 ans plus tard, s'élève à 7,6 personnes, alors que la croissance démographique varie en 2,5 et 3 p. 100 par année.

Pourtant, nos recherches révèlent que les inscriptions scolaires au cours de cette période ont décliné, malgré la croissance démographique.

Au fond, lorsque près de huit personnes occupent un logement, les gens quittent les réserves. Sans financement adéquat du logement, le système d'éducation est donc compromis.

L'examen sur le logement réalisé par Western Management Consultants en 2006 indique que les pratiques et les niveaux de financement courants ne permettent pas de répondre aux besoins liés à la croissance démographique. À l'époque, le consultant a dit que notre principale politique sur le logement devrait consister à acheter des billets d'autobus, car les ressources actuelles ne permettent pas de fournir des logements adéquats. Le rapport est assez catégorique.

En raison du ralentissement économique et du manque de fonds qui ne changent pas depuis nombre d'années, aucune mesure n'est prise pour corriger certains des grands problèmes et pour appliquer les recommandations sur la location avec option d'achat, sur le loyer proportionné au revenu, et cetera. C'est tout simplement impossible à réaliser.

Mais en 2012 après que plusieurs chefs se sont dits très préoccupés, il a été convenu qu'un groupe de travail technique serait formé pour examiner la question de nouveau et pour chercher d'autres options réalisables. Ce travail est présentement en cours. Joe McKay, moi et deux autres personnes — un ancien membre du personnel de la fédération responsable du logement et un membre du personnel du conseil tribal qui travaille à cette question avec les Premières Nations — faisons partie d'un groupe de travail qui va présenter un rapport sur les options qui s'offrent aux chefs.

Ce rapport comprendra diverses approches sur les logements sociaux, le loyer proportionné au revenu, la location avec option d'achat et la propriété, ainsi que de nouvelles approches afin de voir s'il est possible de s'entendre pour créer un office du logement pour les neuf Premières Nations. Est-il possible d'établir un fonds en fiducie qui offrirait un financement selon des critères préétablis pour le logement? Nous examinons toutes les options que les chefs pourraient envisager.

Il y a un autre grand problème en Saskatchewan, sans doute comme au Manitoba et en Alberta. John Kiedrowski — j'espère que je prononce bien son nom, puisque ma mère est d'origine ukrainienne — a produit un rapport en 2005 sur la mise en œuvre de l'allocation-logement. Il estime qu'il manque 17,8 millions de dollars en allocations-logement en Saskatchewan pour les bénéficiaires de l'aide sociale qui habitent des logements dont la SCHL n'est pas propriétaire. Mais ce calcul se fonde sur une allocation-logement d'environ 380 $ par mois, alors que la moyenne actuelle établie par la province s'élève à 650 $.

Si le taux de dépendance se situe à 50 p. 100, soit 5 p. 100 de moins que dans l'étude de 2006, cela représente environ 5,6 millions de dollars en allocations-logement que les Premières Nations de Meadow Lake ne reçoivent pas pour les logements qui n'appartiennent pas à la SCHL, contrairement aux Premières Nations en Ontario, en Colombie- Britannique et au Québec.

Cet état de fait nous paraît inéquitable. Les chefs sont prêts à tenter une approche différente si les capacités existent. La politique de mise en œuvre de l'allocation-logement a été adoptée en 1998, mais les fonds n'ont pas été accordés. Comme une personne a dit au conseil tribal, il convient de savoir à combien le manque à gagner s'élève en tout, car il doit y avoir une reconnaissance de dette. C'est une notion intéressante à laquelle les chefs accordent sans doute une certaine valeur.

Cette question ne figurait pas dans mon exposé au départ, mais elle me paraît importante. Dans les négociations sur la gouvernance qui durent depuis un certain nombre d'années, le Canada a proposé aux Premières Nations de Meadow Lake il y a 10 ou 12 ans d'utiliser le modèle de financement axé sur le cycle de vie, qui fait partie de l'accord de gouvernance des Nisga'a. En gros, ce modèle permet de verser les fonds nécessaires selon la durée de vie de tous les actifs et d'avoir une réserve pour les remplacer.

C'était la recommandation de l'équipe de négociation du Canada. Le ministère des Travaux publics, un ingénieur, un cabinet d'architectes et moi avons évalué le coût des actifs en Saskatchewan qui diffèrent du modèle des Nisga'a en Colombie-Britannique. AADNC a approuvé cette évaluation à l'époque. C'est seulement trois ou quatre ans plus tard, lorsque le Canada a présenté sa dernière offre financière, que le ministère nous a avisés qu'il ne pouvait pas appliquer le modèle de financement axé sur le cycle de vie aux neuf Premières Nations de Meadow Lake.

Une des difficultés dans les négociations sur la gouvernance, c'est que nous étions forcés d'accepter les niveaux de financement courants pour signer l'accord de gouvernance. C'est devenu très difficile pour nos dirigeants de dire qu'ils allaient signer l'accord en sachant que trois autres régions reçoivent des allocations-logement et que d'autres Premières Nations ont négocié un financement pour remplacer les actifs en fin de vie utile, alors que cette option nous était refusée.

C'est devenu très frustrant pour nos politiciens d'accepter ce genre d'approche. C'est pourquoi nous tardons à signer cet accord qui nous lierait pour toujours. Un certain nombre de points achoppent, et le cadre prévu par le Canada et par Affaires autochtones qui maintient les niveaux de financement courants crée des problèmes. Pourquoi signerions- nous, tandis qu'une Première Nation ailleurs au pays obtient bien plus? C'est très difficile à accepter.

Joe va maintenant parler de deux questions pratiques qui concernent les services techniques.

Le président : Votre exposé était très intéressant. Merci.

Joe McKay, gestionnaire, Services techniques, Conseil tribal de Meadow Lake : Merci de l'invitation à témoigner devant votre comité sénatorial. Je viens de la Première Nation Peepeekisis, qui habite le territoire visé par le Traité no 4.

M. Bellegarde : Nous sommes voisins.

M. McKay : En effet.

J'ai travaillé pour ma bande à la maintenance et aux réseaux d'aqueducs et d'égouts pendant environ 17 ans. J'ai quitté la réserve et j'ai travaillé dans le système de santé provincial en tant qu'opérateur de maintenance d'un hôpital durant environ trois ans, avant de passer aux services techniques du conseil tribal. Je suis directeur de ces services depuis maintenant deux ans, donc c'est tout nouveau pour moi.

C'est pourquoi je rencontre un certain nombre d'obstacles différents, entre autres avec le bureau régional. J'ai constaté que toutes les provinces ont des approches différentes pour traiter avec le bureau régional d'AADNC concernant les immobilisations.

En Saskatchewan, nous avons une très bonne relation avec le ministère. Au conseil tribal, nous parlons avec les Premières Nations et nous tenons des réunions annuelles sur les projets d'investissement, à Regina. Il semble que les fonds sont toujours insuffisants.

Il manque de fonds pour relier les terrains prévus dans les plans de constructions de logements. Certaines collectivités n'ont toujours pas de terrains viabilisés qui permettent de concrétiser leurs plans.

Le manque de matériel pour maintenir les réseaux d'aqueducs et d'égouts des Premières Nations, ainsi que les coûts élevés de sous-traitance constituent un problème grave. Les services techniques du conseil tribal ont acquis du matériel pour soutenir les Premières Nations, mais ce processus dépend des propositions et est de nature exceptionnelle. Les services techniques cherchent à fournir des services rentables, si possible.

Les autres Premières Nations partout au Canada sont reliées aux réseaux d'aqueducs et d'égouts. Si leurs conduites de refoulement sont bouchées, elles n'ont aucun matériel pour y remédier. Les égouts refoulent un peu partout. N'êtes- vous pas d'accord qu'il s'agit d'un problème de santé et sécurité?

Par ailleurs, l'accréditation des opérateurs d'usine de traitement des eaux est fastidieuse. Les opérateurs qui réussissent les modules de formation du conseil tribal sont recommandés pour l'accréditation par la province. Les approbations qu'elle exige peuvent retarder d'un an la modification des niveaux de financement lié à l'opérateur accrédité.

Cela dit, AADNC accorde une subvention dans ma région en plus des fonds versés par le Système intégré de gestion des immobilisations. C'est un encouragement pour que les opérateurs d'usine de traitement des eaux restent dans la Première Nation après leur accréditation, au lieu d'aller en ville. Je ne sais pas pourquoi la Saskatchewan est la seule région qui fonctionne ainsi. Est-ce que quelqu'un le sait?

AADNC applique un plan d'immobilisations de cinq ans pour établir les fonds nécessaires à tous les grands projets de construction. La tendance récente qui consiste à centraliser la planification des investissements à Ottawa retire aux Premières Nations la capacité de communiquer avec les conseils tribaux. Le bureau régional devrait prendre ces décisions pour répondre aux besoins du conseil tribal et de la Première Nation.

Certaines des meilleures pratiques en Saskatchewan permettaient d'allouer des fonds au niveau régional si un plan d'immobilisations élaboré en consultation avec les Premières Nations appliquait des critères préétablis. Je répète que la centralisation récente réduit considérablement la capacité des responsables régionaux et des conseils tribaux de discuter durant la planification des investissements et le processus d'approbation.

Concernant la technologie de l'information, mon bureau utilise présentement la géolocalisation pour cartographier nos communautés et le détail de toutes les infrastructures. Si les fonds le permettent, les services techniques relient nos communautés pour surveiller les systèmes de chaudières et les usines de traitement des eaux. En raison de la technologie désuète dans les usines et des ressources limitées, nous devons procéder graduellement à l'ajout de nouvelles technologies pour surveiller à distance les installations de toutes les Premières Nations.

Si les ressources le permettent, nous voulons aussi installer des technologies pour surveiller à distance les postes sanitaires. Au fil du temps, nous pourrons ainsi réduire les coûts et répondre sur-le-champ aux exploitants sur place pour corriger les problèmes.

C'est ainsi que se termine mon exposé.

Le président : Merci beaucoup à vous tous. Vos trois exposés donnent un aperçu des problèmes quotidiens auxquels vous êtes confrontés.

Avant de céder la parole aux sénateurs, j'aimerais que M. Buckle donne des précisions sur l'écart entre les allocations-logement. Je veux être sûr que le comité a bien compris.

L'allocation-logement fédérale est versée selon les normes provinciales. Vous avez dit que l'Ontario et le Québec accordent des allocations-logement, contrairement à la Saskatchewan. C'est donc inéquitable pour les Premières Nations selon la province. Ai-je bien compris?

M. Buckle : L'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique versent une allocation pour aider les gens qui habitent des logements dans les réserves qui ne sont pas seulement financés par le fédéral. Un certain nombre de Premières Nations de Meadow Lake utilisent leurs propres fonds pour aider à financer les logements. Les coûts sont partagés pour la construction.

D'après ce que je comprends, l'argent a été dépensé dans trois régions lorsque la politique a été adoptée, et les autres régions se sont fait dire qu'il n'y avait plus de ressources pour leurs projets. Cela a créé des problèmes considérables. Je pense que les allocations-logement accordées aux neuf Premières Nations de Meadow Lake et à toutes les Premières Nations de la province n'ont pas changé depuis 20 ans.

En ce qui concerne les allocations-logement, j'ai rencontré des fonctionnaires de la région récemment et je leur ai parlé de l'étude à laquelle j'ai fait référence et j'ai dit que pour l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, c'était 45 millions de dollars. Il y a un consensus selon lequel on parle probablement maintenant de 100 millions de dollars en raison de l'augmentation des allocations-logement au cours des 10 à 12 dernières années. C'est considérable.

C'est probablement la raison pour laquelle — je pense que nous l'avons vu beaucoup — un grand nombre de Premières Nations essaient d'utiliser une partie de leurs sources de revenus pour compléter, par exemple des dividendes de certaines de leurs sociétés de placement. Toutefois, le processus d'allocation-logement contribuerait vraiment à l'établissement de ce dont j'ai parlé tout à l'heure, soit d'un office du logement ou d'un fonds de fiducie qui pourrait aider à la gestion de cet exercice ou à aider de façon plus efficace chaque organisme d'habitation de Premières Nations. Cela sera présenté aux chefs de Meadow Lake au cours des deux à trois prochains mois : voici les options. Comment voulez-vous procéder et examiner les choses?

Nous croyons qu'il est essentiel de se pencher sur la politique d'allocation-logement et d'établir des règles du jeu équitables partout au pays.

Le président : M. Kiedrowski a comparu devant notre comité, et je crois que nous avons son rapport. Nous avons une idée de ce dont vous parlez.

Je veux seulement mentionner également que le mandat de notre comité consiste à examiner des mesures novatrices et des possibilités de financement. Il semble que c'est précisément ce que vous faites depuis 2012, soit explorer les possibilités. Je ne sais pas à quel moment vous prévoyez terminer vos travaux, mais au nom du comité, je vous invite à nous faire part de vos constatations, si possible. L'étude importante que nous faisons durera encore quelque temps. Si, au cours des prochains mois, vous trouvez des options et que vous voulez nous en faire part, elles pourraient nous être très utiles lorsque nous ferons nos recommandations.

M. Buckle : Je vais le soulever au chef tribal et aux chefs lorsque nous ferons notre exposé. Nous leur laisserons le soin de prendre la décision, mais nous leur indiquerons que cela vous intéresse.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie de vos exposés. C'est presque impossible de savoir par où commencer.

Chef Bellegarde, vous nous avez donné un bon aperçu de la situation, de tous les résultats liés à la situation du logement, lorsque sept ou huit personnes vivent sous le même toit et des effets qu'a cette situation sur le bien-être de la collectivité, notamment une baisse de la fréquentation scolaire, ce qui est terrible. De toute évidence, c'est un problème important.

Chef Bellegarde, vous avez soulevé l'idée d'adopter une approche coordonnée reposant sur la participation des Premières Nations. J'aimerais que vous en disiez un peu plus à ce sujet pour que nous ayons une idée de ce que vous voulez dire.

M. Bellegarde : Encore une fois, c'est toujours la même chose. Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Ce que je veux dire, c'est que l'établissement des politiques et des programmes législatifs se fait de façon unilatérale par le gouvernement et AADNC, et qu'il faudrait que les membres des Premières Nations participent pleinement au processus. Encore une fois, c'est ce à quoi je fais référence : une approche coordonnée — il ne faut pas que les décisions soient prises en vase clos à Ottawa.

Les dirigeants des Premières Nations connaissent bien les besoins et les collectivités. Parfois, il n'existe pas de solution unique parce que le Canada compte 633 réserves : 58 nations différentes, 58 tribus différentes. Il y a près de 100 conseils tribaux. Ils n'en sont pas tous au même point en ce qui concerne leur développement. Il faut faire en sorte que, peu importe ce qui est établi, il faut que ce soit fait de façon inclusive tout en respectant cette diversité, et que les membres des Premières Nations participent au processus dès le départ. C'est ce que je veux dire.

J'aurais pu m'exprimer beaucoup plus clairement plutôt que de lire ceci et dire à tout le monde ici et à tous les Canadiens que les gens doivent prendre conscience de la question des droits, du droit au logement, un droit conféré par traité. Dans toutes les réserves, le logement et le manque d'emplois constituent le principal problème. Des facteurs y contribuent. Lorsque nous parlons de la situation logement, cela ne se limite pas aux réserves, car en Saskatchewan, 50 p. 100 de nos membres n'habitent pas dans une réserve. L'accessibilité est un élément important.

Ce que je veux dire, c'est que si l'on ne saisit pas l'argument lié aux droits, alors pensons aux possibilités économiques. Si vous vous en souvenez bien, selon l'indice du développement humain, le Canada occupe le 6e rang en ce qui a trait à la qualité de vie, alors que les Premières Nations se situent au 63e rang. Le Canada est un endroit extraordinaire où il fait bon vivre. C'est un beau pays, mais pour les mêmes indices, les Autochtones sont au 63e rang, et c'est à cet égard qu'il nous faut agir pour combler l'écart socioéconomique entre les Premières Nations et les autres Canadiens. Il faut qu'elles aient accès à l'éducation et à la formation, qu'elles ne dépendent plus de l'aide sociale, qu'elles sortent des prisons. Tout cela engendre des coûts pour notre système de justice.

C'est ce que j'essaie d'expliquer. C'est pourquoi j'ai dit qu'il y avait beaucoup de méfiance, et que j'ai parlé des droits de la personne, et cetera. Je m'exprime ouvertement à ce sujet. C'est le problème au Canada. C'est un pays tellement riche. Les données ne devraient pas être aussi négatives.

La sénatrice Dyck : Vous avez dit que nous devrions peut-être voir la question du logement comme une possibilité économique. Je crois que très souvent, les gens ont de la difficulté à comprendre la question des droits, mais la plupart se concentrent probablement sur les possibilités économiques.

Sur ce plan alors, lorsqu'on fait face à une situation de grave pénurie de logements et que de nombreux logements ont besoin de réparations, tout cela demande de l'argent, et il semble que vous n'en ayez pas suffisamment à l'heure actuelle. Comment pouvons-nous remédier à la situation? Comment faire en sorte que ce handicap devienne en quelque sorte une possibilité ou un outil de développement économique pour toutes les Premières Nations?

M. Bellegarde : Madame la sénatrice, encore une fois, il faut voir cela comme un investissement dans le capital humain, dans la collectivité, qui entraînera une diminution des coûts sociaux importants. Tout est interrelié.

Il y a des liens entre le logement et l'éducation, entre l'éducation, le système de justice et le système de soins de santé. Tout est interrelié. La situation du logement est un très grand problème, et il faut le régler, et le gouvernement et les autorités doivent agir. Le gouvernement présente un budget fédéral chaque année. Nous essayons d'avoir une influence sur le système, le cycle, pour nous assurer que l'argent est bien investi de sorte que l'énorme écart socioéconomique soit comblé. Cela signifie qu'il faut augmenter les investissements financiers pour créer des possibilités économiques, ainsi que renforcer les capacités.

Pour en revenir aux recommandations, mes collègues ont parlé de choses novatrices, mais même avec ce financement à long terme, plutôt qu'un financement d'un an ou de cinq ans — on ne peut pas se présenter devant une institution financière. Si l'on envisage un financement sur 5, 10, 15 ou 20 ans, c'est possible. Ainsi, une mesure simple, un changement de politique — c'est une recommandation. Encore une fois, je parle des recommandations.

La sénatrice Dyck : Monsieur Buckle, je crois que c'est vous qui avez parlé du modèle de financement axé sur le cycle de vie et qui avez dit qu'à un moment donné, on s'est entendu, et que des Premières Nations y ont adhéré et en ont bénéficié, mais qu'on y a mis fin.

Je me demande si le modèle de financement axé sur cycle de vie est le type de modèle dans le cadre duquel on fait une planification à long terme et on établit des dispositions en matière de financement sur 5, 10 ou 15 ans, de sorte qu'il est possible de planifier à long terme et d'obtenir l'appui des institutions financières, qui constateraient que le montant à emprunter, ou peu importe, que cela fonctionne au bout du compte?

M. Buckle : Oui, madame la sénatrice. En gros, il y avait le SIBI, le système d'inventaire de tous les biens de la collectivité : les écoles, les centres de soins de santé, tous les immeubles communautaires, et la durée utile prévue de ces biens. Si un immeuble est construit de telle façon, la durée utile prévue est de 40, 50 ans; le bureau du conseil de bande, et cetera.

En ce qui concerne la Saskatchewan, entre autres, le processus de construction consistait à utiliser de l'acier pour les toits, et de la brique. Donc, AADNC a souligné, et à juste titre, que la durée utile prévue des écoles de la Saskatchewan était plus longue que celle de certaines des écoles de la Colombie-Britannique. C'est à ce moment que tous les ministères et les ingénieurs ont proposé une durée utile prévue.

Ce qui a été établi, c'est que pour tous ces biens, on obtient un montant d'argent chaque année qui est mis dans un fonds, et c'est géré par un office régional pour les Premières Nations concernées. Lorsqu'on doit remplacer le bien, on a l'argent pour le faire.

L'aspect positif — et cela a été soulevé et a fait l'objet de discussions avec les représentants au cours des négociations —, c'est que si l'on a un bon plan de gestion de l'entretien et qu'on peut maintenir le bien plus longtemps que la durée utile prévue, on peut conserver l'argent et le faire fructifier dans la réserve.

C'est devenu une situation dans laquelle nos chefs ont dit que c'était la meilleure idée qu'ils avaient entendue et que c'est un processus préférable à celui qui consiste à essayer de faire concurrence aux 600 autres Premières Nations, avec des ressources limitées. Ils trouvaient censés qu'eux, en tant que représentants d'un organisme dirigeant et en tant que signataires d'un accord de gouvernance, puissent avoir un processus pour remplacer nos biens et augmenter leur durée utile, parce qu'ils pourraient bénéficier d'une réserve.

Voilà quelle était la situation. Je ne connais pas la réponse, mais au cours des discussions qui ont eu lieu avec les représentants à l'époque, je pense que le modèle en Colombie-Britannique était loin d'être aussi coûteux, parce qu'il n'y avait pas autant de grandes écoles dans les réserves. C'était des établissements provinciaux. Lorsqu'on a additionné les coûts à l'échelle nationale, je pense que certains membres du gouvernement du Canada ont craint que les coûts soient trop élevés, et ils ne pouvaient pas le faire. Cela n'a été consigné nulle part, mais on nous a dit : « Nous sommes désolés, mais nous ne pouvons pas le faire. »

La sénatrice Dyck : On nous a dit — et je pense que c'était la semaine dernière — que lorsqu'ils ont établi le Système d'inventaire des biens immobiliers, en fait, ils n'ont pas — ils ont établi une liste comprenant 11 types d'édifices publics, mais les maisons n'étaient pas incluses.

M. Buckle : Non.

La sénatrice Dyck : Il me semble que nous parlons actuellement d'une situation où huit personnes vivent sous un même toit et où le besoin de logements est important, mais cela n'est pas pris en compte dans la base de données pour ce qui est du montant. Il me semble que c'est une grave lacune.

M. Buckle : Le ministère n'a pas considéré les logements comme des biens majeurs. Les systèmes d'égout et d'aqueduc, les subdivisions, les usines de traitement de l'eau et les écoles font partie des biens majeurs. Le logement a toujours été géré de façon séparée. On ne considère pas que cela fait partie du SIBI, des biens de la collectivité.

La sénatrice Dyck : Le considérez-vous comme un bien majeur?

M. Buckle : Si l'on peut obtenir les rapports sur les conditions. Joe participe aux évaluations. J'étais dans son bureau la semaine dernière. Tous les logements sont numérotés, et c'est fait numériquement; il y a les subdivisions de toutes les collectivités, et des renseignements précis sur chaque unité.

C'est géré par les unités techniques de conseil tribal, mais il s'agit de les aider dans le travail qu'ils font avec les Premières Nations pour l'établissement de projets de développement pour les subdivisions, et cetera, et l'aide aux collectivités.

Il semble que la rigueur qui existe du côté des biens majeurs est absente du processus d'inventaire des biens de la collectivité. Il n'y en a pas.

Le président : À quel moment les activités de planification des immobilisations sont-elles passées des régions à Ottawa? Est-ce que quelqu'un parmi vous est en mesure de nous le dire?

M. Buckle : Mon analyse est informelle, mais probablement qu'au cours des trois à quatre dernières années, il y a eu une centralisation de la gestion et des pouvoirs de décision pour la planification des immobilisations à l'échelle nationale plutôt que — je devrais peut-être revenir en arrière. J'ai commencé aux Affaires indiennes et j'y ai passé 20 ans.

Lorsque j'ai commencé dans un bureau de district en 1977 — ce qui vous indique mon âge — tous les principaux biens étaient gérés à partir d'Ottawa. Au fil du temps, on a effectué une décentralisation et la responsabilité a été confiée aux régions, qui connaissent davantage les besoins, et cetera. On leur a dit « vous pouvez établir un ensemble de priorités et de critères sur les structures qui doivent être construites en premier, en deuxième et troisième lieu ». J'étais présent à la réunion avec tous les chefs et les représentants de la Saskatchewan lorsqu'on a discuté des critères à établir et qu'on s'est entendu.

M. Bellegarde : J'y étais.

M. Buckle : Perry y était probablement également. Nous étions plus jeunes tous les deux à l'époque.

Dans une certaine mesure, nous avons appuyé cela et nous avons dit que la priorité, c'était la santé et la sécurité, et la question des logements surpeuplés. Ce sont les questions importantes. C'est de cette façon que le transfert aux régions s'est fait.

Le processus variait en fonction des régions. Certaines avaient une meilleure méthode de gestion que d'autres. En réaction à des problèmes majeurs concernant des biens principaux, AADNC a voulu centraliser et mieux planifier les choses; c'était en quelque sorte la mentalité.

Quelques représentants qui travaillent encore dans la région de la Saskatchewan me disent toujours que dans un certain nombre d'analyses, on mentionne que ce sont des pratiques exemplaires. Je dirais que c'est vrai. Ce n'est peut- être pas le cas de toutes les régions, mais je pense que sur le plan de la planification pour les biens majeurs, l'encadrement procure un sentiment de sécurité à Ottawa et l'on croit que c'est préférable de le faire plutôt que de donner la responsabilité aux régions.

Il est à espérer que tous les critères seront établis et qu'il y aura une collaboration avec les organisations autochtones et qu'on décentralisera à nouveau, de sorte qu'il y ait une plus grande participation et que l'on réponde plus rapidement aux besoins.

Le pendule est reparti en sens inverse, et on est retourné à la façon dont les choses fonctionnaient à mon arrivée. J'ai des discussions intéressantes avec mes anciens collègues sur le fait qu'on retourne 30 ans en arrière.

Le sénateur Meredith : Ma question porte sur un point qu'a soulevé le chef Bellegarde au sujet de l'inclusion. Vous avez dit qu'Ottawa fait tout à partir d'ici et qu'on ne donne pas la possibilité aux Premières Nations de participer à la planification des politiques. Pourquoi en est-il ainsi? Quelles mesures prenez-vous pour vous assurer d'exprimer votre point de vue sur les politiques?

M. Bellegarde : C'est une bonne question. Il s'agit d'exercer des pressions constamment et de rencontrer des bureaucrates régulièrement, à l'échelle régionale et nationale. C'est un processus continu. En tant que chefs, qu'il s'agisse d'une réserve, d'un conseil tribal, à l'échelle régionale ou nationale, que faisons-nous? Nous rencontrons des ministres et des représentants des ministères fédéraux et nous essayons de les persuader, de les informer et de les sensibiliser au fait que nous avons besoin de participer. Ne faites pas qu'adopter une nouvelle politique pour nous; nous pourrions travailler ensemble.

Il s'agit d'exercer des pressions constamment, sénateur.

Le sénateur Meredith : Que vous disent-ils?

M. Bellegarde : Tout dépend de la question. Par exemple, demain, un projet de loi fédéral sera déposé et il porte sur le système d'éducation. Le ministre en fera l'annonce demain. Différentes régions ont dit « non » aux lois unilatérales, « non » aux projets de loi omnibus — C-38 et C-45. Les peuples des Premières Nations ne sont pas inclus. Tout dépend de la question.

En ce qui concerne le projet de loi qui sera déposé demain, j'exhorte le Sénat à prendre les choses en main tôt dans le processus. N'attendez pas jusqu'à ce que le projet de loi en soit à l'étape de la première, de la deuxième ou de la troisième lecture. Faites-le sans délai — pour celui-là.

Le président : Nous le ferons.

M. Bellegarde : Excusez-moi. Je m'écarte du sujet.

Tout dépend de la question. Certains ministères sont plus ouverts que d'autres.

Je veux seulement revenir à ce qu'a dit le premier ministre l'an dernier lorsque nous l'avons rencontré. Il a pris un engagement à l'égard de huit enjeux. Il y a l'application des traités et l'établissement de bons mécanismes. Nous avons encore du travail à faire à ce sujet. De quoi s'agit-il? Le mandat du Comité principal de surveillance — nous devons changer le nom. C'est un volet. Les revendications globales en constituent un autre. Il y a aussi la question des femmes autochtones disparues ou assassinées. Il a été aussi question d'une nouvelle relation financière entre la Couronne et les Premières Nations. Le partage des revenus provenant des ressources et les investissements en éducation sont deux autres volets. Enfin, nous avons demandé à ce qu'il n'y ait plus de loi unilatérale ayant des répercussions sur les droits issus de traités et les droits inhérents des Premières Nations.

Ce sont les demandes qui ont été faites.

Comme je l'ai dit, tout dépend de la question. Pour certaines questions, les choses bougent, mais pour d'autres, elles bougent moins. Toutefois, ce qu'il faut retenir, c'est que les relations entre les peuples autochtones et les gouvernements, qu'il s'agisse du fédéral ou des provinces, sont inutilement conflictuelles. Les choses n'ont pas à se dérouler ainsi dans notre pays. On ne devrait pas devoir dépenser 106 millions de dollars en frais juridiques comme l'an passé — 106 millions de dollars en frais d'avocats pour lutter contre des droits autochtones inhérents qui sont reconnus dans la Constitution canadienne. Les choses n'ont pas à se passer de cette façon.

C'est ce que nous devons régler.

Donc, sénateur, tout dépend de l'enjeu. Les choses bougent à certains égards, mais pas à d'autres. Nous devons vraiment nous unir. Peu importe le parti au pouvoir, les libéraux, les conservateurs ou les néo-démocrates, nous devons travailler ensemble. Nous sommes tous dans le même bateau : les peuples des Premières Nations et les peuples non autochtones — les Canadiens. Il faut combler l'écart. C'est tout ce que nous voulons. Il faut que les droits issus de traités et les droits inhérents soient respectés. Ils existent. Trouvons une façon de collaborer.

Le président : Merci. C'est très inspirant.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ce n'est pas que je veux changer de sujet, mais vous avez dit que les conditions de logement des Premières Nations ne respectent pas les normes et qu'il n'y a pas suffisamment de logements. Pourriez- vous m'expliquer pourquoi c'est le cas? J'en arrive à une autre question.

M. Bellegarde : Me posez-vous la question?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui. Tous les témoins peuvent y répondre.

M. Bellegarde : Pourquoi n'y a-t-il pas assez de logements? La limite de 2 p. 100 n'a pas changé depuis 1996. Le financement n'augmente pas en fonction de la croissance rapide d'une partie de la population. En Saskatchewan, il s'agit des Premières Nations. Il ne répond pas aux besoins. Il ne suit pas l'IPC ou l'inflation. C'est pourquoi nous disons toujours qu'une nouvelle relation financière doit être établie.

Il ne répond pas aux besoins. Voilà pourquoi il y a un retard, au point où, comme l'a dit Merv, bon nombre de Premières Nations utilisent leurs sources de revenus pour combler ces besoins.

Voilà pourquoi les besoins ne sont pas comblés. L'établissement d'une nouvelle relation financière est vraiment essentiel et est nécessaire pour combler les besoins.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Vos collectivités comptent-elles des charpentiers qualifiés pour la construction de ces logements?

M. Bellegarde : Cela varie, madame la sénatrice. Il y en a dans certaines réserves. Il y a des entreprises qui peuvent les construire. Certaines personnes essaient de construire leur propre parc à bois afin de fournir le bois aux collectivités des réserves.

Comme je l'ai dit, cela varie. Il faut examiner la situation de chaque province, les réserves qu'elle comprend, et le type de liens qu'il y a entre elles, leur collaboration avec les conseils tribaux. Quels types de liens ont-elles avec la municipalité dans laquelle se trouve le bois? Tout cela est à prendre en considération. Cela varie. Certains en ont, d'autres n'en ont pas.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je remarque que dans ma région, la plupart des maisons sont construites durant l'hiver. Cela n'affaiblit-il pas la fondation? Cela ne pose-t-il pas problème pour ce qui est de combler les besoins en matière de logement?

M. Bellegarde : Je vais laisser Joe et les autres répondre à la question, mais à mon avis, c'est le cas. Je vous donne un exemple. Au cours des 20 à 30 dernières années, des logements de mauvaise qualité ont été construits. En fait, le rapport que je vous présente indique que l'amiante constitue le grand problème. Ce qui est triste — et c'est une histoire vraie —, c'est qu'une de mes bonnes amies qui vient de la réserve de Joe est décédée il y a quelques jours. Elle était dans un hôpital de Regina, et le médecin a constaté qu'elle avait un cancer causé par l'exposition à l'amiante. Encore une fois, il s'agit de logements dans les réserves — de logements de mauvaise qualité.

Il pourrait y avoir un recours collectif très bientôt. Il faut examiner tous les risques. C'est un exemple concret. Cela fait mal.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Voulez-vous intervenir, Joe?

M. McKay : Lorsqu'ils commencent à construire durant l'hiver, ils sont censés suivre des règles. Au conseil tribal, nous n'avons pas d'inspection de conformité au code du bâtiment. Nous ne présentons que des rapports d'étape à la SCHL.

La sénatrice Lovelace Nicholas : D'accord.

M. McKay : C'est tout.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Dans vos collectivités, qui est responsable des questions de logement? Qui maintient les maisons en bon état et qui ne le fait pas? Incombe-t-il aux gens de le faire eux-mêmes, ou au chef et au conseil?

M. Bellegarde : C'est cela en grande partie — le chef et le conseil.

La bande de Little Black Bear ne compte pas d'organisme d'habitation. J'ai été chef là-bas. Cela revient au détenteur du portefeuille, à la personne qui a un logement, donc le conseiller ou la personne à qui l'on confie la tâche. C'est vraiment un problème parce que la capacité est un problème. Il n'y a pas suffisamment de ressources pour effectuer les rénovations requises et pour répondre à la demande. Il y a 125 personnes qui ont besoin de nouveaux logements et l'argent qu'on a n'en couvre que deux.

Encore une fois, cela relève du chef et du conseil. La situation de chaque réserve est différente. Certaines ont de meilleures capacités et certaines ont établi un organisme d'habitation, tandis que d'autres ne l'ont pas fait. Il faut examiner chaque réserve et chaque Première Nation, et leurs capacités, leurs besoins et leur structure varient.

Le président : Le comité a appris que dans bon nombre de collectivités, il y avait des manques en ce qui a trait au code du bâtiment, et il semble que ce soit lié à la mauvaise qualité des logements, à la moisissure et à des questions de sécurité. Avez-vous des solutions à recommander pour régler le problème?

Certaines personnes nous ont dit que le gouvernement ne veut pas intervenir parce que c'est une responsabilité des Premières Nations. Il me semble tellement évident que cela vous empêche d'avoir des logements de bonne qualité.

Avez-vous une idée des recommandations que nous pourrions faire à cet égard?

M. McKay : Au cours des six ou huit derniers mois, j'ai rencontré la SCHL à ce sujet. J'ai demandé à ce qu'elle ajoute un code de conformité de la construction à notre contrat de l'ISIA — l'Initiative des services d'inspection autochtones. Tout ce que nous faisons, ce sont des rapports d'étape sur les logements de la SCHL. Je voulais qu'ils incluent le code du bâtiment pour que notre inspecteur en bâtiment vienne plus souvent dans les réserves et s'assure que les logements sont bien construits. Il y a eu un différend et nous sommes passés à autre chose.

Le sénateur Tannas : Pour que nous comprenions, monsieur McKay, lorsque vous parlez des rapports d'étapes, que voulez-vous dire en gros? Je me trompe peut-être, mais il s'agit d'une inspection qui consiste à confirmer qu'un sous-sol a été coulé et que la charpente a été construite, et cetera. Toutefois, le béton est gelé et il pourrait s'effondrer la semaine prochaine, mais cela ne fait l'objet d'aucune inspection. L'inspection consiste à dire que c'est là, qu'il semble y avoir cela, et qu'on peut financer le prochain projet, par exemple. Est-ce que c'est ce que vous entendez par « étape »?

M. McKay : C'est exact.

Le sénateur Wallace : Monsieur McKay, concernant la question qu'a posée le président au sujet du besoin de codes du bâtiment et de votre opinion sur le sujet, je crois comprendre que vous en avez parlé à la SCHL et que vous avez demandé si elle appuierait l'inclusion de codes obligatoires et d'inspection dans ses exigences. Elle finance la construction, ce qui n'est pas très différent du crédit hypothécaire dans une situation conventionnelle.

C'est du point de vue financier. Cependant, le fait est que les logements appartiennent aux conseils de bande. Ne serait-il pas raisonnable que les conseils de bande veuillent avoir des codes, des normes de construction et d'inspection, et ce, peu importe si l'institution financière, la SCHL, l'exige ou non?

M. McKay : Le seul problème, c'est que le conseil tribal n'obtient pas d'argent.

Le sénateur Wallace : Je ne parle pas d'argent. Ce que je dis, c'est que si les logements appartiennent aux conseils de bande, n'est-ce pas eux qui devraient dire qu'ils veulent que les logements soient construits selon une norme, qu'ils détermineront quelle sera la norme en question et qu'ils veulent éviter les problèmes de moisissure, par exemple? Je comprends que tout cela coûte de l'argent. C'est une question distincte et connexe à la fois; je vous le concède.

Parce que la SCHL dit qu'elle n'exigera pas certaines choses concernant les normes d'inspection et de construction pour des questions de financement, pourquoi les chefs et le conseil ne disent-ils pas « nous allons les établir de toute façon, car nous voulons que les logements de nos collectivités soient bien construits »?

M. Bellegarde : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cela revient au chef et au conseil. C'est leur responsabilité; il s'agit de l'établissement de leurs propres politiques d'habitation, de leurs propres organismes d'habitation. Il s'agit de faire en sorte que tout est en place et que les normes et les codes du bâtiment seront respectés, incontestablement. Je m'assurerais seulement que si les attentes sont là, qu'on a les ressources qu'il faut pour en faire la mise en œuvre complète.

J'appuie complètement ce que vous dites, mais à l'heure actuelle, nous n'avons pas la capacité qui permettrait de mettre tout cela en œuvre. C'est un problème. J'appuie l'idée parce que c'est ainsi que les choses devraient se passer. Il s'agit de reconnaître la responsabilité — les organismes d'habitation, le chef et les conseils devraient établir ces normes. Il devrait s'agir de normes rigoureuses.

Le sénateur Wallace : Qu'est-ce qui existe aujourd'hui? Je comprends que cela varie peut-être.

M. Bellegarde : Oui.

Le sénateur Wallace : N'y a-t-il pas des conseils tribaux qui voudraient rassembler les différentes bandes dans l'intérêt de chaque réserve pour établir une norme commune? Il serait ainsi beaucoup plus facile de s'entendre avec le gouvernement fédéral sur des questions de financement. Cela me paraît logique. Pourquoi cela ne se concrétise-t-il pas du côté du conseil de bande?

M. Bellegarde : J'appuie l'idée. C'est très bon sur le plan des économies d'échelle et de la cohérence; et c'est une bonne idée de rassembler tout le monde de sorte qu'il est plus facile de traiter avec le gouvernement.

Le sénateur Wallace : Cela inclut la qualité des maisons lorsqu'on a terminé.

M. Bellegarde : On en revient toujours à la responsabilité. Il faut comprendre la structure de la gouvernance. Il y a 633 collectivités de Premières Nations. Certaines sont indépendantes, certaines font partie d'un conseil de bande, d'autres non; il faut donc adopter une démarche souple.

J'appuie votre idée; il faut seulement s'assurer d'avoir les ressources qui nous permettent de mettre cela en œuvre correctement, et de façon efficace. Si la bande de Little Black Bear a un organisme d'habitation, comment est-il soutenu? J'en reviens aux ressources. Je dis toujours que l'on doit veiller à ce qu'il y ait les ressources humaines qu'il faut pour s'assurer qu'on a les ressources financières nécessaires qui permettent aux ressources humaines de faire leur travail.

Le sénateur Wallace : C'est un peu l'œuf et la poule, par contre. Le financement est nécessaire. On peut avoir le meilleur projet au monde, mais sans ressources financières, il est impossible de le réaliser. Je comprends parfaitement. Ne faut-il pas tout d'abord avoir un projet et établir les normes? Sans cela, il n'y a pas de financement. Il semble peut- être qu'il manque les normes nécessaires qu'il faut pour que du financement soit accordé.

M. Bellegarde : Vous soulevez un bon point.

Le sénateur Wallace : Merci.

M. Buckle : À ce sujet, j'ai discuté avec Joe, et je pense que pour la plupart des chefs et des conseils, le code national du bâtiment est acceptable. C'est seulement que Joe est allé en discuter et il a dit que plutôt que de faire des paiements proportionnels, nous aimerions observer le code. Eh bien, désolé, lorsqu'il a dit qu'il y a un petit désaccord, il n'y avait pas de fonds permettant au conseil tribal de le faire, avec les ressources limitées servant à faire venir un inspecteur qualifié dans un certain nombre de collectivités de Premières Nations dans la région de Meadow Lake, qui se trouvent à 300, 400, 500 kilomètres de North Battleford et de Prince Albert. Il faut payer le kilométrage et le professionnel qui se rend sur place pour effectuer une inspection de conformité au code national du bâtiment. Il y a Joe et son personnel à Meadow Lake.

Les coûts deviennent prohibitifs. Les chefs et les conseils veulent-ils que les travaux de construction se fassent en conformité avec le code national du bâtiment? Bien entendu. Je dirais que c'est le cas de tous. Le problème, c'est la logistique dans une situation où une collectivité se trouve à 400 kilomètres de Meadow Lake, à 600 ou 700 kilomètres de Prince Albert et de Saskatoon. C'est le problème qui se pose lorsqu'on veut faire venir de gens qui ont la qualification et les permis qu'il faut pour inspecter les logements.

Le sénateur Wallace : Dans la mesure où c'est réalisable, de toute évidence, la solution serait de former des gens des collectivités.

M. Buckle : C'est ce qu'il proposait en partie. C'est là l'enjeu.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, nous avons beaucoup parlé des inspections, en particulier des inspections de prévention des incendies. Hier, des représentants de ministères, celui du Travail et AADNC, ont comparu devant notre comité, et la responsabilité des inspections de prévention des incendies a été transférée à AADNC, et en retour, ils devaient faire des embauches ou traiter avec des groupes régionaux.

Êtes-vous au courant des changements qui sont effectués ou du transfert à AADNC? A-t-on communiqué avec vous? Participerez-vous à cette initiative?

M. McKay : C'est la première fois que j'en entends parler. Je ne le savais pas.

M. Bellegarde : Cela fait déjà une semaine.

M. McKay : Nous effectuons nous-mêmes les inspections de prévention des incendies. Nous inspectons aussi les extincteurs dans notre réserve. Nous allons également homologuer nos camions à incendie. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Sibbeston : Je me méfie toujours du gouvernement. Chaque fois que ses représentants sont ici, ils tentent de nous faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Hier, les représentants d'AADNC nous ont dit que dès le 1er avril, ils seraient responsables des inspections de prévention des incendies et qu'ils collaboraient ou qu'ils allaient collaborer avec les groupes régionaux qui s'en occupent, et qu'ils les feraient essentiellement mener ces inspections. J'aimerais savoir s'ils ont dit la vérité et s'ils ont communiqué avec vous. Est-ce vrai?

M. McKay : Je n'ai reçu aucun courriel, non.

M. Bellegarde : Moi non plus.

Le sénateur Sibbeston : M. Buckle a parlé de modèles de fonds renouvelables en matière de logement qui pourraient être mis en œuvre dans chaque bande ou dans un ensemble de Premières Nations. Est-ce qu'on a déjà adopté ce modèle quelque part, ou s'agit-il seulement d'un souhait? Je présume que ce plan exigerait une certaine somme d'argent versée annuellement. Une partie de l'argent serait dépensée pour le logement, mais il y aurait continuellement des flux d'argent entrants et sortants. Cela semble être un très bon plan. Est-il sur le point d'être réalisé?

M. Buckle : En ce moment, c'est un modèle conceptuel que nous envisageons. L'ancien gestionnaire en matière de logement de la fédération, qui perd son emploi après le 1er avril...

M. Bellegarde : À la suite de compressions budgétaires de quelques millions de dollars.

M. Buckle : ... collabore avec nous, car il connaît bien la politique. Nous savons que tous les modèles que nous proposerons à nos chefs présenteront des défis, car dans une certaine mesure, nous ne sommes pas certains que les ministères responsables du financement ont pensé à la souplesse qu'offrait le regroupement des autorités en matière de logement avec la notion d'un fonds renouvelable.

J'aimerais revenir sur les commentaires du chef Bellegarde, car il disait qu'il y aura des réunions, du lobbying et des efforts de persuasion pour convaincre les gens qu'il s'agit d'un concept qui peut fonctionner; on leur demandera s'ils sont prêts à collaborer et à nous aider avec un projet de démonstration pour vérifier si c'est efficace. Nous allons simplement présenter à nos chefs une série d'approches et de modèles qui peuvent être élaborés avec le temps et nous espérons que nous n'empiéterons pas sur leur autonomie locale au point qu'ils refusent de participer. Cela devient un problème.

Je ne sais pas si cela existe dans d'autres régions. J'ai entendu dire qu'il pouvait exister une forme de fonds dans d'autres endroits, mais par l'entremise d'un mécanisme de prêts ou de revenus autonomes. Quant à savoir s'il y a quelque chose de plus, je pense que le type de programme existant, comme je l'ai lu dans l'une des séances que vous avez eues, pourrait fonctionner. Nous examinons plusieurs modèles.

Le président : En passant, nous nous intéressons beaucoup aux fonds renouvelables. Nous en avons vu quelques exemples et nous en verrons d'autres. Nous nous déplacerons pour étudier davantage vos réflexions à cet égard.

Le sénateur Moore : Je vous remercie, messieurs, d'être ici aujourd'hui. J'aimerais revenir brièvement sur l'une des questions du sénateur Sibbeston, et je poserai ensuite d'autres questions.

Dois-je comprendre que c'est la première fois que vous entendez tous parler de l'initiative du ministère visant à prendre en charge les services d'inspection de prévention des incendies?

M. Bellegarde : De façon officielle.

M. McKay : Oui.

Le sénateur Moore : De façon officielle. Je vous pose la question, car les représentants du ministère nous ont dit qu'il y a environ deux ans, ils avaient envoyé des avis écrits pour vous avertir que ce projet était en préparation. Ce n'est donc pas le cas?

M. Bellegarde : Sénateur, étant donné toutes les compressions budgétaires et tout ce qui se passe dans les organismes autochtones régionaux partout au Canada, la capacité est un enjeu de taille. Nous recevons 50 millions de lettres de chaque ministère. Nous n'avons pas la capacité de tout examiner et d'être au courant de tout. C'est un problème. Ils ont peut-être effectivement envoyé, il y a deux ans, tous les avis nécessaires aux conseils tribaux et aux OAPT et ils se demandent maintenant pourquoi les Indiens sont surpris.

Le sénateur Moore : Étant donné que nous serons bientôt le 1er avril 2014, la date de début, avez-vous reçu un avis, il y a trois ou six mois, pour vous rappeler que ce projet allait bientôt se concrétiser?

M. Bellegarde : Non. Je le dis respectueusement.

Le sénateur Moore : Il y a donc 633 Premières Nations. Combien de tribus avez-vous dit que cela représentait, chef Bellegarde?

M. Bellegarde : Cinquante-huit différentes nations. Je les divise par langue, sénateur.

Le sénateur Moore : D'accord. Vous les divisez donc par langue. Vous avez dit qu'il y avait 100 conseils tribaux?

M. Bellegarde : Environ.

Le sénateur Moore : Sont-ils formés de tribus qui parlent la même langue ou sont-ils mélangés?

M. Bellegarde : Ils sont mélangés.

Le sénateur Moore : Lorsqu'un conseil tribal rencontre les fonctionnaires d'Ottawa, ses représentants ont-ils l'appui de toutes les nations qui le composent? Peuvent-ils négocier, prendre une décision et vous présenter les faits, tout en vous offrant de retourner à la table de négociations si vous n'êtes pas satisfaits? Le conseil a-t-il ce genre d'influence ou doit-on revenir à la question des compétences?

M. Bellegarde : C'est une bonne question. C'est un peu des deux, sénateur. Il faudrait que j'explique les éléments fondamentaux du modèle de gouvernance des Indiens.

Le sénateur Moore : J'aimerais les entendre.

M. Bellegarde : Je vais utiliser mon exemple personnel. Nous avons toujours le Créateur au sommet. Nous sommes liés. Il y a plusieurs chemins qui mènent au Créateur; explorons l'un d'entre eux. Le Créateur est en haut, et les gens viennent ensuite. Ils font des choix, et en raison de la décision Corbiere, tout le monde a le droit de voter pour le chef et les membres du conseil. A-t-on vraiment besoin du CPA? C'est une autre histoire. Les chefs et les conseils représentent tous les membres. Le premier ordre de gouvernement : Little Black Bear. Nous élisons notre chef et les membres de notre conseil. C'est un ordre, en quelque sorte. C'est le premier niveau, celui qui se trouve au sommet. Ensuite, nous appartenons à une agence appelée l'agence de File Hills : cinq réserves y collaborent en ce qui a trait aux services et aux programmes. Aucun chef n'est élu pour l'agence, mais nous collaborons tous ensemble.

Le sénateur Moore : C'est à l'intérieur de votre conseil, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une division distincte?

M. Bellegarde : C'est dans ma région. Ensuite, je travaille. De là, je descends au conseil tribal, le Conseil tribal de File Hills Qu'Appelle, où 11 réserves collaborent en tant que conseils tribaux. Ensuite, Little Black Bear appartient à la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, c'est-à-dire l'une des 74, une OAPT. Nous appartenons également à l'APN, tout en bas. Nous sommes l'une des 633 Premières Nations. Ensuite, Little Black Bear a conclu le Traité no 4. Little Black Bear fait partie de la nation crie. Voilà donc ce que nous avons. En ce qui concerne la gouvernance dans ce modèle, les conseils tribaux n'ont pas été créés par les Indiens. Ils ont été créés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le sénateur Moore : Vraiment?

M. Bellegarde : Vraiment.

Le sénateur Moore : Ce n'était pas l'idée de quelques chefs?

M. Bellegarde : Non. Ils ne se sont pas rassemblés et émis l'idée de former un conseil tribal. Ce n'est pas comme cela que les choses se sont passées. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a créé les conseils tribaux. On a commencé par transférer des programmes du ministère aux conseils tribaux. On les appelait des chefs de district à une certaine époque. Nous sommes devenus des conseils tribaux. En tant qu'Indiens, nous sommes tellement divisés et désorganisés — même les nations. Pensez-vous qu'il y a 633 nations au Canada? Il y en a en fait 58, mais nous ne sommes pas organisés par nation. Je vous demande respectueusement : le Canada a-t-il été fondé par deux nations fondatrices, les Français et les Anglais? Non. Il y a 58 autres Premières Nations qui étaient également présentes, et qui ont participé à sa fondation.

Le sénateur Moore : Je vous comprends.

M. Bellegarde : C'est notre structure de gouvernance.

Le sénateur Moore : Je ne savais pas que le ministère avait créé les conseils. Je croyais que quelques chefs s'étaient rassemblés pour mieux fonctionner en groupe et profiter du travail d'équipe. Mais ce n'est pas le cas.

M. Bellegarde : Il existe certains conseils tribaux unifiés, mais j'ai fait partie d'un conseil tribal pendant 12 ans. Ce que je n'aimais vraiment pas, c'est qu'une personne pouvait se retirer du conseil simplement parce qu'elle ne m'aimait pas. Ce qui permet d'assurer l'uniformité et la continuité, ce sont les gens et le premier ordre de gouvernement, c'est-à- dire le chef et le conseil. C'est l'élément constant. L'autre élément qui ne change pas, c'est la relation avec le traité. Ensuite, il y a la nation, votre langue.

[Note de la rédaction : M. Bellegarde s'exprime en langue autochtone.]

Ces choses ne changent pas. Les autres choses, Little Black Bear peut les obtenir de l'agence, du conseil tribal, de la FNIS et de l'APN, mais ces choses restent en place.

Le sénateur Moore : D'accord. Ce sont les éléments fondamentaux. Je comprends.

M. Bellegarde : Désolé.

Le sénateur Moore : J'ai appris certaines choses.

M. Bellegarde : Je me suis emballé. Je suis désolé.

Le sénateur Moore : C'est très bien. J'adore la passion et l'intégrité. Il n'y a rien de mieux.

J'aimerais revenir sur la question du sénateur Wallace au sujet des codes du bâtiment. D'autres témoins nous en ont beaucoup parlé.

Monsieur McKay, vous avez dit qu'il y a environ huit mois, vous en avez parlé aux représentants de la SCHL, qu'il y a eu un désaccord et que tout cela a été mis de côté. Est-ce arrivé pendant les négociations, ou est-ce que votre peuple, dans votre région, a refusé une proposition que vous lui avez présentée? Que s'est-il passé?

Je crois que c'est important, et que c'est lié à la façon dont les choses sont faites, et au bout du compte, à la qualité des logements, à leur valeur, à la capacité de financement, et cetera. Que s'est-il produit dans ce cas-là? Peut-on arranger les choses?

M. McKay : Oui, on peut arranger les choses.

Le sénateur Moore : Quel était le problème? Quels étaient les obstacles principaux? Quel était l'objet du désaccord?

M. McKay : Le respect des codes du bâtiment était l'un d'entre eux. C'était fondé sur l'argent et le financement. C'est ce qui est arrivé.

Le sénateur Moore : Vous devez payer les comptes. Je comprends.

M. McKay : On a besoin d'autres ressources. C'est tout.

Le sénateur Moore : Des ressources pour former des inspecteurs en bâtiment ou simplement pour embaucher un inspecteur? Quelle était la vision? Était-elle d'avoir un inspecteur par conseil? Quelle approche avez-vous utilisée?

M. McKay : Vous devriez parler un peu plus fort, car je ne peux pas entendre votre question.

Le sénateur Moore : Je vous ai demandé quelle approche vous aviez utilisée. S'agissait-il d'avoir un inspecteur par conseil? Quelle approche avez-vous adoptée?

M. McKay : Nous avons déjà embauché un inspecteur à l'interne, c'est-à-dire un inspecteur de niveau 2.

Le sénateur Moore : Qu'allez-vous donc faire avec les ressources? S'il est embauché à l'interne en ce moment, reçoit- il un salaire?

M. McKay : Oui.

Le sénateur Moore : Où allez-vous donc affecter les ressources supplémentaires liées à cette personne et à son travail dans votre région?

M. McKay : C'est dans le contrat de l'ISIA.

Le sénateur Moore : Que voulez-vous dire?

M. McKay : L'Initiative des services d'inspection autochtones. La SCHL a conclu une entente avec le conseil tribal pour offrir les services pour l'ISIA.

Le sénateur Moore : Ce n'est pas dans l'entente?

M. McKay : Non, le respect du code n'est pas dans l'entente.

Le sénateur Moore : Si tout le monde sait que c'est bon et souhaitable, pourquoi ne modifions-nous pas l'entente?

M. McKay : C'est ce que j'essayais de faire.

Le sénateur Moore : Et ensuite? Ont-ils répondu non?

M. McKay : Oui.

Le président : Mesdames et messieurs les membres du comité, lorsque les représentants de la SCHL ont comparu devant nous, ils n'ont pas mentionné ce programme, et il ne semble plus être sur leur site web. Nous avons demandé à notre personnel dévoué de trouver des renseignements au sujet du programme de l'ISIA.

Le sénateur Moore : Monsieur Buckle, vous avez précisé que certains reçoivent l'allocation-logement et d'autres non, et que les réserves devaient utiliser leurs propres revenus pour couvrir la différence. Les représentants du ministère vous ont-ils donné cette directive? Ou vous ont-ils dit d'utiliser l'argent qu'ils savaient que vous possédiez pour le faire? Ou était-ce plutôt que vous n'aviez aucune autre source de financement, et que vous avez donc dû utiliser vos réserves de capital? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Buckle : La décision revient aux chefs et aux conseils, s'ils ont des revenus autonomes. En ce qui concerne le Conseil tribal de Meadow Lake, les Premières Nations membres sont propriétaires à parts égales de plusieurs entreprises commerciales, notamment un exploitant de vols nolisés, des emplacements de stockage de gaz, une scierie, et cetera. Certaines Premières Nations ont utilisé l'argent des dividendes de ces entreprises avant le ralentissement économique pour contribuer à bâtir des maisons, en raison des besoins criants et des pressions dans la collectivité. Ils se sont tout simplement dit que c'était une priorité. C'était leur décision. Le ministère ne leur a pas dit qu'ils devaient ou devraient le faire. Il s'agit d'une décision prise volontairement. Toutes les Premières Nations n'ont pas fait cela, mais certaines l'ont fait.

Le sénateur Wallace : J'ai une brève question supplémentaire. En ce qui concerne le point qu'a fait valoir le sénateur Moore au sujet des changements apportés le 1er avril aux services d'inspection de prévention des incendies et la question de savoir si vous aviez reçu un avis à cet égard, chef Bellegarde, je crois que vous avez répondu que vous n'aviez reçu aucun avis officiel. Lorsque vous avez dit cela, je me suis rappelé que nous avions entendu les témoins d'Affaires autochtones à ce sujet. Était-ce la semaine dernière? Je me souviens qu'ils ont dit qu'ils avaient envoyé un avis aux conseils tribaux. Je présume qu'ils s'attendaient à ce que les conseils tribaux transmettent l'avis aux bandes et aux conseils. Je ne sais pas si cela s'est produit. Je crois qu'Affaires autochtones est passé par l'entremise des conseils tribaux pour la communication officielle.

Le président : Je peux peut-être vous aider. J'ai consulté brièvement la transcription, et les représentants d'AADNC n'ont pas clairement expliqué la façon dont les communications s'étaient déroulées. Ils ont dit qu'ils nous reviendraient à ce sujet. Ils ont affirmé qu'ils croyaient avoir communiqué avec les bureaux régionaux. Ils se sont engagés à nous revenir avec plus de détails. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus.

La sénatrice Raine : J'aimerais dire à nos témoins — et je vous remercie d'être ici — que personnellement, je crois que le transfert des services d'inspection d'Emploi et Développement social Canada à Affaires autochtones rendra probablement les choses plus efficaces et représente vraiment une meilleure façon de renforcer la capacité.

Mais si vous n'y voyez pas d'inconvénients, j'aimerais m'éloigner un peu du sujet. Étant donné que vous parlez des difficultés liées à la construction des maisons, c'est-à-dire d'un nombre suffisant de maisons, et de l'atteinte de certaines normes de qualité, j'aimerais savoir si vous avez recours aux maisons modulaires. Si oui, quelle a été votre expérience? Pensez-vous pouvoir construire les maisons dans un autre emplacement et les transporter dans la collectivité et économiser au bout du compte? J'aimerais avoir votre avis à cet égard. Chef Bellegarde, vous pourriez répondre en premier.

M. Bellegarde : Madame la sénatrice, c'est ce que font certaines bandes. Encore une fois, chaque collectivité est différente. Certaines d'entre elles ont de bonnes relations avec les villes environnantes. D'autres construisent dans les réserves. D'autres utilisent les MTE. Enfin, d'autres font preuve d'innovation, en choisissant par exemple des maisons modulaires. La réponse est oui. Cela varie à l'échelle du Canada. Quelle est la façon la plus économique d'avoir des maisons de bonne qualité dans les réserves? C'est une question qui a plusieurs réponses. C'est très important.

J'aimerais préciser que dans le Nord, les coûts sont exorbitants. Dans le Nord de la Saskatchewan, il y avait des collectivités accessibles uniquement par avion, notamment Black Lake, Wollaston Lake et Fond-du-Lac, où les logements représentent un gros problème; en effet, il faut amener des matériaux par bateau ou utiliser les routes d'hiver, et cetera.

Dans le Nord, il faut vraiment tenir compte des coûts de transport plus élevés. On ne peut pas les éviter. C'est la même chose dans le Sud. Il y a toujours des façons innovatrices et créatives d'envisager la question des logements, et c'est ce que font les réserves. Encore une fois, cela varie selon les collectivités.

La sénatrice Raine : En ce qui concerne le financement des maisons, quelqu'un a fait valoir, l'autre jour, que lorsqu'on s'adresse à Affaires autochtones et que les gens commencent à parler d'unités de logement, on déshumanise un peu le processus, car nous bâtissons des foyers.

M. Bellegarde : C'est un bon point.

La sénatrice Raine : Et les foyers sont un peu un contrat entre une personne, des gens ou une famille et leur bâtiment.

J'aimerais connaître votre expérience en ce qui a trait à la transformation de vos unités de logement en foyers, pour créer un lien entre les utilisateurs, c'est-à-dire les familles qui vivent dans ces foyers, et leur maison, de façon à ce qu'ils puissent peut-être louer avec option d'achat ou établir un lien avec leur maison. Faites-vous cela? Envisagez-vous de le faire? Je sais que des Premières Nations le font un peu partout au pays, et elles réussissent très bien. J'aimerais entendre parler de votre expérience à cet égard en Saskatchewan.

M. Bellegarde : Nous aimerions imiter ces collectivités qui réussissent très bien avec ce modèle, car c'est un défi. Dans chaque réserve, certaines personnes font affaire avec la SCHL. C'est un programme. Il y a les maisons d'AADNC et il y a les maisons de la SCHL.

La sénatrice Raine : Où sont les foyers?

M. Bellegarde : Exactement. Où s'inscrit la propriété résidentielle dans tout cela? Les chefs et les conseils, les bandes, sont propriétaires des maisons d'AADNC. Mais s'il n'y a pas de politique en matière de logement ou de comité sur le logement en place, ou si la capacité nécessaire n'existe pas, comment ces personnes peuvent-elles considérer que c'est leur maison, au lieu de penser que leur maison appartient à la bande? Faire en sorte que chacun se sente chez soi est un défi qui se présente dans chaque réserve. Il s'agit donc de faire évoluer les collectivités pour que les peuples des Premières Nations considèrent qu'il s'agit de leur maison plutôt qu'une unité de logement. C'est une question de mentalité.

Encore une fois, les 600 différentes Premières Nations sont à des niveaux différents. Les modèles dont vous avez parlé devraient et pourraient être imités. Cela revient à la question de la société de logement.

Je peux seulement parler de ma propre expérience chez moi, à Little Black Bear, où j'étais chef. C'est très difficile. Nous devions relever de nombreux défis, car nous n'avions pas de société de logement. Nous avions un mélange de maisons d'AADNC et de maisons de la SCHL. Mais on dirait que les maisons de la SCHL encouragent les gens à continuer de profiter de l'aide sociale, car c'est une subvention au logement.

Merv a parlé de la différence en matière de logement entre l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Ce sont les seules provinces qui ont ce genre de choses. Il faudrait à nouveau aborder la question pour les autres provinces. Il faut commencer à examiner les maisons d'AADNC maintenant, et les gens qui y vivent. Pourquoi la subvention ne peut-elle pas s'appliquer dans ce cas? Parce que nous ne pouvons pas effectuer les rénovations nécessaires à temps. Nous ne recevons pas suffisamment de financement d'AADNC pour les rénovations. Nous ne pouvons pas combler les besoins en logement assez rapidement, et il faut trouver des façons et des moyens différents de maîtriser la situation.

Je sais que je me plains, mais c'est un gros problème. J'invoquerais encore le sixième rang comparativement au 63e rang. Nous devons combler cet écart.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Le sénateur Watt n'est pas avec nous aujourd'hui, mais la semaine dernière, il a posé une question à laquelle personne n'a pu répondre. Il se demandait qui était titulaire de la police d'assurance des maisons dans les réserves, en ce qui a trait aux incendies, aux poursuites judiciaires, aux détecteurs de fumée et au respect du code. Le savez-vous?

M. Bellegarde : Voulez-vous tenter de répondre?

M. McKay : Les Premières Nations avec lesquelles j'ai fait affaire utilisent un ensemble de polices d'assurance pour couvrir tous ces éléments. Elles font affaire avec le courtier d'assurance qui leur offre le meilleur prix.

La sénatrice Beyak : Et c'est le conseil de bande?

M. Bellegarde : Les chefs et les conseils.

M. McKay : Les chefs et les conseils, oui.

Le sénateur Meredith : La plupart de mes questions ont déjà reçu une réponse, mais j'aimerais revenir à un point que vous avez soulevé, monsieur Buckle, relativement à un nouveau mécanisme de financement. Vous en avez parlé dans votre exposé. Nous savons qu'AADNC et la SCHL financent des logements dans la réserve. À votre avis, dans quelle mesure ces deux programmes fonctionnent-ils? Pourriez-vous nous parler davantage de la nouvelle formule ou du nouveau mécanisme de financement que vous envisagez, et nous donner un aperçu du nouveau programme de financement? Nous avons entendu plusieurs témoins, et nous tentons de rédiger notre rapport en tenant compte de tous les éléments et de tous les renseignements qui nous ont été fournis, des choses qui fonctionnent bien et de celles qui ne fonctionnent pas, et des nouveaux outils qui pourraient contribuer à combler l'énorme manque à gagner qui sévit dans ces collectivités des Premières Nations. C'est décourageant.

Monsieur McKay, lorsque vous parlez des égouts bouchés, du manque d'infrastructure et de codes appropriés, et cetera, c'est assez décourageant. Mais nous voulons produire un rapport concis. Nous parlons aux gouvernements et aux fonctionnaires — c'est-à-dire à ceux qui font l'objet de votre lobbying continuel — pour veiller à obtenir les bons renseignements. Monsieur Buckle, veuillez m'en dire plus à ce sujet.

M. Buckle : Je ne suis pas un expert en matière de logement. Kevin McLeod, qui a travaillé avec la fédération, a une vaste expérience dans l'exécution d'un programme de logement dans une autre Première Nation, c'est-à-dire La Ronge, où on offre l'accession à la propriété et différentes options. Lorsque nous avions notre groupe de travail technique avec Joe et l'un de ses employés, ainsi que Kevin, Kevin nous a avertis que cela ne serait pas facile, car nous devions nous battre, en quelque sorte, contre deux éléphants, c'est-à-dire AADNC et la SCHL, et nous devions leur présenter un modèle qu'ils n'avaient probablement pas envisagé.

J'ai travaillé dans la fonction publique pendant plusieurs années. Lorsque vous sortez votre livre de règlement, quelqu'un arrive et vous dit qu'il va seulement arracher les pages 6 et 8 et les réécrire. C'est très déstabilisant pour un grand nombre de personnes.

Nous voulons discuter d'une approche conceptuelle avec les chefs. S'ils nous donnent une approbation de principe pour que nous utilisions davantage cette approche, nous organiserons des discussions avec les agents de financement de la SCHL et d'AADNC : « Ce modèle conceptuel peut-il fonctionner? Pouvez-vous modifier vos pratiques actuelles? Il ne s'agit pas d'un changement en profondeur, il faut juste modifier votre façon de procéder. Pouvez-vous vous adapter à cette nouvelle approche »?

Cela revient à ce que disait le chef Bellegarde, c'est-à-dire qu'il faut s'asseoir et discuter. Par exemple, nous pouvons leur dire : « Nous avons eu cette idée. À votre avis, peut-elle être concrétisée? Nous pensons que c'est possible. Les chefs ont dit que nous devrions vous rencontrer et travailler un peu avec vous et ensuite leur communiquer les résultats. »

Nous n'avons pas de baguette magique qui nous permet de savoir si l'initiative sera un succès. Nous n'avons pas terminé les modèles; nous les avons seulement ébauchés. Nous devrons établir les coûts, les rôles et les responsabilités, et nous devons tenter d'aborder certains mécanismes qui pourraient requérir la participation de Santé Canada, et qui exigeront celle de la SCHL et d'AADNC.

Cela ne sera pas facile. Notre document sera remis aux chefs. C'est comme si nous leur disions : « Voici certaines idées innovatrices en matière de logement. Êtes-vous prêts à permettre à Joe et à certains de ses employés de faire cela et de parler aux agences? »

Nous pensons qu'ils pourront faire preuve de souplesse, étant donné ce qui se passe dans votre comité et qu'on se rend compte que la question du logement présente des défis. J'aime l'expression « projet de démonstration », car je dis toujours qu'il dure cinq ans de plus qu'un projet pilote, mais qu'il nous donne la chance de prouver qu'il fonctionne.

Dans une certaine région de la Saskatchewan, j'ai travaillé avec un directeur général qui venait d'ici. Il m'a dit que les gens devaient reconnaître que toutes les personnes intelligentes ne se trouvaient pas nécessairement à l'est du Manitoba. Je n'ai jamais oublié cette déclaration.

Le sénateur Meredith : Monsieur Bellegarde, avez-vous des commentaires à cet égard?

M. Bellegarde : Sénateur, c'est une bonne question. Il s'agit de l'accessibilité au logement, mais je crois qu'il faut un financement à long terme pour pouvoir créer un levier financier. Nous ne pouvons pas créer un levier financier dans le cadre d'une entente de financement d'un an ou même de cinq ans. On recommande d'envisager des arrangements de financement de 10, 15 et 25 ans, afin d'être en mesure de créer ces leviers. Tout tourne autour du levier financier. C'est une partie du casse-tête. Je pense au fonds de logement de John Beaucage. Je ne sais pas s'il vous l'a présenté ou non, mais il existe un fonds de 350 millions de dollars pour renforcer la capacité. Encore une fois, il faut y avoir accès, soutenir ces choses et les développer. Et il s'agit seulement du volet financier.

Encore une fois, pour revenir au plafond de 2 p. 100, je me souviens lorsque M. Buckle était à Affaires indiennes et que nous avions des ententes en matière d'immobilisation chaque année financière. Vous avez 16 réserves. Vous avez 25 maisons. Comment allons-nous les distribuer? Il y a une certaine somme d'argent. Je me souviens du dialogue et des débats parmi les chefs. Les grandes bandes obtiendraient un peu plus. Toutefois, nous devions donner une maison à Nekaneet, la petite réserve près de Maple Creek, en Saskatchewan. Les grandes bandes, les grands chefs, le permettaient. Richard Poorman faisait toujours cela. Les chefs devaient travailler ensemble. Il faut s'éloigner de ce modèle qui est en place depuis près de 20 ans. C'est mon message.

Le président : J'aimerais vous confirmer que nous avons entendu M. Beaucage du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations et aussi du Conseil de gestion financière des Premières nations, et je vous remercie de cette référence.

Messieurs, nous avons abordé un très grand nombre de sujets aujourd'hui. La discussion a été très utile. Nous avons eu la chance de parler du Rassemblement entre la Couronne et les Premières Nations, du logement en tant que droit de la personne et de droit issu de traités, nous avons reçu un cours de trois minutes sur les fondements de la gouvernance et de la structure des Premières Nations, nous avons eu l'occasion de discuter des défis posés par les transactions avec le gouvernement fédéral, des inégalités, des défis liés à l'entretien, et de la construction, et nous avons pu entendre des recommandations concrètes visant une réforme. J'aimerais vous remercier chaleureusement de la réflexion et des efforts que vous avez offerts et de l'excellente conversation que nous avons eue malgré certaines formalités liées à la structure de notre comité.

Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

Avant de lever la séance, chers collègues, j'aimerais dire deux choses. Lors de notre dernière réunion, nos délibérations n'ont pas été télévisées, car il y avait trois autres réunions de comité en cours. J'ai fait une mauvaise blague, et j'ai parlé de façon très irréfléchie, car j'ai dit que les autres comités étaient peut-être plus importants que le nôtre.

J'aimerais préciser que je ne considère aucun autre comité comme étant plus important que le nôtre. Notre travail est extrêmement important. Les défis considérables dont nous avons entendu parler aujourd'hui nous l'ont prouvé. Je regrette ma tentative maladroite de faire une blague sur un sujet aussi sérieux.

Enfin, chers collègues, comme l'a souligné le chef Bellegarde, on nous a informés, hier, qu'un important projet de loi sur l'éducation des Premières Nations serait présenté demain matin au Parlement.

Le chef nous prie d'en prendre connaissance le plus vite possible, et je veux donc annoncer à mes collègues membres du comité que même si je suis conscient qu'il s'agit d'un cours préavis, nous avons tous été invités — c'est-à-dire tous les sénateurs et leur personnel — à une séance d'information demain, jeudi, à midi, pour obtenir des renseignements sur ce sujet très important, car notre comité l'a étudié et il est bien sûr lié à la question du logement et de l'infrastructure sur laquelle nous nous penchons en ce moment. Tous les sénateurs et leur personnel sont donc invités à cette séance d'information demain, à midi. J'espère que nous serons nombreux à pouvoir y assister malgré le court préavis. La séance d'information se tiendra dans la pièce 180 au 1, rue Wellington. C'est l'édifice voisin du Château Laurier. Je voulais m'assurer que vous étiez tous au courant.

(La séance est levée.)


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